Chapitre II. La pratique sportive des adolescents dépend avant tout de leur milieu socio-culturel
p. 29-40
Texte intégral
1Plus des deux tiers des adolescents de 12 à 17 ans pratiquent un sport en dehors des cours d'éducation physique dispensés au collège ou au lycée. La pratique sportive est plus fréquente chez les garçons que chez les filles (77 % contre 60 %) et ils en font plus souvent. C'est dans les milieux sociaux les moins favorisés que les adolescents font le moins de sport, le phénomène étant particulièrement marqué chez les filles. Quand le milieu social s'élève, les filles sont plus nombreuses à faire du sport et en font plus fréquemment. Mais c'est le niveau de diplôme des parents qui est le principal facteur, et son influence se renforce du fait qu'il intervient dans le choix du cursus scolaire. En effet, après 15 ans, la pratique sportive varie selon l'orientation scolaire. Les adolescents qui vont au lycée font plus de sport que les collégiens, et les élèves qui suivent des formations professionnelles sont moins sportifs que les autres adolescents de leur âge.
2Au collège et au lycée, le sport fait partie de l'enseignement obligatoire. Rares sont les élèves qui n'aiment pas du tout les cours d'éducation physique et sportive. En dehors des cours d'EPS, 69 % des adolescents de 12 à 17 ans font du sport, c'est à dire répondent positivement à la question "Est-ce que vous avez pendant l'année ou les vacances une activité physique ou sportive (en dehors des cours d'EPS à l'école) ?"
Les adolescents de parents diplômés font plus de sport
3Quand on tient compte simultanément des facteurs familiaux tels que le nombre de frères et sœurs, le fait d'avoir des parents séparés, le niveau de diplôme des parents, le revenu mensuel du foyer, la situation professionnelle de la mère, il ressort que la pratique sportive des adolescents - filles et garçons - est avant tout déterminée par le niveau de diplôme des parents ; vient ensuite le niveau de revenu du foyer (tableau 1). Les contraintes liées strictement à la configuration familiale ne constituent pas directement un frein à la pratique sportive, mais sont plus la marque d'inégalités sociales et culturelles.
4Dans les familles où aucun des parents n'est diplômé, 52 % des adolescents font du sport, contre 83 % quand un des parents est diplômé du supérieur (tableau 1). Le niveau de diplôme des parents a un effet plus important pour les filles ; pour les garçons il est particulièrement significatif au-delà du baccalauréat. Quand le niveau de diplôme des parents s'élève, les différences garçons-filles se réduisent également en termes d'intensité de la pratique. Parmi les filles qui font du sport, 57 % en font une fois par semaine quand les parents n'ont aucun diplôme contre 87 % parmi celles dont un des parents est diplômé du supérieur, soit autant que les garçons dans cette situation (graphique 1). Les garçons, au contraire, en font d'autant plus intensément que le niveau de diplôme de leurs parents est faible.
Le revenu du foyer plus discriminant pour les filles que pour les garçons
5Dans les foyers aux niveaux de revenu les plus élevés, 80 % des adolescents font du sport, tandis que dans les foyers moins favorisés, ils ne sont que 60 % (tableau 1). Les écarts sont beaucoup plus marqués pour les filles que pour les garçons. Dans les familles dont le revenu mensuel est inférieur à 1 830 €, seulement 45 % des filles font du sport, contre 74 % dans les familles qui se situent dans les tranches de revenus les plus élevées. De plus, dans les foyers les plus aisés, les filles qui font du sport ont une pratique aussi fréquente que les garçons ; 85 % d'entre elles en font au moins une fois par semaine. Dans les familles au revenu modeste, les filles sont moins impliquées que les garçons dans la pratique sportive au travers de la possession d'une licence : au sein des foyers qui gagnent moins de 1 830 € par mois, seulement 42 % des filles qui font du sport ont une licence (graphique 2).
6Les garçons qui vivent dans les familles les plus aisées ont également la plus forte probabilité de faire du sport, avec 83 % de pratiquants quand le revenu mensuel dépasse 2 745 € (tableau 1). Contrairement aux filles, les garçons ont un taux de pratique du même ordre dans les familles les plus modestes et dans les classes intermédiaires (75 %). Cependant, les modes de pratique diffèrent d'une tranche de revenus à l'autre : dans les foyers les plus aisés, 75 % possèdent une licence, contre 58 % dans les foyers dont le revenu est inférieur à 1 830 € (graphique 2). Par ailleurs, certains sports comme la natation, le tennis et le ski sont plus souvent pratiqués par les adolescents des foyers aisés.
Graphique 2 – Pratiquants qui font partie d'un club et sont titulaires d'une licence selon le revenu mensuel du foyer
(1) Les tranches de revenu étaient exprimées en francs dans le questionnaire, l'enquête ayant eu lieu en novembre 2001. Les seuils étaient de 12 000 F et 18 000 F.
Champ : adolescents de 12 à 1 7 ans qui font du sport.
Lecture : dans les foyers dont le revenu est supérieur à 2 745 € par mois, 71 % des filles qui font du sport sont inscrites dans un club.
Source : enquête Pratique sportive des adolescents, ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, novembre 2001.
7Les différences de revenu se traduisent aussi par la possession plus ou moins répandue de matériel sportif (voir chapitre X). Même pour un sport comme le vélo dont la pratique est très populaire, les écarts sont significatifs entre les adolescents de foyers dont le revenu dépasse 2 745 € par mois, parmi lesquels 94 % possèdent un vélo ou un VTT contre 79 % pour les adolescents des familles dont le revenu mensuel est inférieur à 1 830 €.
Avoir un père qui fait du sport favorise le sport
8Les adolescents dont les parents font du sport font eux-mêmes du sport plus souvent que les autres : parmi eux, 80 % font du sport contre 60 % des adolescents qui déclarent que leurs parents n'ont aucune activité sportive (tableau 3). Si la pratique sportive des parents augmente avec le niveau de leurs diplômes, à niveau de diplôme équivalent des parents, avoir un père qui fait du sport favorise la pratique pour les garçons comme pour les filles et réduit l'écart garçons-filles. Cette différence est même complètement gommée dès que la mère fait souvent du sport. L'influence d'un père sportif est tout aussi marquée sur l'inscription en club et la possession d'une licence. A niveau de revenu égal, les filles et les garçons dont le père fait du sport sont plus souvent inscrits dans un club et licenciés. Ainsi, les parents qui font eux-mêmes du sport seraient plus disposés à ce que leurs enfants fassent partie d'un club, quel que soit leur niveau de vie, pour leurs filles comme pour leurs fils.
Après 15 ans la pratique sportive est liée à l'orientation scolaire
9Les adolescents font moins de sport après 15 ans, mais c'est surtout le fait des filles : 68 % des filles de 12 ans font du sport, contre 52 % à 17 ans (tableau 4).
10Cette tendance est principalement liée au fait que les adolescents qui suivent des formations professionnelles (15 % des 15-17 ans) font beaucoup moins de sport que ceux qui vont au lycée (61 % des 15-17 ans). Les taux de pratique masculin et féminin chez les élèves des filières professionnelles contrastent avec ceux des élèves du même âge qui sont scolarisés dans des lycées d'enseignement général ou technique : 71 % au lieu de 81 % pour les garçons, 40 % au lieu de 63 % pour les filles (tableau 4).
Moins de sportifs dans les filières professionnelles qu'au lycée
11Les lycéens ont une plus grande propension à faire du sport que les élèves de collège, 81 % contre 76 %, mais ils en font un peu moins intensément. Chez les garçons comme chez les filles, la classe de seconde est le moment où la pratique sportive est la plus répandue : plus de huit garçons sur dix font du sport cette année-là (tableau 4). Par la suite l'importance du travail scolaire, doublée de la perspective du baccalauréat, est sans doute à l'origine d'un léger recul. Les raisons invoquées par les adolescents qui ne font pas de sport évoluent dans ce sens au cours de la scolarité : en sixième, 17 % des élèves avancent l'importance de la charge de travail personnel contre 37 % en terminale. D'autres activités occupent également de plus en plus les adolescents à l'âge où ils aspirent à passer plus de temps hors du foyer familial et souhaitent parfois couper avec des activités attachées au monde de l'enfance, de sorte qu'ils accordent moins de temps au sport.
12Contrairement aux lycéens, les élèves de filières professionnelles avancent moins souvent la charge de travail scolaire comme raison de ne pas faire du sport, leur contrainte scolaire prenant sans doute d'autres formes que les devoirs à la maison (apprentissage, travail à mi-temps). Ils invoquent beaucoup plus souvent le manque de temps et la pratique d'autres activités. Lorsqu'ils font du sport, ils en font moins fréquemment que les autres adolescents. De plus, leur affiliation à un club est également bien moins fréquente, qu'elle s'accompagne ou non de la possession d'une licence sportive.
La traduction de disparités sociales
13La classe que les adolescents fréquentent détermine à la fois leur temps libre et la charge de travail personnel qu'ils doivent fournir en dehors des cours. Toutefois, si la pratique sportive des adolescents gagne à être mise en relation avec le parcours scolaire, il faut garder à l'esprit que leur orientation est en outre fortement conditionnée par leur environnement socioculturel de la famille. La très faible activité sportive des adolescents dans les filières professionnelles par rapport aux élèves de lycée est étroitement liée au fait que plus de la moitié de ces élèves sont issus de familles dont le revenu mensuel ne dépasse pas 1 830 €, alors que moins du quart seulement des lycéens sont dans ce cas. De même, un sur sept seulement a un de ses parents diplômés du supérieur contre un lycéen sur deux. De là une pratique sportive plus répandue chez les adolescents qui vont au lycée, car ils sont le plus souvent issus de milieux sociaux plus favorisés. D'ailleurs, les élèves provenant de milieux moins favorisés qui vont au lycée ne font pas plus de sport pour autant : 46 % des lycéens dont les parents n'ont aucun diplôme font du sport, contre 84 % de ceux dont l'un des parents au moins est titulaire d'un diplôme du supérieur.
En entrant au lycée, les filles font plus de sport mais moins souvent en club
14Parmi les jeunes filles qui entrent en seconde, 64 % font du sport, soit autant que les filles de sixième et de cinquième. Néanmoins, les formes de pratique se modifient : parmi les lycéennes qui font du sport, 75 % en font au moins une fois par semaine contre 85 % des collégiennes, et elles font moins souvent partie d'un club (graphique 3). Le passage en seconde marque donc à double titre une modification de la pratique sportive des filles : elles sont proportionnellement plus nombreuses à faire du sport, mais elles en font moins souvent et sont moins souvent inscrites dans un club. Pour les garçons qui vont au lycée, les formes de pratique sont moins sensibles au parcours scolaire. Contrairement au cas des élèves de filières professionnelles, la pratique en club et la pratique licenciée restent étroitement liées. En terminale, les garçons qui font du sport en club sont quasiment tous licenciés.
Auteur
Mission bases de données et informations statistiques, ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative
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