Introduction
p. 15-16
Texte intégral
1L’Europe peut être considérée comme le berceau du sport mondial. Le développement économique et social qui a suivi la première révolution industrielle a en effet favorisé, dès le milieu du XIXe siècle, l’émergence d’un sport moderne, qui s’est consolidé au siècle suivant. C’est ainsi que la plupart des disciplines sportives et des organisations qui ont assuré leur développement sont nées en Europe occidentale.
2Rénovateur des Jeux olympiques, Pierre de Coubertin a fondé en 1894, à partir du territoire français, le Comité international olympique, qui est devenu l’instance dirigeante suprême du sport. Forte de ces origines historiques, l’Europe continue à jouer un rôle essentiel dans le sport mondial, en accueillant le siège de la plupart des organisations sportives internationales, en pesant sur les orientations majeures et en organisant, sur son territoire, un nombre élevé de manifestations sportives de haut niveau.
3Pourtant, il est possible d’affirmer, de façon paradoxale, que le sport est une idée neuve en Europe, du moins en ce qui concerne l’Union européenne, car jusqu’à une date récente, le sport ne faisait guère partie de ses préoccupations. Le traité fondant la Communauté européenne ne comporte en effet aucune disposition relative au sport, cette situation ayant perduré jusqu’au traité d’Amsterdam de 1997, qui n’évoque d’ailleurs le sport que dans une déclaration annexe, dépourvue de portée juridique.
4Certes, le Conseil de l’Europe – avec les quelque quarante-sept pays membres qu’il regroupe aujourd’hui – s’est intéressé au sport, dans le cadre de la Convention culturelle européenne, dès les années soixante-dix et a multiplié les résolutions relatives à celui-ci dans une approche essentiellement humaniste, culturelle et sociale. Il a ainsi proposé à la signature des États deux conventions importantes visant à lutter contre la violence dans les stades et contre le dopage. Il a en outre adopté une Charte européenne du sport qui fait toujours référence.
5De fait, le mouvement sportif, surtout dans ses composantes mondiales et européennes, a traditionnellement bénéficié d’une très large autonomie, qu’aucun organisme supragouvernemental n’était en capacité ni en vouloir de contester. Au cours du XXe siècle, et notamment après la Seconde Guerre mondiale, les États se sont investis davantage dans les questions sportives, à mesure de l’importance reconnue au sport dans les domaines éducatif, culturel, sanitaire, social, puis économique. Néanmoins, l’autonomie des fédérations nationales demeure, dans les cadres fixés par les pouvoirs publics nationaux, et avec des degrés variant sensiblement d’un pays à l’autre. À cet égard, au-delà des aspects unitaires induits par la structuration universelle et hiérarchique du mouvement sportif, l’organisation du sport présente en Europe, selon les disciplines et les pays, une grande diversité, avec des combinaisons variables d’intervention étatique et d’autonomie sportive, sur fond de contextes culturels nationaux spécifiques.
6Ce schéma classique a subi de profondes mutations dans la période récente. En premier lieu, les organisations sportives ont dû admettre que les décisions concernant les aspects économiques de leur activité devaient tenir compte des règles communautaires de libre circulation et de concurrence. Pour beaucoup d’entre elles, l’arrêt Bosman, rendu en 1995 par la Cour de justice européenne, a ainsi constitué une révélation, en dépit des fondements posés par des arrêts précurseurs vingt ans auparavant.
7Or précisément, l’activité économique et commerciale des organisations sportives n’a cessé de se développer depuis les années quatre-vingt, en particulier dans la sphère du haut niveau, qui s’est professionnalisée et médiatisée. Les enjeux économiques sont devenus considérables, qu’il s’agisse des contrats des athlètes, de la vente des droits médiatiques ou du soutien des sponsors, et les organisations sportives ont dû apprendre à maîtriser les règles du spectacle sportif et de la mondialisation, qui n’ont guère de ressemblance avec celles du sport amateur et du bénévolat. L’irruption des intérêts commerciaux dans le sport s’est accompagnée d’impératifs de rentabilité et de performance qui peuvent entrer en conflit avec les valeurs traditionnelles attachées au sport. Celui-ci, éclaté entre deux univers que presque tout oppose, connaît une crise qui touche d’abord les organisations sportives. Les excès commerciaux, la violence endémique dans les manifestations sportives, l’extension du dopage constituent pour elles autant de défis qui les dépassent à bien des égards et qu’elles peinent à relever. Il en résulte, pour les instances dirigeantes du mouvement sportif, déjà ébranlées par l’impact du droit communautaire, une remise en cause plus ou moins ouverte de leur légitimité et de leur rôle.
8La déclaration sur les caractéristiques spécifiques du sport annexée au traité de Nice de 2000, en dépit de son faible poids juridique, est importante à plus d’un titre. Elle réaffirme la valeur éducative, sociale et culturelle de l’activité sportive pour tous, et le rôle du bénévolat dans sa promotion. Elle stipule que les organisations sportives et les États membres ont une responsabilité première dans la conduite des affaires sportives. Mais elle reconnaît aussi que, même en l’absence de compétences directes dans ce domaine, l’Union doit tenir compte dans son action « des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport, qui fondent sa spécificité, afin de promouvoir l’éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social ». Dans cette formulation, une inquiétude quant à l’évolution du sport en Europe et au maintien de ses structures est perceptible.
9La déclaration de Nice a exprimé une certaine détermination des États membres de l’Union européenne à lutter contre les dérives qui affectent le sport. Bien que dépourvue, à ce jour, d’instruments juridiques appropriés, l’Union doit aussi jouer un rôle important dans l’évolution des organisations sportives et le traitement des problématiques sportives, qui dépassent de plus en plus le cadre national. L’inscription d une référence au sport dans le traité modifié devrait lui permettre de mener une politique plus affirmée, sans départir pour autant les États d’une compétence historique à laquelle ils sont attachés.
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