Chapitre I. Principes de management du sponsoring
p. 23-72
Texte intégral
1Au cours des trente dernières années le sponsoring a profondément évolué, tant au niveau stratégique qu’au niveau opérationnel. L’analyse de l’évolution de cette pratique nous a permis d’identifier trois périodes. Le sponsoring a été dans un premier temps conçu comme une technique de communication qu’il s’agissait d’intégrer au mieux dans la stratégie de communication des entreprises. Dans un second temps les entreprises ont cherché à exploiter les synergies entre leur stratégie de sponsoring et les autres variables du marketing-mix afin d’assurer le meilleur retour sur investissement possible. Il s’agit maintenant, d’intégrer le sponsoring aux différentes stratégies de l’entreprise et d’activer la marque du sponsor auprès des différentes cibles de l’entreprise. L’analyse de cette évolution nous permetta de comprendre les fondements du sponsoring ainsi que sa dynamique. Cela nous aidera à mieux maîtriser les enjeux stratégiques et opérationnels.
1RE ÉTAPE : UNE TECHNIQUE DE COMMUNICATION PAR L’ACTION ORIGINALE
2Les années quatre-vingt sont marquées par le développement rapide des événements sportifs soutenus par une exposition croissante dans les médias. De nombreuses entreprises se sont impliquées dans des opérations de sponsoring pour se démarquer des modes de communication traditionnels, afin de développer une relation de proximité avec leurs cibles, pour valoriser leur image de marque et leur notoriété (UDA, 1986). Le marché du sponsoring connaît une croissance très importante et l’ensemble des organisations sportives (i.e. fédérations, clubs, organisateurs d’événement) recherchent des sponsors. Pour la plupart, le sponsoring apparaît comme une nouvelle source de financement. Celles-ci sont surtout préoccupées par la vente de ce nouveau service et elles ne sont pas encore entrées dans une démarche marketing. N’ayant pas analysé les attentes des sponsors et conçu une stratégie permettant de les satisfaire, ces entités ont déçu beaucoup de leurs clients. Certaines d’entre elles n’ont pas la moindre idée de la façon dont elles doivent approcher et négocier avec les sponsors. De même qu’elles ne savent pas concevoir une offre de sponsoring susceptible de satisfaire les attentes des sponsors.
3Ainsi après une phase d’enthousiasme, les décideurs se sont posés la question de la pertinence de leur choix et de l’efficacité de ces opérations. Il s’agit d’une période « pédagogique » au cours de laquelle les acteurs cherchent à mieux comprendre ce moyen de communication et à rationaliser leur stratégie.
Les fondements stratégiques du sponsoring
4Il est difficile de définir le sponsoring en raison de l’extrême variété des situations qui caractérisent ce type d’opération (Saporta, 1985). Néanmoins, la plupart des auteurs qui l’ont défini en témoignant de leur propre expérience dans ce domaine, ont privilégié un des aspects de cette technique de communication. Dans ce contexte très éclaté, nous allons aborder le sponsoring à partir de ses trois principaux fondements : un moyen de communication, une association d’une entreprise avec une entité sportive (e.g. événement, fédération, club, etc.) ou culturel et une relation économique entre le sponsorisé et le sponsor. Nous dépasserons ensuite le point de vue strictement opérationnel pour chercher à comprendre ses mécanismes d’action.
L’association d’une entreprise avec une entité sportive soutenue par des événements sportifs
5Le sponsoring est fondé sur la notion d’association ou de liaison. Celle-ci est présente dans la plupart des définitions et notamment dans les trois que nous avons choisies. Ainsi, Sahnoun (1986) le considère comme « un outil de communication permettant de lier directement une marque ou une société avec un événement attractif pour un public donné ». Selon Piquet (1985), il « désigne une technique de communication particulière, mise en œuvre par un annonceur1 et qui vise à associer sa marque dans l’esprit des consommateurs à un événement sportif ou culturel ». Le rapport anglais Howell (1983) considère, quant à lui, que le sponsoring constitue un « support par une personne ou organisation étrangère à cette action d’un sport, d’un événement sportif, d’une organisation sportive ou d’un participant à une compétition, pour le bénéfice mutuel des deux parties ».
L’événement en tant que fait social fournit l’énergie à ce système
6Ces définitions mettent en évidence la grande diversité des combinaisons possibles dans le sponsoring. Cependant c’est l’événement qui fournit l’énergie à ce système. Il est Sportifs susceptible d’avoir un impact fort sur des groupes sociaux comme en témoigne son —étymologie. En effet, le terme d’événement est issu du latin « eventus » qui signifie ce qui est venu, ce dont l’arrivée affecte plus ou moins une personne ou une communauté humaine. Se situant dans cette perspective, Piquet (1985) considère qu’un « événement est avant tout un fait social fort, un lieu où des hommes et des femmes se rassemblent dans une sorte de célébration collective pour assister à un spectacle sportif ou culturel. Celui-ci est subjectivement perçu comme la possibilité de réaliser un exploit ». Quel serait l’impact des sportifs, des équipes et d’un sport sans événement ? (Figure 1.1).
Figure 1.1 : L’événement focalisation de l’attraction du public
7L’événement sportif a un ancrage socioculturel possédant une identité qui lui est propre. Ces faits sociaux particuliers que constituent les spectacles sportifs ont été étudiés notamment par Bourdieu (1977), Pociello (1983), Bromberger, Hayot et Mariottini (1987). Ces derniers ont analysé le spectacle sportif comme un objet de consensus relatif, mais surtout comme un support de différenciation, un véhicule de valeurs et de représentations sociales. Bourdieu (1977) considère que « le système des pratiques et des spectacles sportifs qui s’offrent à un moment donné du temps au choix des consommateurs potentiels est comme prédisposé à exprimer toutes les différences sociologiquement pertinentes à ce moment : opposition des sexes, opposition entre les classes. Il suffit aux agents de s’abandonner aux penchants de leur habitus pour reprendre à leur compte, sans même le savoir, l’intention immanente aux pratiques correspondantes, de s’y retrouver eux-mêmes tout entiers, tout en y retrouvant aussi tous ceux qui s’y retrouvent, leurs pareils ». Cet habitus est commun aux membres d’un groupe qui partagent le même type d’expérience. Selon Bromberger, Hayot et Mariottini (1987), les propriétés différenciées mises en scène par le spectacle sportif prédisposeraient à l’investissement spécifique de chaque groupe de spectateurs. En effet, à l’intérieur d’un stade, les individus se répartissent en fonction d’une combinaison complexe de critères, des univers sociologiques contrastés émergent, des identités sociales particulières s’affirment.
Le partage social des émotions et l’intérêt porté à l’événement
8L’émotion est au cœur de l’événement. Selon Maffesoli (1988), « la sensibilité commune (etc.) provient du fait que l’on participe, ou correspond, dans le sens fort et peut être mystique de ces termes, à un ethos commun ». Ainsi, ce qui est privilégié est moins ce à quoi chacun volontairement va adhérer (perspective contractuelle et mécanique), que ce qui est émotionnellement commun à tous (perspective sensible et organique). Il s’agit donc d’un mécanisme fondamental par lequel l’événement sportif produit une expérience identitaire au sein de ce que l’on peut appeler des « communautés affectuelles » (Maffesoli, 1988). Rimé (1993) souligne le rôle essentiel de l’intervention d’un mode d’expression socialement partagé. L’événement sportif offre les conditions optimales pour qu’il se produise une contagion émotionnelle. Ce mécanisme fonctionne directement pour les spectateurs, mais aussi par l’intermédiaire des médias, et notamment le plus puissant de tous : la télévision. L’utilisation du direct et d’importants moyens techniques permettent au réalisateur de renforcer le côté spectaculaire d’une compétition sportive. La télévision, ainsi que les médias au sens large, permettent donc de créer des communautés virtuelles. Dans une société de plus en plus dominée par la communication, ils offrent un support nouveau de participation des individus à la vie relationnelle et sociale.
9Derbaix (1987) a proposé une typologie systématique et conceptuelle de l’affectif présentée dans le tableau 1.1. Celle-ci va dans le même sens que Holbrook et Batra (1987), puisqu’elle présente toutes les dimensions sous-jacentes des réactions affectives : l’émotion choc (la plus « affective » des réactions), le sentiment, l’humeur, le tempérament, la présence, l’attitude et l’appréciation (la plus « cognitive » de ces réactions).
Intérêt |
Attrait |
Implication |
Passion |
Attirance |
Préférence |
Amitié |
Amour |
Satisfaction |
Plaisir |
Joie |
Bonheur |
Jalousie |
Envie |
Convoitise |
Désir |
Surprise |
Stupeur |
Stupéfaction |
Ebahissement |
Aversion |
Répulsion |
Dégoût |
Rejet |
Antipathie |
Hostilité |
Détestation |
Haine |
Appréhension |
Peur |
Anxiété |
Angoisse |
Insatisfaction |
Tristesse |
Peine |
Désespoir |
Fierté |
Honneur |
Orgueil |
Vanité |
Honte |
Déshonneur |
Abjection |
Bassesse |
Regret |
Repentir |
Contrition |
Remords |
Irritation |
Mécontentement |
Colère |
Rage |
Tableau 1.1 : Typologie de l’affectif (D’après Derbaix, 1987).
10L’intérêt appartient à cette typologie. En effet, l’impact socio-émotionnel d’un événement sportif se traduit également par la stimulation de l’intérêt du public direct ou distant. Ainsi, l’audience d’un événement est un indicateur quantitatif important. L’intérêt constitue l’une des dimensions de l’implication et il s’agit d’un indicateur pertinent permettant d’apprécier l’impact social d’un événement. Cet intérêt peut se décliner du général au particulier : pour le sport, pour un sport en particulier, pour un événement, pour une équipe, un sportif…. De ce point de vue les Jeux olympiques d’été constituent l’événement ayant le plus fort impact au niveau mondial (tableau 1.2).
Evénements |
Intérêt (sur 5) |
Jeux olympiques |
3,8 |
Coupe du monde de Football |
3,1 |
Championats du monde d’Athlétisme |
3 |
Tournoi de Wimbledon |
2,6 |
Championat du monde de F1 |
2,4 |
Coupe du monde de Cricket |
2 |
Tableau 1.2 : Intérêt concernant la vision des JO à la TV en 1999 (source CIO1, 2000)
11L’analyse des données dans un certain nombre de pays clefs (figure 1.2) montre que les JO d’été ont véritablement un impact mondial. Entre 45 % (France) et 75 % (Chine) des téléspectateurs se sont déclarés passionnés2 par les JO.
Figure 1.2 : Niveaux d’intérêt pour les JO dans un certain nombre de pays (source CIO, 2000).
12Cette étude montre par ailleurs que les JO intéressent les personnes des deux sexes. Ce qui n’est pas le cas de la Coupe du monde de football et du Championnat du monde de F1 où les hommes sont largement sur-représentés. (figure 1.3 ci-dessous)
Figure 1.3 : Intérêt concernant la vision des JO à la TV en 1999 en fonction du sexe (source CIO, 2000)
13D’un point de vue quantitatif l’audience des JO atteint des niveaux record comme les données concernant les JO en témoignent. (tableau 1.3).
Continents |
Population |
Audience potentielle |
Pénétration |
Heures regardées par téléspectateur |
Afrique |
778 187 384 |
207 555 524 |
27 % |
6,8 |
Amérique sud & centrale |
515 362 052 |
357 407 691 |
69 % |
15,31 |
Amérique du nord |
303 645 955 |
282 105 233 |
93 % |
16,19 |
Asie |
2 180 334 578 |
61 % |
10,29 |
|
Océanie |
29 959 819 |
22 215 782 |
74 % |
26,35 |
Total |
3 702 147 531 |
62 % |
11,31 |
Tableau 1.3 : Audience des JO de Sydney en 2000 (source CIO, 2000)
14L’intérêt du public direct ou indirect dépend de facteurs culturels. Ainsi, le base-ball, le football américain, le cricket, le rugby… ont un ancrage socioculturel précis. Par ailleurs, certaines caractéristiques renforcent ou au contraire atténuent l’intérêt. Nous pouvons citer la visualisation constante du rapport de force (comme c’est le cas dans le football, le 100 m…) et le format de l’événement (nature et durée de la compétition). Les organisations sportives aménagent quelquefois le règlement et le format de la compétition afin de renforcer l’intérêt et de rendre le sport plus spectaculaire. À cet effet la Fédération internationale de volley-ball a fait évoluer ses règles de jeux pour le JO de Sydney3.
L’incertitude du résultat
15Il s’agit d’un aspect primordial car si le résultat est prévisible l’intérêt et l’émotion disparaissent. Lorsque le résultat d’un match de football est acquis les spectateurs commencent à quitter le stade pour éviter les embouteillages. Ces mêmes spectateurs ou téléspectateurs vont rester concentrés sur un match avec un score vierge, parce qu’à tout moment il est possible de marquer un but. Ainsi en 1991, le record d’audience pour un match de football en France a été battu lors de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, qui a opposé l’Olympique de Marseille à l’Étoile Rouge de Belgrade à Bari. Aucun but n’avait été marqué à l’issue du temps réglementaire et des prolongations. La courbe d’audience a atteint son maximum, à la fin des prolongations, au moment des tirs au but, avec 18 millions de téléspectateurs. Dans un registre différent la domination de Michael Schumacher et de Ferrari au cours de la saison de F1 2002-2003 a entraîné une chute de l’audience télévisée. Pour rétablir l’incertitude et restaurer l’intérêt du public, la FOCA a modifié le règlement.
Une image qui lui est propre
16Une image correspond à la représentation subjective que les personnes ont de l’événement. Compte tenu de son impact social cette représentation est partagée. Au niveau opérationnel nous considérerons que l’image d’un événement correspond à l’ensemble des associations qui s’y réfèrent. Ainsi, lorsque l’on souhaite déterminer l’image des Jeux olympiques, on demande aux personnes interrogées de répondre à la question suivante : Quels sont les mots que vous associez aux Jeux olympiques ?
17Les recherches effectuées par le CIO en 1998 et 1999 ont montré que les mots les plus associés aux Jeux olympiques étaient par ordre d’importance (tableau 1.4) :
Qualificatif |
Niveau d’association |
Amitié |
8,40 |
Multiculturel |
8,39 |
Global |
8,39 |
Participation |
8,22 |
Pacifique |
8,10 |
Festif |
8,00 |
Détermination |
8,00 |
Patriotique |
7,92 |
Luttant pour être le meilleur |
7,92 |
Célébration |
7,80 |
Honorable |
7,75 |
Dynamique |
7,60 |
Compétition équitable |
7,60 |
Moderne |
7,40 |
Respectueux de l’unité |
7,20 |
Appartenant à ce monde |
7,20 |
Intègre |
7,10 |
Digne |
7,10 |
Eternel |
7,00 |
Digne de confiance |
7,00 |
Tableau 1.4 : Mots les plus associés avec les Jeux olympiques (Échelle de 1 à 10, source CIO, 2000)
18Une analyse de contenu de ces termes montre que l’image des Jeux olympiques est structurée en 4 dimensions.
- Espoir : Les JO donnent l’espoir d’un monde meilleur grâce à la compétition sportive pour tous, sans discrimination comme un exemple et une leçon.
- Rêve et inspiration : Les JO procurent l’inspiration nécessaire pour concrétiser ses rêves personnels à travers l’effort, le sacrifice et la détermination des athlètes.
- Amitié et fair-play : Les JO fournissent des exemples tangibles sur la façon dont l’humanité peut vaincre les obstacles politiques, économiques et raciaux à travers les valeurs inhérentes au sport.
- Joie dans l’effort : Les JO célèbrent la participation et la joie universelle liée au fait de faire de son mieux sans se soucier du résultat.
Définition et typologie des événements sportifs
19L’ensemble de ces caractéristiques nous conduisent à situer l’événement sportif au cœur du système du sponsoring. Ainsi nous proposons la définition suivante : un événement sportif est un fait social fort, doté d’une image spécifique, générant des émotions partagées et dont l’issue est incertaine4.
20Il est à remarquer que sa médiatisation découle généralement des caractéristiques précédentes. En effet, les médias s’intéressent aux événements qui mobilisent une audience correspondant à leur cible de marketing. L’événement se situe le plus souvent dans une stratégie de type « pull ». C’est-à-dire qu’il attire l’audience. Certains médias utilisent parfois une stratégie opposée de type « push ». Dans ce cas ils poussent certains événements vers leur public en espérant qu’ils « trouveront » leur audience. C’est par exemple le cas de la chaîne française Canal + avec le football américain en général et avec le Super Bowl en particulier.
21D’un point de vue quantitatif, les événements sportifs se différencient cependant en fonction de l’importance de leur audience, de leur impact géographique, de leur légitimité sportive et du type d’implication des acteurs. Nous proposons les critères ci-dessous afin d’établir une typologie (tableau 1.5).
Critères |
Indicateurs |
Importance de l’audience |
Majeure ou mineure |
Localisation de l’audience |
Mondial, continentale, nationale, locale |
Légitimité sportive |
Compétition ou exhibition |
Fréquence |
Date unique exceptionnelle, date unique récurrente, multi dates récurrentes |
Mode d’implication des acteurs |
Spectacle ou participation active |
Tableau 1.5 : Critères relatifs à la typologie des événements sportifs
22Nous avons choisi d’illustrer cette typologie à partir de deux événements présentant des caractéristiques différentes. Il s’agit des Jeux olympiques d’été et de la « Premier League » anglaise de football (tableau 1.6).
Critères |
Jeux Olympiques d’été |
« Premier League » Anglaise |
Importance de l’audience |
Milliards |
Millions |
Localisation de l’audience |
Mondiale |
Européenne et partiellement mondiale |
Légitimité sportive |
Forte |
Forte |
Fréquence |
1 fois tous les 4 ans |
38 journées par saison |
Mode d’implication des acteurs |
Spectacle |
Spectacle |
Tableau 1.6 : Deux profils d’événements différenciés
Un moyen de communication par l’action, intégré à la stratégie de communication
23Dès le début des années quatre-vingt, les spécialistes de marketing ont compris les bénéfices qu’ils pouvaient retirer de l’association entre une marque, un événement sportif, un sportif, ou une équipe au sein même d’un événement. C’est pourquoi, ils ont utilisé le terme de communication événementielle. Cependant au même titre que la publicité, le sponsoring est un outil intégré à la stratégie de communication de l’entreprise, que Brochand et Lendrevie (1989) considèrent comme « l’ensemble des décisions majeures et interdépendantes sur les objectifs à atteindre et les moyens principaux à mettre en œuvre pour les réaliser ». La figure 1.4 ci-dessous représente les différentes phases d’une stratégie de communication.
Figure 1.4 : Les phases d’une stratégie de communication
24Trois phases sont nécessaires à sa mise en œuvre. La première consiste à définir les objectifs, ainsi que les cibles que l’on souhaite atteindre. La seconde concerne les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Ce travail implique une réflexion tant au niveau du message à transmettre, que de la chronologie à mettre en œuvre, et du budget nécessaire. La troisième est relative à l’évaluation des résultats.
25Comme nous l’avons précédemment indiqué le sponsoring est apparu comme un moyen de communication original permettant de se démarquer des moyens traditionnels figurant dans le mix médias/hors médias. Il s’agissait de l’intégrer au sein de la stratégie de communication de l’entreprise tout en le situant par rapport au mécénat. Dans ce contexte, la réflexion a porté plus particulièrement sur les objectifs, les cibles et sur le choix des opérations de sponsoring les plus adaptées.
Cibles
Figure 1.5 : Les parties prenantes d’un événement sportif
26L’événement étant un fait Actionnaires Actionnaires Fournisseurs Opinion publique social attractif pour un gestionnaires d’équipements Opinion publique public donné, le sponsor Internautes de communication sur Téléspectateurs les parties en présence. Spectateurs Ce que l’on nomme les « stakeholders ». Ceux-ci sont représentés/centre, nous avons clubs Auditeurs locales les participants et les Lecteurs spectateurs qui sont impliqués directement Politiciens Politiciens l’événement. Fournisseurs Nous trouvons ensuite l’audience distante Leaders d’opinion Personnel Personnel Leaders d’opinion reliée à l’événement par l’intermédiaire des médias. L’événement concerne également les différentes organisations parmi lesquelles se trouvent l’organisateur, les collectivités territoriales, les médias5, etc. À la périphérie sont situés l’opinion publique, les politiciens, les leaders d’opinion, les fournisseurs, le personnel des organisations impliquées…
27D’un autre coté, l’entreprise possède un certain nombre de cibles dont certaines sont prioritaires. Il s’agit des consommateurs actuels et potentiels, de ses fournisseurs, de son personnel, de l’opinion publique, des collectivités locales, du monde des affaires, des institutions financières, de ses actionnaires, des médias et de ses distributeurs. Il est rare qu’une entreprise souhaite toucher l’ensemble de ses cibles à l’aide d’un seul programme de sponsoring. Les sponsors établissent des priorités. Une étude de Crowley (1991) a permis d’identifier quatre types de sponsors avec une orientation vers :
- Le consommateur
- Le personnel interne
- L’opinion publique
- Le monde des affaires.
28Ainsi, pour définir correctement une action de sponsoring il convient de connaître précisément l’audience directe et indirecte d’un événement. Ceci d’un point de vue quantitatif et qualitatif : caractéristiques sociodémographiques, styles de vie, univers de consommation. Dans cette perspective, les études d’audience se sont multipliées (TNS Sofrès, Sports Maketing Surveys, Institut français de Demoscopie, Sport Lab, Sport Reseach International, Eurodata TV, BVA…).
29Compte tenu de ses cibles de communication6 et/ou de ses cibles marketing, le sponsor analyse la compatibilité avec l’audience de l’événement. Il s’agit de l’une des dimensions relative à l’analyse de la convergence avec l’offre de sponsoring (encore appelée « fit »), La superposition des cibles est illustrée par la figure 1.6 ci-dessous. Considérant ensuite uniquement l’audience utile pour le sponsor, il est judicieux de calculer le coût pour 1 000 contacts utiles.
Figure 1.6 : Recoupement entre l’audience de l’événement et la cible de communication et/ou marketing du sponsor
Sponsoring et mécénat
30Selon Rosé (1986) « le mécénat/sponsoring est une dépense de communication de l’entreprise qui acquiert ainsi le droit d’associer son nom (ou la marque d’un produit) à la réalisation d’une œuvre ou d’une action qui lui sont extérieures ». Cette définition, si elle tend à unifier les deux termes témoigne d’une volonté très marginale. Nous constatons en effet que les termes de sponsoring et de mécénat sont employés très distinctement. Ainsi le mensuel L’événementiel distingue clairement les informations ayant trait à chacune de ces deux catégories et contribue ainsi à renforcer cet état de fait. La distinction sponsoring/mécénat est fondée principalement sur une différence entre les champs d’application. Le sponsoring s’applique au champ sportif alors que le mécénat se réserve le champ de la culture et des arts. Alors que penser du sport en tant que fait de culture ? La position de l’ADMICAL est révélatrice de cette tendance puisqu’elle n’envisage l’intervention du mécénat d’entreprise que dans le domaine culturel (Jouan, 1982). Avec une approche synthétique, Moré (1988) propose de différencier le sponsoring et le mécénat à partir des critères figurant dans le tableau 1.7.
Critères |
Mécénat |
Sponsoring |
Champ d’application |
Art et culture |
Sport |
Finalité |
Aucune contrepartie |
Commerciale |
Exploitation |
Nulle |
Forte |
Durée de l’action |
Long terme |
Court terme |
Rationalité de la démarche |
Empirique |
Rationnelle |
Contrôle de l’événement |
Aucun |
Partiel ou total |
Tableau 1.7 : La différenciation entre sponsoring et le mécénat (Moré, 1988)
31La pratique montre néanmoins qu’il existe des interférences de plus en plus fréquentes entre ces actions. En conséquence, certains auteurs (Benveniste, Piquet, 1988) ont fait évoluer la conception traditionnelle en reconnaissant que le sponsoring et le mécénat d’entreprise utilisent tous deux comme support l’événement qu’il soit sportif ou culturel. Ces deux moyens se différencient cependant à partir d’autres facteurs tels que la qualité des motivations exprimées, la nature des objectifs, ainsi que la puissance des efforts pour mesurer les retombées. Nous allons, à la lumière de ces facteurs, examiner dans quelle mesure le sponsoring et le mécénat se différencient.
Communication commerciale et communication institutionnelle
32Le sponsoring construit une relation entre une marque, un produit, un service et ses consommateurs potentiels ou existants. Le mécénat établit une relation d’un autre type entre l’entreprise et un ensemble de parties prenantes. Ces deux relations sont différentes. La première est homogène (marque/cible) alors que la seconde est hétérogène dans la mesure où elle concerne trois entités distinctes : la cible marketing relative aux produits fabriqués par l’entreprise, la communauté économique de cette entreprise (i.e. personnel, actionnaires, fournisseurs, distributeurs, etc.), ainsi que la communauté témoin (tous ceux qui ne font pas partie des deux premiers publics et qui, néanmoins, perçoivent l’entreprise). Cela engendre des techniques de communication différentes.
Figure 1.7 : Les cibles de la communication institutionnelle (Grégory, 1984).
33Au même titre que le sponsoring, le mécénat d’entreprise vise des objectifs de notoriété et d’image. Cependant, alors que le sponsoring cherche à faire acheter en s’inscrivant dans une communication commerciale, l’entreprise mécène recherche une valorisation sociale dans le cadre d’une communication institutionnelle (figure 1.7). La communication commerciale a pour objectif d’augmenter directement les ventes d’une marque ou d’un produit. La communication institutionnelle ou « corporate » souligne les valeurs et les performances financières et/ou sociales d’une entreprise. Ainsi, la combinaison de ces facteurs permet à l’entreprise d’agir sur quatre niveaux de communication. Ceux-ci sont présentés dans le tableau 1.8, ci-dessous.
Tableau 1.8 : Les quatre niveaux de communication (Adapté de Brochand, Lendrevie, 1989).
34Compte tenu de cette typologie, le sponsoring serait un moyen mis en œuvre pour une communication commerciale relative à une marque ou à un produit, alors que le mécénat serait utilisé dans le cadre d’une communication institutionnelle, concernant les performances de l’entreprise ou ses valeurs. Les faits remettent en cause cette distinction et montrent que le sponsoring a été utilisé très tôt comme moyen de communication institutionnelle. En effet la société Elf Aquitaine s’est impliquée dans une action de sponsoring dans le domaine de la voile afin d’exprimer d’une part des valeurs liées à l’écologie, au respect de l’environnement et d’autre part celles relatives aux performances de cette entreprise. Le directeur de la communication et des relations publiques de cette société justifiait ainsi son engagement au début des années quatre-vingt dans ce sport : « nous devions adopter un sport plus apte à transmettre des traits de l’image du groupe :
- Une image internationale ;
- Loin de tout ce qui pouvait évoquer la pollution ;
- Une image « marine » puisque Elf Aquitaine tire de la mer une grande partie de ses ressources pétrolières et gazières, et s’est assurée la maîtrise des technologies off shore » (Labro, 1982).
35La communication institutionnelle peut par ailleurs, avoir des effets commerciaux, en améliorant par exemple le climat interne de l’entreprise ou la relation avec les fournisseurs et les acheteurs. La dichotomie classique : sponsoring/commercial et mécénat/institutionnel ne semble plus opérationnelle. Les entreprises ont adopté dès les années quatre-vingt une stratégie de communication globale intégrant un ensemble de moyens tels que le sponsoring, le mécénat, la publicité, les relations publiques, etc.
Les objectifs du sponsoring
36Les objectifs du sponsoring vont dépendre de la finalité commerciale ou institutionnelle de la communication. Nous allons ainsi présenter les objectifs généralement associés à ces deux types de communication.
Sponsoring et communication commerciale
37Dans le cadre d’une communication à finalité commerciale, le sponsoring cherchera naturellement à augmenter les ventes. Cependant, l’acte d’achat ou de ré achat est influencé par un grand nombre de variables liées à l’acheteur, l’environnement et à l’action marketing. Plus spécifiquement, le sponsoring sera utilisé pour augmenter la crédibilité et la notoriété d’une marque, agir sur son image, dynamiser le réseau de distribution ou la force de vente, développer des relations business to business… Nous allons illustrer chaque objectif.
Le sponsoring de crédibilité
38Le sponsoring de crédibilité (ou de la preuve) a été le premier objectif assigné au sponsoring. Il s’agit de démontrer la performance technique de produits ou de services qui interviennent directement (chaussure sport) ou indirectement dans l’événement (gestion de l’information). Ces sponsors entrent classiquement dans la catégorie des fournisseurs officiels s’impliquant dans l’événement pour démontrer la performance. Le sponsoring sert la politique de produit de ces entreprises qui travaillent généralement dans le domaine technique et/ou technologique.
Le sponsoring de notoriété
39La notoriété correspond à la « renommée, diffusion de la connaissance d’une marque ou d’un produit dans une population. Au sens strict, on peut considérer la notoriété comme le fait d’être reconnu ou cité, indépendamment des composantes qualitatives de l’image » (Serraf, 1985). Il existe deux types de notoriété qui sont fortement corrélés. La notoriété spontanée, qui correspond au pourcentage de personnes capables de citer spontanément la marque ou l’événement, dans l’univers du produit considéré. Cet indicateur évalue la mémorisation. Le « top of mind » correspond à la marque la plus souvent citée en première position. La notoriété assistée prend en compte le pourcentage de personnes capables de citer la marque à partir d’une liste relative à une catégorie de produit, ou de service, tout en indiquant au répondant qu’il existe des marques fictives ou qui n’appartiennent pas à cette catégorie. Cet indicateur permet d’apprécier la capacité à reconnaître les différentes marques. Leur nombre est généralement plus important que dans le cadre de la notoriété spontanée.
Le sponsoring d’image
40L’image correspond à l’ensemble des associations relatives à une entité (événement, marque…). Dans le contexte du sponsoring d’image, le sponsor cherche à s’approprier pour lui-même, sa marque, ou l’un de ses produits, l’image d’un événement sportif. Cette « appropriation » peut faire appel à deux mécanismes que détail dans la section suivante. Le premier consiste à renforcer les associations que le sponsor partage avec l’entité sponsorisée. Le second consiste à transférer des traits d’image spécifiques appartenant à l’entité % sponsorisée dans l’image du sponsor. L’image marque ayant un impact niveau de la décision d’achat, Stratégie de renforcement il est donc important de la et ou transfert gérer au niveau stratégique. La figure 1.8 illustre cet aspect dans le cadre d’une opération de sponsoring.
Figure 1.8 : Le diagnostic stratégique lié au sponsoring d’image (Ferrand, Pagès, 1996)
41La base de ce triangle concerne la liaison entre l’image du sponsor et son identité. L’identité correspond aux associations que le sponsor souhaite communiquer activement à la cible. Selon les cas, celui-ci peut souhaiter renforcer les associations qui lui conviennent (festif et réactif par exemple) et/ou créer de nouvelles associations (écologique et proche de la nature par exemple). Dans ce contexte, les stratèges de l’entreprise peuvent évaluer l’opportunité d’une opération de sponsoring d’image en effectuant une évaluation diagnostic relative aux associations entre son image et l’image de l’événement. Ils peuvent partager certains traits d’image (festif par exemple) de même que l’entité sponsorisée peut avoir des traits spécifiques (écologique par exemple). Il est donc possible d’un point de vue stratégique d’envisager un renforcement des associations communes (festif dans notre exemple) ainsi qu’un transfert des associations spécifiques à l’entité sponsorisable (écologique dans notre exemple). Il est nécessaire pour cela de tester l’acceptation et la crédibilité de l’association entre l’image du sponsor et celle de l’entité sponsorisable auprès des parties prenantes. Cela peut se faire en recueillant l’avis d’un « focus group » relatif à l’association entre ce sponsor et cette entité (Pensez vous que le sponsor X et l’entité Y vont bien ensemble ?) et en leur demandant leur opinion concernant les traits d’image à transférer au niveau du sponsor (Que pensez vous de l’association des termes suivants : sponsor X, entité Y et écologie ?).
Dynamiser le réseau de distribution
42Le sponsor peut également dynamiser son réseau de distribution en l’associant directement ou indirectement à l’opération : animations, opérations spéciales, relations publiques. C’est le cas de Peugeot, sponsor de Roland-Garros, lorsqu’il organise avec ses concessionnaires les journées Peugeot/Roland-Garros. Il s’agit d’un ensemble de tournois organisés en France et réservés aux clients des concessionnaires.
Stimuler la force de vente
43Un événement attractif pour la force de vente peut servir de support à une opération permettant d’obtenir de meilleurs résultats commerciaux. Il s’agit d’un sponsoring d’émulation qui organise une compétition entre les vendeurs et récompense les meilleurs en les invitant lors de l’événement avec un statut de VIP. Ces opérations de stimulation de la force de vente peuvent se combiner avec une dynamisation du réseau de distribution qui exploite l’intérêt porté par la clientèle à l’événement sponsorisé. Cela donne des arguments supplémentaires aux vendeurs pour accroître les ventes.
Générer un sentiment de bienveillance et une attitude positive
44Le sentiment de bienveillance (le « goodwill ») témoigne d’une attitude favorable vis-à-vis du sponsor. Selon les marchés, ce sentiment influence de façon plus ou moins importante la décision d’achat car il est rare que l’on achète une marque pour laquelle on a une attitude défavorable. Le sponsor cherche à transférer l’attitude positive vis-à-vis de l’événement vers lui-même ou sa marque. Il peut souhaiter également provoquer un sentiment de gratitude lié au fait que son implication contribue au développement du sport. Ainsi, dans le contexte des Jeux olympiques d’Atlanta 87 % des spectateurs ont exprimé leur accord avec la proposition suivante : « le sponsoring contribue largement au succès des JO » et 55 % d’entre eux ont fait part d’une attitude favorable vis-à-vis des sponsors officiels.
Développer des relations de business-to-business
45Les opérations de relations publiques liées avec l’événement sponsorisé constituent un bon moyen pour développer des relations d’affaire entre les entreprises. Les invités peuvent se divertir dans un environnement prestigieux et contrôlé permettant de créer des relations privilégiées et individualisées. La plupart des packages de sponsoring au niveau des grands événements comprennent ce type de prestation. Il faut cependant garder à l’esprit que l’événement doit être attractif pour ces cadres et dirigeants d’entreprise et l’environnement proposé doit combiner sélectivité sociale et expérience plaisante et mémorable. Cette possibilité constitue d’ailleurs l’un des avantages concurrentiels du sponsoring.
Augmenter les ventes
46Cet objectif concerne l’étape ultime du sponsoring à finalité commerciale. Nous avons souligné précédemment que l’acte d’achat était influencé par un grand nombre de variables dont celles relatives à l’action marketing. Il est donc difficile d’isoler l’effet du sponsoring sur les ventes et il est admis que le sponsoring contribue au développement de celles-ci avec un effet à moyen terme. Il existe cependant des opérations permettant d’évaluer cet impact. C’est le cas lorsque l’on associe le sponsoring avec une opération de promotion des ventes délivrant un bénéfice tangible aux consommateurs.
Sponsoring et communication Institutionnelle
47Le sponsoring se combine également avec les stratégies de communication institutionnelles. Quatre catégories d’objectif entrent dans ce cadre.
Nouer des liens privilégiés avec les acteurs du monde de la finance
48Il existe quelques cas où le sponsoring a été utilisé pour développer des relations avec des acteurs clefs du monde de la finance. Les programmes d’hospitalité et de relations publiques sont utilisés dans le contexte d’une communication financière. Ainsi, Ballantine’s a invité un groupe d’analystes financiers lors de son événement « Urban High » en Espagne. Selon le management de cette société, cette opération a eu un effet direct sur la valorisation boursière de 280 millions de livres.
Démontrer sa citoyenneté et légitimer la performance sociétale
49Depuis les années soixante, les entreprises ont pris conscience que leur intégration harmonieuse dans la communauté locale, permettant d’établir de bonnes relations avec les personnes et les acteurs institutionnels, avait une influence positive sur le climat interne et réduisait les conflits. L’entreprise n’est plus un espace clos, mais un acteur ouvert sur son environnement. L’objectif du sponsoring est de montrer que l’entreprise n’est pas seulement intéressée par les bénéfices, mais qu’elle est un acteur social permettant aux personnes et institutions présentes dans son environnement de vivre mieux. Elle cherche ainsi à s’intégrer dans les réseaux impliquant les acteurs locaux.
50Le sponsoring constitue un excellent vecteur d’intégration dans la vie locale. Par exemple Packard Bell, en collaboration avec la ville et le club de Leeds United dont il était le sponsor, s’est impliqué dans des programmes éducatifs visant à développer les compétences informatiques des enfants défavorisés. Il s’agit d’un autre avantage concurrentiel du sponsoring sportif. Il peut être exploité par de petits clubs locaux, ainsi que pour des événements mineurs, car le sport est ancré dans la vie locale.
Promouvoir la culture d’entreprise, renforcer la cohésion interne et stimuler la motivation du personnel de l’entreprise
51Ces points sont très importants pour une entreprise. Le sponsoring sportif constitue une plate-forme très intéressante pour créer du lien social. Ainsi, un club basket local a recherché un partenaire par match. L’entreprise invitait l’ensemble de son personnel avec leur famille. Des buffets leur étaient proposés pour se restaurer, se détendre et rencontrer les cadres et les dirigeants également accompagnés par leur famille. Les enfants avaient la possibilité de rencontrer les joueurs après le match. Ceux-ci animaient également des séances d’initiation et des matchs 3 contre 3. Ce type d’opération permet à chacun d’être considéré et d’avoir un investissement social et émotionnel. Cela a un effet positif sur la motivation du personnel et les relations de travail.
Améliorer le recrutement du personnel
52Le recrutement d’un personnel de qualité constitue un autre facteur clef puisqu’il influence directement sa performance. Dans cette perspective, l’entreprise se doit de développer son image institutionnelle. Le sponsoring sportif peut contribuer à cela. Ainsi la société de travail temporaire ECCO* utilisa son implication en tant que sponsor dans les « Masters Séries » d’escalade afin de recruter du personnel qualifié en communicant sur le thème de la complémentarité et de la confiance qui unissent les deux membres d’une même cordée. Elle développa également une opération visant à renforcer la cohésion interne en invitant massivement ses collaborateurs aux événements.
53Il est possible de combiner les deux objectifs pour traiter des questions liées à la gestion des ressources humaines. Ainsi, la société ELF rencontrait les problèmes suivants :
- Charge de travail trop importante pour l’ensemble du personnel ;
- Demande importante pour de nouveaux employés ;
- Difficulté pour attirer du personnel qualifié ;
- Un turnover important au niveau des employés ;
- Faible implication du personnel ;
- Sentiment d’isolement dans les centres régionaux.
54Cette société s’impliqua dans la Whitbread afin d’utiliser cet événement pour améliorer les communications internes, augmenter l’implication du personnel et recruter du personnel plus qualifié.
55* ECCO est devenu ADECCO suite à une fusion avec AOIA.
Les entreprises combinent objectifs commerciaux et objectifs institutionnels
56Les sponsors ont appris à combiner les stratégies commerciales et les stratégies institutionnelles. Ainsi, les magasins Z ont réussi autour de l’équipe cycliste à améliorer leur notoriété, stimuler leur réseau de vente, augmenter les ventes, développer leurs fournisseurs et développer un sentiment de fierté au sein des collaborateurs de l’entreprise. Les relations publiques liées au sponsoring deviennent de plus en plus importantes pour les entreprises. Celles-ci ont besoin de plates-formes attractives pour inviter leurs clients, fournisseurs, prospects et collaborateurs et créer avec eux un lien dépassant la transaction commerciale. Ces stratégies vont évoluer dans le temps, suivant en cela les objectifs des entreprises par rapport au cycle de vie du produit et la phase du plan de marketing. Il peut être nécessaire de commencer par développer la notoriété, puis travailler sur l’image, stimuler le réseau de vente, agir sur des promotions sur les lieux de ventes, le savoir-faire, les valeurs partagées de l’entreprise, fidéliser la clientèle…
Une relation économique entre le sponsor et l’entité sponsorisée basée sur l’impact
57Qu’il soit lié à des finalités commerciales ou institutionnelles, le sponsoring implique une relation économique entre le sponsor et l’entité sponsorisée. Le montant de cette transaction pose souvent un problème car il est difficile de fixer un prix. Par ailleurs, les sponsors ne sont pas toujours capables d’apprécier la valeur de ces prestations car ils sont trop impliqués émotionnellement, ou ils ont des difficultés pour évaluer les retombées des actions de sponsoring. Nous présenterons dans le troisième chapitre les dimensions à prendre en compte pour fixer le prix d’une offre de sponsoring. Au cours de cette décennie, il a été clairement établi que le prix dépendait de l’impact de cette opération pour le sponsor de même que le contexte concurrentiel tirait le plus souvent les prix vers le bas.
L’exploitation et l’efficacité constituent deux questions émergentes
58Bien que certains décideurs se soient engagés dans les années quatre-vingt dans des opérations de sponsoring portés par un climat euphorique et par leur passion du sport, la question de l’efficacité de cette technique de communication s’est toujours posée. En 1981, Field dans un article intitulé : « Sponsoring : le hasard seul maître à bord » et publié dans le mensuel Médias, considérait que cette stratégie était souvent mise en œuvre d’une manière approximative, ce qui la rendait risquée pour les entreprises. En 1984, Walsh cédant sans doute au dogmatisme, publiait un article dans la revue Advertising Age, intitulé « En dépit de leur image, les sports de base génèrent d’excellents résultats en matière de marketing, mais n’espérez pas les quantifier ». Gross, Traylor et Shuman (1987) ont enquêté sur les techniques de mesures de l’efficacité du sponsoring dans les entreprises américaines au cours des années 1985-1986. Les résultats de cette étude, présentés dans le tableau 1.9, nous permettent de constater que près de la moitié de ces entreprises n’effectuaient pas de mesures.
59En novembre 1987, le mensuel L’expansion dans ses pages économiques sous-titrait un article consacré au sponsoring par « C’est cher, et ça ne peut rien rapporter du tout ». Il exprimait ainsi le malaise des entreprises qui ont consacré près de deux milliards de francs « dans un brouillard presque total ». En 1988, Bowey rédigeait l’éditorial du congrès de l’ESOMAR sous le titre « Sponsorship : effective or extravagant ? » La même année, la revue française Communication et Business, dans un article intitulé « Sponsoring le temps des études », se faisait l’écho de l’introduction de la rationalité dans cette stratégie de communication.
Type d’entreprises |
|||
Techniques employées |
Consommation |
Industrielles |
Total |
N’effectuent pas de mesure |
42 % |
56% |
47% |
Mesure d’audience |
17 % |
19% |
17% |
Ventes |
17 % |
4% |
12% |
Exposition/Distribution |
13 % |
7% |
11% |
Parts de marché |
10 % |
4% |
8% |
Autres |
2 % |
11% |
5% |
Total % |
100 % |
100% |
100% |
Nombre |
48 % |
27% |
75 |
Tableau 1.9 : Techniques de mesure de l’efficacité du sponsoring dans les entreprises américaines au cours des années 1985-1986 (Gross, Traylor et Shuman, 1987).
Développement du sponsoring de diffusion
60Cette période correspond également à l’avènement du sponsoring de diffusion. Il consiste à vendre à un annonceur le parrainage de la retransmission sportive (figure 1.9). Le sponsor bénéficie d’une prestation plus ou moins étendue comprenant des annonces promotionnelles dans la période précédant la diffusion, bandes annonces de parrainage avant et après la diffusion, inserts de son logo lors des ralentis, etc. Ce phénomène connaît une évolution très rapide. Elle est certainement irréversible compte tenu de la logique commerciale des chaînes de télévision. L’importance grandissante des chaînes privées, la concurrence importante des chaînes publiques et privées vis-à-vis de l’audience ont amené ces entreprises à s’assurer de l’exclusivité des événements sportifs les plus porteurs en audience.
Figure 1.9 : Sponsoring sur le site et sponsoring de diffusion.
61Dans ce contexte il devenait impossible de rentabiliser ces exclusivités avec les seules recettes publicitaires, la pression économique augmentait fortement et le « sponsoring de diffusion » devenait une nécessité. Le parrainage est reconnu comme un nouveau moyen de communication offert aux entreprises pour promouvoir leur image. Distinct de la communication produit, il occupe un espace qui se situe en dehors des écrans publicitaires, mais aussi des journaux d’information. Officiellement son mode d’expression se limite à la représentation institutionnelle de l’entreprise sponsor. Dès lors, les connexions avec le sponsoring de terrain apparaissent. Si un sponsor souhaite médiatiser son engagement sur un événement ou se l’approprier, il parraine tout naturellement la retransmission télévisée. Pour éviter ce « piratage » et renforcer leur impact, les sponsors dominants investissent dans le sponsoring de terrain et dans le sponsoring de diffusion. Cette tendance focalise le sponsoring sur l’événement qui, compte tenu de l’intérêt qu’il provoque, possède une audience beaucoup plus importante que le sport qui lui sert de support. Ce phénomène a favorisé la création d’événements « clefs en main » vendus à un sponsor. La prestation de service comprend le concept, l’organisation et la diffusion télévision. C’est le cas du raid en moto neige « Fuji-Haricana » et de « La route du café Jacques Vabre ».
62Cette évolution est attestée par l’enquête bisannuelle réalisée en 1990, par l’Union des annonceurs (UDA). Dans sa conclusion, celle-ci considérait que pour les annonceurs, le sponsoring appelé quelquefois le parrainage en France, était désormais un mode de communication parmi d’autres, mais un mode de communication diffèrent des autres. Ceux-ci ont appris à la fois à y recourir régulièrement et à en gérer les particularités. Cette technique de communication a maintenant une légitimité incontestée, renforcée par le professionnalisme des annonceurs. En France, nous notons la création de deux revues spécialisées7. Le sponsoring voit cependant sa progression stoppée au début des années quatre-vingt-dix. C’est le début d’une profonde restructuration de ce secteur.
63Dans cette action de communication le sponsor n’oublie pas les retombées économiques, même si celles-ci ne sont pas nécessairement directes et immédiates. Il est utile de préciser dans ce contexte, que les entreprises sont d’abord les partenaires des événements sportifs et éventuellement du sport en général. En effet, ce sont les événements qui assurent l’essentiel des retombées médias, qui constituent le véritable moteur du sponsoring. Les médias concourent également au financement direct des événements les plus importants par le biais des droits de retransmission. L’engagement des médias dans le financement des événements sportifs est d’ailleurs de plus en plus conséquent. Les chaînes de télévision françaises consacrent de plus en plus d’argent pour s’assurer l’exclusivité des événements sportifs qui ont le plus d’audience (tableau 1.10).
Chaînes |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
TF1 |
313 |
398 |
546 |
550 |
France 2 |
155 |
200 |
255 |
300 |
France 3 |
36 |
77 |
109 |
110 |
Canal + |
300 |
421 |
554 |
700 |
Total |
804 |
1096 |
1464 |
1660 |
Tableau 1.10 : Évolution des budgets « Sport » des quatre premières chaînes françaises en millions de francs (Source : CSA et rapport d’activité des chaînes).
64L’évolution des droits payés par les télévisions pour retransmettre les jeux olympiques constitue également un indicateur témoignant de cette tendance à l’inflation liée à l’accroissement de l’audience du premier événement sportif mondial. Ceux-ci ont augmenté de façon exponentielle puisqu’ils sont passés de 1,2 million de dollars en 1960 à 900 millions de dollars en 1996.
65L’inflation des droits de télévision se résume en un seul mot : rentabilité. Celle-ci est assurée par l’audience et les recettes publicitaires qui en découlent. Les résultats plaident en faveur des Jeux olympiques, par exemple 29,4 % des foyers américains, soit 82 millions de personnes, ont regardé l’américain Moe remporter la descente olympique des Jeux de Lillehammer sur CBS en 1994. Cette audience est comparable à celle du Super Bowl, manifestation représentant l’événement sportif le plus important aux USA, qui a réuni 90 millions de téléspectateurs en 1993. Cette relation économique entre la télévision et le sport, médiée par l’audience, conduit les chaînes à programmer massivement les sports les plus suivis au détriment des autres. Ainsi en 1992, les chaînes de télévision françaises ont programmé massivement deux sports : le tennis (21 %) et le football (16 %). Le cyclisme occupe la troisième place mais n’a occupé que 5,5 % du temps consacré aux retransmissions sportives.
66Le sponsoring de diffusion présente un certain nombre d’avantages par rapport au sponsoring terrain :
- L’exposition est garantie ;
- L’apparition de la marque peut faire l’objet d’une création ;
- Son coût peut être plus faible que le sponsoring terrain ;
- Il a un effet important sur l’association à l’événement et la notoriété spontanée.
67Heineken a sponsorisé la diffusion de la Coupe du monde de rugby de la télévision anglaise. Le traitement créatif s’est effectué sur la base de la musique officielle de l’événement, et montrait des ballons de rugby volant dans l’écran à partir des pays participants situés sur un globe terrestre. L’étude d’impact réalisée par TSMS, montre que la notoriété d’Heineken est très supérieure à celle des autres sponsors de l’événement (tableau 1.11). Ces données nous portent à penser que ce type de sponsoring a été efficace car Heineken était le seul sponsor de l’événement à sponsoriser la diffusion de celui-ci en Angleterre.
Sponsors |
Notoriété spontannée |
Heineken |
74 % |
South African Airways |
45 % |
Cellnet |
28 % |
Sony |
26 % |
Coca-Cola |
25 % |
Citizen Watches |
24 % |
Famous Grouse |
21 % |
Visa International |
17 % |
Courage |
17 % |
Tableau 1.11 : Notoriété spontanée des sponsors de la Coupe du monde de rugby 1995 (source TSMS)
2Eétape : une meilleure intégration au marketing-mix
68Selon une étude effectuée par Sponsorship Research International (SRI), il s’est produit un rééquilibrage du marché mondial du sponsoring. En effet, alors qu’au début des années quatre-vingt, les États-Unis représentaient plus de 50 % des dépenses mondiales, ils ne représentaient en 1994 plus que 34,8 %, alors que l’Europe représentait 32,9 %. Ce rééquilibrage s’est produit vers l’Asie puisque selon Chris Jones, chargé de mission à SRI, la montée des engagements asiatiques a permis de contrebalancer la progressive déficience de l’Europe et des États-Unis ces dernières années. Les années quatre-vingt-dix vont être celles de la meilleure interaction du sponring avec les variables du marketing-mix. La communication à laquelle il est rattaché, va elle aussi être mieux intégrée au marketing (on utilise progressivement le concept de Communication Marketing Intégrée). Cette volonté se traduira par une plus grande focalisation sur les résultats, qui fera de l’évaluation et du retour sur investissement une des questions majeure de cette décennie. Enfin, les parties en présence vont s’organiser pour lutter contre les stratégies d’ambush marketing, ou marketing parasitaire, qui ont vu le jour au milieu des années quatre-vingt.
Interaction entre le sponsoring et les variables du marketing-mix
69L’évolution concerne certes les objectifs assignés au sponsoring mais surtout les relations entre le sponsoring et les variables du mix.
Figure 1.10 : Le sponsoring dans la hiérarchie des stratégies de l’entreprise (Adapté de Walliser, 1994)
70Comme le présente la figure 1.10, ci-contre, les années quatre-vingt ont permis de mieux intégrer le sponsoring à la stratégie de communication. Le sponsoring apparaît donc au même titre que la publicité, les relations publiques, etc. comme un outil spécifique se situant au terme d’une séquence de décision. Il s’agit d’une conception de plus en plus majoritaire, exprimée par Otker (1988) pour qui « le sponsoring commercial consiste à acheter et à exploiter une association avec un événement, une équipe, un groupe, etc. dans un but spécifique de marketing (communication) »8. Cela démontre que le sponsoring doit concourir à la réalisation des objectifs marketing. Il reste cependant assimilé à la communication. Durant les années quatre-vingt-dix la conception et l’utilisation du sponsoring vont évoluer. Les opérateurs vont apprendre à développer des synergies entre le sponsoring et les variables du mix.
71L’ouvrage de Patrick Dambron (1991) intitulé « sponsoring et politique de marketing » témoigne de cette volonté de rationaliser « les rapports existants entre sponsoring et gestion marketing » et s’intéressent plus particulièrement à « son imbrication aux variables du marketing-mix : produit, prix, distribution et communication ». Cet ouvrage est basé sur une enquête qualitative auprès de grandes entreprises françaises, dont certaines sont les filiales d’entreprises américaines ou japonaises. Cette analyse exprime le challenge de cette décennie pour les sponsors et les organisations sportives. Il s’agit d’une approche intégrative dans laquelle le sponsoring est traité en fonction des quatre macros variables précitées (figure 1.11). Dans ce contexte, Derbaix, Gérard et Lardinoit (1994) définissent le parrainage9 en tant que « technique qui consiste pour toute organisation, à créer ou à soutenir directement un événement socio culturellement indépendant d’elle-même et à s’y associer médiatiquement en vue d’atteindre des objectifs marketing ».
Figure 1.11 : L’interaction du sponsoring aux variables du marketing-mix
Sponsoring et gestion des produits et services
72Le sponsoring est susceptible de favoriser la gestion des produits et des services de certaines entreprises dans la mesure où ceux-ci sont directement ou indirectement liés à l’événement sportif. Il s’agit de la première forme de sponsoring qui vise à prouver la qualité et la fiabilité des produits. Les exemples sont nombreux et concernent principalement le domaine technique et technologique. Ils entrent dans la catégorie des fournisseurs officiels. Il est également possible de crédibiliser des innovations dans ce domaine. Cette stratégie peut être étendue aux composants des produits. C’est le cas de la fibre Lycra fabriquée par Dupont de Nemours qui a sponsorisé un certain nombre de sports comme le football, l’athlétisme, l’escalade…
73Analysant les stratégies de sponsoring dans ce domaine, Patrick Dambron propose la typologie suivante :
1. Preuve produit directe
74« L’entreprise se fixe comme objectif, à travers l’opération de sponsoring de démontrer et de prouver les performances techniques de ses produits, gage de qualité et de fiabilité de ceux-ci ». En s’associant à l’équipe de F1 Williams Compaq acquiert la place de leader technologique. Compaq veut convaincre le grand public que ces produits sont performants et en avance d’un point de vue technologique. Ceci est exprimé dans les messages publicitaires « Ici la perte de temps est le seul obstacle à la victoire. Avec les portables hautes performances Evo de Compaq équipés du processeur M mobile d’Intel Pentium 3, l’équipe BMW Williams F1 optimise ses réglages et grâce à Compaq gagne de précieux dixièmes de secondes. Parce qu’ici pour gagner une course on gagne d’abord du temps. Et vous, comment gagnerez-vous en Compaq ? »
2. Preuve produit indirecte
75« L’implication de l’entreprise à une opération de sponsoring peut être décidée par la nécessité de développer la recherche ou par le souci de développer d’apporter des solutions innovantes ». C’est également un des objectifs du sponsoring de Compaq avec l’équipe BMW Williams. Par le processus de recherche incessant mis en œuvre, cette marque justifie son slogan « technologie de l’inspiration ».
3. Création de produit
76« L’entreprise se sert de l’opération de sponsoring pour créer un produit différent de ceux existant dans la gamme courante, pour toucher une clientèle plus large ». C’est ainsi que Peugeot créa en 1989 la ligne Roland-Garros avec la 205 par Peugeot. Il s’agissait de capitaliser sur l’image « chic » de l’événement pour crédibiliser cette série spéciale, sur un segment de consommateur recherchant une voiture exprimant une sélectivité sociale.
77Pour les services, l’opération de sponsoring permet de valoriser la performance au niveau des cinq dimensions relatives à la qualité des services : les aspects tangibles, la fiabilité, la réactivité en cas de problème, la capacité à rassurer et l’empathie, c’est-à-dire la capacité à être à l’écoute du client. Cela constitue les fondements du programme de sponsoring de l’entreprise UPS pour les Jeux olympiques.
Stratégie de sponsoring et politique de prix
78L’action de sponsoring permet au public direct et indirect de se focaliser sur les produits et les services du sponsor. Par ailleurs, le prix est une variable essentielle dans la décision d’achat. Le sponsoring peut être relié à la politique de prix de deux façons. La première concerne le positionnement du produit. La seconde est relative aux stratégies promotionnelles.
Sponsoring et positionnement des produits haut de gamme
79Le sponsoring peut permettre de positionner le produit ou le service dans le haut de gamme. Il est important de faire remarquer que le positionnement a pour but de modeler les croyances du consommateur pour que celui-ci différencie clairement une marque de celle de ses concurrents. Il s’agit de s’organiser pour que celle-ci occupe une place claire et unique dans l’esprit du consommateur. Selon Al Ries et Jack Trout (1981) « le positionnement n’est pas ce que vous faites à un produit ; c’est ce que vous faites à l’esprit du client futur, le prospect ». Le sponsor va chercher à légitimer sa marque dans un univers sélectif socialement. Dans la mesure où ce partenariat est accepté, la marque devient légitime dans le haut de gamme. C’est par exemple le cas des montres Rolex au niveau du golf. Ce qui permet de justifier un prix supérieur notamment auprès de la marque Tudor qui commercialise des produits en tout point identiques notamment la Submariner.
80Le groupe Heineken possède notamment les marques de bières Heineken, Amstel et Murphys. Heineken est chère compte tenu de son positionnement haut de gamme, alors qu’Amstel est plus populaire et moins chère. Murphys est une bière brune qui n’a jamais été engagée dans des opérations d’envergure. Le sponsoring est une partie importante de la stratégie de communication de l’entreprise compte tenu du fait qu’il constitue une plateforme idéale pour construire une marque dans différents pays. Par ailleurs, il permet de se connecter avec la passion des clients actuels et potentiels et facilite les accords commerciaux. La société gère sa stratégie de sponsoring en appliquant trois principes :
- Pas de sports mécaniques car risque et alcool ne font pas bon ménage,
- Pas de sponsoring d’équipes ou de sportifs car l’impact dépend souvent de leurs résultats sportifs,
- Seulement un sponsoring d’événement.
81Compte tenu du positionnement recherché pour ces deux marques, Heineken sponsorise des événements dans le tennis, le rugby et la musique ; Amstel s’est investi dans le football et plus particulièrement l’UEFA Champions League. Cet exemple montre que le lien entre gestion des prix, positionnement de la marque et sponsoring est réel. Selon les cas, il s’agit de renforcer une situation existante ou de repositionner la marque.
Sponsoring et promotion des ventes
82Les stratégies promotionnelles sont directement liées à la politique de prix. Selon Dominitz et Tochon (1988) la « promotion va agir directement sur l’acheteur, le libérer de son quotidien et le plonger dans un univers ludique. Certes la promotion n’oublie jamais le souci d’économie du consommateur, mais elle stimule, distrait et agrémente ses achats. (…) Elle crée un courant de sympathie envers la marque ». Une opération de sponsoring amène une focalisation sur la marque et peut constituer une base intéressante pour une opération promotionnelle. Il existe un grand nombre de techniques promotionnelles : offre de prix, prime, offre d’essai, échantillon, démonstration, dégustation, concours et jeux, collection. Le tableau 1.12 ci-dessous résume les principaux moyens utilisés dans ce domaine.
Tableau 1.12 : Sponsoring et promotion des ventes (adapté de Dambron, 1991)
83Cette stratégie peut concerner aussi bien des produits haut de gamme que des produits d’entrée de gamme. C’est par exemple les parfums Guy Laroche qui, lorsqu’ils se sont impliqués dans l’Offshore pour l’eau de toilette Drakkar Noir, ont adopté un packaging spécifique portant la mention Offshore Racing Team édition limitée avec un dessin stylisant un bateau offshore. Cette édition limitée était proposée à un prix de vente 10 % inférieur à celui du produit classique.
Sponsoring et distribution
84Le distributeur apparaît de moins en moins comme un simple canal de distribution. Il agit comme une entreprise dotée de sa propre stratégie. Selon Procter & Gable « Le trade marketing, c’est intégrer dans la stratégie de la marque, la stratégie de l’enseigne ». Dans le contexte d’une opération de sponsoring cela peut concerner :
- Un circuit de distribution, c’est-à-dire une filière d’agents utilisés successivement par l’entreprise pour transférer ses produits jusqu’au consommateur final ;
- Un canal de distribution, c’est-à-dire un groupe d’agents ayant les mêmes caractéristiques juridiques et commerciales et distribuant un assortiment de produits de même nature ou complémentaires ;
- Simplement les points de vente.
Moyens |
Exemples |
Création de trafic |
- En organisant un jeu pour gagner des invitations pour l’événement, ou des produits du sponsor, en se rendant dans un des points de ventes du sponsor |
Publicité sur le lieu de vente |
- Elle utilise les symboles de l’événement pour valoriser les produits du sponsors |
Animations spécifiques sur le lieu de vente |
- Les acteurs : sportifs, organisateurs… du matériel viennent spectaculariser le lieu de vente |
Création d’événements périphériques |
Il s’agit de créer des événements souvent de type participatif pour le réseau de distribution du sponsor d’un événement. Ainsi, Peugeot sponsor de Roland Garros organise les « Journées Peugeot Roland Garros » avec ses concessionnaires. C’est une opération de relations publiques basée sur un tournoi de tennis réservé aux joueurs non classés. |
Tableau 1.13 : les différentes formes de stimulation des points de vente peuvent prendre diverses formes (adapté de Dambron, 1991) :
85Le sponsoring peut être relié à la stimulation des acteurs de la distribution (tableau 1.13). Parmi ceux-ci, la force de vente est souvent concernée. Dans la mesure où il existe un intérêt pour l’événement, le sportif ou l’équipe sponsorisée, l’opération de sponsoring peut concourir à renforcer ce lien émotionnel tout en stimulant cette force de vente. Il existe une grande variété de moyens : invitation à l’événement, opération de relations publiques, participation directe à un événement périphérique.
86Le sponsoring peut également être utilisé pour recruter la force de vente. Ce fut le cas de la société de travail temporaire ECCO lorsqu’elle sponsorisa le Master d’Escalade au Palais omnisports de Paris-Bercy et utilisa ce support pour effectuer des publicités dans la presse pour recruter ses intérimaires.
87Dans ce contexte le sponsoring permet de dynamiser, de sensibiliser, de mobiliser les différents acteurs d’un réseau de distribution. Le climat créé et l’esprit généré sont plus importants que les résultats financiers à court terme.
Sponsoring et communication mieux intégrée au marketing
88Si l’intégration de la stratégie de sponsoring à la stratégie de communication a été l’un des enjeux des années quatre-vingt-dix, l’intégration de la stratégie de communication à la stratégie de marketing a été celui des années 2000. Schultz, Tannenbaum et Lauterborn (1993) ont souligné le fait que l’intégration de la communication au marketing constitue un avantage concurrentiel substantiel pour les organisations. L’usage du terme de Communication Intégrée au Marketing (CIM) traduit cette volonté. Selon Shrimp (2003) celle-ci constitue le processus de développement et de mise en œuvre de programmes de communications persuasives planifiés envers les consommateurs et les prospects. L’objectif des CIM est d’influencer ou d’agir directement sur le comportement de cibles de communication sélectionnées. Il s’agit de prendre en compte à cet effet, toutes les sources de contact entre les consommateurs et les produits et services d’une entreprise comme un vecteur de communication pour de futurs messages. Ainsi, les CIM utilisent toutes les formes de communication qui sont appropriées au consommateur, ainsi qu’aux prospects. En résumé, la Communication Marketing Intégrée a les caractéristiques suivantes :
- Elle a pour objectif d’influencer le comportement de la cible ;
- Elle utilise toutes les formes de contact qui existe entre l’entreprise et la cible ;
- Elle commence avec le consommateur ou le prospect, ce qui implique de bien le connaître ;
- Elle accomplit une synergie entre les différents outils de communications et entre la stratégie de communication et les autres variables de l’action marketing ;
- Elle construit des relations entre l’entreprise, ses clients, ses fournisseurs et son réseau de distribution.
89Dans le contexte du sponsoring, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’influencer le comportement des personnes appartenant à la cible de communication (tableau 1.14). Cela se traduit par un rachat ou un premier achat. Il est certes intéressant d’avoir un impact cognitif (notoriété, qualité perçue) ou psychosociologique (image, bienveillance…) à condition que cela se traduise à court ou moyen terme par un effet comportemental. Les sponsors ont appris à bien connaître leurs prospects, notamment le processus relatif à la décision d’achat, pour déterminer la stratégie la plus adaptée. Dans le contexte du sponsoring, il s’agit de tirer profit des émotions générées par l’événement pour créer un lien avec la marque. Cette approche qui entre dans le cadre du marketing expérientiel sera illustrée avec Coca-Cola.
90Le sponsoring avait permis aux entreprises de s’exprimer dans un environnement relativement peu encombré en comparaison à la publicité média. Il permettait également d’atteindre ses cibles de communication à un coût raisonnable. Il s’agit maintenant d’intégrer les programmes de sponsoring à la stratégie de marketing des entreprises et d’évaluer le retour sur investissement de ces opérations.
Domaines |
Objectifs |
Notoriété |
- Faire connaître la marque et/ou le produit |
Information et qualité perçue |
- Suggérer de nouvelles utilisations |
Image |
- Renforcer ou créer les connotations souhaitées |
Rappel |
- Rappeler les occasions prochaines d’achat ou de consommation |
Persuasion |
- Encourager la fidélité |
Tableau 1.14 : Sponsoring et objectifs de communication
Le retour sur investissement devient une question primordiale
91Le sponsoring s’est rationalisé et le retour sur investissement (ROI) implique inévitablement une analyse de l’impact de l’opération de sponsoring. L’enquête réalisée en 1992, par l’Union des annonceurs (U.D.A.) permet de se faire une idée de la situation française. Les données présentées dans le tableau ci-dessous montrent que, si la grande majorité des entreprises contrôlent leurs actions de parrainage. Celles-ci ont principalement recours à l’analyse du « press-book ». Les études d’image qui étaient curieusement absentes en 1986, y figurent mais elles sont associées à la notoriété, ce qui ne permet pas de connaître leur importance (tableau 1.15).
Faites vous un suivi des retombées des actions de parrainage ? |
|
Non |
17 % |
Oui |
83 % |
Quels sont les principaux outils de ce suivi ? (plusieurs réponses possibles) |
|
Press book |
88 % |
Etude générale de notoriété ou d’image |
53 % |
Analyse et/ou audit des retombées média |
46 % |
Etude spécifique liée à l'action de parrainage |
29 % |
Recherche de l’influence sur les ventes |
23 % |
Baromètre spécifique |
15 % |
Tableau 1.15 : Contrôle des actions de parrainage en France (Adapté de UDA, 1992).
92L’étude réalisée par le mensuel L’événementiel en 1994, est plus précise. Celle-ci confirme d’une part que les grandes entreprises françaises, qui sont engagées dans le parrainage depuis plus de trois ans, s’investissent en premier lieu dans des manifestations culturelles (50 %), puis dans le sport (43 %) et d’autre part que seulement 31 % d’entre elles effectuent des études d’image, alors que 85 % d’entre elles poursuivent un objectif d’image. L’ensemble de ces éléments nous montre que la question de l’efficacité préoccupe les entreprises Françaises engagées dans le parrainage. Les études d’image sont cependant peu répandues, compte tenu du fait qu’il ne s’agit pas de l’objectif principal de ces opérations.
93La comparaison avec l’année 1998 (figure 1.12) laisse apparaître un renforcement de l’évaluation sur l’ensemble des moyens qui ne traduit pas un changement radical dans la tendance.
Figure 1.12 : Comparaison des méthodes d’évaluation utilisées par les sponsors français (Source UDA, 1998)
94En fonction de leurs objectifs, les entreprises effectuent une étude en interne ou la confient à un prestataire de service. Les données de la figure 1.13 montrent que les entreprises réalisent en interne les études visant à établir un baromètre spécifique, l’impact sur les ventes. Elles utilisent majoritairement un prestataire spécialisé pour l’analyse des retombées médias, les études d’image et l’analyse du press-book.
Figure 1.13 : Qui évalue l’impact des actions de sponsoring pour les entreprises françaises ? (Source UDA, 1998)
Etudes |
Année |
Nombre de pays |
Le point de vue du consommateur (quantitative) |
1985 |
4 |
Sponsoring olympique (qualitative) |
1987 |
6 |
Sponsoring olympique (quantitative) |
1988 |
4 |
Sponsoring olympique (quantitative) |
1989-1992 |
3 |
Sponsoring olympique (quantitative) |
1993-1996 |
3 |
Etude relative aux anneaux olympiques |
1995 |
8 |
Sponsortest |
1995-1996 |
1 |
Recherche relative au marketing olympique (qualitative) |
1996 |
5 |
Recherche relative au marketing olympique |
1996 |
9 |
Jeux d’Atlanta (quantitative) |
1996 |
1 |
Jeux de Nagano (quantitative) |
1998 |
1 |
Image olympique & projets de communication |
1998 |
11 |
Image olympique & projets de communication |
1999 |
7 |
Jeux de Sydney (quantitative) |
2000 |
1 |
Jeunesse olympique |
2000 |
1 |
Validation de la marque olympique (omnibus) |
2000 |
10 |
Jeux de Sydney (game-time) |
2000 |
1 |
Tableau 1.16 : Les recherches et études effectuées par le CIO (Source CIO, 2002)
95Les organisateurs suivent cette tendance. Les études d’impact permettent d’une part de fournir des éléments quantitatifs et qualitatifs à leurs sponsors en vue de les fidéliser et d’autre part, elles permettent de mieux cibler leur recherche de sponsor et de fournir des arguments commerciaux. Ainsi le Comité international olympique a effectué sa première étude en 1985. Depuis cette date les études se sont multipliées comme en témoigne les recherches et les études effectuées par le CIO (tableau 1.16).
96L’évolution des attentes des opérateurs en matière d’évaluation et de retour sur investissement a fait évoluer les outils de mesure. Cet aspect sera développé dans le chapitre trois. Cependant la visibilité et l’étude de l’impact sont les deux dimensions principales de l’évaluation.
97Havas Sports a développé un outil d’étude baptisé Sports Metrix qui permet d’analyser 10 000 journaux sur les cinq continents et de traiter l’information à partir d’un modèle d’analyse linguistique afin d’en déterminer le sens. Le monitoring, revue de presse automatique permet de sélectionner les articles de référence et de détecter des tendances. Cet outil analyse également l’image d’un sponsor, les opinions des comportements ou encore la réputation d’une marque, mesure des évolutions a posteriori, effectue une comparaison avec les actions des concurrents.
98Sponsorship Research International a été créé par ISL Worldwide en 1994 et analyse les retombées médias des sponsors. Elle calcule également l’audience de l’événement et mesure l’association d’un sponsor avec le sport ou l’événement et vérifie l’adéquation entre les deux.
99Sport Marketing Surveys créé la même année, est une société anglaise indépendante spécialisée dans l’analyse des retombées médias. Elle relie les retombées télévisuelles avec la mesure de l’impact en déterminant notamment deux indicateurs. Le premier calcule le temps de présence du sponsor à la télévision et calcule son équivalent publicitaire. Le second détermine la notoriété spontanée et assisté de la marque et éventuellement les intentions d’achat qui en découlent.
Le développement du capital marque
100D’un point de vue marketing, les marques sont devenues incontournables. La marque est source de valeur tant pour l’organisation sportive que pour le consommateur. Kapferer et Laurent (1993) ont montré que les consommateurs étaient plus sensibles à la marque lorsqu’il percevaient un risque (e.g. de se tromper dans son choix, financier, sécurité…). Le sport n’échappe pas à cette tendance. Les marques emblématiques telles que Nike et Adidas rivalisent avec les Coca-Cola, Sony, Levis… Les événements sportifs et les organisations sportives ne sont pas en reste : CIO, FIFA, NBA, JO, Manchester United, Ferrari…. Ces marques possèdent un certain nombre d’actifs qui produisent de la valeur. Pour les qualifier, Aaker (1996) utilise le terme de capital marque (brand equity). Celui-ci correspond à « tous les éléments d’actif et de passif liés à une marque, à son nom ou à ses symboles et qui apportent quelque chose à l’entreprise et à ses clients parce qu’ils donnent une plus-value ou une moins-value aux produits et aux services. Les actifs et le passif qui sous-tendent le capital marque doivent être liés au nom et/ou aux symboles de la marque (logo, packaging, etc.). Si l’on change de nom ou de logo, une partie de ces actifs s’en trouvera perturbée, voire perdue bien que certains éléments puissent être transférés au nouveau nom ou aux nouveaux symboles visuels de la marque. Les éléments d’actif et de passif du capital marque sont variés et ils diffèrent selon les cas de figure. Selon Aaker (1996) ceux-ci peuvent être regroupés en cinq catégories principales :
- La notoriété de la marque ;
- La fidélité des parties en présence à la marque ;
- La qualité perçue qui est relative à « l’idée qu’un consommateur se fait de la qualité d’un produit ou d’un service en fonction des ses attentes et des comparaisons qu’il peut faire avec les marques concurrentes » (Aaker, 1991) ;
- L’image de la marque, c’est-à-dire toutes ses connotations en plus de la perception de la qualité des produits ou des services ;
- Tout autre actif lié à la marque : marque déposée, qualité des relations avec les réseaux institutionnels, etc. ».
Tableau 1.17 : Opportunités de sponsoring liées aux dimensions du capital marque de l’Olympique Lyonnais en 2004
101Dans le cadre du sponsoring les dimensions relatives au capital marque sont largement exploitées. Dans la première partie de ce chapitre nous avons montré comment un sponsor pouvait tirer profit de la notoriété, de l’image, de la qualité perçue, et de la fidélité des parties en présence. Nous avons choisi d’illustrer cet aspect avec l’Olympique Lyonnais (tableau 1.17). Ce club est le vainqueur des quatre derniers championnats de France et quart de finaliste de l’UEFA Champions League en 2004 et 2005. Il possède par ailleurs le budget le plus important de la Ligue 1 française avec 110 millions d’euros.
102Ce développement du capital marque ne peut se faire sans une protection de la marque. Cet aspect est devenu primordial avec l’apparition de l’ambush marketing.
Lutte contre l’Ambush Marketing
103Selon Bayles (1988), l’ambush marketing est la stratégie par laquelle une organisation s’associe indirectement avec un événement afin d’obtenir les mêmes bénéfices qu’un sponsor officiel. Le premier exemple visible fut la stratégie d’Eastman Kodak, lors des JO de 1984, alors que Fuji était le sponsor officiel. Kodak sponsorisa en particulier la diffusion des jeux sur ABC, ainsi que le film officiel de l’équipe Américaine d’athlétisme. Au cours des JO de 1988 chaque sponsor officiel avait au moins un de ses concurrents utilisant une stratégie d’ambush marketing. Wendy’s contre McDonald’s, American Express contre Visa, Quality Inns contre Hilton, Fuji pris sa revanche sur Kodak qui était alors le sponsor officiel. Fuji effectua une importante campagne de communication les associant à l’équipe Américaine de natation et avec un certain nombre d’athlètes américains. Ce phénomène se développa de plus en plus aux JO. Arrivé à maturation, Sandler et Shani (1989) le définissent comme un effort planifié (campagne) d’une organisation pour s’associer elle-même indirectement avec un événement dans la perspective de gagner au moins une partie de la reconnaissance et des bénéfices associés au fait d’être un sponsor officiel. Cette définition souligne le fait que l’ambush marketing est une stratégie bien planifiée. Celle-ci s’avère coûteuse compte tenu du fait qu’elle va utiliser largement les médias et si possible sponsoriser la diffusion de l’événement à la télévision. Par ailleurs l’objectif principal est de créer une confusion dans l’esprit du consommateur afin de réduire l’impact de l’action de sponsoring de son concurrent.
Tableau 1.18 : Entreprises identifiées comme sponsors officiels des Jeux olympiques de Calgary en 1988 par catégories de produit (Sandler et Shani, 1989)
104Les résultats de cette étude sont assez préoccupants pour les sponsors officiels (tableau 1.18). En effet, les résultats globaux montrent que les sponsors officiels étaient plus facilement identifiés comme sponsors que les « ambushers ». Les scores obtenus par ces derniers n’étaient pas significativement différents que ceux des autres concurrents dans leur catégorie de produit. Cependant Sandler et Shani (1989, 1993) concluaient en conseillant aux sponsors officiels d’investir fortement en publicité afin de faire connaître leur qualité de sponsor officiel. Ces deux auteurs effectuèrent une étude similaire lors des JO d’Alberville en 1992. Les résultats démontrèrent que les « ambushers » obtenaient des scores de reconnaissance supérieurs à leurs concurrents de la catégorie de produit. Par ailleurs, dans les catégories de produit où il n’y avait aucun « ambusher » les sponsors officiels obtenaient de meilleurs résultats que les sponsors officiels victimes d’une opération d’ambush marketing.
105Le CIO se devait de réagir pour contrer ces stratégies pouvant mettre à mal le financement du mouvement olympique et saper la confiance des entreprises partenaires de ses programmes de marketing. Selon le CIO l’ambush marketing inclut :
- L’utilisation par une entreprise non partenaire de moyens permettant de créer une association fausse avec les Jeux olympiques ;
- La violation des différentes lois qui protègent l’usage des symboles olympiques par une entreprise non partenaire ;
- L’interférence intentionnelle ou involontaire d’une entreprise non partenaire avec les activités de marketing légitimes des partenaires olympiques.
106Compte tenu de cette menace croissance, le CIO prit sept initiatives pour les Jeux de Sydney 2000.
- Mise en place d’une législation spécifique de la part du gouvernement de la Nouvelle Galle du Sud procurant une protection étendue de la marque olympique, des restrictions concernant la vente dans la rue, la publicité aérienne au-dessus de la ville de Sydney et des opérations de marketing non autorisées. Trois actes furent promulgués : l’Olympic Insigna Protection Act 1987, Sydney 2000 Games (Indicia and Images), Protection Act 1996, Olympic Arrangment Act.
- Contrôle des opérations de marketing en plein air dans la ville de Sydney.
- Accord avec l’industrie des produits sportifs World Fédération of the Sporting Goods Industry) précisant les règles en matière de marketing.
- Des nouvelles directives concernant les tickets, les opérations de relations publiques et la promotion impliquant les Comités nationaux olympiques.
- Un seul programme marketing précisant les droits et les devoirs de l’événement, de la famille olympique afin de prévenir les risques de conflits entre les partenaires des différentes catégories de produit.
- Une surveillance des tentatives d’ambush marketing dans les médias et sur internet.
- Des installations olympiques libres de toute publicité.
107Les JO ont été le premier événement à être victime des stratégies d’Ambush marketing. Les années quatre-vingt-dix ont amené un élargissement de ces techniques aux événements ayant un fort impact. Meenaghan (1994) a effectué l’inventaire des principales méthodes :
- Sponsoriser la diffusion de l’événement ;
- Être un sponsor mineur de l’événement et exploiter massivement ce statut ;
- Acheter massivement de la publicité dans les créneaux de diffusion de l’événement ;
- S’engager dans des opérations de promotion de ses actions de sponsoring au moment de l’événement ;
- Utiliser des photographies de sites, d’équipement de matériel dans ses publicités…
108Cette liste n’est pas exhaustive compte tenu de la créativité dans ce domaine. Cependant à l’instar du CIO, sponsors et organisations ont appris à lutter contre les opérations d’ambush marketing. Meenaghan cite à ce propos :
- Faire pression sur les organisateurs pour qu’ils protègent l’événement ;
- Lier sponsoring terrain et sponsoring de diffusion ;
- Anticiper les promotions des concurrents ;
- Exploiter des droits de sponsoring sécurisés ;
- Recourir systématiquement à des actions légales en cas de manquement constaté.
109Ce débat n’est pas clos pour autant, compte tenu du fait de la multiplication des contrats de sponsoring : événement, équipe, joueurs, arbitres… Nike, à propos de sa campagne sur la Coupe du monde 98 de football déclare : « Nous ne faisons pas d’ambush marketing en essayant de récupérer l’événement. Simplement, nous sommes des partenaires d’équipes et de joueurs qui vont participer à la Coupe du monde. Cela fait de nous des acteurs légitimes du Mondial. Nike a mis en place un programme de communication sur le football, pas sur la Coupe du monde ».
Une plus grande sophistication de la mise en œuvre du sponsoring
110Si les années quatre-vingt ont été pour beaucoup d’acteurs la période d’apprentissage, les années quatre-vingt-dix ont été celles de la rationalisation croissante de la mise en œuvre du sponsoring. Arthur, Scott, Woods et Booker (1998) ont analysé les pratiques des entreprises dans ce domaine afin de proposer un modèle opérationnel concernant la mise en œuvre et le management du sponsoring. Celui-ci est basé sur les principes suivants :
- Le sponsoring sportif doit être judicieusement sélectionné en fonction de la compatibilité entre le sponsor et l’objet de la sponsorisation ;
- L’opération de sponsoring doit être choisie en fonction des objectifs recherchés ;
- Le sponsoring doit être intégré à la stratégie de communication ;
- Le sponsoring doit être efficacement contrôlé ;
- Le sponsoring doit donner lieu à un engagement contractuel précis ;
- Le sponsoring doit être un engagement à long terme ;
- Le sponsoring sportif doit être protégé contre l’ambush marketing ;
- Le sponsoring doit donner lieu à une valorisation.
111Parmi l’ensemble de ces principes, la valorisation du sponsoring a pris une importance croissante depuis les années quatre-vingt. Les études d’impact des opérations de sponsoring se révélèrent souvent décevantes pour les sponsors qui espéraient atteindre des objectifs souvent irréalistes. Ceci a amené certains auteurs dont Otker (1988) à considérer le sponsoring comme un catalyseur d’une opération de communication, et non comme une locomotive. La notion de valorisation du sponsor ne va pas de soi. On parle alors plus de mise en valeur de l’événement (Piquet, 1985) que de mise en valeur du sponsor. L’expérience a démontré que le sponsoring devait être valorisé par des opérations spécifiques ce qui a entraîné une budgétisation de ces opérations. Nous n’entrerons pas dans le débat concernant le rapport entre le budget consacré à l’événement et celui consacré aux programmes de valorisation. Crompton (1993) et Kiely (1993) ont proposé un rapport d’un dollar pour un dollar, puis celui-ci est monté à un dollar pour trois dollars (Abratt et Crobber, 1998 ; Armstrong, 1988). Les méthodes de valorisation sont très diversifiées en fonction des objectifs recherchés. Wilkinson (1993) proposé les méthodes suivantes : animation sur le site de compétition, publicité, promotion des ventes, relations publiques, programme de motivation des employés, échantillons, invitations pour le public. Nous pouvons ajouter d’autres moyens tels que le sponsoring de diffusion, le merchandising, les relations avec la presse, les jeux concours, les événements périphériques.
112Produire une liste exhaustive des moyens de valorisations employés par les sponsors serait inutile compte tenu de la spécificité de chaque opération. Nous avons choisi d’illustrer cette démarche en présentant une action menée par Fuji et Xerox Australie à l’occasion du lancement du programme de sponsoring olympique (tableau 1.19). Toutes les relations d’affaires reçurent une lettre personnelle indiquant que le 5 septembre 1995 Fuji et Xerox Australie accueilleraient un événement olympique dans la zone d’affaires de Melbourne. Les médias furent également informés à travers un dossier de presse. Durant cet événement, un spectacle introductif au cours duquel la flamme olympique fut allumée en même temps qu’une présentation vidéo a montré les succès des athlètes australiens aux JO. Ils ont été conviés à un cocktail après une présentation formelle des nouveaux produits de la marque. Des athlètes présents remirent divers « Prix olympiques ». Par ailleurs, tout invité qui décidait d’acquérir des produits Fuji Xerox au cours des semaines suivantes avait le droit de participer à un tirage au sort pour gagner une voyage pour les JO d’Atlanta, en 1996. par ailleurs, des opportunités permettant de réaliser des photos et des interviews furent données après cet événement. Dans les mois suivants plusieurs publicités soulignèrent l’engagement de Fuji et Xerox en tant que sponsor olympique.
Tableau 1.19 : Objectifs, moyens et cibles de l’opération de valorisation du sponsoring Fuji Xerox aux JO d’Atlanta
113Ainsi, au cours de cette opération de valorisation de son action de sponsoring au niveau des JO d’Atlanta, Fuji et Xerox ont utilisé un ensemble de moyens : création d’un événement spécifique en liaison avec l’opération, marketing direct, relation presse, présentation vidéo, vente individuelle, promotion des ventes, relations publiques, publicité presse et télévisée. Ce mix de valorisation était en rapport avec les objectifs : renforcer et construire des relations commerciales, développer un sentiment de gratitude, donner une image positive de l’entreprise, augmenter les ventes et les parts de marché. Il est à noter que ces deux entreprises sponsors des JO ont collaboré pour cette opération de valorisation. C’est un exemple de marketing relationnel qui préfigure les années 2000.
3Eétape : Activation du sponsoring afin de générer l’expérience souhaitée avec la marque
114Le sponsoring continue son évolution au cours des années 2000. Nous avons noté trois éléments marquants. Le premier concerne l’activation de la marque du sponsor afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles avec ces opérations. Le second est relatif au marketing relationnel. Enfin, nous soulignerons les effets grandissant des nouvelles technologies dans le rapport entre les organisations sportives propriétaires des droits et les diffuseurs.
De la valorisation à l’activation de la marque du sponsor
115Comme nous l’avons fait remarquer, les sponsors ont investi de plus en plus pour valoriser leurs actions de sponsoring. Au début des années 2000, le concept d’activation se substitue progressivement à celui de valorisation. Selon Philippe Laratte (Coca-cola)10 « l’activation, c’est rendre la marque active plutôt que passive. Quand la marque est sur un panneau autour d’un stade, elle est passive. Lorsque la marque est dans la main des consommateurs, sous la forme d’un bénéfice tangible (une bouteille rafraîchissante, une casquette, un T-shirt avec la photo de l’équipe de France…) elle est active. Il en va de même quand le consommateur joue à des jeux qui sont là parce que la marque est là. Notez bien que chaque marque a un champ d’activation qui lui est propre ». La marque apporte un bénéfice tangible au consommateur. Il doit se produire une rencontre/expérience dans le contexte émotionnel de l’événement « il y a une valeur ajoutée de la marque qui m’est destinée » « aujourd’hui la valeur descend jusqu’au niveau de l’individu ». Ainsi, l’activation est une stratégie de marketing visant à procurer aux personnes concernées l’expérience souhaitée avec la marque du sponsor en relation avec l’événement sponsorisé.
116Une expérience est un événement individuel ou social qui se produit en réponse à des stimulations. Elle provoque des émotions pouvant être associées à d’autres bénéfices de types fonctionnels, sociaux, d’expression de soi. Il convient pour cela de fournir un environnement et des moyens adaptés pour que l’expérience désirée se produise. L’activation entre dans le cadre du marketing expérientiel. Celui-ci se démarque du marketing centré sur les caractéristiques tangibles des produits et des bénéfices qui leurs sont associés, en procurant une expérience à la fois sensorielle, affective, relationnelle et motrice. C’est par exemple la stratégie de Microsoft Xp (Xp signifie expérience). Dans ce cas, la marque est appréhendée comme un identificateur, mais surtout comme un fournisseur d’expérience.
117D’après Lardinoit, cette stratégie est soutenue par la théorie de la « variation d’encodage » (Young et Bellezza, 1982) selon laquelle c’est multipliant les sources (supports de communication), les contextes de diffusion (spectacle…) et/ou les modalités sensorielles de communication (vision, olfaction, audition…) que l’on augmente la probabilité que les consommateurs relient ces stimuli.
118Coca-Cola a été une des premières entreprises à rationaliser ce que l’on peut appeler le « sponsoring expérientiel ». Ainsi, « pour Coca-Cola, le sport est un vecteur privilégié d’expérience de la marque par le consommateur parce qu’il est associé à la notion de fête et de détente (un rafraîchissement physique et moral). D’un point de vue général, les objectifs du sponsoring sont :
- Construire une relation avec les jeunes en reliant la marque à leurs centres d’intérêts et au plaisir ;
- Créer des moments inoubliables, une expérience unique, en liaison avec la marque ; -Faire que Coca-Cola soit perçu comme une marque qui rend la vie quotidienne plus intéressante et plaisante ;
- Faire que Coca-Cola soit perçu comme le leader dynamique ;
- Faire que Coca-Cola soit perçu comme un sponsor national au niveau local et comme un sponsor global au niveau international.
119Nous ne développerons pas les aspects concernant la légitimité du sponsoring et de la compatibilité des images (ce que Coca-Cola nomme la compatibilité naturelle).
120Les stratèges affinent les sensations éprouvées au moment de la consommation de la marque, dans un contexte sportif procurant des émotions intenses. À l’occasion de la Coupe du monde de football 1998, Coca-Cola a établi les caractéristiques de l’expérience qu’il souhaitait procurer au supporter/consommateur avec la marque (Tableau 1.20 ci dessous).
Tableau 1.20 : Mise en relation du type d’activation sensorielle avec les moyens d’activation.
121Les caractéristiques de l’expérience étant définies, il convient d’utiliser des moyens adaptés pour que l’expérience désirée ait lieu. Dans ce contexte, les moyens sont des fournisseurs d’expérience et leur combinaison permet de construire une plate-forme d’activation. Le fournisseur d’expérience essentiel est lié aux caractéristiques de l’événement sponsorisé, c’est pourquoi il convient de faire un choix judicieux. Le sponsor se doit de collaborer avec l’organisateur pour parfaire cette expérience. La plate-forme d’activation utilisée par Coca-Cola, lors de la Coupe du monde de football, utilise les moyens ci-dessous.
Les slogans
122Le slogan « Always Coca-Cola » a été abandonné, pour se recentrer sur le bénéfice principal qu’apporte la marque au consommateur : « Enjoy » pour le marché anglo-saxon et « Vivez l’instant » pour le marché francophone. Dans le contexte de la Coupe du monde de football 1998, la firme d’Atlanta a utilisé un slogan plus orienté vers l’action « Vivez Football, Vibrez Football, Buvez Coca-Cola », « Vivez des instants gagnants ».
Le packaging
123Le packaging apporte également une stimulation sensorielle : vue, toucher. Dans le contexte de cet événement, Coca-Cola a fait évoluer les messages sur les canettes.
- Collector Coupe du monde 98 (languette rouge) ;
- Collector Coupe du monde 98 (points comptent double) ;
- Collection champion du monde 98 France n 1 : 1/8 finale affichant le résultat du match (France 1, Paraguay 0) ;
- Collection champion du monde 98 France no 2 : 1/4 finale (France 0 (4), Italie 0 (3) ;
- Collection champion du monde 98 France no 3 : 1/2 finale (France 2, Croatie 1) ;
- Collection champion du monde 98 France no 4 : FINALE (France 3, Brésil 0).
124Ces collectors ont animé et animent encore les bourses aux échanges. Il s’agit de déterminer les packages les plus adéquats afin de soutenir le lien entre Coca-Cola et le football, de stimuler l’achat et la participation.
Publicité médias
125La marque a effectué une campagne mondiale dans laquelle les supporters occupent la place centrale. La publicité montre des spectateurs en liesse car le thème de la première campagne était « partager la passion et célébrer ». Toujours selon Philippe Laratte, « la perception de l’émotion des spectateurs est parfois plus forte que celle que l’on éprouve soi-même en regardant le spectacle ». Des affiches montrent également de la tristesse, des supporters qui pleurent. Il s’agit d’exprimer la proximité entre Coca-Cola et tous les fans de la Coupe du monde.
126La publicité incite les supporters à agir, à s’exprimer et à s’engager dans la fête, avec des messages spécifiques tels que « s’il y avait une Coupe du monde des supporters, seriez-vous qualifié ? », « Faisons vibrer la terre entière », associés aux slogans cités précédemment.
Espaces dans les stades et événements spéciaux
127Sur les lieux de célébration et lors des événements spéciaux organisés par la marque tout est fait pour que les sensations éprouvées lors de la consommation soient associées à la fête et au football. Il s’agit de créer un cocon très agréable autour du sport de telle sorte que les gens ne viennent plus voir des événements pour la beauté du sport, mais y viennent pour l’ambiance et la convivialité.
128Ainsi, Coca-Cola a créé en partenariat avec la Fédération française de football des événements périphériques. Par exemple l’opération « tu es jeune, tu es foot », pour que les enfants participent à des levers de rideaux de match de la Coupe du monde. La création d’un jeu d’adresse a permis de sélectionner 564 filles et garçons qui sont devenus les ramasseurs de ballon. Par ailleurs 1 024 jeunes ont été qualifiés pour devenir porte-drapeaux des 32 pays sélectionnés. Dans tous les cas il s’agit d’événements mémorables, des « instants gagnants » qui soutiennent le lien entre les jeunes, Coca-Cola et le football.
Promotion
129Les opérations promotionnelles furent effectuées au coup par coup avec la grande distribution. II s’agissait certes de prendre des parts de marché, mais aussi de renforcer la relation avec la marque et le sentiment de bienveillance.
Merchandising
130Coca-cola a une longue expérience dans ce domaine car le merchandising fait traditionnellement partie de la plate-forme d’activation des événements sportifs.
Jeux et concours
131Ces stratégies permettent d’établir une relation « one to one » avec le supporter/consommateur dans un contexte de forte implication émotionnelle. Ces jeux et concours ont donné la possibilité de gagner des places pour les matchs dont le plus important est la finale au Stade de France et des produits aux couleurs de la marque.
Sponsoring de diffusion
132Cette forme d’activation constitue la base de ce type d’opération de sponsoring. Elle permet de capitaliser sur l’implication émotionnelle des supporters/spectateurs. Ainsi, Coca-Cola a sponsorisé la diffusion des matches sur les chaînes françaises.
Internet
133Le site Internet de la marque était surtout informatif. Le supporter internaute peut consulter les dernières informations concernant l’événement et les opérations de la marque : événements, packaging, merchandising… L’usage de cet outil d’activation s’est beaucoup développé depuis.
134La plate-forme d’activation de Coca-Cola pour le Coupe du monde de football 1998 illustre bien cette volonté de coordonner l’ensemble des moyens pour que les supporters/consommateurs aient l’expérience souhaitée avec la marque. Cependant, une activation réussie implique une synergie entre l’organisateur de l’événement et les sponsors. Pour l’organisateur et les parties impliquées dans l’événement, il s’agit de fournir un environnement et des moyens adaptés pour que l’expérience désirée se produise. Cette volonté génère des opérations de collaboration. Ainsi, dans le contexte de la Coupe du monde de football 1998, Coca-Cola collabora notamment avec McDonald’s qui proposa un menu « Value » comportant : sandwich, frites et Coca-Cola, à un prix très attractif. Ces initiatives entrent dans le cadre du marketing systémique que nous allons aborder dans la partie suivante. Les entreprises ont beaucoup évolué dans ce domaine.
La mise en œuvre d’un marketing relationnel
135La rationalisation du partenariat, la construction de plates-formes d’activation, la recherche du retour sur investissement, la lutte contre les stratégies d’ambush marketing ont conduit les organisations en présence sur un événement à développer des programmes collaboratifs. Ces stratégies entrent dans le cadre du marketing relationnel. Selon Sheth et Parvatiyar (2000), il s’agit d’un « processus continu consistant à s’engager dans des activités et des programmes de coopération et de collaboration impliquant partenaires et usagers, ayant pour but de créer ou d’augmenter la valeur économique et/ou sociale de l’ensemble, à un coût plus réduit ». Ces opérations concernent en premier lieu l’organisateur de l’événement, la télévision partenaire et les sponsors principaux. Elles s’étendent de plus en plus à l’ensemble des autres parties prenantes.
136L’opération qu’a conduite le Comité national olympique slovène à l’occasion des Jeux olympiques de Sydney témoigne de l’efficacité de cette stratégie. Il a développé avec son partenaire principal la banque SKB représentant Visa (Partenaire du Top Programme) en Slovénie une opération appelée « le projet Carte Visa ». Cette opération a utilisé le logo du CNO slovène et des athlètes Slovènes participants aux Jeux olympiques.
Objectifs
137L’objectif principal du Comité national olympique slovène était d’assurer sa promotion ainsi que celle de son équipe olympique. Pour Visa, il s’agissait de lancer leur « Golden card » en Slovénie et de promouvoir ce mode de paiement. Le troisième partenaire, banque SKB souhaitait promouvoir cette carte de paiement afin d’augmenter ses parts de marché et de renforcer ses liens commerciaux avec Visa.
Mise en œuvre
138Les deux initiateurs de ce projet, le CNO slovène et la banque SKB, contactèrent Visa pour lui demander de participer à une campagne promotionnelle conjointe. Après accord de Visa, ils développèrent une vaste campagne de communication utilisant des publicités présentant des athlètes de l’équipe olympique.
139Le CNO slovène assura :
- La promotion de Visa et de la banque SKB durant son programme télévision hebdomadaire intitulé « L’angle olympique » ;
- La diffusion de publicités radio sur cinq stations différentes durant le programme « Depuis les anneaux olympiques » ;
- La publication de publicité dans la presse et sur toutes les publications du CNO.
140La banque SKB réalisa les actions suivantes :
- Une campagne publicitaire dans les quotidiens nationaux, à la radio, ainsi que dans les catalogues touristiques (54 annonces au total dans les quotidiens nationaux et 352 dans les stations de radio) ;
- Présentation du projet sur le site Internet de la banque ;
- Campagne d’affichage grand format au niveau national.
141Enfin, Visa réalisa dans la période précédant les JO de Salt Lake City, une campagne publicitaire au niveau mondial qui fut adaptée au marché slovène. La publicité fut publiée dans huit journaux nationaux ainsi que dans les catalogues touristiques. Ils organisèrent également un jeu dans lequel les participants étaient invités à parier sur les résultats des athlètes Slovènes. Le premier prix était un séjour de ski de deux semaines dans la station de Park City pendant la saison 2002/2003. Par ailleurs, le CNO slovène organisa deux événements impliquant activement Visa. Le premier est relatif à la présentation officielle de l’équipe olympique slovène. Lors de cette cérémonie, la société Visa a offert aux athlètes participants aux Jeux olympiques une carte de crédit visa avec un montant de 100 $. Cette cérémonie bénéficia d’une couverture télévisée et de presse au niveau national. Ainsi, les logos de la banque SKB et de Visa figurant sur les panneaux décorant le fond de la scène apparurent largement sur les images diffusées. De plus, cet événement se déroula dans le centre commercial « Mercator » qui est un autre sponsor du Comité national olympique slovène. Ceci a permis d’associer un autre partenaire à cette opération et de réduire les coûts tout en augmentant son impact. Le second événement concerna la réception de l’équipe olympique slovène après les JO de Salt Lake City. La banque SKB organisa une réception en honneur de l’équipe durant laquelle une « Gold Card » avec un bonus spécial fut offerte à tous les médaillés olympiques.
Résultats
142De janvier à juin 2002, le nombre de Carte Visa augmenta de 24 % en Slovénie. Le nombre de transactions par ce moyen de paiement, ainsi que le montant des transactions augmentèrent également de manière significative. Par ailleurs, l’étude effectuée pour le compte de la banque SKB démontra que cette opération avait développé fortement l’association entre cette banque et l’équipe olympique slovène dans l’esprit du grand public.
143Ce type de démarche traduit une évolution dans le mode d’approche des sponsors. Nous passons d’un marketing transactionnel dans lequel les sponsors se trouvent en concurrence sur l’événement (recherche de la meilleure visibilité, de la meilleure plate-forme d’activation, négociation séparée avec le détenteur des droits, les médias, etc.), à une situation dans laquelle un certain nombre de parties en présence vont collaborer sur des programmes en vue d’atteindre leurs objectifs de manière plus efficiente.
144Il s’agit d’une démarche progressive nécessitant un apprentissage. Le Comité national olympique slovène réunit régulièrement ses sponsors en organisant notamment :
- Des présentations de l’activité de chaque partenaire ;
- Des voyages d’études, rencontres avec des sponsors, d’autres comités olympiques nationaux et des visites de sites olympiques ;
- Des séminaires dédiés au marketing sportif.
145Ces initiatives permettent aux partenaires de mieux se connaître et de construire des relations. Cela favorise l’émergence de projets de collaboration créant des avantages concurrentiels dans le monde des affaires. La phase la plus importante concerne l’entretien et la rationalisation de ces réseaux. Le CNO slovène construit à cet effet, une plateforme de marché Internet impliquant ses partenaires et les acteurs du monde sportif slovène.
Le power shift
146Les premières opérations de marketing relationnel ou collaboratif ont impliqué en premier lieu les médias, compte tenu de leur position centrale dans le système du fait de leur impact au niveau de l’audience. La société Forester a publié en 2000 un rapport qui analyse cette situation et dresse un scénario pour le futur, le « power shift ».
147Actuellement, les diffuseurs traditionnels de contenus, télévision, presse et radio décident de couvrir, ou de ne pas couvrir, un événement ou un sport en général, en fonction d’un certain nombre de critères dont le plus important est l’intérêt pour leur public. Ainsi, selon l’audience du sport et la situation du marché, ils achètent ou non des droits de diffusion au propriétaire des droits. Dans ce contexte, les fans accèdent gratuitement ou en payant à ce contenu, qui peut être contrôlé par le diffuseur et/ou le propriétaire des droits, si celui-ci a défini un cahier des charges précis. Ce modèle fondé sur la rentabilité économique a les effets suivants :
- La grande majorité des sports n’ont pas accès aux médias puissants ;
- Les entreprises sécurisent la diffusion des événements qu’elles sponsorisent grâce au sponsoring de diffusion ;
- Les supporters ne sont pas actifs.
148Ce modèle est actuellement remis en question à cause du développement des nouvelles technologies de l’information. En effet, il est possible d’établir à peu de frais un lien direct entre l’événement et l’organisation sportive, et les fans à partir d’une plate-forme Internet. Le développement du haut débit permet d’augmenter la quantité d’information transmise et dans un futur proche il sera possible de diffuser des vidéos fluides de grand format. Ainsi, l’organisation sportive propriétaire occupera la place centrale à partir de sa plate-forme Internet (figure 1.14).
Figure 1.15 : Dans le futur, l’organisation sportive propriétaire des droits occupera une place centrale à partir de sa plate-forme Internet (adaptée de Forester, 2000).
Conclusion : Une définition opérationnelle du sponsoring
149En trente ans le sponsoring a beaucoup évolué tant au niveau de sa conception, que d’un point de vue opérationnel et stratégique. Nous avons choisi d’analyser la dynamique qui a conduit à établir les principes qui constituent ses fondements. Ainsi, « le sponsoring est une stratégie de communication intégrée aux différentes stratégies de l’organisation. Il poursuit des objectifs commerciaux et/ou institutionnels en exploitant les droits liés, l’association directe entre une organisation, une marque, un produit avec une autre organisation, un événement ou une personnalité. Il implique enfin une transaction commerciale entre les différentes parties concernées » (Ferrand & Torrigiani, 2005).
150Comme nous l’avons souligné, le sponsoring est intégré à la stratégie de marketing. Il se doit de conjuguer les deux principes suivants :
- l’intégration verticale qui assure la cohérence entre les différentes stratégies ;
- l’interaction avec les différentes stratégies et l’activation de la cible de communication par le sponsor.
151En effet, une opération de sponsoring se doit d’agir conjointement avec la stratégie de marketing en stimulant la force de vente et le réseau de distribution, en permettant de concevoir un nouveau service (les résultats sportifs sur les téléphones mobiles par exemple) ou en soutenant une promotion. Elle se situe également en synergie avec la stratégie globale en stimulant par exemple le partenariat avec les réseaux institutionnels dans un pays, afin de favoriser l’internationalisation de l’entreprise.
152Nous avons souligné dans ce chapitre que l’on pouvait regrouper les objectifs du sponsoring en deux catégories : la communication commerciale et la communication institutionnelle. Le tableau 1.21 résume l’ensemble de ces éléments.
Communication commerciale |
Communication institutionnelle |
- Crédibiliser des produits et services |
- Rassurer les acteurs du monde de la finance |
Tableau 1.21 : Objectifs du sponsoring en relation avec les finalités commerciales et institutionnelles
153L’association directe entre une organisation, une marque, un produit avec une autre organisation, un événement ou une personnalité est au cœur du sponsoring. La dynamique de cette interaction se fait à l’intérieur du système événementiel que nous avons présenté dans l’introduction. Nous avons également souligné que l’événement apportait une énergie essentielle à ce système. Compte tenu des éléments que nous avons mis en évidence dans ce chapitre, nous pouvons souligner qu’il s’agit d’un fait social fort, doté d’un capital marque spécifique, générant des émotions partagées et dont l’issue est incertaine.
154Par ailleurs, le processus d’échange se situe au cœur de la transaction commerciale. Il consiste pour le sponsor et l’organisation propriétaire des droits, à obtenir quelque chose en relation avec leurs attentes, en contrepartie d’une autre chose. Ainsi, dans le cadre du sponsoring on peut échanger de l’argent, des prestations de service, des produits, contre l’exposition d’un logo au sein de l’événement, des places, de la promotion… Nous analyserons au cours de chapitres suivants, les principes concourant au management de cette relation d’échange.
Notes de bas de page
1 Le terme d’annonceur est en usage dans le monde publicitaire français. Dans le champ du sponsoring il peut être assimilé à celui de sponsor.
2 Les passionnés sont les personnes qui planifient leur activité afin de regarder les JO ou ceux qui les regardent dès qu'ils le peuvent.
3 Les innovations comprenaient : le système de la marque continue, selon lequel un point était comptabilisé à chaque échange, et non plus derrière le service ; l’apparition du poste spécifique et exclusivement défensif de libero à l’arrière du terrain (celui-ci ne pouvait servir, contrer, attaquer ou passer le ballon) ; les quatre premières manches se gagnaient en 25 points (avec 2 points d’écart et sans limite), la 5e manche se jouant en 15 points (également avec 2 points d’écart et sans limite) ; le ballon bleu, jaune et blanc portait les logos de la FIVB et de Sydney 2000 ainsi que les anneaux olympiques ; et le jeu continuait si le ballon passait le filet après l’avoir touché.
4 Cette définition est liée aux années 80. Les années 90 vont la préciser en y intégrant le concept de capital marque.
5 Il convient de souligner qu'au cours des années 80 les sponsors ciblaient cette catégorie en rapport avec des objectifs institutionnels. Acuellement il se développe des relations commerciales entre ces organisations dans le cadre d'un marketing systémique. Nous développerons cet aspect plus en avant dans ce chapitre.
6 Nous entendons par cible marketing les acheteurs potentiels d’un produit. Elle répond à la question : à qui puis-je vendre ? La cible de communication répond quant à elle à la question : à qui dois-je m’adresser ? La cible de communication est donc généralement plus large que la cible marketing, puisqu’elle inclut les acheteurs potentiels, ainsi que l’ensemble des personnes susceptibles de s’intéresser au produit ou à la marque et servir de relais de communication entre l’entreprise et ses acheteurs (médias, prescripteurs, etc.).
7 Il s’agit de La lettre du sponsoring et du mécénat créée en 1986 et de l’Evénementiel créé en 1990.
8 Cegarra (1985) identifie trois approches du sponsoring : passionnelle, opportuniste et stratégique. Seule cette dernière permet d’intégrer le sponsoring à la stratégie de communication de l’entreprise.
9 Il est a remarquer que ces auteurs utilisent le terme de parrainage à la place de sponsoring. Cela traduit la volonté des pays francophones de se démarquer des connotations anglo-saxonnes du terme de sponsoring.
10 Interview effectué par Thierry Lardinoit in Stratégies des entreprises dans le sport (2001), Desbordes M. (ed), (Re)construction de la proximité avec le consommateur : le cas du parrainage de la Coupe du monde 1998, par Coca-Cola, Economica, 31-59.
Notes de fin
1 Comité International Olympique.
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