Route, piste, VTT et BMX. Analyse des résultats des équipes de France de cyclisme aux JO depuis 1992
p. 43-52
Note de l’éditeur
Propos de Patrick Cluzaud recueillis par Frédéric Ragot
Texte intégral
SUR ROUTE
11992 : Après ses participations aux Jeux olympiques de 1984 (sixième place) et 1988 (vingt et unième), Jeannie Longo a ouvert, à Barcelone, son palmarès olympique en remportant une médaille d’argent sur route. Le reste du collectif féminin n’était pas présent pour faire un résultat, faute de potentiel. Chez les garçons, en revanche, nous avions plus d’ambition pour le contre-la-montre par équipes, réservé aux amateurs et dont c’était la dernière édition. La Fédération s’était très impliquée sur cette discipline, particulièrement fédératrice. La médaille de bronze, obtenue par le quatuor Hervé Boussard, Didier Faivre-Pierret, Philippe Gaumont et Jean-Louis Harel, a clos, de la plus belle des manières, cette aventure olympique pour le milieu amateur.
21996 : Avec son premier titre olympique sur route et une médaille d’argent dans le contre-la-montre individuel, Jeannie Longo a démontré à Atlanta qu’elle était bien, à l’époque, l’une des meilleures mondiales sur route. Chez les garçons, les professionnels faisaient leur apparition, pour la première fois, aux Jeux olympiques, quelques jours seulement après le Tour de France. Les grands noms du cyclisme français – Laurent Jalabert, Richard Virenque, Frédéric Moncassin, Didier Rous – avaient tenu à participer aux JO. Un évènement qui n’était pas, pour eux, l’objectif de l’année, contrairement à un cycliste amateur. Nous n’avions pas pu faire de préparation spécifique pour cette épreuve. Le sélectionneur s’était contenté d’appeler les meilleurs et de les coacher pendant l’épreuve. Mais, malgré leur présence, les résultats n’ont pas été au rendez-vous.
32000 : Pour sa cinquième participation aux Jeux, Jeannie Longo a remporté, à Sydney, une quatrième médaille – celle qui lui manquait, le bronze –, sur l’épreuve du contre-la-montre. Chez les hommes, les principaux animateurs de la route étaient une nouvelle fois présents, mais sans réussite. Comme en 1996, nous n’avions pas pu faire de préparation spécifique. Et l’époque était assez trouble, avec un cyclisme à deux vitesses, en raison du dopage.
42004 : Jeannie Longo était toujours présente, mais plus tout à fait au même niveau que lors des précédentes olympiades, d’où des résultats en demi-teinte (quatorzième en contre-la-montre et dixième sur route). Richard Virenque était également présent, mais les coureurs français avaient de plus en plus de mal à s’illustrer sur les grandes courses internationales. Les JO ont été le reflet de la saison.
52008 : Revenue à son meilleur niveau, Jeannie Longo, à 50 ans, aurait pu créer l’exploit de ces Jeux de Pékin. Mais en terminant quatrième du contre-la-montre, à une seconde et demie de la médaille, sa performance est déjà extraordinaire. En revanche, les autres féminines engagées n’avaient pas le potentiel pour espérer concurrencer les meilleures mondiales. Chez les hommes, le groupe était homogène, mais aucune individualité ne se détachait réellement, dès lors que le meilleur coureur français de la saison, Sylvain Chavanel, avait préféré décliner la sélection. En fait, Pékin a posé un réel problème d’attrait pour certaines équipes.
BILAN GÉNÉRAL DU CYCLISME SUR ROUTE
6Chez les filles, nous avons vu émerger ces dernières années, en France, un certain nombre d’individualités, mais qui n’ont jamais eu le niveau pour espérer concurrencer les meilleures mondiales et qui, surtout, restaient performantes une, voire deux olympiades seulement ; à l’inverse de Jeannie Longo qui, depuis 1984, répond présente à chaque édition des Jeux olympiques et qui a prouvé, à Pékin, que sa préparation était encore très performante et quelle était revenue à son meilleur niveau. Contrairement aux hommes, qui sont professionnels depuis de nombreuses années, les féminines ont plus de mal à concilier haut niveau et vie personnelle. La plupart bénéficient aujourd’hui d’emplois CIP (convention d’insertion professionnelle), hormis Jeannie Longo, cadre d’État.
7La Fédération ne peut pas rémunérer ces jeunes femmes toute l’année. Certaines d’entre elles ont bien intégré des groupes UCI, avec possibilité de participer à des épreuves du circuit international et d’emmagasiner de l’expérience, mais il n’existe pas vraiment de stratégie de progression et, sans rémunérations, elles ne peuvent toujours pas vivre de leur sport. La Fédération réfléchit à l’opportunité de développer des pôles essentiellement féminins, avec un encadrement spécifique, alors que, jusqu’à présent, nous avons plutôt privilégié la mixité dans les pôles. Le statut particulier de Jeannie Longo n’a, en tout cas, jamais desservi l’équipe de France. Nous avons toujours eu des individualités qui roulaient côte à côte plutôt qu’un vrai groupe. En 1996 notamment, l’équipe de France reposait sur trois coureuses au caractère affirmé (Jeannie Longo, Cathy Marsal et Marion Clignet), qui n’avaient pas envie de rouler les unes pour les autres. Nous avons réussi à ce qu’elles ne roulent pas les unes contre les autres. Pour toutes ces filles, en revanche, il n’y avait aucun problème de motivation. Toutes faisaient des Jeux olympiques l’objectif principal de leur saison. Alors que chez les hommes, depuis que les amateurs ont obtenu, en 1992, la médaille de bronze du contre-la-montre par équipes – une épreuve préparée toute l’année via des coupes de France et des championnats, et qui a permis aux Français de rivaliser avec les Italiens et les représentants des pays de l’Est –, nous n’avons pas forcément obtenu les mêmes résultats en termes de détection et d’émergence de coureurs. Les professionnels ne manquent pas de motivation à l’idée de disputer les Jeux olympiques, au contraire, mais ils manquent clairement de préparation spécifique pour cette épreuve. Les groupes sportifs qui les entraînent et les rémunèrent à l’année privilégient les classiques ou les grands tours. La Fédération suit les performances des Français sur ces courses et procède à une sélection pendant le Tour de France. On essaye de voir si la forme des coureurs est ascendante, on discute avec les directeurs sportifs... On prend les meilleurs du moment et, en général, c’est le bon choix. Aucun groupe sportif ne sacrifiera un autre objectif pour préparer spécifiquement les JO. Contrairement aux Italiens qui, eux, font plus de sacrifices pour préparer cet évènement et qui ont un programme de compétition plus adapté. L’idéal, pour nous, serait de trouver un compromis avec le secteur professionnel pour en faire de même. Mais le plus important encore serait, comme en 1996 et 2000, que des coureurs français réussissent à s’illustrer tout au long de la saison, qu’ils gagnent des classiques et qu’ils arrivent ainsi en confiance aux Jeux.
SUR PISTE
81992 : Les pays de l’Est dominaient encore la discipline et, côté français, les deux pôles venaient tout juste d’être créés, en s’inspirant justement des méthodes de ces pays (musculation, travail sur le matériel, entraînement sur la route pour pouvoir encaisser la répétition des exercices sur la piste...) et en les adaptant à nos spécificités. Mais cette politique n’avait pas encore eu l’occasion de porter ses fruits. Les Jeux de Barcelone arrivaient trop tôt et nous n’avions pas eu de résultats probants. Mais les bases étaient posées, et pour peu que des individualités émergent, nous savions déjà que l’avenir pourrait être souriant, après un gros trou de génération depuis celle de Daniel Morelon. D’ailleurs, la même année, Florian Rousseau remportait un titre de champion du monde junior sur le kilomètre, avant de s’imposer chez les seniors, en 1993.
91996 : Avant les Jeux olympiques d’Atlanta, les résultats de Florian et ses différents titres internationaux avaient impulsé une dynamique dans la piste française. Tout le monde avait alors pris conscience que, si un Français pouvait devenir champion du monde, d’autres étaient capables de suivre sa voie. D’autant plus qu’il y avait une véritable volonté fédérale de développer la piste, avec le président de l’époque, Daniel Baal. Un circuit avait été mis en place, une communication spécifique également. Cofidis commençait aussi à embaucher des coureurs. Les pôles tournaient à plein régime avec, tout au long de l’année, une saine concurrence entre les coureurs sur les épreuves nationales qui leur permettaient de monter en puissance. Les entraînements quotidiens dans les pôles, avec un travail bien spécifique et de la musculation – alors que les autres nations se contentaient de faire des stages –, le rassemblement de l’élite, l’émulation de groupe, qui poussait chaque coureur à donner le meilleur de lui-même chaque jour... Tous ces paramètres ont permis à la France, au milieu des années quatre-vingt-dix, de prendre une longueur d’avance sur les autres nations.
10Et lorsque nous sommes arrivés à Atlanta, forts des résultats des Mondiaux de 1995, nous savions que nous avions le potentiel pour frapper un grand coup. Tous les coureurs attendus ont confirmé : Florian Rousseau, Félicia Ballanger et Nathalie Even-Lancien, respectivement titrés sur le kilomètre, la vitesse individuelle et la course aux points, sans oublier la médaille d’or de la poursuite par équipes, emmenée par deux gros moteurs, Francis Moreau et Philippe Ermenault, et l’argent en poursuite individuelle, avec Marion Clignet et Philippe Ermenault. Et cette dynamique de réussite s’est prolongée jusqu’en 2000.
112000 : Après la belle moisson d’Atlanta, nous étions forcément ambitieux à Sydney, notamment en sprint, avec une équipe renforcée par l’arrivée de nouveaux éléments, dont Laurent Gané et Arnaud Tournant. Mais cette richesse s’est retournée contre nous en vitesse individuelle, lors de la demi-finale entre Florian Rousseau et Laurent Gané. Les Allemands auraient dit : « Celui qui gagne la première manche va en finale, l’autre lève le pied ». Mais c’était, pour nous, une tactique impossible à mettre en place. Les deux coureurs venaient de deux pôles différents, ils avaient, tous les deux, de grosses personnalités et des résultats, avec la même ambition d’être champion olympique. Le problème, c’est qu’en se livrant à fond dans leur duel jusqu’au bout, ils ont perdu toute chance, ensuite, de faire le résultat attendu. Qualifié après la belle, Florian s’est incliné en finale et Laurent a laissé échapper la médaille de bronze. Heureusement, Florian a ensuite remporté le Keirin, à la surprise générale, et a signé un doublé avec l’équipe en vitesse. Félicia Ballanger a, pour sa part, enrichi son palmarès de deux nouvelles médailles d’or (500 m et vitesse) et, quatre ans après, Marion Clignet a, de nouveau, terminé deuxième en poursuite individuelle.
12En revanche, en poursuite, nous commencions déjà à accuser un certain retard sur les Anglais et les Australiens. Ces derniers, par exemple, n’avaient aucun problème avec le secteur professionnel, alors que, de notre côté, dès que nos poursuiteurs obtenaient des résultats, ils passaient sur route. Les Australiens s’appuyaient, à l’époque, sur une équipe continentale qui participait à des épreuves sur route censées amener leurs coureurs à leur maximum, en vue de la piste et des Jeux, et non l’inverse. Mais malgré tout, eux aussi ont été victimes, quelques années plus tard, de la montée en puissance de la piste anglaise.
132004 : À Athènes, nous arrivions à un tournant. Florian Rousseau et Félicia Ballanger venaient d’arrêter leur carrière et, si nous avions eu de très bons résultats aux championnats du monde de 2003, nous n’étions clairement pas au même niveau pour ces Jeux olympiques. Laurent Gané, double champion du monde un an plus tôt, était moins « frais » et plus stressé par l’enjeu. Chez les féminines, Ballanger n’avait pas été remplacée. Les autres nations commençaient en outre à émerger, avec des individualités très fortes, à l’instar du Néerlandais Theo Bos. Nous avions perdu notre avance en termes de préparation et ces individualités ont alors fait la différence, notamment en sprint. En poursuite, le groupe, miné par des problèmes internes, était également affaibli par les retraites de Philippe Ermenault et Francis Moreau. Même l’équipe de vitesse par équipes n’a pu faire mieux que troisième. Sans oublier Arnaud Tournant, deuxième sur le kilomètre, alors qu’il était le favori pour le titre.
14Juste après les Jeux d’Athènes, nous avions déjà voulu remettre en question notre mode de fonctionnement en réfléchissant à l’opportunité d’avoir un seul pôle, basé à l’INSEP. Nous voulions rassembler les meilleurs coureurs, moins nombreux que par le passé, sur un seul site, afin qu’ils puissent se mesurer entre eux. Mais nous avions mésestimé la résistance au changement et avons dû rester sur notre mode de fonctionnement initial, avec, simplement, l’arrivée de nouveaux entraîneurs (Florian Rousseau et Benoît Vétu), qui ont chacun apporté leur vécu et leur personnalité. Florian Rousseau s’inspire ainsi des méthodes de son ancien entraîneur, Gérard Quintyn, tout en s’en démarquant. Idem pour Benoît Vétu avec Daniel Morelon. Sur une piste de 250 m, à Hyères, Benoît Vétu a, par exemple, cherché à innover ces quatre dernières années, notamment sur le braquet. Ce que n’a pas pu faire Florian sur la piste de l’INSEP. On a d’ailleurs senti une évolution, car jamais nos sprinteurs ne sont allés aussi vite sur 200 m. Nous avons donc évolué, mais pas autant que les Anglais, si l’on en juge par les résultats des Jeux olympiques de Pékin.
152008 : À Pékin, les Britanniques ont clairement été au-dessus du lot. En fait, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, avec de vrais professionnels de la piste qui disposent d’énormes moyens, d’un staff élargi, de spécialistes dans chaque domaine, même si nous ne savons pas encore grand-chose de leurs méthodes. Une seule chose est sûre : après leur zéro pointé d’Atlanta, en 1996, ils ont su se remettre en question et ont mis les moyens pour briller sur la piste. Rien n’a été laissé au hasard. De notre côté, en poursuite, nous avons travaillé dans le bon sens, cette année, avec un programme de Coupe du monde imposé pour se qualifier pour les Jeux, des stages de préparation en concertation avec les directeurs sportifs... Nous avons manqué d’individualités, mais avec le potentiel existant, décrocher une cinquième place reste un bon résultat. Et nous sommes déjà en train de construire une nouvelle équipe, avec des coureurs prometteurs en pôles. À nous de nous remettre en question sur la préparation, car les Anglais ont vraiment plusieurs longueurs d’avance. À Pékin, nous sommes aussi clairement passés à côté, sur d’autres épreuves, telles que l’Américaine et la course aux points hommes. La septième place de Pascale Jeuland en course, aux points dames, est, en revanche, une belle promesse d’avenir. La disparition, du programme olympique, de certaines épreuves, comme le 500 m dames et le kilomètre, peut aussi expliquer notre faible nombre de médailles.
16Reste le sprint, qui nous a permis de remporter nos deux seules médailles : l’argent, pour la vitesse par équipes, et le bronze, en individuel, avec Mickaël Bourgain. Les Britanniques ont été, une nouvelle fois, au-dessus du lot, mais la France a gardé quelques longueurs d’avance sur les autres nations. Nous n’avions pas prévu que les sprinteurs britanniques seraient à ce niveau. Surtout eu égard aux enseignements des championnats du monde de Manchester, au printemps 2008. En vitesse par équipes, nous dominions encore, à ce moment-là, avec 5 dixièmes d’avance. En quelques mois, les Britanniques ont gagné une seconde ! Une performance incroyable. Et nous n’avons toujours pas compris toutes les recettes de leur succès !
BILAN GÉNÉRAL DU CYCLISME SUR PISTE :
17Le bilan est plus que satisfaisant, « énorme » même, sur les cinq olympiades ; tant au niveau des résultats que de la progression globale, toutes épreuves confondues. Alors, effectivement, nous avions tellement pris d’avance sur les autres nations qu’il est difficile, aujourd’hui, d’admettre que nous avons du retard face aux Britanniques, qui ont tout misé sur la piste, avec des moyens inédits. Si nous voulons combler le retard, nous devons, déjà, avoir plus d’informations sur leurs méthodes et être sur un pied d’égalité en termes de moyens, financiers et humains. Nos élites doivent désormais s’affronter plus souvent – le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, prévu pour 2012, devrait nous y aider – et nous devons également revoir notre préparation physique, travailler encore plus sur le matériel, être plus pointu sur la nutrition... Autant de détails qui pourront, peut-être, nous permettre de rivaliser, à terme, avec les Britanniques. Heureusement, nous gardons encore une marge sur les autres nations et nous avons, en sprint comme en poursuite, de nouvelles générations prometteuses. Mais encore une fois, si nous n’avions pas eu la malchance de tomber, cette année, sur une équipe britannique hors normes, le compteur de médailles aurait été largement à la hausse et le bilan aurait été excellent à chaque olympiade, même si le meilleur cru reste, pour l’instant, les Jeux d’Atlanta de 1996, avec un véritable feu d’artifice pour le clan tricolore.
EN VTT
181996 : La belle aventure a commencé aux Jeux d’Atlanta, avec la médaille de bronze de Miguel Martinez, qui annonçait déjà les succès à venir. Lorsque le VTT est entré dans le programme olympique, en 1993, la France avait déjà de bons résultats sur la scène internationale. Mais nous manquions clairement de moyens. Un entraîneur s’occupait de toutes les disciplines (cross-country, descente et trial) ; nous lui avons adjoint des entraîneurs par spécialité, tandis que voyait le jour un circuit de Coupe de France sur lequel notre élite pouvait monter en puissance avant d’aller affronter les meilleurs coureurs en Coupe du monde, et que les sponsors commençaient à mettre des moyens conséquents dans la discipline. Tout s’est mis en place progressivement et la médaille de Miguel est venue confirmer que nous étions sur la bonne voie. Dès le début, la Fédération s’est beaucoup impliquée dans la discipline, de la détection jusqu’à l’élite, sans négliger personne. À la différence du cyclisme sur route, les coureurs doivent réaliser leurs gros objectifs de la saison avec l’équipe nationale lors des championnats d’Europe et du monde, et, bien sûr, lors des Jeux olympiques. Dans ce contexte, il nous a toujours été plus facile de nous entendre avec les groupes sportifs, qui ont tout intérêt à ce que leurs coureurs soient champions du monde ou olympiques. C’est toujours le cas, aujourd’hui, avec Julien Absalon et son « team » Orbea, qui tient compte, dans son programme de compétition et de préparation, des principaux objectifs fédéraux. Nous le plaçons ensuite dans les meilleures conditions, avec, par exemple, un parcours personnalisé de préparation. C’est la mutualisation des compétences qui permet aujourd’hui aux coureurs français d’être très performants sur la scène internationale.
19Chez les dames, en revanche, nous avons manqué d’individualités lors des dernières olympiades. Laurence Leboucher, par exemple, a participé à quatre éditions des JO, mais, malgré son titre de championne du monde de cyclo-cross, elle n’a pas connu la même réussite, en VTT, aux Jeux. Depuis le début, la Fédération aide toutes les filles qui ne sont pas dans des « teams », avec des aides personnalisées pour disputer des coupes du monde et marquer des points UCI. Mais, physiquement, aucune vététiste française n’a le potentiel pour aller chercher une médaille. La France a de jeunes espoirs dans la discipline aujourd’hui, mais qui ont des résultats aussi bien en VTT que sur route. Quelle option choisiront-elles ?
202000 : En devenant champion olympique, Miguel Martinez a confirmé sa médaille de bronze et son potentiel. À l’instar de ce qui s’était passé en 1996, sa préparation avait été partagée entre la Fédération et son « team », avec un objectif commun : l’emmener dans les meilleures conditions à Sydney, pour qu’il puisse monter sur la plus haute marche du podium. La principale différence, par rapport à Atlanta, résidait dans le fait que Miguel n’était plus le seul, en équipe de France, à avoir des ambitions. Christophe Dupouey avait, lui aussi, le potentiel pour décrocher une médaille et la situation n’a pas toujours été facile à gérer au sein du groupe. Mais Yvon Vauchez, l’entraîneur national, a su bien s’entourer et la présence d’un psychologue au sein de l’équipe de France s’est avérée très utile pour conseiller l’entraîneur dans la gestion de cas sensibles, pour aider les coureurs en difficulté... En 1996, Yvon Vauchez débutait sans gros moyens. L’optimisation du collectif, y compris l’encadrement, a véritablement commencé à Sydney. Et à Pékin, nous avons encore pu renforcer l’encadrement, avec un médecin, un psychologue, un kinésithérapeute, le mécanicien de Julien Absalon... Alors que, lors des premières olympiades, nous devions faire des choix et laisser quelques techniciens en France.
212004 : À Athènes, nous avons tous vécu l’avènement, attendu, de Julien Absalon. Quatre ans plus tôt, nous ne pouvions pas prévoir, bien sûr, qu’il succéderait à Miguel Martinez. Ses titres de champion du monde Juniors (1998) et Espoirs (2001 et 2002) et ses succès en Coupe du monde nous laissaient forcément penser qu’il pourrait être performant en Grèce. De là à remporter la médaille d’or ! Même si nous savions qu’il possédait un énorme potentiel, son destin aurait pu être différent. À l’époque, un coureur comme Nicolas Filippi était peut-être aussi doué que lui, mais, pour différentes raisons, il n’a pas connu la même réussite au plus haut niveau. La préparation de Julien avec son entraîneur, Gérard Brocks – par ailleurs CTR, à l’époque, à la Fédération, et aujourd’hui entraîneur national de l’équipe féminine sur route –, avec Yvon Vauchez et, enfin, avec les membres de son « team », a toujours été parfaitement maîtrisée. Son talent, son abnégation et sa volonté ont fait le reste.
222008 En début de saison, nous sommes partis avec toute l’équipe de France faire un stage de ski et un soir, entre nous, avons évoqué la possibilité de remporter deux médailles à Pékin. Nous savions que nous avions le potentiel pour obtenir un tel résultat, et Julien Absalon et Jean-Christophe Péraud ont magnifiquement répondu à nos attentes. Ces deux magnifiques performances ont confirmé que le VTT français était aujourd’hui l’un des meilleurs au monde, que tout ce que nous avions entrepris depuis quinze ans continuait à porter ses fruits. Il n’y a pas de secrets : la plupart des nations phares travaillent comme nous. Nous avons la chance d’avoir un collectif fort, une somme d’individualités que nous retrouvons en Coupe de France, en Coupe du monde et aussi en Coupe de Suisse, et qui progressent à chacune de leurs sorties. La Fédération a aussi mis en place, depuis plusieurs années, des stages de formation, en début d’année, dans lesquels sont regroupés les meilleurs jeunes, avec un travail technique, du foncier... La création, enfin, du Trophée national des jeunes vététistes, au sein duquel les jeunes ont l’occasion de s’exprimer dans les trois disciplines (cross-country, descente et trial), permet à nos coureurs d’avoir une base technique complète. Fort de tout cela, le bilan sur les quatre olympiades est forcément excellent, hormis pour les féminines, et nous sommes confiants pour l’avenir. Mais ne nous endormons pas sur nos lauriers. Car, tout comme les Anglais sur piste, les Suisses ont décidé de mettre des moyens conséquents sur le cross-country ; ils commencent à avoir des résultats et nous devons rester vigilants.
EN BMX
23Comme pour le VTT, nous avons su être très réactifs, dès lors que la discipline est devenue olympique, en 2005, en ouvrant les pôles d’Aix-en-Provence et de Bourges. Si nous avions déjà des équipes d’encadrement aux côtés des coureurs français, nous nous sommes encore plus investis, en nous rendant sur les étapes de la Coupe du monde avec un staff fédéral, du matériel, notamment des home-trainers, pour que les coureurs puissent éliminer les toxines entre les épreuves, en nous inspirant, entre autres, des méthodes de cyclisme sur piste. Nous avons travaillé sur le matériel de manière plus pointue. L’entraîneur national, Fabrice Vettoretti, s’est également attaché les services d’un préparateur mental et s’est entouré d’un département de la performance pour des analyses fines : quelles sont les parties les plus sollicitées pendant l’effort ? Quelle est la posture idéale d’un coureur sur son vélo ? le rôle du démarrage ? le meilleur braquet ?.. Des chercheurs sont venus pour analyser les courses en vidéo, avec des cellules en bord de piste. En fonction de toutes ces données, nous avons mis en place un protocole de musculation spécifique pour le démarrage, pour améliorer la posture en course, etc. Nous avons été les premiers à avoir cette approche et nous avons été largement copiés ensuite. En trois ans, le BMX est devenu une vraie discipline de haut niveau. Mais contrairement à la piste, où nous nous étions inspirés de différentes méthodes – des pays de l’Est, notamment –, pour le BMX, nous sommes partis de zéro. Nous avons eu l’avantage, ces dernières années, d’avoir les meilleurs coureurs en pôle, même si nous faisions également beaucoup de travail à la carte. Anne-Caroline Chausson, par exemple, avait un entraîneur personnel. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises pour savoir ce dont elle avait besoin, comment nous pouvions travailler tous ensemble, en parfaite intelligence, et chacun a trouvé sa place. Il faut dire que Fabrice Vettoretti est très impressionnant dans son « coaching » : il sait trouver les mots qu’il faut, en fonction de la personnalité du coureur qui se trouve face à lui. Une qualité qui s’est révélée précieuse au moment des sélections. À la fin des championnats du monde 2008, nous avons dû, en comité restreint, annoncer à chaque coureur s’il était ou non retenu pour les Jeux. Lorsque vous avez en face de vous un garçon comme Thomas Hamon, champion du monde cruiser, sixième lors des mondiaux, et que vous lui dites qu’il n’ira pas à Pékin... Mais Fabrice a su lui démontrer, « par a + b », le pourquoi d’une telle décision et tout le monde a adhéré. Je n’avais jamais vu ça auparavant.
24À Pékin, tout est allé dans le bon sens pour nous. Chez les garçons, bien sûr, le résultat n’est pas à la hauteur de nos attentes, mais il y avait vingt coureurs au départ qui pouvaient gagner le titre, y compris nos deux Français, avec tout le côte aléatoire de la discipline, les chutes... Thomas Allier, ancien champion du monde de la discipline, n’a pas évolué à son niveau habituel, tandis que Damien Godet, sur une piste pékinoise adaptée à ses qualités, a chuté en finale, alors qu’il était encore en quatrième position. Il n’a que 21 ans, c’est un pur produit de pôle et sa performance est encourageante pour l’avenir. Les filles, elles, étaient moins nombreuses au départ à viser une médaille, mais les deux Françaises ont su se montrer à la hauteur et ces deux médailles, l’or pour Anne-Caroline Chausson et l’argent pour Laëtitia Le Corguillé, sont une formidable récompense pour tout le BMX français.
25Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons nous appuyer sur une base solide, tout en recherchant encore de nouvelles méthodes, en musculation par exemple, pour être encore plus performants. L’entraîneur national a désormais un adjoint, les équipes masculines et féminines sont en reconstruction, mais pour Londres 2012, le BMX devrait, une nouvelle fois, répondre présent.
EN CONCLUSION
26Toutes disciplines confondues, les cinq dernières olympiades resteront exceptionnelles pour le cyclisme français. En dénominateur commun, nous avons obtenu des résultats là où nous maîtrisions le mieux l’approche de la discipline, là où la Fédération a toujours été le plus impliquée. Sur route et en poursuite, nous avons moins d’influence, alors qu’en sprint, en VTT ou en BMX, avec la détection que nous avons mise en place, les pôles, un circuit adapté, depuis la base jusqu’à l’élite, les partenariats avec les « teams », nous avons aujourd’hui un savoir-faire fédéral qui a fait ses preuves. Et nous pouvons compter sur un renouvellement de générations qui laisse augurer de belles promesses pour l’avenir.
Auteurs
Directeur technique national de la Fédération française de cyclisme
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Pékin 2008
Regards croisés sur la performance sportive olympique et paralympique
Institut national du sport et de l'éducation physique (dir.)
2008
La pratique des activités physiques et sportives en France
Enquête 2003 – Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative Ministère de la Culture et de la Communication, Insee
Hervé Canneva (dir.)
2005
Les pratiques sportives en France
Enquête 2000
Ministère de la Jeunesse des Sports et de la Vie associative, Institut national du sport et de l'éducation physique, Patrick Mignon et al. (dir.)
2002
Données et études statistiques : jeunesse, sports et vie associative
Recueil des travaux et publications de la Mission statistique de 1999 à 2004
Sandrine Bouffin, Myriam Claval et Hervé Savy (dir.)
2006