Sens et valeurs des activités physiques et sportives
p. 97-105
Texte intégral
1Certains sports ou activités sont-ils plus importants dans la vie des individus que d’autres ? Le sens et les valeurs accordés à l’activité physique et sportive s’apprécient à travers le temps que les personnes y consacrent, les motifs qu’elles donnent de leurs choix, la manière dont elles y ont accédé ou les formes de leur engagement dans l’activité. Au-delà des motifs communs, le goût pour la compétition, la place de la famille et, par ailleurs, la fréquence de la pratique sont évoqués différemment selon les disciplines. On trouve parmi les licenciés et les compétiteurs les sportifs les plus jeunes et les plus assidus, mais aussi les personnes les mieux insérées au plan social et économique.
Intensité, fidélité, priorité : des sports plus exigeants que d’autres
2Les activités de forte intensité sont celles pour lesquelles les sportifs sont relativement nombreux à pratiquer plus d’une fois par semaine. C’est le cas notamment des arts martiaux, de la musculation, de la gymnastique, du rugby (TA 2).
3Ces sports pratiqués majoritairement tout au long de l’année s’opposent aux activités considérées principalement comme des activités de vacances telles que la glisse (eau et neige) (64 % des pratiques uniquement en vacances), le patinage (58 %), les boules (50 %), les sports d’eau douce (aviron, canoë-kayak 48 %), la voile (47 %) et, en partie, la natation (43 %). Pourtant, certaines activités de vacances font l’objet d’une pratique fréquente : c’est le cas des sports d’hiver (52 % des personnes pratiquent plus de deux jours par semaine), de la natation (38 %) ou des sports de glisse (31 %).
4Se dessine ainsi un univers de sports plus associés que d’autres, soit au temps de loisir que représentent les vacances, soit à des activités plus orientées vers la détente ou à la sociabilité que vers la compétition : ainsi 79 % des personnes qui disent pratiquer les sports de boules déclarent le faire pendant les vacances ou moins d’une fois par semaine (78 % pour les sports d’hiver ou les sports de glisse - neige et eau-, 68 % pour la natation, 67 % pour le tennis de table).
5L’intensité de la pratique traduit ici le caractère plus ou moins prioritaire accordé au sport. 58 % des adeptes des arts martiaux considèrent leur activité « tout à fait ou plutôt » prioritaire. C’est aussi vrai pour 55 %, ou plus, des pratiquants de l’équitation, de la danse et des sports mécaniques, ainsi que pour la chasse et l’athlétisme, le handball, le rugby et les sports de combat qui sont également des activités auxquelles leurs adeptes accordent une forte priorité (TA 30).
6La voile, la glisse ou le ski sont des activités de vacances considérées comme prioritaires. Les pratiques de plein air ou de vacances souffrent de leur caractère saisonnier (les boules, la natation-baignade, le tennis de table) ou de leur coût, comme le golf, les sports mécaniques, la voile, l’équitation ou les sports d’eau douce. La question du coût paraît importante pour ceux qui se livrent à l’escalade, au badminton, aux sports d’eau douce ou au roller et skate. Ils citent aussi fréquemment les contraintes professionnelles et l’existence d’autres centres d’intérêt.
7Les boules, la chasse, la pêche sont inscrites dans des habitudes qu’on n’envisage pas de changer. Le football, le roller et le skate, la voile, l’équitation, l’escalade ou la glisse font partie des activités qu’on souhaite pratiquer plus intensément. Par contre, pour les arts martiaux et les sports de combat, une proportion plus importante que la moyenne de pratiquants déclare avoir envie de faire autre chose, soit pour des contraintes professionnelles dans le cas des pratiquants âgés et insérés socialement, soit en raison du coût de la pratique, de l’inadéquation entre les attentes des pratiquants et de la politique des clubs ou encore de l’existence d’autres centres d’intérêt dans le cas des jeunes sportifs.
Équipier, conjoint, enfant : des sociabilités différentes
8Environ la moitié des pratiquants des sports collectifs, des arts martiaux et des sports de combat ou du golf déclarent faire du sport avec leurs relations sportives. C’est deux fois plus que la moyenne des sportifs (TA 33). La technicité ou le principe du jeu placent ces sports au-delà de la sociabilité amicale ou familiale. La sociabilité est alors celle du club sportif et des équipiers. Certains de ces sports lient cette sociabilité du club à celle des collègues, le football, le golf, le rugby ou l’escalade (plus de 30 %) ou des amis, ici le football, le basket-ball, le rugby (autour de 90 %) avec les boules, le tennis ou les autres sports collectifs (TA 37).
9Certains sports sont moins « familiaux » que d’autres : le football, le rugby, la musculation, le handball, l’athlétisme, la gymnastique se pratiquent peu avec le conjoint à la différence des sports d’hiver, des différentes formes de marche, des sports d’eau douce ou des boules. S’opposent des sports principalement masculins et collectifs (football, rugby) à des sports plus féminins (la gymnastique).
10Les sports de combat et les arts martiaux, les sports collectifs, la gymnastique mais également la musculation et la course sont rarement pratiqués avec les enfants (TA 33). La division sexuelle et par âge des activités physiques et sportives traduit la spécificité technique de certains sports ou le manque de valeur ludique des exercices répétés. Quand on étend le cercle familial au-delà de la famille restreinte, le football rentre de nouveau dans les activités « familiales » avec le tennis, le tennis de table ou la voile, rejoignant les sports dont le caractère familial est affirmé : les boules, la pêche ou le ski.
11Les réponses aux questions de sociabilité fournissent une représentation concentrique des sports et activités physiques et sportives, partant de ceux qui paraissent le plus fortement liés à la famille restreinte, enfants et conjoint, comme les boules, la pêche, la natation, les marches et, de façon générale, les sports de nature pour aller vers ceux qui mobilisent tout ou partie des autres cercles, famille élargie, amis, collègues et équipiers. Dans ce schéma, la gymnastique ou la course, la musculation ou le vélo apparaissent comme des sports moins socialisés que les autres.
Licenciés et compétiteurs
Les licenciés1 de 15 à 75 ans sont plutôt des hommes, à 70 %, et des hommes jeunes : un tiers a moins de 25 ans. La part des licenciés décroît avec l’âge. Pour ces jeunes, les études sont encore en cours : un tiers des licenciés sont étudiants ou élèves et un tiers aussi possède un diplôme égal ou supérieur au baccalauréat. Mais ces licenciés appartiennent un peu plus souvent que les sportifs non licenciés au monde ouvrier : si 19 % des licenciés sont issus du milieu des professions intermédiaires et 16 % des milieux de cadres et professions intellectuelles supérieures, un quart des licenciés vivent dans des familles ouvrières.
Parmi les licenciés, les femmes sont moins nombreuses (tableau 2 et TA 39). Il y a un peu plus d’étudiantes que chez les hommes, beaucoup moins d’ouvrières mais des employées, et un peu plus de femmes appartenant à des foyers dont les tranches de revenu sont les plus élevées. La pratique féminine intensive semble être plus dépendante que la pratique masculine des revenus disponibles du ménage et des normes de division sexuelle des tâches en milieu ouvrier.
Les compétiteurs, à 80 % des hommes, sont aussi plus jeunes que les licenciés : 42 % ont moins de 25 ans. 43 % des licenciés ont participé à une compétition au sens strict du terme. Les moins de 20 ans sont relativement plus nombreux à participer aux compétitions : on assiste à un déclin progressif jusqu’à 45 ans puis une chute de la compétition très nette après cet âge. Les étudiants et élèves sont relativement plus nombreux à être compétiteurs que licenciés, mais la moitié des compétiteurs sont des personnes qui ont une activité professionnelle.
Les sports et la licence
12Les sports qui comptent le plus grand taux de licenciés2 dans la population des 15-75 ans, supérieur à 20 % des pratiquants déclarés, sont les arts martiaux, les sports collectifs (à l’exception du volley-ball), le golf, l’équitation, la danse, la chasse et le tennis. Pour une partie d’entre eux, ce sont des sports dont la pratique est fréquente et auxquels sont associées sociabilité et compétition (cas des sports collectifs).
13Mais, ce sont aussi des activités qui supposent des équipements spécifiques (dojo, court, terrain, parcours, carrière), une formation technique minimale pour pouvoir participer et se voir reconnaître une progression (équitation) ou une autorisation légale comme la pêche ou la chasse. Par ailleurs, ce sont des sports moyennement ou peu populaires à l’exception du football et aussi du tennis.
14Moins de 10 % de licenciés sont recensés parmi les adeptes des activités les plus pratiquées, telles la marche, la natation, le vélo, les sports d’hiver ou la course à pied, mais aussi le patinage et le roller ou les sports de glisse. Ces activités reposent le plus souvent sur l’usage des espaces naturels ou urbains, nécessitant un minimum d’aménagement, ou sur des espaces aménagés mais très répandus, comme les piscines. La pratique de ces sports n’implique pas une formation technique ou un système de progression qui rendent obligatoire l’appartenance à un club et la prise d’une licence.
15La voile, l’escalade et les sports d’eau douce occupent une position intermédiaire. Leur pratique suppose la possession de compétences techniques certaines, notamment au regard des risques que ces activités comportent. Bien que le taux des licenciés soit compris entre 10 % et 20 %, la moitié des pratiquants appartiennent à des clubs ou à des associations ; ce qui en fait des sports plus fortement socialisés que la moyenne.
Pratique libre contre pratique institutionnalisée ?
16Le fort pourcentage de pratique hors club ou sans possession de licence doit-il être interprété comme une opposition entre nouveaux sports et sports traditionnels ou encore entre pratiques institutionnalisées et pratiques libres ou sauvages ?
17La réponse est oui dans la mesure où pour beaucoup de disciplines le souci de santé et de bien-être a soutenu la progression de la pratique physique et sportive au-delà de 45 ans ; la pratique s’est établie de façon plus égalitaire entre hommes et femmes, la notion de compétition est relativisée et la sociabilité familiale ou amicale est préférée aux contraintes de l’association. C’est simplement constater que des attentes émergentes portées par de nouvelles populations ne trouvent pas, sans doute, leur place dans les structures fédérales.
18Mais, la réponse est non si on donne au terme de pratiques libres un sens idéologique qui en ferait une contre-culture, alors qu’il ne s’agit que d’une adaptation aux conditions de l’offre sportive. Les licenciés et les compétiteurs sont le noyau dur du sport et des activités physiques. Ils sont minoritaires, mais sans cloute plus nombreux qu’il y a cinquante ans.
Les raisons du choix
19Le bien-être individuel, la détente, la santé, l’engagement qu’on peut comprendre aussi bien comme engagement physique que moral, la compagnie des proches ou la rencontre avec les autres, à condition que cela apparaisse comme un choix, et le contact avec la nature sont les motifs forts de la pratique d’activités physiques et sportives. La recherche des sensations, l’amélioration des performances, l’esprit de gagne ou de compétition ou la prise de risque semblent être des raisons mineures, mais caractérisent fortement certains sports.
20Le « bien-être » et la « détente » sont revendiqués par à peu près tous les sports ; « l’engagement », voire un engagement moral vis-à-vis de soi, concerne les sports collectifs, le tennis, l’athlétisme, les sports de combat et les arts martiaux ; la « rencontre » est également associée aux sports collectifs ; « être avec ses proches » renvoie aux activités de sport d’hiver ou aux boules ; la « recherche des sensations » est privilégiée par les sports de pleine nature tout comme la recherche d’une proximité avec la nature est liée également à la chasse ; la « santé » est indiquée par les pratiquants de la gymnastique, la course à pied, la musculation, mais aussi des arts martiaux et des sports de combat. Les coureurs, les adeptes de la musculation ne recherchent pas spécialement la proximité des proches (TA 33, 35 et 37).
21Ainsi, sans surprise, des activités comme les sports d’hiver, les sports de glisse (que ce soit roller ou surf), les sports mécaniques, mais aussi le rugby ou les sports de combat ou les arts martiaux valorisent le risque. Ce sont souvent les mêmes dont les adeptes recherchent les sensations et, parmi eux, seuls les sports d’équipe et les sports d’affrontement évoquent la compétition ou la gagne. Tous les sportifs sont d’accord pour considérer que l’amélioration des performances est une motivation sauf les chasseurs, les pratiquants des sports d’eau douce (aviron, canoë-kayak), les cyclistes, les marcheurs ou les patineurs et les pratiquants de gymnastique.
Finalement, que fait-on ?
22Esprit de compétition, sociabilité sportive, la définition que les pratiquants donnent de leur activité aide à construire des ensembles sportifs. Globalement, celle-ci est d’abord un plaisir. Les « athlètes », les « coureurs », les pratiquants de gymnastique ou de la musculation et, de manière surprenante, les skieurs évoquent moins souvent cette notion. Les pratiquants d’arts martiaux, les athlètes, les coureurs, les pratiquants de musculation définissent rarement leur activité comme un loisir tandis que les rugbymen, les cavaliers et les patineurs s’opposent fermement à cette définition et sont nombreux à affirmer que leur pratique est plus que du sport : sur ce point, ils sont rejoints par les pratiquants d’arts martiaux et de sports de combat. Pour les judokas et les joueurs de rugby, il s’agit d’un mode de vie, voire d’une philosophie ; pour les patineuses, leur activité est une expression personnelle qui relève de l’art ; quant aux cavalières, elles regrettent que ne soit pas prise en compte l’affinité avec le cheval.
Notes de bas de page
1 On rappelle que les personnes de moins de 15 ans ne sont pas concernées par l’enquête ; or, ils peuvent, selon les sports, représenter une part très importante des licenciés (voir tableau 3 en annexe).
2 Le chiffre de 23 % de licenciés pour l’ensemble des pratiquants déclarés est un peu plus élevé que celui de l’enquête de 1985 qui était de 20 %. Cet écart peut s’expliquer par les différences dans les modes de calcul des deux enquêtes, les transformations de l’offre de licence et de l’écart normal entre le sens officiel de l’enregistrement, la perception de l’acte de prendre une licence par les personnes et par les différences de champ (l’enquête de 1985 débute à 12 ans).
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Pékin 2008
Regards croisés sur la performance sportive olympique et paralympique
Institut national du sport et de l'éducation physique (dir.)
2008
La pratique des activités physiques et sportives en France
Enquête 2003 – Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative Ministère de la Culture et de la Communication, Insee
Hervé Canneva (dir.)
2005
Les pratiques sportives en France
Enquête 2000
Ministère de la Jeunesse des Sports et de la Vie associative, Institut national du sport et de l'éducation physique, Patrick Mignon et al. (dir.)
2002
Données et études statistiques : jeunesse, sports et vie associative
Recueil des travaux et publications de la Mission statistique de 1999 à 2004
Sandrine Bouffin, Myriam Claval et Hervé Savy (dir.)
2006