Contribution. Enquêter sur les pratiques sportives des Français : tendances lourdes et problèmes méthodologiques
p. 135-154
Note de l’éditeur
Cet article a été rédigé avant la disponibilité des résultats de l’enquête 2000
Texte intégral
Mesurer la sportivité ?
1Établir une photographie précise de la sportivité des Français est une opération qui est allée en se complexifiant. Faire un état des lieux des pratiques et pratiquants sportifs et dégager des tendances impliquent de s’appuyer sur des données, en particulier statistiques. Or, décompter des pratiques et des pratiquants, démarche simple en apparence, se heurte à un nombre croissant de difficultés. La principale est la disponibilité de sources. Aujourd’hui comme hier, on peut en identifier deux : le dénombrement des licences fédérales et les enquêtes nationales dont les pratiques sportives constituent tout ou partie de l’objet d’enquête.
2Les données statistiques sur les licences sportives proposées par les fédérations olympiques, non olympiques, multisports et affinitaires, scolaires et universitaires, constituent la source la plus connue et la plus fréquemment utilisée pour rendre compte de la sportivité du pays. Il est fréquent d’assimiler les Français sportifs à ces quelque 14 millions de licenciés.
3Les enquêtes et sondages sur le sport, dont l’origine peut être située en 1967 [1], représentent une autre source statistique disponible1 ; depuis environ trente ans, plus de quarante études de ce type ont été menées sur les pratiques sportives de la population française, ses « motivations », ses opinions sur le sport en général. Beaucoup de ces enquêtes ont été initiées plutôt par la presse et par les pouvoirs publics avant les années quatre-vingt, plutôt par des commanditaires privés par la suite.
4Ces deux sources statistiques se recoupent pour partie. Les statistiques sur les licences sportives concernent la population identifiée comme appartenant à l’institution sportive, ensemble « fini » qu’on peut recenser exhaustivement. Ces données informent sur les caractéristiques des pratiquants affiliés à une discipline sportive et plus précisément à une fédération. Les enquêtes nationales explorent la pénétration des pratiques sportives dans l’ensemble de la population française « adulte » (les moins de 12 ans ou de 15 ans ne sont en général pas interrogés) ; les pratiques affiliées peuvent s’y retrouver mais pas seulement elles.
5Datées et produites sur plusieurs décennies, ces enquêtes permettent de dégager des tendances sur l’évolution des pratiques sportives de la population française. Cette mise en perspective n’est possible qu’assortie de multiples réserves et précautions. Les résultats des enquêtes sur les pratiques sportives sont dépendants des conditions dans lesquelles ils ont été obtenus et doivent être analysés avec prudence, a fortiori si l’on veut les saisir dans la diachronie. Il y a de multiples façons de questionner et d’enquêter sur les pratiques sportives ; les variations observées d’une enquête à l’autre, d’une époque à l’autre sont indissociablement liées aux formes et objectifs du questionnement, aux valeurs conjoncturellement attachées au sport et au corps et, surtout, à ce que faire du sport veut dire, définition des moins consensuelles. Repérer les limites des comparaisons et mises en perspective permet d’analyser les évolutions des pratiques sportives.
1- Dénombrer les sportifs, quelques repères historiques
6Il existe en France une longue tradition du recensement des pratiquants sportifs, bien que les procédures aient pu varier selon les époques et les conjonctures socio-politiques, autrement dit selon les finalités accordées à de telles opérations [2], En une cinquantaine d’années, le dénombrement des pratiques et des populations sportives va passer d’un recensement administratif à des études de marché.
7C’est à partir de 1949 que les fédérations sportives se voient obligées de fournir des données précises sur leurs effectifs à l’administration centrale gérant le sport en France. Pendant près de vingt ans, ces données seront la seule référence existante pour décrire la sportivité du pays.
81967 est un second repère : il s’agit de la première enquête nationale rendant compte de la « pénétration » de la pratique sportive au sein de la population adulte. Dans une société où la place du loisir va grandissant [3] il semble que la sportivité ne puisse plus s’évaluer seulement à partir du décompte des pratiquants licenciés mais qu’il faille explorer les activités physiques de manière plus ouverte : c’est ce que fait l’INSEE dans le cadre de l’enquête nationale « les comportements de loisir des Français » [1]. Dorénavant, « les pratiques sportives des Français » seront régulièrement explorées et décomptées par des enquêtes commanditées le plus souvent par des journaux (L’Équipe, Le Pèlerin, La Croix...) à des organismes de sondages (IFOP, SOFRES, BVA...). Entre 1967 et 1983, date à laquelle un premier bilan fut établi [4], plus de 20 études/sondages de ce type sont effectués, la majorité d’entre eux mettant inlassablement l’accent sur la « paresse » des Français et leur intérêt moindre pour l’effort physique.
9La décennie 1975-1985, période clé de développement et de transformation des pratiques voit se développer de nombreuses enquêtes. Durant les années soixante-dix la mise en place des politiques « sport pour tous » vise à amener de plus en plus de Français à pratiquer une activité physique ou sportive, avec la santé comme argument central. Au tournant des années quatre-vingt, les conditions dans lesquelles les pratiques physiques et sportives s’effectuent changent, de même que les valeurs et finalités qui y sont attachées2. On parle de moins en moins de la santé et de plus en plus de forme, les pratiques physiques et sportives deviennent d’entretien, d’hygiène, de loisir et surtout se développent en dehors des structures organisationnelles classiques. Le sport est devenu marché.
10À l’instar de ce qui s’est produit pour les pratiques elles-mêmes et sous l’effet des transformations économiques et culturelles opérant sur le fait sportif, les politiques publiques (d’intérêt général) semblent avoir progressivement cédé le pas à la multitude des intérêts particuliers. La privatisation galopante de l’offre de pratique d’une part (amenant nombre de parties prenantes économiquement intéressées à faire elles-mêmes leurs enquêtes), l’extrême atomisation/personnalisation des pratiques d’autre part et, de façon plus secondaire, le coût élevé d’une telle enquête représentent des éléments dissuasifs pour une administration3. Les données nationales vont faire défaut.
11Quant aux journaux, ils n’investissent plus guère sur des enquêtes de portée aussi large. Les enquêtes les plus récentes s’apparentent à des études de marché privées (comme celle réalisée pour la FIFAS par le CREDOC dont quelques résultats ont été rendus publics en 1994), ou ne s’intéressent au sport que comme un objet partiel lié au loisir (enquêtes habillement ou pratiques de loisir à l’INSEE, 1985, 1987-1988), enquêtes pratiques culturelles des Français (ministère de la Culture, 1973, 1981, 1989, 1997).
12Toutes ces données existantes constituent un ensemble très disparate et souvent difficile à interpréter au plan des résultats.
2- Décrire la sportivité, un questionnement en mouvement
13Au début des années quatre-vingt, l’instance nationale gérant le sport, le ministère de la Jeunesse et des Sports, s’interroge sur les effets de ses politiques (les politiques et opérations de « sport pour tous », lancées au plan national dans une conjoncture de promotion de la santé par le sport sont alors en voie de disparition). Les instances sportives classiques (les fédérations) sont à leur tour questionnées par ces « nouvelles » façons de faire du sport émergeant en France et qui vont bien au-delà d’un simple phénomène de mode.
14Ce qu’il convient d’appeler une véritable inquiétude de l’institution à ce moment est à l’origine de l’enquête nationale sur les pratiques sportives des Français confiée alors au Laboratoire de sociologie de l’INSEP4. Il ne s’agit plus alors de décompter des pratiquants, mais de rendre compte d’une sportivité qui sort des cadres traditionnels, de toutes ces façons de « bouger » qui apparaissent et qu’on qualifie de « libres » ou de « sauvages ». À cette époque, la référence au nombre des licenciés ne suffit plus déjà, loin s’en faut, pour rendre compte de la totalité de la sportivité française ; ce recours/réflexe aura pourtant la vie longue.
15Dans le cadre de ce paysage sportif mouvant et partant du bilan critique des quelque 20 enquêtes antérieures (1967-1983), l’équipe de l’enquête INSEP 85-88 a été amenée à repenser le questionnement sur les pratiques et pratiquants, autrement dit l’outil de la mesure.
16Les résultats de ces enquêtes fournissaient le plus souvent un recueil de données sur le sport, c’est-à-dire sur un ensemble de pratiques et de modalités imprécises, où se confondaient les activités de loisir, les pratiques d’entretien et le sport de compétition. De plus, ces travaux recensaient à la fois des pratiques, des souhaits et des opinions, rendant extrêmement confuse l’interprétation des données, le factuel et l’optatif étant souvent confondus.
17L’enquête de 1985 ambitionnait de tracer une image aussi détaillée et précise que possible des activités physiques en France et des changements en train de se faire ; il était perceptible que cette évolution allait dans le sens d’une extrême diversification des manières de faire du sport et de se sentir sportif, et que les pratiques de forme, d’hygiène et de loisir se développaient (que ce soit dans l’apparition des salles privées, ou à travers les pratiques individuelles ou familiales), formes de pratiques que d’aucuns considéraient, précisément, comme n’étant pas du sport.
18Il paraissait donc impossible de reconduire un questionnement équivoque (« faites-vous du sport ? ») qui renvoyait nettement à une définition traditionnelle du sport, c’est-à-dire à ses formes instituées. Répondre à cette question ne fait pas seulement appel à la réalité d’une pratique, mais mobilise aussi les représentations que l’on a du sport ou, plus précisément, les propres classifications du répondant qui sont éminemment culturelles : ceux qui estiment que l’activité physique qu’ils font n’est pas du sport, image qu’ils se sont forgée au contact des modèles environnants (famille, TV...) et plus généralement construite à partir de la position d’où ils parlent (sociale, de sexe ou institutionnelle), ont de fortes probabilités de répondre non5. Les listes fermées n’étaient pas plus satisfaisantes, car sur un mot en apparence univoque, s’amalgament de fait des modes de pratiques voire des disciplines très hétéroclites : la gymnastique ou la course à pied ne représentent pas une discipline, mais une famille hétérogène d’activités, pour ne prendre que ces deux exemples.
19La problématique et les travaux antérieurs [5 ; 6 ; 7], ainsi que le projet que l’équipe formulait pour cette enquête, à savoir dégager des tendances évolutives des APS au sein de la société, supposaient que le questionnement fut autre. Les « marges » des pratiques connues et instituées, les pratiques mal établies, rarement nommées ou difficilement classables dans les sports identifiés devaient être repérées ; les traces des changements en train de s’opérer ne pouvaient être que peu visibles dans les pratiques bien établies ou contrôlées par les institutions. Il fallait appréhender les pratiquants de disciplines en cours de constitution, les sports nouveaux ou les manières inusitées de s’adonner à des pratiques connues. Ne laisser échapper aucune pratique physique et éviter de confondre des pratiques différentes étaient les principes directeurs de cette enquête. Un tel recensement devait nécessairement recourir à la description de ce qui est effectivement fait, mais la population devait d’abord être interrogée de la manière la plus ouverte possible. Cette démarche, qui se démarquait explicitement des savoirs pré-établis sur ce qu’est le sport et qui ne procédait pas d’une classification préexistante, était pour le moins inédite. Ainsi que cela fut précisé, et suivant Piaget à propos de la définition du jeu, le postulat théorique fut que « le sport est ce que les gens font quand ils disent qu’ils font du sport ».
20Tout recenser, mais ne pas tout confondre, les résultats publiés en témoignent6. Reste que cette publication activa a posteriori le débat sur la définition du sport : l’INSEE, qui fit paraître moins d’un an après l’INSEP des résultats concernant les pratiques sportives des Français, déclencha une polémique, par institutions et voie de presse interposées [8]. C’est sur le taux global de pratique que les deux enquêtes divergeaient, celui de l’INSEP rassemblant en un chiffre toutes formes d’activités physiques confondues, étant bien plus élevé : 73 % des Français de 12 à 74 ans pratiquaient une activité physique au moins à un moment de l’année. Selon l’INSEE, 48 % des Français de plus de 14 ans pratiquaient une activité sportive. Les deux enquêtes n’avaient pas « mesuré » la même chose, et le décalage des chiffres correspondait à une différence du questionnement. Par ailleurs, au plan des tendances générales dégagées, les résultats se recoupaient.
21En ne partant pas de classifications préexistantes, en témoignant d’un doute quant à ce qui relève ou non du sport, l’enquête INSEP s’était démarquée des procédures courantes : déroger aux manières de penser et de faire habituelles s’était avéré une pratique « risquée »..., mais qui rapporta à la mesure du risque pris. Le questionnement très ouvert permit, en effet, de recueillir des activités et formes de pratiques échappant à la majorité des autres enquêtes..., autrement dit à l’institution au sens fort du terme (pratiques se situant hors définition traditionnelle comme elles pouvaient être hors cadre fédéral). Ainsi, a-t-on mis au jour que plus d’un Français sur deux pratiquait sans licence (54 % des 12-74 ans) ; l’enquête a aussi révélé l’existence des activités physiques au domicile, jusqu’alors méconnues et non estimées... auxquelles s’adonnait pourtant un Français sur quatre.
3- Les tendances lourdes d’évolution des pratiques sportives en France
22Le sport et, plus généralement, l’activité physique s’inscrivent véritablement dans la vie quotidienne des Français aujourd’hui. La place que cet ensemble de pratiques occupe dans les média (presse écrite, parlée et surtout télévisée, images publicitaires...), le marché économique induit (équipements, matériels, vêtements, emplois...) sont autant d’éléments qui en témoignent particulièrement ; le nombre des pratiquants aussi. En considérant ensemble toutes les formes de pratiques physiques (la baignade en famille, le football pratiqué en compétition ou les abdominaux quotidiens), ce sont près de 7 personnes sur 10 qui « bougent » en France en 19947, quand, à la fin des années soixante, 1 français sur 4 se déclarait sportif plus ou moins assidu [INSEE, 1967], Trois tendances lourdes caractérisent l’évolution des pratiques physiques et sportives dans la société française depuis une trentaine d’années et qu’on peut énoncer en trois mots : massification, diversification, différenciation.
• Les pratiques se sont massifiées
23C’est bien une massification de l’exercice physique qui s’est produite ces dernières décennies. L’augmentation du nombre des licenciés est un premier indicateur, nombre qui n’a cessé de croître depuis la Libération : deux millions de licences en 1950, près de trois en 1960, 10 millions en 1983 et près de 14 millions aujourd’hui. Les taux de pratique sportive globale sont un second indicateur : 28 % des Français âgés de 15 ans et plus pratiquaient en 1967 (INSEE), 68 % en 1994 (CREDOC 1994)8.
24Cette massification de la pratique est le produit de plusieurs évolutions combinées. Certaines catégories de population ont été de plus en plus concernées par le sport ; les femmes, les personnes âgées de 60 ans et plus, les agriculteurs, les ouvriers ou encore les artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont particulièrement venus grossir les rangs des adeptes de la pratique physique et sportive au sens large. Les pratiques se sont d’autant plus massifiées qu’elles se sont diversifiées ; le développement des pratiques dites « sauvages » ou « informelles » a largement contribué à cette augmentation quantitative de même qu’au recrutement plus ouvert de tous les groupes sociaux.
25Tous les sports n’ont évidemment pas également « profité » de ce développement : les activités les plus répandues au sein de la population française sont aujourd’hui comme hier les pratiques individuelles d’entretien et de loisir à savoir les gymnastiques au sens large, la natation/baignade, le vélo, la marche à pied/randonnée. Le tennis et les courses à pied sont, depuis près de vingt ans, pratiqués par plus de 10 % des Français.
26En revanche, si on considère le nombre de licenciés (indicateur très approximatif de la pratique sportive comme on l’a dit), les sports institués les plus développés en France sont, en 1997, le football, le tennis, le judo, la pétanque, le basket.
• Les pratiques se sont diversifiées
27Des changements qualitatifs se sont donc opérés ces dernières décennies.
28Dans les conditions d’exercice d’abord : l’enquête INSEP (1988) a révélé que 54 % des Français pratiquaient une activité physique ou sportive sans être licenciés, de façon informelle, c’est-à-dire seul, en famille ou avec des pairs, dans des équipements ou « dans la rue », ou encore dans d’autres cadres organisationnels que les associations sportives fédérales. En un mot, les pratiques se sont « privatisées ». Le tournant des années quatrevingt a représenté une période charnière sur ce plan9. Les pratiques non affiliées ne se sont pas développées au détriment du sport classiquement organisé ; le nombre des licenciés augmente de + 21 % entre 1981 et 1985 ; c’est après le milieu des années quatre-vingt qu’on observe une croissance beaucoup plus lente. D’autres pratiques (d’autres modes organisationnels, lieux et finalités) se développent alors à côté du sport institué, bien que la proportion de pratique informelle diffère selon les disciplines sportives10.
29Les disciplines sportives se sont précisément diversifiées, à la fois sous l’effet de l’éclatement de nombreux sports en de multiples « variantes » (par exemple le ski, non seulement nordique et de piste, mais devenu « hors piste », puis « extrême », de « raid », « mono », « surf »... ; voir aussi le vélo, de piste et de route, devenu « cyclotourisme », « moutain bike », « tout terrain »...) et sous l’effet de l’importation ou de la création de sports nouveaux (en particulier la famille de la « glisse » à la fin des années soixante-dix [9]).
30D’autres changements qualitatifs caractérisent l’évolution des pratiques. Ainsi, la mise en perspective des enquêtes fait apparaître une montée des pratiques individuelles (comme la natation, la culture physique, les courses à pied, le vélo...) en même temps qu’une relative stagnation des sports collectifs. Enfin, les finalités de la pratique se sont elles-mêmes diversifiées : à côté des pratiques techniques et/ou compétitives, les pratiques dites de loisir, hygiéniques ou « de forme » se sont massivement développées dans un contexte valorisant « le travail des apparences ». De même, on observe une valorisation du goût de l’effort dans des pratiques « dures » en même temps que l’émergence du « fun » et de la recherche de « sensations » dans des pratiques plus ou moins risquées. Le jeu, la forme, l’expressivité et encore le dépassement de soi ou l’exploit sont des finalités qui se concrétisent autrement que dans le sport et la compétition « traditionnels » (voire par opposition aux conditions et valeurs antérieures) [10 ; 11]. Toutes ces façons d’être sportif se côtoient aujourd’hui, dessinant une sportivité plurielle pour ne pas dire atomisée.
• Les pratiques demeurent différenciées
31Massivement répandues et diversifiées, les pratiques sportives ne se sont pas pour autant uniformisées au sein de la population française ; les probabilités de faire du sport ou une activité physique, les disciplines choisies différent selon le sexe, l’âge, l’origine sociale ainsi que la région d’habitation.
32Les femmes sont incontestablement venues de plus en plus nombreuses à la pratique physique ou sportive. Toutes formes de pratiques confondues, les taux de pratique des hommes et des femmes sont quasiment équivalents aujourd’hui, ils sont respectivement de 73 % et 64 % (CREDOC 94), alors qu’en 1967 22 % des femmes étaient données comme sportives pour 35 % des hommes (INSEE). Plus la pratique se codifie et s’institutionnalise, moins les femmes sont présentes ; le taux de pratique licenciée est de 17 % pour les femmes (moins d’un quart des pratiquantes), quand il est de 38 % pour les hommes (CREDOC). Ce sont les rangs des pratiquants du loisir physique et des pratiques d’entretien que les femmes sont venues grossir. Le sexe demeure particulièrement différenciateur sur le choix des disciplines : le football, le vélo, et même la course à pied accueillent majoritairement les hommes, les gymnastiques et la natation les femmes, pour n’évoquer que les pratiques les plus répandues. Ces constats d’une sexuation des pratiques physiques et sportives sont confirmés par toutes les enquêtes et a fortiori par les statistiques des licences observées depuis près de 40 ans [12].
33L’âge différencie toujours fortement les pratiques sportives. La pratique d’une activité physique se prolonge (ou apparaît) de plus en plus tard dans la vie. Les politiques et actions de « sport pour tous » des années soixante-dix visaient particulièrement ce « groupe cible », dit alors du « troisième âge ». Bien que le taux de pratique général ait beaucoup augmenté au-delà de 50 ans, la pratique sportive demeure une « affaire de jeunesse », tout particulièrement dans les pratiques Licenciées. L’adolescence et la « sortie » du système scolaire sont le moment d’un mouvement très important de désaffiliation : 87 % des 14-17 ans pratiquent, 63 % d’entre eux déclarent une pratique licenciée ; pour les 18/24 ans le taux de pratique est de 69 %, mais seulement 29 % sont licenciés, (CREDOC 94). Pour les filles cette rupture est particulièrement sensible.
34Toutes les enquêtes montrent que les écarts des taux de pratique entre les groupes sociaux se sont atténués, ce qui a pu justement être interprété comme une réduction de la distance sociale séparant les moins favorisés de nombreuses formes de pratiques sportives. Mais, aujourd’hui comme hier, les mieux dotés en capital scolaire, culturel et économique ont toujours plus de probabilités de faire du sport ou des pratiques corporelles ; leur éventail d’activités est en outre beaucoup plus important et diversifié. Les cadres et membres des professions intellectuelles supérieures sont, en 1994 comme en 1967, les plus « sportifs ». Les pratiques de vacances accentuent fortement ces différences [13]... d’autant, sans doute, que ce groupe social marque des préférences pour les pratiques hors institution fédérale.
35S’agissant des femmes, la position sociale surdétermine les différences et les inégalités entre elles, les femmes cadres étant relativement proches (dans les taux de pratique, les activités choisies) de leurs homologues masculins, alors que chez les ouvrier(e)s et les agriculteurs, la division sexuée des pratiques est toujours effective ; ici, les pratiques des femmes sont peu fréquentes et souvent limitées à quelques activités (gymnastiques en particulier).
36Il a beaucoup été dit que le sport avait connu un processus de démocratisation au fil de ces dernières décennies. Toutes les catégories de population pourraient également accéder à toutes les pratiques sportives et, en particulier, à celles dont l’histoire a montré le recrutement « élitiste » (pratiques objectivement coûteuses et où s’inscrivant dans les modes de vie traditionnels et distinctifs de certains groupes sociaux : le ski, le tennis, le golf, la voile...). La mise en regard des enquêtes montre que le processus de massification, par exemple du tennis qui a connu dans les années quatre-vingt une expansion notoire, ne s’est pas accompagné d’une indifférenciation sociale, loin s’en faut. La médiatisation croissante d’un sport (comme le tennis) a pu contribuer à sa popularisation (comme spectacle), mais non nécessairement à l’accès de tous - ou de « n’importe qui » - à la pratique. Certains sports ont, au fil du temps, sans doute connu un recrutement social moins sélectif que par le passé. Ces changements dans le recrutement des sports sont en grande partie imputables à de multiples autres changements de la société française, économiques, sociaux, culturels.
37Augmentation des ressources des ménages à la fois en temps et en argent, scolarisation plus longue, massification des moyens de communication (média) et de déplacement (transports), part de plus en plus grande des femmes dans la vie publique et en particulier dans le monde du salariat, tertiairisation des emplois..., autant de conditions qui ont été favorables au développement des loisirs au cours des 30 dernières années, et tout particulièrement des pratiques sportives.
38À maints égards, les différences quantitatives séparant les hommes des femmes, les plus jeunes des plus âgés, les cadres des ouvriers se sont atténuées dans le domaine des pratiques sportives. Mais, simultanément, elles se sont réaménagées au plan qualitatif, déplacées en un mot. Cela ne saurait surprendre s’agissant d’une pratique corporelle et culturelle comme le sport, alors que cette tendance lourde est connue s’agissant de nombreuses autres pratiques sociales (pratiques de santé, trajectoires scolaires...) Si les loisirs, y compris sportifs, occupent une place croissante dans la consommation et les modes de vie des Français, comme dans la plupart des pays européens, les disparités demeurent importantes. Les revenus et le temps libre ont souvent été donnés comme conditions impératives d’accès à ces pratiques. Ce sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes tant les pratiques sportives mettent en jeu les rapports au corps, aux espaces, aux autres, tant elles sont parties prenantes des rapports sociaux (matériels, symboliques) : les chômeurs, les personnes disposant de faibles revenus ou encore un grand nombre de femmes au foyer sont ceux qui s’adonnent le moins à ce type d’activités, même si l’accès est gratuit ou peu onéreux. Malgré la massification de la pratique depuis quelques décennies, le sport demeure porteur de différenciation et d’inégalités sociales.
4- Quelles perspectives pour estimer l’ampleur et l’étendue des pratiques sportives ?
39C’est en dehors des structures sportives traditionnelles, – les fédérations –, que les pratiques sportives se sont le plus développées depuis une trentaine d’années : elles se sont désinstitutionnalisées. Être sportif, faire du sport, recouvre aujourd’hui des façons de faire nombreuses et diversifiées, ce qui pose à la fois la question de la mesure du fait sportif et celle de la définition du sport.
40Le seul décompte des licenciés est à l’évidence très insuffisant et très imparfait.
La licence sportive : indicateur partiel et partial de la sportivité
— Le dénombrement porte sur des licences et non des licenciés.
— Les licenciés sont assez souvent des multi-licenciés, chacun détient en moyenne 1,3 licence.
— Les possesseurs d’une licence ne sont pas obligatoirement des pratiquants (exemple des dirigeants).
— Les licences délivrées correspondent à des modalités de pratique très diverses : loisir, compétition, occasionnelle...
— La licence ne décompte pas une pratique effective et encore moins régulière. Les données annuelles de chaque fédération masquent en outre un turn-over de licenciés très important.
41Finalement, les quelque 14 millions de licences et autres titres de participation délivrés par les fédérations sportives correspondent à moins de 10 millions de personnes ; cet ensemble est considéré comme la population sportive en France.
42Cet indicateur ne rend pas compte de l’ensemble des pratiquants d’une activité physique et sportive dans la France d’aujourd’hui puisque près d’un Français sur deux pratique une activité physique ou sportive en dehors des structures fédérales.
43La question de la mesure de ce fait social que constituent les activités physiques et sportives se pose aujourd’hui plus qu’hier aux plans conjoints de l’objet et de l’outil. À l’époque où faire du sport se résumait à pratiquer au sein d’une structure/club, c’est-à-dire de l’institution, on a pu se contenter de décompter les licences pour décrire la sportivité de la population avec une marge d’approximation tolérable. Par la suite, pour rendre compte d’une sportivité plurielle et atomisée côtoyant ces formes « classiques », il a fallu imaginer d’autres outils et démarches afin d’espérer rendre la photographie la plus fidèle possible aux pratiques concrètes.
44Les enquêtes nationales qui interrogent la population dans son ensemble (adulte le plus souvent, c’est-à-dire au-delà de 15 ans), ont souvent pu saisir toutes ces nouvelles pratiques sportives et nouvelles façons d’être sportif : les jeunes faisant « du basket de rue », les familles faisant du vélo le dimanche matin, les personnes pratiquant la planche à voile en vacances ou la course sur route, celles qui font des abdominaux et de la culture physique à leur domicile ont pu, selon les enquêtes, se déclarer comme pratiquants. Les taux de pratique estimés pour la population française, à partir de ces différentes enquêtes, présentent des écarts très importants dus principalement aux différences de définition de ce taux.
Les « Taux de pratique sportive des Français » depuis 1967
1967 | INSEE loisirs | 28 % |
1968 | SOFRES/Le Pèlerin | 13 % |
1972 | IFOP/MJS | 26 % |
1975 | SOFRES/Le Pèlerin | 20 % |
1979 | SOFRES/La Croix | 30 % |
1983 | SOFRES/Le Parisien | 37 % |
1983 | INSEE habillement | 43 % |
1984 | CESP Media-marchés | 44 % |
1985 | INSEP | 73 % |
1987 | INSEE Habillement | 48 % |
1989 | SOFRES Sponsoring | 53 % |
1989/90 | CESP Media-marchés | 47 % |
1994 | CREDOC/FIFAS | 68 % |
1997 | BVA/Équipe Magazine | 44 % |
45La constitution des échantillons intervient sur ces chiffres en même temps, on l’a dit, que la manière dont les Français ont été interrogés. La question « faites-vous du sport ? », qui renvoie chacun à des représentations culturelles sur ce que faire du sport veut dire, peut amener des personnes à se déclarer comme non sportives alors qu’elles s’adonnent à une « activité physique ». Dans les enquêtes interrogeant ainsi, le taux sera plus bas que lorsque sont recueillies toutes ces formes de pratiques. Ces questions « de vocabulaire » sont l’envers des statistiques sur le sport, invisible mais déterminant quant au chiffre qui finalement apparaît11.
46Discours savants, autorisés ou communs, parties prenantes du monde sportif ou analystes plus distants des pratiques, tout le monde s’accorde sur la diffusion exponentielle de la pratique d’une activité physique ou sportive au sein de la population (on a même, en France et dans d’autres pays européens, évoqué le terme de « saturation » concernant la « conquête » des populations susceptibles de pratiquer). Il est aussi acquis que ces pratiques se sont fortement désinstitutionnalisées et diversifiées, processus corollaires de la massification. La démultiplication des activités, des finalités, des lieux, des engins et des conditions organisationnelles de pratique dessine une nébuleuse constituée de sports, activités ou disciplines extraordinairement atomisées tant elles peuvent être autonomisées, personnalisées.
47Si on est un peu éclairé aujourd’hui sur ces tendances lourdes, sur les « effets porteurs » qu’elles recèlent ainsi que sur leurs origines et conséquences [11], on en sait moins, il faut bien l’admettre, sur l’expansion réelle du surf des neiges, du funboard, du VTT... ou du rafting. Engouement, succès, explosion, phénomène..., autant de termes utilisés qui laissent croire à l’existence d’un très grand nombre d’adeptes pour ces activités, alors qu’il s’agit le plus souvent « d’impressions » et d’estimations produites à partir de quelques indices et non de pratiques recensées au moyen d’indicateurs précis12.
48L’atomisation des pratiques sportives est certainement perceptible : ainsi sont apparus les alpinistes enchaînant les sommets ou les engins pour les arpenter, les triathlètes et duathlètes (car on n’en finit pas de « faire du neuf avec du vieux »)... et encore les pratiques de rue (le basket), de cité (le foot), de plage (le beach-volley ou tennis) ainsi que les activités recherchées pour des prises de risque extrêmes et porteuses d’émotions fortes comme le base jump... ou l’escalade urbaine. Impossible d’énumérer avec exhaustivité les pratiques existantes et celles en train de s’inventer tant l’imagination humaine, les possibilités techniques et matérielles ainsi que la nature offrent de combinaisons et de possibles...
49Ces évolutions des pratiques et façons de faire du sport les rendent de plus en plus difficiles à repérer et donc à recenser : elles deviennent précisément incommensurables. Outre le foisonnement des pratiques, il faut aussi compter avec la rareté des pratiquants pour beaucoup d’entre elles, qui précisément s’inscrivent dans une logique de démarquage par rapport au connu, autant dire de distinction sociale. Comment quantifier le confidentiel, le personnel et l’exceptionnel ?
50En sortant des cadres structurels d’autrefois, les pratiques sportives et les adeptes de toutes formes de bouger ou de faire du sport, posent toujours le même problème méthodologique comment décompter, recenser, évaluer ce qui s’est justement construit en se démarquant des classifications, définitions et autres cadres antérieurs ?
51L’enquête INSEP 88 avait déjà montré les limites d’une enquête lourde pour établir une photographie exhaustive de la sportivité française. Ce qu’on nommait alors les nouvelles pratiques, peu répandues quantitativement, n’avait guère pu être saisi malgré la taille de l’échantillon expressément constitué à cette fin13. Il fallait qu’une pratique réunisse quelque 15 000 personnes dans la population française pour avoir la probabilité — statistique- de la voir apparaître dans les données ! Que peut-on dire, au plan sociologique, de pratiques telles le vol libre, l’escalade, ou la descente de rivière à ce moment, quand on a « pris dans le filet » quelques pratiquants, y compris occasionnels, de ces activités ? Une enquête à la fois extensive et pointue, mais enquête lourde néanmoins, ne constitue pas l’instrument approprié pour saisir les pratiques encore « confidentielles », mais peut-être porteuses de changements à plus long terme. Malgré les précautions méthodologiques déployées, tant dans la formulation du questionnement que dans la construction des échantillons, apparaît ici une limite certaine de la connaissance de certaines pratiques en termes quantitatifs : les minorités ont toutes les chances d’échapper à une enquête dont le taux de sondage est faible.
Pour conclure
52Toute pratique sociale est susceptible de s’offrir au recensement des statisticiens, à l’analyse des économistes et des sociologues ; la question des indicateurs à considérer et des « mailles du filet » ne sera jamais définitivement résolue14.
53Concernant l’univers du sport, la tentation est toujours forte et répandue de prendre pour du donné (le sport, en quelque sorte intemporel) ce qui relève du socialement construit [15]. De ce fait, tout questionnement, qui correspond à une situation donnée des pratiques physiques et sportives, est conjoncturel et devrait être provisoire. Pourtant, près de 15 ans après que l’enquête INSEP ait opéré une rupture, le problème du mode de questionnement n’a pas perdu de son actualité, bien au contraire. Aujourd’hui comme hier, la définition du sport est « un enjeu de luttes », le modèle du sport institué demeurant une référence imposante, à tous les sens du terme.
54Le rêve d’une définition du sport enfin arrêtée, d’un accord enfin trouvé entre chercheurs et autres parties prenantes dans cet univers est pourtant omniprésent. Les politiques parfois, les économistes plus souvent appellent de leurs vœux une « taxinomie conventionnée », une sorte de grille plus ou moins universelle où l’on pourrait distribuer et ranger les activités sportives, débarrassée de « subjectivité », de représentations autant dire d’histoire et de culture. L’économie apprécierait cette rigueur irréfutable, a fortiori quand il s’agit de travailler à l’échelle européenne [16]. Les industriels et fabricants d’articles de sport ont pour leur part certainement besoin d’indicateurs précis sur les pratiques et les goûts, d’autant que les pratiques nouvelles sont très appareillées et dotées de vêtements et accessoires spécifiques. Pour les uns et les autres, il existe d’autres sources que les enquêtes pour estimer l’importance d’une pratique donnée : le nombre de VTT, de raquettes de tennis, de planches à voile ou de rollers vendus est un indicateur fréquemment utilisé à cette fin. Mais, cette donnée demeure à son tour imprécise quant à la pratique effective qu’elle recouvre15.
55Mesurer les pratiques sportives imposerait donc qu’il y ait accord entre « initiés » sur ce que « faire du sport » veut dire, ce qui n’est déjà pas acquis, et accord entre l’enquêteur et l’enquêté, ce qui paraît encore moins probable. Et, pour tracer une évolution, l’idéal ne serait-il pas de rapporter la pratique à une sorte d’unité constante..., à l’image d’une unité monétaire ?
56Peut-on, faut-il, imaginer qu’il y ait un jour un « mètre étalon » du sport, une définition de référence incontestable et immuable ? Il faut admettre l’impossibilité d’un tel projet. C’est en connaissant ces limites, c’est-à-dire notre incapacité à l’appréhension exhaustive et à l’explication totale des faits sociaux, que l’on peut entreprendre de les mesurer.
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Références bibliographiques citées
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[2] Paul Irlinger, « La demande de sport en France : essai de détermination d’un profil du marché », in Sport et management, de l’éthique à la pratique, Alain Loret (sous la direction de), Paris, Dunod, 1993, pp. 185-207.
[3] Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir, Paris, Le Seuil, 1962.
[4] Les usages sportifs du temps libéré, recherche des facteurs de développement, Étude de faisabilité de l’enquête nationale sur les pratiques sportives des Français, Insep, Laboratoire de sociologie, 1984.
[5] Y Le Pogam, Démocratisation du sport, mythe ou réalité ?, Éd. Universitaires, Paris, 1979 ;
[6] Pociello Christian, Louveau Catherine, Defrance Jacques, Blouin Le Baron Jacqueline, Pratiques sportives et demandes sociales : étude comparée de quatre types de pratiques antinomiques et de leurs publics : rugby, athlétisme, vol libre, expression corporelle, – Contrat CORDES, Commissariat Général au Plan, Paris, INSEP, 1981.
[7] Sports et société, approche socioculturelle des pratiques, sous la direction de Christian Pociello, Paris, Vigot, 1981.
[8] INSEE – Pascal Garrigues, « Évolution de la pratique sportive des Français de 1967 à 1984 », Les collections de l’INSEE, série M, 134, 1989 ; « Le sociologue et le statisticien », Le Monde du 14 janvier 1989 [9] Christian Pociello « La force, la grâce, l’énergie, les réflexes », in Sports et société, approche socioculturelle des pratiques, op. cit.
[10] Esprit, 4, no spécial « Le nouvel âge du sport », avril 1987.
[11] Jean-Paul Clément, Jacques Defrance, Christian Pociello ; Sport et pouvoirs au XXe siècle, années 20-années 90, Grenoble, PUG, 1994.
[12] Annick Davisse et Catherine Louveau, Sports, École, Société : la différence des sexes, Paris, L’Harmattan, 1998, préface de Geneviève Fraisse.
10.1080/07053436.1996.10715519 :[13] Muriel Augustini, Paul Irlinger, Catherine Louveau, « Un aspect négligé par l’étude de l’engagement sportif : la multipratique et ses modalités », Loisir et Société/Society and Leisure, vol. 19, 1, 1996, pp. 237-262.
10.3406/estat.1984.4881 :[14] François Héran, « L’assise statistique de la sociologie », in INSEE, Économie et Statistique, 168, no spécial Sociologie et Statistique, juillet-août 1984, pp. 23-35.
10.3917/dec.defra.2011.01 :[15] Jacques Defrance, Sociologie du sport, Paris, La Découverte 1995, coll. Repères, pp. 93-106.
10.4000/books.msha.16187 :[16] Wladimir Andreff, « L’économie du sport à la croisée des chemins », in UNCUUSJSF, Sport, Fête et Société, Les cahiers de l’Université Sportive d’Été, no 9, 1995, Éditions de Maison des Sciences et l’Homme d’Aquitaine, pp. 49-70.
Notes de bas de page
1 Une enquête beaucoup plus ancienne a été repérée ; elle concerne les pratiques sportives de la population parisienne seulement : Anne-Marie Waser, Un travail méconnu : l’enquête de Jacques Dourdin réalisée en 1942, STAPS, no 41, nov. 1996.
2 Un première mise en perspective des résultats d’enquêtes nationales sur les pratiques sportives des Français a été réalisée en 1984, dans le cadre de l’étude de faisabilité pour l’enquête lourde : Catherine Louveau, Tendances évolutives des pratiques sportives des Français, 1984, doc ronéo.
3 La reconduction de l’enquête nationale de l’INSEP était initialement prévue (dès 1984) ; ce projet fut durablement reporté puisque l’enquête suivante est l’enquête MJS/INSEP (recueil des données en juin 2000).
4 Cette demande est une première. L’enquête sur les pratiques sportives des Français se fera en deux temps. Une étude de faisabilité sera d’abord réalisée (1983-1984) : Les usages sportifs du temps libéré : recherche et analyse des facteurs de développement, INSEP, 1984, doc ronéo. L’enquête proprement dite (1984-1987) : Les pratiques sportives des Français, Paris, INSEP, 1988, 2 tomes. Cette enquête a été réalisée par Irlinger Paul (resp. scient.), Louveau Catherine, Métoudi Michèle et, pour les phases initiales de la recherche, Errais Borhane, Pociello Christian.
5 À cet égard, le cas de la danse est particulièrement illustratif. Pour certains, la danse n’est pas du sport, mais une activité physique à dominante esthétique. Nombre de danseuses estiment pour leur part qu’il s’agit de sport, du fait des apprentissages et perfectionnements techniques des gestes, de la dépense physique réalisée ou de la virtuosité de la performance. Les appréciations portées par les uns et par les autres partent, implicitement, de critères différents de sportivité. Il est toutefois intéressant de remarquer que la formation des cadres de cette discipline donna précisément lieu à des tiraillements entre le ministère de la Culture et le ministère de la Jeunesse et des Sports où est instituée une Fédération de danse et arts chorégraphiques.
6 Des lectures diverses ont été faites à propos de cette démarche. Beaucoup en ont déduit que les enquêtés avaient défini eux-mêmes ce qui était du sport ou non, ou que « tout et n’importe quoi » avait été recueilli. En réalité, l’investigation commençait par un questionnement ouvert : « Avez-vous, durant l’ensemble de vos congés ou de vos vacances 1985, fait du sport, de la gymnastique, de la culture physique ou d’autres activités de ce type ? » ; la même question était posée concernant le reste de l’année en dehors du domicile, et le reste de l’année au domicile. Ce questionnement ouvert était suivi d’un questionnement précis et pointu concernant les activités pratiquées, leurs modalités d’exercice. Le recensement large permettait de retrouver les pratiques et Établir une photographie précise de la sportivité des Français est une opération de repérer les formes de pratiques dites « informelles » ou « sauvages », non instituées pour beaucoup, telles les pratiques au domicile, et que d’aucuns considér(ai)ent comme n’étant pas du sport.
7 L’enquête nationale de référence récente (avant 2000) a estimé que 68 % des Français pratiqueraient une activité physique ou sportive, régulièrement ou occasionnellement ; CREDOC (1994), Le comportement des consommateurs d’articles de sport : enquête réalisée pour la FIFAS. Ce chiffre est proche de celui que l’enquête INSEP avait annoncé en 1988. Toutes formes et tous moments de pratiques confondus (pratiques hors domicile, durant les vacances et au domicile), il était constaté que « 73 % des Français pratiquent au moins de temps en temps une activité physique ou sportive ».
8 L’enquête la plus récente est celle effectuée sur « Les pratiques culturelles » par le ministère de la Culture (publiée en 1997) interrogeant 4000 personnes de 15 ans et plus et incluant quelques questions sur le sport. Étant donné le questionnement, on ne peut dégager un taux de pratique général. Les données livrent un taux d’affiliation (15 % des Français « adhèrent à une association sportive »).
9 Dans l’enquête INSEP (1988) 68 % des Français déclaraient « pouvoir se passer de l’inscription dans un club ou d’une licence pour pratiquer un sport ».
10 Selon l’enquête du CREDOC de 1994, aux deux extrêmes, le roller et les sports de combat (97 % des pratiquants recensés font la première activité ni en club, ni dans un cadre scolaire, 4 % dans le second cas).
11 Prendre en compte la population à partir de 12 ans (cas de l’enquête INSEP 88) entraîne un taux de pratique plus élevé qu’en considérant la population de 15 ans et au-delà. Les variations des taux observés ont pu être conséquentes sur un délai très court ; en 1988, les observations donnent 74 % (INSEP) et 48 % (INSEE) ; entre 1994 et 1997, ils passent de 68 % (CREDOC) à 44 % (BVA). Le « recensement » des activités pratiquées n’est pas moins équivoque.
12 Nombre de publicités montrent du vol libre, du base jump, du canyonning, du surf et autres pratiques de ce type ayant des airs d’inédit, d’aventure ou d’exploit. Depuis plusieurs années, Hollywood chewing-gum s’est fait le chantre de ces pratiques dites « porteuses », avec nombre de fabricants d’équipements et de matériels de sport qui se situent très exactement sur ce terrain du nouveau et du hors cadre. L’effet caisse de résonance qui découle de l’abondance des images et représentations des « nouvelles pratiques » (dans les média) surdimensionne pour le moins le fait lui-même. Dominant dans le monde quotidien des images, donc répandu dans le quotidien de tous, est une équation qui fonctionne dans les représentations.
13 Au plan qualitatif d’abord puisque les jeunes ainsi que les CSP des cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que les professions intermédiaires avaient été surreprésentés ; par hypothèse, ils constituaient les groupes où les changements étaient en train de s’opérer. Au plan quantitatif ensuite puisqu’un échantillon représentatif de la population française de 12 à 74 ans de 3 000 personnes avait été interrogé, situation alors inédite pour une enquête concernant les pratiques sportives.
14 Quand les pratiques et les modes de vie changent, les modes de recueil des informations doivent être modifiés à leur tour, sous peine de rendre compte d’une « réalité » déformée. On ne questionne plus et on ne catégorise plus avec les mêmes dénominations qu’autrefois : les catégories socioprofessionnelles ont dû être restructurées à la fin des années soixante-dix sous l’effet des transformations des secteurs d’activité et des emplois, les récentes modalités d’existence familiale (union libre) ont imposé de nouvelles classes au recensement, les enfants « illégitimes » sont devenus « naturels », de même les « personnes de référence » ont remplacé les « chefs de famille » [14],
15 On sait le lien de plus en plus fragile existant entre équipement et pratique sportive. Un pratiquant peut avoir 3 raquettes de tennis, un VTT peut ne connaître que le bitume... comme les 4 x 4. Sans parler de la mode vestimentaire des tenues et chaussures de basket !
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