Conclusion
p. 151-153
Texte intégral
1La jeunesse est aujourd'hui un groupe pluriel avec des dynamiques de structuration différenciées. Celles-ci se révèlent dès l'acquisition du matériel sportif et jouent fortement sur l'identité des groupes de footballeurs, de motards ou de skaters. Chacune des configurations identitaires qui constituent la jeunesse produit des normes autonomes. Les pratiques de rue expriment cette revendication à rester soi-même, c'est-à-dire à être une personne construite par ses propres expériences. Les modes de fonctionnement dégagés n'ont de validité que dans le contexte actuel. Dans la France des années quatrevingt-dix, l'écart entre les inclus et les exclus s'est accru, entraînant la relégation des plus faibles. Dans cette société duale, le premier risque est, bien sûr, de se retrouver exclu. Le second serait de mettre en place des actions uniquement réservées aux exclus, ce qui contribuerait à renforcer le processus de mise en ghetto. De fait, la solidarité devient une valeur républicaine d'autant plus précieuse qu'elle ne conduit plus aujourd'hui à opposer la réflexion à l'émotion, l'engagement relationnel à l'élan du coeur. Il y a donc bien lieu de passer d'actions ponctuelles réservées aux jeunes des quartiers défavorisés à une philosophie humaniste du sport pour tous. Vivre dans une cité plutôt que dans un quartier résidentiel n'est évidemment pas sans effet sur l'histoire des jeunes, mais le sport constitue « une formidable tête de pont relationnelle »1 entre ces deux mondes. Selon les théories classiques, le handicap socioculturel, les ghettos, les carences familiales seraient les sources principales de l'exclusion (Charlot, Bauteer, Rochex, 1992). Les différences que s'efforcent de mesurer ces théories du handicap socioculturel se présentent sous trois formes :
2La première touche à la nature même des jeunes, qui sont définis en creux par rapport à leurs manques. Conformément aux intentions de compensation ou de remédiation2, il faudrait dans cette perspective donner aux jeunes des cités des vitamines sportives pour pallier leurs carences. Ce traitement jouerait directement sur l'estime que les jeunes ont d'eux-mêmes. La première partie de l'ouvrage a montré que cette estime dépend prioritairement du style éducatif de leurs parents, du genre de cohésion familiale et des relations au groupe de pairs.
3Sous une seconde forme, la théorie du handicap est une théorie du conflit culturel. Les enfants acquièrent des attitudes, des savoirs et des valeurs différentes selon leur milieu d'origine. La seconde partie du présent ouvrage a montré comment s'organise le débat entre ces valeurs.
4Enfin, sous une troisième forme, la théorie du handicap concerne les différences institutionnelles. Elle considère que les instances traditionnelles d'éducation pénalisent les jeunes en difficulté. Ce n'est plus l'enfant qui est handicapé mais l'école ou le club qui sont handicapants, car porteurs de phénomènes d'étiquetage. La troisième partie de notre ouvrage a retracé les actions menées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports pour combler ce manque institutionnel. Elle a également proposé des voies de rapprochement entre les clubs et la rue.
5 Faire pour les jeunes et faire avec les jeunes : ici s'affrontent deux conceptions fondamentalement différentes des actions à mener et, partant, de la personne humaine. Dans cette optique, faire pour les jeunes c'est s'attendrir ou s'apitoyer sur leur sort. C'est bien souvent aussi vouloir pallier l'incapacité des décideurs, substituer à la politique la morale individuelle. Le beau geste semble alors individuel, comme le salut, comme le péché. Plus qu'une simple conjuration de la culpabilité occasionnée par le spectacle de la souffrance des plus démunis, faire avec nécessite un réel rapprochement entre ceux qui aident et ceux qui sont aidés. Il n'y a plus de séparation fondamentale entre les bonnes âmes et les bénéficiaires de leurs actions ; ils s'inscrivent dans une commune citoyenneté pour des profits réciproques.
6Les effets de ces deux formes d'engagement renvoient à des conceptions fort différentes. La première passe par des actions proches de la charité et vise également la transformation de celui qui accomplit la bonne action ; la seconde tend toujours à une réparation d'ordre collectif. Dans une perspective humaniste, il nous semble souhaitable que la vie démocratique, entendue comme la participation du plus grand nombre aux débats qui créent le lien social, n'oppose plus ces deux conceptions. En cette fin de XXe siècle, la solidarité ne peut plus apparaître comme le contraire de la compassion. Désormais, nous savons que le fonctionnement spontané de la société ne peut assurer l'épanouissement de chacun et que la fraternité, le faire avec, ne peut aboutir sans amour social de l'autre.
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