Introduction de la partie 5
D’une nécessaire individualisation du suivi nutritionnel à une gestion collective des besoins personnels
p. 206-207
Texte intégral
1Ces dernières années, la nutrition du sportif a fait l’objet d’un intérêt particulier des sciences du sport avec un nombre important de nouvelles connaissances résumées dans le chapitre précédent. Cependant, ces changements s’opèrent également « sur le terrain ». Jusqu’ici, au sein du staff, un médecin, un kinésithérapeute ou un préparateur physique avait souvent la charge de la gestion des repas et des suppléments alimentaires. Dorénavant, la présence de diététiciens nutritionnistes est de plus en plus fréquente afin de suivre individuellement et conseiller chaque sportif pour leur permettre d’optimiser leur alimentation en fonction des entraînements, des compétitions et de leurs objectifs personnels. Ainsi la nutrition d’un footballeur n’est plus seulement optimisée lors du repas d’avant ou d’après-match, mais devient un centre d’intérêt majeur au quotidien, son rôle dans la performance et la prévention des blessures étant maintenant clairement établi.
2Comme l’explique la partie précédente, chaque sportif a à la fois des besoins spécifiques suivant sa morphologie ou son métabolisme, mais également ses objectifs propres. Par exemple, un jeune joueur un peu trop léger pour son poste (défenseur, milieu de terrain) n’arrivant pas à répondre dans les duels lors d’un changement de catégorie (passage du centre de formation à l’équipe professionnelle) peut chercher à prendre en masse musculaire. Après les périodes de trêve où les joueurs peuvent faire quelques excès, certains sportifs peuvent chercher à perdre de la masse grasse. Enfin, certains joueurs prennent conscience lors d’une blessure qu’ils doivent faire plus attention à leur hygiène de vie, notamment à l’alimentation et à l’hydratation, et demandent alors un rééquilibrage alimentaire. Plusieurs contraintes peuvent s’ajouter à la disparité des besoins et objectifs individuels. Prenons par exemple la culture du sportif : du fait de la mondialisation du football où les plus grands clubs recrutent à l’international (plus de dix nationalités différentes venant de quatre continents en 2020-2021 au LOSC), il existe au sein de ces clubs des disparités alimentaires, diverses cultures culinaires, des produits consommés très différents, mais aussi des croyances et des religions multiples. Il est alors nécessaire de trouver des solutions afin qu’aucun sportif ne se sente lésé ou exclu du groupe. Cela passe par l’utilisation d’aliments halal ou casher, la proposition d’animations à la restauration (ex. : repas brésilien ou créole) pour que les joueurs fassent découvrir leur culture aux autres. Le diététicien nutritionniste peut également discuter des habitudes alimentaires du pays pour proposer des produits similaires.
3Prenons également l’exemple de la supplémentation : si la base de la supplémentation est la même pour tout le groupe, une individualisation est indispensable dans de nombreux cas de figure. Ainsi, un sportif plus âgé, blessé, surveillant son poids, ayant des problèmes digestifs ou des problèmes pour dormir fera l’objet d’un suivi particulier sur le type de suppléments, leur quantité et leur fréquence. Il est également important de tenir compte du poste du joueur ou de son statut de titulaire ou de remplaçant pour adapter au mieux le programme alimentaire à ses besoins physiologiques.
4Cependant, travailler avec un groupe de sportifs, qu’il s’agisse d’un sport individuel ou collectif, apporte des complications dans l’individualisation. Cela commence par les nombreux moments où les sportifs partagent un repas, par exemple lors d’une « mise au vert » avant un match (phase pré-compétitive généralement de la veille au soir jusqu’au match). Comment peut-on totalement individualiser la nutrition de vingt-cinq joueurs quand le repas est pris de manière collective ? Il serait évidemment idéal de pouvoir proposer un menu différent et personnellement adapté aux besoins de chacun des sportifs. Mais dans la majorité des cas, cela n’est pas possible en raison d’un manque de moyens financiers, techniques ou humains. Ainsi, il faudra prévoir assez de choix pour convenir aux goûts, intolérances et croyances de tous les joueurs sans pour autant préparer un repas différent pour chacun d’entre eux. De même, les cuissons seront le plus neutre possible avec la possibilité d’ajouter des condiments si besoin dans leurs assiettes respectives : sel, poivre, épices, herbes aromatiques, etc. Ainsi, chacun peut adapter le plat à son goût. La cuisine sera également faible en matières grasses et avec des portions adaptables pour répondre aux besoins en macronutriments et aux objectifs de manière individuelle. Il est ainsi possible de diminuer ou d’augmenter la quantité de féculents, de commander plus ou moins de protéines (viandes, poisson, œufs), de choisir sa portion de légumes, etc.
5Chaque sportif pourrait également manger à son domicile pour plus de facilités. Mais est-ce que la vie de groupe n’a pas son importance dans la réalisation de performances ? Le Chapitre 12 « De l’individu au collectif : un aller-retour » va justement nous permettre de comprendre et d’appréhender le management qui intervient dans le choix de l’effectif et son rôle sur les performances sportives. Nous y verrons que l’assemblage d’individualités, aussi talentueuses soient-elles, n’est pas systématiquement synonyme de performance collective. Ainsi, l’apport de la cohésion d’un collectif pourra avoir un effet bénéfique, que ce soit pour chaque individu ou pour le groupe. Par exemple, les joueurs les plus expérimentés pourront guider les plus jeunes vers de bonnes pratiques, qu'elles soient sportives ou nutritionnelles. Ces échanges peuvent également permettre une meilleure adhésion des protocoles mis en place par le staff. Enfin, les repas sont autant de moments de partage et de cohésion qui permettent au staff et aux joueurs de créer des liens qui seront, à n’en pas douter, au service de leur performance collective.
Auteur
Lille Olymique Sporting Club
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