Chapitre X. Les raisons du succès de l'équipe de Nouvelle-Zélande
p. 91-95
Texte intégral
1Le défi de l'équipe de Nouvelle-Zélande est un bon exemple des résultats d'une vue à long terme. Depuis plusieurs décennies, la Nouvelle-Zélande a développé une industrie qui a, en fin de compte, produit de bons résultats. Le tableau 10.1 ci-dessous récapitule certaines des raisons traitées dans ce chapitre. Elles tombent naturellement dans deux catégories : les secteurs dans lesquels l'équipe de Nouvelle-Zélande a bien réussi intérieurement (de 1 à 9) et les secteurs de performance qui se rapportent à des facteurs externes au contrôle direct de l'Équipe (de 10 à 12).
Les raisons du succès de l'équipe de Nouvelle Zélande
1 - Le développement d'une vision et de règles d'opération.
2 - Le choix des personnes appropriées
3 - Le développement de systèmes très réactifs
4 - L'aboutissement à une grande motivation.
5 - Une équipe très expérimentée.
6 - Du bon sens et de la concentration.
7 - Un bon management de projet
8 - Elle était très bonne en tout et même excellente dans certains cas.
9 - De très fortes interactions entre la conception, les navigants et la construction.
10 - La nécessité que la Coupe change de pays
11 - Une industrie nautique importante en Nouvelle-Zélande.
12 - L'adoption d'une vue à long terme.
Tableau 10.1 – Raisons de la victoire de l’équipe de Nouvelle Zélande dans la Coupe de l’America
Les facteurs de succès internes à l'équipe
2D'abord, les facteurs qui étaient directement imputables aux actions de l'équipe.
Le développement d’une grande vision et de règles d’opération
3Ceci est décrit en détail dans le Chapitre V. C'est à mon avis ce qui fournit la meilleure culture et l'environnement adéquat pour la performance de l'équipe. Cependant, la difficulté consiste à transformer les mots en réalité. On doit se concentrer sur des opérations basées sur l'équipe, la confiance, l'honnêteté, la responsabilité et le plaisir.
Le choix des personnes
4Les personnes ont été choisies sur une longue période par un processus fortement basé sur l'équipe. De cette façon, il y avait de fortes probabilités que les compétences et que les caractères s'adaptent aux besoins de l'équipe. Plusieurs avaient déjà bien réussi dans leur specialité.
Le développement des systèmes très réactifs
5Les systèmes de communication et la responsabilité décrits dans le paragraphe 7.3 ont permis à tous les membres de l'équipe de contribuer totalement à l'objectif de l'équipe. Bien que certains secteurs auraient pu être améliorés (et il y en a toujours !), les systèmes employés par l'équipe de Nouvelle-Zélande étaient de beaucoup supérieurs à ceux des autres syndicats.
L’aboutissement à une grande motivation
6Toutes ces choses, la Vision, les personnes, les systèmes et la nature de l'événement lui-même donnent un très haut niveau de motivation. C'était important car, en plus des aspects plus fascinants de la régate, il y avait beaucoup de travail ennuyeux et difficile pendant de nombreuses heures.
Le fait d’avoir une Équipe très experimentée
7La plupart des membres avaient participé à des défis précédents pour la Nouvelle-Zélande ou pour d'autres pays. Il est difficile de remplacer l'expérience et c'est pourquoi ce défi était l'aboutissement de dix ans et certainement pas de deux ans.
Le fait d’avoir du bon sens et de la concentration
8Comparée à beaucoup d'autres, la Nouvelle-Zélande est un petit pays avec des ressources limitées. Cela signifie que, pour réussir, les Néo-Zélandais doivent « travailler plus astucieusement » que leurs concurrents. Nous ne pouvions pas nous permettre de gaspiller l'argent en investissant dans un projet, en commettant des erreurs et en les multipliant. Il semble que les Néo-Zélandais aient développé un haut degré de bon sens. Dans les situations où nous avons réussi nous avons fait preuve de créativité, d'ingéniosité et nous appliquions souvent aux problèmes une approche « faire soi-même », comme pour le développement de l'avion à réaction Hamilton, le supervélo de John Britten ou bien nos forces armées dans les grandes guerres. Ainsi la concentration a toujours été une nécessité et a toujours réussi à la Nouvelle-Zélande.
9À ce propos, l'expérience de l'équipe de Nouvelle-Zélande n'était pas très différente. Puisque le budget limité signifiait que l'argent ne pouvait pas être investi dans chaque idée, et qu'on utilisait son bon sens en technologie. Le compromis de coût/avantage a dû être pensé et repensé ce qui signifie que l'argent a été investi uniquement dans des secteurs vraiment cruciaux. On a toujours choisi la méthode qui ne donnait que 95 % d'avantages, mais ne coûtait que 10 %. Cela a aussi abouti à une concentration plus grande : les ressources étant rares on a eu tendance à se concentrer sur les questions décisives.
Le fait d’avoir un bon management de projet
10Peter Blake, leader dans ce défi, était une figure de proue avec un très haut degré de crédibilité, au sein de l'équipe et dans le pays en général. Il a incarné les idées de la Nouvelle-Zélande en matière de fair play, de haut niveau d'intégrité, de respect et de confiance dans l'équipe. Une des choses qui revient le plus souvent dans les interviews publiques et les discussions privées avec les membres de l'équipe est leur fidélité illimitée à Blake, à cause du climat de confiance qu'il a créé parmi les membres pendant le défi et dans de nombreux cas au cours de nombreuses années.
11De plus, Blake avait l'expertise de maintenir la discipline lors des décisions critiques. Cela ne veut pas dire qu'il ait pris ou qu'il ait été obligé de prendre toutes ces décisions. Mais puisqu'il était impliqué et qu'il avait la connaissance de tous les aspects clefs du défi, le côté commercial, le côté sponsors, le côté naviguant, le concept et la construction, il était en mesure d'avoir une influence stabilisatrice quand il y avait des divergences dans tous ces secteurs. En dernier lieu il avait une équipe de management (l'équipe de coordination) dont les membres étaient capables de prendre de bonnes décisions dans leur spécialité.
Le fait d’être très bons dans tout les domaines et parfois même les meilleurs
12L'équipe de Nouvelle-Zélande a voulu être très bonne en tout et même parfois excellente. Ce principe vaut parce qu'il signifie qu'une équipe a une approche équilibrée et ne risque de s'étendre trop longtemps sur un sujet en essayant d'être trop bonne dans un secteur particulier. Après tout, les organisations de classe internationale ne le sont que dans un ou deux secteurs, leurs spécialités, et s'attachent à les utiliser au maximum, tout en maintenant en moyenne un bon niveau de réalisation dans les autres secteurs. Essayer d'être le meilleur partout aboutit à une perte de concentration et fréquemment à un manque de moyens à être bon à quelquechose.
De très fortes ineractions entre les architectes, les navigants et la construction
13La régate de la Coupe de l'America est intéressante parce que c'est un projet technologique aussi bien qu'une épreuve sportive. Certains estiment que si l'avantage technologique est suffisamment grand, les compétences des navigants sont de moindre importance. L'argument inverse est que si les compétences navigantes sont exceptionnelles alors le bateau prend une importante moindre. Bien sûr, ce n'est jamais entièrement noir ou blanc. Le plus souvent il y a une gamme de gris où l'un ou l'autre peut être le facteur décisif.
14NZL-32 et NZL-38 étaient d'excellents bateaux. Comment ont-il été réalisés ? Il n'y avait aucune aide de la NASA. Il n'y avait aucuns fonds de recherches secrets du gouvernement. L'équipe avait accès à de très bonnes sources dans la plupart des secteurs, mais rien de plus que les autres challengers. Le bassin de carène et la soufflerie étaient standard. La conception assistée par ordinateurs était standard aussi. Ils ont conjointement développé avec l'unité de recherche de l'Université d'Auckland une soufflerie pour tester les voiles, mais une fois de plus, c'était avec un budget relativement modeste qu'ils ont developpé des innovations.
15Ce qui a fait la différence c'était la qualité des personnes et la manière dont tous ces éléments se sont mélangés. Le concept client/fournisseur était la clef, avec les navigants comme clients. La structure organisationnelle basée sur l'équipe était aussi essentielle. Pour soutenir cela, un agencement ou la proximité des clients et des fournisseurs a encouragé un haut degré d'interaction. Une petite équipe et une bonne ouverture d'esprit ont aussi facilité considérablement la communication. Comme tous ceux qui ont essayé de diriger des individus très doués le savent, ce n'était pas facile. Beaucoup de personnalités différentes et d'egos devaient y trouver une satisfaction étant liés par un quelconque objectif commun. Ce fut le rôle de la Vision et des règles d'opération qui ont dû être maintenues et renforcées constamment pour aboutir au succès.
Les facteurs externes du succès de l'équipe
16En plus des facteurs directement imputables à l'équipe de Nouvelle-Zélande, il y eut plusieurs facteurs extérieurs à l'équipe qui eurent aussi un impact important sur le résultat final.
Une certaine lassitude
17Le public américain était fatigué des excentricités de Dennis Connor et estimait que le sport nautique avait tout à gagner si la Coupe allait ailleurs. Ce n'était un secret pour personne à San Diego que le public commençait à se lasser de la Coupe de l'America.
Une industrie de navigation à voile très forte en Nouvelle-Zélande
18Une grande partie de la population a accès à l'eau, aux bateaux et à la navigation à voile en particulier. De plus, les Néo-Zélandais aiment le sport et le défi a été fortement soutenu par les hommes politiques, pour différentes raisons, dont la principale était la valorisation de notre fierté nationale et de notre confiance en soi. Ces éléments ont considérablement renforcé l'Équipe de Nouvelle-Zélande. En tant que tel, le succès de l'Équipe fut un bon exemple de la Nouvelle-Zélande réussissant une performance dans un aspect du marché où elle avait le contrôle total pour fournir les résultats escomptés. Le défi a été bien soutenu par tout un éventail de moyens nécessaires à travers toute la Nouvelle-Zélande.
19Il est intéressant de prendre cela en considération dans le contexte d'autres industries où les Néo-Zélandais pensent pouvoir exceller. Dans ce cas, l'industrie des bateaux de plaisance a satisfait aux exigences des modèles de Michel Porter ayant l'avantage compétitif (décrit dans l'Annexe H) et a démontré des compétences fondamentales à concevoir et à diriger le bateau vainqueur de la Coupe de l'America. L'industrie devrait être capable, à l'avenir, de multiplier ces opérations.
20Cette situation peut être comparée aux États-Unis qui, avec ses 260 millions de personnes, est la nation la plus puissante de la terre. Cependant, la communauté du yachting est proportionnellement beaucoup plus petite qu'en Nouvelle-Zélande. De l'avis de tous, le yachting est le sport des riches et des magazines comme « Time » et « Fortune » avaient fait la promotion de l'événement. Mais aux USA ce sport n'a pas un aussi large appui qu'en Nouvelle-Zélande. En conséquence, la puissance de l'industrie des bateaux de plaisance aux États-Unis n'est peut-être pas aussi grande qu'on pourrait le penser.
Adopter une perspective à long terme
21On peut dire qu'en commençant, en mars-avril 1993, ce défit a été le premier à démarrer. On pourrait aussi dire que cela a commencé quand Sir Michael Fay a lancé un défi en 1987. Il y a toujours une tension entre le long et le court terme, et il semble que la vision à long terme avec des objectifs à court terme soit le meilleur compromis. Dans notre cas, la perspective à long terme a certainement payé pour la Nouvelle-Zélande et nous espérons que cela continuera pour que le pays puisse maintenant capitaliser sur l'occasion d'accueillir la régate de la Coupe de l'America suivante avec son prestige et les bénéfices financiers qui en découlent.
En résumé
22Le défi de l'équipe de Nouvelle-Zélande était concentré, flexible, rapide, amical et surtout distrayant.
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