Chapitre IV. Initiation, abandon ou filière, le poids du passé sportif des adolescents
p. 55-69
Texte intégral
1Un peu plus de la moitié des adolescents interrogés ont abandonné la pratique d'une ou plusieurs activités sportives depuis qu'ils ont commencé à faire du sport. 60 % d'entre eux sont restés des pratiquants, mais 40 % ont abandonné, à ce jour, toute pratique. L'abandon définitif touche principalement les jeunes filles, surtout si elles sont issues de milieux modestes. Les sports touchés par l'abandon sont principalement les arts martiaux, la gymnastique et la danse.
I – Le constat
Abandon ou changement de sport ?
2Pour certains, l'abandon n'est qu'un changement d'orientation quand, pour d'autres, il s'agit d'un arrêt définitif. Le profil social des deux catégories est assez nettement contrasté. Ceux qui continuent sont plutôt des garçons, un peu plus jeunes que la moyenne au moment de l'abandon car ils ont commencé tôt, appartenant aux catégories sociales moyennes et supérieures dotées de meilleurs revenus et de diplômes plus élevés. Ils vivent aussi un peu plus souvent dans des foyers composés des deux parents. A l'inverse, les abandonnants définitifs sont plus souvent des jeunes filles (62 %) vivant un peu plus souvent avec leur mère, dans un milieu ouvrier peu diplômé et déclarant un revenu moindre.
3Certaines disciplines ou familles de disciplines sont plus spécialement touchées par l'abandon. Les arts martiaux, la gymnastique, la danse arrivent en tête du classement des sports abandonnés, suivis par la natation, le football et le tennis. Dans certaines de ces activités (arts martiaux, athlétisme, gymnastique, sports de combat, équitation ou danse), au moins 40 % des pratiques déclarées sont des pratiques passées. Ainsi, sur 100 adolescents âgés de 12 à 17 ans ayant pratiqué au moins une fois dans leur vie un art martial, principalement du judo, 70 ne le pratiquent plus. En conséquence, si les arts martiaux occupent le dix-septième rang des sports effectivement pratiqués en 2002 par les adolescents de 12 à 17 ans et la gymnastique le douzième rang, ils occupent respectivement le septième et le cinquième rang des sports ayant été pratiqués au moins une fois dans la vie d'un adolescent de moins de 18 ans.
4Dans une moindre mesure, ce phénomène concerne aussi les sports collectifs, la voile ou le tennis où les pratiquants passés représentent environ un tiers des effectifs, mais le football demeure au troisième rang aussi bien parmi les sports actuellement pratiqués qu'à celui de ceux qui ont été pratiqués au moins une fois. Il est certes abandonné, mais il regagne des pratiquants parmi ceux qui ont quitté d'autres sports. Sans doute parce que le football est, avec le vélo et la natation, un sport qu'on peut facilement pratiquer de façon spontanée autant qu'institutionnelle : tout le monde en connaît les règles et il peut se pratiquer dans différents lieux.
Celles et ceux qui ne reviennent pas
5Celles et ceux qui arrêtent définitivement n'évoquent pas plus d'autres raisons que les autres pour abandonner une activité : elle ne plaisait pas ou l'on manquait de temps. Sans doute, le pourcentage plus important des réponses "autres" présage-t-il de motifs qui n'étaient pas proposés en tant que tels, on pense ici spécialement aux charges domestiques pour les jeunes filles. Les sports qui sont abandonnés ici ne sont pas non plus différents que de ceux abandonnés par les autres pratiquants passés. Il faut toutefois relever que la gymnastique et la danse qui, cette fois, sont en tête et traduisent la place plus importante des jeunes filles dans ce mouvement. Mais les garçons abandonnent aussi leur sport de prédilection, le football. Cependant ils étaient aussi des sportifs sérieux, surtout en football et en gymnastique, dont l'engagement n'est pas différent des autres.
6Les jeunes filles sont donc plus enclines que les jeunes gens à abandonner le sport : elles représentent 62 % des abandonnants définitifs. On assiste ainsi globalement au retrait des jeunes filles, aussi bien des sports masculins auxquels elles ont pu s'initier, comme le rugby, le handball, le basketball et dans une moindre mesure le football, mais encore plus, de façon spectaculaire dans les sports féminins comme la danse et la gymnastique ou fortement féminisées comme l'équitation.
7Ces filles et ces garçons ont en commun d'appartenir plus souvent à un milieu ouvrier que l'ensemble des pratiquants, d'être un peu plus vieux que la moyenne des pratiquants et malgré tout d'être encore au collège ou plus fréquemment dans des lycées professionnels, voire en apprentissage. Ils se distinguent aussi par le fait que, chez les jeunes filles, on trouvera une proportion un peu plus importante de foyers dirigés par une mère seule, plus souvent ouvrière dans ce cas, de la tranche de revenus la plus faible et du niveau de diplôme le moins élevé, tandis que la barrière des 16 ans pour marquer l'arrêt de l'activité est un peu plus forte que pour les garçons. Les jeunes filles semblent plus contraintes par le temps, soit du fait des études, soit du fait de leur participation aux tâches domestiques : elles sont plus souvent dans des lycées ou ont peut-être abandonné les études, comme si le manque de temps était directement dû aux études ou aux tâches domestiques et au travail, tandis que les garçons fréquentent un peu plus les lycées professionnels.
8Ce phénomène de l'abandon définitif reçoit un éclairage nouveau lorsqu'on prend en compte ses tiens avec le cadre d'habitation. Le fait de vivre en milieu rural ou dans une commune de moins de 20 000 habitants protège un peu contre un abandon définitif qui croît légèrement avec le nombre d'habitants, ceci étant encore un peu plus notable pour les jeunes tilles. Du point de vue de la pratique sportive, le rural ou la vie dans une petite ville apparaissent comme protecteurs de la pratique féminine. On peut l'analyser, d'un point de vue négatif, comme l'effet d'une absence de choix tandis que dans de plus grandes agglomérations le sport serait concurrencé par l'éventail des loisirs adolescents. On peut aussi le voir comme l'expression de la constitution, dans les plus grandes agglomérations, d'aires de déprivation économique ou culturelle hostiles à la pratique sportive féminine comme à d'autres formes d'émancipation.
II – Les sports abandonnés : des lieux d'apprentissage
Des sports de transition
9Certains sports apparaissent par bien des égards comme des écoles de la pratique sportive. L'analyse des engagements ultérieurs fournit en effet des indications intéressantes sur la logique des carrières dans la pratique sportive.
10En moyenne, les adolescents qui ont abandonné un sport pratiquaient deux activités. Ayant changé d'orientation ils ont plutôt tendance à augmenter cette moyenne : ils pratiquent plus d'activités sportives différentes.
11Ainsi, les anciens athlètes ou les anciens cavaliers, plus que les anciennes athlètes ou cavalières, multiplient les sports et les pratiquent avec une relative intensité : cinq pour les athlètes et quatre pour les cavaliers. Ils ont ainsi un portefeuille d'activités spécialement large : dix-huit sports sont pratiqués par aux moins 10 % des anciens athlètes et seize par les cavaliers.
12A un niveau moindre, les anciens judokas accroissent leur éventail de sports. Les anciens gymnastes ou joueurs de tennis et les pratiquants de sports collectifs maintiennent cette moyenne de deux sports pratiqués. L'éventail des sports pratiqués par au moins 10 % du groupe se situent entre six et douze.
13Deux cas intéressants et contradictoires sont à relever. Les danseuses, qui ne faisaient quant à elles aucun autre sport, développent leur activité sportive, avec trois activités en moyenne. Pour les footballeurs en revanche, l'abandon de ce sport signifie un rétrécissement de l'éventail des pratiques puisqu'ils ont tendance à ne plus pratiquer qu'un seul sport et ne possèdent dans leur portefeuille que les deux activités, celles qui sont les plus pratiqués : le vélo et la natation.
14Abandonner le football qui paraît bien être le sport masculin emblématique ne conduit pas vers d'autres sports, comme si les individus ne se retrouvaient que dans ce sport précisément, à moins que son caractère populaire renvoie également à des catégories sociales qui, de façon générale, ont moins accès à d'autre sports. Pour les jeunes filles qui pratiquaient la danse, très exigeante, son abandon n'empêche pas de se tourner vers d'autres sports qui apparaissent moins contraignants.
Filières sportives
15On peut voir dans cette évolution le jeu de deux logiques et la constitution de "filières sportives".
16- D'un côté, on peut y voir l'effet des propriétés intrinsèques des anciens sports en terme d'habitudes prises ou d'apprentissage technique qui facilitent l'entrée dans de nouvelles activités : l'athlétisme, le judo, la gymnastique peuvent avoir lassé en raison des contraintes de l'entraînement, mais il en reste le goût ou l'habitude de l'engagement physique.
17- D'un autre côté, on peut y voir un effet des caractéristiques sociales des groupes pratiquants : les anciens cavaliers, surtout s'ils sont des garçons, appartiennent aux catégories supérieures en termes de diplôme ou de revenus et leur large éventail sportif peut correspondre à leur capacité matérielle à saisir toutes les opportunités de pratique. Ceci les opposent fortement aux anciens footballeurs parmi lesquels sont sur-représentées les familles ouvrières ou employées, les diplômes inférieurs au baccalauréat et les revenus inférieurs à 1 200 € par mois. Mais c'est un peu moins vrai des anciens athlètes qui appartiennent certes aux classes moyennes, mais pas aux catégories les plus aisées.
18Les sports que l'on pratique après l'abandon du premier sont les sports les plus répandus chez l'ensemble des adolescents : le vélo, le football ou la natation. Mais on remarquera que se constituent des filières : les anciens pratiquants de sports collectifs choisissent plus volontiers des sports collectifs tandis que les adolescents ayant pratiqué des sports individuels choisissent des sports individuels. Ce qui peut aussi expliquer le moindre nombre de sports pratiqués par les anciens basketteurs ou handballeurs : les contraintes du collectif, qui sont en même temps les plaisirs de ce type de sport, (et quand bien même pratique-t-on hors d'un cadre compétitif), empêchent de varier les plaisirs sportifs comme le font ceux qui préfèrent des activités individuelles ou nécessitant une moindre mobilisation collective.
19Ce sont donc environ 60 % des adolescents qui continuent à pratiquer un sport, les trois-quarts d'entre eux demeurant membres d'un club. Ce sont surtout les garçons, 49 % d'entre eux contre 34 % des jeunes filles, et surtout les anciens pratiquants d'arts martiaux ou d'équitation qui maintiennent une pratique sportive encadrée. A contrario, le handball ou le rugby offrent les exemples d'activités débouchant plus volontiers sur une pratique non encadrée. L'athlétisme offre quant à lui un double visage. Les garçons conservent le sport en club et une forte propension à pratiquer en dehors des structures, tandis que la moitié des jeunes filles anciennes athlètes ont abandonné toute pratique.
Une précocité dommageable pour des sports d'initiation ?
20L'âge médian d'entrée dans l'activité sportive est de onze ans, ce qui est le cas pour les activités analysées ici des arts martiaux, du basket-ball ou de l'équitation. La danse et la gymnastique, comme la natation et le rugby, sont situés en dessous de cette limite, à dix ans.
21Arts martiaux, gymnastique et danse sont des activités qu'on débute jeune. Il en est ainsi soit en raison des exigences techniques des disciplines qui supposent un entraînement précoce, soit des attentes éducatives des parents vis-à-vis de ces sports ou activités. La demande, de la part des parents, de construction des identités sexuelles de leurs enfants ainsi que les offres de fédérations soucieuses d'élargir leurs publics font également partie de ce paysage. Le judo, dont l'activité est ouverte aux enfants dès l'âge de cinq ans, en est une illustration.
22On pourra relever le nombre de ceux qui ont commencé avant l'âge de 10 ans parmi ceux qui abandonnent en gymnastique, en rugby, et dans une moindre mesure en arts martiaux, équitation et danse.
23Le mode d'entrée semble aussi jouer son rôle. Les pratiquants d'arts martiaux, de gymnastique et de danse qui abandonnent sont ceux dont l'implication des parents semble la plus forte tant dans la découverte de l'activité que de son accompagnement et où la part des copains est un peu plus faible.
24Peut-on évoquer ici un abandon par lassitude qui correspondrait à cette affirmation de l'arrêt de l'attrait, "l'activité ne plaisait pas" ? Toujours est-il que le mouvement d'abandon définitif croît jusque 16 ans. Toutefois des variations existent selon les sports : on relève une rupture à 12-13 ans pour l'athlétisme et le rugby, plutôt à 14-15 ans pour le handball et les arts martiaux, vers 16-17 pour le football ou le tennis et de nouveau à 16 ans pour l'athlétisme. Certains sports connaissent des années critiques : 14 ans pour les arts martiaux, 13 et 16 ans pour l'athlétisme, 15-16 pour le basket-ball, 14 et 17 pour la danse, 16 ans pour le football et la gymnastique, 15 et 17 en handball, comme pour le rugby et la période 15-17 pour le tennis.
III – Les raisons de l'abandon
Des sports22 appréciés...
25Ces sports qu'on a abandonnés étaient appréciés : plus de la moitié des adolescents interrogés déclarent avoir beaucoup aimé ou adoré le sport en question et disent l'avoir choisi. On relèvera seulement que les anciens pratiquants d'arts martiaux ou de football sont un peu moins enthousiastes que les autres vis-à-vis de leur sport, à l'inverse des anciens pratiquants de natation ou de la danse.
26Alors pourquoi dans ces conditions abandonne-t-on un sport ? Interrogés sur les raisons de l'abandon, les adolescents interrogés ont évoqué en premier lieu le fait que "l'activité ne plaisait pas" (68 %), ce qui peut paraître contradictoire avec l'amour proclamé plus haut de leur sport passé, à moins qu'ils n'aient voulu opter, en fait, pour une "activité qui ne plaisait plus" soumise à l'épuisement de ses charmes ou à la concurrence de nouveaux investissements ? Car il semble assuré que c'est la concurrence avec d'autres activités qui constitue le puissant moteur de l'abandon. En effet, suivent ensuite dans le classement des motifs d'abandon, "le manque de temps" (52 %), "une autre activité qui plaisait plus" (46 %) et "les problèmes d'emploi du temps" (32 %) : charges scolaires nouvelles, contraintes domestiques surtout pour les jeunes filles, nouvelles sociabilités remplissent sans doute ces réponses. Le sport s'adapte alors pour être plus compatible avec cette nouvelle donne en devenant moins contraignant : moins souvent en club qu'auparavant (de 74 à 40 %) ou dans des pratiques plus facilement intégrables dans les nouvelles sociabilités et leurs contraintes temporelles comme le vélo, la natation ou le football, mais aussi l'abandon de toute pratique sportive.
27On doit remarquer l'importance de l'item "autres raisons" (79 %) dont on peut penser qu'il exprime le fait que les répondants étaient amenés, en raison des items choisis, à se prononcer plus sur les inconvénients de la pratique que sur les choix nouveaux qu'ils pouvaient opérer.
... mais exigeants
28Les disciplines qu'on abandonne sont exigeantes en terme d'engagement sportif et les pratiquants qui ont abandonné étaient des pratiquants sérieux. On peut, connaissant les propriétés des activités, évoquer les contraintes physiques et temporelles qu'elles impliquent notamment les arts martiaux, la danse et la gymnastique. Temps et engagement physique se mesurent par la fréquence, l'institutionnalisation et la place prise par la compétition. Les pratiques passées ont supposé un engagement certain : elles étaient à 90 % pratiquées au moins une fois par semaine et à plus d'un tiers plus d'une fois par semaine. Parmi les disciplines les plus concernées, le judo, la gymnastique, le football et le handball apparaissaient les plus intensivement pratiquées, plus le tennis, l'équitation ou la danse dont le rythme de pratique correspond au cours hebdomadaire. Dans le football, le handball, les arts martiaux et le basket-ball, la place de la compétition était spécialement importante.
29Les sports apparaissent ainsi classés de manière un peu différente sur l'échelle des mécontentements (tableau annexe III). Les anciens athlètes paraissent spécialement mécontents de leur pratique passée et sont également plus nombreux à affirmer que "l'activité ne plaisait pas", qu'on "avait trouvé une activité qui plaisait plus" ou qu'on "avait envie de faire autre chose que du sport". De leur côté, les anciens gymnastes mettent un peu plus en avant des insatisfactions portant sur le fonctionnement du club : "trop de compétition", "mauvaise ambiance", "manque de progrès" ou "entraîneur qui ne s'occupe que des meilleurs".
Lassitude, déception ou impossibilité de tout faire ?
30On pourrait dire que certains sports ont dégoûté du sport. La natation, le football, la gymnastique, le handball, le basket-ball ou le tennis "produisent" une plus forte proportion d'abandonnants définitifs que les arts martiaux ou l'athlétisme, essentiellement parmi les jeunes filles qui les pratiquaient. Dans le cas du football le sentiment semble partagé avec les garçons, les filles étant ici toutefois très minoritaires parmi les anciens pratiquants.
31En fait, on peut attribuer deux significations à cet abandon. D'une part, ce sont moins des activités qui auraient déçu que simplement des sports très populaires parmi les adolescents, comme le football ou le basketball, et parmi les adolescentes, ici la gymnastique et la danse, qui constituent des sortes de passages obligés de l'enfance et de la pré-adolescence : presque tout le monde y passe, beaucoup reste et un nombre non négligeable s'en va aussi. D'autre part, les adolescents qui abandonnent le football ou la gymnastique parce qu'ils en ont épuisé les charmes appartiennent à des milieux qui ne peuvent se permettre l'investissement dans une nouvelle pratique peut-être plus onéreuse quand on quitte l'école. Ces milieux peuvent également imposer aux jeunes filles de nouvelles activités consommatrices de temps comme la participation au travail domestique, quand ce n'est pas le retrait de l'espace public. Ces adolescents ne disposent pas des moyens permettant de mener de front, comme les adolescents de milieux plus aisés, les nombreuses activités caractéristiques de la sociabilité adolescente.
32Le tennis pourrait nous poser un problème un peu différent : les abandonnants et surtout les abandonnantes appartiennent à des milieux plus aisés économiquement et plus diplômés. Peut-être le tennis paie-t-il alors le fait qu'il appartient aux routines familiales et à une socialisation qu'on récuse l'adolescence venue, une sorte de révolte : les anciens pratiquants de tennis sont tout de même ceux qui, avec les handballeurs et les athlètes, mettent au premier rang des motifs d'abandon qu'ils avaient "envie de faire autre chose que du sport", et ils, ou plutôt elles, le mettent en pratique !
33Car on doit aussi ajouter que, si rejet il y a, il est surtout le fait des jeunes filles : elles sont plus nombreuses à arrêter définitivement et plus nombreuses à affirmer leur mécontentement. L'athlétisme qui exprime plus fortement que les autres sports les motifs d'abandon est principalement abandonné par les jeunes filles, les deux tiers, qui, plus que les garçons, appartiennent à des milieux modestes.
La contrainte des revenus
34Certaines pratiques, comme l'équitation, font aussi partie des pratiques économiquement coûteuses. Pourtant, en général, l'abandon n'apparaît pas complètement comme le résultat du réalisme économique : le coût de l'activité n'apparaît qu'au quatorzième rang des motifs d'abandon avec 11 % des suffrages, même s'il arrive au cinquième rang pour les cavaliers et cavalières.
35De fait, l'équitation est moins pratiquée par les enfants dont les parents possèdent les diplômes les moins élevés et appartiennent aux tranches de revenus inférieures. Elle l'est tout de même, et pour eux la poursuite de l'activité peut apparaître trop onéreuse. Mais ce sont aussi les plus aisés qui abandonnent une pratique qui paraît dangereuse, coûteuse en temps, et donc concurrente d'autres pratiques, et en argent, quand les voies de la progression se traduisent par l'augmentation du prix des cotisations et du nombre de cours. Ceci touche aussi les revenus moyens.
36Ainsi la gymnastique qui est une activité volontiers considérée comme peu onéreuse est aussi abandonnée par ceux qui ont de faibles moyens financiers. Le phénomène de l'abandon et plus spécialement l'abandon définitif renvoie au décrochage des groupes intégrés au plus bas de l'échelle sociale : les milieux populaires se retirent du football, de la gymnastique et de la danse et les plus aisés du judo ou du tennis.
Abandon des adolescents, non-pratique des adultes
37Le phénomène de l'abandon chez les adolescents de 12 à 17 ans semble donc constituer la préfiguration de la non-pratique ultérieure. C'est un cycle de vie qui s'achève : les abandonnants définitifs ne montrent pas spécialement de motifs d'abandon fondés sur un mécontentement ou sur la valeur d'une activité alternative au sport qu'ils pratiquaient. Les scores des différents items sont toujours très largement inférieurs à ceux de ceux qui ont abandonné un sport pour passer un autre : ainsi la raison d'abandon "j'ai trouvé une activité qui me plaisait plus" est choisi par 67 % de ceux qui ayant abandonné un sport se sont tournés vers un autre... et par 15 % seulement des abandonnants définitifs.
38Ceux-ci se distinguent toutefois sur deux points : l'importance de la réponse "autres" et les motifs qui font état d'une mauvaise ambiance dans le club, des relations avec l'entraîneur ou de problèmes matériels comme le déménagement ou la fermeture du club, mais toutefois pas le coût de l'activité. On a parlé plus haut d'un éventuel dégoût du sport, peut-être devrait-on plutôt parler de déception, un peu plus exprimée par les jeunes filles, vis-à-vis d'une activité qu'on ne peut plus faire.
Lecture du tableau 1 page suivante :
Colonne 1 : 10 % des adolescents qui font du sport ont pratiqué au moins une fois les arts martiaux dans l'année. C'est la quinzième activité physique et sportive pratiquée.
Colonne 2 : 33 % des adolescents qui ont arrêté un sport en 2001 pratiquaient les arts martiaux. Les arts martiaux sont l'activité la plus abandonnée.
Colonne 3 : 26 % des adolescents ont pratiqué les arts martiaux au moins une fois dans leur vie.
Colonne 4 : 71 % des adolescents qui ont abordé les arts martiaux à un moment quelconque de leur vie l'ont abandonné.
Notes de bas de page
22 A partir de maintenant, nous ne parlerons que d’un nombre limité de sports parmi les sports abandonnés (arts martiaux, gymnastique, danse, natation, tennis, football, handball, rugby, basketball), ceux qui ont été abandonné par un nombre suffisamment important de personnes pour qu’on dispose d’une base de traitement satisfaisante.
Auteur
Laboratoire de sociologie du sport, Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP)
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Pékin 2008
Regards croisés sur la performance sportive olympique et paralympique
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2008
La pratique des activités physiques et sportives en France
Enquête 2003 – Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative Ministère de la Culture et de la Communication, Insee
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2005
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Enquête 2000
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2002
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Recueil des travaux et publications de la Mission statistique de 1999 à 2004
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