Les économies de l’Asean à l’épreuve de la crise économique et financière internationale
p. 41-55
Texte intégral
1L’Asean, forte de ses quelque 560 millions d’habitants, plus que l’Europe élargie, a un potentiel de développement économique encore largement à venir. Après s’être relevées de la crise des années 1997-1998 et malgré une succession d’événements défavorables (éclatement de la bulle Internet en 2000 et ralentissement économique mondial en 2001-2002, crise du SRAS, tsunami de la fin-2005…), les économies de la région ont connu une période de croissance économique particulièrement dynamique entre 2003 et 2007. Cette croissance a été largement soutenue par la demande externe et par les investissements directs étrangers, qui ont atteint des montants records en 2006 et 2007.
2Depuis l’été 2007, les économies de la région sont à nouveau confrontées à un choc externe, avec une crise financière venue des Etats-Unis qui s’est propagée à l’ensemble du monde avant de toucher gravement l’économie réelle. A la date où est bouclé cet article, il est difficile d’anticiper l’ampleur exacte de ce choc, qui pourrait être extrêmement traumatisant en cas de récession marquée à la fois aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. En tout état de cause, les pays de l’Asean vont très certainement affronter au moins deux années difficiles en 2009 et 2010 et n’échapperont vraisemblablement pas à une période de récession économique, avec de rudes conséquences pour les plus pauvres d’entre eux et pour les populations les plus fragiles.
3Cette période qui s’annonce peut aussi être l’occasion pour les économies de l’Asean d’évoluer vers un régime de croissance moins dépendant des grands pays industrialisés. Cela reste aujourd’hui un véritable défi, car l’intégration économique régionale, du moins intra-Asean, n’avance que lentement, mais c’est sans doute la clé de la poursuite d’un développement économique accéléré.
1- Cinq années successives de forte croissance, culminant en 2007 malgré des signes avant-coureurs de la crise
Une croissance particulièrement dynamique entre 2003 et 2007
4L’Asean a mis sept ans pour effacer les conséquences de la crise de 1997-1998 et de la période difficile des années 2000-2002 (« éclatement » de la bulle Internet, conséquences des événements du 11 septembre 2001, ralentissement du commerce mondial puis crise du SRAS…) : le PIB de la région n’a retrouvé son niveau de 1996 qu’en 2003.
5Par contre, il ne lui a fallu que cinq années pour quasiment doubler son niveau de richesse nationale. La croissance économique de l’ensemble de l’Asean a en effet été particulièrement dynamique entre 2003 et 2007 : elle a été comprise chaque année entre 5,5 % et 6,5 %, permettant au PIB de la région de passer de moins de 650 Md$8 en 2002 à plus de 1 200 Md$ en 2007.
6Au cours de cette période, les deux piliers de la croissance économique ont été la consommation privée et, surtout, les exportations. La consommation a notamment bénéficié d’un recul de la pauvreté avec la progression du PIB par habitant, de la baisse de l’inflation et de la hausse des crédits bancaires au secteur privé. Dans certains pays comme le Viêt Nam, le Cambodge ou plus encore les Philippines, elle a aussi été tirée par la forte progression des transferts financiers en provenance des travailleurs émigrés. Dans le cas des Philippines, ces transferts ont officiellement atteint 58 Md$ entre 2003 et 2007, ce qui représente 11 % du PIB du pays sur l’ensemble de cette période, un niveau exceptionnellement élevé pour une économie de la taille de celle des Philippines. Quant aux exportations, elles ont progressé de 15 à 20 % chaque année et ont ainsi pratiquement doublé entre 2003 et 2007, passant de quelque 450 M $ à près de 900 M $. Elles ont été tirées par la demande mondiale, aussi bien par celle des grands pays développées, au premier rang desquels les Etats-Unis, que par celle des pays émergents, notamment la Chine qui est devenue en quelques années l’un des tous premiers débouchés pour les exportations des pays de l’Asean, voire le premier pour certains d’entre eux.
Une croissance record en 2007, qui a masqué les effets du ralentissement américain
7Ces cinq années successives de forte croissance se sont achevées par une année 2007 exceptionnelle. La croissance a atteint 6,5 % sur l’ensemble de la région, avec en particulier 7,7 % de croissance à Singapour, 7,2 % aux Philippines (la plus forte croissance depuis au moins un quart de siècle), ou encore 8,5 % au Viêt Nam.
8Constatant cette croissance exceptionnellement forte alors que les premiers signes de ralentissement de la croissance américaine apparaissaient, la thèse d’un « découplage » de la croissance économique de l’Asean de celle des Etats-Unis et plus largement de celle des grands pays développés a été avancée. Cette analyse reposait notamment sur le constat d’une baisse de la part des Etats-Unis dans les exportations de l’Asean, parallèlement à une augmentation de la part de l’Asie, et plus particulièrement de la Chine, suggérant une plus grande intégration régionale en Asie.
9Mais un examen plus approfondi de la situation bat en brèche cette hypothèse de « découplage » :
d’une part, plusieurs études continuent de montrer que les conséquences directes de la baisse de la demande des Etats-Unis sur la croissance des pays de la région est loin d’être négligeable : par exemple, selon l’Union des Banques Suisses (UBS), un ralentissement de 10 % des importations américaines entraîne une baisse du PIB des pays de la région à hauteur de 0,6 point pour la Malaisie, entre 0,3 et 0,4 point pour Singapour, la Thaïlande et le Viêt Nam, 0,2 point pour les Philippines et seulement un peu plus de 0,1 point pour l’Indonésie ;
d’autre part, les canaux de transmission indirects ne doivent pas être oubliés. Encore plus de la moitié des exportations de l’Asean vers la Chine sont des intrants destinés à la production chinoise elle-même exportée, notamment vers les Etats-Unis. En effet, la part des exportations vers la Chine destinées à la réexportation atteignait même, en 2007, 66 % pour la Malaisie et 72 % pour les Philippines.
10Ainsi, dès 2007, les pays de l’Asean ont été touchés par le ralentissement de la demande américaine, mais cela a été masqué par une très forte progression de l’investissement, qui a pris le relais de la demande externe comme moteur de la croissance dans l’Asean. Entre 2003 et 2006, la demande externe a expliqué près de la moitié de la croissance totale de la région. Ce n’était plus le cas en 2007, où la contribution externe à la croissance est même devenue négative en fin d’année dans certains pays. L’exemple de Singapour est très parlant : si l’investissement n’avait progressé que de 5 % en 2007, la croissance du PIB aurait été limitée à 4 % sur l’ensemble de l’année, au lieu des 7,7 % atteints grâce à une progression extrêmement vive de l’investissement (entre 20 et 25 % en rythme annuel) au deuxième semestre.
11Excepté en Thaïlande où les investisseurs, tant nationaux qu’étrangers sont restés relativement attentistes dans un climat d’incertitudes politiques, l’investissement a en effet fortement rebondi en 2007, soutenu en particulier par le secteur immobilier, avec une conjonction de facteurs en ce sens : conditions de crédit très favorables jusqu’au déclenchement de la crise du subprime aux Etats-Unis, relance du secteur de la construction favorisé par les autorités à Singapour pour faire face à un risque de pénurie de logements et de bureaux, investissements en provenance du Moyen-Orient (recyclage des « pétrodollars ») en Indonésie et en Malaisie, transferts records des émigrés vers les Philippines en partie investis dans le secteur immobilier.
2- L’accélération de la crise financière internationale a eu des conséquences sur le secteur financier, mais surtout sur l’économie réelle, des pays de l’Asean
Des risques financiers directs a priori limités, mais les banques restent fragiles dans plusieurs pays de la région
12Alors que la crise financière venue des Etats-Unis atteignait son paroxysme en septembre 2008, le système financier domestique des pays de l’Asean apparaissait relativement épargné par un effet de contagion direct de la crise financière. A la fin du mois d’octobre 2008, date à laquelle sont écrites ces lignes, les conséquences financières de la crise se traduisaient surtout dans l’Asean par une très forte chute des bourses depuis le début de l’année 2008, de 40 % à 60 % selon les pays. Il faut toutefois rappeler que les bourses de la région participent peu au financement de l’économie et que les volumes échangés restent faibles : moins de 3 Md$ chaque jour sur l’ensemble des places boursières de la région (dont la moitié à Singapour), correspondant à moins de la moitié des échanges quotidiens sur la place de Paris.
13En ce qui concerne les banques, elles sont a priori peu exposées sur des titres liés aux subprimes américains ou sur Lehman Brothers. La banque la plus exposée de la région serait ainsi la Bangkok Bank, avec 70 M EUR en obligations non sécurisées de Lehman Brothers.
14Cela ne signifie pas pour autant que le secteur financier des pays de la région est immunisé de tout risque. En effet, si le secteur bancaire a été en partie restructuré depuis la crise de 1997-1998, cette restructuration est encore loin d’être achevée. La baisse de la proportion des prêts non performants (seulement 4 % par exemple aux Philippines ou en Indonésie à la mi-2008 alors qu’elle atteignait encore 18 % en 2002) est encourageante, mais certaines banques locales restent fragiles, notamment en Thaïlande ou au Viêt Nam. Dans un contexte financier international très difficile et du fait de la remontée des taux d’intérêt depuis un an, elles peuvent être, comme toutes les banques dans le monde, confrontées à des problèmes de liquidités, ce qui a d’ores et déjà été le cas en Indonésie, en Thaïlande, au Viêt Nam ou encore à Singapour. De plus, l’effondrement des cours des actions pèse sur le bilan de certains établissements bancaires et peut dans certains cas leur poser des problèmes de sous-capitalisation.
15De plus, de « mauvaises surprises » peuvent se produire, comme en Indonésie où la Banque centrale a dû faire face aux difficultés de sa filiale Indover Bank, banque commerciale spécialisée dans le financement du commerce extérieur et dont le siège est à Amsterdam. Rencontrant des problèmes de liquidités depuis le début du mois de septembre, cette dernière a été placée le 7 octobre 2008 en redressement judiciaire par la justice néerlandaise. Le Parlement indonésien a approuvé en urgence le 28 octobre un plan de sauvetage de 545 M EUR pour soutenir l’établissement. Mais ces difficultés ont surgi à un mauvais moment et contribué à la fragilisation de la situation financière du pays. La défaillance d’Indover pourrait en effet être assimilée par les opérateurs à un défaut souverain, mettant directement en cause la signature de l’Etat indonésien.
16Il ne faut pas non plus négliger les risques de défiance de la population, encore marquée par la crise de 1997 : les files d’attente qui se sont formées en septembre à Singapour devant la filiale d’AIG dans le pays en sont une illustration.
17Enfin, même si le système financier local est peu touché, la présence de nombreuses banques et institutions financières internationales dans la région peut avoir des conséquences : Singapour est le plus directement concerné (les services financiers comptent pour près de 15 % de son PIB), avec des restructurations, réductions de coûts et licenciements annoncés qui ne l’épargneront pas.
Le ralentissement économique s’est fortement accentué en 2008, surtout depuis l’été
18Au-delà des soubresauts sur les marchés financiers, l’économie réelle des pays de l’Asean est d’ores et déjà affectée par la situation internationale. Comme évoqué plus haut, la baisse de la demande américaine se fait déjà largement sentir en cette fin d’année 2008, directement et indirectement (via la Chine), sur les exportations des pays de la région. Signe tangible de ce ralentissement, Neptune Orient Lines (NOL), principale compagnie de fret maritime à Singapour et l’une des dix premières au niveau mondial, a annoncé une forte baisse du taux d’utilisation de ses containers disponibles (à 90 % contre 99 % un an auparavant) et a décidé de réduire son trafic sur les routes Asie-Europe et Asie-Amérique de 20 à 25 % à partir du mois de novembre 2008.
19Face à ce ralentissement marqué de la demande externe, les économies de la région ne peuvent compter que sur la consommation et l’investissement pour soutenir la croissance. Or, la consommation, déjà fragilisée par les tensions inflationnistes apparues début 2008, risque d’être pénalisée par une remontée du chômage dans les pays les plus dépendants des exportations et par une probable raréfaction du crédit. Quant à l’investissement, il risque de fortement ralentir dans le secteur immobilier dans les pays où une « bulle immobilière » s’était formée ces dernières années (Singapour, Malaisie, Viêt Nam et même Cambodge) et dépend des décisions des entreprises internationales dans les pays de la région où l’investissement est très largement lié aux investissements directs étrangers.
20Au total, la croissance devrait difficilement atteindre 5 % sur l’ensemble de l’année 2008, avec notamment un ralentissement marqué à Singapour (2 à 3 % au mieux contre 7,7 % en 2007), aux Philippines (environ 4 % contre 7,3 % en 2007) et en Malaisie.
Une situation très différente de celle prévalant dix ans auparavant lors de la sortie de la « crise asiatique »
21Si on compare la situation actuelle à celle observée lors de la « crise asiatique » dix ans auparavant, elles apparaissent diamétralement opposées :
En 1998, les indicateurs macroéconomiques et financiers de l’Asean étaient dégradés, avec des déficits courants importants, des monnaies surévaluées, une forte dépendance aux flux de capitaux à court-terme, des déficits publics, une dynamique défavorable de la dette externe, publique et privée, ainsi que des vulnérabilités des banques locales. Le « risque-pays » était donc élevé. Par contre, l’environnement international était très favorable, la croissance étant notamment supérieure à 4 % aux Etats-Unis.
En 2008, les indicateurs macroéconomiques et financiers de l’Asean sont nettement meilleurs. La plupart des pays de la région ont accumulé des excédents courants et augmenté leurs réserves de change, on a observé dans de nombreux pays une forte diminution de l’endettement, notamment de la dette publique, les régimes de changes ont évolué et on n’identifie pas aujourd’hui de surévaluation massive de monnaie dans la région. Enfin, le secteur bancaire, s’il reste fragile dans certains pays, a été en partie restructuré depuis 1998. Au total, on peut considérer que le « risque-pays » est faible dans la région. Par contre, l’environnement international est aujourd’hui beaucoup plus défavorable, puisqu’on pourrait se trouver dans la situation d’une récession à la fois aux Etats-Unis, en Europe et au Japon.
3- Quel scénario pour 2009 et 2010 et quels défis pour les économies de l’Asean ?
Scénario plus optimiste versus scénario moins optimiste
22Le scénario présenté par le FMI lors des Assemblées annuelles des Institutions Financières Internationales – World Economic Outlook du 8 octobre 200
23Le FMI table sur un ralentissement global de la croissance mondiale en 2009, mais avec une reprise progressive à partir de la fin de l’année 2009. Ce scénario repose sur une « normalisation » progressive du système financier international. Les Etats-Unis connaîtraient une courte récession (avec une croissance quasi nulle sur l’ensemble de l’année 2009), de même que l’Union européenne. La baisse de la consommation serait limitée en 2009 à-0,9 % aux Etats-Unis et à-0,1 % dans l’Union européenne. Cela se traduirait donc par une baisse limitée des importations des Etats-Unis. Au total, la croissance des pays de l’Asean serait ralentie en 2009, mais resterait comprise entre 3,5 % à Singapour et 5,5 % en Indonésie et au Viêt Nam.
24Un scénario plus pessimiste (mais sans doute plus réaliste), impliquant une récession plus marquée aux Etats-Unis et dans les autres pays développés
25Après l’« éclatement » de la bulle Internet, les importations totales des Etats-Unis, mesurées en dollars, avaient baissé de plus de 10 %. Les dernières statistiques connues datent du mois d’août 2008. Cumulées sur les douze derniers mois et en glissement annuel, les importations des Etats-Unis progressaient encore fortement, de 12 % en glissement annuel. On peut donc s’attendre à un brutal coup d’arrêt fin 2008 et en 2009, mais nul ne s’avance sur l’ampleur de cette baisse à venir des importations américaines.
26En cas de récession plus forte et plus longue qu’anticipé aujourd’hui par le FMI, le risque de contraction de l’activité dans les pays de l’Asean (déjà avéré à Singapour) sera renforcé et les perspectives de rebond de l’activité repoussées.
Une année 2009 qui s’annonce en tout état de cause très difficile
27Il n’est pas aisé, à la fin du mois d’octobre 2008, de donner des prévisions de croissance 2009 fiables pour les pays de l’Asean, car l’ampleur du ralentissement va dépendre pour une large part de l’importance et de la durée de la récession aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et du ralentissement désormais attendu en Chine. Ce ralentissement sera quoi qu’il en soit marqué, avec des disparités selon les pays :
Indonésie : même revues à la baisse, les prévisions de croissance pour 2009 sont encore de l’ordre de 5 %, tenant compte de la moindre dépendance externe du pays et de la taille de son marché domestique. L’Indonésie est toutefois fragile, avec une monnaie attaquée depuis quelques semaines et une relativement forte dépendance aux capitaux internationaux pour financer ses déficits.
Malaisie : c’est avec Singapour le pays de l’Asean le plus dépendant de la demande extérieure. Plusieurs banques viennent de revoir leurs prévisions de croissance entre 2 et 3 % seulement pour 2009, ce qui constituerait le plus mauvais résultat depuis 2001.
Philippines : malgré le soutien à la croissance des très importants flux de devises en provenance des travailleurs philippins expatriés, la croissance est déjà en fort ralentissement. Elle pourrait être largement inférieure à 4 % en 2009.
Singapour : après avoir reconnu que le pays est entré en récession, les autorités multiplient les déclarations pour indiquer que le ralentissement sera durable, pour une économie qui a montré depuis dix ans son extrême sensibilité à l’environnement externe (avec par exemple une contraction du PIB de 2,4 % en 2001). Les prévisions vont dans ce sens, la Deutsche Bank tablant par exemple sur une contraction du PIB de 2 % en 2009 avant un très léger rebond (+1,5 %) en 2010.
Thaïlande : à la dégradation de l’environnement économique et financier international s’ajoute la persistance d’incertitudes politiques. Difficile donc de prévoir le comportement des ménages et des entrepreneurs. Les exportations se sont bien tenues jusqu’à maintenant mais pourraient fortement ralentir dans les mois à venir et les prévisions de croissance du PIB les plus pessimistes s’établissent désormais à seulement 2 %.
Viêt Nam : c’est un cas particulier dans la région, puisque le ralentissement en cours en 2008 a été voulu et « organisé » par les autorités afin de juguler une possible crise des paiements. Ce ralentissement devrait se poursuivre en 2009, plus ou moins marqué selon la remise en cause de certains investissements étrangers compte tenu de la situation internationale. Le FMI prévoit encore 5,5 % de croissance en 2009, mais d’autres prévisions sont moins optimistes.
28Les prévisions actuelles n’incitent donc guère à l’optimisme, avec une croissance qui pourrait être au mieux de 3 % en moyenne dans l’Asean, un rythme de croissance deux fois inférieur à celui de la période 2003-2007. Ces prévisions sont même susceptibles d’être encore revues à la baisse, en fonction d’une part de l’ampleur de l’ajustement aux Etats-Unis et d’autre part du risque de déstabilisation monétaire ou financière de certains pays de la région. Le Viêt Nam apparaît actuellement le plus vulnérable, mais le Cambodge, la Thaïlande, la Malaisie ou l’Indonésie le sont aussi à des degrés divers.
Conclusion
29Les économies de l’Asean vont être confrontées à une année 2009 très difficile. Nous sommes même pour notre part plus pessimiste que la plupart des prévisions actuelles, estimant que la probabilité d’une récession extrêmement marquée aux Etats-Unis est aujourd’hui très forte et que la plupart des pays de l’Asean n’échapperont pas eux-mêmes à une contraction de leur activité en 2009. Par ailleurs, nul ne sait si un rebond pourra intervenir dès 2010.
30Dans les mois qui viennent, les pays de la région vont chercher avant tout d’une part à amortir le ralentissement économique qui les touche, d’autre part à se prémunir d’une éventuelle déstabilisation financière qui pourrait les menacer.
31Mais au-delà de ces réactions à court-terme, le véritable défi de la région pourrait être de trouver les moyens d’évoluer vers un régime de croissance moins dépendant de celle des grands pays développés. On pense naturellement à la voie de l’intégration régionale, mais celle-ci a jusqu’à présent donné des résultats quelque peu décevants, du moins si on la limite aux seuls pays de l’Asean (les échanges intra-Asean stagnent en effet à environ 25 % du total de leurs échanges depuis plusieurs années). Par contre, une intégration plus large, intégrant l’ensemble de l’Asie, Chine, Inde et Japon compris, voire même l’Australie et la Nouvelle-Zélande, a sans doute du sens. Reste à savoir si la période économique troublée qui s’annonce (y compris en Chine confrontée elle-aussi à des perspectives difficiles en 2009) est la plus propice à de telles mutations.
Notes de bas de page
8 Les montants, dans cet article, sont exprimés en dollars américains.
Auteur
Conseiller financier pour l’ASEAN à la Mission économique de Singapour dirigée par Jean-Marie DEMANGE. Statisticien économiste formé à l’INSEE, Gabriel Leost est spécialiste de l’analyse du risque pays, il a notamment travaillé sur les causes de la crise brésilienne de 1999 et de la crise argentine de 2000 et a été chargé de cours en DESS à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (IHEAL) en 2000 et 2001.
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