Thème 18. Le gain de masse musculaire
p. 447-457
Texte intégral
Questions et réponses
Points clés
Pour favoriser le gain de masse musculaire ciblé par un programme d’entraînement en musculation, la nutrition joue un rôle essentiel. Dans ce contexte, plusieurs stratégies doivent être respectées pour atteindre l’objectif recherché :
■ l’apport énergétique doit être suffisant pour compenser les dépenses caloriques quotidiennes ;
■ l’apport protéique doit atteindre 1,8 à 2 g.kg-1.j-1 sous forme de prises fractionnées tout au long de la journée. Au-delà de ce seuil, aucun bénéfice supplémentaire n’est constaté. Des suppléments alimentaires peuvent alors être préconisés à condition qu’ils affichent un label antidopage ;
■ le timing des apports en protéines est essentiel. À cet égard, la période qui entoure la séance de musculation est particulièrement cruciale : il est ainsi judicieux de consommer des protéines avant et immédiatement après celle-ci. Parallèlement, la co-ingestion de glucides limite la dégradation des protéines tout en en accélérant l’accrétion au niveau musculaire.
En quoi la nutrition joue-t-elle un rôle essentiel lors d’un programme visant l’augmentation de la masse musculaire ?
1Au cours d’une journée, les protéines musculaires sont renouvelées par le lent turnover qu’engendrent les mécanismes concurrents de dégradation et de resynthèse protéiques. Les variations de la masse musculaire d’un athlète, durant une période de temps donnée, dépendent ainsi de sa balance protéique musculaire lors de cette période, c’est-à-dire de la différence entre la quantité de protéines musculaires que son organisme détruit (protéolyse) et celle qu’il synthétise (protéosynthèse). Cette balance fluctue grandement tout au long de la journée, alternant entre des phases où la quantité de protéines synthétisées dépasse la quantité de protéines détruites (balance azotée positive) et des périodes durant lesquelles la situation est inversée (balance azotée négative) [Fig. 1].
2Lorsque le but recherché est le gain de masse musculaire, il est indispensable que cette balance demeure globalement positive durant une période relativement prolongée (souvent plus de six semaines) : l’hypertrophie musculaire constitue en effet un processus lent, qui exige du temps pour devenir significatif (seulement 1 % des protéines corporelles sont renouvelées chaque jour). L’augmentation de la masse musculaire résulte ainsi de l’accumulation de périodes où est atteinte une balance protéique positive.
Protéines, acides aminés : quelle différence ?
Une protéine est une molécule composée d’acides aminés liés entre eux par des liaisons peptidiques. En fonction de la source protéique (viande, œuf, lait, soja, légume), les acides aminés fournis par l’alimentation peuvent donc différer. Dans le cadre d’un programme d’entraînement qui cible le gain de masse musculaire, il est particulièrement important de veiller à ce que l’alimentation apporte en quantités suffisantes les acides aminés essentiels, qui ne sont pas synthétisables par l’organisme.
3L’exercice et l’alimentation ont justement une profonde influence sur l’amplitude et la durée de ces périodes de balance positive ou négative. Pour qu’une balance azotée positive puisse se maintenir tout au long d’une journée, il conviendra de stimuler les mécanismes de synthèse protéique :
en programmant régulièrement des séances de musculation, qui imposent un stress mécanique important (charges lourdes, efforts répétés, travail excentrique) ;
en consommant des protéines régulièrement et en quantité suffisante ;
en favorisant l’instauration d’un environnement hormonal propice au gain de masse musculaire, via des apports glucidiques quotidiens adaptés qui respectent un timing approprié.
Dans quelles proportions les apports protéiques doivent-ils être accrus lors d’un programme de prise de masse musculaire ?
4Plusieurs études ont révélé que l’amplitude des mécanismes de synthèse musculaire dépendait des apports protéiques de l’alimentation. L’ingestion de protéines, en effet, stimule l’anabolisme musculaire en activant directement la protéosynthèse. Toutefois, on constate qu’il existe un plafonnement de cette réponse physiologique lorsque les apports en acides aminés sont augmentés au-delà d’un certain seuil. Une fois celui-ci atteint, les protéines fournies en excès sont directement éliminées par les urines. Fractionner les prises de protéines alimentaires au cours de la journée (petit déjeuner, collation, déjeuner, dîner...) représente donc la meilleure stratégie pour optimiser l’assimilation des acides aminés procurés par l’alimentation quotidienne.
5Pour les athlètes qui désirent augmenter leur masse musculaire, des apports protéiques ponctuels, allant de 1,8 à 2 g.kg-1.j-1 (sans dépasser 2,5 g.kg-1.j-1), sont préconisés lorsqu’un programme de musculation est mis en place parallèlement. Les deux tiers de ces apports doivent provenir d’une alimentation équilibrée, le dernier tiers pouvant reposer sur des suppléments à base de protéines à haute valeur biologique. Toutefois, l’administration de ces apports protéiques importants ne devra pas se prolonger trop longtemps : en aucun cas elle n’excédera six mois par an. L’absence formelle de signes d’alarme ne doit pas inciter à une consommation de protéines en quantités hors normes, stratégie dont on sait à présent qu’elle n’a pas de justification scientifique prouvée. Par ailleurs, on se rappellera que l’excrétion urinaire de l’azote (directement engendrée par une consommation accrue de protéines) induit une majoration des pertes hydriques. Ce constat explique pourquoi il est important d’ajuster et de contrôler l’état d’hydratation chez les athlètes qui augmentent leur consommation protéique en vue d’accroître leur masse musculaire (Cf. Fiche no 10 L’hydratation, p. 332).
100 g de viande ou de poisson, est-ce égal à 100 g de protéines ?
Non : si la viande et le poisson sont bien des sources intéressantes de protéines animales, et notamment d’acides aminés branchés indispensables à la synthèse des protéines musculaires, 100 g de viande ou de poisson apportent généralement entre 15 et 30 g de protéines.
Pourquoi le timing et la distribution quantitative des apports protéiques au cours de la journée sont-ils des éléments clés à gérer ?
6Des études ont montré que plus l’ingestion de protéines intervenait précocement après l’exercice, plus la synthèse des protéines musculaires était efficace, avec des effets significatifs se manifestant jusqu’à trois heures après la fin de la séance d’entraînement. Au-delà de ces trois heures, la récupération nutritionnelle ne permet pas la restauration complète des protéines au niveau basal. Parallèlement, certains auteurs se sont intéressés à la pertinence éventuelle d’une prise alimentaire juste avant l’exercice et à son incidence sur la récupération du sportif. Ils ont ainsi constaté qu’une prise d’acides aminés essentiels (ceux que l’organisme ne synthétise pas lui-même et que l’on doit nécessairement apporter par l’alimentation), lorsqu’elle intervenait avant la séance de renforcement musculaire, avait un effet plus marqué sur la synthèse protéique qui s’ensuivait que lorsqu’elle avait lieu après l’exercice. Ce type de stratégie permet de diminuer la dégradation des acides aminés lors d’un effort intense et aide à retrouver une balance protéique positive plus rapidement après la collation qui suit un entraînement en musculation. Les auteurs montrent en effet que lorsque les acides aminés essentiels sont pris cinq minutes avant la séance, cette protéosynthèse persiste une heure après l’exercice (ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils ont été ingérés après la séance). Cela étant, il convient de noter que l’effet d’une élévation des acides aminés sur la synthèse protéique est de courte durée, en dépit de tentatives pour maintenir durablement des concentrations sanguines élevées. Cette donnée confirme l’intérêt de planifier cinq à six prises de protéines alimentaires quotidiennes afin de provoquer de multiples élévations des mécanismes de synthèse protéique durant la période de récupération.
Les acides aminés essentiels et les acides aminés branchés
Il existe vingt acides aminés différents, parmi lesquels huit sont dits « essentiels », car ils doivent être apportés par l’alimentation (l’organisme n’est pas capable de les synthétiser). Dans le cadre d’un programme de gain de masse musculaire, leur apport est indispensable, en particulier pour trois d’entre eux, dits « branchés » (valine, isoleucine, leucine), qui jouent un rôle favorable dans la synthèse des protéines musculaires.
Quelle doit être la composition de la collation prise après une séance de musculation pour stimuler la synthèse protéique ?
7Le statut hormonal joue un rôle important dans le contrôle des mécanismes de synthèse musculaire. Il apparaît notamment que l’insuline agit en réduisant la dégradation des protéines et en stimulant la production d’hormones anabolisantes. Cela explique pourquoi l’ingestion conjointe de glucides et de protéines immédiatement après une séance de musculation favorise une balance protéique largement positive, ayant comme résultat l’augmentation de la masse musculaire à l’issue d’une période d’entraînement prolongée. Plusieurs études ont ainsi confirmé que l’utilisation de suppléments à base de protéines et de glucides (pour un rapport glucides/protéines égal à 3-4 pour 1) permet de créer un environnement hormonal favorable à l’anabolisme musculaire, à condition d’intervenir dans l’heure qui suit immédiatement la séance de renforcement musculaire. Si, par commodité, cet apport peut être assuré par un complément alimentaire, il conviendra de toujours privilégier les produits commerciaux répondant à un label antidopage, afin de s’assurer de l’absence de substances proscrites par la réglementation antidopage. Enfin, il convient de rappeler que, sans exercice associé, l’insuline n’a pas d’incidence majeure sur les synthèses protéiques. En d’autres termes, la co-ingestion isolée de glucides et de protéines ne peut en aucune manière favoriser, à elle seule, une augmentation significative de la masse musculaire des athlètes ; elle doit toujours être associée à un programme de musculation adapté.
En pratique
1. La séance de musculation : une étape capitale
2. Les besoins en protéines
3. Les sources de protéines
Les protéines à haute valeur biologique : les protéines animales
8> La qualité des protéines de ces aliments est similaire, mais les apports en graisses et en micronutriments sont très différents. Variez les sources !
Les sources secondaires : les protéines végétales
4. Les compléments protéinés
5. La répartition des apports au cours de la journée
4 à 6 prises dans la journée
93 repas + 1 à 3 collations (si possible à proximité de la séance de musculation)
10► Exemple de journée pour un sportif de 80 kg, apport en protéines : 2 g/kg de poids de corps
Recette
11Pour 2 personnes
12Préparation : 25 minutes
13Cuisson : 30 minutes
14Difficulté :
Le crémeux de lentilles vertes
15■ 120 g de lentilles vertes
16■ 50 g d’oignons
17■ 50 g de céleri-rave
18■ 100 g de carottes
19■ 10 g de beurre
20■ 1 cube de bouillon de volaille
21■ Thym, laurier
22■ 1 gousse d’ail
23■ Gros sel en quantité suffisante
24■ 100 g de lait demi-écrémé
25■ 2 feuilles de sauge
26Tailler les légumes en brunoise1. Les laisser suer dans une cocotte avec le beurre.
27Ajouter les lentilles, le cube de volaille, une branche de thym, une feuille de laurier et la gousse d’ail. Mouiller avec 1 litre d’eau et porter à frémissement.
28À mi-cuisson, saler légèrement l’eau avec le gros sel.
29Une fois cuit, égoutter le mélange lentilles et légumes.
30Faire chauffer le lait puis lier les lentilles encore chaudes.
31Ajouter la sauge ciselée, et rectifier l’assaisonnement si nécessaire.
Le filet mignon de porc
32■ 300 g de filet mignon de porc
33■ Sel, poivre
34■ 10 g d’huile d’olive
35Couper le filet mignon en 6 tranches épaisses.
36Assaisonner les morceaux, puis les poêler doucement à l’huile.
37Disposer le crémeux de lentilles et le mignon de porc dans une assiette creuse.
Décoration
38■ 10 g de salade frisée jaune
39■ 5 g de cerfeuil
40■ 10 g d’huile de colza
41■ Fleur de sel
42Décorer avec un bouquet de salade frisée et de cerfeuil, assaisonné à l’huile de colza.
Commentaire
43Ce plat se caractérise par sa teneur élevée en protéines. Il apporte aussi de la vitamine B6, indispensable au métabolisme des protéines, dont il couvre deux-tiers des besoins journaliers. Par contre, il contient assez peu de glucides et sera, par conséquent, avantageusement accompagné d’une entrée ou d’un dessert qui en contiennent beaucoup (Cf. la recette « Pêches pochées à la verveine », p. 369)
Analyse nutritionnelle par personne
Énergie (Cal) | Glucides (g) |
498 | 26 |
Lipides (g) | Protides (g) |
18 | 58 |
Notes de fin
1 Brunoise : garniture de légumes coupés en petits dés
Auteurs
PhD. Service Recherche, Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), 11, avenue du Tremblay, 75012 Paris, Mission « Nutrition » à l’INSEP
PhD. Centre national de rugby (PDMS), Marcoussis, Mission « Nutrition » à l’INSEP
Diététicienne-nutritionniste, Mission « Nutrition » à l’INSEP
PhD. Service Recherche, Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), 11, avenue du Tremblay, 75012 Paris, Mission « Nutrition » à l’INSEP
Diététicien-nutritionniste, Mission « Nutrition » à l’INSEP
Service médical – INSEP, Mission « Nutrition » à l’INSEP
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2012