Comparaison entre les prévisions et les médailles gagnées aux Jeux de Pékin
p. 241-247
Texte intégral
AVANT-PROPOS DE PATRICK MIGNON
1Le texte que nous présentons est la postface à l’article paru dans la Revue d’économie politique, « Les déterminants économiques de la performance olympique : prévision des médailles qui seront gagnées aux Jeux de Pékin1 ». Quelques semaines avant les Jeux olympiques de Pékin, Madeleine Andreff, Wladimir Andreff et Sandrine Poupaux proposaient en effet une prévision des médailles remportées par les principaux pays participants. Cette prévision, dont on retrouvera le rappel au début de l’article, est le résultat de la construction d’un modèle se donnant comme objectif de comprendre pourquoi certains pays gagnent systématiquement plus de médailles que les autres lors des Jeux olympiques.
2Pour les auteurs, il s’agissait d’aller au-delà des analyses classiques des déterminants de la performance olympique, qui reposaient traditionnellement sur trois éléments : la prise en compte des ressources économiques et humaines des nations, soit le PIB et le nombre d’habitants ; la considération de leur régime politique, démocratie libérale ou régime socialiste ; le fait d’être le pays hôte des Jeux. Ces analyses étaient ainsi directement le produit de la guerre froide et de l’opposition simple entre économies capitalistes et socialistes, et pays développés et en voie de développement.
3Différentes données ont donc été rassemblées pour arriver à une estimation qui tienne compte du plus grand nombre de variables spécifiques possibles. En plus des éléments traditionnels, les auteurs ont cherché à voir comment prendre en considération des variables telles que les résultats olympiques individuels par athlète, la culture influençant la pratique sportive dans différentes régions du monde, les chances de gagner des médailles dans les différentes grandes familles de disciplines sportives et, si possible, le dopage et la mobilité des athlètes vue à travers le phénomène des naturalisations, ces deux derniers points restant malheureusement, pour l’instant, difficiles à renseigner pour pouvoir créer une base de données satisfaisante.
4Pour dresser un bilan des déterminants de la performance olympique, ont été rassemblées les données, par nation, de six olympiades comparables de 1976 à 2004, les Jeux de 1980 et 1984 étant exclus en raison du boycott. D’abord, sont pris en compte le nombre de médailles gagnées par nation et le nombre de médailles gagnées par athlète. Ensuite, les données concernant le PIB (distinguant les pays en pays développés, émergents, en développement ou moins avancés) et la population des nations sont retenues, tout comme le fait d’être le pays hôte. Ces données sont retardées, c’est-à-dire que, pour analyser les résultats de 2004, on prendra en considération le PIB et la population de 2000, en considérant que c’est cette situation qui aura un impact sur les résultats de 2004. En raison des changements survenus durant la période considérée et pour prendre en compte les transformations concomitantes des politiques sportives, la question du régime politique est prise en compte en distinguant les pays selon leur évolution depuis la chute du mur de Berlin : les pays ayant connu un régime communiste, mais ayant adopté l’économie de marché et qui sont entrés, depuis, dans l’Union européenne (ex. : la Hongrie ou la Pologne) ; ceux qui ont adopté l’économie de marché, mais ne sont pas entrés dans l’Union (ex. : la Russie ou l’Arménie), dits « en transition » ; ceux qui étaient communistes, mais indépendants de l’URSS (ex. : la Chine ou les républiques de l’ex-Yougoslavie) ; ceux qui sont restés des économies communistes et planifiées (ex. : Cuba et la Corée du Nord). Les autres pays sont regroupés dans les pays à économie de marché. Puis on regroupe les pays en aires culturelles (Afrique subsaharienne, Moyen et Proche-Orient ou Est de l’Europe) qui tiennent compte de facteurs tels que l’existence de traditions d’éducation physique, de pratique des femmes ou de spécialités sportives. Cette variable est complétée par l’utilisation de la nomenclature des activités physiques et sportives (NAPS).
5Redonnons la parole aux auteurs pour les conclusions :
6« Notre conclusion majeure confirme les résultats de la plupart des études sur le sujet : les médailles gagnées par un pays aux JO sont déterminées par son PIB par habitant et sa population. Le fait d'accueillir les Jeux procure un surplus de médailles. On confirme aussi que le régime politique influence fortement les gains de médailles des pays communistes et, depuis les Jeux de 1992, ceux des pays en transition. L’estimation est améliorée quand une variable régionale-culturelle différencie les performances olympiques entre neuf grandes régions du monde. Plus nouveau est le message tiré de notre estimation basée sur des données individuelles par athlète, et non plus par pays. Il permet notamment de différencier les gains de médailles par disciplines olympiques. La probabilité pour un athlète de participer à une finale et sa probabilité de gagner une médaille dépendent du type de sport dans lequel il s’aligne en compétition.
7À partir de deux de nos estimations, on calcule les prédictions du nombre de médailles qui devraient être gagnées aux JO de Pékin en 2008. La hiérarchie des principaux pays gagnant des médailles est assez stable, avec un certain nombre de pays capitalistes développés et de pays (ex-) communistes à son sommet. Les trois principaux vainqueurs des Jeux de Pékin seraient, comme aux Jeux d’Athènes 200), les États-Unis, la Russie et la Chine. Avec soixante-quatorze, et plus probablement quatre-vingts médailles gagnées, la Chine atteindrait trois quarts du nombre des médailles gagnées par la Russie (contre seulement deux tiers en 2004). Le rapide développement économique de la Chine en est le principal facteur explicatif. La France peut espérer, au mieux, de l’ordre de trente-six à quarante médailles, soit plus qu’à Athènes 2004. » Le présent article revient sur ces prévisions.
L’INTÉRÊT DE COMPARER LES PRÉVISIONS DE MÉDAILLES OLYMPIQUES
8Réalisées à l’aide d'un modèle économétrique avec les médaillés effectivement gagnées par les différents pays participants n’est évidemment pas de prouver que le modèle est bon parce qu’il a prévu une bonne partie des résultats ou qu’il est mauvais parce qu’il n’a pas tout prévu à 100 %. Si un modèle était capable de dire à l’avance combien de médailles gagneront tous les pays participants aux prochains JO, on pourrait se poser la question de savoir s’il faut dépenser autant de temps et d’argent pour organiser les Jeux. En outre, ce serait la mort de la « glorieuse incertitude » du sport au niveau des nations, sinon des athlètes.
9L’intérêt est donc ailleurs, dans l’analyse des écarts entre prévisions et médailles gagnées. Ces écarts signifient qu’agissent des variables qui ne sont pas prises en compte dans le modèle, i.e. des variables non économiques, et l’on pense évidemment au facteur humain (motivation, concentration et moral de l’athlète) et à des variables sportives (aptitudes et talent de l’athlète, méthodes d’entraînement, état de préparation physique au moment des Jeux, circonstances locales). Les écarts peuvent aussi provenir, en partie, des variables économiques elles-mêmes. Les prévisions de médailles de 2008 sont basées sur les variables économiques de 2004, pour des raisons exposées dans l’article de la REP, mais pour tel ou tel pays, la période séparant 2004 de 2008 peut avoir été exceptionnellement favorable sur le plan économique (pensons à la Chine), ou défavorable, à tel point que cela a pu influencer sa préparation olympique et faire dévier les résultats de prévisions établies pour une période économique supposée plus normale.
10Moyennant ces précautions, il faut commencer par dire que le modèle2 est, en fin de compte, performant, puisqu’il a correctement prévu les résultats de 70 % des pays analysés3, au sens suivant : le nombre de médailles obtenues est à 95 % dans l’intervalle de confiance, entre le minimum et le maximum de médailles prévues avec notre modèle. Si l’on admet les erreurs d'une ou deux médailles de plus ou de moins que l’intervalle de confiance, le modèle ne se trompe vraiment que dans 12 % des cas, soit pour seulement vingt-trois pays. La détermination économique des résultats olympiques est assez largement confirmée. En particulier, le modèle ne se trompe presque pas pour les pays qui ne gagnent aucune médaille, ceux-ci étant, pour la plupart, moins développés et peu peuplés. Parmi les pays qui gagnent un nombre substantiel de médailles, il y a plus souvent des écarts sensibles avec les prévisions. Néanmoins, le modèle prédit assez bien le classement des pays en termes de médailles. Il donne exactement les trois premiers, mais dans le désordre, ce qu’il faut expliquer. Il ne se trompe qu’une fois sur la présence d’un pays parmi les dix premiers (le modèle y classe le Japon onzième, au lieu de l’Ukraine, qui est dixième).
11Il se trompe quatre fois pour les vingt premiers, en y incluant la Roumanie, la Hongrie, la Grèce et la Pologne à la place du Brésil, du Kazakhstan, du Kenya et de la Jamaïque.
LES VINGT-TROIS ÉCARTS LES PLUS NETS
12Entre prévisions et résultats concernent : la Russie (écart de 21 médailles entre les résultats et l’intervalle de confiance), la Chine (14), le Royaume-Uni et le Japon (12), la Roumanie (11), la Grèce et le Kenya (10), la Jamaïque et l’Allemagne (9), la Hongrie (7), l’Italie, l’Afrique du Sud et les Pays-Bas (6), la Bulgarie et l’Arménie (5), le Vietnam et le Zimbabwe (4), le Canada, l’Autriche, la Norvège, l’Iran, l’Égypte, la Corée du Nord et la Mongolie (3). C’est dans ce sous-ensemble que figurent les situations les plus intéressantes à interpréter.
UNE PREMIÈRE OBSERVATION GÉNÉRALE EST QUE LA PLUPART DES DIX PAYS D’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE
13(PECO), nouveaux membres de l’Union européenne, ont gagné moins de médailles que prévu ; les exceptions étant la Slovénie, la Lettonie et l’Estonie, qui en ont remporté une de plus que prévu, et la Lituanie, trois de plus. On peut sans doute expliquer cette mauvaise performance olympique par l’importante transformation qu’ont subie le sport et l’économie du sport dans ces pays, en passant du sport d’État au sport marchand en une décennie et demie (Andreff & Poupaux, 2007). Ce « choc » a fini par perturber les performances olympiques, ce qui pourrait encore durer tant que les institutions sportives des PECO ne seront pas totalement alignées sur celles des pays de l’UE. Quant aux pays de la CEI, la plupart semblent bénéficier d’une inertie du système postsoviétique dans les méthodes de préparation des athlètes en vue de la performance olympique (Ukraine, Biélorussie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Azerbaïdjan, Kirghizistan, Tadjikistan, Arménie, Moldavie, Géorgie), alors que la Russie, qui a entrepris une réforme substantielle de ses institutions sportives, subit probablement un effet similaire de réorganisation inachevée du secteur sport, au même titre que les PECO.
14En revanche, parmi les pays développés à économie de marché, ceux qui, à toutes les olympiades (Andreff, 2001a), concentrent ensemble la majorité des médailles gagnées, on n'observe pas de tendance nette. Certains gagnent nettement plus de médailles que prévu (Royaume-Uni, Canada, Norvège, Suisse, Nouvelle-Zélande, Finlande et Irlande), d’autres moins (Japon, Allemagne, Australie, Italie, Pays-Bas, Grèce et Autriche), et d’autres, enfin, ont des résultats conformes aux prévisions, ou proches (États-Unis, France, Danemark, Suède, Belgique et Portugal).
IL RESTE À COMMENTER
15Les principales surprises par rapport aux prévisions et suggérer des pistes d’analyse pour les pays en question. Le premier pays à mettre en exergue est la Chine. Si le modèle avait tenté de tenir compte de la couleur des médailles, l’écart entre prévisions et résultats serait apparu encore plus flagrant, puisque le pays hôte des Jeux de Pékin se considère comme le vainqueur absolu du fait de son nombre supérieur de médailles d’or. De toute façon, la performance chinoise est exceptionnelle, quels que soient les critères. La Chine s’est rapprochée à dix médailles des États-Unis, alors qu’en 2004, elle accusait un retard de trente-neuf médailles sur ce pays ! La première explication est l’effet « pays hôte », qui a joué, à Pékin, sans doute d’une manière plus forte que d’habitude. La Chine est en effet passée de soixante-trois à cent médailles (progression de 59 %), des Jeux d’Athènes à ceux de Pékin. A contrario, la Grèce, qui a bénéficié, avec seize médailles, de l’effet pays hôte en 2004, a chuté à quatre médailles en 2008. Il faut en tirer une implication méthodologique : le modèle devrait accorder un poids supérieur à l’effet pays hôte. Les athlètes chinois ont sans doute bénéficié d'une motivation très forte devant leur public et leurs dirigeants, d’où le nombre considérable de médailles d’or. La masse des supporteurs et l’absence de décalage géographique, horaire et culturel, leur ont profité. On notera d’ailleurs que les pays géographiquement proches de la Chine ont tous réalisé de bonnes performances, égales ou supérieures aux prévisions, à part le Japon et le Vietnam (Corée du Sud, Corée du Nord, Mongolie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et Inde). Ceci suggère d’ajouter une variable gravitationnelle, telle que la distance entre chaque pays participant et le pays hôte. On ne peut exclure, enfin, que la Chine ait utilisé des méthodes de préparation exceptionnelles de ses athlètes, comme indiqué dans l’article précédent qui, sans relancer la polémique, pose la question de l’usage des produits masquant les produits dopants, puisqu’il y a eu très peu de contrôles positifs, aucun pour les athlètes chinois.
LA RUSSIE
16Quant à elle, a réalisé des Jeux de Pékin, à certains égards, « catastrophiques », en ne remportant que soixante-douze médailles contre quatre-vingt-treize à Athènes. Certes, la pression de la guerre froide (comme stimulant) a disparu, mais l’économie russe affiche une bonne santé depuis 2000 (du moins avant la crise financière qui vient de se déclencher). Le problème réside, en grande partie, dans la restructuration du sport ex-soviétique, après une décennie 1990 de désordre, de trucages sportifs, de malversations financières et d’assassinats (Andreff, 2006), avec l’ajustement du sport professionnel à l’économie de marché (succès du Zénith Saint-Pétersbourg en Coupe de l’UEFA), mais des difficultés plus grandes de transformation des sports olympiques. Ajoutons que la sélection russe a été amputée d’une vingtaine d’athlètes, dont dix à la veille du départ pour Pékin, pour cause de dopage ou de forte probabilité d’être contrôlés positifs. Notons que la sélection américaine a subi aussi une épuration de cette nature avant les Jeux, mais sans grave incidence sur ses résultats olympiques. Gageons qu’une telle mésaventure olympique ne se reproduira pas en Russie, Vladimir Poutine ayant convoqué les dirigeants du sport russe, à leur retour de Pékin, pour leur signifier que des mesures d’urgence devaient être prises et, faute d'effet, seraient prises à leur encontre.
17Aujourd’hui, on parle beaucoup des « BRICs » (Brésil, Russie, Inde, Chine), comme futurs pays importants ou dominants de l’économie mondiale. La Chine tient son rang sur le plan olympique, pas la Russie en 2008. Le Brésil, avec quinze médailles à Pékin, un peu supérieur aux prévisions, est en progression très nette (dix médailles en 2004). L’Inde est un cas assez particulier : en tant que pays le plus peuplé au monde après la Chine, il n’obtient que trois médailles à Pékin, comme prévu par le modèle. Logique : c’est sans doute le moins dynamique et, assurément, le moins développé des quatre BRICs. L’Inde n’est pas non plus fortement un « pays olympique », au sens où l’étaient autrefois les pays du bloc soviétique et où l’est la Chine d’aujourd’hui. La volonté politique nationale de gagner des médailles ne semble en effet pas avoir hanté le gouvernement indien jusqu’à présent.
LES QUATRE PLUS GROSSES SURPRISES RESTANTES
18Sont : le Royaume-Uni, la Roumanie, la Jamaïque et le Kenya. Le Royaume-Uni, troisième au classement des médailles d’or, surprend aussi par ses quarante-sept médailles au total, lui assurant le quatrième rang mondial. D’ailleurs, ce pays se prépare déjà à accueillir les Jeux de 2012 et à y aligner une équipe olympique très performante. Il n’est pas impossible que l’effort engagé dans ce but ait déjà porté ses fruits à Pékin, ce qui, au passage, validerait l’hypothèse du modèle quant à la durée longue pour préparer une équipe olympique. Deuxième remarque : si l’on retranchait du total britannique les douze médailles obtenues en cyclisme sur piste, les résultats britanniques seraient quasiment conformes aux prévisions. Le matériel dont étaient équipés les cyclistes britanniques ne pouvant être invoqué comme cause de leurs succès, on est obligé de penser à la supériorité de leurs méthodes de préparation, ce qui, dans un sport comme le cyclisme sur piste, tend à pointer le doigt sur une éventuelle absorption de produits ou autotransfusion sanguine. L’absence de renseignements sur la variable dopage, que nous déplorions de n’avoir pu intégrer au modèle, ne permet pas de contrôler la distorsion quelle est susceptible d’introduire dans les résultats des Jeux olympiques – commentaire qui ne vaut pas que pour le Royaume-Uni et les deux pays que nous analysons ci-après.
LE KENYA ET LA JAMAÏQUE
19Sont les deux seuls pays en développement4 qui se rangent parmi les vingt premiers pays classés selon le nombre de médailles gagnées à Pékin. Pour le Kenya, de telles performances, acquises dans des courses à pied de longue distance, ne sont pas une nouveauté. Pour la Jamaïque, on note une concentration des médailles dans les courses de sprint et, plus encore, le nombre élevé de coureurs participant aux finales de sprint (plus d’un dans plusieurs finales olympiques). Normalement, la variable culturelle (régionale) du modèle est supposée capter un tel effet, vu la « culture marathonienne » du Kenya (on la retrouve aussi dans les bons résultats de l’Éthiopie, avec sept médailles) et la « culture du sprint » dans les Caraïbes (voir les médailles des Bahamas, de la République dominicaine, de Trinité-et-Tobago et du Surinam). Le Kenya avait gagné sept médailles en 2004 et la Jamaïque cinq ; l’inertie prise en compte dans le modèle n’a pas été suffisante pour ces deux pays. Mais surtout, leurs résultats font ressortir l’absence, dans le modèle, d’une variable de spécialisation sportive par pays. Le Kenya et l’Éthiopie sont depuis très longtemps spécialisés dans les courses de fond – victoires à l’appui – la Jamaïque dans le sprint. La spécialisation d’une nation dans un (ou peu de) sport(s) paie pour les pays moins développés ou relativement petits, et cet argument vaut sans doute aussi pour l’Arménie (haltérophilie). Les travaux d’économistes sur cette variable sont encore rares (Heyndels et Du Bois, 2006 ; Tcha et Pershin, 2003), mais l’intégration de celle-ci dans le modèle devrait améliorer ses prévisions.
OUTRE LES ÉTATS-UNIS (PARMI LES PAYS OLYMPIQUES IMPORTANTS), LES PRÉVISIONS POUR LA FRANCE SONT PROCHES DES RÉSULTATS OBSERVÉS
20Jusqu’en 1984, notre pays dépassait rarement quinze médailles aux Jeux d’été. Depuis lors, c’est entre trente et quarante. D’une part, cette stabilité facilite la prévision. D’autre part, elle met en relief un paradoxe. Dans l’après-guerre, et jusqu’aux années soixante-dix, la France avait une économie dynamique et des performances olympiques assez médiocres ; ensuite, son rang a plutôt régressé dans l’économie mondiale, alors que son nombre de médailles s’est stabilisé à un niveau appréciable. Serait-elle un anti-modèle ?
21L’analyse de ce paradoxe mériterait, à elle seule, un volume entier. Une esquisse de réponse repose, pour un économiste, sur deux facteurs. Après 1968, le sport français s’est transformé, sous l’effet d'une pénétration croissante d’argent et d’intérêts financiers - en particulier depuis la décennie quatre-vingt-dix –, et du développement d’un sport de loisir hors des structures fédérales – sport auto-organisé et autofinancé (Andreff, 2001b). Cette évolution est en harmonie avec celle du sport dans la plupart des pays ouest-européens. Les financements les plus importants du sport ne proviennent pas aujourd’hui de l’État, mais d’abord des ménages, puis des collectivités locales et des entreprises (Amnyos, 2008). On est passé assez largement d’un sport strictement associatif à un sport de clients/consommateurs. D’où le deuxième facteur, qui est la politique (étatique) sportive française.
22Par-delà un discours officiel insistant sur le sport pour tous et le sport de masse, la part du budget de l’État consacrée au sport (moins de 0,2 %) est minime, là encore comme dans nombre d’États européens. Mais, en même temps, une nation à statut olympique ne peut se désintéresser du sport de haut niveau et l’effort financier de l’État privilégie, en réalité, celui-ci. Depuis longtemps (Andreff, 1981), on a constaté, en France, la tendance des fédérations olympiques à recevoir, en moyenne, plus de subventions étatiques par athlète licencié que les fédérations non olympiques. À partir des années soixante-dix, les pouvoirs politiques successifs, attentifs au nombre de médailles olympiques, ont permis ou suscité le soutien du sport de haut niveau par les sponsors et les droits de télévision5. C’était sans doute le prix à payer pour rester dans le peloton des nations olympiques qui comptent, avec les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Allemagne, le Royaume-Uni et quelques autres.
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Références :
Amnyos (2008) – « Étude sur le financement public et privé du sport en Europe », remise au ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, secrétariat d’État aux Sports, novembre.
Andreff W. (1981) – « Les inégalités entre les disciplines sportives : une approche économique », dans Pociello C. (dir.) – Sports et Société, Paris : Vigot, 139-51.
10.1080/16184740108721902 :Andreff W. (2001a) – “The Corrélation between Economic Underdevelopment and Sport”, European Sport Management Quarterly, 1 (4), 251-79.
Andreff W. (2001 b) – « Les voies de la liberté : l’avenir du mouvement sportif – Les jalons économiques et financiers », Revue juridique et économique du sport, no 61,105-15.
10.3917/fbc.026.0027 :Andreff W. (2006) – « Dérives financières : une remise en cause de l’organisation du sport », Finance et Bien commun (Genève), no 26, hiver 2006-2007, 27-35.
Andreff W. & Poupaux S. (2007) – “The Institutional Dimension of the Sports Economy in Transition Countries”, in M.M. Parent,
10.4324/9780080545301 :T. Slack (Eds.) – International Perspectives on the Management of Sport, Amsterdam: Elsevier, 99-124.
Heyndels B. & Du Bois C. (2006) – “Revealed Comparative Advantage and Specialisation in Athletics”, Sport World United, 50-51, September.
10.1177/1527002503251636 :Tcha M.J. & Pershin V. (2003) – “Reconsidering Performance at the Summer Olympics and Revealed Comparative Advantage”, Journal of Sports Economics, 4 (3), 216-39.
Notes de bas de page
1 Andreff M., Andreff W., Poupaux S. (2008) – « Les déterminants économiques de la performance olympique : prévision des médailles qui seront gagnées aux Jeux de Pékin », Revue d’économie politique, no 2, p. 135-169. Nous remercions vivement Monsieur P. Weiss et la Revue d’économie politique de nous avoir autorisé à utiliser le texte pour les besoins de la publication.
2 Nous raisonnons ici sur le premier modèle (Tobit) utilisé, la prévision à partir des données individuelles d’athlètes étant plus complexe à comparer aux résultats.
3 En raison de l’indisponibilité de certaines données économiques, le modèle n’intègre que cent quatre-vingt-neuf pays dans sa prévision et non la totalité des nations ayant participé aux Jeux de Pékin.
4 Au sens qu’ils ne sont ni des pays émergents, comme la Chine et le Brésil, ni des pays (anciennement) communistes, comme Cuba, la Biélorussie, etc.
5 D’autant plus qu’en 1981, le CIO a ouvert les Jeux à tous les athlètes, amateurs ou professionnels, dès lors qu’ils étaient admis par leur fédération.
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Pékin 2008
Ce chapitre est cité par
- Andreff, Wladimir. (2021) Studies in Economic Transition Comparative Economic Studies in Europe. DOI: 10.1007/978-3-030-48295-4_18
Pékin 2008
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