Indonésie
Entre défis internes et positionnement international
Indonesia - Between internal challenges and international positioning
p. 230-261
Résumé
At the end of 2021, the Covid-19 pandemic continues to affect many sectors in Indonesia. An economic recovery has however begun, expanding rapidly in the digital field. At the same time, observers report a general deterioration of democracy in the country, with an increasing centralisation of executive power in the hands of the president. The two provinces of Papua have often been in the spotlight, be it with respect to the jurisdiction concerning the renewed statute of autonomy or the violent conflict opposing the government and independence movements. 2021 was also marked by the government’s growing awareness of environmental problems, despite significant internal contradictions. Finally, the country seeks to strengthen its diplomatic influence in the field of international relations, be it in the Indo-Pacific region or within the ASEAN and finally the G20 Presidency.
Entrées d’index
Mots-clés : Covid-19, Reprise économique, Papouasie, Régression démocratique, Influence diplomatique, Indonésie
Keywords : Covid-19, Economic recovery, Papua, Democratic regression, Diplomatic influence, Indonesia
Texte intégral
1Dans le prolongement de l’année 2020, la pandémie de Covid-19 continue, encore fin 2021, à affecter de nombreux secteurs en Indonésie. La vague liée à l’expansion du variant Delta en milieu d’année a mis le pays au centre de la pandémie mondiale. Une reprise économique s’est cependant amorcée. Parallèlement, les observateurs ont régulièrement fait état d’une dégradation générale de la démocratie dans le pays. La pandémie semble avoir élargi le pouvoir exécutif, de plus en plus centralisé entre les mains du président, qui l’impose de façon plus ou moins coercitive afin de stabiliser la situation politique et économique. Par ailleurs, les deux provinces de Papouasie ont souvent été au cœur de l’actualité, qu’il s’agisse de la juridiction concernant le statut d’autonomie renouvelé, la violence du conflit opposant le gouvernement aux mouvements indépendantistes, ou la tenue de la xxe édition des Jeux sportifs nationaux (Pekan Olahraga Nasional). Autre élément important, certaines problématiques ont trouvé une expression renforcée dans le domaine numérique : droits de l’homme et libertés, activités économiques, régression démocratique, éducation, sécurité, inégalités latentes ou nouvelles. 2021 aura aussi été l’année de la prise de conscience par le gouvernement des problèmes environnementaux, alors que l’Indonésie a dû se positionner par rapport aux objectifs de la COP26, malgré d’importantes contradictions internes mises en évidence par les groupes de protection de l’environnement. Le pays semble enfin vouloir s’affirmer dans le domaine des relations internationales, que ce soit dans l’espace indopacifique comme au sein de l’ASEAN et finalement en prenant la présidence du G20.
Covid-19 : une deuxième année éprouvante
Nouvelle vague, nouvelles restrictions
2Alors que le pays semblait plutôt bien s’en sortir jusque-là, l’Indonésie a connu une vague avec un pic important en milieu d’année allant jusqu’à 56 757 nouveaux cas (record le 15 juillet) et 2 069 décès enregistrés (27 juillet), ainsi que 502 personnels de santé décédés rien que sur le mois de juillet. Plus de 2 600 personnes sont décédées chez elles alors qu’elles étaient en quarantaine à domicile. Les conséquences ont été dramatiques à travers le pays, à commencer par le manque de place dans les hôpitaux qui a nécessité l’installation de tentes sur les parkings, où les patients ne pouvaient être isolés. Dans les régions les plus touchées, majoritairement les villes de Java, l’oxygène est venu à manquer, provoquant une hausse de son prix jusqu’à 600 %. Une solidarité interrégionale a permis de faire parvenir du matériel, secondée par de grandes entreprises d’État comme Krakatau Steel (aciérie) et Pupuk Kujang (engrais), ainsi que la marine indonésienne qui a mis à disposition plusieurs navires pour l’acheminement du matériel et de l’oxygène. En parallèle, des mécanismes de solidarité citoyenne ont vu le jour : cuisines publiques préparant des repas gratuits à destination des personnels soignants et des malades à l’isolement à domicile, ou encore transport des corps des personnes décédées en dehors du système hospitalier.
3Pour limiter la propagation du virus, le gouvernement central a imposé une restriction des activités sociales (Pemberlakuan Pembatasan Kegiatan Masyarakat, PPKM). Au départ appliqué par province puis par district selon le nombre de cas de contamination, le système s’est ensuite transformé en système d’urgence à partir du 3 juillet sur les îles de Java et Bali, puis étendu à d’autres régions à partir du 12 juillet. Jusqu’au 20 juillet, tout déplacement au départ ou à destination de Java et Bali a été prohibé, les lieux de cultes et de loisirs fermés, le travail et l’enseignement effectués à distance et une surveillance militaire et policière mise en place. Le 20 juillet, le système est devenu scalaire (quatre niveaux), classant les zones en fonction de la circulation plus ou moins élevée du virus, avec une actualisation hebdomadaire. Ce n’est qu’en date du 2 novembre que la capitale Jakarta a enfin été catégorisée au niveau le plus bas, avant de remonter au niveau 2 le 4 janvier 2022. Les restrictions concernent aussi l’annulation des congés de fin de ramadan et du pèlerinage annuel à La Mecque pour la deuxième année consécutive. Le détournement de l’abréviation PPKM en « Pelan-pelan kita mati », (« Nous mourrons à petit feu ») début juillet par les vendeurs de rue à Bandung illustre l’impact de ces mesures sur la situation économique de nombreux foyers et entreprises.
Vaccination en marche et réouverture des écoles
4La campagne de vaccination, inaugurée en janvier par le président Joko Widodo dit « Jokowi », a été accélérée en milieu d’année, le gouvernement faisant de celle-ci sa priorité pour enrayer la diffusion du virus. Au 22 décembre 2021, 40 % de la population était officiellement vaccinée totalement, au fil de la production et des arrivées des différents vaccins : de façon massive le vaccin chinois Sinovac et sa version produite localement Coronavac, puis les vaccins reçus dans le cadre du dispositif global COVAX (Moderna, Astra-Zeneca et Pfizer). En parallèle, les prix des tests PCR et antigénique ont été réduits, passant d’un million de roupies (70 $ US) en janvier à 250 000 Rp (17,5 $ US) en octobre pour le PCR. Cependant, de nombreuses critiques ont ciblé la gestion de la pandémie en Indonésie : rôle prépondérant accordé aux militaires et à la police sans preuve d’efficacité accrue ; échec du gouvernement à garantir l’accès à la vaccination pour les groupes les plus vulnérables (des célébrités et des membres du parlement ont été vaccinés avant les groupes prioritaires) ; punitions disproportionnées en cas de refus de vaccination (interdiction d’accès aux services administratifs, suspension des aides sociales qui constituent pourtant des droits des citoyens) ; politisation des aides sociales ; échec de la protection des données des citoyens, volées ou vendues à plusieurs reprises. Le ministre coordinateur des Affaires maritime et de l’Investissement, Luhut Bansar Pandjaitan, ainsi que le ministre des Entreprises d’État, Erick Thohir, qui sont par ailleurs des hommes d’affaires à la tête de grands groupes comme Toba Sejahtra (extraction minière et charbon), ou Mahaka (média et divertissements), ont été accusés de collusion en tant qu’actionnaires de la société qui commercialise des tests PCR dans tout le pays1.
5La situation épidémiologique s’est finalement apaisée à la fin du mois d’août et les écoles ont rouvert de façon progressive (allant de quelques heures à quelques demi-journées par classe et par semaine). Pendant un an et demi, l’enseignement exclusivement en ligne aura mis en évidence d’importantes inégalités liées à l’infrastructure (réseau internet accessible à 65 % des élèves seulement), au manque de moyens en général et de matériel en particulier (seuls 6 % des élèves de primaires disposeraient d’un ordinateur), ainsi qu’à l’illittératie numérique des enseignants, des élèves et des familles. Alors que le taux de déscolarisation a sensiblement augmenté (jusqu’à dix fois plus d’enfants concernés, comparé à 2019) et que de nombreux élèves accumulent des retards allant de 0,9 à 1,2 année de scolarité2 dans les enseignements dispensés à distance, les enfants ont dû également faire face à des conséquences indirectes : pauvreté, problèmes de santé physique (accès aux soins, vaccination) et mentale, insécurité alimentaire accrue causant des retards de croissance, violence domestique, mariages d’enfants (pour lesquels les demandes d’exception ont presque triplé entre 2019 et 2020)3.
Faire face à la pauvreté
6Un rapport portant sur l’impact de la pandémie de Covid-19 en Indonésie4 montre que de nombreux foyers qui appartenaient aux classes moyennes sont devenus pauvres ou en passe de le devenir, ce qui constitue un défi à l’objectif du gouvernement d’éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2024. Avec 2,76 millions de pauvres en plus, le taux de pauvreté a atteint 10,2 % en septembre 2020, le plus haut niveau depuis 2017. La progression de la pauvreté reste néanmoins identique à sa répartition traditionnelle à travers l’archipel, et les provinces les plus touchées sont les plus éloignées de Java, telles que la Papouasie (26,9 %), la Papouasie Occidentale (21,8 %) et les Petites Îles de la Sonde Orientale (NTT, 21 %)5. 74,3 % des foyers avaient connu une réduction de revenus en 2020 et près d’1,8 million de personnes ont perdu leur emploi entre février 2020 et 2021. Le taux officiel de chômage, qui avait atteint 7,1 % en août 2020 (9,77 millions de personnes) est redescendu à 6,5 % en août 2021. Il faut en outre prendre en considération la part importante des personnes travaillant dans le secteur informel, estimée à plus de 88 % dans le domaine agricole et près de 48 % dans les autres domaines6. 85 % des foyers auraient touché des aides du gouvernement, mais un tiers des foyers les plus pauvres n’avait rien perçu début 2021, alors que 40 % des foyers possédant une micro-entreprise ne savaient pas qu’ils avaient droit à des aides. L’étude montre également que 51,5 % des foyers n’ont pas d’économies leur permettant de survivre, ce qui en a poussé plus d’un quart à emprunter ou à mettre leurs biens en gage. Le rapport ne mentionne pas le recours aux emprunts en ligne informels (pinjaman online, abrégé pinjol), avec des conséquences parfois désastreuses (paupérisation, harcèlement, menaces, extorsions, etc.). L’autorité des services financiers (OJK) a fermé cette année près de 600 plateformes de services de prêts en ligne sans licence.
Des mesures pour accompagner la reprise économique
72020 avait été marquée par la récession en Indonésie. 2021 a vu s’opérer une reprise économique graduelle, notamment en début d’année, qui a été freinée par une nouvelle vague pandémique en juillet. Le 1er juillet, la Banque Mondiale rétrogradait l’Indonésie de pays à revenu intermédiaire supérieur (rang gagné en 2020) à pays à revenu intermédiaire inférieur. La croissance estimée pour l’Indonésie a été revue à la baisse, de 4,3 % annoncés en avril à 3,2 %. En revanche, avec un taux de 5,9 % prévu pour 2022 (contre 5 % en 2019), les perspectives pour le futur s’annoncent meilleures7. Malgré de nombreux défis à relever, l’Indonésie reste la première économie de l’Asie du Sud-Est et de l’ASEAN. Dans ce contexte, les investissements directs étrangers (IDE) s’élevaient à 15,65 milliards $ US pour les deux premiers trimestres 2021. Les principaux secteurs bénéficiaires sont l’industrie (52,9 %), les services (34,5 %), et l’extraction minière (9,31 %), avec 47 % des projets localisés sur l’île de Java. Singapour reste le pays qui a investi le plus en Indonésie (environ 30 % des IDE, soit 4,7 milliards $ US), suivi par Hong Kong (2,3 milliards $ US) qui dépasse la Chine (1,7 milliard $ US) et les Pays-Bas (1,3 milliard $ US)8.
Soutien aux PME
8Mi-octobre, Jokowi demandait la fermeture de sept entreprises d’État dysfonctionnelles, entendant ainsi mettre fin aux dépenses inutiles. Les entreprises publiques, qui contribuaient à hauteur de 16 % du PIB en 2019, font face à des problèmes de gestion et de corruption ainsi qu’à des politiques gouvernementales inadaptées (attribution de projets par le gouvernement sans vérification des capacités financières et de levier de l’entreprise, causant un endettement croissant), processus que la pandémie a accéléré9. Mais l’impact de la pandémie a surtout été durement ressenti par les PME indonésiennes, moteur de l’économie du pays. Début 2021, plus de 87,5 % d’entre elles avaient été affectées et 50 % étaient sur le point de fermer10. En 2021, le gouvernement a adopté plusieurs mesures fiscales pour soutenir les PME : incitations financières de la part du comité de Rétablissement de l’économie nationale, aides au capital initial, programme de soutien à la numérisation des PME et accès à des capitaux à travers un programme de microcrédits. En 2021, le pack de réponses fiscales pour les entreprises à la pandémie représentait 4,5 % du PIB (contre 3,8 % en 2020), alors que les aides sociales se trouvaient diminuées de 0,3 %.
Le tourisme sinistré, l’économie numérique en pleine expansion
9Avec 16,1 millions de visiteurs, le tourisme représentait 5,5 % du PIB en 201911. En 2020, le secteur a perdu 213 000 milliards Rp (14,9 milliards $ US), mettant en danger 3,4 millions d’emplois (2,6 % de la perte nationale d’emploi), notamment des femmes, des jeunes et des travailleurs peu scolarisés12. Avec 6 millions de visiteurs étrangers en 2019, la province de Bali, dont 60 % du PIB dépendait du tourisme, est restée fermée au tourisme international depuis que l’Indonésie a fermé ses frontières le 2 avril 2020. L’économie s’y est contractée à hauteur de 9,3 %. 105 000 Balinais ont perdu leur emploi, un chiffre très probablement bien plus élevé si l’on considère le secteur informel. Pour parer à cette situation, le gouvernement a encouragé le tourisme domestique et a incité à travailler en ligne depuis Bali dès décembre 2020, où un redressement de 2,8 % de l’économie était déjà observable au deuxième trimestre 2021. La destination n’a finalement été rouverte au tourisme international que le 14 octobre 2021 (pour les ressortissants de quelques États sélectionnés et en maintenant une septaine d’isolement dans les lieux désignés par le gouvernement) après que plus de 84 % de la population locale a été complètement vaccinée.
10L’économie numérique indonésienne est, quant à elle, toujours en pleine expansion et devrait représenter 125 millions $ US en 2025 (soit 40 % des revenus de l’ASEAN). En 2021 la valeur brute de marchandise (GMV) de l’économie numérique du pays est estimée à 70 millions $ US13. L’industrie technologique s’est ainsi imposée comme force motrice de la bourse indonésienne cette année, et le sous-index IDXTECHNO a connu une croissance de 696,6 % entre le 30 novembre 2020 et le 20 novembre 202114. L’Indonésie compte à ce jour 2 229 start-up, sept licornes et une décacorne15, GoJek. Cette dernière a fusionné le 17 mai avec la licorne Tokopedia, devenant ainsi GoTo, la start-up indonésienne la plus cotée, estimée à 18 milliards $ US. Le groupe propose du e-commerce, des services à la demande et des services financiers en Indonésie, en Thaïlande, à Singapour et au Vietnam. Alors que les services en ligne concernant les voyages ont connu une contraction de 68 %16, le secteur de l’e-commerce a connu une augmentation de 54 % en 2020 (passant de 21 milliards $ US en 2019 à 32 milliards $ US en 2020). Le commerce des PME a représenté à lui seul 140 millions de transactions en ligne en 2020 (contre 80 millions en 2019). Les secteurs de la finance numérique, de la santé et de l’éducation sont en pleine expansion. Les technologies de l’éducation ont connu une augmentation de 55 % en 2020, et les start-up comme Zenius et Ruang Guru (proposant du soutien scolaire, des accès gratuits aux matières enseignées et des cours en ligne) sont devenues un secteur d’investissement privilégié et pourraient devenir les prochaines licornes du pays17. Parallèlement la bourse indonésienne encourage activement les start-up à entrer en Bourse, afin notamment d’attirer les investisseurs étrangers. La licorne Bukalapak a été introduite en juillet, GoTo, Traveloka et Tiket.com sont attendues début 2022. Enfin, le gouvernement a inauguré en décembre le fonds Merah Putih (Rouge et Blanc, aux couleurs du drapeau indonésien) pour soutenir les start-up du pays. En revanche, les observateurs mettent en évidence l’existence de sérieux problèmes en ce qui concerne la qualité de l’écosystème de l’économie numérique indonésienne, notamment en termes de sécurité. Différentes administrations (sécurité sociale, applications de traçage de la Covid-19, commission de protection de l’enfance, agence nationale de cybersécurité et police nationale) ont été la cible d’attaques et des millions de données ont été rendues publiques ou mises en vente sur Internet en 2021. Une loi sur la protection des données est à l’étude et figure sur la liste des efforts législatifs prioritaires pour 2022.
Démocratie et Papouasie : une année en berne
Concentration des pouvoirs
11Au gré des mesures restrictives liées à la pandémie de Covid-19, a été observé au long de l’année 2021 une érosion démocratique18.
12Depuis le ralliement du Parti du Mandat national (PAN) à la coalition au pouvoir en août, il ne reste que deux partis dans l’opposition, le PD et le Parti de la Justice et de la Prospérité (PKS). La concentration des pouvoirs aux mains de l’exécutif a été accentuée par la nomination à plusieurs positions stratégiques de personnages loyalistes, comme le général de police Listyo Sigit Prabowo (ancien aide de camp de Jokowi en 2014-2016) à la tête de la Police Nationale, le général Andika Perkasa (chef de la sécurité présidentielle en 2014-2016 (voir son portrait) comme commandant en chef de l’armée (TNI) ou Arsjad Rasjid à la tête des Chambres de commerce et d’industrie d’Indonésie. Megawati Soekarnoputri (ex-présidente de la République et à la tête du Parti Démocratique indonésien de lutte-PDIP, parti de Jokowi) a été nommée à la présidence du Conseil d’orientation de l’Agence nationale de la recherche et l’innovation (BRIN ; voir Arrêt sur image). En parallèle, les demandes de révision de la loi sur les informations et transactions électroniques (UU ITE, 2008) s’intensifient, alors que son article 27 concernant la diffamation est de plus en plus utilisé pour criminaliser les critiques concernant le gouvernement sur les médias sociaux (59 cas enregistrés par Amnesty International entre janvier et octobre 2021). L’Institut de recherche, d’enseignement et d’information sur les affaires économiques et sociales (LP3ES) alerte également sur la mise en place de « cyber troops » dans plusieurs domaines de la vie citoyenne à des fins de propagande, pas nécessairement favorables au gouvernement, cherchant à influencer l’opinion publique sur des sujets spécifiques et à manipuler les conversations sur les médias sociaux19.
Papouasie : violence et révision de l’autonomie de la région
13La situation politique dans les deux provinces papoues20 reste préoccupante. La région connaît des revendications indépendantistes depuis qu’elle a été intégrée à l’Indonésie en 1963 à la suite du retrait des Néerlandais qui avaient conservé ce territoire après leur reconnaissance de l’indépendance de l’Indonésie en 1949. En 1969, un nombre limité de participants désignés par le gouvernement indonésien avait voté à l’unanimité le maintien dans l’Indonésie ; ce résultat, très contesté, est alors pourtant validé par l’Organisation des Nations Unies. Depuis, d’importantes lacunes en termes de développement se sont accumulées, même si l’administration Jokowi a contribué à l’amélioration des infrastructures depuis 2014. Les compagnies minières exploitent les richesses minérales de la région, souvent au détriment de l’environnement et de la population locale. Le déploiement des forces armées indonésiennes sur le terrain a abouti à des confrontations et des exactions violentes, au mépris des droits humains. En août 2019, une attaque visant des étudiants papous par des membres de groupes ultranationalistes à Java Est, avait déclenché une vague de manifestations en Papouasie, durement réprimées. Depuis, la Papouasie connaît une résurgence des actions de l’Armée de libération nationale de la Papouasie Occidentale (TPNPB), la branche armée de l’Organisation pour la libération de la Papouasie (OPM). Plus de 130 affrontements ont eu lieu en 2021, mais l’isolement des provinces (manque d’information et restrictions d’accès à la région, parfois renforcés par des coupures internet) rend difficile l’évaluation réelle des conflits21. Selon Amnesty International, 275 civils, 65 membres de l’armée indonésienne (TNI), 34 membres de la police indonésienne et 30 membres des groupes rebelles armés auraient été tués depuis 2010. L’organisation dénonce également le nombre de prisonniers politiques (13 en juillet), et le recours à l’accusation de trahison, de plus en plus fréquent dans les motifs d’arrestation et faisant encourir aux activistes et manifestants une peine de prison à perpétuité.
14Le 25 avril, le général de brigade de l’armée indonésienne et chef des services de renseignement de la province de Papouasie, I Gusti Putu Danny Karya Nugraha, était tué dans une embuscade, ce qui a valu aux groupes armés papous d’être classés par le pouvoir central comme « organisations terroristes ». La loi de 2018 contre le terrorisme donnant des pouvoirs accrus aux autorités, cette classification fait légitimement craindre une recrudescence de la violence. Elle ouvre la voie à l’augmentation du personnel militaire présent en Papouasie (il y avait déjà en moyenne un militaire pour 211 habitants en 2020, soit deux fois plus que dans le reste de l’Indonésie), aux arrestations, préventives et selon des critères qui pourraient potentiellement concerner les membres de mouvements pro-indépendance non-violents22. La nomination, en novembre, du général Andika Perkasa au poste de commandant en chef de l’armée a soulevé des protestations de la part des organisations de défense des droits de l’homme, notamment du fait des soupçons portant sur son implication dans l’assassinat de l’activiste papou Theys Hiyo Eluay en 2001. Le général a promis d’adopter une approche plus pacifique du conflit en Papouasie.
15Par ailleurs, les deux provinces papoues jouissent d’un statut d’autonomie spéciale (Otonomi khusus – Otsus) depuis 2001, qui a été révisé dans un sens restrictif en juillet, ce qui a provoqué des manifestations de protestation, organisées dans plusieurs villes de Papouasie et à Jakarta, durement réprimées23. Les détracteurs relèvent l’absence de délibération et de consultations des institutions locales et des groupes de la société civile dans le processus même d’élaboration de la nouvelle mouture de la loi. Présentée par certains comme offrant des opportunités de progrès et de prospérité pour les Papous, elle a été dénoncée par d’autres comme une tentative par le gouvernement central d’imposer une « démocratie guidée » en Papouasie, notamment au vu de la mise en place d’une agence de coordination et d’évaluation de l’autonomie spéciale, dirigée par le vice-président24. Dans cette version révisée, les fonds spéciaux octroyés dans le cadre de l’autonomie ont été modestement augmentés (passant de 2 % à 2,25 % du fonds d’affectation générale (DAU) aux régions25). Par ailleurs, un quart des membres des institutions représentatives au niveau provincial et des districts seront nommés et devront être d’origine ethnique papoue (dont 30 % de femmes), alors que les autres seront élus par voie de vote. Or, les procédures de nominations ne sont pas encore clairement explicitées, faisant craindre une recrudescence de conflits horizontaux, compte tenu de l’hétérogénéité sociale et ethnique des deux provinces. Les membres de ces institutions ne pourront en outre être issus de partis politiques, ce que les opposants identifient comme l’impossibilité de former des partis locaux, au contraire de ce que permettait la version précédente de la loi. Enfin, la loi sur l’autonomie semble vouloir dépolitiser la situation, sans s’attaquer aux racines des problèmes essentiels, comme le développement et les violations des droits de l’homme, la marginalisation et l’histoire politique26. C’est peut-être aussi cette fonction de dépolitisation qu’a eu les Jeux sportifs nationaux (Pekan Olahraga Nasional) en octobre tenus pour la première fois en Papouasie, presque à huis clos (pour cause de pandémie) et sous haute surveillance (plus de 6 000 policiers et militaires ont été mobilisés, pour 7 000 athlètes). Les infrastructures flambant neuves et les Jeux eux-mêmes ont pu, un instant, presque faire oublier le contexte complexe et tendu de leur mise en place… ou au contraire rappeler les efforts constants d’indonésianisation des provinces papoues par le biais ambigu de l’économie, des infrastructures et des forces de sécurité27.
Mobilisation pour l’environnement et les droits de l’homme
Entre économie et environnement : l’Indonésie balance
16Avec le choc de la pandémie, les derniers rapports du GIEC et le sentiment d’urgence qui s’est emparé de la communauté internationale, 2021 a été une année de prise de conscience des problématiques environnementales et du changement climatique de la part du gouvernement et de la société civile indonésiens28. À l’approche de la COP26, le gouvernement a rédigé sa déclaration d’intention comme lors des précédents exercices, proposant un engagement différencié en fonction des financements que les pays développés seront en mesure de lui accorder, soit 29 % ou 41 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport au scénario « business as usual ». Dans le meilleur des scénarios incluant des financements extérieurs à hauteur de 6 milliards $ US par an, les émissions indonésiennes progresseront encore de 44 % d’ici 2030. L’Indonésie vise la neutralité carbone en 2060, en mettant à profit ses forêts, ses tourbières et ses mangroves29 comme puits de carbone. Mais la place du charbon dans le mix énergétique devrait rester importante jusqu’en 2050 et les destructions de forêts perpétrées par le lobby de l’huile de palme, dont le pays est le premier producteur mondial, ne ralentissent que peu. Le moratoire qui gelait l’ouverture de nouvelles exploitations et avait permis d’atteindre le taux le plus bas de déforestation depuis 20 ans en 2020 (115 000 hectares) n’a pas été reconduit cette année. Plus d’un cinquième de la surface totale des plantations de palmiers à huile (16,4 millions d’hectares) est illégal, situé en zone forestière30. Par ailleurs, le prix de l’huile de palme brute a atteint 1 289 $ US/tonne en octobre (soit une augmentation de 54,2 % par rapport à 2020)31. Jokowi ambitionne de positionner le pays en « bridge builder » et de proposer des solutions à la fois environnementales, économiques et sociales au réchauffement climatique et à la gestion des forêts, dans la vision paradoxale d’une gestion durable qui ne fasse pas obstacle au commerce32.
La « Tragédie » de 1965-1966 et la question des droits de l’homme toujours en suspens
17Le 17 octobre, deux articles parus dans The Guardian33 révélaient comment, en 1965-1966, des agents britanniques avaient mené une campagne de propagande, au nom de « patriotes indonésiens émigrés », incitant à l’élimination du parti communiste indonésien (PKI), l’une des principales forces politiques de l’époque, et encourageant le massacre de ses membres et sympathisants, dans l’objectif de contrer le communisme en Indonésie. Ces révélations, intervenant à la suite de la récente déclassification de documents du ministère des Affaires étrangères à Londres, ont réactualisé les pressions exercées sur Jokowi pour tenir les promesses de sa première campagne présidentielle en 2014. Il s’était engagé à traiter les dossiers des abus aux droits de l’homme, y compris la « tragédie de 1965 »34, alors que certains auteurs présumés de graves violations des droits de l’homme continuent de jouir de privilèges politiques et de positions publiques stratégiques. La Commission pour les personnes disparues et les victimes de violence (KontraS) estime en outre que les violations des droits de l’homme en Indonésie sont en augmentation depuis le début du second mandat de Jokowi, accompagnant la régression démocratique, particulièrement en Papouasie. Le rapport du Secrétaire général de l’ONU, publié en septembre, classe l’Indonésie parmi les 45 pays accusés d’intimidation et de représailles envers les défenseurs des droits de l’homme35.
Fin de partie pour la Commission d’éradication de la corruption ?
18Enfin, la révision de la loi sur la Commission d’éradication de la corruption (KPK), de fin 2019 avait placé l’institution sous l’autorité de l’exécutif, lui faisant perdre son indépendance. Les membres devaient acquérir le statut de fonctionnaires de l’État dans une période de deux ans. À cette fin, les quelque 1 300 employés de la KPK ont été soumis à un test de connaissances civiques en mars et avril. Or, 75 personnes ont échoué au test, dont 57 ont ainsi été licenciées, parmis lesquelles certains des meilleurs enquêteurs de la KPK. Ceux-ci ont déposé une plainte auprès de la Commission des droits de l’homme (KOMNAS HAM), qui a estimé que le test était discriminatif et reflétait de « mauvaises pratiques administratives » dans le but d’éliminer certains membres. Ceci est intervenu alors que la KPK faisait face à une campagne de décrédibilisation, des rumeurs circulant dans les médias sociaux accusant certains membres d’être des fondamentalistes musulmans et anti-Jokowi. Fin septembre, la police, connue pour sa rivalité avec la KPK, a proposé d’employer dans sa nouvelle unité anticorruption – avec le statut de fonctionnaire – le personnel licencié par la Commission, une proposition validée par Jokowi et acceptée par 44 personnes en décembre. Certains y voient une fin de partie pour la KPK à la légitimité déjà affaiblie alors que, dans son discours commémorant la journée internationale contre la corruption le 9 décembre, Jokowi faisait valoir que la prévention était plus fondamentale pour éradiquer la corruption que les arrestations spectaculaires, marque de fabrique de la KPK36.
Crises humanitaires, Indopacifique : l’Indonésie s’affirme sur la scène internationale
19L’indice de puissance des pays asiatiques, calculé par l’institut australien Lowy, indique qu’en 2021 l’Indonésie a dépassé Singapour et est devenue l’acteur le plus influent sur le plan diplomatique en Asie du Sud-Est37. Le président Jokowi y a consolidé sa position d’homme d’État de premier plan, malgré le fait qu’il ne se soit déplacé qu’une fois à l’étranger cette année (fin octobre) en raison de la pandémie38. La diplomatie économique reste dominante, et le pays a cherché très clairement à renforcer les partenariats commerciaux et les investissements, tout en évitant une sur-dépendance aux partenaires traditionnels que sont la Chine, les États-Unis et le Japon. En 2021, des accords de partenariat économiques globaux (CEPA) ont été amorcés avec les Émirats arabes unis, le Canada, le MERCOSUR, et l’Association européenne de libre-échange. La visite de Jokowi aux Émirats arabes unis a abouti quant à elle à des engagements d’investissements de 44,6 milliards $ US. À la COP26, le président de la République a exhorté les économies avancées à apporter les contributions nécessaires aux économies émergentes pour effectuer la « transition verte »39. C’est dans ce cadre qu’il a signé des contrats avec différents partenaires du Royaume-Uni à hauteur de 9,2 milliards $ US.
20La diplomatie sanitaire, identifiée comme une priorité au début de l’année par la ministre des Affaires étrangères Retno Marsudi, s’est consolidée en 2021 avec la lutte contre la pandémie de Covid-19. Le pays a bénéficié tout au long de l’année de dons de vaccins (considérés comme la nouvelle monnaie de la géopolitique), dans le cadre d’accords bilatéraux (Chine, Japon, Australie) ou du dispositif COVAX qui a couvert 21 % des doses reçues (en provenance entre autres des États-Unis, des Pays-Bas, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie)40. L’Indonésie a par ailleurs été nommée co-présidente du groupe d’engagement COVAX AMC en janvier. Des envois de matériel médical ont également été effectués au moment du pic de milieu d’année, en provenance de plusieurs pays voisins (Singapour, Australie, Inde, Japon).
Prises de position par rapport à la Birmanie et à l’Afghanistan : l’Indonésie se fait entendre
21Tout au long de l’année 2021, l’Indonésie s’est imposée sur plusieurs dossiers de crises, à commencer par le Myanmar, et malgré la position de certains de ses partenaires au sein de l’ASEAN. Le 24 avril, le général birman Min Aung Hlain effectuait son premier déplacement à l’étranger après le coup d’État du 1er février pour participer à la réunion de crise avec les dirigeants de l’ASEAN à l’initiative de Jokowi. En tant qu’hôte, ce dernier a fait preuve d’une inhabituelle fermeté pour appeler la junte à restaurer la démocratie, à cesser les violences contre les civils et à libérer les prisonniers politiques. À la fin de la réunion, l’ASEAN est parvenue à un consensus sur un plan en cinq points, envisagé comme une main tendue pour trouver une solution « en famille » à la crise birmane. Or, devant les progrès jugés insuffisants dans la mise en place du plan par la junte, c’est encore l’Indonésie, soutenue par les Philippines, la Malaisie et Singapour, qui a demandé que le Myanmar ne soit pas représenté au niveau politique au Sommet de l’ASEAN fin octobre, jusqu’à ce qu’elle rétablisse la démocratie par un processus inclusif. L’Indonésie continue par ailleurs à accueillir parfois à contrecœur des réfugiés Rohingya fuyant des violences opposant les forces militaires birmanes et les forces armées rohingya.
22Quant à l’Afghanistan, l’Indonésie a co-instigué une rencontre avec les Talibans (sans pour autant en reconnaître le régime) au sein de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) fin décembre. La ministre des Affaires étrangères les a appelés à tenir les promesses faites à la communauté internationale lors de leur prise de pouvoir en août, à savoir la création d’un gouvernement inclusif et le respect des droits humains, particulièrement les droits des femmes. L’Indonésie entend mettre à profit sa position de plus grande démocratie à majorité musulmane du monde pour convaincre Kaboul, aider le pays à recouvrer une stabilité interne et éviter que la situation ne se détériore dans le pays au bord de la famine, à travers l’organisation d’une aide humanitaire notamment.
Au cœur de l’Indopacifique
23L’alliance militaire tripartite entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis AUKUS, rendue publique le 15 septembre, vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indopacifique, notamment en mer de Chine méridionale, où une zone stratégique de 4 millions de km2 est revendiquée par Pékin à travers une forte présence militaire41. L’Indonésie, avec la Malaisie, ont exprimé leurs inquiétudes, craignant que l’alliance ne mette en danger la stabilité de la région et ne provoque une course à l’armement, alors que la zone est, depuis dix ans, le plus grand marché mondial en termes de croissance annuelle des importations d’armement42. Cette tendance doit néanmoins être relativisée, le matériel militaire des pays de la région étant en effet assez ancien43, comme en témoigne le naufrage du sous-marin de la marine indonésienne KRI Nanggala (31 ans) par plus de 800 m de fond en avril. L’Indonésie a d’ailleurs renforcé sa diplomatie militaire en général cette année, en concluant divers accords d’achat de matériel avec le Japon, l’Australie et la France. Les troupes indonésiennes vont également rejoindre régulièrement des entraînements sur le sol australien, alors qu’elles participent depuis 2009 à des exercices militaires conjoints avec l’armée américaine (programme Garuda Shield).
24L’AUKUS questionne directement la position de l’ASEAN – et de l’Indonésie – dans la définition d’un cadre de sécurité pour la région, inexistant à l’heure actuelle. Conscient de son importance stratégique du fait de sa situation au carrefour des projections indopacifiques (qu’elles soient anglosaxonnes ou françaises), le pays s’en tient jusqu’à présent à ses principes historiques de politique étrangère que sont la non-ingérence et le non-alignement, en ménageant de bonnes relations avec les différentes parties. La Chine reste ainsi le principal partenaire commercial de l’Indonésie, mais aussi le plus grand fournisseur de vaccins contre la Covid-19. En septembre, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense australiens en visite à Jakarta concluaient une série d’accords concernant la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ainsi que les questions de cybersécurité. En décembre, la venue à Jakarta de la délégation dirigée par le Secrétaire d’État des États-Unis Antony Blinken a entériné la volonté de resserrement des liens entre les deux pays, dans les domaines de la coopération militaire et économique, mais aussi dans les domaines de l’éducation, de la santé publique et du changement climatique44. Enfin, Jokowi a notamment fortement encouragé l’ASEAN à signer deux partenariats stratégiques globaux avec l’Australie et avec la Chine lors du Sommet de l’organisation45.
Conclusion : une année charnière pour s’engager et répondre aux défis globaux
25Ainsi, l’Indonésie entend-elle s’imposer sur la scène internationale en tant que force de proposition et moteur de collaboration face aux défis globaux. Devenue présidente du G20 au 1er décembre pour un an, elle devrait donner le ton dans la discussion des politiques de gestion de la pandémie et la relance économique, tout en affirmant vouloir lutter pour les intérêts et les aspirations des pays en développement afin de créer un « ordre mondial plus juste » et inclusif. Pour son mandat au G20, Jokowi a établi trois priorités : des soins de santé inclusifs en défendant notamment l’égalité d’accès aux vaccins pour tous les pays, la transformation numérique et la transition vers une énergie durable, en incitant les grandes puissances à s’engager concrètement pour la réalisation de ces objectifs. Incontournable au cœur de la problématique qui oppose les États-Unis et leurs alliés à la Chine autour de l’espace indopacifique, l’Indonésie parvient jusqu’à présent à conserver de bonnes relations avec toutes les parties mais devra sans doute s’engager plus avant, seule ou de concert avec l’ASEAN. Enfin, en 2022, le pays sera confronté à d’importants défis internes, dont la lutte contre la pauvreté et la gestion de l’impact de la pandémie dans l’éducation. Il en va de même en matière de démocratie et de droits de l’homme dont la régression, en filigrane depuis plusieurs années, menace la réputation et la légitimité du pays à l’international.
Annexe
Fiche Indonésie
Nom officiel : République d’Indonésie
Capitale : Jakarta
Superficie terrestre : 1 910 931 km²
Population (UNCTAD, est. 2020) : 273 524 000 hab.
Langue officielle : Bahasa Indonesia (indonésien)
Données politiques
Nature de l’État : république unitaire
Nature du régime : démocratie, régime présidentiel
Suffrage : universel (à partir de 17 ans)
Chef de l’État : président Joko Widodo (2014-2019 ; réélu octobre 2019)
Vice-président : Ma’ruf Amin (depuis octobre 2019)
Ministre des Affaires étrangères : Retno Lestari Priansari Marsudi (depuis octobre 2014)
Ministre de la Défense : Prabowo Subianto (depuis octobre 2019)
Président de l’Assemblée nationale (MPR-RI) : Bambang Soesatyo (depuis octobre 2019)
Échéances : élections législatives et présidentielles en 2024
Indicateurs démographiques et sociologiques
Principaux groupes ethniques (CIA-The World Factbook, est. 2010) : Javanais (40,1 %), Soundanais (15,5 %), Malais (3,7 %), Batak (3,6 %), Madourais (3 %), Betawi (2,9 %), Minangkabau (2,7 %), Bugis (2,7 %), Bantenois (2 %), Banjar (1,7 %), Balinais (1,7 %), Acehnais (1,4 %), Dayak (1,4 %), Sasak (1,3 %), Chinois (1,2 %), autres (15 %).
Religions (BPS, est. 2010) : musulmans (87,18 %), protestants (6,96 %), catholiques (2,91 %), hindous (1,69 %), bouddhistes (0,72 %), confucianistes (0,05 %), autres (0,05 %), non spécifiés (0,06 %).
Chronologie
JANVIER 2021
06 – Le président Jokowi signe un décret pour un plan d’action national de lutte contre l’extrémisme violent pouvant aboutir à des actes de terrorisme. Ce plan s’articule autour de la prévention, le maintien de l’ordre public et le partenariat, et prévoit la création d’un secrétariat conjoint dirigé par le BNPT (agence nationale de lutte contre le terrorisme) et la Police. Les tendances autoritaires et répressives du président sont évoquées par les médias et les activistes.
12 – Le Président Jokowi signe le décret 3/2021 qui régit les bases de la formation d’une force civile de réserve militaire. Cette mesure suscite des critiques sur la pertinence de constituer une réserve militaire ne répondant pas aux nouveaux défis militaires de notre époque, plus cyber que conventionnels et au risque de militarisation de la population.
FÉVRIER 2021
1er – Inauguration au palais présidentiel de la Banque Islamique publique Syariah Indonesia (Bank Syariah Indonesia). Cette banque est le résultat de la fusion des banques Syariah Mandiri, BNI Syariah et BRI Syariah.
05 – Les ministères de l’Éducation, des Affaires religieuses et de l’Intérieur publient un décret conjoint ordonnant de ne pas imposer d’uniformes ni le port de signes religieux dans les établissements scolaires publics. Certains membres du Conseil des Oulémas (MUI) s’opposent à ce décret.
09 – Le président Jokowi signe le décret n°14/2021 qui amende le décret 99/2020 sur l’achat de vaccins et la mise en œuvre de la campagne de vaccination. Désormais, l’achat des vaccins est du ressort du gouvernement et des sanctions administratives et pénales peuvent être prises à l’encontre des personnes qui refuseraient de se faire vacciner dans le cadre de cette situation d’urgence épidémique.
MARS 2021
05 – Le chef d’État-major, le général Moeldoko, est nommé président du parti démocrate au cours d’un congrès extraordinaire à huis clos, alors qu’il n’a jamais été membre de ladite formation politique. Cette nomination sera invalidée le 31 mars par le ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Le président Jokowi est suspecté d’avoir orchestré cette manœuvre. Cet événement questionne directement le fonctionnement des partis politiques à base personnelle, le comportement peu éthique des élites politiques et les intrusions dans le processus démocratique.
AVRIL 2021
28 – Amien Rais, ancien président de la Muhammadiyah, lance officiellement son nouveau parti politique : le Partai Ummat (parti de l’Oumma) dont il assurera la présidence du conseil suprême et qui sera dirigé par Ridho Rahmadi.
JUILLET 2021
09 – Le ministre de la Santé Budi Gunadi Sadikin annonce que tous les personnels soignants indonésiens déjà majoritairement vaccinés avec le vaccin Sinovac, recevront une troisième dose du vaccin du laboratoire américain Moderna. Cette mesure, qui concerne près de 1,5 million de soignants atteste du manque d’efficacité du vaccin Sinovac face aux variants du Covid-19, en particulier le variant Delta.
15 – L’ex-ministre de la Pêche Edhy Prabowo est condamné à cinq ans de prison et 758 000 $ US d’amende pour une affaire de corruption remontant à 2019 et 2020, pour avoir octroyé des droits d’exportation de homards (espèce protégée en Indonésie) contre de l’argent liquide.
AOÛT 2021
02 – Aux Jeux olympiques de Tokyo, Greysia Polii et Apriyani Rahayu remportent la médaille d’or en double féminin de badminton. C’est l’unique médaille d’or gagnée par l’Indonésie aux Jeux olympiques cette année.
03 – L’entreprise nationale de production d’électricité Perusahaan Listrik Negara (PLN) et Masdar (Émirats arabes unis) signent un accord de co-entreprise pour la construction du projet du plus grand champ photovoltaïque en Asie du Sud-Est à Cirata (Java Ouest). Le gouvernement indonésien dit vouloir produire 23 % de son énergie par des sources renouvelables d’ici 2025. Masdar annonce dans un communiqué que le financement du projet se fera par la Sumitomo Mitsui Banking Corp., la Société Générale et la Standard Chartered Bank.
05 – Wiratno, un haut fonctionnaire du ministère de l’Environnement, déclare à l’agence Reuters que le projet de parc de loisirs « Jurassic Park » dans le parc national de Komodo (île de Rinca, Petites Iles de la Sonde) est maintenu malgré les mises en garde de l’UNESCO. Rima Melani Bilaut du forum indonésien pour l’environnement, déclare que le projet va impacter négativement les populations et la faune locales, mais Wiratno soutient le contraire.
16 – Lors de son discours annuel au Parlement indonésien, le président Jokowi promet de continuer les politiques gouvernementales de dépenses en 2022 afin de renforcer la reprise économique. Le budget 2022 de 256 milliards $ US prévoit des programmes de protection sociale pour les plus défavorisés. 9,4 % de cette somme seront alloués à la lutte contre la pandémie de Covid-19. Le président annonce également que tous les efforts seront faits afin d’atteindre une croissance du PIB de 5,5 % en 2022. Il met cependant en garde sur les incertitudes liées à la Covid-19.
23 – La cour anti-corruption de Jakarta condamne l’ancien ministre des Affaires sociales Juliari Batubara à 12 ans de prison pour une affaire de corruption dans laquelle l’ancien ministre a touché 2,25 millions $ US de pots-de-vin en relation avec la distribution de l’aide sociale Covid-19. Le juge annonce que sa peine a été réduite car il a subi du harcèlement de la part des internautes alors qu’il n’avait pas encore été jugé coupable. Maqdir Ismail, l’avocat de Juliari Batubara, annonce que son client fera appel de ce jugement.
31 – En réponse à l’augmentation de cas de violences sexuelles au sein des universités, le ministre de l’Éducation, de la Culture, de la Recherche et de la Technologie Nadiem Makarim promulgue un décret ministériel concernant la prévention et le traitement des violences sexuelles dans les établissements de l’enseignement supérieur. C’est la première mesure dans ce domaine qui prend en compte le point de vue de la victime. Publié seulement fin octobre, le décret a soulevé un tollé au sein de certaines organisations musulmanes, qui estiment qu’il entre en contradiction avec les normes religieuses, et que certains passages légalisent les relations sexuelles hors mariage. Le ministre a activement défendu le décret.
SEPTEMBRE 2021
08 – Un incendie à la prison de Tangerang, près de la capitale indonésienne, tue au moins 41 détenus et fait 80 blessés sur les 122 prisonniers du bloc. L’origine de l’incendie serait un court-circuit électrique, plusieurs témoins faisant état d’un système électrique qui n’a pas été mis aux normes depuis la construction de la prison en 1972.
11 – L’Indonésie met fin à un accord de coopération avec la Norvège portant sur la réduction des émissions de carbone dues à la déforestation, en raison du non-respect des contributions financières promises par le partenaire scandinave.
29 – Le gouvernement présente le projet de loi sur la nouvelle capitale à la Chambre des représentants, marquant le début du processus de délibération législative pour l’établissement d’une nouvelle capitale à Kalimantan (Bornéo) après une suspension du projet due au Covid-19.
30 – Selon l’ONG des droits de l’homme « Imparsial », 129 prisonniers ont été condamnés à la peine capitale entre mars 2020 et septembre 2021. En parallèle, la campagne pour l’abolition de la peine de mort, lancée par la société civile et soutenue par les Églises et les organisations chrétiennes, s’intensifie en Indonésie.
OCTOBRE 2021
07 – Le Conseil représentatif du peuple (DPR) ratifie le Projet de loi d’Harmonisation de la réglementation Fiscale, espérant atteindre un seuil de collecte des impôts entre 9,2 % et 17,9 % d’ici 2025. Cette loi comprend plusieurs mesures, pour la plupart effectives à partir de début 2022, entre autres : une deuxième amnistie fiscale ; la réinstauration du plafond du déficit budgétaire maximal à 3 % en 2023 (la mesure avait été suspendue en 2020 pour financer des programmes de soutien pendant la pandémie de Covid-19) ; une taxe équivalent carbone minimale de 30 000 Rp par tonne (2,10 $ US).
12 – Le géant minier américain Freeport McMoRan inaugure en présence du président Jokowi la construction de l’une des plus grandes fonderies de cuivre au monde à Gresik, dans l’est de Java. L’infrastructure (3 milliards $ US) aura une capacité annuelle de production de 1,7 million de tonnes de concentrés de cuivre et devrait commencer à fonctionner début 2024, avec la promesse de la création de 40 000 emplois. La construction de cette fonderie, très attendue, est symbolique de la volonté indonésienne de ne plus exporter de matières brutes, mais des produits à valeur ajoutée transformés sur place.
12 – Saiful Mahdi est gracié par le président de la République à la suite de la mobilisation de nombreuses ONG. Ce professeur d’université avait été arrêté en juillet et condamné pour diffamation à trois mois de prison et une amende de 10 millions Rp (700 $ US) pour avoir critiqué le mode de recrutement de fonctionnaires dans son université (Université Syiah Kuala, province d’Aceh) sur un groupe de discussion Whatsapp.
NOVEMBRE 2021
9 au 11 – Visite du Premier ministre malaisien, Ismail Sabri Yaakob, en Indonésie. Lors des discussions avec le président Jokowi, plusieurs sujets sont abordés : la protection des travailleurs migrants indonésiens, la coopération dans le secteur de la santé et la reprise économique post-Covid-19, les conflits frontaliers et les questions régionales telles que la mer de Chine méridionale et la Birmanie. Deux accords de coopération sont signés dans le domaine de l’éducation et des douanes.
26 – L’unité antiterroriste indonésienne arrête 24 personnes soupçonnées d’avoir collecté des fonds pour la Jemaah Islamiah (JI), le groupe extrémiste lié à Al-Qaïda et accusé d’avoir mené certaines des plus grandes attaques terroristes dans le pays.
DÉCEMBRE 2021
8 – Le volcan Semeru (Java Est) entre en éruption, causant la mort d’une cinquantaine de personnes et le déplacement de plusieurs milliers d’autres.
14 – Un séisme de magnitude 7,7 au nord de l’île de Florès déclenche une alerte au tsunami, rapidement levée.
24 – Yahya Cholil Staquf (connu sous le titre Gus Yahya) devient le chef du Nahdlatul Ulama (NU) – la plus grande organisation musulmane. Il a été le porte-parole du président de la République Abdurrahman Wahid (1999-2001) et est le frère de l’actuel ministre des Affaires religieuses (Yoqut Cholil Qoumas). À l’inverse de son prédécesseur, Yahya annonce rejeter l’idée du NU comme instrument d’opposition à l’islam radical et vouloir rendre à l’organisation un statut politiquement neutre, conformément à sa charte fondatrice de 1926.
Portraits
Andika Perkasa, nouveau Commandant des forces armées indonésiennes
Le général d’armée de terre Andika Perkasa, nommé Commandant des forces armées indonésiennes le 17 novembre 2021, possède un parcours militaire impeccable. Né en 1964, converti à l’islam lors de son mariage, Andika Perkasa est diplômé de l’Académie militaire en 1987 et de plusieurs universités aux États-Unis entre 1999 et 2005 (dont l’Université d’Harvard) ; il a passé une grande partie de sa carrière dans les Forces spéciales de l’armée (KOPASSUS). Il est nommé Commandant de la Garde présidentielle au tout début du premier mandat de Jokowi entre 2014 et 2016. En 2018, il est placé à la tête du commandement stratégique de l’armée (KOSTRAD) pendant quatre mois, avant de devenir Chef d’état-major de l’armée, gagnant quatre étoiles en l’espace de cinq ans.
Jokowi n’a proposé que la candidature d’Andika Perkasa au poste de Commandant des forces armées. La majorité présidentielle contrôlant 82 % des sièges du parlement, son choix a été rapidement approuvé. Était également en lice pour le poste l’amiral Yudo Margono, qui pouvait espérer à juste titre l’obtenir, en lien avec l’accord tacite sur la rotation des trois corps d’armée dans un souci d’équité. Et pourtant, Andika Perkasa n’aura que 13 mois pour remplir son mandat avant d’être en retraite. Or, les défis de sécurité qu’il devra traiter sont vastes, tels la sécurité des zones maritimes, les affrontements et la question des droits de l’homme en Papouasie, le rôle de l’armée dans la gestion de la pandémie, etc. Les organisations de défense des droits de l’homme rappellent aussi qu’il a été impliqué dans le meurtre de l’activiste papou Theys Hiyo Eluay en 2001. Au cours de son audition par le parlement, il a affirmé vouloir chercher des solutions autres que le déploiement de forces militaires en Papouasie.
La nomination d’Andika Perkasa est vue par ses détracteurs comme une politisation de l’armée, dénoncée comme incompatible avec les efforts de doter l’Indonésie d’une armée professionnelle et crédible à l’œuvre depuis la démission du dictateur Suharto en 199846. Ce choix vient également renforcer le sentiment qu’il a résulté de négociations avec l’armée et d’autres généraux. L’une des motivations serait les élections présidentielles à venir en 2024, où Andika Perkasa pourrait devenir un candidat redoutable en raison de ses affinités avec Jokowi. Il est aussi le gendre de H.M. Hendropryono, le premier directeur de l’alors nouvelle agence indonésienne de renseignements (Badan Intelijen Negara – BIN, 2001) et allié puissant de Jokowi et de Megawati Soekarnoputri, présidente du parti PDI-P dont Jokowi est issu. Habitué aux promotions fulgurantes, Andika Perkasa est aussi habile sur les réseaux sociaux, avec un million d’abonnés à sa chaîne Youtube. Ces éléments contribuent à rendre envisageable une ascension politique rapide et une éligibilité renforcée.
Deddy Corbuzier, une force politique
Deddy Corbuzier, né en 1976 et converti à l’islam en 2019, s’est imposé comme un influenceur essentiel en Indonésie ces deux dernières années, une force politique en lui-même. Mentaliste, acteur, présentateur et Youtubeur indonésien, son parcours atypique le place dans le monde du show-business. Illusionniste de talent et présentateur de télévision entre 1998 et le milieu des années 2010, il commence à s’illustrer à partir de cette époque par ses podcasts sur sa chaîne Youtube. Son podcast « Close the door », dont le premier épisode date d’août 2019, s’est imposé comme un talk-show de clarification sur les sujets les plus brûlants en Indonésie et a gagné en popularité depuis le début de la pandémie de Covid-19. À l’heure actuelle, il a enregistré plus de 350 épisodes. Le principe consiste à « fermer la porte » du studio sur Deddy Corbuzier et son interlocuteur, chacun coiffé d’un casque audio, donnant un sentiment de sécurité et ouvrant un espace de discussion spontanée dans une atmosphère détendue, à l’écart. Les questions sont simples, parfois critiques ou cinglantes, mais toujours posées avec bienveillance et sans jamais forcer de réponse. La notoriété de ce podcast est également basée sur la qualité de ses interlocuteurs, artistes et personnalités politiques célèbres : en 2021, il invita par exemple le ministre de la Défense Prabowo Subianto, le ministre de la Santé Budi Gunadi, H. M. Hendropriyono, ancien directeur du Service de Renseignements Indonésien (BIN). Récemment, le ministre coordinateur des Affaires maritimes et des Investissements Luhut Binsar Pandjaitan a été invité alors qu’il était accusé de tirer profit du commerce des tests PCR, et le ministre de l’Éducation, de la Culture, de la Recherche et la Technologie Nadiem Makarim au moment de la réglementation controversée contre les violences sexuelles dans les universités. Deddy Corbuzier affirme aimer parler politique sans vouloir s’en mêler et décide de rester impartial en choisissant lui-même ses invités et refusant tout paiement47. Ses podcasts participent à atténuer les conflits sociaux en mettant sur le devant de la scène les problématiques qui touchent l’opinion publique, et en présentant ses interlocuteurs dans leur humanité (et non dans leurs fonctions officielles). En novembre 2021, sa chaîne Youtube comptait 16 millions d’abonnés et ses vidéos plus de 2,31 milliards de vues.
Arrêt sur image
Le journal est titré « Les chercheurs ont raté le train ». L’illustration montre Megawati Soekarnoputri dans le wagon d’un train en marche portant le nom de l’Agence nationale de la recherche et l’innovation (BRIN), et des personnes identifiables comme des chercheurs (blouse blanche) qui tentent de le rattraper. Cette illustration fait allusion aux licenciements de chercheurs non-fonctionnaires provoqués par la fusion – et la disparition, de fait – de plusieurs instituts de recherche au sein de la BRIN en 2021, dont l’Institut Eijkman au 1er janvier 2022.
Fin avril, la BRIN (créée en 2019) était en effet dissociée du ministère de la Recherche et de la Technologie, lequel a lui-même été absorbé au sein du nouveau ministère de l’Éducation, de la Culture, de la Recherche et la Technologie. La BRIN passe alors directement sous l’autorité du Président et devient l’unique agence nationale de la recherche scientifique, avec pour directeur le physicien Laksana Tri Handoko. Les trente-trois institutions de recherche nationales ainsi que les fonctions de recherche et développement du ministère sont progressivement fondues en son sein, dont l’Institut Indonésien des Sciences (LIPI), l’Agence pour l’évaluation et l’application de la technologie (BPPT), l’Agence nationale de la force nucléaire et l’Institut national de l’aéronautique et de l’espace (BATAN), et plus récemment l’Institut de biologie moléculaire Eijkman. L’intégration à la BRIN concerne l’ensemble du processus de gestion, du budget et des ressources humaines. Le personnel licencié des anciennes institutions – plusieurs centaines de personnes – a porté plainte auprès de la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM). Cette dernière a par ailleurs refusé fin décembre que ses fonctions de recherche et d’étude soient intégrées à la BRIN, comme cela avait été avancé. Le 13 octobre, Jokowi nommait Megawati Soekarnoputri présidente du conseil de supervision de la BRIN. Cette nomination a soulevé de nombreuses protestations, car Megawati, ex-présidente de la République (2001-2004), est à la tête du Parti Démocratique indonésien de lutte (PDIP) actuellement au pouvoir.
Notes de bas de page
1 LaporCovid-19 et Harm Reduction International, Understanding the COVID-19 pandemic response in Indonesia through its domestic policies, Jakarta, LaporCovid-19, octobre 2021.
2 Rythia Afkar et Noah Yarrow, Rewrite the future: How Indonesia’s education system can overcome the losses from the COVID-19 pandemic and raise learning outcomes for all, Banque Mondiale, Washington, septembre 2021.
3 UNICEF, Towards a Child-Focused COVID-19 Response and Recovery: A Call to Action, UNICEF, Jakarta, août 2021.
4 SMERU Research Institute, PROSPERA, UNDP et UNICEF, Analysis of the Social and Economic Impacts of COVID-19 on Households and Strategic Policy Recommendations for Indonesia, Jakarta, mai 2021.
5 Agence Centrale de Statistiques, Berita resmi statistik (Bulletin officiel statistique), Jakarta, BPS, juillet 2021.
6 Source BPS – Agence Centrale de Statistiques (bps.go.id).
7 Fonds monétaire international, Regional Economic Outlook: Asia and Pacific, octobre 2021.
8 Ministère de l’Investissement, Investment realization FDI & DDI. Quarter II (April-June 2021), Jakarta, BKPM, juillet 2021.
9 Vincent Fabian Thomas, « Yearender 2021: a year of ailing SOEs », The Jakarta Post, 27 décembre 2021.
10 Dany Saputra, « Survei BI : 87,5 persen UMKM Indonesia terdampak pandemi Covid-19 » [Sondage de la Bank Indonesia : 87,5 % des PME indonésiennes affectées par la pandémie de Covid-19], Bisnis.com, 19 mars 2021.
11 Ministère du Tourisme et de l’Économie créative, Laporan Kinerja Kementerian Pariwisata Tahun 2019 [Rapport de performance du ministère du Tourisme 2019], Jakarta, février 2020.
12 Ya-Yen Sun, Futu Faturay, Ilimiawan Auwalin, Jie Wang et Lintje Sie, « Women, youth and low-education workers bear the most job losses in Indonesia when there are no tourists », The Conversation, 8 septembre 2021.
13 Eisya A. Eloksari, « Yearender 2021: Indonesia’s digital got bigger, not necessarily better », The Jakarta Post, 29 décembre 2021.
14 Norman Harsono, « Year-ender: tech industry buoys IDX in 2021 », The Jakarta Post, 28 décembre 2021.
15 Une licorne est une start-up évaluée à plus d’un milliard $ US, une décacorne est une start-up évaluée à plus de 10 milliards $ US.
16 Yose Rizal Damuri, Fajar B. Irawan, Raymond Atje, Adinova Fauri, Ira S. Titiheruw et Lestary J. Barany, 2021, Research report: Strategi Pengembangan Ekonomi digital di Indonesia: Analisis multi sektoral dan aspek sosial ekonomi [Stratégie de développement de l’économie digitale en Indonésie : analyse multisectorielle et aspects socio-économiques], Jakarta, CSIS.
17 Eisya A. Eloksari, « Lippo Group injects $1.5m in Ruangguru », The Jakarta Post, 31 mai 2021.
18 Wijayanto, Aisah Putri Budiarti et Herlambang P. Wiratraman (dir.), 2021, Demokrasi tanpa Demos. Refleksi 100 ilmuwan sosial politik tentang kemunduran demokrasi di Indonesia [Démocratie sans Démos. Réflexions de 100 scientifiques sociaux et politiques à propos de la régression de la démocratie en Indonésie], Jakarta, LP3ES.
19 Yatun Sastramidjaja, Ward Berenschot, Wijayanto et Ismail Fahmi, « The threat of cyber troops », Inside Indonesia 146, octobre-décembre, 13 octobre 2021.
20 La partie occidentale de la Nouvelle-Guinée constituait une province unique de l’Indonésie sous le nom d’Irian Jaya, puis de Papouasie à partir de 2000. En 2003, le gouvernement indonésien a divisé la province en deux, Papouasie occidentale et Papouasie.
21 En mai 2021, l’Institut indonésien des sciences LIPI mettait en ligne un site spécialement dédié aux recherches liées à la Papouasie pouvant servir de référence aux décideurs : www.papua.lipi.go.id
22 Vidhyandika Djati Perkasa et Alif Satria, « Conflict resolution in Papua and the label of terrorism », The Diplomat, 7 mai 2021.
23 Amnesty International, « Indonesia: Papuan protesters shot, beaten and racially abused by security forces – new research », Amnesty International Indonesia, 20 août 2021.
24 Ronny Kareni, « Special autonomy for Papua: the trickery of Jakarta’s policy », The Jakarta Post, 11 septembre 2021.
25 Ce fonds est fixé dans le budget de l’État et s’élève à 26 % des recettes intérieures nettes. Il a pour objectif de financer les besoins des régions dans le cadre de la décentralisation.
26 Maryanto Wahyu Tryatmoko, Cahyo Pamungkas, Rosita Dewi, Luis Feneteruma, Anggi Afriansyah et Yusuf Maulana, Pembenahan Otonomi khusus untuk penyelesaian konflik Papua, [Réforme du statut d’autonomie spéciale pour la résolution du conflit papou], LIPI Policy Paper, Jakarta, 16 août 2021.
27 A. Muh. Ibnu Aqil, « High-stakes PON begins in Papua », The Jakarta Post, 4 octobre 2021.
28 A. Muh. Ibnu Aqil, « Indonesian youth concerned about climate future », The Jakarta Post, 1er novembre 2021.
29 L’Indonésie possède plus de 20 % de la superficie mondiale de mangroves.
30 Bernadette Christina Munthe et Fransiska Nangoy, « Environmentalists urge extension of Indonesia palm permit moratorium », Reuters, 16 septembre 2021.
31 Hubert Testard, « Climat : l’Asie-Pacifique face au défi de la COP26 », Asialyst, 22 octobre 2021.
32 Noto Suoneto, « Indonesia’s Climate Commitments Ahead of the COP-26 Summit », The Diplomat, 14 octobre 2021.
33 Paul Lashmar, Nicholas Gilby et James Oliver : « Revealed: how UK spies incited mass murder of Indonesia’s communists » et « Slaughter in Indonesia: Britain’s secret propaganda war », The Guardian, 17 octobre 2021.
34 « Janji berkarat Jokowi tuntaskan kasus HAM » [La promesse rouillée de Jokowi de résoudre les affaires de droits humains], CNN Indonesia, 21 octobre 2021.
35 Conseil des Droit de l’Homme, Cooperation with the United Nations, its representatives and mechanisms in the field of human rights, Rapport annuel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général, Organisation des Nations Unies, 17 septembre 2021 (version révisée du 1er décembre 2021).
36 « Time to write off the KPK », The Jakarta Post, 23 décembre 2021.
37 https://power.lowyinstitute.org/countries/indonesia/
38 Les activités, rencontres bilatérales et allocutions de Jokowi au niveau international sont mises en ligne ou rapportées très précisément au quotidien par la ministre des Affaires étrangères sur la chaîne Youtube du Secrétariat présidentiel (https://www.youtube.com/c/SekretariatPresiden).
39 Dian Septiari, « Yearender 2021: Jokowi takes Indonesian foreign policy in his stride », The Jakarta Post, 28 décembre 2021.
40 Pour le détail des dons et envois de vaccins : https://www.unicef.org/supply/covid-19-vaccine-market-dashboard
41 Voir le chapitre de Jérémy Bachelier et Éric Frécon dans ce volume.
42 Sandrine Teyssonneyre, « Indo-Pacifique : comment le pacte AUKUS change la carte », Asialyst, 30 septembre 2021.
43 Éric Frécon, 2020, « Les nouvelles formes de militarisation en Asie du Sud-Est : menace ou opportunité pour la sécurité régionale ? », in Christine Cabasset et Claire Thi-Liên Tran (dir.), L’Asie du Sud-Est 2020. Bilan, enjeux et perspectives, Bangkok-Paris, Irasec-Les Indes savantes.
44 Rizal Sukma, « Indonesia navigating between the US and China », The Jakarta Post, 17 décembre 2021.
45 Gatria Priyandita et Benjamin Herscovitch, « Indonesia-Australia: deeper divide lies beneath AUKUS submarine rift », The Interpreter, 8 novembre 2021.
46 Kornelius Purba, « Will Jokowi play Gen. Andika as his wild card in 2024? », The Jakarta Post, 9 novembre 2021.
47 Vania Evan, « Once a mentalist: How Deddy Corbuzier became a political force », The Jakarta Post, 15 juillet 2021.
Auteur
Sarah Anaïs Andrieu est anthropologue et chercheure associée au Centre Asie du Sud-Est (CASE). Elle travaille en Indonésie depuis 2005 sur les enjeux liés aux politiques culturelles et patrimoniales, notamment en regard aux pratiques dites « traditionnelles ». Son ouvrage Corps de bois, souffle humain, le théâtre de marionnettes wayang golek de Java Ouest (2014) a été publié en Indonésie sous le titre Raga kayu, Jiwa manusia (2018). Installée à Bandung, elle s’intéresse aujourd’hui plus particulièrement aux mouvements alternatifs culturels et religieux en Indonésie, dans le cadre de l’Observatoire des alternatives politiques en Asie du Sud-Est ALTERSEA.
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