Chapitre 14 bis. Étude de cas
Comparaison entre deux gilets refroidissants : effets sur le rendement énergétique lors d'un exercice de pédalage en condition chaude et humide, et lors de la période de récupération
p. 239-250
Texte intégral
Introduction
1Il est clairement établi qu'en ambiance chaude et humide, les performances physiques sont réduites (Bell et Provins 1962 ; Shvartz, Saar et al. 1973). La thématique du refroidissement corporel dans le milieu sportif a bénéficié d'une grande attention de la part du milieu scientifique (Booth, Marino et al. 1997), en particulier au cours des trois récentes olympiades (Atlanta, 1996 ; Athènes, 2004 et Pékin, 2008). De nombreuses méthodes permettent de réduire artificiellement la température corporelle avant un exercice. Les méthodes les plus étudiées dans la littérature sont l'exposition à de l'air froid ou l'immersion en eau froide (Marino 2002 ; Quod, Martin et al. 2006 ; Vaile, Halson et al. 2008). L'utilisation d'un gilet refroidissant (GR) est l'une des techniques les plus simples et les plus utilisées par les athlètes. De nombreux modèles de GR sont disponibles sur le marché, utilisant des techniques de refroidissement et des propriétés thermiques différentes. Pour ces raisons, ces divers GR ont tous des impacts différents sur la performance sportive réalisée en ambiance chaude (Quod, Martin et al. 2006).
2Lors des derniers Jeux olympiques de Pékin (2008), l'un des GR les plus populaires était l'Arctic-heat® (Burleigh Heads, Arctic-heat®, Australie). Arngrimsson et al. (2004) ont déjà validé ce GR et ont rapporté une réduction significative (13 s) du temps nécessaire pour parcourir 5 km en course à pied (Arngrimsson, Petitt et al. 2004). Pour la plupart des modèles de GR disponibles, les sportifs mettent directement sur la peau un GR venant juste de sortir du congélateur, ce qui a pour conséquence une vasoconstriction cutanée importante, réduisant ainsi la conductivité thermique de l'enveloppe corporelle, ce qui induit une isolation thermique de l'organisme. Or, lors de la réalisation d'un exercice physique en ambiance chaude, l'organisme doit évacuer la chaleur métabolique produite par vasodilatation cutanée (Arngrimsson, Petitt et al. 2004). Dans ce cadre, nous pensons qu'un concept de GR ne refroidissant pas la peau de manière trop drastique permettrait d'augmenter la dispersion de la chaleur corporelle durant l'exercice physique. Par ailleurs, le temps durant lequel cet environnement froid peut être maintenu au contact direct de la peau est un élément important pour juger de l'efficacité d'un GR utilisé en ambiance chaude. Étonnamment, à notre connaissance, les fabricants de GR actuels ne prennent pas en compte ces deux mécanismes (temps et dispersion de la chaleur). C'est dans ce cadre qu'un nouveau GR, appelé Cryovest® (IMNSSA-IRBA-Paul Boyé Technologie-SM Europe, France), a été réalisé pour la délégation française ayant participé aux Jeux olympiques de Pékin 2008.
3Bien qu'il existe différents modèles de GR partageant le même objectif thermique, aucune étude n'a quantifié, au sein d'une même population, les effets du modèle de GR sur la tolérance au stress thermique durant un exercice physique réalisé en ambiance chaude. Dans le cadre de cette présente étude, nous avons comparé l'efficacité de l'Arctic-heat® et celle de la Cryovest®, en particulier sur le rendement énergétique lors d'un exercice de pédalage et sur la qualité de la récupération subséquente.
1. Matériels et méthodes
1.1 Population
4Huit sujets sportifs masculins ont donné leur consentement écrit pour participer à cette étude. Ont été exclus tous les participants qui avaient des antécédents de maladies liées à la chaleur, de problèmes de santé chroniques, de limitation orthopédique, de maladies cardiovasculaires, métaboliques ou respiratoires. Toutes les expérimentations ont été réalisées en accord avec la déclaration d'Helsinki (1980). Les valeurs moyennes (± écart type) de l'âge, de la taille, de la masse corporelle et de la masse grasse des sujets étaient respectivement de 31,2 ± 2,5 ans, 183,4 ± 7,6 cm, 74,6 ± 6,7 kg et 9,8 ± 2,5 %.
1.2 Résumé du protocole
5Dans un premier temps, chaque sujet a réalisé une épreuve d'effort maximal incrémentée de 25 W toutes les deux minutes sur ergocycle (Excalibur®, Lode, Groningen, Pays-Bas) dans une chambre climatique (CC, 30 °C, 80 % d'humidité), de façon à définir leur consommation maximale d'oxygène (V̇O2max) et leur puissance maximale aérobie (PMA). Dans un second temps, les sujets ont effectué trois tests à puissance constante sur ergocycle (60 % PMA) selon trois conditions expérimentales différentes appliquées dans un ordre aléatoire (les sujets portaient soit un tee-shirt en coton standard, soit le GR Arctic-heat®, soit le GR Cryovest®).
6Sur l'ensemble du protocole, tous les sujets ont été évalués à la même heure de la journée, afin de réduire les effets du rythme circadien sur la fréquence cardiaque (FC) et la température corporelle, et une période de repos d'au moins deux jours a été respectée entre chaque test.
1.3 Description des gilets refroidissants
7Le modèle Arctic-heat® est composé de quatre bandes horizontales sur les faces antérieure et postérieure, couvrant une surface totale de 0,1039 m2 (Fig. 14.5). Le gel cristallisé contenu dans ces bandes absorbe l'eau lorsqu'il est immergé. Ce gel ainsi réhydraté doit ensuite être placé dans un congélateur avant son utilisation. Une fois activé, le GR Arcticheat® pèse 1 900 g.
8Le modèle Cryovest®est composé de huit poches (quatre sur l'avant et quatre dans le dos) couvrant une surface de 0,1800 m2 (Fig. 14.5). Dans chaque poche viennent s'insérer des packs refroidissants mesurant 15 x 15 cm et pesant 178 g (Firstice®, USA). Pour être activé, chaque pack Firstice® doit être placé pendant deux heures dans un congélateur. Le poids du GR Cryovest®, une fois activé, est de 1 920 g.
1.4 Évaluation des caractéristiques thermiques des GR
9Afin d'apprécier les caractéristiques techniques des GR, nous les avons disposés sur des cintres (non portés par des sujets) et placés dans la CC (30 °C, 80 % d'humidité). Au moyen d'une caméra infrarouge (ThermaCAM™ SC640, Flir Systems, Dandery, Suède), la température des surfaces (interne et externe) de chacun des GR testés a été mesurée de manière itérative, permettant ainsi d'établir leur cinétique de réchauffement (Fig. 14.6). De la même façon, la variation de température cutanée en réponse au port des GR a été quantifiée chez trois sujets qui ont porté pendant 60 min chaque GR à même la peau, dans une pièce tenue à la thermoneutralité (27 °C). À la dixième et à la soixantième minute, les sujets ont enlevé leur GR pendant quelques secondes de façon à ce que des photographies de leur peau soient réalisées par thermographie infrarouge (Fig. 14.7).
2. Description précise du protocole
10Chaque sujet est arrivé à 11 heures du matin au laboratoire, à jeun depuis 3 heures. Il leur a été demandé de ne pas consommer d'alcool, de caféine ou de médicaments dans les 48 heures précédant l'expérimentation.
11Dans un premier temps, une mesure de la masse corporelle a été réalisée avec une balance électronique (Tanita, Japon), les sujets étant en sous-vêtements. À l'issue de cette mesure, les différents capteurs thermiques et physiologiques ont été placés sur le sujet. Le protocole subséquent était subdivisé en cinq périodes (Fig. 14.8) :
Repos ext. : 30 min de repos, assis dans une pièce maintenue à neutralité thermique (27 °C).
Repos CC : 30 min de repos, assis dans la CC maintenue à une ambiance de 30 °C et à 80 % d'humidité relative de l'air.
Éch. : 30 min d'échauffement sur ergocycle dans la CC (30 °C et 80 % d'humidité relative) à une puissance correspondant à 25 % de la PMA du sujet.
Exe. : 15 min d'effort sur ergocycle dans la CC (30 °C et 80 % d'humidité relative) à une puissance correspondant à 60 % de la PMA du sujet.
Récup. : 20 min de récupération dans la CC (30 °C et 80 % d'humidité relative), phase décomposée en 5 min de récupération active à une puissance correspondant à 10 % de la PMA, suivies de 15 min de repos assis.
12Durant la période Repos ext., les sujets portaient un simple tee-shirt en coton. Du début de la seconde période de repos à la fin de la récupération, les sujets étaient dans la CC et dans une des trois conditions expérimentales suivantes :
T-shirt » : les sujets portaient un tee-shirt en coton,
Arctic-heat » : les sujets portaient le GR Arctic-heat®,
Cryovest » : les sujets portaient le GR Cryovest®.
13Durant toute la durée du test, les sujets n'étaient pas autorisés à s'hydrater. À la fin de la période de récupération, une nouvelle mesure de la masse corporelle des sujets, en sous-vêtements, était réalisée.
2.1 Mesures thermophysiologiques
14La température rectale (Tre) était mesurée à l'aide d'une sonde thermique (Ysi 440 USA) introduite dans le rectum à 10 cm de la marge anale. Quatre sondes de température cutanée étaient placées sur la peau (Pt100), respectivement au niveau de la cage thoracique, de l'abdomen, de la zone scapulaire et de la région lombaire (Fig. 14.5). La température cutanée moyenne (T̅sk) était calculée à l'aide de ces quatre sondes. Quatre disques de flux thermique (FQ A020C, Ahlborn, Allemagne) étaient placés sur la peau des sujets contre chacune des sondes thermiques.
2.2 Mesures des paramètres énergétiques
15Tout au long des 90 min passées dans la CC, une analyse cycle à cycle des gaz expirés était effectuée à l'aide d'un métabographe portable (K4b2, Cosmed, Rome, Italie). Les paramètres mesurés étaient la consommation d'oxygène (V̇CO2 ml.kg-1.min-1), la production de dioxyde de carbone (V̇CO2, ml.kg-1.min-1) et le quotient respiratoire (QR, V̇CO2/V̇O2). La fréquence cardiaque était obtenue à l'aide d'une ceinture de type Polar® (Polar Electro Oy, Helsinky, Finland), placée sur le thorax des sujets, et exprimée en pourcentage de la réserve de la fréquence cardiaque (% AFC) [Karvonen et Vuorimaa 1988]. L'intensité relative de l'exercice était calculée à partir du pourcentage de la consommation maximale d'oxygène (%V̇O2max).
2.3 Mesures des paramètres biologiques
16Deux prélèvements de 100 µl de sang total, réalisés aux lobes de l'oreille, ont permis de mesurer les paramètres biologiques au repos et à la fin de l'exercice. Les prélèvements ont été immédiatement analysés au moyen d'un automate de type l-Stat® analyzer (Abbott Point of Care Inc., Illinois, USA). Les cinq paramètres biologiques analysés étaient la natrémie ([Na+]), la concentration sanguine en lactate ([La-]b), l'acidité du sang (pH), la concentration sanguine en bicarbonate([HCO3-]) et le taux d'hématocrite (Htc). Le pourcentage de variation du volume plasmatique (ΔVP) a été calculé en application de la formule proposée par Dill et Costill (1974) :
2.4 Analyse statistique
17L'ensemble des valeurs est présenté sous forme de moyennes (± ET). La comparaison des données mesurées et calculées au terme des tests passés sous les trois conditions expérimentales a été réalisée par ANOVA pour mesures répétées à deux voies (Période x Condition). Le test post-hoc de Newman Keuls a permis de mettre en évidence les différences significatives au cours de la même période entre les trois conditions expérimentales. Les différentes variables dépendantes considérées étaient la FC, la V̇O2, la Tre, la T̅sk, les flux thermiques, ainsi que tous les paramètres biologiques. Le niveau de significativité a été défini pour p < 0,05.
3. Résultats
18Lors du test incrémental maximal, les valeurs moyennes de FCmax, de V̇O2max et de PMA étaient respectivement de 186 ± 8 bpm, 52,3 ± 5,1 ml.kg-1.min-1 et 255 ± 25 W.
19Au cours des périodes de repos, à l'extérieur puis à l'intérieur de la CC, aucune différence significative n'a été observée entre les trois conditions expérimentales quant aux valeurs de FC, V̇O2 et Tre (valeurs non présentées).
20Les valeurs de FC, de V̇O2 et de Tre, obtenues au cours de l'échauffement, de l'exercice et de la récupération réalisés dans la CC, sont présentées dans le tableau 14.3. Quelles que soient les conditions expérimentales, les valeurs de FC, V̇O2 et Tre augmentent au cours des 30 min d'échauffement et des 30 min d'exercice. Au cours des 10 premières minutes d'exercice, les valeurs de FC, V̇O2 et Tre observées dans la condition « T-shirt » étaient significativement plus élevées que dans les deux autres conditions. Lors des 5 dernières minutes d'exercice et durant la période de récupération, les valeurs de FC, V̇O2 et Tre enregistrées avec la Cryovest® étaient significativement plus faibles, comparées à celles enregistrées avec l'Arctic-heat®, elles-mêmes significativement plus faibles que celles observées dans la condition « T-shirt ».
21L'analyse des paramètres biologiques de repos ne révèle aucune différence significative entre les trois conditions : les valeurs moyennes de [La]b, pH, [HCO3-], [Na+] et Htc sont respectivement de 0,96 ± 0,18 mmol.ml-1, 7,42 ± 0,03, 27,4 ± 1,2 mmol.l-1, 140,7 ± 1,3 mmol.l-1 et 46,3 ± 1,8 %. L'ensemble des paramètres biologiques enregistrés à la fin de l'exercice et pour les trois conditions expérimentales est présenté dans le tableau 14.4. Quelles que soient les conditions expérimentales, les valeurs de [La]b, Na+ et Htc augmentent pendant la période d'exercice alors que les valeurs de pH et [HCO3-] diminuent.
22Au cours de l'exercice, les valeurs de [La]b, Na+ et Htc observées dans la condition « T-shirt » sont significativement plus élevées que celles obtenues dans les deux autres conditions. À l'inverse, les valeurs de pH et [HCO3-] sont plus basses dans la condition « T-shirt ». Au cours de cette même période, les valeurs de Na+ et Htc observées dans la condition « Arctic-heat » sont significativement plus élevées que dans la condition « Cryovest » (Tableau 14.4).
23Les variations de la masse corporelle (ΔMC) et du volume plasmatique (ΔVP), calculées entre la période de repos et la fin de la période de récupération, sont présentées dans le tableau 14.5. Les valeurs de ΔMC et de ΔVP observées dans la condition « T-shirt » sont significativement plus élevées lorsqu'on les compare aux deux autres conditions expérimentales. De la même façon, les variations obtenues dans la condition « Arctic-heat » sont elles-mêmes plus élevées que celles observées dans la condition « Cryovest ».
Tableau 14.5. Valeurs moyennes (± ET) des variations de la masse corporelle (ΔMC) et du volume plasmatique (ΔVP) entre le début et la fin du test à puissance constante.
Conditions | ΔMC (g) | ΔVP (%) |
T-shirt | 1 062 ± 98 | -2,52 ± 0,25 |
Arctic-heat | 961 ± 96a, b | -1,76 ± 0,12a, b |
Cryovest | 832 ± 53a | -1,16 ± 0,14a |
4. Discussion
24Cette étude démontre que les caractéristiques techniques des GR influencent les cinétiques d'échanges thermiques avec la peau. Ces différences influencent de façon significative la tolérance à l'exercice réalisé en ambiance chaude, et jouent également un rôle déterminant lors de la phase de récupération subséquente.
25Concrètement, avec la Cryovest®, le gradient de température entre la peau et la face interne de la veste reste élevé durant les 85 min du test. À l'opposé, ce gradient disparaît à la dixième minute d'exercice lorsque le sujet utilise le GR Arctic-heat®. Par conséquent, les valeurs de FC et de V̇O2 sont significativement plus faibles durant l'exercice physique réalisé avec le GR Cryovest® et décroissent plus rapidement durant la période de récupération. De même, le niveau de déshydratation est moins important avec la Cryovest® comparé aux conditions « Arctic-heat » ou « T-shirt ».
4.1 Influence des caractéristiques techniques des deux GR sur les échanges thermiques
26Dans cette étude, la principale différence technique entre les deux GR est l'isolation thermique des packs refroidissants. Pour la Cryovest®, ces packs refroidissants étaient thermiquement isolés, aussi bien dans la face interne que dans la face externe des gilets. À l'inverse, pour l'Arctic-heat®, les éléments refroidissants étaient insérés dans un tissu très fin qui n'était isolé ni dans la face interne, ni dans la face externe du gilet. Par ailleurs, la face externe de la Cryovest® était recouverte d'un tissu classiquement utilisé chez les pompiers, permettant de réduire les échanges thermiques entre le milieu ambiant et les packs refroidissants. Enfin, la surface refroidissante de la Cryovest en contact avec la peau était supérieure (de 75 %) à celle de l'Arctic-heat® (Fig. 14.5).
27Lorsque les GR, totalement rechargés, étaient placés sur un cintre dans la CC (Fig. 14.6), les faces internes et externes des deux modèles présentaient des niveaux de température et des cinétiques de réchauffement différents. L'Arcticheat® était particulièrement froid (entre 3 et 8 °C) lors des dix premières minutes mais se réchauffait très rapidement pour atteindre une température de surface de 27 °C après 60 min d'exposition. Dans les mêmes conditions ambiantes, la température de surface de la Cryovest® était restée stable, aux alentours de 20 °C pour la face interne et de 27 °C pour la face externe du gilet (Fig. 14.6). Il nous semble donc possible de conclure que l'Arctic-heat® absorbe une quantité importante de la chaleur environnementale par sa face externe, ce qui n'est pas le but recherché par ce type de GR.
28Afin d'étudier les conséquences de ces caractéristiques techniques sur les échanges thermiques corporels, les deux vestes ont été portées par trois sujets au repos dans une pièce maintenue à thermoneutralité (27 °C). La température de surface de la peau était plus basse avec l'Arctic-heat® pendant les dix premières minutes et sur une surface faible (Fig. 14.7). En effet, la température cutanée des sujets refroidis par l'Arctic-heat® était comprise entre 5 et 9 °C. Avec la Cryovest®, la température des zones cutanées refroidies ne descendait pas en dessous de 20 °C. Entre la dixième et la soixantième minute, la surface de peau en contact avec les éléments refroidissants de l'Arctic-heat® se réchauffait rapidement et finissait par atteindre la valeur de 27 °C à la soixantième minute. Par contre, l'utilisation de la Cryovest® favorisait une stabilité de la température cutanée aux alentours de 20 °C tout au long de l'exposition.
29Lors de cette étude, lorsque les sujets étaient au repos en ambiance chaude (Repos CC), le stress thermique était uniquement environnemental. Les contraintes thermiques étaient minimes et l'organisme était capable de compenser ce stress thermique facilement. Cependant, au cours de cette période de repos, et en fonction des conditions expérimentales, la chaleur et l'humidité de l'environnement ont largement modifié les flux thermiques entre l'enveloppe corporelle et l'environnement (Fig. 14.9).
30Lors de cette période (Repos CC), la température des zones cutanées directement en contact avec les éléments refroidissants de l'Arctic-heat® était significativement plus basse, comparée à la condition « Cryovest ». Pourtant, les mesures de la température cutanée moyenne pour la même période étaient plus élevées avec l'Arctic-heat® qu'avec la Cryovest® (Fig. 14.8). Cela s'explique par le fait que les surfaces de peau refroidies par l'Arctic-heat® étaient nettement inférieures à celles de la Cryovest®, et que trois des quatre capteurs de température cutanée étaient placés en dehors des zones refroidies par l'Arctic-heat® (Fig. 14.5). Le même constat était observable pour les flux thermiques (Fig. 14.9), plus élevés avec la Cryovest®, bien que la température cutanée fût plus élevée. Dans la condition « Arctic-heat », les zones cutanées étaient suffisamment basses pour créer une vasoconstriction importante, réduisant de manière drastique les échanges thermiques entre l'organisme et son environnement.
31Lors de cette phase de Repos CC, dans la condition « T-shirt », l'organisme emmagasinait la chaleur provenant de l'environnement, comme en témoigne l'augmentation du flux thermique (comparée à la période Repos ext). À l'inverse, le GR Arctic-heat® absorbait une grande partie de la chaleur environnementale (Fig. 14.9).
32En somme, bien que nous n'observions aucune modification des valeurs de la température rectale lors de cette période statique (Repos CC), il convient de considérer que la chaleur était régulée par des mécanismes d'ajustement physiologique, au premier rang desquels une redistribution vasculaire périphérique par vasodilatation. Ces ajustements étant très fins, il ne nous a pas été possible d'observer de modifications de la température rectale ou de la fréquence cardiaque (Tableau 14.3), et cela pour aucune des trois conditions expérimentales. Pourtant, les échanges thermiques au cours de cette phase de Repos CC étaient importants. Afin de maintenir constantes les valeurs de la température corporelle profonde, l'organisme devait s'adapter, de manière plus ou moins importante, en fonction du vêtement porté. Plus cet ajustement physiologique était élevé et moins l'organisme pouvait accepter la nouvelle contrainte thermique que l'exercice physique allait imposer.
■ Influence des caractéristiques thermiques sur l'exercice physique
33Dans notre étude, nous observons des niveaux de tolérance à l'exercice différents pour chacune des trois conditions expérimentales appliquées. Les études précédentes portaient sur les effets de différentes techniques de pré-cooling et sur leur incidence sur la réduction de la fréquence cardiaque du niveau de déshydratation (Booth, Marino et al. 1997 ; Sleivert, Cotter et al. 2001 ; Arngrimsson, Petitt et al. 2004 ; Webster, Holland et al. 2005 ; Duffield et Marino 2007). Bien que les résultats varient de manière importante en fonction des conditions expérimentales utilisées, les résultats de notre étude sont en adéquation avec ceux rapportés par les études scientifiques préalables. En effet, nous observons que la tolérance à l'exercice est d'autant moins bonne que le stress thermique imposé aux sujets est plus important. Or, c'est la qualité technique et thermique de chaque GR qui va déterminer l'importance du stress thermique imposé.
■ Influence des caractéristiques techniques des GR sur le stress thermique
34D'un point de vue physiologique, il est classiquement admis que lors d'un exercice physique réalisé à température élevée, le flux sanguin sous-cutané augmente afin d'améliorer la régulation de la température, ce qui s'accompagne d'une augmentation de la FC. Par ailleurs, la production de sueur augmente afin d'améliorer ce processus de thermorégulation, conduisant à une augmentation de la perte en fluides et donc à une déshydratation (Bell et Provins 1962 ; Febbraio 2001).
35Pour les trois conditions expérimentales de notre étude, nous observons une augmentation significative de ces deux marqueurs (FC et Tre) durant la phase d'échauffement et d'exercice, l'importance de cette augmentation restant malgré tout spécifique de chacune des conditions expérimentales testées (Tableaux 14.4 et 14.5).
36Dans cette étude, nous avons utilisé la condition « T-shirt » comme condition de référence car, dans cette situation, les capacités d'évaporation de la sueur sont réduites au minimum, induisant ainsi une contrainte thermique élevée et une sollicitation cardiaque importante (Tableau 14.3). De plus, dans cette condition expérimentale, les marqueurs de la déshydratation sont significativement plus élevés comparés aux deux autres conditions expérimentales (Tableau 14.4). Par exemple, après seulement 30 min d'échauffement et 20 min d'un exercice modéré, la ΔMC était significativement plus élevée dans la condition « T-shirt » (Tableau 14.5). Par ailleurs, en comparant les deux GR, nous observons une différence significative pour tous les indicateurs du stress thermique (FC, Tre et les marqueurs du statut hydrique). Ainsi, à la fin de l'exercice, tous ces marqueurs sont significativement plus détériorés dans la condition « Arctic-heat » que dans la condition « Cryovest » (Tableau 14.3). D'un point de vue physiologique, cette différence de tolérance du stress thermique va influencer de manière significative les capacités physiques de l'exercice physique à venir.
■ Influence des caractéristiques techniques des GR sur la dépense énergétique lors d'un exercice physique
37Lors d'un exercice sur bicyclette, le rendement énergétique (RE) est traditionnellement considéré comme l'un des facteurs déterminants de la performance, spécialement lors d'exercices de durée prolongée (di Prampero 1986 ; Hausswirth et Lehénaff 2001). Le RE est estimé à partir de l'équivalent énergétique de l'oxygène consommé : il représente le rapport entre le travail utile fourni et la quantité d'oxygène consommé (Daanen, van Es et al. 2006). Le RE peut ainsi être utilisé pour comparer les performances lors d'exercices réalisés en ambiance chaude. Dans la littérature scientifique, le rendement énergétique sur bicyclette se situe aux alentours de 18 % pour un exercice d'intensité similaire à celui de notre étude et réalisé sans aucune contrainte thermique (Gaesser et Brooks 1975), et tombe entre 14 et 16 % en ambiance chaude. Les résultats de notre étude sont donc en adéquation avec ces observations, puisque nous rapportons des valeurs de RE de 13,8 ± 0,9 % (condition « T-shirt »), 14,1 ± 1,1 % (condition « Arctic-heat ») et 15,9 ± 1,1 % (condition « Cryovest »). Dannen et al. (2006) rapportent que le pré-cooling réduit de manière significative la détérioration du RE (Fig. 14.10) lors d'un exercice réalisé en ambiance chaude. Les GR utilisés dans notre étude permettent une amélioration du RE, respectivement de 2,2 ±0,3 % (pour l'Arctic-heat®) et 15,8 ± 1,4 % (pour la Cryovest®). Par ailleurs, les valeurs de RE mesurées dans la condition « Cryovest » sont significativement supérieures à celles observées dans les conditions « T-shirt » et « Arcticheat ». La réduction du RE, classiquement observée lors de la réalisation d'un exercice physique en ambiance chaude, s'explique par une augmentation de la sollicitation de la filière énergétique aérobie et anaérobie (Sawka, Young et al. 1985 ; Young, Sawka et al. 1985). Pour la plupart des auteurs, l'élévation de la sollicitation de la filière aérobie s'explique par une augmentation des coûts de la transpiration, de la circulation vasculaire, de la ventilation pulmonaire et du métabolisme tissulaire induits par la chaleur (Fink, Costill et al. 1975). Selon des travaux plus récents des augmentations de la réponse sympatho-adrénergique et de la température intramusculaire pourraient être responsables de l'élévation du métabolisme anaérobie (Febbraio, Snow et al. 1994 ; Febbraio 2001).
38Dans notre étude, au cours des 15 min de pédalage à charge constante (60 % PMA), nous observons une dérive régulière de la V̇O2 respectivement de 20,1 ± 1,8 % (condition « T-shirt »), de 22,4 ± 2,4 % (condition « Arctic-heat ») et de 16,8 ± 1,2 % (condition « Cryovest ») [Tableau 14.3]. Dans les dix premières minutes de l'exercice, le port d'un GR s'accompagne d'une moindre élévation de la V̇O2. Néanmoins, à l'issue des 15 min de pédalage, nous n'observons plus de différences de la V̇O2 entre les conditions « T-shirt » et « Arctic-heat ». Seul l'exercice réalisé avec la Cryovest® présente des valeurs significativement plus faibles. D'un point de vue strictement énergétique, au-delà des dix premières minutes d'exercice, le port de l'Arctic-heat® ne présente plus d'intérêt comparé à la situation « T-shirt ». En utilisant les valeurs du quotient respiratoire comme témoin de la sollicitation de la filière anaérobie, on note que la sollicitation de cette filière glycolytique est plus élevée dans la condition « Arctic-heat » que dans la condition « Cryovest » (Tableau 14.4). Une récente revue de question (Quod et al. 2006) rapporte que l'utilisation d'un GR s'accompagne en général d'une très faible amélioration des performances (entre 1 et 3 % selon les études). Notre étude suggère qu'une amélioration plus importante de la performance est possible, en particulier lorsque la durée d'utilisation du GR est élevée, et démontre que les spécificités techniques et les propriétés thermiques des GR ont un impact direct et majeur sur les effets bénéfiques du pré-cooling.
Effet sur la qualité de la récupération.
39À l'issue de l'exercice physique, les valeurs de T̅sk sont significativement plus basses dans la condition « Cryovest » (31,54 ± 0,18 °C) comparée aux deux autres conditions (« T-shirt » : 35,71 ± 0,28 °C ; « Arctic-heat » : 35,07 ± 0,21 °C) [Fig. 14.9b]. Ce résultat s'explique principalement par un avantage technique qui permet à la Cryovest® d'apporter du froid au contact de la peau pendant une durée plus longue. À l'inverse, et à partir de la dixième minute d'exercice, l'Arctic-heat® perd sa propriété refroidissante et se comporte, sur le plan thermique, comme le T-shirt.
40À la fin de l'exercice, les valeurs de Tre sont significativement plus basses dans la condition « Cryovest ». C'est ce qui explique principalement que les sujets portant la Cryovest® présentent des diminutions de Tre et de FC plus rapides lors de la période de récupération. Ainsi, à l'issue des 20 min de récupération, qui ont succédé à 15 min d'un exercice modéré (60 % PMA) réalisé en ambiance chaude et humide, les valeurs de Tre et de FC sont significativement plus basses dans la condition « Cryovest » (Tre : 38,45 ± 0,11 °C ; FC : 83,6 ± 7,3 bpm) que dans les conditions « T-shirt » (Tre : 38,71 ± 0,07 °C ; FC : 90,8 ± 4,7 bpm) et « Arctic-heat » (Tre : 38,45 ± 0,12 °C ; FC : 91,8 ± 4,9 bpm).
41Dans notre étude, nous observons des valeurs significativement différentes de la température rectale, du statut hydrique, de la contrainte cardiaque et de la dépense énergétique, selon le modèle de GR utilisé. De notre point de vue, les sportifs devraient choisir avec précaution le modèle de GR qu'ils souhaitent utiliser, en fonction des contraintes spécifiques de leur sport (durée, répétition des efforts, etc.), des conditions environnementales attendues et des caractéristiques techniques des différents modèles de GR disponibles sur le marché.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
10.1152/japplphysiol.00979.2003 :Arngrimsson SA, Petitt DS et al. (2004) Cooling vest worn during active warm-up improves 5-km run performance in the heat. J Appl Physiol 96(5) : 1867-74.
Bell CR et Provins KA (1962) Effects of high temperature environmental conditions on human performance. J Occup Med 4 :202-11.
10.1097/00005768-199707000-00014 :Booth J, Marino F et al. (1997) Improved running performance in hot humid conditions following whole body precooling. Med Sci Sports Exerc 29(7) :943-9.
10.1055/s-2005-865746 :Daanen HA, van Es EM et al. (2006) Heat strain and gross efficiency during endurance exercise after lower, upper, or whole body precooling in the heat. Int J Sports Med 27(5) :379-88.
Di Prampero PE (1986) The energy cost of human locomotion on land and in water. Int J Sports Med 7(2) :55-72.
10.1152/jappl.1974.37.2.247 :Dill DB et Costill DL (1974) Calculation of percentage changes in volumes of blood, plasma, and red cells in dehydration. J Appl Physiol 37(2) :247-8.
10.1007/s00421-007-0468-x :Duffield R et Marino FE (2007) Effects of pre-cooling procedures on intermittent-sprint exercise performance in warm conditions. Eur J Appl Physiol 100(6) :727-35.
10.2165/00007256-200131010-00004 :Febbraio MA (2001) Alterations in energy metabolism during exercise and heat stress. Sports Med 31(l) :47-59.
10.1152/jappl.1994.76.2.589 :Febbraio MA, Snow RJ et al. (1994) Muscle metabolism during exercise and heat stress in trained men : effect of acclimation. J Appl Physiol 76(2) :589-97.
10.1007/BF00999931 :Fink WJ, Costill DL et al. (1975) Leg muscle metabolism during exercise in the heat and cold. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 34(3) :183-90,
10.1152/jappl.1975.38.6.1132 :Gaesser GA et Brooks GA (1975) Muscular efficiency during steady-rate exercise : effects of speed and work rate. J Appl Physiol 38(6) :1132-9.
10.2165/00007256-200131090-00004 :Hausswirth C et Lehénaff D (2001) Physiological demands of running during long distance runs and triathlons. Sports Med 31(9) :679-89.
Karvonen J et Vuorimaa T (1988) Heart rate and exercise intensity during sports activities. Practical application. Sports Med 5(5) :303-11.
10.1136/bjsm.36.2.89 :Marino FE (2002) Methods, advantages, and limitations of body cooling for exercise performance. Br J Sports Med 36(2) :89-94.
10.2165/00007256-200636080-00004 :Quod MJ, Martin DT et al. (2006) Cooling athletes before competition in the heat : comparison of techniques and practical considerations. Sports Med 36(8) :671-82.
10.1007/BF00422841 :Sawka MN, Young AJ et al. (1985) Influence of heat stress and acclimation on maximal aerobic power. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 53(4) :294-8.
10.1152/jappl.1973.34.6.799 :Shvartz E, Saar E et al. (1973) Physique and heat tolerance in hot-dry and hot-humid environments. J Appl Physiol 34(6)799-803.
Sleivert GG, Cotter JD et al. (2001) The influence of wholebody vs. torso pre-cooling on physiological strain and performance of high-intensity exercise in the heat. Comp Biochem Physiol A Mol Integr Physiol 128(4) :657-66.
10.1136/bjsm.2006.032292 :Uckert S et Joch W (2007) Effects of warm-up and precooling on endurance performance in the heat. Br J Sports Med 41(6) :380-4.
10.1080/02640410701567425 :Vaile J, Halson S et al. (2008) Effect of cold water immersion on repeat cycling performance and thermoregulation in the heat. J Sports Sci 26(5) :431-40.
10.1080/00140130500122276 :Webster J, Holland EJ et al. (2005) A light-weight cooling vest enhances performance of athletes in the heat. Ergonomics 48(7) :821-37.
10.1152/jappl.1985.59.6.1929 :Young AJ, Sawka MN et al. (1985) Skeletal muscle metabolism during exercise is influenced by heat acclimation. J Appl Physiol 59(6) :1929-35.
Auteurs
Institut de recherche biomédicale des armées, antenne de Toulon BP 20548, 83041 Toulon cedex 9
PhD. Institut de recherche biomédicale des armées, antenne de Toulon BP 20548, 83041 Toulon cedex 9
PhD. Université de Nice Sophia Antipolis LAHMES, 261, route de Grenoble 06205 Nice cedex 3
PhD. Département de la recherche – INSEP Laboratoire Sport, Expertise et Performance (SEP)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Dopage et performance sportive
Analyse d'une pratique prohibée
Catherine Louveau, Muriel Augustini, Pascal Duret et al.
1995
Nutrition et performance en sport : la science au bout de la fourchette
Christophe Hausswirth (dir.)
2012