Premier chapitre. Le rôle précurseur du Conseil de l’Europe
p. 63-84
Texte intégral
1Le Conseil de l’Europe est une institution de coopération intergouvernementale, institué en 1949 par dix pays fondateurs. Outre la défense des droits de l’homme et le renforcement de la démocratie, ses buts essentiels sont la recherche de solutions aux problèmes de société et l’émergence d’une identité culturelle européenne.
2Dans cet esprit, le Conseil de l’Europe s’attache à promouvoir la coopération entre les pays membres, à harmoniser leurs politiques et à susciter des pratiques communes, par le biais de conventions qui lient les États signataires, ou par des recommandations et résolutions plus indicatives. Défenseur de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales élaborée en 1950, le Conseil de l’Europe est également la première institution européenne à avoir manifesté un véritable intérêt pour le sport. Après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement du bloc soviétique, le Conseil de l’Europe s’est ouvert aux pays de l’Est, dont les admissions se sont succédé ; il compte désormais quarante-sept États membres.
3Bien que tous les États membres de l’Union européenne soient aussi membres du Conseil de l’Europe, ces deux organisations internationales restent parfaitement distinctes.
1. Aspects institutionnels
4Les deux principaux organes du Conseil de l’Europe sont :
Le Comité des ministres : composé des ministres en charge des affaires étrangères de ses quarante-sept États membres ou de leurs représentants permanents à Strasbourg, il exerce un pouvoir de décision. Réuni au moins deux fois par an, il décide des orientations, adopte le programme d’activités et le budget du Conseil de l’Europe.
L’Assemblée parlementaire : rassemblant trois cent dix-huit délégués désignés par les parlements nationaux dont ils sont membres, elle propose des orientations au Comité des ministres et constitue un lieu de délibération. Entre ses réunions plénières, la continuité est assurée par une commission permanente.
5Dans le domaine du sport, il existe depuis1 975 une Conférence des ministres européens responsables du sport, qui se réunit tous les trois ans, mais qui peut aussi se tenir de façon informelle dans l’intervalle 1. Cette conférence a un pouvoir de proposition et de recommandation auprès du Comité des ministres.
6La Conférence des ministres des sports s’est largement appuyée sur les travaux réalisés par le Comité directeur pour le développement du sport (CDDS). Il s’agissait d’une instance créée en 1977, réunissant les hauts fonctionnaires des pays membres du Conseil de l’Europe et ceux des pays adhérents à la Convention culturelle européenne ouverte en 1954, ainsi que des représentants d’organismes non gouvernementaux. Ce Comité, qui a mené de multiples activités et élaboré de nombreux documents sur le sport dans le cadre des programmes initiés par le Conseil de l’Europe, a été supprimé en 2006 pour des raisons budgétaires. Il a été remplacé par un Accord partiel élargi sur le sport (APES), alimenté à partir des contributions volontaires des États membres intéressés par une coopération dans ce domaine. En 2008, l’APES rassemblait une trentaine d’États parties.
7Par ailleurs, le secrétariat général du Conseil de l’Europe dispose d’une direction de la Jeunesse et du Sport. Enfin, la commission de la Culture et de l’Éducation de l’Assemblée parlementaire comprend une sous-commission de la Jeunesse et du Sport qui examine notamment les projets de textes dans ce domaine soumis à l’approbation de l’Assemblée.
2. Les initiatives du Conseil de l’Europe
8Les activités du Conseil de l’Europe en matière de sport s’inscrivent dans le cadre de la Convention culturelle européenne établie depuis 1954. Le CDDS, mais aussi le Fonds pour le sport, créé en 1978 et alimenté par une contribution volontaire des États adhérents à la Convention culturelle, ont été les instruments concrets de mise en œuvre du volet sportif de cette convention. Ses deux axes majeurs d’intervention qu’ont été la promotion du sport pour tous et la lutte contre les dérives du sport demeurent encore aujourd’hui, en dépit de la suppression du CDDS et du Fonds pour le sport.
9Depuis la première résolution relative au sport, adoptée par le Comité des ministres en 1967, une centaine d’autres a suivi à ce jour. Parmi les documents les plus significatifs émanant du Conseil de l’Europe, il convient de mentionner la Charte européenne du sport pour tous adoptée en 1975, mise à jour en 1992 sous le nom de nouvelle Charte européenne du sport, et complétée par le Code d’éthique sportive.
10Par ailleurs, deux conventions importantes ont été adoptées sous son égide et ouvertes à la signature des États. Il s’agit, tout d’abord, de la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matchs de football, adoptée en août 1985, peu après la catastrophe du Heysel. D’autre part, une Convention contre le dopage a été promulguée en novembre 1989 par le Conseil de l’Europe, faisant suite aux nombreuses résolutions adoptées sur ce sujet depuis 1967. Il est à noter que ces deux conventions ont été dotées d’un comité permanent de suivi (cf. infra).
11Depuis sa première réunion en 1975, la Conférence des ministres responsables du sport a pour sa part adopté de nombreuses résolutions, dont une grande partie a ensuite été retenue par le Comité des ministres. Enfin, dans le cadre du CDDS, ont été organisés de multiples séminaires et réalisées de très nombreuses études, portant sur des sujets aussi divers que le sport pour les enfants, les équipements sportifs, la promotion du sport auprès des publics défavorisés, les politiques sportives des États membres, etc. Ces travaux font référence et ont contribué de façon décisive à l'élaboration de ce qu’on a pu appeler « le corps de doctrine européen sur le sport ».
12Ainsi le Conseil de l’Europe a, jusqu’à récemment, joué un rôle moteur dans la prise en compte des questions sportives au niveau européen, exerçant par là même une sorte de « magistère moral ». Cependant, alors que son approche reste marquée par une conception humaniste, celle de l’Union européenne est plus pragmatique et aborde davantage le sport sous son angle économique.
2.1. La Charte européenne du sport et le Code d’éthique sportive
13La Charte européenne du sport, adoptée en 1992 et révisée en 2001, définit en treize articles le cadre général d’une politique en faveur des sports, à laquelle tous les pays européens ont souscrit. Les gouvernements signataires s’y engagent à offrir aux citoyens, en coopération avec le mouvement sportif, la possibilité de faire du sport dans de bonnes conditions. Selon cette charte, le sport doit être accessible à tous les citoyens, permettre à tous les jeunes de développer leurs aptitudes de base et pouvoir être pratiqué dans un environnement sûr et sain. Dans cette optique, les gouvernements se doivent de « protéger les bases morales et éthiques du sport, ainsi que la dignité et la sécurité de ceux qui y participent ». La Charte a ensuite été complétée par le Code d’éthique sportive qui valorise le fair-play en tant qu’élément constitutif et valeur intrinsèque du sport.
2.2. La promotion de la tolérance dans le sport et de l’esprit sportif
14La huitième Conférence des ministres européens responsables du sport, qui s’est tenue en 1995 à Lisbonne, a notamment adopté un manifeste européen sur les jeunes et le sport, ainsi qu’une résolution sur la tolérance et le sport. À la suite de cette réunion, le CDDS a organisé trois tables rondes sur « le sport, la tolérance et l’esprit sportif », qui se sont tenues successivement en 1996 aux Pays-Bas, en 1998 à Lisbonne, et en 2000 à Chypre. Visant à décliner des actions de sensibilisation ciblées sur des publics spécifiques selon les pays, ces réunions ont suscité beaucoup d’intérêt, au vu du phénomène récurrent que constituent les manifestations de violence et de racisme qui se produisent à l’occasion de nombreuses rencontres sportives.
2.3. La coopération en direction des pays de l’Est
15Depuis 1990, le Conseil de l’Europe s’est élargi à une vingtaine de pays de l’Europe de l’Est. Pour faire face à cette ouverture et aider les nouveaux membres à réformer leurs structures sportives, le CDDS a mis en place, dès 1991, un programme de coopération et d’assistance intitulé « Sprint » (Sports Reform Innovation and Training). Ce programme a pour objet essentiel la démocratisation du mouvement sportif et le développement du sport pour tous. Il vise aussi la prévention et la lutte contre les maux qui menacent le sport, tels le « hooliganisme », le dopage et les phénomènes de discrimination physique ou raciale dans le sport. Le programme comporte des échanges d’experts et des séminaires portant sur la législation sportive, les structures sportives de base ou de niveau fédéral, la répartition des responsabilités entre les différents niveaux, les modes de financement du sport, la formation à la gestion ou la promotion du bénévolat. Initialement ouvert à quatre pays, le programme « Sprint » en concerne à présent vingt-deux.
2.4. Le dispositif EUROFIT
16Il s’agit d’une batterie de tests mis au point en 1993 à l’intention des jeunes scolaires européens, et destinés à évaluer leurs aptitudes physiques de la même manière partout en Europe. Ces tests, qui portent entre autres sur la force, la souplesse, la vitesse et l’endurance, ont été mis en œuvre dans de nombreux établissements scolaires européens. Il existe également une version adaptée aux adultes de tous âges.
3. Les actions partagées entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
17Les liens entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sont nombreux et les contacts fréquents. Dans le domaine du sport, les avancées réalisées par le Conseil de l’Europe ont été reprises par l’Union européenne, qui les considère comme un acquis. Si, à l’origine, l’on pouvait penser que la dimension sociale et culturelle du sport relevait du seul Conseil de l’Europe tandis que sa dimension économique était davantage prise en compte par la Communauté européenne, cette dichotomie tend de nos jours à s’estomper, car l’Union européenne s’efforce à son tour de prendre en compte le sport dans sa globalité et de tenir compte de ses spécificités. On observe donc aujourd’hui une certaine imbrication de leurs démarches respectives en faveur du sport, même si les périmètres d’action et les modes d’intervention se distinguent clairement. On peut ainsi constater que la lutte contre les maux qui menacent le sport, tels le dopage et la violence, a mobilisé les instances communautaires au cours de la période récente et que les initiatives de l’Union européenne en ce domaine tendent de plus en plus à relayer certaines démarches engagées initialement sous l’égide du Conseil de l’Europe. À chaque fois, il s’agit d’actions convergentes, menées selon des modalités distinctes, et motivées par des préoccupations partagées, tant du point de vue de la santé et de l’ordre publics que de l’éthique sportive.
3.1. La lutte contre la violence dans les stades
18Depuis de nombreuses années, toute l’Europe est touchée par la multiplication des actes de violence entre supporteurs rivaux lors des rencontres sportives, notamment les matchs de football. Ce phénomène, parfois nommé « hooliganisme », fait peser une menace sur la sécurité des spectateurs et sur le déroulement même des rencontres sportives, tout en portant atteinte à l’image du sport, incitant ainsi très tôt les gouvernements nationaux à prendre des mesures préventives et répressives pour l’endiguer.
19Néanmoins, comme les hooligans peuvent franchir les frontières et sont enclins à perturber les rencontres internationales très médiatisées, la nécessité de définir un cadre commun et d’instaurer une coopération entre les autorités sportives et policières des pays concernés s’est progressivement imposée.
20À cet égard, le drame du stade du Heysel, près de Bruxelles, lors de la finale de la Coupe d'Europe des champions en mai 1985, et au cours de laquelle trente-huit supporteurs ont péri écrasés, a contribué à précipiter l’adoption, par le Conseil de l’Europe en août de la même année, d'une convention destinée à lutter contre la violence dans le sport. À partir de ce fondement, de multiples développements ont suivi, à l’initiative soit du Conseil de l’Europe, soit de l’Union européenne, soit encore des différents États.
3.1.1. L’action du Conseil de l’Europe, et la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs
21Dès le début des années quatre-vingt, le Conseil de l’Europe a encouragé une réflexion commune des Etats membres et des différents partenaires européens du sport pour tenter d’apporter des solutions à la violence récurrente qui entachait les manifestations sportives. Résultant de ces travaux, la Convention européenne « sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matchs de football » a été ouverte à la signature des États membres et non-membres le 19 août 1985, et ratifiée à ce jour par plus de trente États2.
22Cette convention prévoit, en son article 1er, que les parties s’engagent à prendre un certain nombre de dispositions en vue de prévenir et de maîtriser la violence et les débordements de spectateurs lors des matchs de football.
23L’article 2 de la Convention énonce que les parties coordonnent leur politique et leurs actions par la mise en place d’organes de coordination.
24L’article 3 énumère des mesures qui visent, entre autres, à mobiliser des services d’ordre suffisants, à faciliter une coopération étroite et un échange d’informations appropriées entre les forces de police, à adopter une législation prévoyant des peines pour les personnes reconnues coupables d’infractions. Il est également prévu d’encourager les clubs de supporteurs et les agents désignés en leur sein à faciliter le contrôle et l’information des spectateurs, et à accompagner les groupes de supporteurs visiteurs.
25Le même article mentionne l’organisation des déplacements, afin d’empêcher le départ de fauteurs de trouble éventuels, et les mesures à prendre aux abords et à l’intérieur des stades pour prévenir ou maîtriser la violence et les débordements, notamment : une conception appropriée des stades, la séparation des supporteurs rivaux, le contrôle de la vente des billets, l’exclusion des fauteurs de troubles connus ou potentiels, un système efficace de communication avec le public, l’interdiction de boissons alcoolisées dans les stades, la mise en place de contrôles dans le but d’empêcher les spectateurs d’introduire dans l’enceinte des stades des objets dangereux, la mise à disposition enfin d’agents de liaison collaborant avec les autorités concernées pour contrôler la foule.
26L’article 4 souligne la nécessité d’une coopération internationale, à la fois entre les gouvernements et les autorités sportives, lorsque les débordements de spectateurs sont à craindre. Des consultations doivent avoir lieu en ce qui concerne les dispositions et précautions à prendre avant, pendant et après le match.
27L’article 5 concerne l’identification et le traitement des contrevenants. Il précise que les spectateurs commettant des actes de violence doivent être poursuivis. Le cas échéant, les parties ont la possibilité d’extrader les suspects ou de faire purger leur peine aux condamnés dans leur pays d’origine.
28L’article 6 de la Convention énumère les mesures complémentaires que les parties s’engagent à prendre :
coopérer étroitement avec les organisations sportives nationales ainsi qu’avec les propriétaires de stades, afin d’améliorer la sécurité et prévenir la violence,
promouvoir l’établissement d’un système de critères pour la sélection des stades du point de vue des conditions de sécurité,
encourager les organisations sportives nationales à réviser d’une manière permanente leurs règlements, afin de contrôler les facteurs de nature à engendrer des explosions de violence.
29Enfin, les articles 8 et 9 créent un comité permanent qui se réunit au moins une fois par an, afin de mettre en œuvre les dispositions de la Convention et d’en suivre l’application.
30Au cours des ans, ce comité permanent de suivi a pris de nombreuses initiatives et a formulé plusieurs recommandations. Ainsi, en juin 1993, il a adopté une recommandation qui préconise soixante-dix mesures à prendre par les organisateurs de matchs, pour assurer la sécurité des spectateurs dans et aux abords des stades. Parmi ces mesures, figurent notamment l’installation de zones clôturées, la suppression des places debout dans les stades, l’interdiction de la vente et de la consommation d’alcool dans, comme aux abords des stades, ou le recensement des fauteurs de troubles et leur classement en trois catégories selon leur degré de dangerosité.
31Puis, une nouvelle recommandation a été adoptée en mars 1994, concernant des mesures comparables à prendre pour les manifestations à haut risque organisées en salle.
32Ces propositions ont été, pour l’essentiel, retenues et mises en application par les différents gouvernements et par l’UEFA.
33En 1995, le comité permanent de la Convention s’est doté d’un règlement intérieur qui précise notamment le mode de désignation, par chaque gouvernement, de ses délégués.
34En 1997, il a adopté une délibération invitant les parties à retirer les palissades et les barrières à l’intérieur des stades, sous réserve que des mesures de sécurité compensatoires soient mises en place. En 2002, il a proposé une recommandation concernant les directives pour la vente des billets lors des matchs de football internationaux, et en 2008 enfin, une recommandation sur l’utilisation de stadiers visiteurs, comme mesures complémentaires visant à renforcer les dispositifs locaux de sécurité3.
35En dépit de ces évolutions, on peut se demander si la Convention européenne de lutte contre la violence permet de répondre aux nouvelles formes d’un hooliganisme plus mobile et mieux organisé. Ainsi, dès novembre 1999, les parlementaires du Conseil de l’Europe, prenant acte du durcissement du hooliganisme dans le football, avaient proposé toute une série de mesures, notamment dans la perspective de l’Euro 2000, telles que le renforcement de la prévention sociale, l’accompagnement des supporteurs dans leurs déplacements, la mise en œuvre préalable de plans de sécurité ou la création de centres permanents de renseignements sur le football dans chaque pays4. Fin novembre 1999, à l’issue d’une conférence européenne sur les dimensions sociales du football organisée sous son égide, les représentants des fédérations de football et des gouvernements de vingt pays participants se sont d’ailleurs déclarés préoccupés par l’évolution du hooliganisme, le développement du racisme dans le sport et sa promotion sur Internet.
36En juin 2003, une nouvelle conférence a été organisée à Lisbonne (Portugal), sur le rôle des collectivités locales et régionales dans la prévention de la violence lors d’évènements sportifs et, notamment, des matchs de football, conférence à l’issue de laquelle une déclaration a été adoptée. Elle préconise notamment l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques en matière de prévention aux niveaux local et régional. Ce document a été établi par le comité permanent sous la forme d’un manuel, et proposé par une recommandation la même année5.
3.1.2. L’action de l’Union européenne
37On notera tout d’abord que la Convention du Conseil de l’Europe de 1985 constitue un acquis pour l’Union européenne, tous ses États membres l’ayant ratifiée.
38Bien qu’intervenant plus tardivement, l’Union européenne a aussi pris des initiatives significatives, essentiellement par la voie du Conseil et du Parlement. Son intervention dans le domaine de la lutte contre la violence dans le sport est en effet fondée sur la coopération des services policiers et judiciaires des États membres, qui relève du « troisième pilier » de l’Union européenne.
39Ainsi, le Conseil a adopté successivement :
Une recommandation, le 30 novembre 1993, concernant la responsabilité des organisateurs de manifestations sportives.
Deux recommandations, le 1er décembre 1994, concernant respectivement l’échange d’informations lors de grandes manifestations et l’échange direct d’informations avec les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) dans le domaine des manifestations sportives internationales ; dans chaque cas, la création d’un réseau de correspondants a été préconisée.
Une recommandation du 22 avril 1996 sur les orientations visant à prévenir et à endiguer les troubles susceptibles de se produire lors des matchs de football, prise en prévision du championnat européen de football de 1996 au Royaume-Uni, l’Euro 96. Ce texte, qui comporte en annexe une présentation type pour l’échange des renseignements de police sur les hooligans du football, prévoyait :
l’échange entre les États membres et par l’intermédiaire du réseau des correspondants créé en 1994, de rapports d’informations rédigés par les services de police nationaux sur les groupes de supporteurs violents ;
l’organisation de formations communes pour les officiers de police des différents États membres, ainsi qu’un échange portant sur les techniques de prévention ;
la possibilité, dans la perspective d’une rencontre de football à risque, de demander des renforts auprès des services de police d’autres États membres ;
une collaboration étroite entre les services de police et les agents de surveillance des stades, lorsque ces derniers existent6.
Un an plus tard, le 26 mai 1997, le Conseil a défini une action commune relative à la coopération dans le domaine de l’ordre et de la sécurité publique qui prévoyait notamment, dans la perspective de l’organisation de la Coupe du monde de football de 1998 en France, un dispositif d’échanges d’informations concernant les déplacements de supporteurs à risques, et la mise à disposition d’officiers de liaison étrangers auprès du Comité français d’organisation7.
Peu après, le 9 juin 1997, le Conseil a adopté une résolution sur la prévention et la maîtrise du hooliganisme, préconisant en particulier :
un échange annuel d’expériences entre les experts des pays membres, et la publication annuelle d’un rapport sur la situation du hooliganisme dans les États membres et son évolution ;
l’extension des interdictions de stades prononcées à l’encontre des supporteurs violents par les clubs ou les autorités publiques d’un pays aux autres États membres, selon un principe de réciprocité ;
une vigilance accrue concernant la stratégie médiatique s’appliquant aux matchs de football internationaux.8
Puis le 21 juin 1999, le Conseil a adopté une résolution concernant un manuel pour la mise en place d’une coopération policière et de mesures visant à prévenir et à maîtriser les troubles liés aux matchs internationaux9.
40Considérant « qu’il est de toute importance que les services de police des Etats membres disposent d’un cadre communautaire pour ce qui concerne le contenu de la coopération policière, les rapports entre la police et les médias, la coopération avec les personnes chargées d’accompagner les supporteurs et la politique d’accès aux stades », le Conseil invite les États membres à intensifier la coopération entre les services de police, afin de prévenir et de contrôler la violence au cours des matchs. Le manuel annexé comporte, en particulier, des rubriques fournissant des exemples de méthodes de travail. Ainsi, les services de police du pays organisateur d’une manifestation sportive peuvent demander l’assistance d’une police étrangère. Cette demande, qui doit émaner du ministre responsable, n’est formulée que si la police sollicitée est en mesure d’apporter une aide effective en matière de renseignement, de repérages ou d’accompagnement des supporteurs sous surveillance. Cette aide suppose évidemment la meilleure capacité des policiers étrangers à décrire le profil des supporteurs à risques de leur pays.
41Le manuel préconise également que « les services de police du pays organisateur veillent à ce que les services de police étrangers soient en mesure de s’informer de l’organisation des actions de police dans le pays d’accueil, dans les villes où auront lieu les matchs ainsi que du site où se trouve le stade, et de rencontrer les commandants responsables des opérations ». Ils doivent également s’assurer que l’équipe de police étrangère dispose des autorisations et des moyens nécessaires à sa mission.
42Les policiers étrangers ont pour tâche de surveiller les supporteurs à risques dès le début du voyage jusqu’à l’entrée dans le pays où aura lieu le match. À la frontière, les forces de polices procèdent alors à un transfert de compétence en bonne et due forme.
43La coopération policière instaurée respecte les compétences nationales, notamment en ce qui concerne la politique de communication avec les médias.
44Pour finir, le manuel préconise une coopération entre les services de police et les agents de surveillance, comporte une liste des points à vérifier lors des matchs importants, fixe enfin des exigences concernant la vente des billets et l’accès aux stades.
Pour finir, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 25 avril 2002, une décision qui impose à chaque Etat membre la création d’un point national d’information « football » à caractère policier, en vue de prévenir la violence liée aux matchs et de gérer efficacement la sécurité grâce à une bonne circulation de l’information10. Cette information doit comporter à la fois des données générales, telles que les types de supporteurs et les groupes à risques, et des données à caractère personnel (les individus qui présentent des risques pour l’ordre et la sécurité publics). Les Etats membres ont dû ainsi constituer un réseau européen de points nationaux, chacun servant de point de contact unique et central pour la coopération policière internationale.
En novembre 2003, une nouvelle résolution du Conseil concernant l’interdiction d’accès aux stades des supporteurs violents est venue compléter ce dispositif. Elle vise à faire adopter par les Etats membres qui ne l’auraient pas déjà fait des dispositions « permettant d’interdire l’accès aux stades dans lesquels sont prévues des compétitions de football aux individus qui se sont déjà rendus coupables de violence », et d’assortir ces mesures de sanctions en cas d’inobservation. Chaque Etat est en outre invité à faire en sorte que l’interdiction de stades adoptée au niveau national puisse être étendue à certains matchs de football disputés dans d’autres Etats membres. Les points nationaux d’information « football », institués en application de la décision précitée, constituent à cet égard les vecteurs de transmission des informations relatives aux interdictions de stades prononcées au niveau national, tant par les organisations sportives que par les juridictions des Etats membres11.
45On peut ainsi constater que grâce aux échanges de méthodes et d’expériences, la coopération des autorités sportives et policières au sein de l’Union européenne a beaucoup progressé, pour devenir aujourd’hui très concrète. Elle repose largement sur les compétences dont l’Union s’est dotée au titre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale12.
46Quant à la Commission, elle a présenté, dans son Livre blanc sur le sport publié en juillet 2007, une série d’actions visant à renforcer la prévention et la répression du racisme et de la violence, qui consistent notamment à :
encourager le dialogue et l’échange des meilleures pratiques au sein des organes de coopération existants, tels que le réseau FARE13 (action 18) ;
promouvoir l’échange d’informations et d’expériences pratiques en matière de prévention des incidents violents et racistes entre les services répressifs et les organisations sportives, et renforcer leur coopération (actions 19 et 22) ;
analyser les possibilités d’élaborer de nouveaux instruments juridiques ou d’autres normes européennes pour prévenir les troubles à l’ordre public lors de manifestations sportives (action 20) ;
promouvoir la prévention par des actions socioéducatives auprès des supporteurs, tel le fan-coaching déjà mis en œuvre dans certains pays comme l’Allemagne ou la Belgique (action 21).
47La Commission recommande également de recourir à certains programmes communautaires susceptibles de contribuer à la prévention de la violence et du racisme dans le sport, tels que « Jeunesse en action », « Europe pour les citoyens », « Daphnée III » ou « Prévenir et combattre la criminalité »14.
48En novembre 2007, le commissaire européen chargé de la sécurité a annoncé la possibilité de financer un programme européen de formation des policiers, afin de constituer des équipes placées sous la coordination d’Europol et composées d’éléments spécialement entraînés à la lutte contre la violence dans les stades de football.
49Le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions sur la lutte contre la violence dans le sport en juillet 1985, puis en janvier 1988. Il s’est cependant opposé en 1994 à ce que la nationalité d’un supporteur d’un pays de l’Union puisse servir de critère en vue d’interdire ou d’entraver son accès aux évènements sportifs15. Nombre de ses membres marquant leur préoccupation devant l’ampleur des manifestations de violence, notamment à caractère raciste et xénophobe, commis lors de certaines rencontres de football, le Parlement a également publié un rapport sur le problème du hooliganisme et la libre circulation des supporteurs de football en avril 199616, suivi d’une résolution sur le même sujet, adoptée le 21 mai 1996. Dans celle-ci, il souligne la dimension transfrontalière de ces violences et la nécessité de rechercher des solutions au sein de la Communauté. Il invite les États membres à appliquer la Convention du Conseil de l’Europe de 1985 et demande au Conseil européen d’élaborer une nouvelle convention dans le cadre du titre VI du Traité sur l’Union européenne (relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale). Il préconise enfin diverses mesures, aussi bien préventives que répressives.
50Le Parlement européen a de nouveau abordé la question du « maintien de l’ordre dans les manifestations sportives » dans sa résolution sur le Livre blanc sur le sport17.
51Il a ainsi servi d’aiguillon à la Commission et au Conseil, et ses interventions ont sans doute accéléré la prise de mesures dans ce domaine.
3.1.3. Les dispositions nationales
3.1.3.1. Les dispositions législatives
52Si la lutte contre les phénomènes de violence a accompli de grands progrès au niveau européen, il n’en demeure pas moins de grandes différences entre les pays en ce qui concerne ses applications concrètes. Il faut à cet égard reconnaître que la plupart des États membres se sont dotés de dispositifs préventifs, mais surtout répressifs, le plus souvent par voie législative ; c’est notamment le cas de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Belgique, de la France, de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce. Certains, comme l'Allemagne, l’Angleterre, la Belgique et la France ont introduit dans leur droit national la possibilité d’arrêter préventivement les hooligans les plus virulents.
53Ainsi, l’Angleterre s’est dotée d’un arsenal législatif impressionnant (Public Disorder Act, Football Offence Act), en vue d’éradiquer l'ultraviolence dans le sport. Les hooligans les plus notoires sont fichés et plus de 5 000 d’entre eux sont interdits de stades, tandis que toute incitation à la haine raciale est passible de lourdes sanctions. Ce dispositif a été combiné avec la modernisation des stades, l’omniprésence de la vidéosurveillance et l’augmentation du prix des billets18.
54En Belgique, une loi relative à la sécurité lors des matchs de football a été adoptée en décembre 1998 en prévision de l’Euro 2000. Elle offre la possibilité aux policiers de procéder à des arrestations préventives, sur la base d’antécédents judiciaires.
55Aux Pays-Bas, une loi qui permet aux maires de faire procéder à l’arrestation préventive de hooligans pendant une durée maximale de douze heures les jours de match a également été adoptée.
56Des mesures comparables ont été prises en Allemagne, afin de priver de leur passeport les hooligans les plus violents, pour qu’ils ne puissent se rendre aux matchs de l’Euro 2000.
57La France enfin, à l'instar d’autres pays, a inscrit en 2006 dans son droit pénal la possibilité de prononcer une interdiction de stades comme peine complémentaire pour les supporteurs les plus violents, c’est-à-dire ceux qui se sont rendus coupables d’infractions non seulement à l’intérieur des enceintes sportives, mais aussi à l’extérieur, en relation directe avec une manifestation sportive19.
3.1.3.2. Les dispositifs de sécurité
58La panoplie des mesures de sécurité prises par les différents États membres est très large, mais on retrouve des éléments communs tels que fouilles préventives systématiques des supporteurs, mise en place de systèmes de vidéosurveillance, mobilisation de stadiers ou de stewards... D’autres sont spécifiques à certains pays, comme la mise en place, aux Pays-Bas, d’une carte spéciale éditée par les clubs de football, qui conditionne l’achat des billets d’entrée pour les matchs et qui peut être retirée en cas de mauvaise conduite. Le gouvernement britannique avait proposé, pour sa part, l’instauration d’une carte d’identité européenne pour les supporteurs de football, afin de prévenir les incidents violents. Interrogée sur la compatibilité d’une telle mesure avec le droit communautaire, notamment le principe de libre circulation établi par l’article 39 du Traité CE, la Commission a considéré que seul un dispositif qui aurait pour effet d’empêcher uniquement les « hooligans avérés » d’assister à des matchs à l’étranger serait admissible. En définitive, cette carte d’identité n’a pas été établie, le gouvernement britannique s’étant contenté de dresser une liste nationale des supporteurs les plus dangereux et de contraindre certains d’entre eux à venir pointer au commissariat le plus proche lors des matchs.
59En ce qui concerne les grillages et barrières de sécurité séparant les spectateurs du reste du stade, ce dispositif, d’abord préconisé et largement mis en place, a été remis en cause par le comité permanent de la Convention européenne en 1997. Le Conseil de l’Europe a réalisé en 1999 une étude « afin de mieux cerner les dispositions nationales sur le recours à des barrières et grillages dans les stades, sur la tendance quant à la suppression de ceux-ci, sur les sanctions en cas d’infractions commises par les spectateurs et sur les responsabilités en ce domaine ». À la suite de cette étude, la suppression des grillages entre le terrain et les spectateurs a été préconisée. Elle n’est toutefois pas partout mise en œuvre.
60Enfin, l’on peut noter que certains pays régulièrement confrontés aux phénomènes de hooliganisme, tels l’Allemagne, l’Angleterre, les Pays-Bas et la Belgique, ont mis en place des programmes de prévention de type fan-coaching en direction des supporteurs.
3.1.4. L’action de l’UEFA
61L’UEFA joue également son rôle en matière de sécurité, en imposant notamment des règles strictes aux organisateurs et aux clubs pour les rencontres européennes qu’elle met en place. Ces règles concernent ainsi la vente des billets, l’encadrement et la surveillance des supporteurs, les normes de sécurité des stades et les dispositifs de vidéosurveillance. En ce qui concerne les séparations entre les spectateurs et le stade, le règlement de sécurité de l’UEFA pour la saison 1998-1999, tout en rappelant qu’il convient de protéger les joueurs et les officiels, indique que les propriétaires de stades doivent s’efforcer de fournir des surfaces de jeu sans grillage, dès lors que la sécurité est garantie. En cas de manquement aux règles de la fédération européenne, les clubs peuvent être sanctionnés. Ainsi, à la suite de la catastrophe du stade du Heysel en 1985, à l’origine de laquelle les hooligans venant d’Angleterre étaient largement responsables, les clubs anglais de football ont été frappés d’une interdiction de participer aux compétitions européennes pendant cinq saisons consécutives.
62Dans le même temps, l’UEFA a élaboré des instructions destinées aux clubs disputant une compétition organisée sous son égide et a proposé des programmes de formation sur la sécurité dans les stades à ses cinquante-trois associations membres. Un régime de sanction a été mis en place en cas d’inobservation de ces instructions. La lutte contre le racisme a également été entreprise en collaboration avec le réseau FARE.
63En novembre 2007, à l’issue d’une conférence intitulée « Vers une stratégie européenne contre la violence dans le sport », l’UEFA et l’Union européenne ont établi un accord en vue d’intensifier les mesures préventives pour endiguer les incidents racistes et violents lors d’évènements sportifs.
3.2. La lutte contre le dopage au niveau européen
64La lutte contre le dopage dans le sport a d’abord été l’affaire des autorités sportives, relayées par les gouvernements nationaux. Cependant, dès la fin des années soixante, des initiatives de lutte contre le dopage ont été prises dans le cadre du Conseil de l’Europe qui a fait, dans ce domaine encore, œuvre de pionnier. Ce n’est qu’au début des années quatre-vingt-dix que l’Union européenne a commencé à s’intéresser à cette question, laquelle a fini par occuper une place importante dans les agendas européens.
65Comme d’autres, les instances communautaires ont pris conscience de l’extension du phénomène qui touche à présent toutes les catégories de sportifs. Par son ampleur, le dopage menace non seulement le sport de compétition, mais pose également un problème de santé publique qui dépasse désormais les seules capacités des organisations sportives. C’est pourquoi une action communautaire est apparue souhaitable, aussi bien aux yeux des gouvernements que des autorités sportives elles-mêmes.
3.2.1. L’action pionnière du Conseil de l’Europe
66Le Conseil de l'Europe a été la première instance européenne à se préoccuper du dopage, en adoptant à ce sujet, dès 1967, une résolution qui fut à l’origine des premiers contrôles antidopage lors des Jeux olympiques d’hiver de Grenoble de 1968. Elle a ensuite été suivie d’une nouvelle résolution intitulée « Dopage et santé », adoptée lors de la deuxième Conférence des ministres européens du sport de 1978, puis d’une recommandation sur le dopage dans le sport, en 1979.
67En septembre 1984, le Comité des ministres a adopté une deuxième recommandation relative a la Charte européenne contre le dopage dans le sport, qui a servi de modèle à la Charte internationale olympique contre le dopage, adoptée par le CIO en novembre 1988.
68En 1988, une nouvelle recommandation pour l’institution de contrôles antidopage hors compétition a été adoptée. L’ensemble de ces démarches a débouché sur la Convention européenne contre le dopage, adoptée le 16 novembre 1989 et ouverte à la signature des États membres et non-membres. Cette convention a alors constitué, pour les pouvoirs publics, le pendant de la Charte internationale olympique pour le mouvement sportif.
3.2.2. La Convention européenne contre le dopage
69Cette convention, qui fixe des objectifs généraux en laissant le soin aux États de prendre des mesures appropriées, reflète l’imbrication des responsabilités et des compétences en la matière, qui incombent autant aux gouvernements qu’aux organisations sportives nationales et internationales. Elle prévoit notamment que les États signataires aideront les organisations sportives à financer les contrôles et les analyses antidopage et qu’ils s’engagent à créer des laboratoires de contrôle antidopage susceptibles d’être agréés par les organisations sportives internationales compétentes. L’article 7 de la convention dispose que les États « encouragent leurs organisations sportives à clarifier et à harmoniser leurs droits, obligations et devoirs respectifs » en matière de lutte antidopage, et à « instituer des contrôles non seulement au cours des compétitions, mais encore sans préavis à tout moment approprié hors des compétitions ». Aux termes de la Convention, les États signataires s’engagent également à élaborer des programmes d’éducation et d’information sur les dangers du dopage.
70La Convention de 1989 constitue un véritable texte de référence, qui représente le premier acte significatif pris dans le domaine de la lutte contre le dopage au niveau européen. À ce jour, elle a été ratifiée par quarante-huit pays européens, dont tous les États membres de l’Union européenne auxquels se sont ajoutés l’Australie, le Canada et la Tunisie. Son application effective repose toutefois sur l’adoption volontaire par les États signataires de mesures législatives ou réglementaires visant à prévenir et à réprimer le trafic, comme l’usage, de produits dopants. Or, les initiatives prises à cet égard par les différents pays européens s’avèrent pour l’instant très inégales (cf. infra).
71Un protocole additionnel à la Convention contre le dopage a en outre été adopté par le Comité des ministres et ouvert à la signature des États membres en septembre 2002. Ce protocole permet la reconnaissance mutuelle, par les États parties à la Convention, des contrôles antidopage réalisés sur leur territoire20. Il prévoit également de renforcer l’application de la Convention, en instaurant un suivi de son application par un comité d’évaluation, à partir des rapports nationaux établis par les États. Enfin, les parties signataire du protocole reconnaissent la compétence de l’Agence mondiale antidopage pour la réalisation des contrôles hors compétition.
72Pour son bon fonctionnement, la Convention s’est dotée d’un groupe de suivi intergouvernemental, composé de délégués nationaux désignés par les gouvernements des États parties, réuni en principe deux fois par an, qui est notamment chargé de la mise à jour régulière de la liste des produits dopants figurant en annexe de la Convention21. Ce groupe de suivi est divisé à son tour en quatre groupes de travail (science, questions juridiques, questions techniques et éducation).
73En matière de prévention, une initiative en direction des jeunes, intitulée « Europack, éducation antidopage dans le sport », a été lancée en 1992 par le Conseil de l’Europe en liaison avec la Commission européenne, pour aboutir à l’élaboration d’un « Guide du sport propre » à l’intention des athlètes, des enseignants, des médecins et des entraîneurs.
74En novembre 1998, les membres du groupe de suivi de la Convention ont provoqué une réunion extraordinaire pour élaborer des propositions en vue de la Conférence mondiale sur le dopage, organisée par le CIO en février 1999, à Lausanne. Le groupe a soutenu la création d’une agence internationale antidopage à caractère indépendant, tout en formulant des propositions pour renforcer la lutte antidopage et améliorer l’harmonisation de l’action des autorités sportives et des pouvoirs publics dans ce domaine.
75Le groupe de suivi a également pour mission de veiller au respect des engagements par les États parties. À cet effet, il produit des rapports sur la mise en œuvre de la Convention et organise des visites consultatives et d’évaluation. Une base de données a même été constituée à partir des rapports fournis. Il peut aussi approfondir certaines dispositions du texte au moyen de recommandations.
76Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a constitué un Forum européen de coordination pour l’Agence mondiale antidopage, qui vise à harmoniser les positions des gouvernements européens vis-à-vis de l’Agence et à peser davantage sur son fonctionnement, en faisant valoir notamment que la majorité des laboratoires de contrôle antidopage sont situés en Europe (59 %), et que près de la moitié des contributions gouvernementales au budget de l’Agence (47,5 %) est fournie par les États européens.
77Enfin, le Conseil de l’Europe a participé activement à l’élaboration de la Convention internationale contre le dopage sous l’égide de l’Unesco durant la période précédant son adoption, le 25 octobre 2005.
3.2.3. La Commission et le Conseil européens : une prise en compte plus récente
78La Commission a d’abord considéré qu’en vertu du principe de subsidiarité, « l’adoption de mesures contraignantes visant à interdire l’utilisation, par les sportifs, de substances illégales destinées à accroître les performances n’entrait pas dans les compétences de l’Union européenne »22.
79Cependant, le Conseil a adopté, en décembre 1990, une première résolution qui indiquait que toute action communautaire en matière de lutte contre le dopage devait s’articuler avec la Convention contre le dopage adoptée par le Conseil de l’Europe23.
80Cette résolution a été suivie par une déclaration sur le même sujet en juin 1991, puis par une résolution du 8 février 1992, approuvant un code de conduite antidopage dans les activités sportives24. Le code de conduite adopté visait ainsi à sensibiliser les publics concernés aux dangers du dopage et appelait à la coopération entre les diverses organisations sportives. Ces déclarations, sans grande portée pratique, ont cependant signifié que l’Union européenne ne pouvait désormais se désintéresser de la question du dopage, bien que celle-ci ne relève pas directement dans ses compétences. Il est indiqué que son action s’articule avec celle du Conseil de l’Europe et du CIO.
3.2.3.1. Une préoccupation grandissante
81Devant l’ampleur prise par les affaires de dopage et leur retentissement dans l’opinion publique, l’Union européenne a été amenée à se pencher plus sérieusement sur la question. À cet égard, les incidents survenus lors du Tour de France cycliste de l’été 1998 ont servi de révélateur. Ainsi, le Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre 1998 a manifesté « sa préoccupation face à l’ampleur du dopage dans le milieu du sport, et à la gravité de cette pratique qui nuit à l’éthique sportive. Il souligne la nécessité d’une mobilisation au niveau de l’Union européenne et invite les Etats membres à examiner avec la Commission et avec les instances sportives internationales les mesures qui pourraient être prises pour intensifier la lutte contre ce fléau, notamment par une meilleure coordination des mesures nationales existantes ».
82En vue des premières assises du sport, tenues à Olympie en mai 1999, la Commission a donc préparé un document de travail sur la lutte contre le dopage dans le sport. Ce texte, qui identifie « la commercialisation grandissante du sport, l’arrivée massive d’argent et le besoin de rentabiliser les investissements des sponsors » comme causes de la progression du dopage, indique que les pouvoirs publics doivent pouvoir peser sur les organisations sportives en conditionnant les subventions publiques à la mise en œuvre d’actions contre le dopage. Reconnaissant la complexité de la chaîne des responsabilités en la matière (l’athlète, son entourage, le club, la fédération...), il préconise une coordination, voire une harmonisation à l’échelle européenne, de nature à permettre la création d’un véritable espace sportif européen offrant des conditions similaires de participation dans tous les pays, et garantissant ainsi une liberté effective de circulation des sportifs.
83Les ministres chargés des sports des Etats membres de l’Union européenne, réunis à Paderborn (Allemagne) en juin 1999, ont abordé la question du dopage et formulé un avis commun, soulignant l’indispensable coordination des législations et la nécessité d’intégrer la lutte contre le trafic de produits dopants dans les dispositifs communautaires de coopération policière, judiciaire et douanière.
84En juillet 1999, le président de la Commission, Romano Prodi, dans son discours de présentation de la nouvelle Commission devant le Parlement qui venait de l’investir, a évoqué le thème de la lutte contre le dopage comme un exemple d’action susceptible de rendre l’Union européenne plus proche des citoyens européens25. Cette prise de position était importante, car engageant la Commission devant le Parlement.
85Dans le prolongement de cette déclaration, la commissaire en charge des sports, madame Viviane Reding, a adressé en décembre 1999, au nom de la Commission, une communication aux différentes instances concernées : le Conseil, le Parlement, le Comité économique et social, et le Comité des régions. Intitulé « Plan d’appui communautaire à la lutte contre le dopage dans le sport »26, ce document constituait un programme d’actions reposant sur une triple approche :
recueillir les points de vue des experts sur le phénomène du dopage ; c’est à cette fin que le Groupe européen d’éthique a été saisi pour avis (cf. Infra, 3.2.3.2.) ;
collaborer avec le CIO dans la mise en place d’une agence mondiale antidopage (cf. infra, 3-3.1.) ;
mobiliser les instruments communautaires existants, dans le but de compléter les actions menées par les Etats membres et leur donner la dimension européenne que nécessite la lutte contre le dopage (cf. infra, 3.2.3.3.).
86Ainsi, bien que la lutte contre le dopage sportif n’entre pas dans ses compétences directes, l’Union européenne n’a pu se désintéresser de cette question majeure, son engagement ayant d’abord consisté à utiliser les possibilités offertes par les différents programmes communautaires.
3.2.3.2. L’avis du Groupe européen d’éthique (GEE)
87En avril 1999, la Commission a sollicité le Groupe européen d’éthique (GEE)27 pour recueillir son avis sur le thème du dopage, en vue du Conseil européen d’Helsinki de décembre 1999. Le Groupe d’éthique a rendu son avis, assorti de plusieurs recommandations, en novembre 1999. En premier lieu, il relève la complexité de la question du dopage, qui tient à plusieurs raisons :
il est difficile d’établir une définition qui soit admise par tous ;
l’établissement d’une liste des substances interdites se heurte au problème de son exhaustivité et de sa réactualisation permanente ;
il existe de nombreux facteurs qui incitent au dopage : intérêts financiers, pression médiatique, recherche de la performance à tout prix...
88Le Groupe d’éthique souligne la tension qui existe entre la volonté affirmée de lutter contre le dopage et la demande constante de performances sportives sans cesse améliorées. Cependant, la lutte contre le dopage repose sur deux principes éthiques fondamentaux, la protection de la santé du sportif d’un côté, et le principe de loyauté dans le sport de l’autre. Ces principes ont conduit le GEE à définir le dopage comme étant « l’utilisation, en vue de l’amélioration des performances sportives, de substances, dosages ou méthodes interdits principalement en raison de leur effet néfaste potentiel sur la santé des sportifs, et susceptibles également de mettre en péril les conditions de loyauté du sport généralement acceptées ».
89Le GEE a finalement formulé une série de recommandations concernant le renforcement de la protection de la santé des sportifs, notamment des plus jeunes, la mise en place d’un système de contrôle indépendant des fédérations ou la création d’un laboratoire européen de référence, chargé de coordonner un réseau de laboratoires agréés.
3.2.3.3. La mobilisation des instruments de l’Union européenne en faveur de la lutte contre le dopage
90Ces instruments sont multiples et de portée inégale. Les possibilités suivantes ont été évoquées par la Commission dans son plan d’appui communautaire :
1) Accentuer l’effort de recherche sur les substances dopantes, les méthodes de détection et les conséquences du dopage sur la santé. Les produits et les méthodes évoluant constamment et utilisant de plus en plus des techniques médicales de pointe, la recherche a en effet un rôle essentiel à jouer pour permettre de les contrer efficacement.
Un projet commun d’étude entre le CIO et l’Union européenne, intitulé « HARDOP », a d’abord été mené en 1998 et 1999. Son objet portait sur « l'harmonisation des méthodes et des mesures de lutte contre le dopage dans le sport ». Soutenu par l’Union européenne à hauteur de 180 000 euros, le projet a abouti, en novembre 1999, à la remise d’un rapport sur « L’harmonisation des méthodes et des mesures de lutte contre le dopage dans le sport ». Ce rapport concluait notamment à la nécessité de créer un organisme central responsable de la lutte contre le dopage au niveau international, auquel devrait être rattaché un laboratoire de référence.
Dans le prolongement de cette première étude, la question du dopage a figuré parmi les sujets prioritaires du cinquième programme cadre de recherche et de développement technologique, soutenu par la Commission sur la période 1998-2002. Il comportait en particulier un projet de formation sur le dopage sportif et sa détection, destiné aux techniciens des laboratoires accrédités par le CIO en prévision des Jeux olympiques d’Athènes de 2004, ainsi qu’un projet de développement d'une méthode de détection du dopage par les hormones de croissance et substances assimilées.
En complément, dans le cadre du programme de recherche « Croissance et qualité de la vie », un soutien aux laboratoires de contrôle antidopage accrédités par le CIO a été programmé, afin de préparer leur certification au titre des normes ISO et l’adoption de normes de qualité dans les contrôles antidopage en vue de prévenir les risques d’invalidation pour vice de procédure. La mise au point d'un nouvel instrument de mesure de la testostérone a également été programmée. Enfin, le dopage sportif a figuré parmi les thèmes retenus dans le programme-cadre de recherche de la Commission pour la période 2002-2006.
2) Utiliser davantage les possibilités offertes par les programmes de coopération policière, judiciaire et douanière fondée sur l’article 29 du Traité sur l’Union européenne, au titre du troisième pilier28.
Dans le cadre du Livre blanc sur le sport publié en 2007, la Commission propose à nouveau une approche européenne coordonnée dans la lutte contre le dopage, en soutenant la mise en place d’un réseau rassemblant les organisations nationales de lutte contre le dopage des États membres (gardes-frontières, polices nationales et locales, douanes...). Elle envisage aussi de soutenir les partenariats en organisant des formations ou en suscitant des collaborations entre les centres de formation pour les membres des services nationaux chargés de faire respecter la législation en la matière (points 4 et 5).
Par ailleurs, la Commission a installé un groupe de suivi composé de représentants des États membres et du mouvement sportif, afin de favoriser l’échange d’informations, d’évaluer régulièrement les progrès accomplis en matière de coordination de lutte contre le dopage et d’améliorer la sécurité juridique des sanctions prises par les fédérations en cas de dopage. De même, une réunion des ministres en charge des sports de l’Union européenne, des représentants du mouvement olympique et des grandes fédérations sportives s’est tenue en mars 2002, afin d’étudier les moyens d’améliorer leur coopération dans la lutte contre le dopage, dans la perspective des Jeux olympiques d’Athènes (2004) puis de Turin (2006).
3) Développer les actions relevant de la politique communautaire de santé publique.
L’article 152-1, alinéa 3 du Traité CE peut conférer une base légale aux actions communautaires en faveur de la santé publique, car il stipule que « La communauté complète l’action des Etats membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l’information et la prévention ».
Il est donc possible de renforcer la politique de prévention contre le dopage dans ce cadre. Toutefois, le projet d’une recommandation du Conseil relative à la prévention du dopage, visant à inciter les États membres à accentuer les actions de sensibilisation, notamment auprès des jeunes et des sportifs amateurs, n’a pas abouti.
Par ailleurs, l’information sur les médicaments susceptibles de contenir un principe actif pouvant induire une réaction positive lors d’un contrôle antidopage a été renforcée avec la directive du Parlement et du Conseil de 2001, qui instaure un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain29.
4) Mobiliser les programmes d’échanges dans les domaines de la jeunesse, de l’éducation et de la formation professionnelle pour sensibiliser et prévenir contre le dopage.
Il s’agissait des programmes « Socrates » (en matière d’éducation), « Leonardo da Vinci » (dans le domaine de la formation professionnelle) et du programme d’action communautaire « Jeunesse », dans lesquels peuvent s’inscrire des actions de formation, de sensibilisation et de prévention sur les questions liées au dopage.
5) Enfin, le plan d’action présenté par madame Reding prévoyait une participation active, mais aussi critique, à la définition et au fonctionnement de l’Agence mondiale antidopage (cf. infra).
3.2.4. Le Parlement européen : un rôle d’aiguillon
91De son côté, à partir du rapport qui lui a été présenté, le Parlement européen a adopté, le 6 mai 1994, une résolution sur le sport et le dopage, dans laquelle il « engage la Commission et le Conseil à reconnaître expressément la responsabilité de l’Union européenne dans la lutte contre le dopage dans le sport » et indique les objectifs vers lesquels une politique appropriée de lutte contre le dopage devrait tendre30. Il préconise en particulier la création, au sein de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, d’une section spécifique consacrée au dopage sportif, la mise en place d’un réseau de laboratoires européens et l’harmonisation des législations relatives à la détention et à l’usage de produits dopants dans le sport. Il incite d’autre part les fédérations sportives et les Etats membres à poursuivre énergiquement leur politique de lutte contre le dopage et à prévoir des sanctions. Il demande enfin à la Commission d’élaborer, sur la base du Code de conduite adopté en février 1992, un programme d’information destiné à sensibiliser l’opinion publique, et plus particulièrement les jeunes, aux dangers du dopage31.
92Le 17 décembre 1998, le Parlement a adopté une nouvelle résolution qui demande à la Commission de prendre en compte la vraie dimension du problème du dopage, « mettant en danger la santé des sportifs, faussant la compétition, nuisant à l’image du sport, notamment auprès des jeunes, et portant atteinte à la dimension éthique du sport ». Il a donc souhaité que des propositions concrètes en matière de lutte contre le dopage soient formulées et a réclamé une réunion des ministres européens en charge du sport, afin de définir une approche commune en vue de la réunion organisée en février 1999 par le CIO, à Lausanne32.
93En 2000, à la suite de la présentation du Plan d’appui communautaire à la lutte contre le dopage, le Parlement a notamment demandé à la Commission d’utiliser pleinement ses compétences, au titre de l'article 152 du Traité, pour renforcer la coordination des politiques antidopage. Il a soutenu la création de l’AMA, tout en souhaitant que la Commission exerce un contrôle vigilant sur son fonctionnement33. Puis, en adoptant le plan d’action 2000-2004 de lutte contre la drogue, le Parlement a rappelé la nécessité de conduire une action contre le dopage dans ce cadre34.
94Accordant ses actes avec ses déclarations, le Parlement a ensuite voté, au titre de l’année 2000, un crédit de 5 millions d’euros destiné à financer des projets pilotes visant à promouvoir la coopération en matière de lutte contre le dopage entre les organisations sportives de la Communauté et les fédérations nationales, européennes et internationales. Ce programme, qui a dû être limité à deux années (2000 et 2001) en vertu de son caractère expérimental, visait en particulier :
la mise en œuvre de campagnes contre le dopage dans le sport ;
l'harmonisation des législations nationales fixant les limites sanitaires acceptables en matière de substances dopantes ;
l’harmonisation des modalités de contrôle sur tout le territoire européen ;
la réalisation d’études concernant les conséquences du dopage sur la santé.
95À ce titre, la Commission a lancé des appels d’offres, à l’issue desquels trente-deux projets ont été retenus en 2000 et 2001, portant sur des sujets tels que les aspects biomédicaux du dopage, l’harmonisation des règles et des procédures, les aspects éthiques du dopage... pour un montant de 2,5 millions d’euros. La Commission a aussi commandité des études sur l’analyse socioéconomique du dopage dans le sport d’élite, la protection des jeunes athlètes et la stratégie communautaire de communication dans la lutte contre le dopage.
96Le Parlement a adopté en 2005 une nouvelle résolution sur le dopage, qui invite la Commission à intensifier ses actions dans ce domaine35, puis a publié en juin 2008 une étude sur le dopage dans le sport professionnel36. Enfin, la résolution du Parlement, adoptée en mai 2008, « exige des États membres qu’ils conviennent d’une approche législative commune en matière de dopage, afin de garantir un traitement juridique similaire dans chacun d’eux... »37
3.3. Le rôle des instances sportives internationales
3.3.1. L’action du CIO
97La lutte contre la tricherie dans le sport, dont le dopage constitue une des manifestations, fait partie de l’idéal olympique. C’est pourquoi, dès l’année 1988, le CIO a adopté une Charte internationale olympique contre le dopage, mise au point à l’issue de la première Conférence mondiale permanente contre le dopage, qui s’est tenue à Ottawa au mois de juin. Le texte adopté était directement inspiré de la Charte européenne contre le dopage établie par le Conseil de l’Europe quelques années auparavant. Il s’est transformé en un « Code médical », comprenant une liste des substances et des méthodes interdites, et accompagné d’un document explicatif.
98Cependant, ces dispositions se sont vite avérées insuffisantes. La multiplication des révélations sur le dopage en 1998 et leur retentissement dans l’opinion publique ont donc conduit le CIO à provoquer une conférence internationale sur le dopage qui s’est tenue à Lausanne en février 1999, dans le but de constituer une agence mondiale chargée de combattre plus efficacement ce fléau (cf. infra). Dans le prolongement de la création de l’AMA, un Code mondial antidopage a été adopté à compter du 1er janvier 200038. Désormais, en vertu de la règle 44 de la Charte olympique, « le Code mondial antidopage est obligatoire pour l’ensemble du mouvement olympique ».
3.3.2. L’action des fédérations internationales
99Dès 1989, l’Assemblée générale des fédérations sportives internationales (AGFIS), réunie à Budapest, avait adopté le principe d’une unification des règles de lutte antidopage, selon les préconisations du CIO. Le 13 janvier 1994, un accord a été signé à Lausanne entre le CIO, les FSI et les CNO, au terme duquel pour être reconnu par le CIO, une FSI ou un CNO devait posséder des statuts faisant expressément référence au Code médical du CIO. Depuis son adoption, le Code mondial antidopage a été rendu obligatoire pour l’ensemble du mouvement olympique par le CIO.
100Néanmoins, les positions des grandes fédérations sportives internationales vis-à-vis du dopage n’ont pas toujours été exemptes d’ambiguïtés. Ainsi, la FIFA, dans son règlement antidopage pour la Coupe du monde 1998, avait interdit aux équipes de se soumettre aux juridictions nationales pour les affaires de dopage, en indiquant qu’elles relevaient uniquement des juridictions sportives. Des dispositions identiques avaient été prises par la Fédération internationale d’athlétisme (FIA) pour les championnats du monde d’athlétisme de 1997.
101Par ailleurs, le règlement antidopage de la FIFA est resté jusqu’en 2007 non conforme au Code mondial antidopage, notamment en ce qui concerne la durée de la suspension prévue en cas de première infraction d’un joueur.
102De plus, l’UCI a fait annuler à diverses reprises, pour vice de procédure, la décision prise par la société du Tour de France de ne pas accepter la participation de certaines équipes et de certains coureurs soupçonnés de dopage.
103Enfin le CIO a demandé aux autorités italiennes, avant les Jeux olympiques d’hiver de Turin de 2006, un aménagement de la loi antidopage nationale, jugée trop sévère39.
104D’une façon générale, les réglementations du CIO et des fédérations sportives internationales, les résolutions des instances européennes ou internationales, et les législations nationales existantes s’entrecroisent sans forcément se recouper, même si d’indéniables progrès dans la voie de l'harmonisation ont pu être réalisés depuis l’adoption du Code mondial antidopage, puis de la Convention internationale contre le dopage.
3.4. L’Agence mondiale antidopage (AMA)
105Sous la pression des évènements qui avaient révélé une certaine carence des organisations sportives internationales, le CIO a provoqué du 2 au 4 février 1999 une conférence mondiale sur le dopage et lancé l’idée d’instituer une agence internationale de lutte contre le dopage, destinée à être pleinement opérationnelle pour les Jeux olympiques de Sydney de septembre 2000. Cette initiative a paru indispensable pour sauvegarder la crédibilité du CIO en ce domaine comme celle des FSI, parties au mouvement olympique. Elle a rencontré l’adhésion des États membres de l’Union européenne, tout en suscitant quelques réserves, notamment quant à l’indépendance effective de cette future agence, le projet initial présenté par le CIO étant loin de présenter toutes les garanties à cet égard.
106Aussi, les ministres en charge des sports de l’Union européenne, lors de leur réunion de Paderborn en juin 1999, ont émis un avis commun, insistant sur la nécessaire indépendance et transparence de l’Agence. Après de multiples échanges entre le CIO et la Commission, les États sont parvenus à peser sur la composition et les missions de l’Agence mondiale, qui a vu officiellement le jour le 10 novembre 1999.
107Concrètement, l’Agence est composée d’un conseil de fondation, comprenant trente-six membres, parmi lesquels dix-huit au plus sont désignés par le mouvement olympique, les dix-huit autres par les organisations intergouvernementales et les gouvernements. Le président est nommé par le conseil de fondation. L’Union européenne est représentée à ce conseil par trois membres (les ministres chargés des sports des pays de la troïka, dont celui qui assure la présidence tournante de l’Union). Le Conseil de l’Europe est représentée par deux délégués, l’un au nom du secrétariat général, et l’autre au nom d’un État membre.
108Les statuts prévoient que le conseil de fondation délègue à un comité exécutif, composé de dix membres choisis en son sein de façon paritaire pour une durée d’un an, la gestion effective de l’Agence. L’Europe y dispose d’un représentant.
109Les États membres et la Commission ont beaucoup œuvré pour que l’AMA soit investie de missions étendues. En particulier, elle est officiellement chargée de réactualiser la liste des substances interdites, à partir de la liste établie par la commission médicale du CIO, et de définir des procédures disciplinaires communes (notamment une suspension minimale de deux ans pour la première infraction de l’athlète). Elle est également responsable de l’accréditation des laboratoires de contrôle et de l’harmonisation des tests de dépistage. Elle est aussi chargée d’organiser et de coordonner les contrôles antidopage hors compétition, en liaison avec les FIS et les gouvernements.
110En ce qui concerne le siège permanent de l’AMA initialement établi à Lausanne, la Commission comme le Conseil de l’Europe ont plaidé pour qu’il soit localisé dans un autre pays que celui où siège le CIO, ceci dans un évident souci d’indépendance. Trois villes situées sur le territoire de l’Union européenne étaient candidates mais, en définitive, c’est Montréal qui a été choisie par le conseil de fondation, en août 2001, à la grande déception des Européens. Un bureau de l’Agence pour l’Europe a toutefois été installé à Lausanne en 2002.
111Quant au financement de l’Agence supporté initialement par le CIO, il a été réparti entre le mouvement sportif et les États à compter du 1er janvier 2002, par souci de garantir l’indépendance de l’institution. Lors de la réunion du Comité consultatif intergouvernemental international de lutte contre le dopage dans le sport, en mai 2001, il a été prévu que l’Europe finance 47,5 % de la quote-part gouvernementale du budget de l’Agence40. Les États membres de l'Union européenne devaient prendre en charge 72,5 % de ces 45,7 %, et les autres pays européens les 27,5 % restants. Toutefois, la possibilité d’un financement communautaire relayant celui des pays membres de l’Union européenne a été évoquée, mais elle restait soumise à des conditions qui n’ont pas pu être satisfaites (évolution des statuts de l’Agence, prévisions budgétaires détaillées, etc.). En conséquence, la Commission a indiqué qu’une participation communautaire au budget de fonctionnement de l’Agence était exclue, laissant aux États membres la latitude d’accorder un financement à titre individuel41. Le refus d’attribuer un budget spécifique à l’AMA n’a cependant pas empêché l’Union européenne de participer au financement de projets internationaux de lutte contre le dopage, dont certains portés par l’Agence. Ainsi, la Commission a décidé en 2001 de soutenir trois projets de l’AMA, pour un montant total de 2 millions d’euros. Il s’agissait de :
la mise au point d’un passeport sanitaire de l’athlète, destiné à améliorer les contrôles et à faciliter la circulation internationale des sportifs ;
la création d’un site sur Internet afin de sensibiliser les jeunes aux risques du dopage ;
la mise en place d’un groupe d’observateurs indépendants dans les principales compétitions en Europe.
112L’essentiel de ce dispositif a pu être mis en œuvre lors des Jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City en février 2002 et des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, pour lesquels la Commission a exprimé l’objectif d’une « tolérance zéro » en matière de dopage.
113Les statuts de l’AMA, l’implantation de son siège ou les modalités de son financement et de son fonctionnement ont ainsi fait l’objet de luttes d’influences, notamment entre les Européens et les représentants d’autres pays, comme les États-Unis. Cependant, l’idée que l'Union européenne puisse prendre la tête de la lutte contre le dopage au niveau mondial a été cruellement démentie, la dernière illustration étant l’échec de la candidature à la présidence de l’Agence, en 2007, de monsieur Lamour, ancien ministre français des Sports, au profit d’un australien, monsieur Fahey. La présidence française de l’Union a indiqué, en novembre 2008, que « la place de l'Europe au sein de l’AMA était insuffisante, au regard de son engagement financier et de son apport exceptionnel dans le domaine de la lutte contre le dopage ».
114Dans ce contexte tendu, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne se sont unis pour demander le renforcement de leur représentation et une meilleure prise en compte de leurs positions.
115Pour autant, l’engagement européen dans la lutte contre le dopage reste particulièrement marqué, même si l’on observe des dispositifs nationaux fort variables parmi les Etats membres de l’Union (cf. Première partie, les dispositions nationales antidopage)42.
Notes de bas de page
1 La onzième conférence s’est tenue en décembre 2008 à Athènes, sur le thème « Éthique et autonomie dans le sport ».
2 Convention STE no 120 du 19 août 1985. En France, eiie a été ratifiée par la loi no 86-1299 du 23 décembre 1986 et publiée par le décret no 87-893 du 30 octobre 1987.
3 Recommandation no 1/2002 et recommandation Rec(2008)l, qui font suite à une vingtaine d'autres recommandations adoptées par le comité permanent depuis 1987.
4 Recommandation no 1434 du 4 novembre 1999, adoptée le 31 mai 2000 par le Comité des ministres et transmise aux gouvernements des États membres.
5 Recommandation no 1/2003 du comité permanent, relative au rôle des mesures socioéducatives dans la prévention de la violence dans le sport, comprenant, en annexe, un manuel. Cf. document publié par le Conseil de l’Europe en février 2005, « La prévention de la violence dans le sport ».
6 JOCE no C 131 du 3 mai 1996.
7 JOCE no L 147 du 5 juin 1997.
8 Résolution du Conseil du 21 juin 1999, concernant un manuel pour la mise en place, à l’échelle internationale, d'une coopération policière et de mesures visant à prévenir et à maîtriser les troubles liés aux matchs internationaux, JOCE no C 196 du 13 juillet 1999. Cette résolution a été remplacée par celle du 6 décembre 2001 (JOCE no C 22 du 24 janvier 2002), puis par celle du 4 décembre 2006 (JOCE no C 322 du 29 décembre 2006), afin de modifier le manuel en tenant compte de l’expérience acquise.
9 Résolution du Conseil du 9 juin 1997 sur la prévention et la maîtrise du hooliganisme par l’échange d’expériences, l’interdiction de stades et la politique médiatique, JOCE no C 193 du 24 juin 1997.
10 Décision 2002/348/JAI du Conseil du 25 avril 2002 concernant la sécurité lors des matchs de football revêtant une dimension internationale, JO no 121 du 8 mai 2002. Cette décision a été modifiée par la décision 2007/412/JAI du Conseil du 12 juin 2007, prise afin de renforcer l’accès des points nationaux « football » aux données à caractère personnel concernant les supporteurs à risques, et la possibilité de les échanger avec leurs homologues (JOUE no L 155 du 15 juin 2007).
11 Résolution du Conseil du 17 novembre 2003 relative à l’adoption, dans les Etats membres, de l’interdiction d’accès aux enceintes dans lesquelles se déroulent des matchs de football revêtant une dimension internationale, JOCE no C 281 du 22 novembre 2003.
12 Cf. le titre VI du traité sur l’UE, et notamment l'article 29.
13 FARE: Football Against Racism in Europe.
14 L’une des priorités de ce dernier programme, doté d’un budget de 600 000 euros pour la période 2007-2013, a trait au hooliganisme.
15 Rapport du 27 avril 1994, PE Doc A3-0326/94.
16 Rapport de madame Roth du 25 avril 1996, A4-0124/96.
17 Résolution du Parlement européen du 8 mai 2008 sur le Livre blanc sur le sport, A6-0149/2008, points 65 à 69.
18 Cf. « L’Angleterre a jugulé le hooliganisme », Le Monde, 2 décembre 2006.
19 Cf. Code du sport, Chapitre II « Sécurité de manifestations sportives », art. L. 3322-1 à L. 332-21, et art. R. 332-1 à R 332-9, en ce qui concerne particulièrement l'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d’une enceinte dans laquelle se déroule une manifestation sportive.
20 L’article 1 du protocole additionnel dispose notamment que « les Parties reconnaissent mutuellement aux organisations antidopage sportives ou nationales la compétence de réaliser sur leur territoire, dans le respect de la réglementation nationale du pays d’accueil, des contrôles antidopage sur les sportifs et les sportives venant des autres Parties à la Convention ».
21 La liste des substances et méthodes interdites fait autorité. Sa version révisée de novembre 2007 est entrée en vigueur le 1er janvier 2008 et a été publiée en France par le décret no 2008-35 du 10 janvier 2008. À l’avenir, la liste de référence devrait être celle arrêtée par l’Agence mondiale antidopage.
22 Cette position a été confirmée dans la réponse à une question écrite donnée par le commissaire Oreja, au nom de la Commission en décembre 1998 (question écrite E-3183/98, réponse au JOCE no C 182 du 28 juin 1999).
23 Résolution du Conseil du 3 décembre 1990, relative à une action communautaire de lutte contre le dopage dans le sport, JOCE no C 329 du 31 décembre 1990.
24 Déclaration du Conseil et des ministres de la Santé des Etats membres du 4 juin 1991, relative à la lutte contre le dopage, y compris l’abus de médicaments, dans les activités sportives (JOCE no C 170 du 29 juin 1991), et résolution du Conseil du 8 février 1992, annexée d’un Code de conduite antidopage dans les activités sportives en dix points, JOCE no 44 du 19 février 1992.
25 Monsieur Prodi déclarait : « C’est une question pour laquelle une action décisive et coordonnée est de toute évidence nécessaire... Il faut que le sport soit propre ».
26 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social, et au Comité des régions – Plan d’appui communautaire à la lutte contre le dopage dans le sport, décembre 1999, COM(l999)643.
27 Le Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies est un comité consultatif indépendant qui comprend douze membres.
28 L’article 31, alinéa 1, e, du traité UE prévoit que « l’action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres [...] à adopter progressivement des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ».
29 Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, JO L 311 du 28 novembre 2001. Cf., également, la directive 92/27/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant l’étiquetage et la notice des médicaments à usage humain, JO no L113 du 30 avril 1992. Plusieurs autres directives, parfois anciennes, sont susceptibles de constituer un support à la lutte contre le dopage. On peut notamment mentionner :
– la directive 65/65/CEE modifiée concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, JO no L 22 du 9 février 1965 ;
– la deuxième directive 75/319/CEE du Conseil du 20 mai 1975 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, JO no L 147 du 9 juin 1975 ;
– la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de publicité trompeuse, JO no L 250 du 19 septembre 1984.
Au titre de la protection des sportifs considérés comme des travailleurs, on peut également signaler :
– la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, JO no L 183 du 29 juin 1989 ;
– la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 sur la protection des jeunes personnes au travail, dont l’article 1er prévoit des mesures visant à prévenir leur exploitation économique et tout travail de nature à porter atteinte à leur sécurité, à leur santé et à leur développement physique, mental, moral ou social (JO no L 216 du 28 août 1994).
30 Rapport Larive, présenté les 27 avril et 3 mai 1994, A3-0313/94/(B), et résolution du 6 mai 1994, JOCE no C 205/485 du 25 juillet 1994.
31 Ce souhait a été réalisé avec le lancement du programme de prévention « Europack », mentionné supra.
32 Résolution sur les mesures urgentes à prendre contre le dopage dans le sport, JO no C 98 du 9 avril 1999.
33 Résolution 2000/2056/COS.
34 Résolution PE R5-021/1999, JOCE no C 189 du 7 juillet 2000.
35 Résolution du Parlement européen du 14 avril 2005, relative à la lutte contre le dopage dans le sport, B6-0215/2005.
36 « Le dopage dans le sport professionnel », juin 2008, PE 405.404.
37 Résolution du Parlement européen du 8 mai 2008 sur le Livre blanc sur le sport, A6-0149/2008, points 20 à 27.
38 Le Code mondial antidopage a été révisé en 2003 et en 2005.
39 Cf. « Quand le mouvement sportif dicte sa loi », Le Monde, 29 novembre 2005.
40 Le continent américain assume 29 %, l'Asie 20,46 %, l’Océanie 2,54 % et l’Afrique 0,5 %. Le budget de l’AMA s’élevait à près de 21 millions de dollars en 2002.
41 Position confirmée par la communication de la Commission au Conseil, concernant la participation de la Commission à l’AMA ainsi que son financement, qui conclut que « les règles budgétaires de la Communauté et celles de l'Agence sont incompatibles », COM(2000)220 final du 6 juin 2002.
42 La France apparaît comme l’un des pays européens le plus en pointe dans la prévention et la lutte contre le dopage, avec un dispositif législatif étoffé, remanié à plusieurs reprises depuis ia première ioi contre le dopage adoptée en 1965.
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