Chapitre 3. Les différentes manifestations de la piraterie maritime en Asie du Sud-Est
p. 91-130
Texte intégral
1Il semble aussi délicat de trouver un consensus sur la typologie de la piraterie que sur sa définition. Les intérêts de chacun déterminent largement les modalités de classement. En août 1992, Eric Ellen séparait les attaques affectant le navire de celles visant les marchandises187. Plus loin, il distinguait la menace selon qu’elle relevait du champ commercial ou du champ social. Pour sa part, Daniel Perret, chercheur à l’Ecole française d’Extrême-Orient, différenciait la piraterie « artisanale » de celle qui s’appuyait sur des réseaux internationaux. La première viserait plutôt les effets personnels de l’équipage et les équipements légers ; la seconde s’intéresserait surtout au fret et au carburant188.
2Cette distinction est partagée par la Maritime and Port Authority of Singapore et par la Singapore Shipping Association (SSA). Toutes deux insistent sur les différences qui leur semblent déterminantes entre la piraterie stricto sensu, de grande envergure et visant la cargaison des navires qui croisent au large, et le banditisme maritime côtier. La SSA souhaite que les Etats s’intéressent avant tout au premier cas, lié au crime organisé et aux attaques contre les navires en transit. Elle évoque d’ailleurs les risques qui pèsent sur l’environnement en cas d’échouage d’un pétrolier...
3Lors d’un séminaire à Newport (Etats-Unis) en 1995, Kwek Siew Jin, qui dirigeait la marine singapourienne, mettait quant à lui l’accent sur la durée du détournement. Il distinguait ainsi les mainmises temporaires, des détentions plus durables – « le bateau disparu est retenu pendant plusieurs jours, le temps de décharger la cargaison » –, et des séquestrations permanentes189. Les deux premiers cas seraient caractéristiques de la mer de Chine méridionale ; le dernier toucherait davantage l’Asie du Sud-Est et les détroits malais.
4En matière de typologie, on ne peut guère retenir comme critère d’analyse la nationalité des navires du fait de l’abondance des pavillons de complaisance. Sauf cas rares – certains pirates chinois s’en seraient pris exclusivement aux navires russes –, les motivations sont plus pécuniaires que nationalistes. C’est ici une des différences majeures avec le terrorisme : qu’importe le pavillon pourvu qu’on ait la cargaison. On notera néanmoins que treize navires attaqués en 1998 étaient malaysiens, ce qui a sans doute eu quelque influence sur la prise de conscience du phénomène à Kuala Lumpur. De même, c’est bien le nombre de navires japonais victimes de piraterie qui a poussé le Premier ministre nippon Keizo Obuchi à proposer une conférence internationale sur la question.
5En matière de définition, on se référera pour notre part à la classification de l’OMI190. Entre le 15 juin 1998 et le 15 juin 1999, un site web spécialisé a qualifié 84 % des attaques recensées d’« incidents ponctuels191 ». Il s’agissait surtout de « vol à main armée mineur » (VMAM). Mais 9 % des attaques se sont soldées par la capture de la cargaison (« vol et agression à main armée de degré intermédiaire » – VAMAI). Enfin, 7 % des attaques ont entraîné la disparition du navire, probablement reconverti en « bateau fantôme » (« détournement criminel aggravé » – DCA).
3.1. LA PETITE PIRATERIE (LE « VOL A MAIN ARMEE MINEUR » – VMAM)
6Le « vol à main armée mineur » concerne les attaques et vols qui se déroulent dans les ports ou à proximité des côtes et dont sont bien souvent victimes les pêcheurs et les plaisanciers. Par VMAM, l’OMI entend une attaque opportuniste, menée depuis le long des côtes par de petits bateaux très rapides et perpétrée par des bandits (maritime muggers) habituellement équipés de couteaux. Ils visent généralement les liquidités enfermées dans le coffre-fort et les objets personnels de grande valeur. Le montant des biens dérobés est le plus souvent compris entre 5 000 et 15 000 dollars192.
7Pour la plupart, ces pirates sont issus du monde marin. On rencontre parmi eux des pêcheurs, des matelots, voire des soldats de la marine reconvertis et, dès lors, parfaitement renseignés sur l’environnement du transport maritime. Au cours des années 1980, la police de Kuala Lumpur aurait identifié 24 bandes de pirates aux seuls abords de Bornéo193. En 2000, six d’entre elles couraient toujours (Kumpulan Pipi Uwah, Kumpulan Sarikal Alihal, Kumpulan Akil Jani, Kumpulan Tandanan, Kumpulan Madjuran et Kumpulan Akil Dewan).
3.1.1. Les attaques portuaires
8En Asie du Sud-Est, plus des trois quarts des incidents adviennent dans les eaux territoriales, le plus souvent à l’intérieur des ports (au mouillage ou à quai)194. C’est notamment le cas en Malaysia, où, au cours de l’année 1999, se sont produits plusieurs incidents sur les quais de Bintulu, dans l’Etat du Sarawak (au nord de Bornéo). En général, des hommes armés de parang (longs couteaux) et de pistolets abordent les navires au mouillage à l’aide de hors-bord. Une collaboration avec les forces aériennes a dû être envisagée pour renforcer la sécurité aux abords des installations portuaires.
9Malgré les efforts des autorités de Singapour, le détroit de Malacca a lui aussi connu des attaques contre des bateaux en transit dans ses ports. En 1998, une compagnie maritime française opérant en Asie du Sud-Est a ainsi vu les équipements de navigation de l’un de ses remorqueurs entièrement démontés puis volés près du port de Batu Ampar (Batam).
10La baie de Manille et les installations côtières d’Indonésie, d’Inde, du Sri Lanka ou du Bangladesh ne sont guère épargnées, même si la plupart de ces incidents ne sont jamais rapportés. En 1994, on pouvait espérer avoir à faire à des cas isolés, entre autres dans les ports indonésiens de Dumai et Surabaya195. Mais les rapports hebdomadaires du Centre régional de la piraterie à Kuala Lumpur rendaient bien compte de la gravité du phénomène, avertissant que « les bateaux contactant les ports indonésiens de Belawan, Dumai, Merak, Samarinda et Tanjong Priok faisaient état de nombreuses attaques (…). Des attaques ont également été rapportées à Chittagong et Mongla (Bangladesh), ainsi qu’à Chennai (Inde). Des bateaux y ont été victimes de vols de plaques de zinc soudées sur les côtés ou à la poupe des navires… »196.
11En Asie du Sud, les raids menés depuis la côte ouest du Sri Lanka par des gangs organisés se sont multipliés197. Là encore, les bateaux sont bien souvent attaqués par un petit commando de deux à cinq hommes, la plupart du temps armés de simples couteaux. L’attaque est souvent brève, les pirates ne recherchant que de l’argent et des effets personnels198.
3.1.2. Les attaques côtières
12Les pêcheurs sont les premières victimes de la piraterie récurrente dans les eaux malaysiennes. Est-ce par lassitude ? Toujours est-il que les actes perpétrés à leur encontre sont rarement rapportés199.
13Il en va autrement pour ceux qui touchent les yachts et dont la presse occidentale ne manque pas de se faire l’écho. Car certains pêcheurs se livrent eux aussi au brigandage, parfois réduits à la dernière extrémité par la pression croissante sur le milieu naturel, l’appauvrissement concomitant des ressources halieutiques et la crise économique qui a récemment secoué la région.
14Ils traquent alors plutôt les petits plaisanciers, cibles faciles pour des groupes sans équipement spécial ni compétence particulière. Mais en 1995, un village entier a pris le contrôle d’un luxueux yacht de 120 pieds destiné à la plongée au sud d’Ambon (aux Moluques, en Indonésie).
15Au moment où le dîner était servi pour les vingt-deux invités, des pêcheurs, armés de lances, sont montés à bord. Le chef du village a réclamé 10 000 dollars. Après une empoignade entre l’équipage et les assaillants, le pire a finalement été évité. L’incident n’aura finalement coûté que 500 dollars à l’équipage200.
16Malgré leur relative rareté, ces attaques déchaînent les fantasmes et certains en viennent même à penser qu’un pirate sommeille derrière chaque habitant du Sud-Est asiatique.
17L’hebdomadaire Newsweek a étrangement rapporté les propos d’un plaisancier allemand encourageant ses collègues à ne pas fraterniser avec les autochtones sous peine de se voir dévaliser201. Dans le même esprit, Voile magazine a publié en novembre 1998 un article de Vincent Goudis, par ailleurs auteur de Cap’tain Vagabond (Albin Michel) :
« S’agissant de la Thaïlande : les pêcheurs n’ayant plus de boat people à se mettre sous la dent s’attaquent maintenant plus sérieusement aux yachts (il n’y avait avant que quelques rares disparitions). Nord de la Nouvelle-Guinée et Irian Jaya : ne pas mouiller ; les pirates arrivent en barque la nuit. Côtes du Vietnam : les pirates sont de vrais professionnels. Entre les îles indonésiennes : les pirates sont super équipés et attaquent surtout les cargos, mais se garder d’être trop confiant la nuit. Dans les Sulu : ne pas y aller ; les pirates sont pauvres, cruels et personne ne les contrôle202 ».
18En bref, le périodique semble suggérer de ne pas quitter le Grau-du-Roi ou Port-Camargue…203 Des bateaux de course eux-mêmes se sont sentis menacés : une épreuve annuelle entre Darwin (Australie) et Ambon (dans les Moluques) a été annulée en 1999. Seuls les concurrents du Vendée Globe Challenge, en dessous des cinquantièmes hurlants, semblent être à l’abri.
19Aux frontières du banditisme maritime, nos « artisans pirates » se risquent parfois à des opérations plus ambitieuses.
20Pour preuve : cette attaque en règle subie par un bateau malaysien, l’Antara dua, et ses dix membres d’équipage. En août 2000, ceux-ci acheminaient des Proton (la voiture nationale malaysienne) de Port Klang (à côté de Kuala Lumpur) jusqu’à Kuching (au Sarawak, en Malaysia orientale). Neuf pirates armés de machettes ont abordé le navire tôt le matin pour faire main basse sur 7 200 ringgits (environ 1 900 euros), une télévision, des téléphones portables, des montres, des chaussures et des vêtements204.
3.2. LA PIRATERIE ORGANISEE (LE « VOL ET AGRESSION A MAIN ARMEE DE DEGRE INTERMEDIAIRE » – VAMAI)
21Il s’agit d’actions violentes visant au pillage ou au vol de bateaux en haute mer ou dans les eaux territoriales. Cette pratique est moins commune que le banditisme maritime, mais davantage susceptible de perturber la navigation dans la mesure où les équipages sont souvent durablement neutralisés alors que le bateau n’est pas immobilisé.
22Pour être classées dans cette catégorie, les attaques doivent être menées par des gangs bien organisés, habituellement lourdement armés.
23La distinction s’opère donc en fonction de l’identité des pirates. Il peut être question de rebelles des armées nationales qui agissent à partir d’un « bateau mère205 » ou d’un port. Les bandes sont parfois affiliées à une personnalité locale. Elles agissent alors comme des milices privées.
ABORDAGE 5 : DE « MYSTERIEUX » ACCIDENTS
- Région nord-est de Bornéo, delta de la rivière Mahakam :
« En raison du trafic intense de matériel pétrolier le long de cette côte, des opérations d’envergure peuvent être menées par les pirates. C’est ainsi qu’une de nos barges, en parfait état, s’est retournée alors que la mer était parfaitement calme. Nous n’avons jamais su le lieu exact du naufrage, mais la barge, par miracle, a retrouvé ses lignes d’eau et a regagné son port d’attache.
« Quant à la cargaison de tuyaux qui aurait pu être récupérée facilement, la profondeur des eaux dans cette région n’excédant pas quinze mètres, elle a totalement disparu. Nous avons l’intime conviction d’avoir subi un piratage plus qu’un « chavirage ». Opération menée avec de gros moyens : barge, grue, équipage expérimenté... »
- Ile de Madura, en face du port de Surabaya (Java-Est) :
« Le détroit que forme l’île de Madura avec la côte est de Java est réputé pour ses actes de piraterie. Sur une trentaine de barges, nous en avons une qui a été délibérément drossée sur une belle plage sablonneuse facile d’accès. La cargaison bâchée se composait de poutres d’acier de dix-huit mètres de long, d’un poids unitaire de trente tonnes. Hélas pour les pirates, le butin était au-dessus de leurs moyens logistiques.
« Le drame est qu’aucun recours n’est possible contre l’échouage volontaire. Dans le cas de pirateries traditionnelles, un simple rapport de police nous permet de faire intervenir l’assurance du propriétaire de la marchandise. Mais dans ce cas précis, aucune enquête n’est diligentée par la police ou les autorités. » (Témoignage, recueilli le 13 novembre 2000, d’un Français responsable d’une compagnie maritime.)
24De la même manière qu’à Athènes, après la guerre du Péloponnèse et l’amorce de son déclin (Ve siècle avant J.-C.), les soldats s’étaient recyclés dans la piraterie, d’anciens militaires vietnamiens, démobilisés lors d’une réduction drastique des effectifs, ont cherché à compenser la perte de leur emploi en attaquant des navires206. En Europe, le bureau britannique de Greenpeace s’est même vu proposer les services d’anciens militaires expérimentés dans le maniement des explosifs. Ils cherchaient à se réorienter, croyant voir une opportunité dans le développement du militantisme environnementaliste en milieu maritime207.
3.2.1. Les attaques en mer de Chine méridionale
25Durant les années 1990, l’armée chinoise a été montrée du doigt tant les témoignages ont abondé sur les actes de piraterie perpétrés par des individus qui ressemblaient à s’y méprendre à des soldats de l’Armée populaire. Fin 1999, le Foreign Office britannique expliquait que des vedettes chargées d’hommes en uniforme forçaient des navires qui croisaient au large à pénétrer dans les eaux territoriales chinoises afin de pouvoir les y accuser de contrebande.
26Seul le paiement d’une forte amende permettait aux bateaux de reprendre leur route208. En octobre 1997, c’est le Vosa Carrier parti de Hong Kong qui est détourné vers Huilai (Guangdong) par une vedette chinoise209. Les pirates s’emparent rapidement de l’argent et font signer un document à l’équipage par lequel il reconnaît se livrer à des opérations de contrebande. Le capitaine est ensuite cité à comparaître à Huilai et les containers sont confisqués. Le bateau et l’équipage sont finalement relâchés après le versement d’une amende de 100 000 dollars à la police.
ABORDAGE 6 : FILIERE CHINOISE ?
« Un navire a surgi devant nous. Il ressemblait à un chalutier et était peint en gris foncé. J’ai viré à tribord pour lui laisser le passage, conformément aux règles de la navigation en mer, mais le navire nous a suivis sur environ cent mètres par bâbord. Il y avait une dizaine d’individus armés en uniforme sur le pont. Il y avait aussi une grue avec une petite embarcation munie de deux puissants moteurs, de toute évidence destinée à l’abordage. Ces individus nous ont fait signe et ont donné des coups de sifflet pour nous faire stopper, ce que naturellement je n’ai pas fait, car nous nous trouvions dans les eaux internationales. Après avoir changé plusieurs fois de cap toujours sans nous dire qui ils étaient, ils ont disparu en direction du sud. La terre la plus proche était Luzon aux Philippines. (...) Des insignes semblables aux insignes chinois étaient peints sur le navire qui arborait un pavillon rouge. Les uniformes semblaient chinois, mais étaient peut-être faux. Tout cela a duré une trentaine de minutes. » (Eric Ellen, mars-avril 1994, p. 2)
3.2.2. Les attaques dans le monde malais
27L’armée indonésienne a longtemps été accusée de toutes sortes de trafics210. En 1995, peu avant la démission forcée du président Suharto et le déclin de son orde baru (l’ordre nouveau), les commandants militaires provinciaux étaient dotés de pouvoirs étendus qui leur permettaient notamment de dominer l’administration civile. Leurs contacts avec les milieux d’affaires locaux étaient facilités, ce qui leur permettait aussi de se livrer à des activités économiques qui flirtaient parfois avec l’illégalité. Certains en ont même profité pour se compromettre dans de réels actes de piraterie211. Il semble d’ailleurs que plusieurs attaques aient associé d’authentiques criminels à des commandos de marine212. Ces hommes de l’armée indonésienne, sans doute en service commandé, auraient permis aux pirates de saisir des cargaisons puis de les transférer rapidement.
28Il est encore trop tôt pour savoir si les efforts déployés par le gouvernement indonésien d’Abdurrahman Wahid (également connu sous le nom de Gus Dur) pour mieux contrôler l’armée ont véritablement porté leurs fruits et s’ils se sont poursuivis avec la même intensité depuis la nomination à la tête du pays de Megawati Sukarno Putri (23 juillet 2001). Les liens entre certains potentats locaux et les bandes pirates sont en tout cas trop serrés pour être dénoués aisément.
29De même, au sud des Philippines, derrière le principal conflit entre l’Etat et les sécessionnistes, les habitants ont dû composer avec les milices privées. Or dans les provinces rurales, les membres des comités de surveillance, habituellement liés à l’armée, se substituent bien souvent à l’administration en place. Grâce aux moyens dont ils disposent, les pirates, les contrebandiers ou encore les trafiquants d’armes constituent une véritable élite économique213.
30Pour révélateurs qu’ils soient des problèmes rencontrés aujourd’hui par l’armée indonésienne – et dans une moindre mesure par son homologue philippine –, les actes de piraterie impliquant des unités militaires en tant que telles restent néanmoins marginaux en Asie du Sud-Est. Et si les institutions chargées du maintien de l’ordre sont souvent montrées du doigt, elles n’en obtiennent pas moins des résultats intéressants.
31Le 12 octobre 2000, trois hommes âgés d’environ 25 ans ont été arrêtés par la police malaysienne. Ils étaient accusés d’une trentaine d’agressions qui leur avaient rapporté plus de 260 000 dollars. Un bateau rapide et des armes blanches ont été saisis.
32Le 23 octobre, au cours d’une embuscade le long de la plage de Klebang Kecil, la police a abattu le chef d’un syndicat pirate et arrêté quatre de ses complices. Ceux-ci ont été surpris en train de charger des cyclomoteurs de contrebande à bord d’un bateau en route pour Sumatra. Douze autres interpellations ont suivi et, depuis, le nombre d’attaques aurait considérablement baissé. A croire que les autorités malaysiennes, qui affirmaient depuis un certain temps être en possession de renseignements importants, avaient attendu la réunion internationale de Kuala Lumpur en novembre 2000 pour agir...
33Mieux équipées que de simples pêcheurs, parfois liées au monde des affaires ou à des officiers corrompus, ces bandes sont pourtant loin d’avoir la puissance des mafias et autres triades qui peuvent se livrer à des trafics de grande envergure par le biais de la technique du kapal hantu ou phantom ship (bateau fantôme en indonésien et en anglais).
3.3 LA PIRATERIE INTERNATIONALE (LE « DETOURNEMENT CRIMINEL AGGRAVE » – DCA)
34Lorsque dans Le Crabe aux pinces d’or, le Karaboudjan du capitaine Haddock se trouve rebaptisé Djebel Amilah, on touche, sous le crayon d’Hergé, à l’épineuse question du détournement des navires marchands.
35Mais pour appréhender dans sa globalité la question des DCA, on doit prendre en compte ses formes (« activités criminelles internationales planifiées et profitant de conséquentes ressources, utilisant d’importants gangs d’hommes bien entraînés et lourdement armés, pleinement préparés à utiliser les armes à feu ») autant que l’on doit se pencher sur ses conséquences (« disparition de navires détournés et rebaptisés afin de se livrer à des trafics illégaux – phénomène aujourd’hui baptisé “bateau fantôme” »)214.
36Un détournement se déroule toujours de la même manière. Globalement, on retrouve le schéma retracé par Eric Ellen, directeur du BMI215.
37Première étape : la capture d’un navire. C’est alors qu’intervient l’acte de piraterie stricto sensu. Les techniques d’abordage sont classiques : lancer de grappins, neutralisation de l’équipage et fouilles en règle.
38Ensuite, les malfaiteurs maquillent le bateau tandis que la cargaison est détournée. Puis l’embarcation reçoit une nouvelle immatriculation, accordée par le bureau maritime d’un consulat (souvent du Honduras ou du Panama) dans une ville d’Extrême-Orient (Bangkok, Singapour). Il existe des possibilités d’arrangement, plus ou moins légales.
39Etape suivante : le marchandage du bateau à un expéditeur pressé. L’Asie de l’Est connaît une expansion rapide des échanges. Dans certaines zones, la demande est supérieure à l’offre en matière de transport maritime. Il arrive donc qu’un fournisseur muni d’un crédit documentaire dont la date d’expiration approche cherche un navire de toute urgence.
40Grâce à leurs réseaux d’agents, les organisations criminelles de la région sont informées des besoins. Elles proposent un de leurs bateaux. L’expéditeur saisit l’occasion, embarque sa cargaison et reçoit son connaissement216.
41C’est l’heure du deuxième détournement. Au lieu de faire route vers la destination indiquée sur le connaissement, le navire se rend dans un port connu des seuls pirates. Ils y remettent le chargement à un complice ou à un acheteur de bonne foi. Puis, pour prévenir toute intervention policière, le navire change d’immatriculation et d’apparence.
42Le bateau peut ensuite recevoir une autre cargaison. L’opération peut même être renouvelée à plusieurs reprises. A terme, s’il n’est pas repéré, le navire fantôme pourra être revendu à un armateur peu scrupuleux, utilisé comme repaire par les bandits, vendu au poids de la ferraille, à moins qu’il n’entame une seconde carrière dans la contrebande d’armes, l’immigration clandestine ou le trafic de drogue.
ABORDAGE 7 : L’AFFAIRE DE L’ANNA SIERRA
L’action se déroule en 1995.
12 septembre, 14h20 : l’Anna Sierra, qui bat pavillon chypriote, quitte Bangkok avec à son bord une cargaison de 12 000 tonnes de sucre destinées à la Guangxi Autonomous Quisxing Enterprises de Beihai et dont la valeur s’élève à environ trois millions de dollars. L’équipage compte vingt-trois hommes. Il est attendu le 17 septembre à Manille.
13 septembre, 0h20, par 11° 15’N-102° 00’E (golfe de Thaïlande) : c’est l’attaque. Elle est menée à partir d’une vedette par trente hommes cagoulés, pauvrement vêtus, armés de pistolets, de mitraillettes et de couteaux. Tous portent un masque, sauf leur chef. Très rapidement, les pirates se mettent à repeindre les panneaux de la cale en gris, les parties basses des mâts et des mâtereaux en noir. Menotté, l’équipage est cantonné pendant deux jours dans deux carrés.
15 septembre, par 08° 20’N-107° 14’E (au large de l’île vietnamienne de Con Son) : huit marins sont menacés d’être « jetés en pâture aux requins » au moment où le commandant en second, qui avait réussi à se cacher, est découvert. Son supérieur implore la clémence des pirates et leur laisse son alliance en or avant qu’on ne lui coupe un doigt. Huit marins sont abandonnés à la dérive sur une embarcation de fortune. Malgré une mer houleuse, le reste de l’équipage est sommé de sauter sur un radeau de sauvetage. Au loin, tandis que l’Anna Sierra s’éloigne, la vedette qui avait conduit l’attaque repart avec la moitié des pirates, des vivres et les effets personnels qui ont été dérobés.
16 septembre : tous les marins sont retrouvés par des pêcheurs vietnamiens. Mais le navire ne s’appelle plus Anna Sierra. Il a été rebaptisé du nom, exotique sous ces latitudes, d’Artic Sea.
20 septembre, 10h00 : l’Artic Sea est amarré au quai numéro 4 du port de Beihai, dans la province de Guangxi en Chine du Sud. L’agent transitaire précisera plus tard qu’il n’avait pas reçu d’ETA (estimated time of arrival – estimation de l’heure d’arrivée), mais seulement une notification de Hong Kong, d’un certain capitaine Bekas. De faux documents ont été adressés par courrier à Penavico, l’agent transitaire, juste avant l’arrivée du bateau. L’équipage est désormais composé de douze hommes (dix Indonésiens et deux Malaysiens) qui prétendent être entrés en Thaïlande par l’aéroport de Bangkok le 7 août. Selon le BMI, il s’agirait en fait des pirates ayant perpétré l’attaque le 13 septembre. Le BMI invite à cette époque les autorités thaïlandaises à mener une enquête sur Artic Gold Navigation Inc, supposée domiciliée à Bangkok. Cette entreprise prétend alors que l’Artic Sea, enregistré auprès du Honduras, a chargé sa cargaison à Santos, au Brésil, en décembre 1994, ce qui aurait été crédible si chaque sac de sucre n’était frappé de la mention « Thailand »217.
Comme elles l’ont fait pour lePetro Ranger, (cf. abordage 4), les autorités chinoises ont réclamé une forte somme (400 000 dollars) pour la restitution du navire. Ce dernier n’a toujours pas quitté les plages de Chine du Sud... (Témoignage rapporté dans « L’Incroyable odyssée de l’Anna Sierra », Le Marin, 29 décembre 1995)
43En septembre 2000, Noel Choong, du Centre régional de la piraterie, estimait à deux ou trois millions de dollars le bénéfice que pouvaient retirer les bandits du détournement d’une cargaison moyenne218. Avec l’usage qui peut être fait du bâtiment, puis sa revente, un bateau fantôme pourrait rapporter, dans une bonne année, entre quarante et cinquante millions de dollars à l’organisation criminelle qui l’a détourné219.
44Les pirates évitent généralement d’organiser ces détournements dans leur pays d’origine. Honorables commerçants ayant pignon sur rue, ils réservent leurs activités illicites à des territoires relevant d’une autre juridiction. Cet écran rend la criminalité bien difficile à combattre.
45En mai 2000, le capitaine Pottengal Mukundan du BMI estimait à cinq ou six le nombre de gangs dirigés par de grands hommes d’affaires à la tête de compagnies de navigation. Ils sont pour l’instant protégés des extraditions prévues par la convention de Rome de 1988, puisqu’ils résident dans des pays qui ne l’ont pas ratifiée. Ce texte facilite en effet l’extradition dans les cas d’atteinte à la sécurité maritime.
46En 1999, le MT Siam Xanxai avec dix-sept personnes à son bord quitte Singapour chargé de pétrole à destination de Songkhla en Thaïlande.
47Le 8 juin 1999, peu avant minuit, il est attaqué par deux vedettes près des îles Tioman, au large des côtes sud-est de la Malaysia. Les pirates, armés de pistolets et de couteaux, ne peuvent empêcher un des marins de s’enfuir dans un petit bateau. Il est secouru plus tard par des pêcheurs de Sibu (proche de Bornéo), tout comme le seront les autres membres d’équipage abandonnés en mer par les pirates.
48Le MT Siam Xanxai sera repéré à la mi-juillet sous les traits du Auo Me 2, dans un port de la province du Guangdong, au sud de la Chine.
49D’après Xie Yongpeng, vice-directeur du bureau de la Sécurité publique de Shantou, le chef de file des pirates indonésiens aurait attaqué le navire sur l’ordre d’un résident de Singapour.
50La même année, le MV Marine Master battant pavillon panaméen est retrouvé à Fangcheng, autre port du sud de la Chine. Il s’appelle alors le Nuovo Tierra et porte le pavillon du Honduras. Parti de Nantong pour Calcutta le 1er mars 1999 avec à son bord une cargaison de soude, il a fait escale deux semaines plus tard à Singapour.
51Le 17 mars en mer d’Andaman, vingt pirates, dont certains étaient revêtus d’uniformes militaires, ont abordé le navire depuis deux bateaux de pêche et une vedette. Tous portaient des masques et étaient équipés de pistolets. Les membres de l’équipage ont dû prendre place dans deux bateaux de pêche en compagnie d’une dizaine de malfaiteurs.
52Quatre jours plus tard, les bandits les ont abandonnés sur un petit radeau d’où ils ont été secourus près d’une semaine plus tard. Lorsque le navire est débusqué à Fangcheng, grâce à un message d’alerte diffusé par le BMI, les quatorze Birmans qui se trouvent à bord sont arrêtés par les autorités chinoises et le bateau est remis à son propriétaire.
ABORDAGE 8 : LE TENYU, ET LES CONNEXIONS COREENNES
Le 27 septembre 1998, le Tenyu, un navire japonais battant pavillon panaméen, a levé l’ancre du port de Kuala Tanjung, au nord de l’île indonésienne de Sumatra, en direction d’Inchon en Corée du Sud, avec à son bord un chargement d’aluminium. L’équipage en moins (il ne sera jamais retrouvé), le navire resurgit trois mois plus tard, après une folle odyssée à travers la « méditerranée asiatique ». Il est appréhendé dans le port chinois de Zhangjiagang, avec de l’huile de palme et un équipage indonésien. Sa coque porte alors le nom de Sanei 1 et il bat pavillon hondurien. Le cargo avait disparu le 28 septembre au cœur du détroit de Malacca où on l’avait rebaptisé Vittoria pour le détourner de nouveau, cette fois-ci vers Rangoun en Birmanie. Il s’appellera ensuite le Hannah (le 10 novembre 1998) afin de se diriger vers Puerto Princesa aux Philippines, puis Scarlet pour se rendre, le 24 novembre 1998, à Pasir Gudang et se charger d’huile de palme. Il est alors rebaptisé Sanei 1 et navigue vers Dumai en Indonésie.
Quatre Sud-Coréens liés à cette affaire ont finalement été jugés220. Le capitaine du Tenyu, qui avait recruté des marins indonésiens par le biais d’une compagnie de Singapour, a été arrêté dans la cité-Etat avant d’être extradé vers la Corée du Sud. Il y fut accusé d’avoir acheté le bateau et son aluminium à deux Sino-Indonésiens avant de céder la cargaison à une société chinoise pour 4,3 millions de dollars. Lee Dong Gul – c’est son nom –, n’a écopé que de trois ans de prison puisque rien ne prouvait son implication dans l’arraisonnement du navire221. Selon le procureur Kwak Gyu Hong, qui se plaignait de la lenteur de l’enquête dans les différents pays concernés, un second cerveau de l’opération résiderait à Singapour. En 1999, un autre Sud-Coréen de 46 ans, Kim Tae Kuk, qui purgeait une peine à Hong Kong, a été mis en cause. Au moment du forfait, il faisait partie du bureau propriétaire du Tenyu. Il aurait même officié à bord du « bateau fantôme » en tant que capitaine222. Seize pirates indonésiens qui avaient aussi été interpellés ont pour leur part été relâchés.
Preuve qu’il existe bien des réseaux internationaux en matière de piraterie, on apprenait en mai 2000 qu’un pirate retrouvé à bord de l’Alondra Rainbow (cf. abordage 10) en novembre 1999 avait servi sur le Tenyu, dont deux autres responsables du détournement avaient déjà participé à celui de l’Anna Sierra trois ans auparavant.
53A la fin de l’année 1999, c’est bien en Chine que l’on a retrouvé la trace d’une grande majorité des bateaux volés. Là, les navires suspects désireux de vendre une marchandise douteuse bénéficient de conditions favorables et d’interlocuteurs qui ne paraissent guère soucieux de respecter les réglementations internationales. Dans certains ports du Sud, les triades auraient même acheté certains hauts fonctionnaires de l’administration portuaire pour qu’ils cessent de s’interroger quant à la véracité des documents présentés223. Dans le jargon du BMI, ils fournissent ce que l’on appelle des no-questions-asked commodities (« facilités accordées sans poser de questions »)224. Le port le plus fréquemment mis en cause est alors celui de Beihai, entre Hong Kong et l’île de Hainan. Plus au nord, la Zone économique spéciale de Xiamen intriguait également.
54L’année suivante, 300 enquêteurs dépêchés par le Premier ministre Zhu dans le Fujian ont arrêté près de 200 notables. Suspectés d’avoir accepté des pots-de-vin de Lai Changxing pour lui permettre d’importer clandestinement des armes, du pétrole brut, des voitures ainsi que des dérivés pétrochimiques, ils ont été condamnés à de lourdes peines225. Il faut dire qu’ils aurait réussi à mettre sur pied le plus important réseau de contrebande découvert depuis 1949. Grâce, entre autres, à l’usage des « bateaux fantômes », il aurait pu échanger plus de dix milliards de dollars de marchandises.
55Divers indices permettent de repérer un « bateau fantôme »226 : enregistrement au Honduras ou au Panama, bateau âgé d’entre quinze et vingt ans, détails suspects dans l’enregistrement, arrivée tardive dans les ports de chargement, appels radios restés sans réponses, équipage birman, indonésien ou philippin, absence de courrier au port de chargement, commission payée au courtier ou encore transfert de fonds sur des comptes personnels pour régler les frais de transport.
3.4. PARA-PIRATERIE
56A côté de la piraterie stricto sensu classifiée en trois catégories distinctes par l’OMI depuis 1993, on se doit de mentionner deux types de crimes intimement liés au monde marin. Pour des organisations politiques, la piraterie représente souvent un moyen de financer leurs activités principales.
57Lors de la réunion de l’ARF à Bombay en octobre 2000, l’Inde, sans doute préoccupée par les actions maritimes du Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), a tenté en vain de faire admettre les actions terroristes en mer comme une forme de piraterie. Mais, faute de consensus, les pirates n’ont pu être assimilés aux trafiquants de drogue – nombreux aux abords de la péninsule indochinoise227 – ou aux trafiquants d’armes, comme ceux qui croisent au large du Sri Lanka ou d’Aceh. Dans son rapport de 1993, l’OMI a néanmoins consacré un paragraphe spécifique aux implications terroristes de certaines attaques pirates228.
3.4.1. Les attaques de villages
58Au contraire de la piraterie classique, la para-piraterie comprend généralement un volet terrien, qu’il prenne pour forme l’attaque d’établissements administratifs et commerciaux, ou d’individus. La prise d’otages, fin avril 2000 sur l’île de Sipadan (entre les côtes du Sabah et des Philippines), a été particulièrement médiatique, mais elle est loin d’avoir été unique. Jimlan Panglima, en charge de la sécurité de Semporna à côté de l’île de Sipadan, rappelait au Star malaysien que son village avait été attaqué au moins quatre fois au cours de ces quinze dernières années.
59L’article en concluait qu’il ne s’agissait pas d’actes isolés, mais d’une piraterie « rampante »229. Notons d’ailleurs que 600 hommes de la GOF (General Operation Force) sont postés sur environ trente-cinq îles de l’archipel des Sulu, la plupart aux abords de la frontière maritime avec les Philippines.
60Malgré le flou juridique qui les entoure, le cas des raids pirates contre certains villages côtiers ne peut être éludé. Semporna, une petite ville de la province du Sabah dans la partie malaysienne de Bornéo, fut pillée et placée sous la coupe de brigands en 1952 et en 1954.
61En septembre 1985, c’était au tour de Lahad Datu, légèrement plus au nord, d’être attaquée par une cinquantaine de pirates qui prirent le contrôle de la ville pendant environ une heure. L’attaque fit dix victimes.
62A la mi-journée, les pirates ont débarqué, équipés et armés. La population les a confondus avec des forces de police. Une fusillade a éclaté sur le port. Les pirates ont bloqué l’accès à la ville et dévalisé une banque puis se sont retirés en entendant l’appel à la prière d’une mosquée230.
63En septembre 1995, quinze pirates armés ont tué onze personnes pour dérober 190 000 ringgits (55 000 euros) à la Standard Chartered Bank, dans une ville du Sabah oriental. Non loin de là, dans la zone de Semporna, six pirates ont débarqué en février 1996. Ils ont jeté des bombes artisanales destinées à la pêche à l’explosif sur le poste de police avant de voler une pièce d’orfèvrerie sertie de pierres précieuses d’une valeur de 100 000 ringgits (approximativement 29 000 euros)231.
64En mars 1996, toujours à Semporna, huit hommes armés ont dévalisé une bijouterie, raflant un butin estimé à 200 000 ringgits (58 000 euros). Un des voleurs a été tué, deux autres ont été arrêtés, mais les bureaux de la brigade de cette station balnéaire portent toujours les stigmates de ces attaques. Le 23 juin 1996, la police a ouvert le feu sur huit pirates qui avaient dépouillé un pêcheur aux abords de l’île d’Omadal. Sept autres pirates ont été tués en 1998 lors d’une tentative de vol contre un supermarché à Tawau (Sabah oriental).
3.4.2. La piraterie et les prises d’otages
65Les prises d’otages sont généralement liées à des motivations économiques ; mais elles se déroulent le plus souvent dans un contexte politique instable. Les événements qui agitent la partie méridionale des Philippines en constituent une très concrète illustration.
66Le 14 juin 1999 déjà, deux Belges avaient été kidnappés sur leur yacht tandis qu’ils rejoignaient Zamboanga sur l’île de Santa Cruz, dans l’archipel des Sulu. Le Front islamique de libération moro (FILM) qui lutte pour l’indépendance du sud des Philippines, avait été immédiatement mis en cause. Mais peut-on véritablement considérer ce mouvement comme pirate ?
67Le doute subsiste également quant à la nature réelle de la prise d’otages de 21 touristes occidentaux par le groupe Abu Sayyaf en avril 2000. A priori marquée par de forts accents politiques, comme l’illustre la demande de libération de militants islamistes, cette attaque ne ferait que prolonger une longue tradition pirate fondée sur le kidnapping et la rançon.
ABORDAGE 9 : ILES DE REVE POUR CAUCHEMAR PIRATE
En janvier 1999, un jeune homme de Kampung Bangau-Bangau en Malaysia, qui transporte d’habitude des touristes désireux de plonger autour des îles avoisinantes, est victime d’une attaque pirate entre les îles de Mabul et Kepayan. Les huit malfaiteurs au fort accent des Sulu lui demandent de se diriger vers l’île de Ligitan. Puis il marche de longues heures durant dans la jungle avant d’atteindre un village à Jolo, sur une des 157 îles de l’archipel des Sulu aux Philippines. Là, une cinquantaine d’individus attendent avec des armes lourdes. Il est libéré quelques jours après232.
Le 24 avril 2000, ce sont 21 personnes – dont douze Occidentaux – qui sont prises en otage alors qu’elles visitaient l’île de Sipadan, réputée pour ses fonds marins. La technique du groupe Abu Sayyaf rappelle les raids de l’ancien temps. A 19h30, des bandits surgissent, avant de repartir, quarante-cinq minutes plus tard, avec leurs otages qu’ils emmènent sur l’île de Jolo. Les malfaiteurs sont au nombre de six, armés de mitraillettes AK-47 et d’un bazooka, vêtus de tenues de camouflage233. Les revendications et les demandes de rançon sont bientôt rendues publiques. Il est d’abord fait état de 2,63 millions de dollars pour toutes les victimes, puis d’un million par otage occidental. Ils réclament par la même occasion la libération de Ramzi Yousef, incarcéré à la suite du premier attentat contre le World Trade Center qui, en février 1993, avait tué six personnes et en avait blessé près d’un millier.
Les otages, dont une équipe de France télévision, retrouvent la liberté un à un au terme de plusieurs mois de captivité et peu avant une offensive de l’armée philippine, en septembre 2000.
68Le groupe Abu Sayyaf n’a jamais été véritablement crédible sur le plan strictement politique. Le fait qu’au chapitre de leurs revendications ait été inscrite la venue de Robin Padilla – un acteur philippin spécialisé dans les rôles d’adolescents révoltés – n’a certainement pas contribué à la réputation du mouvement, composé pour l’essentiel de très jeunes gens234.
69Plutôt qu’un véritable mouvement, Abu Sayyaf est d’ailleurs devenu, au cours de ces dernières années, un simple label utilisé par nombre de sous-groupes aux liens très lâches235. D’après Nur Misuari, dirigeant historique du Front national de libération moro, un temps gouverneur de la province avant d’être incarcéré pour rébellion, on se trouverait face à de véritables « Robin des bois modernes » qui défendent des populations victimes de siècles d’exploitation, de guerres, de famines et de pauvreté236.
70A l’évidence, ce qu’écrivait Ghislaine Loyré, spécialiste de la région, à propos des pirates des Sulu au XIXe siècle, trouve ici un écho contemporain :
« Certes, certaines entreprises pouvaient avoir un objectif stratégique, mais la motivation la plus forte était la prise d’un butin. (...) En fait, [les pirates] n’auraient reconnu que l’autorité de chefs d’expéditions capables de les conduire. (...) Originaires de Mindanao, ils se sont déplacés peu à peu vers le territoire de Soulou et même vers Sabah. (...) Certaines années, près d’un millier de personnes furent ainsi enlevées237. »
71Osons maintenant replacer cette prise d’otages dans un débat plus vaste. Ce qui s’est passé sur l’île de Jolo en 2000 et en 2001 serait-il annonciateur d’une tendance globale associant le terrorisme en général et le terrorisme islamiste en particulier à des formes plus traditionnelles de délinquance parmi lesquelles la piraterie maritime trouverait sa place238 ?
72En juin 2000, un spécialiste des groupes armés algériens évoquait l’émergence au Maghreb d’une forte connexion entre le grand banditisme et certains mouvements fondamentalistes. La prise de pouvoir de jeunes leaders sans formation politique ou théologique en serait la première responsable. Comme dans le cas d’Abu Sayyaf, la jeune relève ne serait plus habitée par les mêmes convictions politico-religieuses239. Gilles Kepel, certes avant les attentats du 11 septembre 2001, y voyait même l’émergence d’une ère du « postislamisme240 ».
73Depuis l’an 2000, Kuala Lumpur a multiplié les initiatives pour nettoyer ses côtes des pirates. La police maritime malaysienne a ainsi été dotée d’équipements plus performants. En 2001 et pour le premier semestre de l’année 2002, le BMI ne rapportait plus, respectivement, que 17 puis 9 incidents dans le détroit de Malacca.
74Cependant, les agressions, si elles se sont faites moins nombreuses, sont de plus en plus orientées vers des cibles humaines. Les prises d’otages se sont multipliées au nord du détroit de Malacca, dans des zones disputées par l’Indonésie et la Malaysia. Les pêcheurs en furent bien souvent les victimes.
75Les 12 et 13 juin 2001, quatre bateaux de pêche et un remorqueur ont été attaqués par des groupuscules armés dans les eaux du Sabah, non loin de Sandakan. Pour chaque otage, une rançon oscillant entre 5 000 et 25 000 ringgits (entre 1 400 et 7 300 euros environ) a été réclamée et payée241. Quelques semaines plus tard à Butterworth, au nord de la péninsule malaysienne, le capitaine du Tirta Niaga était enlevé puis détenu quelque part sur l’île de Sumatra242.
76En juillet, un équipage de pêcheurs fut relâché non loin d’Aceh, après trois semaines de captivité dans la jungle et le versement d’une rançon de 60 000 ringgits aux ravisseurs indonésiens243. Lorsque quatre de ses marins ont été kidnappés puis emmenés à Jolo, une compagnie maritime singapourienne a finalement décidé de ne plus emprunter la mer des Sulu. Cette mesure a été interprétée par les autorités portuaires et les industriels de la région comme le signal que leurs partenaires commerciaux pourraient faire défection si leur sécurité n’était pas mieux garantie.
77Plus au nord, la Thaïlande connaît, elle aussi, une piraterie fondée sur la prise d’otages. Le rapport 2000 du BMI fait mention d’enlèvements de pêcheurs malaysiens. La bande à l’origine de ces kidnappings utiliserait comme base arrière les îles proches de Satun, dans l’extrême Sud du royaume. En avril de la même année, des pêcheurs ont été capturés dans le golfe de Thaïlande puis transférés vers l’île de Milio. Les pirates ont pu ajouter à leur butin – trente tonnes de poissons, des équipements de navigation, neuf radios et des effets personnels – les 10 000 dollars que le propriétaire du bateau a accepté de payer en guise de rançon. L’Etat est ici contourné, ignoré, tant on table sur son incapacité à intervenir.
78En novembre 1999, un amiral thaïlandais rappelait que la piraterie et les kidnappings représentaient également un problème réel à la frontière avec le Cambodge. Les rançons y dépassent souvent les 400 000 bahts par bateau (9 200 euros). Certains sont même allés jusqu’à soupçonner l’implication d’éléments corrompus de la marine cambodgienne244.
3.4.3. Piraterie maritime et mouvements de libération
79Le LTTE du Sri Lanka recourt largement au banditisme maritime. Est-ce dû à l’origine de ses chefs, natifs de Velvettithurai et issus pour la plupart de la caste des pêcheurs, ou est-ce tout simplement une conséquence de l’insularité du pays ?
80Toujours est-il que la dimension maritime de la lutte des Tigres tamouls ne peut être négligée. Rappelons pour mémoire les soupçons qui pèsent sur l’organisation autonomiste, accusée par certains d’avoir utilisé l’Alondra Rainbow, détourné au large de Sumatra, pour se livrer au trafic d’armes (cf. abordage 10).
ABORDAGE 10 : DE MANILLE A GOA, L’ETONNANTE ODYSSEE DE L’ALONDRA
L’Alondra Rainbow est parti comme le Tenyu (cf. abordage 7) du port de Kuala Tanjung (au nord de Sumatra) à destination de Miike (au Japon). Ce cargo neuf de 7 762 tonnes, battant pavillon du Panama, lève l’ancre le 22 octobre 1999 avec à son bord dix-sept marins – deux Japonais et quinze Philippins – et 7 000 tonnes d’aluminium. Il est attaqué deux heures plus tard par une dizaine d’Indonésiens masqués. Peu après, il est rejoint par un vieux bateau où l’équipage est transféré avant d’être abandonné en pleine mer d’Andaman une semaine plus tard, puis retrouvé le 8 novembre par des pêcheurs thaïlandais.
Entre-temps, une récompense de 100 000 dollars est promise à ceux qui contribueraient à la localisation du navire. Les autorités indiennes reçoivent des informations et dépêchent immédiatement un avion patrouilleur. L’Alondra Rainbow est repéré et pourchassé par les gardes-côtes qui veulent l’intercepter, à l’ouest de Ponnani. Ils cherchent ici à utiliser l’article 105 de la convention de Montego Bay qui compte parmi les exceptions notables au principe de l’exclusivité de juridiction de l’Etat pavillon. « Les actes de piraterie [en haute mer] sont l’objet d’une sorte d’actio popularis, en d’autres termes, d’un pouvoir d’intervention de tout Etat, donc de tout pavillon, aux fins de poursuite, contrôle, et éventuellement répression245 ».
Le bâtiment, rebaptiséMega Rama et battant pavillon du Belize, est arraisonné. Les pirates tentent alors en vain d’y mettre le feu avant d’essayer de le couler. A son bord, il ne reste plus qu’une partie de la cargaison246. La chasse se termine donc le 16 novembre à environ 170 milles de Goa, en Inde.
Malgré les dommages subis, le navire peut ensuite être remorqué. Arguant de l’article 105 de la convention de Montego Bay, les autorités indiennes affirment vouloir poursuivre les malfaiteurs en justice. Néanmoins, toutes les dispositions de la convention de Montego Bay n’ayant pas encore été intégrées par le code pénal indien, l’enquête est rendue difficile.
Le 21 novembre 1999, citant le New Indian Express, le Sunday Times suggère que : les dix pirates de l’Alondra Rainbow auraient troqué 3 000 tonnes d’aluminium contre des armes et des munitions. L’échange aurait eu lieu au Cambodge, alors plaque tournante d’un trafic d’armes. Après le Cambodge, les pirates auraient mouillé en Thaïlande avant de poursuivre, comme d’autres avant eux, jusqu’au Sri Lanka247.
En juillet 2000, dans son rapport semestriel, le BMI émet une nouvelle hypothèse. Le National Bureau of Investigation des Philippines (Bureau national en charge des enquêtes, équivalent du FBI américain) a en effet découvert 3 000 tonnes d’aluminium provenant de l’Alondra Rainbow dans un entrepôt proche de Manille. Les lingots d’aluminium portaient la marque INAL, confirmant qu’ils provenaient bien, comme la cargaison détournée, de l’Indonesian Asahan Aluminium. Le propriétaire de l’entrepôt a soutenu avoir acheté cet aluminium en toute bonne foi à une compagnie basée en Malaysia. Pour autant, ce sont de faux documents qui auraient permis à la cargaison de franchir la douane, un mois après le détournement de l’Alondra Rainbow. Le BMI conclut à la probable implication d’un syndicat du crime organisé. On parle même de complicité de personnalités proches du pouvoir philippin.
81Le 25 mai 1999, le Sik Yang, un bateau malaysien, est perdu au large de la côte ouest du Sri Lanka peu après avoir quitté le port indien de Tuticorin248. Immédiatement, on a pensé aux séparatistes tamouls qui cherchaient à contrôler ces eaux pour y affirmer leur souveraineté.
82Le LTTE est d’autant plus soupçonné que son organisation et son arsenal maritime sont impressionnants. Ses capacités sont largement supérieures à celles des pirates traditionnels. Les opérations maritimes de la rébellion tamoule sont gérées par une structure divisée en douze départements : les régiments pour les attaques de surface, les équipes de démolition sous-marine, des commandos pour les infiltrations à partir de la mer, la section responsable de la construction et de l’entretien du matériel, les unités de surveillance et de télécommunication, celles qui sont en charge du dépôt d’armes, une école navale qui organise une quinzaine d’heures d’enseignement par jour, un groupement de recrutement, une section politique et financière, une équipe de soutien logistique, des unités de reconnaissance et enfin, une sécurité sociale249.
83Les quelque 3 000 « Tigres de la mer » sont recrutés parmi les pêcheurs et contrebandiers tamouls qui ont une parfaite connaissance de la mer. Grâce à eux, certains groupes du LTTE ont pu acquérir une aptitude réelle à la navigation aussi bien côtière qu’en eaux profondes250. Ils disposent même d’un commando marin suicide – les « Tigres noirs de la mer » (Black Sea Tigers). Notons de plus la présence au sein du LTTE d’une unité de nageurs de combat qui a mené plusieurs raids contre des bâtiments sri lankais à l’ancre.
84En 1999, le mouvement aurait disposé de plusieurs centaines d’embarcations légères en fibre de verre, armées de mitrailleuses et de lance-roquettes et équipées de puissants moteurs leur permettant d’atteindre des vitesses supérieures à 30 nœuds (environ 55 km/h). L’objectif était de franchir rapidement le détroit de Palk et d’amener hommes et ravitaillement depuis les côtes du Tamil Nadu vers les zones tenues par les Tigres251. Cinq ou six navires arborant des pavillons étrangers auraient également servi à transporter armes et équipements.
85Enfin en 2001, les Tigres de la mer auraient cherché à se procurer un sous-marin en Afrique du Sud et dix, de taille plus modeste, en Corée du Nord. Une autre enquête a montré que d’autres équipements militaires avaient été livrés par Pyongyang, comme des roquettes de 107 mm, des mortiers de 60 mm et surtout des vedettes furtives propulsées par des moteurs de 200 chevaux252.
86Les mers du nord-est de l’île ont été déclarées par les rebelles « eaux territoriales de l’Eelam tamoul ». Ainsi, chaque navire n’appartenant pas au mouvement séparatiste peut être pris pour cible.
87Certains ports sont également attaqués. Ici point de petits larcins comme dans les grands archipels sud-est asiatique ; seule la destruction de certains navires importe. En avril 1996, une attaque a eu lieu dans le port de Colombo au cours de laquelle trois bâtiments étrangers ont été touchés. Le 19 avril 1995, l’assaut contre deux patrouilleurs sri lankais à quai, en rade de Trincomalee, avait marqué le déclenchement de ce qu’on appelle « la troisième guerre tamoule ». L’attaque avait été menée par plusieurs nageurs de combat, dont une femme. L’agression subie par le MV Cordiality, tandis qu’il était ancré à moins d’un mille de Pulmoddai, s’ajoute à la liste. Les rebelles ont abordé le navire pendant le chargement. Trente-trois marins ont été tués. La confrontation avec les patrouilleurs sri lankais a donné lieu à une véritable bataille navale.
88On relève aussi des prises d’otages, comme celles de l’été 1997 dont ont été victimes trente-deux pêcheurs musulmans ainsi que vingt-deux bateaux. Mais l’essentiel concerne des attaques contre des bateaux en mer. En août 1996, un navire enregistré aux Philippines, le MV Princess Wave, a essuyé les tirs des rebelles tamouls alors qu’il transportait une cargaison de sable vers Pulmoddai. Autres victimes : un ferry de 500 places battant pavillon indonésien (le MV Misan), un navire marchand battant pavillon coréen (le MV Morang Bong), etc.
89Fin août 1997, le Stillus Limmasul, un navire battant pavillon grec chargé de 32 400 obus de mortier de 81 mm achetés au Zimbabwe, faisait cap sur le Sri Lanka et a disparu au cœur de l’océan Indien. Malgré ses dénégations, il semble bien que le LTTE en ait été responsable.
90L’opération, menée en partie depuis l’Afrique du Sud, aurait été commandée par Kumaran Pathmanathan. Ce Tamoul, plus connu sous ses initiales « KP », n’est autre que l’officier responsable de la logistique de la rébellion253. Il rend directement compte à Velupillai Prabhakaran, le chef de file du LTTE, pour tout ce qui concerne l’approvisionnement en armes, munitions, explosifs et uniformes. « KP », aujourd’hui recherché par Interpol, contrôlerait maintenant les opérations maritimes du LTTE. On a parlé de trois sociétés écrans (Delta Marine Ltd., Plymouth Marine Ltd. et Marine Shipping and Trading Ltd.) qui permettraient de couvrir les activités de cinq ou six navires dont le Sweeny (Malte), le Nifly (Panama) et le Showa Maru, un tanker du Liberia. Ces bateaux serviraient au trafic d’armes via les routes maritimes internationales de la côte est du Sri Lanka254.
91A l’insu des acheteurs sri lankais, la cargaison d’armes du Zimbabwe aurait été embarquée dans un navire des Tigres tamouls, maquillé et non répertorié dans le Lloyds Register of Ships, qui se serait substitué au cargo attendu. Il s’agit d’une variante sud-asiatique de la technique du « bateau fantôme ». Aucun navire n’est capturé, certes. Mais le bateau chargé n’est pas celui qu’on croit.
92Au nord de Sumatra, à l’entrée du détroit de Malacca, le Gerakan Aceh Merdeka (GAM) combat depuis 1976 pour l’indépendance de la province indonésienne d’Aceh. Au cours de l’année 2001, plusieurs navires ont été abordés au large et leur équipage pris en otages. En août, par exemple, six marins du Ocean Silver ont été libérés contre la rançon de 300 millions de rupiahs (40 000 euros). Le GAM pourrait chercher à forcer les navires empruntant le détroit de Malacca à lui en demander l’autorisation255. Plus probablement, les rebelles voudraient ainsi faire parler de leur cause sur la scène internationale. Le GAM, lui, a démenti, jugeant que ces actions ne sont pas de nature à améliorer son image. L’unité du mouvement séparatiste pose cependant question. Tous ses membres ne seraient plus tout à fait contrôlés par leur chef de file, Hasan di Taro, réfugié à Stockholm.
3.4.4. Piraterie et psychose terroriste
93Après l’attentat qui a frappé les tours new-yorkaises du World Trade Center, les Etats-Unis ont craint que des attaques suicides visent leurs intérêts en mer. Se référant aux coups d’éclat des Tigres de la mer tamouls, l’amiral Dennis Blair, commandant de la flotte américaine pour l’Asie-Pacifique, assurait « prendre la menace très au sérieux256 ».
94Ainsi, les Etats-Unis ont proposé à la Malaysia de créer un centre antiterroriste conjoint. Des patrouilles associant les marines indienne et américaine ont également été envisagées257. En janvier 2002, une réunion s’est tenue à Kuala Lumpur afin de mettre sur pied un système d’échange d’informations destiné à combattre le crime transnational258. Par la suite, le 1er août 2002, Washington a signé avec les différentes capitales de la région un accord pour lutter contre le terrorisme et des formations ont été dispensées aux marines et polices maritimes de Malaysia, des Philippines, de Brunei, de Thaïlande, du Vietnam et d’Indonésie.
95Dans ce contexte fébrile, l’accueil favorable dont le chef de file du groupe islamiste radical Laskar Jihad a bénéficié à Batam et à Bintan, a suscité l’inquiétude de Washington d’autant que ces îles indonésiennes se situent à l’entrée du détroit de Malacca. En décembre 2001, treize militants de la Jemah Isamaiah, autre mouvement musulman activiste, furent arrêtés à Singapour. Ils auraient été sur le point d’attaquer des navires et une navette utilisée par des marins américains avec quatre tonnes d’ammonium qu’ils auraient stocké en Malaisie. En juillet 2002, un ancien conseiller de Chuan Leepkai, ancien Premier ministre thaïlandais de 1997 à 2001, soutenait qu’Al-Qaeda était responsable d’une bonne partie des 649 abordages dans le détroit de Malacca. Cette organisation, prétendait-il, cherchait à se fournir en déchets nucléaires afin de fabriquer des « bombes sales »259. Ces accusations n’étant guère étayées, elles ont été réfutées par le BMI qui s’est empressé de rappeler que les transports de matières dangereuses sont escortés par des bâtiments militaires260.
Notes de bas de page
187 Eric Ellen, « Maritime Crime », in CBI Bulletin, vol. 26, no 8, août 1998, p. 15.
188 Daniel Perret, 1998, p. 135.
189 Kwek Siew Jin, Sea Robberies in the Singapore Straits – The RSN Experience, International Seapower Symposium, Newport, Etats-Unis, novembre 1995, 13 p.
190 OMI, 28 février/10 mars 1993, p. 14-15.
191 Source : www.maritimesecurity.com, juin 1999.
192 Edward Furdson, mai 1995, p. 166.
193 Muguntan Vanar, « Plunderers from the High Waters », The Star, 22 mai 2000, p. 10.
194 OMI, janvier 2000, p. 4.
195 Eric Ellen, « La Piraterie maritime en 1994 », in Revue internationale de police criminelle, mars-avril 1994, p. 4.
196 Rapports hebdomadaires disponibles sur le site www.icc-ccs.org
197 Eddie Toh, « S’pore-Registred Ship Raided in Colombo Port », The Shipping Times, 5 janvier 2000.
198 Samuel Pyeatt Menefee, « Any Port in a Storm », in Eric Ellen (éd.), Ports at Risk, International Chamber of Commerce – International Maritime Bureau, Paris, 1993, p. 289.
199 « Fishermen In Semporna Not Affected by Abduction Incident in Sipadan », Utusan Express, 7 mai 2000.
200 Dorinda Elliott, « Where Pirates Still Sail », Newsweek, 5 juillet 1999.
201 Dorinda Elliott, « Where Pirates Still Sail », Newsweek, 5 juillet 1999.
202 Vincent Goudis, « Les Risques dans le Sud-Est asiatique », Voile magazine, novembre 1998.
203 Samuel Pyeatt Menefee, « Any Port in a Storm », in Eric Ellen (éd.), 1993, p. 294.
204 « Pirates Attack Malaysian Ship », The Shipping Times, 28 août 2000.
205 Edward Furdson, mai 1995, p. 166.
206 Samuel P. Menefee, « Violence at Sea », Jane’s Defense, 1997, p. 100.
207 Samuel P. Menefee, 1997, p. 100.
208 Gilbert Rochu, « Les Pirates high-tech préfèrent les mers chaudes », Marianne, 29 novembre 1999.
209 Daniel Perret, 1998, p. 128.
210 Harold Crouch, The Army and Politics in Indonesia, London, Cornell University Press, 1978; lire aussi Arnaud Dubus et Nicolas Revise, 2002, p. 151-159.
211 John Vagg, 1998.
212 Peter Chalk, 1997, p. 35.
213 S. Marshall, « Dire Need to Address Root Causes of the Mindanao Conflict », The New Straits Times, 27 mai 2000.
214 Edward Furdson, mai 1995, p. 166.
215 Eric Ellen, mars-avril 1994, p. 5.
216 Reçu des marchandises expédiées par voie maritime ou fluviale.
217 Jean-Claude Pomonti, Le Monde, 26 octobre 1995.
218 AP, « BC-Singapore-Pirates 1st Ld-Writethru », FAP, 5 octobre 2000.
219 « Dead Men Tell No Tales », The Economist, 18 décembre 1999.
220 Dorinda Elliott, « Where Pirates Still Sail », Newsweek, 5 juillet 1999.
221 Hélène Vissière, « Mer de Chine : Sur la route des pirates », Le Point, no 1419, 26 novembre 1999.
222 Dorinda Elliott, « Where Pirates Still Sail », Newsweek, 5 juillet 1999.
223 Dorinda Elliott, « Where Pirates Still Sail », Newsweek, 5 juillet 1999.
224 « Dead Men Tell No Tales », The Economist, 18 décembre 1999.
225 « La Chute du roi de la contrebande », Courrier international, no 84, 10 février 2000, p. 40-41.
226 Robert Redmond, « Phantom Ships in the Far East », in Intersec, vol. 6, no 5, mai 1996, p. 169.
227 Voir notamment à ce propos, Pierre-Arnaud Chouvy et Joël Meissonnier, Yaa Baa – Production, trafic et consommation de méthamphétamine en Asie du Sud-Est continentale, IRASEC – L’Harmattan, Bangkok – Paris, 2002, p. 87-88.
228 OMI, Report of the IMO. Working Group on the Malacca Strait Area, OMI, Kuala Lumpur, Singapore, Jakarta, 28 février – 10 mars 1993, p. 15.
229 « Locals Now Get to Sleep Soundly », The Star, 9 mai 2000.
230 Daniel Perret, 1998, p. 135.
231 « Semporna: a Land of Many Islands », Utusan Express, 27 avril 2000.
232 Muguntan Vanar, « A Hostage’s Story », The Star, 22 mai 2000.
233 « Gunmen Abduct 20 », The New Straits Times, 25 avril 2000.
234 Florence Compain, « Jolo sous le glaive d’Abu Sayyaf », Le Figaro, 6-7 mai 2000, p. 3.
235 Bunn Nagara, « Rescuers Groping in the Dark », The Star, 30 avril 2000.
236 Philippe Pons, « Les Rebelles philippins exigent une médiation étrangère », Le Monde, 30 avril 2000, p. 4.
237 Ghislaine Loyré, 1991.
238 Eric Frécon, « A Jolo, de vrais pirates », Libération, 10 août 2000, p. 5.
239 H’mida Layachi, « Banditisme et islamisme armé vont aujourd’hui de paire en Algérie » (interview), Le Monde, 16 juin 2000, p. 3.
240 Gilles Kepel, Jihad, expansion et déclin de l’islamisme, Gallimard, Paris, 2000.
241 « Hijackings by Pirates, not Filipino Soldiers », The Star, 29 juin 2001.
242 « Pirates Hijack Two Ships, Hold Captain for Ransom », The Business Times, 26 juin 2001.
243 Foong Thim Leng, « Fishermen Facing Piracy Threat », The Star, 5 juillet 2001.
244 Vu Kim Chung, « Exercise to Combat Piracy », in www.geocities.com, 16 novembre 1999.
245 Jean-Paul Pancracio, Droit international des espaces, Armand Colin, Paris, 2001, p. 681.
246 « Pirates Nabbed with Force », The Shipping Times, 19 novembre 1999.
247 « Asian Pirates Sell Arms to LTTE », Sunday Times, 21 novembre 1999.
248 R. Anand, « Pirates Hijack Oil Tanker off Tioman », The Sun, 17 juin 1999, p. A 10.
249 Rohan Gunaratna, « Sea Tiger Success Threatens the Spread of Copycat Tactics », Jane’s Intelligence Review, vol. 13, no 3, mars 2001, p. 12-16.
250 « Trends in Maritime Terrorism – The Sri Lanka Case », in Lanka OutLook, automne 1998.
251 « LTTE – Le Poids exceptionnel des opérations navales », p. 744-745, in Jean-Marc Balencie, Arnaud de la Grange (dir.), 1999.
252 Rohan Gunaratna, « Sea Tiger Success Threatens the Spread of Copycat Tactics », Jane’s Intelligence Review, vol. 13, no 3, mars 2001, p. 14. et Roger Davies, « Sea Tigers, Stealth Technology and the North Korean Connection », Jane’s Intelligence Review, vol. 13, no 3, mars 2001, p. 2-3.
253 Iqbal Athas, « Zimbabwe Breaks Silence », The Sunday Times, 28 septembre 1997.
254 Iqbal Athas, « Zimbabwe Breaks Silence », The Sunday Times, 28 septembre 1997.
255 « Gam Says It Controls Ship Lane », The Nation, 4 septembre 2002.
256 Amiral Dennis C. Blair, Journalist Roundtable – United States Pacific Command Transcript, Jakarta, 27 novembre 2001.
257 Celia W. Dugger, « US Raises Pace of Military Ties with New Delhi », International Herald Tribune, 6 décembre 2001.
258 Lee Shi-lan, « Terrorists at Large Lying Low », The New Straits Times, 31 février 2002.
259 AFP, « Osama Group Behind Piracy in Strait », The Straits Times, 23 juillet 2002 et « Terrorists as Pirates », The Straits Times, 24 juillet 2002.
260 Beth Jinks, « No Al-Qaeda-Linked Piracy Attacks in Malacca Straits », The Business Times, 23 juillet 2002.
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