Thème 1. Mise au point de stratégies d’hydratation personnalisées à l’intention des athlètes
p. 117-122
Résumé
On encourage généralement les athlètes à commencer l’entraînement en étant euhydratés, et à consommer des quantités suffisantes de boissons adéquates pendant l’effort pour éviter les déficits en eau et en sel. Les données actuellement disponibles suggèrent, d’une part, que de nombreux athlètes commencent l’entraînement déjà relativement déshydratés et, d’autre part, que beaucoup boivent assez pour que la réduction de leur masse corporelle ne dépasse pas 2 %. Quoi qu’il en soit, certains athlètes ne s’hydratent pas suffisamment, d’autres boivent trop ou sont en hyponatrémie. Quelques conseils simples peuvent les aider à évaluer leur statut hydrique et à mettre au point une stratégie d’hydratation personnalisée en fonction de leur entraînement, de leur environnement et de leurs besoins individuels. Il est possible d’estimer le statut hydrique avant l’effort à partir de la fréquence et du volume urinaires, et d’obtenir des données supplémentaires sur la concentration de l’urine en se fondant sur sa couleur, sa densité et son osmolalité. On peut évaluer tout changement survenant dans la teneur en eau du corps pendant l’effort à partir des modifications de la masse corporelle. Si l’apport hydrique et le volume urinaire sont évalués, il est possible de mesurer le taux de transpiration. On peut déterminer les pertes sudorales en sel en collectant et en analysant des échantillons de transpiration ; cependant, les athlètes qui perdent beaucoup de sel sont capables de le savoir d’après le goût de leur transpiration et la présence de traces de sel sur leur peau ou leurs vêtements, là où la sueur s’est évaporée. Une stratégie d’hydratation appropriée prendra en compte le statut hydrique avant l’exercice ainsi que les besoins en liquides, en électrolytes et en substrats avant, pendant et après l’effort. Les stratégies, qui varient considérablement d’un individu à l’autre, seront influencées par différents facteurs, notamment l’environnement et les règlements de la compétition.
Texte intégral
1. Introduction
1Le déficit hydrique du corps a un impact négatif sur la performance. Il peut se produire sous l’influence des conditions environnementales, du type d’effort et de sa durée, ou de la physiologie individuelle de l’athlète. On encourage donc généralement les athlètes à commencer l’entraînement en état d’euhydratation, et à consommer des quantités suffisantes de boissons adéquates pendant l’effort pour éviter les déficits en eau et en sel (Sawka et al. 2007).
2. Méthodes d’évaluation du statut hydrique
2Le contenu en eau du corps est généralement très bien évalué grâce à la méthodologie du traceur et à l’utilisation de l’oxyde de deutérium. Ces dix à vingt dernières années, le statut hydrique a fait l’objet de nombreuses recherches. Les paramètres sanguins et les marqueurs urinaires ont été largement étudiés, et des recherches ont également été entreprises dans le domaine de l’analyse de l’impédance bioélectrique, puis de la salive. Le marqueur du statut hydrique finalement choisi le sera en fonction du degré de précision avec lequel il faut l’évaluer et des besoins en temps, en équipements et en financement. Cependant, il faut aussi prendre en compte d’autres éléments ou d’autres facteurs de complication qui peuvent agir sur les paramètres de mesure. Aujourd’hui, les mesures de la concentration urinaire constituent en général la méthode la plus utilisée en athlétisme, mais elles peuvent ne pas convenir dans les cas où le contenu en eau du corps est amené à changer rapidement. En cas de besoin, une combinaison de deux mesures ou plus peut augmenter les chances de classer correctement un individu.
3. Méthodes d’évaluation des pertes hydriques
3On utilise couramment les modifications de la masse corporelle comme indices du changement du contenu en eau du corps et, par voie de conséquence, du changement du statut hydrique. On s’appuie, pour cela, sur la supposition selon laquelle 1 kg de perte de masse est égal à 1 kg de perte sudorale. Une fois enregistrés l’apport hydrique, ou la perte urinaire ou fécale, et une fois effectuées les corrections appropriées, il est possible de calculer le niveau de déshydratation en fonction de la réduction du poids corporel au-dessous de sa valeur de référence. Le taux sudoral est estimé d’après le changement de poids corporel pendant l’effort (avec les corrections appropriées).
4Lorsque l’on évalue la perte sudorale en fonction du changement de masse, des erreurs peuvent se produire, notamment à cause de la perte hydrique (c’est-à-dire de la masse perdue par le système respiratoire ou par l’oxydation des substrats). Bien qu’individuellement ces pertes puissent être faibles, leurs effets globaux peuvent s’avérer importants dans de nombreuses situations. La décision de corriger l’oxydation des substrats ou les pertes hydriques respiratoires est prise en fonction de l’importance relative des différentes voies de pertes de masse, de la précision nécessaire à la présentation des données et de l’objectif de la décision (Maughan et al. 2007a). Les pertes hydriques respiratoires et la production d’eau métabolique sont en général similaires et s’annulent réciproquement, ce qui minimise le besoin de correction.
4. Méthodes d’évaluation des pertes en électrolytes
5Un large éventail de valeurs pour tous les électrolytes sudoraux majeurs a été étudié dans la littérature, avec les variations entre individus et les différences dues aux conditions d’expérimentation et aux méthodes de prélèvement. On a examiné la composition de la sueur au moyen de différentes méthodes de prélèvement. Les deux principales consistent à prélever la sueur soit à partir d’une zone spécifique du corps avec un sac enveloppant, une capsule ou un patch absorbant, soit à l’aide d’une variante de la méthode du lavage du corps entier.
6La sueur est différente selon les zones de prélèvement : si celui-ci est local, il est recommandé de le faire sur le tronc et les membres. Il est à noter que les procédures de prélèvement local fournissent, en général, davantage de concentrations en électrolytes sudoraux que celles réalisées sur le corps entier.
7Pour la plupart des méthodes de prélèvement, la perte totale sudorale est calculée à partir du changement de masse corporelle et du contenu en électrolytes de l’eau distillée utilisée pour laver le corps et les vêtements après l’effort. Les sujets portent soit un sac plastique très serré, soit un sac large qui laisse un peu de place autour. Si certaines de ces méthodes conviennent mieux à la recherche en laboratoire, d’autres sont plus adaptées à l’expérimentation sur le terrain.
8La majorité des données publiées sur les athlètes ont été obtenues en utilisant le prélèvement local avec des patchs absorbants. Bien que ne présentant pas de difficultés particulières, cette méthode nécessite néanmoins une aide spécialisée, notamment si les clubs ou les joueurs veulent étudier les pertes en électrolytes sudoraux (Burke 2005). Même si les pertes qu’elle révèle sont approximatives, cette méthode permet au moins d’identifier les athlètes qui présentent une transpiration riche en électrolytes (salée) et qui doivent faire très attention à remplacer ces derniers. Lorsque les pertes en électrolytes sont impossibles à évaluer selon cette méthode, du moins peut-on identifier subjectivement les athlètes qui perdent beaucoup de sel : ce sont tous ceux qui se plaignent du goût très salé de leur transpiration, d’une irritation oculaire lorsque la sueur leur tombe dans les yeux, ou de marques de sel apparaissant sur leurs vêtements lors d’un entraînement ou d’un match.
5. Pertes en eau et en électrolytes : résultats caractéristiques
9Des articles ont récemment été publiés concernant le suivi de l’hydratation « sur le terrain », le prélèvement de la sueur, et l’évaluation des pertes en eau et en électrolytes chez les athlètes (Maughan et al. 2005, 2007b ; Shirreffs et al. 2005, 2006 ; Palmer et Spriet 2008 ; Horswill et al. 2009 ; Yeargin et al. 2010 ; Shirreffs et al. 2006 ; Kilding et al. 2009). Les données sur lesquelles ils s’appuient proviennent de sessions d’entraînement ou de compétitions.
10Quand le statut d’hydratation pré-entraînement ou pré-jeu/match a pu être estimé, cela a été fait en évaluant la gravité spécifique de l’urine ou l’osmolalité. La majorité des recherches laissent à penser que la plupart des joueurs commencent à s’entraîner en état d’euhydratation, avec une osmolalité urinaire inférieure à 700 mosmol.kg-1 ou une gravité spécifique inférieure à 1,020 g.ml-1 (Sawka et al. 2007). D’autres, cependant, suggèrent que certains commencent l’entraînement et/ou le match en hypohydratation. Seules quelques études font état de joueurs ayant consommé plus de liquides que leurs coéquipiers euhydratés pendant l’entraînement et/ou le match.
11On considère que les valeurs moyennes des pertes sudorales montrent qu’il existe, chez les joueurs, une grande variation entre la réponse sudorale et la prise de boisson. C’est ce qu’illustre la figure 1 qui présente les données de trois différentes équipes de football participant à une session d’entraînement de 90 minutes. Cette variation, cependant, ne semble pas pouvoir provenir des différences de taille corporelle entre les joueurs. On en conclut donc que d’autres facteurs tels le taux d’activité (taux métabolique), l’acclimatation à la chaleur et les différences génétiques contribuent probablement à cette grande variabilité.
12Les concentrations sudorales en sodium évaluées chez les joueurs de sports collectifs sont en général comparables à celles rapportées dans la littérature, soit environ 8-10 mmol.l-1. Cependant, comme pour les pertes sudorales, les valeurs moyennes révèlent une grande variation entre ses concentrations et les pertes parmi les joueurs. Comme le montre la figure 2, il existe des cas où des joueurs perdent cinq fois plus de sodium que d’autres.
13En conclusion, il apparaît que le volume des pertes sudorales et celui des pertes en sel sont extrêmement variables chez des athlètes produisant le même effort au même moment et sur des durées identiques.
6. Recommandations pratiques
14Ce que nous savons des conséquences, chez les athlètes, des pertes en eau et en électrolytes, doit nous inciter à leur recommander de limiter à moins de 2 % leur perte en masse corporelle due aux pertes hydriques pendant l’exercice, sauf si leur but est, justement, de travailler en hypohydratation. Cependant, le schéma d’activité peut rendre cette recommandation difficilement applicable dans de nombreux sports. Dans ce cas, il faudra fournir aux athlètes des boissons agréables au goût, et les encourager à boire.
15Certains joueurs qui perdent de grosses quantités d’électrolytes durant l’effort – notamment du sodium – peuvent être amenés à les remplacer également pendant l’effort. Si les boissons contenant du sel ne suffisent pas, il faudra qu’ils consomment de petites quantités de produits salés entre les sessions pour remplacer les pertes sudorales et stimuler la soif.
16Le tableau ci-après donne, à cet égard, quelques recommandations spécifiques.
Bibliographie
Tableau 1 – Recommandations pratiques pour établir les besoins en eau et en électrolytes des athlètes, et estimer leur consommation de ces éléments.
Le suivi du statut liquides/électrolytes
■ Traiter chaque athlète comme un cas individuel.
■ Faire des estimations régulières du statut de l’hydratation avant l’effort.
■ Mesurer le changement de masse corporelle pendant la compétition et pendant l’entraînement.
■ Sensibiliser les athlètes à leurs probables pertes sudorales pendant l’entraînement et la compétition.
■ Si possible, suivre individuellement les athlètes à l’entraînement et en compétition (dans des environnements différents) pour mesurer leurs pertes en électrolytes. Ou identifier les transpirations salées soit par le goût, soit par les irritations oculaires, soit par les traces blanches sur les vêtements. Ceci permet de repérer les athlètes susceptibles de présenter un problème.
L’apport en eau et en électrolytes
■ Veiller à ce que l’hydratation soit appropriée avant et pendant l’entraînement et / ou la compétition.
■ Consommer de l’eau plate seulement si l’on absorbe en même temps de la nourriture solide ; ceci fournira des électrolytes et, notamment, du sodium, et permettra de retenir l’eau consommée et d’hydrater l’organisme en profondeur.
■ S’assurer que, durant l’entraînement et la compétition, chaque athlète dispose de boissons adaptées.
■ Pendant l’entraînement et la compétition, limiter si possible les pertes en masse corporelle (dues aux pertes sudorales) à environ 2 % de celle-ci (ou niveau individualisé).
■ Quand il faut boire, choisir un liquide dont la composition a un effet minimum sur le taux de vidange gastrique.
■ Pendant l’entraînement et la compétition, si l’on prévoit que des quantités importantes de sel (3-4 g) vont être perdues, absorber une boisson contenant du sodium (au minimum 1g.l-1).
■ Quand l’environnement est susceptible de générer de grandes pertes sudorales chez certains ou la plupart des athlètes, penser à mettre des boissons spécifiques à leur disposition.
■ Dans les sports où il existe une mi-temps, prévoir des collations salées (bretzels ou crackers, par exemple) et des boissons.
■ Après l’effort, quand la vitesse et l’efficacité de la réhydratation sont des priorités, recourir à l’hydratation active.
7. Références bibliographiques
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Sawka MN, Burke LM, Eichner ER, Maughan RJ, Montain SJ, Stachenfeld NS (2007) American College of Sports Medicine Position Stand. Exercise and fluid replacement. Medicine and Science in Sports and Exercise 39:377-390.
Shirreffs SM, Aragon-Vargas LF, Chamorro M, Maughan RJ, Serratosa L, Zachwieja JJ (2005) The sweating response of elite professional soccer players to training in the heat. International Journal of Sports Medicine 26:90-95.
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Yeargin SW, Casa DJ, Judelson DA, McDermott BP, Ganio MS, Lee EC, Lopez RM, Stearns RL, Anderson JM, Armstrong LE, Kraemer WJ, Maresh CM (2010) Thermoregulatory responses and hydration practices in heat-acclimatized adolescents during preseason high school football. Journal of Athletic Training 45 :136-146.
Auteur
PhD. School of Sport, Exercise and Health Sciences, Loughborough University, Loughborough LE11 3TU, Royaume-Uni
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