Le sport, la culture sportive et les pratiques culturelles
p. 113-119
Texte intégral
1La sportivité de la population française peut s’apprécier par le type d’activité physique et sportive pratiquée, par la fréquence de pratique, par la place du sport dans l’ensemble des activités de loisir des individus ou encore par le fait d’appartenir à un club et de participer à des compétitions. La prise en compte de la proximité entretenue avec les informations provenant du monde sportif fournit aussi un indicateur de cette sportivité. On peut ainsi définir une culture sportive minimum, celle proposée par la télévision et ses chaînes généralistes, commune à une grande partie de la population sportive (80 %), complétée pour certains pratiquants par la lecture de la presse spécialisée ou la fréquentation des stades.
La place du sport
2Les Français, s’ils semblent physiquement actifs, n’accordent pas pour autant une place trop importante au sport ou à la pratique physique. Les deux tiers des personnes interrogées ne considèrent pas le sport ou l’activité physique comme étant prioritaire (TA 31), tandis qu’un peu plus de la moitié déclarent ne pas vouloir faire davantage de sport (TA 44). L’existence d’autres centres d’intérêt que le sport vient en tête des raisons données. Quels sont ces autres centres d’intérêt ou ces priorités ? Le bricolage ou l’entretien de la maison vient en tête des autres pratiques de loisir pour 82 % de la population sportive, puis la lecture pour 76 % (Tableau 1).
3Comme on l’a vu par ailleurs (voir l’article « sens et valeurs des activités physiques et sportives »), l’activité physique et sportive a souvent pour cadre la famille ; mais, elle a donc sans doute pour condition de ne pas trop gêner la sphère d’activité domestique. Enfin, les contraintes de travail sont citées comme raisons de ne pas faire plus de sport par la moitié des personnes et les contraintes familiales pour un peu plus d’un tiers.
La culture sportive dominée par la télévision
4La relativisation du sport est aussi notable quand on examine l’intérêt des « sportifs » pour l’information ou le spectacle sportif. Pour s’informer sur le sport, les Français sportifs regardent la télévision : près de 80 % régulièrement ou de temps en temps, plus souvent sur une chaîne généraliste que sur une chaîne payante. Ils sont encore une petite moitié à lire régulièrement, ou de temps en temps, la rubrique sportive de leur quotidien, mais il n’en reste qu’un peu plus d’un tiers à lire régulièrement un quotidien ou un magazine sportif ou à assister régulièrement, ou de temps en temps, à des rencontres sportives. La culture sportive télévisuelle apparaît fédératrice en ce sens que les écarts de pratique liés au sexe, au revenu, à l’âge ou au diplôme sont moins forts. Regarder le sport à la télévision est le seul point où l’écart homme - femme apparaît moins discriminant : elles sont 72 % à le faire au moins de temps en temps, et les hommes 86 % (tableau 2).
Une culture sportive jeune et masculine
5Qui sont ces sportifs cultivés en sport ? Majoritairement des hommes : près des deux tiers des sportifs (hommes) interrogés lisent régulièrement ou souvent la rubrique sportive de leur quotidien et environ la moitié lisent au moins de temps en temps des quotidiens ou des magazines sportifs ou assistent à des rencontres sportives, contre environ un tiers des femmes (tableau 2). Toutefois, en raison sans doute de la place que le sport occupe dans le projet éducatif des familles, les femmes sportives assistent un peu plus souvent à des rencontres sportives qu’elles ne lisent des journaux, des livres ou des magazines sportifs.
6Participer à la culture sportive suppose une insertion économique et sociale : les sportifs déclarant les revenus les plus bas sont relativement plus nombreux à ne jamais faire aucune de ces activités d’accompagnement de la pratique, si ce n’est regarder le sport à la télévision.
7Les sportifs de 15 à 19 ans sont de gros consommateurs de culture sportive, puis la consommation baisse assez sensiblement à partir de 20 ans, si ce n’est pour regarder le sport à la télévision ou lire la rubrique sportive d’un quotidien généraliste. Participer à la culture sportive suppose un bagage culturel minimum : il faut déclarer un diplôme, mais au moins égal au brevet des collèges.
8Par contre, plus les sportifs sont diplômés, moins ils accompagnent leur pratique physique ou sportive de la lecture d’un quotidien sportif ou du spectacle du sport à la télévision. Les plus sportifs du point de vue de la culture d’accompagnement sont les ouvriers, artisans et petits commerçants (TA 43) : ils sont en proportion plus nombreux à lire, regarder, assister régulièrement ou de temps en temps. Se dessine ainsi une carte de la culture sportive supposant une participation sociale minimum en terme de revenus et de diplômes, mais opposant les groupes selon la place qu’ils attribuent à cette culture : une importance certaine pour la partie la plus populaire de cette population, une relativisation non moins affirmée pour les groupes mieux dotés en capital culturel.
Faire du sport n’empêche ni de lire, ni de sortir
9Quand elles ne se livrent pas à des activités physiques ou sportives, les personnes sportives se livrent souvent ou de temps en temps aux bricolage ou à l’entretien de leur intérieur, puis à la lecture ; elles regardent le sport à la télévision, vont au cinéma ou au restaurant. Mais, elles participent peu à la vie associative, vont rarement ou pas du tout voir des rencontres sportives.
10Les sportifs déclarent, par contre, beaucoup d’autres activités de loisir que ceux qui ne font jamais de sport. Ces derniers vont moins au cinéma, lisent moins, regardent moins le sport à la télévision, vont moins au restaurant, mais bricolent un peu plus (voir article suivant : « les non-pratiquants » et TA 43). Les hommes sportifs sont plus nombreux que les femmes à regarder souvent ou de temps en temps le sport à la télévision, 81 % contre 66 % de femmes, ou à aller voir des rencontres sportives, 36 % contre 14 %. Par contre, les femmes sont sensiblement plus nombreuses à lire : 83 % contre 69 % des hommes sportifs.
11De façon générale, les plus jeunes (les 15-24 ans) cumulent les activités : ils sont la plupart du temps plus nombreux que la moyenne à se livrer aux activités sociales et de loisir autres que le sport. Font exception le bricolage, le travail domestique et la lecture, activités dont la pratique augmente progressivement avec l’âge.
Le sport participe d’une culture de la sortie
12Le sport à la télévision est souvent goûté par les plus jeunes : 79 % des 15-19 ans regardent souvent ou de temps en temps le sport à la télévision, mais suivant les autres tranches d’âge, la proportion varie entre 70 et 78 %. Par contre, il convient d’être sensible aux différences qui apparaissent entre les 15-19 et les 20-24 ans. Les plus jeunes vont relativement plus souvent voir des matches tandis que les plus âgés vont plus fréquemment au restaurant, au cinéma, en discothèque, lisent plus. L’accès à l’autonomie va de pair avec une relativisation du sport, que ce soit en raison de la poursuite des études ou parce que les plus âgés accèdent à d’autres formes de sociabilité plus électives. D’ailleurs, parmi les jeunes sportifs, les plus diplômés (baccalauréat et plus) vont aussi un peu plus au cinéma, au théâtre ou lisent plus, mais regardent moins souvent le sport à la télévision ou assistent plus rarement à des rencontre sportives.
13Aller au cinéma, au restaurant ou au théâtre et assister à des matches sont des activités d’autant plus fréquentes que les sportifs ont des revenus élevés et appartiennent aux catégories supérieures. Seuls l’assistance aux rencontres sportives, laquelle suppose tout de même un niveau de revenu au moins régulier, et le fait de regarder le sport à la télévision, renvoient aux classes populaires. Les ouvriers sont ceux qui vont le plus souvent ou de temps en temps voir des matches.
Celui qui s’intéresse au sport n’est pas un sportif en chambre
14Cette culture d’accompagnement n’est-elle que le reflet inversé d’une absence de pratique ? Non, car la plus grande culture sportive accompagne l’engagement dans un sport ou une activité physique : la personne qui pratique au sein d’une association ou fait du sport plus d’une fois par semaine lit plus régulièrement un quotidien sportif ou va plus souvent assister à un match que la moyenne. Celui qui fait du sport dans une association sportive « milite » plus que les autres et va plus souvent voir des rencontres sportives, mais n’en fait pas moins que les autres dans les différents domaines, notamment pour ce qui concerne les sorties : il va même plutôt un peu plus au cinéma, au restaurant, en discothèque. Mais, il lit un peu moins et s’occupe un peu moins de son intérieur. Ainsi, la participation associative au sport s’ajoute au portefeuille qui définit une sociabilité complète.
15De la même façon, déclarer faire beaucoup de sport n’empêche pas de lire ou de sortir, sauf peut-être si on en fait plus de trois fois par semaine : le restaurant ou le cinéma ne s’insèrent alors pas bien dans l’économie du temps ou dans la discipline de vie.
16Une manière d’illustrer l’existence de cultures sportives est de mettre en relation quelques activités jugées caractéristiques avec des sports possédant aussi des traits spécifiques. Ainsi, la gymnastique, activité féminine, ou le roller, activité plutôt caractéristique de jeunes adultes diplômés, se conjuguent avec une pratique de la lecture plus forte que la moyenne. Par contraste, les adeptes du football, sport jeune, masculin et populaire, et de la chasse, activité elle aussi populaire mais plus âgée, lisent moins durant leurs loisirs.
17Les pratiquants du basket, du football, du roller, plutôt jeunes, sortent plus en boîte, s’adonnent peu au bricolage tandis que les adeptes de la chasse, de la gymnastique et de la voile vont plus souvent au restaurant et sont plus tournés vers le bricolage.
18Le caractère populaire d’un sport peut aussi se lire dans la proximité à la culture sportive définie par le fait de regarder la télévision et de s’intéresser au sport à travers les médias : les sports ou activités physiques plus volontiers pratiqués soit par les jeunes, soit par les ouvriers et les employés, comme le football, le basket ou la chasse sont aussi ceux qui vont de pair avec la plus grande culture sportive.
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