Chapitre I. La pratique des activités physiques et sportives chez les adolescents : une composante de la construction sociale des individus
p. 11-26
Texte intégral
1L’analyse des résultats de l’enquête sur la pratique des activités physiques et sportives (APS) des jeunes de 12 à 17 ans met en lumière de quelle façon ces activités contribuent à la construction sociale des individus. Si leurs vertus éducatives sont largement reconnues, comme l’est leur apport positif à l’état de santé, leur rôle d’accompagnement de la formation sociale des individus est moins souvent évoqué, alors qu’il apparaît essentiel. Cependant, toujours au vu de ces résultats, il est impossible d’isoler ce qui, dans la pratique des APS, influe directement sur la construction sociale d’un individu de ce qui n’est que le reflet d’une construction élaborée par ailleurs (éducation, héritage familial, niveau de vie...). La raison incite à penser que, dans le cas des APS comme dans celui des autres éléments de la construction sociale d’ailleurs, le processus a un caractère dialectique : la pratique des APS concourt à l'apprentissage social de l’individu comme elle est le reflet de son niveau d’intégration. Elle l’aide à se placer dans ce processus et se développe en même temps que les identifications sociales évoluent.
2Ce caractère dialectique se retrouve au niveau collectif, dans la mesure où la pratique des APS par les adolescents traduit un de leurs modes d’adaptation et de réaction aux évolutions de nos sociétés, comme un éclairage des tendances lourdes qui les traversent.
Les Héritages
Les filles naissent dans les roses, les garçons dans les choux
3Au plus jeune âge, trois sports sont parmi les plus pratiqués : danse, gymnastique et judo. Tous trois offrent des possibilités d’une pratique encadrée, à un âge inférieur à celui proposé par les autres sports. Comme à ce moment de la vie la décision des parents joue évidemment un rôle primordial, cette caractéristique explique qu’ils soient choisis en priorité par des familles soucieuses d’offrir à leurs enfants ce type d’apprentissage. En contrepartie, ils ont aussi comme autre caractéristique d’être ensuite plus fréquemment abandonnés que d’autres sports :
4« Certaines disciplines ou familles de disciplines sont plus spécialement touchées par l’abandon. Les arts martiaux, la gymnastique, la danse arrivent en tête du classement des sports abandonnés. ».1
5Cet apprentissage aide à la structuration de la première identification, celle du sexe de l’adulte en devenir. Les rôles traditionnels sont déjà mis en place. Aux filles la danse et la gymnastique : en 2002, la fédération de gymnastique, dont les licences sont détenues à 79 % par des femmes, a délivré 18 % de ses licences à des enfants de 6 ans et moins (40 000 enfants). Aux garçons le judo : la fédération de Judo-Jujitsu et disciplines associées, dont les licences sont détenues à 76 % par des hommes, a délivré en 2002 12 % de ses licences à des enfants de 6 ans et moins (60 000 enfants)2.
6Plus tard, à l’adolescence, ces sports choisis par les parents seront plus souvent abandonnés que d’autres, sans que ce renoncement signifie l’arrêt de toute activité physique et sportive. Bien au contraire, c’est davantage une marque d’indépendance, un glissement vers de nouvelles orientations, parmi lesquelles d’autres activités physiques et sportives. Cette précocité est d’ailleurs souvent la garantie d’une plus grande curiosité en matière de pratique sportive. Ces sportifs sont parmi ceux qui s’adonnent ultérieurement au plus grand nombre d’activités différentes.
Cursus scolaire et construction sociale
7L’entrée dans l’enseignement du second degré accentue la relation qu’entretiennent les APS avec le processus de construction sociale des individus. Au terme de cette période, un éventail aura été dessiné. A l’une des deux extrémités on trouvera des garçons issus de milieux favorisés dont le taux de pratique sportive est de 81 %. A l’autre extrémité des filles issues de milieux moins favorisés, dont le taux de pratique sportive ne s’élève qu’à 40 %.
8Les clivages sociaux qui positionnent les parents les uns par rapport aux autres vont entraîner des différences dans la pratique des APS par les adolescents, contribuant ainsi à alimenter les repères qui leur servent à se situer progressivement dans le système social. Ces différences deviennent, au fil du temps, de plus en plus discriminantes.
9Une première apparaît entre pratiquants et non-pratiquants d’APS en dehors du cadre scolaire. Si, entre 12 et 17 ans, une forte proportion d’adolescents fait du sport en dehors de l’école, a contrario, un petit tiers d’entre eux n’en fait pas au-delà de la stricte obligation scolaire. Le profil de cette population est assez précis : ce sont avant tout des filles appartenant à des milieux sociaux peu favorisés, dans lesquels niveau de diplôme des parents et niveau de revenu sont également faibles :
10« Pour les familles dont le niveau d’étude des parents est inférieur au baccalauréat et le revenu inférieur à 1 830 € par mois, les filles sont exclues du sport à hauteur de 55 % d’entre elles ».3
11« Ainsi sans doute plus des trois quarts des filles de familles où les parents n’ont aucun diplôme et dont les revenus sont inférieurs à 1 066 € par mois ne font pas de sport.4
12Parmi les deux tiers qui pratiquent en dehors des obligations scolaires, une seconde différence fait son apparition au cours du cursus scolaire. Entre le premier et le second cycle du secondaire, les taux de pratique sportive se modifient. Au collège, tous sexes confondus, ce taux s’élève à 69 %. Au lycée, ce même taux s’élève à 72 %, alors qu’il passe dans la filière professionnelle à 58 %. Cet écart est lié au milieux socioculturel des parents. Dans ce terme, le facteur culturel, mesuré par le niveau de diplôme, joue un rôle plus important que le facteur socio-économique mesuré par le niveau de revenu.
13« Les taux de pratique masculin et féminin chez les élèves des filières professionnelles contrastent avec ceux des élèves du même âge qui sont scolarisés dans des lycées d’enseignement général ou technique : 71 % au lieu de 81 % pour les garçons, 40 % au lieu de 63 % pour les filles ».5
14Cette différence reflète l’élaboration de la construction sociale, qui conduit progressivement les adolescents vers leur identité sociale. Pour simplifier, on peut en donner une représentation bi-polaire. Elle doit évidemment être nuancée, mais elle permet un premier cadrage utile.
15Le premier pôle est constitué de ceux qui vont au lycée, qui ont un taux de pratique sportive plus élevé que la moyenne et qui proviennent de milieux dans lesquels niveau de diplôme des parents et niveau de revenu sont élevés. A l’opposé, le second pôle est constitué de ceux qui se dirigent vers des filières professionnelles, dont le taux de pratique va en diminuant et qui proviennent de milieux dans lesquels niveau de diplôme des parents et niveau de revenu sont sensiblement plus faibles.
16« Dans les familles où aucun des parents n’est diplômé, 52 % des jeunes font du sport, contre 83 % quand un des parents est diplômé du supérieur ».6
17« Dans les foyers aux niveaux de revenu les plus élevés, 80 % des jeunes font du sport, tandis que dans les foyers moins favorisés, ils ne sont que 60 % ».7
18Ce reflet du processus de socialisation est encore davantage marqué chez les filles. La pratique des APS est d’abord affaire de garçons. Entre les deux pôles, l’écart entre les taux de pratique n’est que de l’ordre de 10 % pour eux, alors qu’il dépasse les 20 % pour les filles.
Construction sociale et choix des disciplines
19La pratique du vélo, VTT, cyclotourisme, bi-cross, trial, free-style et celle de la natation (natation, baignade, sports en piscine, plongée) ont un caractère relativement universel.
20« Les sports de loin les plus fréquents chez les adolescents sont la natation et le vélo, avec respectivement 39 et 41 % de pratiquants parmi les 12-17 ans »8
21Hormis ces deux familles de sport, le choix des disciplines pratiquées est directement influencé par le milieu socio-culturel des parents, au point qu’on pourrait parfois en venir à appliquer l’adage suivant : dis-moi quel sport tu pratiques et je te dirai quel est le niveau de diplôme et de revenu de tes parents. Une forte référence sociale est ainsi associée au choix des sports pratiqués, certains sports ayant d’ailleurs beaucoup de difficultés à se défaire de cette image sociale, spécifique à une société donnée. Il n’est que de penser à l’image du golf en France vis-à-vis de ce qu’elle peut être en Irlande ou en Ecosse.
22Ainsi, au premier pôle correspond la pratique de sports comme le ski, la voile, le golf, le tennis, l’escrime, alors qu’au second correspond celle du football, du rugby, de la boxe, de la lutte.
23« Le taux de pratique des adolescents augmente avec le niveau de revenu et de diplôme des parents. Les sports les plus marqués sont le ski et la voile, pour lesquels les taux de pratique sont plus de cinq fois supérieurs pour les adolescents des familles aux niveaux de revenu et de diplôme les plus élevés par rapport aux adolescents des milieux les plus modestes ».9 « Quelques autres sports permettent une bonne insertion des adolescents des milieux les moins aisés : c’est le cas du rugby et du football, pour lesquels les taux de pratique sont les plus forts pour les adolescents dont les parents appartiennent aux catégories de revenu les plus faibles ».10
La famille et sa pratique des Activités Physiques et Sportives
24Comme l’héritage social, l’héritage familial a des conséquences importantes sur la pratique des APS par les adolescents. Un principe d’imitation jouant à plein, cet effet se fait sentir sur différents éléments : le taux de pratique global, celui des garçons et celui des filles et enfin le mode d’exercice de la pratique.
25De façon générale, la participation des parents à la vie sociale au travers de la pratique des APS favorise la socialisation de leurs enfants et l’ampleur du phénomène est proportionnelle au degré d’engagement de la famille dans cette démarche.
26« A niveau de diplôme équivalent des parents, avoir un père qui fait du sport favorise la pratique pour les garçons comme pour les filles et réduit l’écart garçons-filles. Cette différence est même complètement gommée dès que la mère fait souvent du sport.11
27Ainsi, un degré d’engagement familial élevé favorise-t-il un degré de socialisation plus élevé des adolescents dans les modes de pratique. Pour l’inscription dans un club et la détention d’une licence, l’influence familiale est déterminante. En particulier, à milieu social donné, les enfants d’un père qui fait du sport sont, plus souvent que les autres, inscrits dans un club sportif et licenciés. Au total, les adolescents provenant de milieux favorisés et engagés dans la vie sociale auront plus souvent que les autres un mode de pratique des APS s’inscrivant dans un modèle social qui facilite leur propre intégration.
La construction extra-scolaire et extra-familiale des jeunes sportifs
28La construction sociale des individus ne s’arrête ni à la porte de l’établissement d’enseignement, ni à celle du domicile familial. Elle va au-delà, sous une forme entièrement extra-scolaire et, pour partie, extra-familiale. En particulier, deux axes contribuent à forger cette construction sociale, comme ils en sont le reflet : l’un qu’on qualifiera de « culturel » recouvre la relation des adolescents à la consommation d’informations et de spectacles sportifs, ainsi qu’à la consommation de matériel sportif, l’autre qu’on qualifiera de « spécialisation » recouvre le renforcement de la construction sociale au travers de pratiques sportives élitaires.
Comportement « culturel » et construction sociale
29On peut appréhender la relation des adolescents à une partie de la « culture » sportive au travers de leur attitude à l’égard de plusieurs produits : d’une part la consommation du spectacle sportif, que ce soit sous sa forme télévisuelle, in vivo, ou par lecture de la presse spécialisée et d’autre part la consommation de matériel sportif.
Le spectacle du sport
30Le premier enseignement des données d’enquête sur ce sujet montre que cette consommation est importante et masculine.
31« Les résultats confirment le poids de la culture sportive au sein de la population des jeunes âgés de 12 à 17 ans avec d’une part une consommation d’informations plus conséquente que la pratique du sport elle-même et d’autre part une remarquable affinité entre ces deux systèmes des investissements sportifs ».12
Importante
32Pratique et « culture » sportive sont certes liées, mais cette relation n’est pourtant pas réciproque. Alors que 69 % des adolescents ont des activités sportives extra-scolaires, quasiment neuf sur dix d’entre eux regardent des spectacles sportifs à la télévision, deux sur trois lisent la presse sportive, un sur deux assiste à des manifestations sportives. La consommation de spectacles sportifs à la télévision s’étend donc au-delà de la seule population des sportifs.
Masculine
33Cette prédominance masculine dans la consommation de « culture » sportive est directement reliée au fait que les garçons plus que les filles pratiquent le sport, et qu’ils le font plus souvent dans le cadre des clubs et des compétitions. Au total, l’écart entre garçons et filles en matière de consommation de « culture sportive » est beaucoup plus important que l’écart en matière de pratique des APS. Les rapports sont respectivement de 1 à 2,8 et de 1 à 1,3.
Socialement identifiée
34Le mode de consommation de la « culture » sportive reflète les clivages sociaux. On constate en particulier que le spectateur de rencontres sportives vient de milieux socialement modestes, alors que l’amateur de presse spécialisée appartient à des milieux plus aisés.
Le matériel sportif
35L'équipement en matériel sportif reflète parfaitement la structuration de la pratique des APS, articulée autour des appartenances sexuelle et sociale.
36« Sauf pour le matériel des plus aisés (la planche à voile, le matériel de ski ou de surf pour lesquels il n’y a plus de différence entre garçons et filles), les garçons sont toujours plus équipés que les filles. Quand on définit les populations à la fois par le revenu et le niveau de diplôme des parents, la faiblesse du taux d’équipement des jeunes filles des milieux les plus démunis confirme, pour elles, une assez forte exclusion du monde du sport »13
Renforcement de la construction sociale et comportements élitaires
37A la fin de l’adolescence, la pratique des APS peut conduire à un renforcement de la construction sociale d’une identité sportive. Précocité de la socialisation au travers de la pratique sportive, intensité de l’intégration sociale, peuvent déboucher sur des comportements à caractère élitaire.
38On constate ainsi que dans la pratique des APS la précocité de la socialisation est associée à une pratique sérieuse, même quand il y a abandon des sports d’initiation14. Toutefois, parmi ceux qui abandonnent, il y a deux populations bien distinctes : l’une est composée principalement de garçons issus de milieux favorisés qui délaissent les sports d’initiation pour passer à d’autres pratiques sportives, alors qu’une autre est principalement composée de filles provenant de milieux défavorisés qui abandonnent définitivement toute pratique sportive.
39Homme, provenant de milieux favorisés, pratiquant dans un club, licencié, pratiquant la compétition, on se trouve au sommet d’une « hiérarchie » de la pratique des APS et cette insertion complète dans le monde du sport peut déboucher sur des comportements à caractère élitaire, qui tendent à renforcer un mode particulier de construction sociale.
40Certaines des pratiques de glisse en sont un exemple particulièrement révélateur.
41Contrairement à une idée parfois reçue, le surfer n’est pas un rebelle, la réalité est tout autre. Dans la « glisse nature » (surf, snowboard, planche à voile) où la maîtrise technique est un élément essentiel, on rencontre beaucoup de garçons de milieux sociaux élevés, parfaitement intégrés au monde qui les entoure. En matière sportive, ils ont des licences dans d’autres sports, la glisse venant en complément. Elle est pour eux l’occasion de capitaliser sur des pratiques « valorisantes », un acquis fondé sur une construction antérieure.
42« les conduites corporelles de glisse ne prennent corps dans l’esprit des adolescents que par un engagement risqué conscient puisque maîtrisé par un plus grand apprentissage, dans le but d’une réalisation esthétique du mouvement ».15’Cet engagement dans des pratiques risquées est moins le fait d’une rébellion qu’une forme d’aboutissement de la construction sociale sous l’angle des activités physiques. Connaissance de soi, de ses capacités, de ses limites et capacité à maîtriser des techniques délicates apparaissent comme les acquis nécessaires à la bonne pratique de disciplines à forte « image » sociale.
43Ces comportements peuvent avoir un caractère élitaire à la fois par la qualité de ces acquis et par la taille relativement réduite de la population concernée (11 % des jeunes de 12 à 17 ans, déclarent pratiquer les disciplines de « glisse nature »)16. Au risque, pour certains adolescents, de les conduire vers une marginalisation dans laquelle la pratique sportive devient une fin en soi et éloigne d’autres vecteurs de socialisation.
La dimension collective
44Si le rapport dialectique entre la pratique des APS et la construction sociale s’inscrit dans une perspective individuelle, elle n’est pas unique. Sa dimension collective est également présente. Il représente alors, dans le domaine des APS, la relation que les adolescents entretiennent au monde dans lequel ils sont amenés à s’intégrer. Tous n’atteignent pas le degré d’adéquation au « modèle » de la pratique des APS auquel semblent parvenir les « glisseurs nature ». Dès lors, la plupart des adolescents ont besoin de se positionner vis-à-vis de ce « modèle ». Ainsi vont-ils exprimer, au travers de comportements individuels et de réponses collectives qui en découlent, leur position à l’égard de la pratique des APS qui leur est proposée.
Le positionnement individuel
45On peut l’éclairer en observant les raisons qui poussent des adolescents à ne pas ou à ne plus avoir de pratique des APS.
46Quand on interroge la population des jeunes de 12 à 17 ans sur ce qui leur déplaît dans le sport, trois facteurs interviennent de façon déterminante : les contraintes de l’entraînement, la maîtrise de la technique, le sentiment de ne pas être « bon ». Ces trois facteurs sont évoqués dans des proportions très importantes par les jeunes gens et jeunes filles qui ne pratiquent pas les APS au-delà de l’obligation scolaire (globalement une bonne moitié d’entre eux les désignent comme source de déplaisir, les filles plus que les garçons). Ces motifs restent une source de déplaisir, quoique dans de moindres proportions, chez ceux qui ont une pratique sportive en dehors de l’obligation scolaire. Chez les garçons, le sentiment de ne pas être « bon » est dominant, alors que chez les filles, les contraintes de l’entraînement restent le facteur essentiel.
47« Autant les raisons de ne pas faire du sport sont peu évoquées, autant ce qui déplaît dans le sport fait l’objet d’une expression sans nuance »17. Cette observation balise une piste liée au mode de pratique des APS. Ce balisage est renforcé quand on s’intéresse à l’intensité de la pratique. En effet, il existe un lien étroit entre cette intensité et l’appartenance à un club, induisant des modes de pratique des APS sensiblement différents selon que l’on fréquente ou non un club.
48« Si le choix de faire un sport en club dépend surtout des caractéristiques des activités choisies par les adolescents, pour une activité donnée il est incontestable que sport en club va de pair avec une plus grande assiduité de la pratique. Quelle que soit la discipline, les adolescents pratiquent plus régulièrement un sport lorsqu’ils en font en club que lorsqu’ils en font librement. En moyenne lorsque les adolescents font une activité physique et sportive en club, dans 94 % des cas ils la pratiquent plus d’une fois par semaine, contre seulement 52 % des cas pour les activités qu’ils pratiquent librement ».18
49Il se dégage ainsi l’idée que l’appartenance à un club, liée à une forte régularité de la pratique, induit une liaison robuste avec la compétition. Or, l’idée de la compétition renvoie elle-même à des références et des conditions qui ressortent comme les motifs essentiels de déplaisir pour nombre d’adolescents : contrainte de l’entraînement, maîtrise de la technique, sentiment de ne pas être « bon ».
50Ce schéma peut éloigner des adolescents de la pratique des APS. Pas tous puisque nombre d’entre eux pratiquent en dehors des obligations scolaires en dépit de ce sentiment négatif. Néanmoins, il en conduit d’autres à ne pas aller au-delà de cette obligation. Il est d’ailleurs significatif de constater que ne pas pratiquer les APS parce qu’on n’aime pas le sport, sentiment a priori sans appel, n’est pas dominant parmi les adolescents, loin s’en faut (16 % chez les garçons, 23 % chez les filles).
51En première analyse, la pratique en dehors des structures actuelles des clubs apparaît moins comme un refus d’une activité encadrée qu’une manière d’aborder la pratique des APS dans un contexte moins exigeant, plus tourné vers un plaisir, individuel ou partagé et moins coûteux pour certains. Ainsi : « La différence entre adhérents à un club et autres sportifs se remarque aussi sur la période de pratique : beaucoup d’adolescents font certains sports uniquement pendant les vacances ; lorsque ceux-ci sont en club, quasiment tous pratiquent pendant toute l’année la discipline en question. Par exemple, parmi les adolescents qui déclarent faire de l’équitation, 70 % de ceux qui ne sont pas en club en font seulement pendant les vacances, contre 21 % pour les autres, respectivement 51 % contre 7 % chez les pratiquants de tennis. De manière générale, seulement 5 % des pratiques en club déclarées par les adolescents ont lieu uniquement pendant les vacances, contre près de 40 % de leurs pratiques libres ».19
Les réponses collectives
52Quand on s’intéresse aux éléments collectifs dont les caractéristiques ont un effet sur les comportements vis-à-vis de la pratique des APS, il paraît légitime de penser que le refus d’une pratique fortement structurée est pour partie liée à une capacité d’offre inadaptée aux désirs des adolescents. Sans doute ce phénomène n’est-il pas nouveau. Simplement peut-on s’interroger aujourd’hui sur son ampleur. A cet égard, la politique d’adaptation de l’offre à la demande menée par l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) ces dernières années, présente la particularité d’être éminemment exemplaire. Cette fédération, parmi d’autres, s’intéresse de façon de plus en plus déterminée à ce phénomène.
53De façon générale, les adhérents à l’UNSS, à savoir de l’ordre de 20 % des effectifs scolarisés dans les collèges de l’enseignement public, se caractérisent par le fait qu’ils souhaitent fane du sport au-delà des strictes obligations scolaires, dans une structure disposant d’un encadrement qui demeure dans le contexte scolaire.
54Cette population peut être subdivisée en deux sous-populations bien distinctes et de taille égale : une moitié des licenciés à l’UNSS souhaite une pratique dans le cadre de compétitions traditionnelles. L’autre moitié souhaite pratiquer le sport dans des conditions différentes. Pour répondre à ce besoin, l’UNSS a développé, depuis quelques années, des « offres » adaptées aux désirs de cette partie des licenciés : compétitions entre établissements scolaires faisant intervenir différentes disciplines sportives, pratiquées selon des règles qui ne sont pas nécessairement celles de la discipline reconnues par la fédération correspondante, mais qui permettent une rencontre entre adolescents souhaitant pratiquer la même activité sportive (par exemple, match de basket entre équipes de trois joueurs). Si cette situation n’est pas nouvelle, c’est bien son ampleur qui l’est. La moitié de l’effectif des licenciés d’une fédération importante est une donnée évidemment importante.
55Ainsi, peut-on considérer comme une piste de recherche ultérieure, la conclusion provisoire suivante : dans une grande majorité les adolescents ne refusent pas la pratique sportive, probablement sont-ils même plus nombreux aujourd’hui à vouloir faire du sport qu’il y a trente ans. Le niveau des compétitions s’est fortement élevé, dans toutes les catégories, entraînant une contrainte plus forte pour les sportifs (plus d’entraînement, meilleure maîtrise technique). En conséquence, la pratique sportive en club s’est probablement « durcie », ces derniers étant tournés prioritairement vers l’objectif de la compétition. Néanmoins, nombre d’adolescents n’ont pas l’intention d’adhérer à cette démarche et ils expriment massivement leur volonté d’insertion dans le monde, pour la pratique des APS, hors le seul « modèle » du compétiteur. Se pose alors la question de l’adaptation de l’offre à la demande, pour laquelle certaines fédérations apportent déjà des éléments de réponse.
Notes de bas de page
1 in P. Mignon : Initiation, abandon ou filière, le poids du passé sportif des adolescents, (infra Chap 4)
2 Enquête annuelle auprès des fédérations sportives agréées (Ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative)
3 in (G. Truchot : L’absence de pratique sportive entre éviction sociale et méconnaissance du sport, (infra Chap 3)
4 in (G. Truchot : L’absence de pratique sportive entre éviction sociale et méconnaissance du sport, (infra Chap 3)
5 in J. Muller : La pratique sportive des adolescents dépend avant tout de leur milieu socio-culturel, (infra Chap 2)
6 in L.Muller : La pratique sportive des adolescents dépend avant tout de leur milieu socio-culturel (infra Chap 2)
7 in L.Muller : La pratique sportive des adolescents dépend avant tout de leur milieu socio-culturel (infra Chap 2)
8 in E.Liverneaux : Une grande diversité de disciplines pratiquées, (infra Chap 6)
9 in E.Liverneaux : Une grande diversité de disciplines pratiquées, (infra Chap 6)
10 in E.Liverneaux : Une grande diversité de disciplines pratiquées, (infra Chap 6
11 in L.Muller : La pratique sportive des adolescents dépend avant tout de leur milieu socio-culturel (infra Chap 2).
12 in B.Lefevre : La consommation d’informations et de spectacles sportifs : un pilier de la culture sportive des adolescents (infra Chap 9)
13 G.Truchot : Les adolescents différemment équipés en matériels sportifs (infra Chap 10)
14 P.Mignon : Initiation, abandon ou filière, le poids du passé sportif des adolescents, (infra Chap 4)
15 in E.Burlot : Les pratiquants de glisse sur-engagés dans le sport (infra Chap 8)
16 in E.Burlot : Les pratiquants de glisse sur-engagés dans le sport (infra Chap 8)
17 in G.Truchot, Y.Petrova : les représentations du sport moins différenciées que les pratiques, (infra Chap 5)
18 in E.Liverneaux : pratique sportive « libre » et pratique sportive en club plus complémentaires qu’opposées, (infra Chap 7)
19 in E.Liverneaux : pratique sportive « libre » et pratique sportive en club plus complémentaires qu'opposées, (infra Chap 7)
Auteur
Chef de la mission « Bases de Données et Informations Statistiques », ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Pékin 2008
Regards croisés sur la performance sportive olympique et paralympique
Institut national du sport et de l'éducation physique (dir.)
2008
La pratique des activités physiques et sportives en France
Enquête 2003 – Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative Ministère de la Culture et de la Communication, Insee
Hervé Canneva (dir.)
2005
Les pratiques sportives en France
Enquête 2000
Ministère de la Jeunesse des Sports et de la Vie associative, Institut national du sport et de l'éducation physique, Patrick Mignon et al. (dir.)
2002
Données et études statistiques : jeunesse, sports et vie associative
Recueil des travaux et publications de la Mission statistique de 1999 à 2004
Sandrine Bouffin, Myriam Claval et Hervé Savy (dir.)
2006