Chapitre 6. Le goût affirmé des Français pour les sports de nature : mythe ou réalité ?
p. 117-130
Texte intégral
1Plus de 13 millions de Français de 15 ans ou plus pratiquent un sport de nature - ski, surf, voile, planche à voile, canoë, rafting, randonnée, escalade, équitation – soit une personne sur trois, et plus d’une sur deux quand on ajoute le vélo sous toutes ses formes. Le ski et les sports nautiques attirent un public jeune, masculin et au niveau de vie élevé. Les autres activités de nature sont un peu plus féminisées, leurs pratiquants sont plus âgés, mais toujours plus souvent issus de milieux favorisés. On décèle des affinités entre certains sports de nature et un goût pour les sorties culturelles et la lecture (livres, presse) plus marqué encore que chez les autres pratiquants sportifs.
2« Les sports de nature s’exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains, (...), ainsi que des cours d’eau domaniaux ou non domaniaux ». Cette définition, extraite de la loi no 84-610 modifiée, englobe de multiples activités physiques et sportives (APS) qui ont en commun de se pratiquer « dans la nature ». Du VTT à la randonnée pédestre, en passant par le vol libre, la planche à voile, le ski, la plongée sous-marine, l’escalade, l’alpinisme, le kite-surf, diverses formes de pratiques se développent, allant de la pratique dite « libre » à des activités encadrées et « institutionnalisées », ce qui rend néanmoins peu homogène ce groupe d’APS, appelé communément sports de nature.
I – Des sports pas comme les autres...
3Autant qu’une pratique sportive, les sports de nature constituent aussi le support de la découverte des territoires. Vecteurs de développement touristique et de valorisation du milieu naturel, ils représentent en outre un enjeu local important en raison des retombées économiques liées au tourisme qu’ils sont susceptibles de générer. Mieux cerner le profil des pratiquants « de nature » et mieux connaître leurs attentes est donc un outil utile pour aider à penser l’offre sportive de proximité.
4Les résultats de l’enquête « Participation culturelle et sportive » peuvent permettre de proposer des pistes prospectives sur les complémentarités à trouver entre l’offre territoriale en matière de tourisme et de loisirs sportifs, et l’offre culturelle.
Plus de 25 millions de sportifs de nature
5En 2003, 52 % des personnes de 15 ans ou plus ont pratiqué au moins une fois un sport de nature (voir encadré), soit plus de 25 millions d’adeptes. Sept pratiquants sur dix ont goûté à un sport de nature. Dans le peloton des dix APS les plus répandues en France, quatre se pratiquent en milieu naturel. La palme de l’activité la plus pratiquée revient à l’indémodable vélo qui contribue pour beaucoup, avec la randonnée, au poids des sports de nature. Les sports de nature « terrestres » (vélo, ski, randonnée pédestre ou en montagne, équitation) sont bien plus répandus que les sports « nautiques » (tableau 1). Mais sans le vélo, la pratique des sports de nature tombe à environ un tiers parmi les personnes 15 ans ou plus.
6L’enquête sur les pratiques sportives en France, menée en 2000 par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et l’INSEP, révélait que parmi les 36 millions de pratiquants sportifs de 15 à 75 ans, quatre sur dix (soit plus de 14 millions) pratiquaient un sport de nature, ce qui représente le tiers de la population française dans la tranche d’âge considérée. Ainsi, l’importance observée en 2000 est confortée en 2003. Les résultats de ces deux enquêtes ne sont cependant pas tout à fait comparables en raison des différences entre les modes de questionnement. En 2000, les personnes citant précisément les disciplines qu’elles pratiquaient, il était possible de reconstituer de façon précise le champ des sports de nature. En 2003, le champ de l’étude est inévitablement plus large car on considère des regroupements d’activités physiques et sportives dont toutes ne sont pas des sports de nature. Tandis qu’en 2000 on pouvait par exemple distinguer le VTT ou le cyclo-cross du cyclisme sur route, en 2003 on est obligé de considérer la catégorie vélo dans son ensemble.
Des pratiques de vacances principalement
7Les sports de nature sont pour beaucoup d’entre eux des sports que l’on pratique principalement pendant les vacances : 90 % des skieurs, 80 % de pratiquants nautiques, 75 % des randonneurs de montagne s’adonnent à ces activités seulement à certaines périodes ou pendant les vacances (voir tableau p. 58). Seules les personnes vivant en dehors de l’agglomération parisienne ont un peu plus tendance à en faire tout au long de l’année. Les autres facteurs sociodémographiques ne jouent en fait pas sur le moment de la pratique, car elle est sans doute avant tout conditionnée par la proximité du lieu de pratique.
Tableau 1 - La pratique des sports de nature
Taux de pratique | En % des 15 ans ou plus | Effectifs de pratiquants (en milliers) |
Vélo | 38 | 18 128 |
Randonnée pédestre | 22 | 10 519 |
Ski, surf | 15 | 7 220 |
Randonnée en montagne | 12 | 5 759 |
Equitation | 3 | 1 338 |
Ensemble sports terrestres hors vélo | 34 | 13 298 |
Ensemble sports de nature « terrestres » | 52 | 24 784 |
Canoë, aviron, ski nautique | 5 | 2 154 |
Voile, planche à voile | 3 | 1 417 |
Ensemble sports de nature « nautiques » | 7 | 3 251 |
Ensemble | 52 | 25 017 |
Ensemble hors vélo | 35 | 16 983 |
8Le vélo et la randonnée pédestre, dont la pratique est accessible dans des cadres naturels beaucoup plus variés que les activités de montagne, de mer ou d’eau douce, s’inscrivent plus souvent tout au long de l’année : un tiers des pratiquants en fait régulièrement, un tiers de temps en temps et un tiers seulement occasionnellement. Ce sont plutôt les jeunes gens, les étudiants qui en font pendant les vacances. Dans les classes modestes et moyennes, le vélo est un loisir qui reste occasionnel : les ouvriers, les artisans, les commerçants s’y adonnent aussi plus souvent pendant les vacances que tout au long de l’année.
Encadré : Les sports de nature dans l'enquête « Participation culturelle et sportive »
Dans l'enquête « Participation culturelle et sportive », les sports de nature sont inclus dans plusieurs familles de disciplines.
- le vélo (dont VTT, cyclotourisme) ;
- la randonnée pédestre, la course d'orientation, le trekking, le raid ;
- la randonnée en montagne, l'escalade, l'alpinisme, la spéléologie ;
- l'équitation, la randonnée équestre ;
- le ski, le surf ;
- la voile, la planche à voile ;
- le canoë, l'aviron, le ski nautique, le surf et autres sports de glisse sur eau (dont rafting, bodyboard, kayak).
Tous les sports de nature ne sont cependant pas repérables dans l'enquête en raison de la structure du questionnaire. Beaucoup de disciplines comptent trop peu de pratiquants pour former une catégorie à part et ne peuvent donc pas être étudiées isolément. Au vu des résultats de l'enquête 2000, la plongée a ainsi été regroupée avec la natation en 2003, son poids dans la famille « Natation, plongée » étant donc minime devant celui de la natation. L'ULM, le parachute ou encore le deltaplane ont été relégués dans la catégorie « Autres », catégorie hétérogène où sont renvoyés également l'escrime et le tir à l'arc par exemple (voir la Présentation de l'enquête en annexe). Ces activités de nature n'entreront donc pas dans le champ de l'étude.
II – Qui sont ces pratiquants ?
9Rassembler dans une même catégorie des activités physiques et sportives qui ont pour principal point commun d’être pratiquées dans un milieu naturel, conduit-il pour autant à identifier un ensemble homogène de pratiquants et des modes des pratiques similaires ?
10D’un point de vue technique, les sports de nature sont en fait relativement différents : certains sont très instrumentés (ski, voile...) tandis que d’autres ne nécessitent pas d’équipement particulier (randonnée pédestre). Certains sont très techniques (équitation, voile) tandis que d’autres sont d’un abord sans doute plus facile (vélo). Ce qui rapproche cependant les sports de nature, c’est d’être, pour la plupart, des sports de vacances, peu institutionnalisés, et des sports individuels. Nous allons voir en quoi ces caractéristiques influent sur le profil des pratiquants qui s’adonnent à ces activités et les types des pratiques.
Des sports de nature pour tous les âges
11La répartition par âge et par sexe des sportifs de nature est quasiment la même que celle de l’ensemble des pratiquants sportifs. Cela est en partie dû au poids important du vélo dans cette famille d’activités - 73 % des pratiquants de nature font du vélo (sous toutes ses formes, comme on l’a déjà précisé) - et que les sportifs de nature représentent les trois-quarts des pratiquants. Mais dans le détail, il apparaît que les activités de nature n’attirent pas toutes exactement le même public.
12Les jeunes représentent une part des pratiquants plus importante dans le ski et les sports de nature nautiques que dans les sports de nature terrestres : 55 % des pratiquants de sports nautiques et 50 % des skieurs ont entre 15 et 34 ans, contre 39 % des randonneurs pédestres (graphique 1). Les amateurs d’équitation sont même encore plus jeunes - mais encore moins nombreux, ce qui ne permet pas d’approfondir beaucoup l’étude de cette discipline. A contrario, les sports de nature terrestres (randonnée, vélo) attirent davantage de personnes plus âgées : un randonneur pédestre sur quatre et un randonneur en montagne sur cinq ont plus de 55 ans, la randonnée en montagne (y compris l’escalade, l’alpinisme, la spéléologie) concernant un public un peu plus jeune. Pour ce qui est du vélo, on rappelle qu’on est ici loin de la seule pratique du VTT ce qui lui vaut une position intermédiaire : il touche des pratiquants de tous les âges.
13Dans le chapitre 1 on avait déjà vu que les sports nautiques font partie des APS « réservées » aux plus jeunes tandis que la randonnée, répandue dans toutes les tranches d’âge, regroupe plus de personnes d’âges intermédiaires et de seniors. Sous l’angle des sports de nature, on comprend que les personnes plus âgées qui souhaitent pratiquer dans un cadre naturel se tournent plutôt vers les activités demandant un engagement physique moins intense et qui semblent moins risquées. On remarque tout de même que la proportion des pratiquants de 35 à 44 ans est pratiquement la même dans toutes ces activités qui mobilisent donc relativement beaucoup de personnes d’âges intermédiaires.
14Les sports de nature sont globalement aussi féminisés que la population sportive dans son ensemble avec 47 % de pratiquantes. Mais, de même que pour l’âge, cette moyenne ne reflète pas la répartition hommes-femmes de chaque sport de nature. L’équitation, la randonnée pédestre ou en montagne et le vélo figurent parmi les APS où la proportion de femmes est la plus importante (voir chapitre 1). Elles sont en revanche moins nombreuses parmi les pratiquants de ski et de sports nautiques (graphique 2).
Des activités réservées aux catégories sociales les plus favorisées ?
15Quand on isole l’effet de l’âge et du sexe, il apparaît qu’avoir un niveau de vie élevé ou un niveau de diplôme avancé sont les facteurs les plus déterminants de la pratique des sports de nature et qu’ils jouent indépendamment l’un de l’autre.
16Les sports nautiques et le ski sont les activités les plus « discriminantes » socialement : 3 % seulement des personnes appartenant aux ménages les moins favorisés ont pratiqué des sports nautiques, soit 4 fois moins que parmi les personnes issues de ménages favorisés (tableau 2).
17Au coût relativement élevé du matériel s’ajoute généralement le prix du voyage et du séjour sur le lieu de pratique (mer ou montagne), car ces activités de vacances nécessitent des déplacements souvent importants.
18Le facteur « clé » diffère néanmoins selon le type d’activité. Ainsi, concernant la randonnée pédestre et la randonnée en montagne, le niveau de diplôme l’emporte sur le niveau de vie.
19Le vélo en revanche jouit d’une mixité sociale en terme d’accès à la pratique plus grande mais qui reste relative. Parmi les personnes de 15 ans ou plus issues du quart des ménages au niveau de vie le plus élevé, 47 % ont fait au moins une fois du vélo en 2003, contre 29 % dans les ménages aux revenus les plus faibles.
20Cette enquête confirme donc que ce sont plutôt les catégories sociales les plus favorisées qui pratiquent ces activités, résultat déjà observé dans l’enquête 2000. Mais pour être tout à fait exact, il conviendrait plutôt de dire que la plupart des sports de nature font partie des APS les plus marquées socialement : il faut garder à l’esprit que les écarts de niveau de vie conduisent à des écarts dans la pratique de quasiment toutes les APS (voir chapitre 2).
III - Goûts et centres d'intérêt des sportifs de nature
Puristes ou polyvalents ?
21Les pratiquants de nature ne se contentent pas toujours de pratiquer un seul sport de nature. La moitié des sportifs de nature en font plusieurs. La « multi-activité » de nature provient en partie du poids important du vélo dans les sports de nature, déjà souligné précédemment : 61 % à 75 % des pratiquants des autres sports de nature en font. En outre, les deux tiers des personnes qui pratiquent un seul sport de nature font d’ailleurs du vélo, sinon ils font de la randonnée pédestre ou du ski.
22Mais la multi-activité ne concerne pas seulement les cyclistes. Les pratiquants d’un sport de nature sont plus nombreux dans toutes les autres activités de nature que les autres pratiquants sportifs. Les pratiquants nautiques sont à ce titre les plus « polyvalents ».
23Ainsi, par exemple 24 % des pratiquants nautiques font du ski contre 18 % des autres pratiquants ; inversement 24 % des skieurs s’adonnent aux sports nautiques contre 6 % seulement des autres pratiquants (tableau 3). Ou encore, on observe que 34 % des pratiquants de randonnée pédestre font aussi de la randonnée en montagne contre 9 % des autres pratiquant. On retrouve naturellement là des effets d’âge ou de niveau de vie, ces facteurs jouant dans le même sens pour différentes APS. Toutefois, le caractère sportif des pratiquants nautiques, ou même des pratiquants de nature en général, n’est pas seulement lié au fait que ce sont principalement des hommes, jeunes et issus de milieux très favorisés. Indépendamment des facteurs d’âge, de niveau de vie, de sexe ou de diplôme, on décèle aussi des affinités marquées surtout entre les sports nautiques et le ski, le ski et la randonnée en montagne, la randonnée en montagne et la randonnée pédestre.
24On peut donc se demander si cela témoigne d’un attrait particulier pour les sports de nature, pour les sports de glisse, pour des sports individuels qu’on peut pratiquer « librement » ou si cela provient d’un goût de la nature qui se traduit par le choix de vacances sportives à la mer ou à la montagne.
Pratiques culturelles des sportifs de nature, des spécificités ?
25Les sportifs de nature sont plus impliqués que la moyenne des pratiquants dans la plupart des pratiques culturelles. Ils sont plus nombreux à aller au cinéma, à des concerts ou d’autres spectacles. Ils sont également plus nombreux à fréquenter les musées, les expositions ou visiter des monuments historiques (graphique 3). Ils lisent également la presse plus régulièrement que les autres pratiquants et lisent aussi un peu plus de livres (graphiques 4 et 5).
26Les pratiquants nautiques et les skieurs qui sont les plus jeunes en moyenne sont particulièrement férus de sorties et de visites culturelles. Les randonneurs en montagne sont de gros lecteurs de livres, un sur cinq a lu 25 livres ou plus en 2003. Cet appétit pour la lecture est à mettre en relation avec le fait qu’ils constituent une population plus âgée, féminisée et diplômée. Les cyclistes sont les moins investis dans ces pratiques culturelles, en partie car ils sont les sportifs de nature les plus modestes. Toutefois, le seul effet de l’âge ou de l’origine sociale n’explique pas seulement ces différences car, même en gommant l’effet de ces caractéristiques (à sexe, âge, niveau de vie et niveau de diplôme fixés), il apparaît que les pratiquants de nature lisent plus (la presse et les livres), vont plus au spectacle ou faire des visites culturelles que les autres pratiquants.
Conclusion
27L’enquête confirme le goût des Français pour les sports de nature. Si les sports de nature sont souvent riches d’une certaine diversité (en nombre de disciplines, dans la diversité des milieux, dans la dualité entre pratiques libres et pratiques encadrées, en termes de féminisation, etc.), ces pratiques accueillent davantage des personnes d’un niveau de vie plus élevé, plus diplômées que l’ensemble de la population sportive. Cette réalité explique sans doute en grande partie les passerelles entre pratiques culturelles et pratiques sportives. Davantage de sorties culturelles et de lecture, un attachement plus fort à la presse régionale sont autant d’éléments à mettre en perspective pour la structuration d’une stratégie territoriale en matière de sports de nature.
Auteurs
Bureau des fédérations sportives multisports et de l'animation sportive territoriale, ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative
Mission bases de données et informations statistiques, ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative
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Pékin 2008
Regards croisés sur la performance sportive olympique et paralympique
Institut national du sport et de l'éducation physique (dir.)
2008
La pratique des activités physiques et sportives en France
Enquête 2003 – Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative Ministère de la Culture et de la Communication, Insee
Hervé Canneva (dir.)
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Les pratiques sportives en France
Enquête 2000
Ministère de la Jeunesse des Sports et de la Vie associative, Institut national du sport et de l'éducation physique, Patrick Mignon et al. (dir.)
2002
Données et études statistiques : jeunesse, sports et vie associative
Recueil des travaux et publications de la Mission statistique de 1999 à 2004
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