La nébuleuse Hun Sen
Paru dans Fase no 9 Vol II de septembre 2007
p. 49-58
Texte intégral
1La biographie du maître du Cambodge comporte bien des zones d’ombre. Il dit être né le 4 avril 1951. En fait, avoua-t-il un jour, il ne vint au monde que le 5 août 1952. Alors pourquoi 1951 ? C’est que, nommé ministre des affaires étrangères de la République populaire du Kampuchéa à 27 ans, en janvier 1979, il était conscient qu’en Asie, il faisait figure de gamin. On aime ou, à tout le moins, on respecte les cheveux blancs.
2Hun Sen est né à Kompong Cham. Il n’y a pas de contestation là-dessus. Il fut moinillon, puis… puis le mystère commence. A-t-il rejoint le maquis en juin 1970, à l’appel du prince Sihanouk, qui venait d’être déposé par un complot de droite en mars ? C’est ce que disent aujourd’hui les biographies officielles. Cette version est apparue en 1987, lorsque Hun Sen rencontra pour la première fois le prince Sihanouk à Fères-en-Tardenois. Elle faisait de Hun Sen un sihanoukiste « historique », comme il y avait eu des gaullistes historiques.
3C’était de bonne guerre. On imagine bien les experts de Hanoi ou de Moscou conseiller à Hun Sen cette belle histoire qui ne pouvait manquer de toucher le père de l’indépendance cambodgienne. À cette époque, le but recherché par Hanoi était avant tout de convaincre Sihanouk de quitter la résistance anti-vietnamienne qui alliait Khmers Rouges, anciens Républicains et royalistes.
4Mais il y a d’autres versions, comme celle présentée par Ben Kiernan dans How the Khmer Rouge came to Power, qui affirment que le jeune Hun Sen avait 15 ans quand il rejoignit la rébellion communiste et ce bien avant l’appel de Sihanouk. Il aurait servi de courrier clandestin, emploi idéal pour un adolescent dont personne ne se méfie. C’était en 1965 plutôt qu’en 1970. Vraisemblable, car à l’époque où Ben Kiernan écrivait son livre, personne ne faisait attention à Hun Sen, alors figure très mineure de la tragédie cambodgienne.
5Commandant dans l’armée du Kampuchéa démocratique, rebaptisée après janvier 1979 « armée populaire » dans toutes les biographies autorisées de la RPK, Hun Sen fut blessé le 16 janvier 1975 dans la région de Kompong Cham. Il perdit un œil et resta plusieurs mois à l’hôpital, épousa son infirmière, Bun Rany, et, une fois rétabli, découvrit avec horreur la réalité du régime khmer rouge. Il quitta le Kampuchéa démocratique pour rejoindre les rangs de la résistance anti Pol Pot, qui se formait à la frontière du Viêt Nam. Vrai ou faux ?
6Allez savoir. Des proches affirment qu’en fait, il perdit l’oeil encore tout enfant, en jouant. Et qu’il n’aurait rejoint les adversaires de Pol Pot, tout comme Chea Sim ou Heng Samrin, que parce que, furieux des échecs de son armée contre les Vietnamiens, le Centre (Pol Pot et ses amis) qualifiait les chefs militaires de la zone Est d’« esprits vietnamiens dans des corps khmers » : il s’apprêtait à purger les dirigeants de la zone. Le seul salut pour ces chefs fut le départ précipité vers le Viêt Nam. Ce qui parait à peu près certain c’est que Hun Sen ne joua qu’un rôle mineur à l'époque khmère rouge.
7Le jeune ministre des affaires étrangères devait vite se rendre compte des lacunes de son éducation. Il eut le courage de s’entourer de quelques-uns des intellectuels qui restaient encore au Cambodge : Ho Sothy, son secrétaire privé ; Ouch Kiman, aujourd’hui ambassadeur à Paris ; Cham Prasit, actuel ministre du commerce ; Khieu Kanharit, actuellement ministre de l’information et surtout Sok An, future éminence grise. C’est le premier noyau de fidèles, ceux qui lui serviront d’interprètes, de confidents, sinon d’amis. Eux-mêmes n’ont pas de grandes ambitions politiques, ils savent rester dans l’ombre.
8Sok An est, à cette époque, l’homme de confiance des Vietnamiens. Ceux-ci, comme du reste les Soviétiques, ont vite compris que Hun Sen est le plus habile, le plus vif, le plus intelligent des dirigeants de la RPK. En décembre 1984 le premier ministre Chan Si meurt à Moscou. Quelques semaines plus tard Hun Sen, à 33 ans, devient premier ministre. Il l’est toujours et a récemment affirmé qu’il était prêt à le rester jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Petit à petit, il est devenu le vrai patron du pays. L’homme fort, un titre qu’il affectionne tout particulièrement.
9Les négociations de paix qui dureront près de cinq ans seront pour Hun Sen la chance de se faire connaître sur le plan international. Bien mieux que Chea Sim et Sar Kheng, les hommes forts de l'époque, qui se méfient de ses initiatives en direction de Sihanouk et de l’Occident, Hun Sen a compris que les Cambodgiens veulent la paix et aussi peu de communisme que possible. Le 30 avril 1988, il fait proclamer par l’Assemblée nationale à l’unanimité la fin de la RPK et la naissance de l’état du Cambodge et le droit à la propriété privée. Il parcourt le pays pour expliquer aux masses rurales, tentées par la résistance, que Sihanouk peut rentrer au pays, mais sans Pol Pot.
10En 1991, la Conférence internationale de Paris décide d’envoyer les Nations Unies au Cambodge pour permettre l’organisation d’élections générales “libres et justes”. Celles-ci, en mai 1993, donnent la victoire au Funcinpec du prince Ranariddh qui devance assez largement le Parti du peuple cambodgien, l’ex-parti communiste qui a abandonné toute ambition révolutionnaire.
11C’est la crise. Le PPC, qui en était venu à croire à sa propre propagande, blâme les Nations Unies pour sa défaite. Pour éviter un retour aux luttes armées, le prince Sihanouk crée une solution « à la khmère » : il y aura deux premiers ministres et deux ministres à la tête des ministères sensibles, comme l’intérieur ou la défense, l’un du Funcinpec, l’autre du PPC.
12Ni Ranariddh, « premier premier ministre », ni Hun Sen, relégué au rang de « second premier ministre », ne s’accommodent aisément de cette situation. En fait, seul parti doté d’une véritable structure organisationnelle, le PPC reste le vrai maître du pays, et en juillet 1997, un coup d’état contre le Funcinpec, financé par l’homme d’affaires Teng Bunma à hauteur d’un million de dollars, met brutalement fin à toute confusion. Hun Sen est désormais seul maître à bord ou presque.
13Le pouvoir coûte cher. Hun Sen dispose d’une véritable armée privée, fortes de près de 4 000 hommes, les « body guards » commandés par le général Hing Bun Heang, souvent secondé, du moins dans les affaires de trafic de bois, par la brigade 70, aux ordres du Major Général Mao Sophan. L’homme en charge du « business » de la Brigade 70 est le commandant Hak Mao qui avait acheté son rang pour la modeste somme de cinq mille dollars au début des années 90, quand la mode était aux titres militaires.
14Ajoutez à ces militaires plus d’une centaine de « conseillers privés », dont certains ont rang de ministres, un réseau de renseignement qui couvre tout le pays (et dont la tâche est d’observer aussi bien les amis que les ennemis politiques) sans parler de tout cet argent qu’il faut dépenser pour assurer sa popularité, de la construction d’écoles aux dons faits au nom du couple Hun Sen-Bun Rany, sans compter les petits cadeaux pour entretenir l’amitié bienveillante de chefs militaires et policiers, et on se rend compte que chaque mois coûte des centaines de milliers de dollars.
15Où trouver l’argent ? Chez les amis, les obligés, les hommes d’affaires locaux et étrangers en quête de faveurs, d’un beau contrat ou d’une médaille… Les salaires officiels sont souvent misérables. L’argent est devenu une obsession au Cambodge. On peut pratiquement tout acheter ou vendre. Une situation qui bénéficie d’abord à ceux que le peuple nomme les « grands messieurs ». L’argent, les bonnes affaires, voilà ce qui est le ciment du système. Ce qui fait son succès actuel mais aussi, peut-être, sa fragilité à long terme.
16Il s’est ainsi formé autour du premier ministre une nébuleuse qui paye, extorque, contribue, et se rattrape sur les plus petits ou sur les richesses naturelles du pays, voire sur le trafic de drogue.
17Les « grands messieurs » (ou les grandes dames, car elles sont nombreuses et puissantes dans le système) trouvent souvent dans l’exploitation du pays les fonds nécessaires pour s’assurer la bienveillance d’une pyramide qui aboutit souvent au cabinet du premier ministre ou chez l’un des ses protégés immédiats. Il faut aussi cotiser au PPC, assurer ses victoires électorales, car une défaite du PPC risquerait de mettre fin aux beaux jours. Celle-ci, il est vrai, est très peu probable dans un futur proche.
18Hun Sen ne se prive pas de dire publiquement qu’il désapprouve ce système, qu’il condamne la corruption, que les spoliations de terre vont entraîner un jour une révolte des campagnes, qu’il faut cesser de couper le bois à tort et à travers. Il parle, et souvent parle fort, il se fâche, il dénonce mais le fait est que rien ou presque ne change. La loi sur la corruption, une demande constante, mais molle, des pays donateurs est à l’étude depuis 1994. On l’attend toujours.
19Le cercle immédiat du premier ministre est probablement dominé par le très intelligent Sok An. Né en 1950 dans la province de Takeo, il survit aux Khmers Rouges et, en 1982, devient chef de cabinet au ministère des affaires étrangères, puis responsable du département Administration en 1985. Il est bientôt nommé ambassadeur en Inde, avant de se retrouver vice-ministre des affaires étrangères trois ans plus tard. Il est le confident de Hun Sen (alors à la fois premier ministre et ministre des affaires étrangères) et l’assiste dans toutes les négociations de paix. En 1992, Sok An est vice-ministre de l’intérieur puis chef du cabinet du Comité central du PPC. En 1993, il est élu député de Takeo. Il est aujourd’hui vice-premier ministre, ministre d’Etat et ministre auprès du Conseil des ministres. Il est aussi à la tête de plusieurs « autorités », ces super ministères qui contrôlent d’importants secteurs d’activités.
20Il dirige ainsi l’autorité Apsara, en charge des sites d’Angkor et surtout celle du Pétrole, qui sera sans doute infiniment plus lucrative. Dans le système Hun Sen, Sok An, qui parle fort bien quatre langues en plus du khmer, est le plus solide, celui qu’on peut présenter aux étrangers sachant qu’il ne mettra jamais les pieds dans le plat, celui dont l’épouse Annie fait merveille dans le monde des étrangers de la capitale, elle qui est si généreuse à l’égard de ces dames du monde diplomatique et des organisations internationales. Monsieur et Madame Sok An, c’est le visage élégant du PPC, bien plus à l’aise que Hun Sen et Bun Rany dans les salons mondains.
21Sok An est sino-khmer, mais certaines mauvaises langues le disent sino-vietnamien. Sa plus grande passion est inoffensive : ce sont les coqs de combat qu’il achète à grand prix au Mexique. Habile, il sait rester dans l’ombre au besoin. Sok An est, disent les Cambodgiens, la clé pour entrer au pays et y faire de bonnes affaires, la porte d’entrée pour accéder à Hun Sen. Un journaliste qui avait eu l’audace de suggérer que Sok An était corrompu fut bien vite condamné pour diffamation.
22Il y a aussi Hok Lungdy, chef des polices du royaume. A la fin des années 80, Hun Sen, qui le connaissait depuis 1979, l’avait envoyé à Phnom Penh pour tenter de mettre un frein à la corruption immobilière naissante. Il faut croire qu’il a vite compris les avantages qu’offrait sa nouvelle position. Devenu chef de la police, il est maintenant un homme très riche, et qui compte.
23Trop peut-être, car il flotte sans arrêt autour de lui des rumeurs de départ (au Viêt Nam comme ambassadeur à Hanoi, plus récemment comme nouveau ministre de l’intérieur, poste prestigieux mais moins puissant que chef des polices). Hok Lungdy est mal vu de l’épouse de Hun Sen, Bun Rany, car c’est lui qui avait présenté la jeune et jolie actrice Piseth Pelika, dont il était l’amant, à Hun Sen qui en devint profondément amoureux. Une fois cette liaison connue par la famille Hun Sen, Pelika fut abattue en plein jour en 1999 et aucun coupable n’a jamais été trouvé.
24Pour contrôler l’armée, Hun Sen envoya Kun Kim, un ex-Khmer Rouge devenu gouverneur de Kandal (puis vice-gouverneur quand le Funcinpec Chak Sarik fut nommé gouverneur après les élections de 1993. Mais quand un gouverneur est Funcinpec, c’est toujours le vice-gouverneur PPC qui détient le vrai pouvoir). C’est qu’il n’avait guère confiance dans le commandant en chef des forces royales cambodgiennes, le général Ke Kim Yan, trop proche de Chea Sim. Kun Kim est aujourd’hui chef d’état-major de l’armée. Pendant plusieurs années, Hun Sen s’est efforcé de faire entrer Kun Kim au Comité central du PPC qui, dans sa majorité, n’en voulait pas. C’est désormais chose faite.
25Un des hommes de Hun Sen est spécialisé dans les affaires complexes, celles où il faut créer soit une diversion, soit une illusion : Mol Roeup, chef du renseignement militaire et autre pilier du système.
26Il crée des armées fantômes, genre Cambodia Freedom Fighters, Armée du Parti Sam Rainsy ou ce récent Empire Khmer qu’il affirme être lié aux mouvements autonomistes du Kampuchea Krom. Ces armées existent-elles ? Le CFF est sans doute né dans l’esprit d’un comptable khméro-américain de Long Beach. Le PPC a repris la balle au bond et a même été jusqu’à créer un éphémère hebdomadaire, Vision, pour donner du poids à la fable des Cambodia Freedom Fighters. C’est de la désinformation, mais ça peut toujours servir, contre le Funcinpec ou contre le Parti Sam Rainsy. Il y a des gens en prison, accusés d’être membres des CFF, et on finit par y croire.
27Mol Roeup est aujourd’hui malade. Il a sans doute quelques disciples. Dans la même mouvance, Mok Chito, chef de la police criminelle au ministère de l’Intérieur, est un autre spécialiste des actions brutales contre l’opposition.
28Il faut, bien sûr, mentionner Madame Hun Sen, la redoutable Bun Rany, née Same Heang. On la sait jalouse, riche et puissante. Elle a de très bonnes relations avec les milieux d’affaires sino-khmers. Avec la très habile Madame Choeung Sopheap, patronne de Pheapamex, la plus puissante compagnie du Cambodge, associée à l’épouse du ministre du commerce, Cham Prasith.
29Autre femme puissante, Madame Seng Keang ancienne épouse mais toujours en (bonnes) affaires avec Dy Touch, cousin germain de Hun Sen, qui aime à se donner du Okhna Hun Touch ; elle aussi est une proche de Bun Rany. Madame Keang et son ancien mari sont au coeur du plus grand syndicat du bois du pays. On y retrouve également le discret Khun Tong, beau-frère du ministre de l’agriculture des eaux et forêts, Chan Saroeun. Khun Tong, selon un récent rapport de Global Witness, n’hésite pas à rançonner ses rivaux du commerce du bois, en les menaçant de représailles de la part du directeur général de l’administration des forêts, Ty Sokhun, qui se trouve être son beau-frère.
30Proche aussi de Hun Sen voici l’incontournable Mong Rethy. On le sait généreux financier de plusieurs programmes chers à Hun Sen. Il dispose de son port personnel, baptisé en toute simplicité Port Okhna Mong (Okhna est un titre qu’on peut acheter pour cent mille dollars). Il avait été impliqué en avril 1997 dans une grosse affaire de trafic de cannabis (sept tonnes). C’est à cette occasion que Hun Sen déclara que celui qui voulait s’en prendre à Mong Rethy devait « porter un casque d’acier » pour se protéger.
31Il a bénéficié récemment de l’octroi de plusieurs concessions immobilières à Phnom Penh (les bâtiments de la Cour Suprême, de la Cour d’appel et de la Cour municipale, lui ont été vendus). Mong Rethy a aussi acheté et rasé l’ancienne Ecole des Beaux Arts, non loin de l’ambassade de France. En contrepartie, il a reconstruit une école aux abords de l’aéroport de Pochentong (Phnom Penh International) dont les bâtiments sont déjà presque en ruine. Depuis 2006, Mong Rethy est sénateur PPC.
32Autre sénateur PPC bien connu, Ly Yong Phat est surnommé le parrain de Koh Kong. Il contrôle la province de ce nom, où il possède hôtels et casinos. Il a obtenu de très lucratifs contrats pour construire un port, des routes, un pont. Il vend de l’électricité et, disent des mauvaises langues bien informées, participe au trafic de drogue.
33Le mari de Madame Sopheap, le sénateur Lao Meng Khin, lui aussi bénéficia de nombreux contrats juteux : une caserne pour l’armée, le monopole sur l’iodisation du sel, la mise sur pied d’une zone franche, l’exploitation de mines, de vastes terrains et concessions forestières. On ne devrait pas oublier non plus le sénateur (PPC bien sûr) Sy Kong Triv, qui a, dans son portefeuille, la construction de routes et d’une ligne de chemin de fer, la rénovation d’aéroports et des centaines d’hectares de terrains.
34On pourrait ainsi continuer cette liste à l’infini, car le système s’étend aux districts et villages de chaque province. Y ajouter des banques et de multiples compagnies qui, toutes, d’une manière ou d’une autre, ont un lien avec le pouvoir. La corruption, les abus sont la norme plutôt que l’exception. Même le Viêt Nam s’en est ému. Lors de la venue du président de l’assemblée nationale du Viêt Nam, Nguyen Phu Trong, en avril 2007, la délégation parlementaire vietnamienne a communiqué à ses collègues de l’Assemblée nationale du Cambodge un document en trois points qui a fait quelque bruit :
- Aucun leader national ne devrait rester au pouvoir toute sa vie. Au Viêt Nam il y a des changements réguliers, qui se font dans l’ordre et qui garantissent que le pouvoir ne s’ankylose pas et demeure efficace.
- Le gouvernement se doit de respecter l’Assemblée nationale qui représente le peuple souverain. Même si le Viêt Nam est un pays de parti unique, le gouvernement est obligé de faire attention aux vues et critiques exprimées par les membres de l’Assemblée.
- Dans chaque pays, c’est le devoir du gouvernement de lutter sérieusement et efficacement contre la corruption en vue de promouvoir l’Etat de droit et de garantir un développement durable.
35Prenant prétexte d’un malaise, Hun Sen refusa de recevoir le président de l’Assemblée nationale du Viêt Nam. Les pays donateurs ont incontestablement une part de responsabilité dans ce qui se produit au Cambodge, une situation qui prive tant d’honnêtes citoyens d’une vie décente. Ainsi que l’écrivait le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’Homme au Cambodge, Yash Ghai, « s’il est vrai que les donateurs n’accordent pas d’importance aux droits de l’homme, mais cherchent simplement à construire une relation avantageuse avec le gouvernement, alors il me semble que ces donateurs sont en faute non seulement vis-à-vis du peuple cambodgien mais aussi à l’égard de leurs propres contribuables ».
36Derniers venus sur la liste des donateurs prêts à fermer les yeux sur les abus constants des droits de l’homme, la corruption et même le trafic de drogue, les Etats-Unis de George Bush, au nom, bien sûr, de la lutte contre le terrorisme.
37Le système est souvent basé sur d’étroites relations de famille ; des enfants de Hun Sen ont épousé fils ou fille de Hok Lungdy et Sok An, pour ne citer que les unions les plus fameuses. Et le réseau est si serré, si complexe qu’il est devenu quasi inextricable. Même si la concurrence peut être féroce, chacun en fin de compte a intérêt à ce que rien ou presque ne change et que demeurent le pouvoir de l’argent et l’absence d’une justice indépendante.
38Une question se pose : Hun Sen en est-il victime ou complice ? La réponse est moins simple qu’il n’y parait. Il a besoin du système pour sa survie politique et, en même temps, c’est ce système qui pourrait un jour entraîner sa perte.
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