Conclusion générale
p. 333-338
Texte intégral
1Ce livre s’adresse aux parties intéressées appartenant aux différents systèmes liés au sponsoring. Il s’agit des systèmes : événementiel, sportif et territorial. En adoptant une perspective à la fois stratégique et opérationnelle, nous avons analysé la relation entre le sponsor et l’entité sponsorisée, tout en situant leurs interactions avec des acteurs clefs de ces systèmes. Cela nous a conduit à nous situer dans une perspective marketing et juridique afin de gérer les variables clef du management du sponsoring sportif. Nous avons développé une méthode et des outils permettant d’analyser les ressources et les compétences de l’organisation sportive en relation avec l’environnement dans lequel elle développe son activité, pour définir une stratégie de sponsoring. Nous avons également apporté des outils opérationnels permettant de mettre en œuvre et d’évaluer l’impact de ces opérations.
2Dans le cadre de cet ouvrage, nous avons essentiellement abordé la démarche de sponsoring en relation avec les événements sportifs. Ce choix se justifie d’une part, par le fait que c’est l’événement sportif qui apporte l’énergie dans ce système et d’autre part, parce que ces faits sociaux sont facilement identifiables. Il y a un avant, un pendant et un après. La méthode et les outils proposés sont génériques et donc applicables à l’ensemble des entités sponsorisables. Il peut s’agir d’une organisation sportive, d’une équipe, d’un athlète, d’une série d’événements... Cela peut même concerner un projet lié au sport aventure, tel que l’expédition de Jean-Louis Étienne au pôle Nord, qui a dérivé à la surface de la banquise arctique à bord d’un igloo high-tech ; ou à des projets de recherches scientifiques et technologiques comme Solar Impulse1 Ce projet initié par Bertrand Picard, a pour objectif de réaliser le tour du monde en avion solaire. Il s’agit cette fois de marquer l’histoire des transports par l’utilisation de nouvelles technologies répondant aux sensibilités de notre époque pour le développement durable (i.e. utiliser uniquement des énergies renouvelables et rester en vol sans aucune émission polluante).
3Nous souhaitons également souligner le fait que le management du sponsoring se complexifie. Le premier chapitre nous a permis de montrer l’évolution de la conception, des stratégies et des moyens opérationnels du sponsoring au cours des trente dernières années. Il a été considéré dans les années quatre-vingt comme une technique de communication, qu’il s’agissait d’intégrer au mieux dans la stratégie de communication des entreprises. Les entreprises ont ensuite cherché à exploiter les synergies entre leur stratégie de sponsoring et les autres variables du marketing mix et à assurer le meilleur retour sur investissement possible. Il s’agit maintenant de l’intégrer au sein des différentes stratégies de l’entreprise, d’exploiter au mieux les synergies opérationnelles et relationnelles, afin de développer le capital marque de l’entité concernée. Nous avons ainsi présenté une méthodologie permettant de gérer cette complexité et nous l’avons appliquée en développant l’exemple du « Perrier Fluo Beach-Volley Expérience ».
4Cette complexité n’est pas due à la volonté des auteurs souhaitant se différencier en proposant une approche sophistiquée et inutile. Dans le management du sponsoring, la complexité est liée à la variété des éléments composant les différents systèmes concernés et à leurs interactions. Cette situation génère trois types d’incertitude auxquelles l’organisation sportive se trouve confrontée.
Une incertitude générale liée à l’impossibilité de raisonner d’une façon déterministe, selon laquelle une argumentation basée sur les valeurs conduit une entreprise ayant des objectifs institutionnels, à accepter cette opération de sponsoring.
Une incertitude contingente due au fait que le résultat de l’action de sponsoring est en partie déterminée par les actions des éléments de l’environnement. Celle-ci peut avoir un effet positif, comme pour Adidas sponsor de l’équipe de France de football, championne du monde de football en 1998 ou négatif en référence à « l’affaire » liée à l’accusation de doping de l’équipe cycliste Festina lors du Tour de France 1998.
Une incertitude interne liée à l’interdépendance des parties qui la constituent. C’est le cas lorsqu’un partenaire télévision décide de déprogrammer la diffusion d’un événement suite à un changement de stratégie au niveau de la programmation. L’audience va chuter et les sponsors vont se sentir légitimement floués.
5Il est donc nécessaire de manager la complexité en élaborant une méthodologie prenant en compte les variables clé du système relatif au sponsoring sportif. Ainsi, notre approche la prend en compte et se propose de contribuer à la réduction de l’incertitude. Il faut garder présent à l’esprit que la difficulté première pour une organisation sportive, consiste à convaincre des sponsors dans un secteur fortement concurrentiel, mais que le challenge réel consiste à délivrer la prestation de service attendue dans un environnement complexe.
6Malgré cela, il existe différents niveaux de management de la complexité liés au sponsoring. Partant du principe bien connu que « qui peut le plus peut le moins », nous avons choisi de présenter une méthode élaborée permettant de gérer le sponsoring d’un événement international important, impliquant une négociation avec une multinationale mettant en œuvre un processus de décision complexe basé sur des faits. Cette méthode est donc directement applicable aux événements et aux sponsors présentant des caractéristiques similaires. Les principes génériques qui la fondent la rendent utilisable quel que soit le contexte. Ainsi, un club local cherchant des sponsors souhaitant soutenir son programme de développement, va adapter la méthodologie proposée en prenant en compte les éléments correspondant à sa situation propre et à son environnement. De même que, le management du sponsoring d’une fédération internationale comme la FIFA ou l’IAAF devra intégrer d’autres variables correspondant à ses ressources et compétences ainsi qu’à son environnement.
7Le management de la complexité passe nécessairement par le développement des ressources et des compétences internes et souvent par un changement de culture des organisations impliquées dans les opérations de sponsoring. Pinfield (1986) nous fait remarquer que cohabitent dans les organisations des démarches systématiques de planification et de coordination, avec des routines, des tâtonnements, des hésitations et des impulsions. Le rationnel et le planifié où le risque est mesuré, évalué, assumé est mélangé à l’émotionnel, l’intuition et le hasard. Dans la mesure où il doit démontrer son efficacité, le sponsoring ne peut se satisfaire d’approximation.
8Par ailleurs, la mise en relation des pratiques managériales concernant le sponsoring avec l’évolution du système dans lequel il s’inscrit, nous amène à souligner trois axes d’évolution qui vont se renforcer dans le futur. Il s’agit respectivement du management de la qualité, de l’implication croissante des collectivités territoriales et de la gouvernance systémique.
9Nous avons abordé la question relative au management de la qualité dans le troisième chapitre. D’un point de vue générique, la démarche qualité est un ensemble de méthodes et de pratiques visant à mobiliser toute l’organisation pour la satisfaction durable des attentes des parties prenantes au meilleur coût. Nous avons appliqué un certain nombre de principes propres à cette démarche. Il ne s’agit que d’une fenêtre s’ouvrant sur un autre univers et toutes les parties intéressées ne se situent pas au même stade. Nous constatons que les grandes entreprises sont souvent très en avance sur les organisations sportives, les collectivités territoriales et les organisateurs d’événements.
10La gestion de la qualité constitue l’un des critères que nous avons retenus pour l’analyse de convergence. Elle correspond aux attentes des entreprises et elle permet de réduire les dysfonctionnements dans la délivrance des prestations de services aux sponsors. Il existe différents systèmes de normes dont les plus connues sont celles de l’organisation internationale de normalisation ISO2 Un certain nombre d’organisations et d’événements sportifs ont obtenu l’agrément ISO ; d’autres ont choisi de développer leur propre label. C’est le cas de Valais Tourisme avec son label valais excellence3 au sein duquel on trouve l’Omega European Master4 à Crans Montana et le Grand Raid Cristalp5 (VTT). Ces développements s’effectuent dans deux domaines d’application complémentaire. D’une part, il s’agit de la qualité du programme de sponsoring et des services associés proposés aux partenaires à un certain prix. Cela renvoie au positionnement du couple qualité/prix sur le marché et à la qualité de l’offre. D’autre part, cela concerne la qualité des processus qui englobe toutes les opérations nécessaires pour assurer la qualité du « produit et des services » sponsoring de la conception à la mise en œuvre. Le management de la qualité est en passe de constituer un avantage concurrentiel important.
11La plupart des acteurs ont tendance à lier le sponsoring avec les entreprises commerciales, alors que souvent ils préfèrent utiliser le terme de partenariat pour qualifier les existants entre les organisations sportives, les organisateurs d’événements, les sportifs et les collectivités territoriales. Ces dernières sont souvent trouvées impliquées car elles sont bien souvent les propriétaires des sites sportifs et que le développement du sport fait parti de leurs préoccupations. En France, leur comportement a radicalement évolué du fait de la loi de décentralisation du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et de la construction européenne. Ainsi, les collectivités territoriales bénéficient d’une plus grande autonomie et développent des stratégies visant à assurer leur développement dans un environnement concurrentiel. Dès lors, certains ont choisi le sport comme vecteur de communication et de développement durable. Comme le souligne Brighenti et al. (2004) « de plus en plus de régions ont encouragé la tenue d’événements sportifs considérés comme des vecteurs de développement économique et touristique. Depuis quelques années, il s’agit également via l’organisation d’événements sportifs d’assurer un développement durable du territoire, soit de prendre en compte non seulement les retombées économiques d’un événement, mais aussi ses retombées économiques et sociales ». Celles-ci sont devenues des acteurs dans le « marché » de l’événement sportif. Toujours selon Brighenti et al. (2004), celui-ci se caractérise par
Une demande croissante non seulement pour un sport d’élite, mais également pour un sport populaire (...) ;
Un développement de l’offre représenté par le nombre et la diversité des événements sportifs qui ne cessent d’augmenter6 ;
Le fait que l’organisation d’événements sportifs est devenue un outil majeur de promotion et une vitrine du savoir faire d’une région ;
Des avantages économiques liés aux dépenses directes et indirectes en relation à l’événement, ainsi qu’un développement du capital marque de la collectivité territoriale ;
Des avantages sociaux tant au niveau sociétal (développement de la pratique sportive, amélioration du mode de vie, renforcement de l’identité locale...) que sous la forme d’acquisition des compétences organisationnelles et de mise en œuvre de coopérations régionales ;
Des legs à l’issue de la manifestation (i.e. installations sportives, infrastructures générales...).
12Les collectivités territoriales s’impliquent dans le sponsoring de façon raisonnée et stratégique. L’enjeu est important compte tenu qu’il est lié au développement durable du point de vue économique, mais aussi social et environnemental.
13Nous voulons souligner en dernier lieu, l’évolution du mode de gouvernance des organisations impliquées dans le sponsoring. Le contenu de cet ouvrage est orienté vers la gouvernance organisationnelle, c’est-à-dire vers des pratiques managériales plus efficaces éthiquement consistantes. Cette question a été longuement développée. Nous souhaitons simplement ajouter que la sophistication croissante des méthodes et des outils n’a de sens que si chaque organisation se les approprie en les adaptant à sa culture interne et à l’environnement dans lequel elle développe son activité. L’intégration des nouvelles pratiques managériales relatives au sponsoring amène inévitablement ces structures à changer leur organisation interne. Nous avons noté une tendance assez marquée traduisant une volonté de développer des ressources et des compétences internes. Ainsi, les organisations sportives intègrent ou réintègrent au sein de leur département marketing et sponsoring. C’est le cas d’organisations majeures comme le CIO ou la FIFA, mais aussi de fédérations plus petites comme la Fédération française de volley-ball et de nombreux clubs sportifs professionnels ou amateurs.
14Cependant l’évolution la plus marquée concernera les deux autres formes de gouvernance, à savoir la gouvernance politique et la gouvernance systémique. La gouvernance politique est relative aux processus par lequel les gouvernements et les organisations sportives gouvernantes conduisent le système du sponsoring sportif, plutôt qu’elles ne contrôlent directement le comportement des organisations en son sein. Nous avons présenté en introduction les différents systèmes impliqués dans le sponsoring sportif. Il s’agit des systèmes : événementiel, sportif et territorial. Les organisations de tutelle comme par exemple la communauté européenne, les états, les fédérations internationales et nationales utilisent pour cela un certain nombre d’outils. Selon Henry et Lee (2004), il s’agit de :
La persuasion morale (i.e. formation, colloques, campagne médias, utilisation d’experts...),
L’incitation financière (i.e. les contrats d’objectifs liant le ministère de la Jeunesse et des Sports avec les fédérations nationales) ;
La réglementation (i.e. adaptation des règles de compétition, de l’équipement, des tenues sportives... pour rendre le sport plus spectaculaire ou pour satisfaire les attentes des sponsors et des médias).
15Enfin, la gouvernance systémique concerne la concurrence, la coopération et les ajustements mutuels entre les organisations ayant des relations d’affaires et/ou dans les systèmes politiques. Il s’agit d’un enjeu majeur affectant fortement le comportement des acteurs dans le domaine du sponsoring sportif. En effet, chaque organisation impliquée dans les différents systèmes a sa propre stratégie en rapport avec ses attentes. Il s’agit dans le cas du « Perrier Fluo Beach-Volley Expérience » de la FIVB, de la FFVB, de EVB, des ligues, des clubs, des joueurs professionnels, de la ville de Paris, des médias partenaires, de Perrier filiale du groupe Nestlé Waters, des autres sponsors... Le succès de cette opération événementielle dépend de la négociation et de la collaboration entre ces différentes parties.
16Cela concerne les droits de chaque partie et de la capacité des personnes à concevoir des programmes collaboratifs qui bénéficient à l’ensemble. La fonction juridique devra désamorcer de façon proactive les nombreuses sources de conflit au niveau des entités possédant des droits. Par exemple, entre les droits d’image des athlètes et les droits de l’organisateur, les droits de la fédération nationale et ceux de la fédération internationale, l’exclusivité des différentes catégories de sponsors, les droits de la télévision partenaire et le droit à l’information réclamé par ses concurrents... Cela concerne aussi les noyaux stratégiques de chaque entité impliquée qui ne doit plus réfléchir seulement en tant que gestion d’une transaction bilatérale (sponsor versus entité sponsorisé), mais aussi en tant que réseau collaboratif associant par exemple : athlètes, fédérations, médias, clubs, public dans des opérations d’activation. Dans ce contexte, le marketing apportera sa contribution pour concevoir et mettre en œuvre une méthode et des outils permettant de satisfaire les parties intéressées.
17Arrivé au terme de ce livre, nous souhaitons souligner le fait qu’il est arbitraire d’isoler le sponsoring de son contexte. Le problème, c’est que l’on a tendance à isoler des phénomènes techniques, des phénomènes sociaux et humains, ou de considérer la sphère économique de façon isolée. Le management du sponsoring sportif doit mettre en relation ce que nous avons tendance à séparer, comme par exemple les approches juridiques et marketing ou les stratégies des différents acteurs impliqués. Nous espérons qu’au-delà de l’opérationnalité de la méthode et des outils proposés, avoir contribué à promouvoir cette approche systémique.
18« Une connaissance riche n’est pas spécialement sophistiquée, formalisée, mathématisée, c’est une connaissance capable de connaître le lien entre ses informations, ses données, ses objets et le contexte dans lequel ils se trouvent » (Edgar Morin, 1990)
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