Préface
p. 7-8
Texte intégral
1Citius, citius, citius !
2Toujours plus vite et accélérer encore. Bienvenue dans le monde de la haute intensité, où la moindre minute, la moindre seconde, voire le moindre centième à gagner compte. Une injonction autant qu’un mantra.
3Pourtant, s’il n’échappe à personne que le 100 m en athlétisme ou en natation est avant tout une affaire de vitesse, j’ai pu constater en 15 ans comme consultant sur les grands championnats d’athlétisme chez France Télévision et après de nombreux échanges avec des téléspectateurs, que l’importance de la vitesse dans le sport est sous-estimée. Il n’est pas rare, en effet, de voir un spectateur s’extasier devant la force du lanceur de poids, là où s’exprime à l’abri des regards profanes, de grandes qualités de vitesse. Car dans cette discipline régie par les lois de la balistique, aller loin signifie avant tout d’aller vite.
4De même, il n’est pas rare non plus de voir ce même spectateur louer la détente du sauteur en hauteur, là où encore, dans la plus grande discrétion, la vitesse est à l’œuvre. Ici, la capacité à arriver au pied du sautoir avec beaucoup d’énergie et donc potentiellement à sauter haut, repose sur la vitesse à l’impulsion.
5Si pour ces deux exemples la vitesse n’est bien évidemment pas une condition suffisante, elle n’en reste pas moins une condition nécessaire et l’athlétisme est loin d’être le seul sport dans ce cas. En effet, la capacité à faire la différence sur les sacro-saints premiers appuis, dans des sports pour lesquels les efforts sont brefs, mais répétés est devenue le Graal. Or à l’exception des sports d’endurance en plein essor, que sont le marathon, le trail, le cyclisme sur route, le triathlon, le raid etc. tous les sports sont invités à se revisiter à la lumière des connaissances en matière d’entraînement de la haute intensité.
6Qu’on le regrette ou non, le sport moderne ne fera que sacraliser d’avantage, d’une part la vitesse dans les filières énergétiques de la haute intensité, anaérobie alactique ou lactique, et d’autre part la capacité à préserver cette qualité dans le temps de course ou de jeu.
7Le sport de ce début de millénaire, est bien différent de celui qui se pratiquait à la fin du précédent. Si les sports historiquement centrés sur les dimensions énergétiques et biomécaniques, tels que l’athlétisme, l’aviron, le canoë-kayak course en ligne, la natation pour ne citer que ceux-là, ont toujours placé la haute intensité au centre de la réflexion pour nombre de leurs disciplines, cela n’a pas toujours été le cas pour les sports collectifs et pour des sports de raquette tels que le tennis.
8Se caractérisant tous par des durées de jeu assez longues, allant de 40 à 90 minutes de temps effectifs, la tentation a été grande d’orienter la préparation physique prioritairement, vers un travail de développement de la filière aérobie.
9C’en est fini aujourd’hui. Le football et Kylian Mbappe l’ont en effet brillamment rappelé durant l’été 2018. La faculté, hors norme pour ce sport, du gamin de Bondy à répéter des courses à haute intensité a tout simplement redéfini « les règles du jeu » pour les spécialistes qui n’avaient jamais rien vu de comparable auparavant. À chaque révolution, ses réactionnaires ! Celle ouverte par le numéro 10 de l’équipe de France n’échappe pas à la règle. Avec ce jeune prodige, plus besoin de milieux, ou presque, la passe décisive pouvant venir dans le dos de 50 m depuis sa défense centrale. Certains de ceux pour qui le jeu se construit patiemment au milieu, par la possession et les redoublements de passes à la sauce catalane, comprenant qu’avec ce type de joueur le rôle des milieux de terrain pouvait être réduit, ont d’ailleurs renâclé à reconnaître le talent footballistique de celui qui fut flashé à 37 km/h en Russie, lors du huitième de finale de la Coupe du monde face à l’Argentine.
10Place maintenant à la vitesse, à l’accélération initiale, à la puissance ou à la force vitesse, plus encore qu’au maintien et à la vitesse maximale qui ne peut que rarement s’exprimer. Au développement de l’endurance, les entraîneurs et préparateurs physiques ont donc préféré la puissance, « le couple à bas régime », la vitesse et son endurance à l’épreuve du temps de jeu.
11Dans cette période de bouleversement où les repères se perdent et imposent de nouveaux engagements intellectuels et techniques, comment accrocher le bon wagon et adopter les bonnes pratiques ? Ce livre est un point de départ dans ce chaos d’intensité. Premier ouvrage en langue française, il vous propose une synthèse parfaitement documentée et illustrée des connaissances sur l’effort de haute intensité. Il m’a passionné et je suis certain qu’il vous passionnera.
12Il n’aborde, ni ne nie, les dimensions technique et tactique du sport. Là n’est pas son propos. Son propos est de justifier la place de la haute intensité au cœur de la pratique de haut niveau. Avant de conclure, j’aimerais m’adresser à vous les entraîneurs ou préparateurs physiques, débutants ou peu expérimentés, s’occupant de sports collectifs. Vous qui pourriez être les plus dubitatifs quant à l’intérêt de la lecture de cet ouvrage. Même si tactique et technique sont pour vous l’alpha et l’omega de la performance, lire les pages qui suivent vous permettra d’étendre le champ des possibles en enrichissant vos connaissances et vos compétences. Les gains de puissance ou de vitesse n’ouvrent, il est vrai, que parfois la porte à de nouvelles aptitudes techniques, la puissance n’étant rien sans maîtrise. Cependant, le jeu sans ballon ou à distance du ballon, prenant une importance majeure dans tous les sports collectifs, exigera toujours d’avantage, que les joueurs soient de plus en plus des athlètes (explosifs) par intermittence et des artistes à part entière… à moins que ce ne soit l’inverse !
13La société, comme le sport que nous chérissons, changent et s’accélèrent. Nous ne sommes plus simplement engagés dans un marathon, nous sommes les participants à un sprint d’endurance qui soumet le corps à de nouveaux défis. Aller toujours plus vite ne suffit plus. Pour faire la différence, il faut encore accélérer, gagner la haute intensité.
14Bonne lecture
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Individualisation de l'entraînement
Réflexions et exemples dans le sport de haut niveau
Adrien Sedeaud et Claude Colombo (dir.)
2022
Les Défis de l'Olympisme, entre héritage et innovation
Approches historique, sociale et managériale du mouvement olympique
Nicolas Chanavat, Arnaud Waquet et Arnaud Richard (dir.)
2021
Sports à haute intensité
Mieux comprendre la performance pour mieux l'entraîner
Christine Hanon (dir.)
2019