Cinquième chapitre. Les dispositions nationales antidopage : une harmonisation qui reste à réaliser
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Texte intégral
1En vue d’éclairer le groupe de suivi de la Convention européenne contre le dopage, une étude a été réalisée en 1999 sur les différentes législations et réglementations relatives au dopage des pays membres du Conseil de l’Europe. Cette étude, portant sur quarante-deux pays européens, faisait apparaître des situations très hétérogènes et confirmait l’impression que l’Europe de la lutte contre le dopage restait à harmoniser39. Elle distinguait trois catégories de pays :
- ceux où les pouvoirs publics contrôlent la lutte contre le dopage dans le cadre d’une législation générale (qu’il s’agisse d’une loi de base sur le sport ou d’une loi sur la santé) ou bien au moyen d’une législation spécifiquement consacrée au dopage ;
- les pays où le gouvernement et les organisations sportives combattent conjointement le phénomène ;
- les pays où les problèmes du dopage relèvent essentiellement de la compétence des associations sportives, à travers leurs réglementations propres.
2Depuis, cette étude a été notamment complétée par un recensement effectué par le Conseil de l'Europe et par une analyse socioéconomique du dopage réalisée pour la Commission européenne en avril 2002. La mise en oeuvre du Code mondial antidopage adopté en mars 2003, puis l’entrée en vigueur, le 1er février 2007, de la Convention internationale contre le dopage adoptée en octobre 2005, ont incité les pays qui n’en disposaient pas encore à se doter de dispositions nationales à cet égard40.
3En ce qui concerne les États membres de l’Union européenne, il apparaît que la Belgique, la France, l’Espagne et la Grèce appartiennent à la première catégorie ; l’Autriche, l’Irlande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède font partie du deuxième groupe, tandis que l’Allemagne, le Danemark et la Finlande se caractérisent par l’intervention principale des organisations sportives en matière de lutte antidopage, ce qui ne signifie pas pour autant que, dans ces pays, les autorités publiques se désintéressent de la question, qui préoccupe en réalité tous les gouvernements.
1. Les pays où le dopage relève principalement des pouvoirs publics
4Dans les pays où la lutte contre le dopage relève, à titre principal, de l’intervention des pouvoirs publics, le cadre peut en être fixé soit par une loi spécifique sur le dopage, soit par une loi plus générale sur le sport.
1.1. La Belgique, la France, la Pologne et le Portugal
5Dès les années soixante, la Belgique et la France sont les deux premiers pays à légiférer en matière de dopage, au moyen d’une loi spécifique, avant d’être rejoints par le Portugal.
6La Belgique avait adopté, à l’origine, une loi fédérale datée du 2 avril 1965, sur l’interdiction de la pratique du dopage à l’occasion de compétitions sportives. Toutefois, depuis la réforme institutionnelle, la gestion de la lutte antidopage dépend des communautés linguistiques.
7La communauté flamande a donc abrogé la loi pour prendre un nouveau décret, le 27 mars 1991, portant sur la politique du sport dans le respect des impératifs de santé. Une Commission flamande de lutte antidopage (notamment chargée de réactualiser la liste des produits interdits, des procédures de prélèvement et de l’agrément des médecins pratiquant les contrôles) a été créée en 1985. Le dopage fait également l’objet de divers arrêtés ministériels (prélèvements, procédures d’analyse, agrément des médecins, etc.).
8En ce qui concerne la communauté française, la Commission francophone de lutte antidopage a été créée en 1985, avec pour mission de fixer la liste des produits interdits, les méthodes de prélèvement, l’équipement et les conditions de travail des laboratoires. Par ailleurs, un décret a été adopté en mars 2001, relatif à la promotion de la santé dans la pratique du sport, à l’interdiction du dopage et à sa prévention dans la Communauté française.
9Enfin, des accords de coopérations ont été établis entre les trois communautés en vue d’harmoniser les pratiques.
10En France, la lutte contre le dopage a fait l’objet d’une loi dès le 1er juin 1965. Cette loi a été remplacée par plusieurs dispositions législatives successives, la dernière en date étant la loi no 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, qui transpose en droit interne l’essentiel des dispositions du Code mondial antidopage. La loi d’avril 2006 a aussi créé l’Agence française de lutte contre le dopage, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, chargée de définir et de mettre en oeuvre les actions dans ce domaine41.
11En outre, la loi no 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic des produits dopants, complète le dispositif. Enfin, la Convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée sous l’égide de l’Unesco en octobre 2005, a été ratifiée en droit interne par la loi no 2007-129 du 31 janvier 2007.
12En Pologne, la loi sur la culture physique du 18 janvier 1996 comprend des dispositions contre le dopage, qui ont été précisées par plusieurs régulations du ministère de l’Éducation nationale et du Sport prises en 2001 et 2004.
13Au Portugal, plusieurs mesures législatives concernent le dopage :
- La loi de base no 1/90 du 13 janvier 1990, relative au système sportif, aborde le problème de dopage en son article 5 – qui rappelle le rôle de l’État dans la défense de l’éthique sportive et prévoit des mesures contre le dopage –, et en son article 17, relatif à la médecine sportive.
- Le décret-loi no 105/90 du 23 mars 1990 interdit, quant à lui, la pratique du dopage et vise à l’adaptation de la législation nationale aux recommandations internationales (listes des produits, substances et méthodes de dopage, contrôles en compétition et hors compétition, obligation pour tout athlète de s’y soumettre, obligation pour les fédérations sportives d’adopter un règlement antidopage dont le décret fixe les principes généraux, procédures de contrôle et obligation d’une contre-analyse en cas de résultat positif, sanctions disciplinaires, recours). Il introduit également un principe de coresponsabilité des différents acteurs et instaure un Conseil national antidopage. Ses dispositions ont été revues et renforcées par le décret-loi no 183/97 du 26 juillet 1997 et par l’ordonnance no 183/97 du 5 septembre 1997.
1.2. L’Espagne et la Grèce
14Dans d'autres pays comme l'Espagne et la Grèce, en l’absence de dispositions légales spécifiques, la lutte contre le dopage est organisée par une loi générale sur le sport.
15Ainsi en Espagne, outre la loi sur le sport no 10/1990 du 15 octobre, qui traite du dopage, il existe depuis 2006 une loi spécifique sur le dopage (loi 7/2006). Le Conseil supérieur des sports (CSD) est chargé de promouvoir toutes mesures de prévention, de contrôle et de répression du dopage. Toutefois les fédérations sportives, investies d’une mission de service public, collaborent avec le CSD en ce domaine.
16L’ordonnance du 11 janvier 1996 a fixé les procédures de contrôle et les règles d’homologation des laboratoires, et le décret no 255/1996 du 16 février 1996 le régime des sanctions. La Commission nationale antidopage, placée sous l’égide du CSD, a vu sa composition et ses missions précisées par le décret no 1313/1997 du 1er août 1997.
17En Grèce, la loi no 1646 du 18 septembre 1986 sur les mesures de prévention et de répression de la violence dans les espaces sportifs et autres dispositions, pose l’interdiction du dopage, fixe la nature des contrôles et la liste des sanctions, et traite du dopage des chevaux. La loi no 2725/99 sur le sport, adoptée en 1999, s’applique à distinguer le sport amateur et le sport professionnel, et traite entre autres de la création d’instances régulatrices pour organiser les activités sportives. Le Conseil national contre le dopage est en charge de la prévention. En outre, en septembre 2008, le gouvernement grec a déposé un projet de loi antidopage qui prévoit un renforcement des sanctions administratives et pénales prévues pour les contrevenants.
2. Les pays organisant une lutte conjointe des pouvoirs publics et des organisations sportives
18Dans certains pays, la lutte contre le dopage fait l’objet d’une intervention conjointe de la part des pouvoirs publics et des organisations sportives. En général, le cadre juridique national organise cette coresponsabilité.
19En Autriche, la Convention du Conseil de l’Europe a été ratifiée par la loi fédérale no 451/1991. En outre, le pays dispose depuis 2004 d’une loi sur les produits thérapeutiques qui interdit de mettre en circulation et d’appliquer des produits contenant des substances dopantes. En application de cette loi, chaque fédération sportive est tenue d’organiser la prévention du dopage en conduisant des actions d’information et de formation pour les athlètes, les entraîneurs et le corps médical.
20Par ailleurs, depuis 1984, des lignes directrices unifiées ont été établies conjointement par le ministère responsable du sport et la Fédération autrichienne du sport (Österreichische BundesSportorganisation, ou BSO). Un Comité antidopage, composé de façon mixte, a été créé en 1992 par le gouvernement fédéral et placé sous l’égide de la BSO.
21En Irlande, il n y a pas de loi sur le dopage. Les actions dans ce domaine relèvent à titre principal de l’unité antidopage de l’Irish Sports Council, instaurée en 1998, selon le principe d’autonomie des fédérations sportives qui fonde la politique sportive nationale, bien que cette unité soit largement financée par le gouvernement.
22Au Luxembourg, il n’existe pas de loi spécifique sur le dopage, mais une loi générale du sport adoptée en août 2005. Un Comité national de lutte contre le dopage dans le sport, organe indépendant constitué de représentants de l’État et du mouvement sportif, et chargé de mener la politique nationale en matière de lutte et de prévention, a été créé en 1990. Il dresse la liste des substances dopantes et organise les contrôles antidopage.
23Par ailleurs, le CNO a adopté en 1991 des dispositions contre le dopage qui doivent figurer dans les statuts et règlements des fédérations sportives.
24Aux Pays-Bas, il n’existe pas non plus de législation sur le dopage, mais une loi de 1958 sur les médicaments, qui peut être appliquée pour la mise en œuvre de contrôles.
25En application de la Convention du Conseil de l’Europe, les autorités néerlandaises se sont engagées dans une politique active de prévention et de contrôle. Toutefois, les fédérations sportives sont responsables des sanctions.
26Créé en 1989 et composé de représentants du gouvernement, du mouvement sportif et de la médecine sportive, le Centre néerlandais pour les problèmes de dopage (Nederlands Centrum voor Dopingvraagstukken, ou NeCeDo) est chargé de la prévention et de l’information sur le dopage.
27En Suède enfin, une loi de 1991 pénalise la possession, le trafic ou l’usage de certaines drogues, et dispose que ces substances ne peuvent avoir qu’un usage médical. Par ailleurs, une loi interdisant certains produits dopants a été adoptée en 1996. La Confédération suédoise des sports est responsable de la prévention.
3. Les pays où la lutte contre le dopage est essentiellement confiée aux organisations sportives
28Dans le dernier groupe de pays, les organisations sportives interviennent à titre principal dans la lutte contre le dopage. Les autorités publiques la soutiennent cependant sur le plan financier et matériel.
29Ainsi en Allemagne, il n’y avait pas de loi antidopage spécifique, mais seulement une loi sur les produits pharmaceutiques, qui avait été amendée pour sanctionner la fourniture de médicaments dans un but de dopage. En août 2006, le gouvernement allemand a annoncé qu’il renonçait à doter le pays d’une loi antidopage, à laquelle s’était opposé le Comité national olympique allemand. Ce dernier estimait en effet que la justice sportive était plus efficace en la matière. Une loi relative à l’amélioration de la lutte contre le dopage a cependant été adoptée en novembre 2007.
30La lutte contre le dopage, mise en oeuvre initialement par la Confédération sportive allemande et le CNO, a été confiée à une agence nationale antidopage, la Nationale Anti-Doping-Agentur Deutschland (NADA), dont le budget a été quadruplé en 2008 pour s’élever à près de 3 millions d’euros. Les sanctions restent du ressort des fédérations.
31Par ailleurs, un groupe de travail gouvernemental, placé sous l’égide de la Conférence des ministres du sport des Länder, oeuvre en matière de prévention du dopage depuis 1995.
32Au Danemark, la politique non interventionniste de l’État n’a pas empêché l’adoption de l’Antidoping Act en 1993 (no 916), à la suite de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe, qui a été révisé en 1999. Le dopage peut maintenant y faire l’objet de poursuites pénales.
33La Confédération sportive danoise (Danmark Idroets-Forbund, ou DIF) quant à elle, a produit sa propre réglementation dès 1979 et instauré une commission de contrôle en son sein ; il existe également une agence nationale antidopage. Au début des années quatre-vingt, la Confédération danoise a signé avec les autres confédérations sportives de l’Europe du Nord (Finlande, Islande, Norvège et Suède) l’Accord nordique de lutte contre le dopage, première convention multilatérale permettant aux cinq organisations sportives adhérentes d’effectuer des contrôles réciproques. Cet accord a imposé une harmonisation des règlements et des méthodes, et l’acceptation d’un contrôle sans restriction de tous les athlètes par n’importe quelle partie signataire.
34En Finlande, il n’existe pas de loi antidopage et la base de la répression a donc été fournie par le Medicine Act no 395/1987 par lequel les produits dopants sont considérés comme des médicaments. Le Code pénal a intégré, depuis septembre 2002, des dispositions renforcées réprimant leur trafic.
35Une Agence nationale antidopage, créée en 1982 par les organisations sportives finlandaises sous la forme d’un organisme indépendant, oeuvre en liaison avec la Fédération sportive finlandaise et le CNO. Elle est administrée à parité par des représentants désignés par le mouvement sportif et ceux nommés par le ministère de l’Éducation, ce dernier étant son principal bailleur de fonds.
36En Italie, la première loi sur le dopage (no 1055 du 28 décembre 1950) avait confié à un organe du CONI, la Fédération italienne de médecine sportive, la responsabilité d’effectuer les contrôles antidopage à la demande des fédérations sportives nationales.
37La mise en oeuvre de la politique antidopage a ensuite été attribuée à l’État, mais cette disposition n’a pas été appliquée et la compétence a de nouveau été confiée au CONI et aux fédérations, tant en ce qui concerne la prévention que le contrôle et la répression.
38Toutefois, l’Italie a adopté en novembre 2000 une nouvelle loi à caractère répressif, qui pénalise l’usage de produits dopants et institue une commission spéciale, extérieure au CONI, pour la surveillance et la prévention de l’usage de produits dopants (loi no 376 du 14 décembre 2000). Les tentatives gouvernementales pour modifier la loi et dépénaliser le dopage en 2005, juste avant l’échéance des Jeux olympiques d’hiver de 2006 à Turin, se sont heurtées à l’opposition du parlement italien. Un décret du 5 janvier 2006 a finalement confirmé le rôle de la Commission nationale de surveillance du dopage dans la conduite des contrôles antidopage.
39Enfin, au Royaume-Uni, il n’existe pas de loi contre le dopage, et sa répression se fonde sur la législation générale réglementant les médicaments (loi sur le mauvais usage des produits pharmaceutiques de 1971). Toutefois, la possibilité d’adopter une loi antidopage avant les Jeux olympiques de 2012 a été évoquée par la British Olympic Association en 2007.
40Le Sports Council du Royaume-Uni (UK Sport) était responsable de la politique antidopage sur l’ensemble du territoire, appliquée avec l’aide des fédérations et organisations sportives nationales. Il mettait à leur disposition un service de contrôle antidopage financé par les Sports Councils d’Angleterre, d’Écosse, du pays de Galles et de l’Irlande du Nord. UK Sport se chargeait de l’information, de la prévention et des tests. Quant aux sanctions pour dopage, elles étaient infligées par les fédérations, dont le subventionnement était conditionné à l’adoption de règlements antidopage. Toutefois, en 2008, une agence antidopage nationale et indépendante (National Anti-Doping Organisation, ou NADO) a été mise en place et chargée de l’ensemble de la lutte antidopage dans le pays.
41Ce panorama synthétique révèle la persistance d’une grande diversité d’approches dans la lutte contre le dopage parmi les États membres de l’Union européenne. Certains pays disposent d’une législation nationale prévoyant des sanctions pénales dissuasives, alors que dans d’autres, les sanctions restent du ressort des organisations sportives. Une telle disparité, qui reflète des conceptions différentes de l’action publique dans le domaine du sport, mériterait d’être réduite pour améliorer l’efficacité de la lutte contre le dopage. On constate néanmoins une tendance sensible à l’adoption de législations nationales spécifiques et à la constitution d’agences nationales indépendantes.
42En mars 2007, les ministres de l’Union en charge du sport se sont prononcés en faveur d’une meilleure articulation entre les organisations antidopage nationales et ont adhéré au projet d’interconnexion présenté à cet effet par la présidence allemande.
Notes de bas de page
39 Pour plus de précisions concernant les législations nationales antidopage en Europe, on peut notamment se reporter :
– à l’étude des législations nationales relatives au sport en Europe (Chaker A.-N., Conseil de l’Europe, 1999) et au rapport établi par le Clearing House sur la situation en matière de législation et de réglementation sur le dopage dans les pays membres du CDDS du Conseil de l’Europe, 1999 ;
– aux travaux du groupe permanent de suivi de la Convention européenne contre le dopage ;
– à l’analyse socioéconomique du dopage dans le sport d’élite (étude KPMG pour la Commission européenne, avril 2002) ;
– à la base de données sur les initiatives antidopage nationales figurant sur le site Internet du Conseil de l’Europe, 2004/2005 ;
– à l'étude sur le dopage dans le sport professionnel (Brissonneau C. [coord.], étude réalisée pour le Parlement européen, juin 2008).
40 Selon l'étude commanditée par la Commission et publiée en juin 2008 sur la formation des jeunes sportifs en Europe, vingt-deux pays de l’Union sur vingt-sept avaient adopté la Convention internationale et appliquaient par conséquent ses dispositions.
41 Les dispositions de la loi du 5 avril 2006 ont été intégrées dans le Code du sport, titre III, Santé des sportifs et lutte contre le dopage.
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