L
p. 215-236
Texte intégral
LOCOGRAMME
1 ■ Représentation schématique du déplacement spatial d’un ou de plusieurs joueurs (éventuellement d’un objet tel le ballon) au cours d’une séquence définie d’un jeu sportif*.
2Le locogramme rend compte d’aspects spatiaux de la ludomotricité* et cela avec une précision très fine si l’observateur le souhaite. L’observation et l’analyse des déplacements d’un joueur peuvent apporter de précieuses informations. Dans certains jeux sportifs, tel les Quatre coins par exemple, on peut noter ces déplacements coup par coup, en fonction des territoires – les « coins » – définis par la règle (figure 18). Dans d’autres jeux, il est plus opportun de quadriller le terrain et d’affecter une étiquette à chacune des cases ainsi délimitées ; on repère ensuite les déplacements d’un joueur en notant les cases qu’il parcourt successivement (figure 19).
3 ► Modèle, espace individuel d’interaction, proxémie, distance d’affrontement moteur, distance de garde.
Dans ce coup, les deux joueurs de la diagonale (JD et JB n’ont pas adopté une stratégie d’alliance : leur concurrence aboutit à l’échec de JD qui se retrouve au centre (cf. fig. 27, 28, 29).
Figure 18
Locogramme des cinq joueurs de Quatre coins au cours d’un « coup » du jeu.
1
er
joueur : X, 6, 7, 12, 11, X.
2
e
joueur : Y, 5, 4, 3, 2, 7, 8, 7, 12, 13, 14, 9, 10, 5, 10, Y.
Figure 19
Locogramme de deux joueurs de Barres (extrait d’une séquence).
LOGIQUE INTERNE
4 ■ Système des traits pertinents d’une situation motrice* et des conséquences qu’il entraîne dans l’accomplissement de l’action motrice* correspondante.
UN SYSTÈME DE CONTRAINTES
5Les propriétés de la logique interne sont portées par la définition même de la situation motrice et sont directement liées au système de contraintes imposé par les règles du jeu sportif*. Elles sont à l’origine des modalités marquantes des conduites motrices* actualisées au cours de chaque jeu. Dans cet esprit, elles ne renvoient pas à des considérations générales de type psychologique ou sociologique mais à des manifestations précises de la pertinence* praxique*.
Une logique inscrite dans l’action motrice
6La logique interne de la lutte impose aux combattants le contact du corps à corps, celle de l’escrime met impérativement les tireurs à distance et médiatise le contact par une lame. Le triple sauteur déroule de façon huilée son enchaînement de bonds automatisés dans un environnement stable et sans imprévu alors que le vélivole scrute sans cesse l’environnement fluctuant et décide abruptement, face à l’incertain. Les aspects multiformes de cette logique endogène sautent aux yeux. Relevons-en quelques modalités d’actualisation caractéristiques.
7La logique interne des jeux sportifs se manifeste fondamentalement dans les prescriptions du code de jeu qui induisent des comportements corporels précis. Le règlement définit un lieu d’action pouvant être la pleine nature ou un milieu artificiel plus ou moins aménagé (stade, piscine, gymnase...) ; il prédétermine par là une certaine utilisation de l’espace et un certain type de rapport avec l’environnement marqués de façon capitale par la présence ou l’absence d’incertitude* (traits de sauvagerie et de vertige...). Cette prédétermination prend également forme dans les caractéristiques imposées aux équipements, instruments et appareils divers nécessaires à la pratique : balle, fleuret, raquette, batte, javelot, trampoline, canoë, parachute, voilier...
8Les règles du jeu prescrivent, comme nous l’avons vu, des modes d’interaction* précis avec autrui : au corps à corps, au simple contact ou à distance, par l’intermédiaire ou non d’un ballon, d’un fleuret ou d’un autre engin (distance de charge* et distance de garde*). Elles organisent la distribution de ces interactions au sein de réseaux* de communication* et de contre-communication motrices* qui canalisent impérativement les relations interindividuelles de solidarité et d’antagonisme (structure de duel* de tous les sports collectifs, des sports de combat, de l’escrime). Les règles associent aux joueurs des statuts sociomoteurs* qui préfigurent les rôles* qui seront mis en actes sur le terrain ; elles édictent les objectifs à atteindre et les interactions de marque*, elles définissent les mécanismes d’attribution des points, les façons de perdre ou de réussir (système des scores*). Ainsi, dans le cas du rugby, la structure de communication qui oppose en bloc deux équipes soudées, le mode d’utilisation frontale de l’espace (en avant, mêlée, touche), la rudesse des contacts autorisés (mêlée, placage, raffut), le caractère offensif des interactions de marque valorisées (essai) déterminent-ils une logique de sport collectif de combat très différente par exemple de la logique interne du volley-ball (présence symbolique du filet, territoires séparés et inviolables, absence de contact entre les adversaires, alternance réglée des échanges, limite du match dépendant du score et non de la durée).
La modélisation* mathématique
9La recherche des principes jugés essentiels d’une situation peut considérablement modifier le regard porté sur celle-ci. Ce qui compte alors, ce ne sera plus nécessairement le nombre de joueurs, l’utilisation ou non d’un ballon, le lieu habituel de pratique, la distribution des activités selon différentes classes socio-économiques, ce seront les traits ludomoteurs pertinents de la situation. Cette prise en compte des facteurs spécifiques va profondément influencer l’analyse et la classification* des situations motrices. Envisageant les jeux codifiés en général, le mathématicien Marc Barbut souligne qu’il importe de développer le point de vue « essentiel, de leur logique interne, telle qu’elle ressort de l’analyse de la règle du jeu » ((1), p. 863). Cet auteur dégage l’intérêt du « cadre structural » que peut fournir « la mathématique des jeux » (p. 863). Ce point de vue nous semble capital dans le cas précis de l’étude des jeux sportifs. Une telle position invite à modéliser la logique interne de ces derniers afin de rendre compte de leurs propriétés essentielles d’une façon opérationnelle.
10Il ne nous a pas été possible de résumer de façon satisfaisante un jeu sportif à l’aide d’un seul modèle* exhaustif qui en épuiserait la logique interne. Celle-ci a donc été figurée par le truchement d’une pluralité de représentations, chacune d’entre elles rendant compte d’un domaine précis. Chaque modèle est doté d’une structure mathématique élémentaire : structure d’ordre total (distances d’affrontement moteur*, dimension domestication/sauvagerie*...), structure de treillis (réseau des scores), structure de groupe (système des déplacements du jeu des Quatre coins par exemple), bigraphe exclusif, complet et équilibré de tous les duels (sports collectifs, tennis, certains jeux traditionnels*...) graphes* divers (simplement ou fortement connexes, hamiltonien...) des changements de rôles ou de sous-rôles sociomoteurs*.
11Ces différentes structures traitent le même jeu sous plusieurs de ses aspects, et sous le même aspect traitent différents jeux ; elles sont ainsi complémentaires. Elles permettent de situer chaque pratique dans le système de l’ensemble des pratiques. Cette démarche différentielle fait apparaître les traits pertinents de chaque jeu. Au coeur du fonctionnement ludomoteur, les universaux* comptent à coup sûr parmi les modèles les plus révélateurs de la logique interne.
LOGIQUE INTERNE ET POUVOIR DE DÉCISION
12L’observation du terrain révèle à profusion que les mêmes joueurs, lorsqu’ils s’adonnent à des jeux sportifs différents, adoptent des comportements moteurs* très dissemblables, parfois même opposés. Complémentairement, pratiqué par des joueurs divers, le même jeu entraîne d’incontestables régularités ludomotrices. Autrement dit, la variable indépendante « logique interne » suscite des modalités comportementales différenciées hautement significatives. Ces constats invitent à formuler l’hypothèse selon laquelle la logique endogène impose un système de contraintes qui influence et oriente intensément les conduites motrices des joueurs.
Un façonnage corporel
13Les comportements praxiques des participants prennent sens en regard des contraintes issues des règles du jeu. Dans un premier jeu, Paul et Jacques se passent-ils constamment le ballon ? La règle les a mis dans la même équipe. Dans un second jeu, Paul attaque-t-il agressivement Jacques ? Cette fois-ci, ils sont devenus adversaires. À l’origine des relations, se trouve le réseau codifié des communications motrices.
14L’action motrice naît et se développe dans la matrice de la logique interne. Finalement, c’est bel et bien celle-ci qui permet de rendre intelligibles les comportements des joueurs.
15En modulant les conduites motrices des pratiquants à l’aide d’une organisation qui recèle ses formules de communication, de contact et de domination, la logique interne réalise un façonnage corporel. Elle impose un système de normes que le joueur intériorise et fait passer dans son corps lorsqu’il joue. Cette logique intrinsèque véhicule de façon plus ou moins clandestine un véritable code de comportement, un code d’utilisation du corps, un code des relations humaines. Elle crée un habitus*. L’organisation ludosportive* est une organisation normative ; dans les façons d’agir et de réagir, elle inscrit des normes de coopération et d’antagonisme, une morale de la rencontre.
16Est-ce à dire que le comportement ludique est totalement prédéterminé par les contraintes structurelles ? Peut-on affirmer que le joueur n’est que le produit du jeu ?
Le poids des contraintes structurelles
17Nous touchons là un problème-clef des sciences sociales. Quelle est la part d’autonomie dont dispose tout individu au sein des organisations instituées ? Le problème est posé avec une particulière acuité par le sociologue Raymond Boudon qui considère que ce thème répond à « une des ambitions fondamentales de la sociologie : analyser les relations complexes entre la structure des systèmes d’interaction définis par les institutions sociales et les attentes, sentiments et actions de ces agents » ((2), p. 28). Dans le cas spécifique et plus limité du jeu sportif, le propos de Raymond Boudon prend une place de premier plan tant pour le praxéologue que pour le pédagogue (l’impact de l’éducation physique* dépend en effet pour une large part des réponses fournies à cette question).
18L’examen du problème se doit d’être nuancé : le genre « jeu sportif » admet de nombreuses espèces fort différenciées. D’entrée de jeu, observons que nombre de jeux traditionnels acceptent et facilitent la modification de leurs règles : les participants disposent d’un pouvoir instituant et en cela ils ont partiellement barre sur la logique interne. En revanche, le jeu institutionnel est régi par des normes stables, imposées aux participants de l’extérieur : dans le sport* le sujet se soumet aux règles, sans recours.
19Le contrat ludique* étant accepté et arrêté dans un jeu sportif, traditionnel ou institutionnel, le joueur est-il totalement assujetti aux normes ? A-t-il perdu toute autonomie et tout pouvoir de décision ?
20Une brève comparaison peut amorcer la réponse. Supposons qu’une personne dispose de plusieurs possibilités pour voyager : se déplacer à pied, en automobile ou en train. En tant que déplacement et rapport à l’espace, le voyage sera directement lié à la modalité retenue parmi les trois. À pied, notre voyageur peut se rendre où bon lui semble dans la région accessible choisie, emprunter des voies peu fréquentées, couper à travers champs, s’arrêter à son gré, repartir quand il le souhaite ; en automobile, il devient dépendant du réseau routier, mais son pouvoir d’initiative reste important : il peut choisir son itinéraire, rebrousser chemin, décider de sa vitesse, de ses accélérations, de ses arrêts en chemin de fer enfin, notre sujet adopte certes sa destination et éventuellement ses « lignes » mais, ces choix opérés, il ne décide ni de son itinéraire, ni de son moment de départ, ni de sa vitesse, ni de ses arrêts. Inutile de développer toutes les différences, de voyage à voyage. La marge d’initiative du voyageur est soumise au mode de déplacement utilisé, il en est de même dans les jeux sportifs : le pouvoir de choix du joueur dépend des contraintes structurelles associées aux règles du jeu considéré.
Incertitude et décision motrice
21La gamme est très ouverte : cette latitude d’initiative est parfois très importante, parfois nulle. L’approfondissement de cette propriété passe par une analyse des traits pertinents des situations motrices telle qu’elle a été rappelée dans la présentation du système des contraintes (cf. aussi « ludomotricité* », « classification » et les figures 3, 10 et 11). Les critères adoptés (incertitude issue de l’environnement d’une part et incertitude issue d’autrui d’autre part sous forme d’interaction) possèdent en effet un caractère central dans l’analyse de la marge de décision du joueur. Caractérisant la dimension informationnelle, la notion d’incertitude fonde la classification proposée.
22Quand elles ne recèlent aucune incertitude issue du milieu ou d’autrui, les situations psychomotrices, tout comme les situations sociomotrices, suscitent des conduites pratiquement dénuées de choix. C’est le cas des systèmes d’action proposés par l’athlétisme, la gymnastique aux agrès, la natation, le plongeon..., c’est aussi le cas des systèmes d’interaction du patinage en mixte, de l’aviron ou du bobsleigh en équipe... La logique interne de chaque situation invite alors le pratiquant, lors de l’entraînement, à monter un stéréotype moteur*. Dans une perspective de recherche de performance, l’efficacité consiste à programmer la séquence praxique automatisée qui soit optimale pour le ou les sujets concernés. Lorsque l’athlète s’élance, toutes les décisions sont déjà prises : choix de la spécialité, choix des partenaires (aviron, patinage...), choix du style (franchissement ventral ou dorsal en saut en hauteur par exemple ; dans les compétitions* à « figures imposées », il n’y a même plus choix : gymnastique, patinage...). Il incombera au hasard d’attribuer les couloirs ou l’ordre de passage ; il restera parfois à l’athlète la possibilité de choisir à quelle hauteur mettre la barre.
23C’est à nos yeux un sujet d’étonnement que de constater l’importance quantitative prise dans l’institution sportive par les spécialités qui privent le pratiquant de décision motrice. La figure 5 montre par exemple que ces situations ont bénéficié de 45,5 % de l’enveloppe des subventions accordées aux fédérations sportives françaises en 1978 et la figure 4 qu’elles couvrent un stupéfiant pourcentage (53 %) de l’ensemble des épreuves des Jeux Olympiques d’été ou d’hiver de 1976.
24En revanche, dans toutes les autres situations motrices à incertitude, l’individu agissant est un individu décidant. À l’égard du milieu, la dimension domestication/sauvagerie rend compte d’une gradation de cette marge d’initiative. À l’égard d’autrui, les modes de communication et de contact ritualisés, les possibilités de changements de rôles et de sous-rôles sociomoteurs, les ressources de la sémiotricité* témoignent de la latitude des choix. Celle-ci est souvent extrêmement prononcée : sports collectifs, jeux sportifs traditionnels. Loin de brimer ce pouvoir d’initiative, le fait pour un joueur de posséder tout un lot d’automatismes peut au contraire, dans certaines conditions, être mis au service d’une plus grande richesse de décision.
LA LOGIQUE EXTERNE
25Incontestablement, les contraintes structurelles d’un jeu sportif induisent des catégories d’action ou d’interaction très orientées. Mais on peut se servir d’une hache pour enfoncer un clou. Quelle que soit la cohérence d’une organisation, peuvent lui être associés des usages inédits et des significations non prévues. Chaque personne ou chaque groupe social peut réinterpréter une pratique à sa façon, selon ses propres aspirations et motivations. Autrement dit, la logique interne d’une pratique motrice peut être réinterprétée de l’extérieur, par une logique « externe » qui lui attribue des significations symboliques nouvelles ou insolites.
La logique individuelle
26L’observation banale montre que chaque sujet réagit de façon particulière à une pratique donnée. En menant des entretiens à la fin d’un jeu sportif, on constate que la représentation que chaque acteur se fait d’une situation varie de façon étonnante. L’individu perçoit et traite les difficultés selon ses propres capacités cognitives, attribue des significations selon ses motivations et sentiments personnels. L’intelligence psychomotrice*, les capacités d’anticipation* et d’empathie*, la sensibilité sémiotrice se distribuent dans la population des sujets selon une très grande variance. Toute la psychologie différentielle en témoigne. Il n’y a donc pas à s’étonner si la logique interne d’un jeu subit quelques déviations en traversant le prisme subjectif de la logique personnelle de chaque joueur.
La logique des groupes sociaux
27Là encore, une même pratique peut susciter des attitudes bien différentes, attitudes qui sont à rattacher aux données de l’ethnomotricité* et au façonnage de l’habitus.
28Le corps à corps de la lutte a été pour Henri VIII et François Ier l’occasion de faire démonstration de capacités royales au Camp du Drap d’Or (cf. « ethnomotricité ») ; aujourd’hui, la lutte est perçue comme un affrontement de roturiers, peu prisé des classes à haut statut. L’équitation, le golf, le tennis et le rugby sont porteurs de valeurs différentes selon les groupes qui les pratiquent : langage, tenue, techniques d’exécution illustrent ces oppositions. Pendant longtemps, le rugby a eu la réputation d’un « jeu de voyous pratiqué par des gentilshommes », réputation qui insistait beaucoup sur le « panache » ; devant certaines tactiques modernes exploitant le contact et l’affrontement, de nombreux commentateurs auraient tendance à renverser la formule : le rugby deviendrait « un jeu de gentilshommes pratiqué par des voyous ». Une interprétation des règles dans le sens de la rudesse et de l’efficacité choque l’amateur de panache. Il est clair que la logique interne et « l’esprit du jeu » sont l’enjeu de ce conflit apparemment éthique qui renvoie à des conflits de groupes d’appartenance.
29La spectacularité* des pratiques est, elle aussi, liée à ces normes : le cricket et le base-ball ne font pas recette en France ; le cyclisme, le football ou la pétanque sont peu recherchés des classes favorisées. La perception et la mise en œuvre de la logique interne des jeux sportifs interfèrent manifestement avec les caractéristiques ethnomotrices de leurs adeptes.
Les provocations de la logique interne
30Les universaux des jeux laissent parfois une importante marge d’interprétation et d’organisation. Il s’agit toujours de jeux sportifs traditionnels. Pour certains, la règle autorise des changements d’équipe au cours même du déroulement ludique (Épervier, Balle au chasseur...), pour d’autres – et ce sont les plus marquants pour notre propos – la règle ne prédétermine pas d’équipes stables et permet une continuelle ambivalence des relations entre joueurs. Chaque participant peut choisir sa stratégie motrice* sans être organiquement lié à une équipe : il peut se coaliser avec ceux qui lui plaisent, défaire son alliance, changer brutalement de camp. Les structures d’interaction de marque ne sont plus équilibrées. Nous sommes en présence de jeux paradoxaux* aux abondantes métacommunications motrices*, et dont le déroulement aboutit souvent à des résultats contradictoires et irrationnels (Balle assise, Trois camps...).
31La logique interne de certaines situations peut donc accueillir des conduites très diversifiées, éventuellement contradictoires. Cette « provocation » est à l’origine des comportements illogiques suscités par la logique du jeu : le paradoxe et l’effet pervers ludique* sont nés en cette fissure béante dans laquelle s’engouffre la logique externe.
32Une partie importante de ce lexique est consacrée à l’analyse de la logique interne des situations ludomotrices. Il s’agit d’un problème capital de la praxéologie motrice*, problème qui touche de plein fouet la mise en forme de sa pertinence. Nous avons vu que, dans un second temps, mais dans un second temps seulement, il peut être fructueux de croiser cette étude spécifique avec d’autres analyses, de type psychologique ou sociologique par exemple. Celles-ci introduisent une logique externe qui réinterprète dans certaines limites les traits de logique interne et se mêle à elle pour déclencher en définitive les conduites réelles du terrain.
33 ► Modèle, universaux, classification, incertitude, domestication/sauvagerie.
BIBLIOGRAPHIE
34(1) Barbut (M.).- Jeux et mathématiques. Jeux qui ne sont pas de pur hasard. In : Jeux et sports. Encyclopédie de la Pléiade, pp. 836-864. Volume publié sous la direction de Roger Caillois. Paris : Gallimard, 1967.
35(2) Boudon (R.).- La logique du social. Introduction à l’analyse sociologique. Paris : Hachette, 1979.
LUDÈME
36 ■ Comportement moteur* qui, au cours d’un jeu sportif*, fonctionne comme un signe*.
37Parmi les ludèmes, on distingue les gestèmes* et les praxèmes*.
38 ► Sémiotricité, gestème, praxème, signe, métamotricité.
LUDISATION
39 ■ Action de rendre indique : processus qui favorise l’apparition des caractères de plaisir spontané et de motivation joyeuse, dépourvus de finalité utilitaire, habituellement associés au jeu.
40La ludisation des activités motrices, face aux impératifs issus du monde adulte, est au cœur des problèmes pédagogiques de l’éducation physique* : le jeu et le plaisir qu’il procure à l’enfant ne sont-ils que futiles dérivatifs à côté du sérieux de l’exercice didactique et de la compétition* sportive ? Ne peut-on faire une place au jeu sportif traditionnel* que dans la mesure où il serait considéré comme préparatoire au sport*, ce qui conduirait d’ailleurs à le transformer en vue de cette préparation ? À l’opposé, le jeu sportif traditionnel ne recèle-t-il pas des caractéristiques propres et une valeur éducative originale qui le rendent non réductible aux pratiques du sport et par cela même irremplaçable ?
41On constate aujourd’hui que plus une pratique physique tend à prendre le statut de sport, à se sportiviser, plus elle tend à se déludiser (contraintes d’organisation sourcilleuses, intervention d’autorités extérieures, nécessité d’un entraînement rigoureux...).
42On peut saisir actuellement à l’état naissant un mouvement sociologique qui semble voué à prendre une grande ampleur : l’éclosion et le développement des activités physiques libres, qui se démarquent ostensiblement du sport et correspondent manifestement à une ludisation des pratiques motrices. Ce phénomène de ludisation est très net dans les pratiques de pleine nature : planche à voile, canoë-kayak, plongée sous-marine, alpinisme, cyclo-tourisme, vol libre, randonnées diverses.
43 ► Ludomotricité, éducation physique, inconscient moteur, jeu paradoxal, jeu sportif institutionnel.
LUDISER
44 ■ Rendre ludique.
45 ► Ludisation, jeu paradoxal, ludomotricité, effet pervers ludique, ergomotricité.
LUDIVITÉ
46 ■ Nature et caractéristiques des pratiques de jeu envisagées notamment sous l’angle des initiatives et des décisions* prises par les joueurs.
47 ► Conduite motrice, stratégie motrice, ludogramme, décision motrice, préaction.
LUDOGRAMME
48 ■ Représentation graphique de la séquence des sous-rôles sociomoteurs* (éventuellement des rôles sociomoteurs*) successivement assumés par un joueur au cours du déroulement d’un jeu sportif*.
49Le ludogramme prend en compte les unités praxiques* considérées comme les unités de base au regard de la signification stratégique et/ou interactionnelle des actes de jeu ; ici, les unités minimales retenues comme les plus immédiatement intéressantes sont les sous-rôles sociomoteurs. On peut cependant, en fonction du problème étudié, adopter un point de vue plus analytique ou plus global (ludogramme des rôles sociomoteurs, par exemple).
50Dans un flux comportemental continu, l’observateur identifie des unités discrètes, les sous-rôles, dont il représente les enchaînements successifs sous forme d’une trajectoire, éventuellement porteuse d’informations complémentaires : désignation des partenaires et adversaires en cause, repérage temporel... (cf. figure 20).
Figure 20
Ludogramme (partiel) d’un joueur observé au jeu d’Accroche-décroche.
51Ce schéma représente la trajectoire des sous-rôles sociomoteurs successivement endossés au cours d’une phase de jeu par le joueur observé. L’unité d’enregistrement est le coup* du jeu (défini ici par toute séquence ludique comprise entre deux changements de sous-rôles). On note également le nom des joueurs qui prennent part à l’interaction considérée (A, D, J, L, M...) ainsi que la durée des séquences de jeu. Un tel ludogramme correspond, bien entendu, à un développement du graphe des sous-rôles sociomoteurs (pour le graphe de ce jeu, se reporter au réseau des changements de sous-rôles sociomoteurs). Il peut fournir de précieux renseignements sur les conduites ludo-praxiques du joueur : répétition ou non des mêmes comportements, choix des partenaires, durée des séquences, sous-rôles choisis à dominante agressive, coopérative ou égocentrée, fréquence des changements de sous-rôles.
52Cet enchaînement de sous-rôles qui caractérise les comportements d’un participant précis à un jeu précis à un moment précis est toujours un chemin extrait de l’arbre de tous les possibles. Et cet arbre peut être reconstruit à partir de la structure-mère : le graphe* des changements de sous-rôles sociomoteurs qui est l’un des universaux* du jeu considéré (cf. figure 23).
53Le ludogramme est, sous un certain point de vue, un « résumé » des comportements* d’un joueur ; il peut devenir le support d’une analyse approfondie de ceux-ci : nature des décisions motrices*, stéréotypie ou variabilité des séquences praxiques, choix ludiques vis-à-vis des autres participants, comportements imposés par autrui... On peut analyser ces comportements ludomoteurs en fonction de leur juxtaposition sur l’axe horizontal des enchaînements (contrastes des sous-rôles) et en fonction du choix unique qui a été effectué à chaque point de la chaîne (sous-rôles commutables à l’intérieur d’un même inventaire ou paradigme).
54Le ludogramme est un outil précieux pour étudier la stratégie motrice* du joueur, Il apporte aussi des matériaux pour mieux connaître les données affectives et relationnelles liées au participant : adoption préférentielle de sous-rôles agressifs, de comportements d’entraide, de sous-rôles égocentriques, probabilités de passage d’un sous-rôle à un autre.
55 ► Sous-rôle sociomoteur, praxéogramme, coup (du jeu), praxie, réseau des changements de sous-rôles sociomoteurs.
LUDOMOTRICITÉ
56 Nature et champ des situations motrices* qui correspondent aux jeux sportifs*.
57Ce terme prend sens en s’opposant au concept d’ergomotricité*. L’intention est claire : il connote le plaisir du jeu, l’appétit d’une action enjouée.
58En fait, le problème est complexe : le plaisir du jeu répond fondamentalement à une attitude qui peut naître et se développer dans des conditions fort variables selon le contexte social et le vécu subjectif de chacun. Telle pratique jugée indigne par certains fera les délices de tel autre. Lajoie ludique n’échappe pas à l’influence de l’habitus* et de l’ethnomotricité*. Ces particularités reconnues, il reste cependant possible, pour une société donnée, de détecter les traits majeurs associés aux préférences ludomotrices manifestes. Dans cette confrontation de préférences, le sport* représente à coup sûr, à notre époque, un point de fixation privilégié.
LE SPORT DISCUTÉ
59L’activité ludomotrice est née libre, et partout elle est dans les fers. La pensée de Rousseau ne peut-elle être invoquée là où s’est imposé le contrat ludique* ? Le corps des règles n’emprisonne-t-il pas de ses règles le corps ? Portant témoignage d’un contrat social exemplaire, le jeu sportif institutionnel* n’en est pas moins perçu de façon éminemment conflictuelle.
60Depuis quelques décennies, le sport connaît un développement gigantesque qui tend à le faire passer pour le représentant exclusif de la ludomotricité. C’est ainsi par exemple qu’il est devenu la référence et l’objectif fondamentaux proposés par les Instructions Officielles qui régissent la pratique professionnelle des enseignants d’éducation physique*. En réaction, s’est développée une conception qui dénonce le sport comme une activité « aliénante » : cette pratique consacrée ne ferait que reproduire sur le stade des procédures d’exploitation et d’asservissement de l’individu : contraintes inhumaines de l’entraînement, recherche du rendement à tout prix, course aux médailles, politisation à outrance des épreuves... Le sport deviendrait alors l’image même de l’anti-jeu.
Un contenu ludique en voie de disparition
61À vrai dire, le lièvre fut levé il y a fort longtemps. Dès 1938, Johan Huizinga s’inquiétait de l’orientation jugée excessive du sport vers le sérieux : « En réalité, constate-t-il, il [le sport] a perdu le meilleur de sa teneur ludique. Le jeu est devenu plus sérieux, l’état d’âme ludique en a plus ou moins disparu » ((5), p. 3 16). Plus que jamais, le contenu du sport est aujourd’hui menacé de basculer vers l’ergomotricité : le halo de sérieux qui entoure les grandes compétitions*, la rigueur de l’entraînement, la poursuite du rendement et des performances, la production recherchée d’un résultat et d’un spectacle, bref les caractéristiques principales du sport de haut niveau coïncident pour une grande part avec celles du travail.
62Quand une activité ludomotrice suscite un grand engouement, elle devient rapidement un enjeu institutionnel : des fédérations déjà existantes ou une fédération nouvelle s’en emparent. Cette institutionnalisation entraîne tout un cortège de conséquences : normalisation des pratiques, codification et commercialisation des matériels, organisation de compétitions, développement de la presse spécialisée, mise en place d’un corps d’entraîneurs... La dernière décennie a vu éclore plusieurs activités ludomotrices « récupérées » de cette manière par l’institution sportive : planche à roulettes, vol libre, surf, planche à voile... Cette transformation d’une activité ludomotrice en sport, cette sportification illustre selon l’expression de Huizinga « un jeu qui se fige en gravité » (p. 319).
63Il est vrai que, sur le terrain, le sport est étrangement dénué d’humour et de fantaisie. Le joueur quelque peu moqueur, qui plaisante avec les règles et les tourne en dérision, sera perçu sur le mode scandaleux et chassé du temple. Un éducateur qui organise une activité ludomotrice en dehors des normes de rendement sera dédaigneusement accusé de « faire du pipeau ». Brocarder gentiment le sport entraîne d’étonnantes réactions de crispation. Quiconque aspire à la fantaisie sera traité de « fantaisiste ». Il en est du sport comme des fables de La Fontaine : les cigales y sont mal acceptées.
Une ludomotricité qui s’est durcie
64L’enjeu du jeu en bannit l’enjoué. Mais peut-on exclure de la sphère ludique des activités auxquelles s’adonnent des millions d’adeptes à titre de détente et de loisir ? Le caractère sérieux d’une situation, la présence de règles et de rituels n’interdisent aucunement un contenu ludique. Niera-t-on le plaisir du joueur de bridge ou du joueur d’échecs ? Aussi ne suivrons-nous pas Huizinga quand il déclare que le sport « demeure une fonction stérile, où le vieux facteur ludique s’est presque entièrement éteint » (p. 316). Le sport fait indiscutablement partie de la ludomotricité ; mais d’une ludomotricité qui s’est durcie, tel un jardin dont l’exubérance et la fantaisie primitives ont été disciplinées. Il est frappant de constater que tout en se développant continûment, il multiplie les protections, à l’aide certes de ses règlements et de ses instances officielles, mais aussi par un recours lancinant à une armature morale : l’idéal, la pureté, le mérite, l’amateurisme... De quel ennemi mystérieux le sport aurait-il peur ?
65Contester le sport en contestant la présence de ses règles serait vain. Sans règles, il n’y aurait pas de jeu. Une révolution n’élimine pas les normes, elle les change. En revanche, c’est la nature des règles et les principes corporels qu’elles mettent « en jeu » qu’il convient d’examiner. Quelles sont les limitations et les interdits du jeu sportif institutionnel ? Quelles conditions le sport offre-t-il à l’action ludomotrice ? De quels dangers le sport se prémunit-il en instituant un système de règles soigneusement arrêté parmi mille autres possibles ?
LES ACTIVITÉS LIBRES DE PLEINE NATURE
66Toute activité sérieuse peut être vécue de façon ludique et toute activité de jeu peut être empreinte de gravité : le critère du vécu subjectif, profondément dépendant des conditions de contexte malgré les apparences, est donc éminemment fuyant. Il convient d’aborder le problème différemment. Est-il possible de repérer des traits ludomoteurs objectivement observables ?
67L’analyse de la logique interne* des jeux sportifs répond précisément à cette attente. La mise en évidence de la structure des universaux* autorise des interprétations étayées sur des modèles* dont on peut contrôler l’éventuel bien-fondé. C’est ainsi qu’a été dégagée la notion de jeu paradoxal*, source d’un plaisir de jouer caractéristique. Les jeux sportifs traditionnels* révèlent un champ ludique effervescent, ignoré du sport ; à côté de ces activités souvent séculaires, qu’en est-il des pratiques les plus récentes où la ludomotricité s’observe à l’état naissant ?
68Essayons de caractériser les pratiques ludomotrices qui ont suscité un indiscutable engouement au cours des dernières décennies. Il s’agit essentiellement d’activités « libres » de pleine nature : « libres », car, à l’origine, pratiquées spontanément en dehors des normes et des fédérations. Certaines sont la résurgence de pratiques anciennes (surf, montgolfière, parachutisme, cyclo-randonnée...), d’autres sont radicalement nouvelles (vol libre, planche à roulettes, planche à voile...). Elles ont toutes mobilisé un indiscutable intérêt et semblent révélatrices de certaines aspirations de notre époque. Elles constituent un vivier d’activités nouvelles dans lequel puise l’institution sportive.
Des traits pertinents
69Afin de mieux connaître cette ludomotricité, nous allons tenter de dégager les traits pertinents de sa logique interne. Le type d’analyse mené dans ce lexique permet de dégager quatre traits distinctifs majeurs.
1 - Le trait « sauvagerie »
70Le trait sauvagerie correspond à l’un des pôles de la dimension domestication/sauvagerie*. Il dénote une codification restreinte, un non aménagement du milieu. L’incertitude* régnante est alors importante et la dimension informationnelle capitale. Ce trait corrèle avec d’autres indices plus difficiles à appréhender compte tenu de leur contenu subjectif ; ainsi y sont fréquemment associés un sentiment d’aventure et de risque, la recherche d’un contact direct et sensible avec la nature.
2 - Le trait « jeu psychomoteur* »
71Le trait « jeu psychomoteur » indique que le sujet agit « en individuel », sans interaction essentielle* avec d’autres acteurs. L’individu agissant, seul détenteur de décision, affronte la « nature ».
3 - Le trait « agent locomoteur externe »
72Ce trait note que le pratiquant n’est pas directement à la source du déplacement effectué. Les responsables de celui-ci sont les courants aériens (vol à voile, ballon, vol libre), le vent (voile, planche à voile...), la pesanteur et la déclivité du terrain (ski, planche à roulettes), les courants de la rivière (kayak, descente libre en tenue de plongée...), le moteur d’un engin (motocyclette, ski nautique). Il s’agit d’une locomotricité dont l’origine est externe : le participant guide, oriente, freine, annule, augmente cette force extérieure. Les sports de glisse en sont une belle illustration : la dépense énergétique est parfois considérable (ski, canoë-kayak, descente libre...) mais elle peut être dosée et cela avant même l’engagement (choix du terrain et de l’itinéraire). Alors que, dans de nombreuses spécialités classiques, le réel intérêt de la pratique n’apparaît qu’après une dose d’entraînement très importante (gymnastique aux agrès, natation, athlétisme...), dans ces activités libres de pleine nature où la propulsion est d’origine externe, le participant peut éprouver un intense plaisir d’agir et de décider très rapidement.
4 - Le trait « vertige » ou sollicitation intense de l’équilibre
73Ce trait souligne une caractéristique rarement prise en compte quoique primordiale. Cette mise en alerte de l’équilibration et des réactions viscérales brouille les mécanismes habituels de la posture. Le référentiel d’attitude et de déplacement est profondément modifié : l’enfant qui glisse sur une mare gelée, qui se lance en luge sur un chemin enneigé ou qui saute « en parachute » d’un arbuste, accroché à une grosse branche le retenant jusqu’à terre, recherche le plaisir des sensations inhabituelles issues d’une équilibration bouleversée qui le tourmente et l’enchante à la fois.
74Un des rares auteurs à avoir souligné l’attrait du « vertige » est Roger Caillois (3) qui, sous le nom d’« ilinx », l’a désigné comme un des quatre facteurs essentiels du jeu, à côté de l’« alea » (chance), de l’« agôn » (compétition) et du « mimicry » (simulacre). À cet égard, l’apport de Caillois est capital ; nous serons cependant conduit à prendre le contre-pied de cet auteur dans la mesure où il considère l’« ilinx » comme un abandon du contrôle de soi incompatible avec le sport. Comment en effet accepter ce point de vue restrictif devant la gymnastique aux agrès, le plongeon, le trampoline, le patinage, le ski ou le parachutisme ?
Tableau de pratiques ludomotrices nouvelles
75Confrontons à ces quatre traits quelques pratiques ludomotrices importantes apparues dans les dernières décennies, en signalant d’un point les traits correspondants attestés. On obtient le tableau suivant :
76Le tableau est éloquent : les situations sont saturées dans tous les traits à un point tel que ceux-ci n’ont plus ici valeur distinctive. Les nouvelles pratiques présentent une incontestable homogénéité dont le contenu tranche par rapport aux sports favorisés par l’institution (elles font partie d’une classe très délaissée : classe , cf. figures 1,2 et 3).
77La présence massive des quatre traits incite à penser qu’ils possèdent une forte portée ethnomotrice. Dans la plupart des cas, ils renvoient à l’utilisation de moyens et d’appareils sophistiqués qui témoignent d’une culture hautement techniciennne. Cette valorisation des situations individuelles à incertitude (où la dimension informationnelle et sémiotrice prédomine donc), sans débauche de force pure, avec maîtrise aiguë du vertige correspond à une forme d’affrontement corporel très orientée dont on devine qu’elle doit être en accord avec certains habitus* (cadres, professions libérales, orientation dite « écologique »...). Ce sera à l’enquête sociologique de le déterminer.
78Afin de mettre à l’épreuve la valeur distinctive des traits précédents, dressons un tableau de sports très variés dont la plupart connaissent actuellement un surcroît de popularité. La comparaison entre sports classiques et pratiques nouvelles témoigne clairement de ce caractère distinctif.
79Les oppositions apparaissent très franches entre les activités de pleine nature, saturées dans les traits retenus (vol à voile, canoë, ski... appartenant à la classe I, , Ā) et certains sports classiques qui les ignorent totalement (judo, tennis, rugby... des classes Ī, , A ou Ī, P, A). Les catégories « sauvagerie » et « vertige » recueillent une adhésion remarquable. Elles témoignent manifestement des aspirations ludomotrices modernes qui contestent l’exclusivité des principes sportifs classiques (domestication, stabilité, grande dépense énergétique locomotrice et force pure...) au profit d’une liberté praxique accrue.
LA SAUVAGERIE ET LE VERTIGE
80Ces rapides analyses suggèrent que la ludomotricité d’aujourd’hui se pose en s’opposant au sport classique : d’une part en recherchant un territoire d’action brut et non aménagé, d’autre part en demandant à ce milieu sauvage et fluctuant un bouleversement des données habituelles de l’équilibre et de la perception du corps. De telles orientations suscitent des attitudes affectives opposées, d’adhésion ou de rejet ; selon les personnes, le premier trait connotera ou la liberté ou le désordre, le second ou la maîtrise du vertige ou la démission de l’ivresse.
Une attitude hostile
81Ces deux catégories n’ont pas bonne presse dans notre culture : l’institution sportive s’en fait l’écho qui les accueille à grande précaution, qui les encadre et les domestique. Caillois a souligné que les jeux de vertige sont traités avec dédain par les sociologues ou les pédagogues et semblent « entachés de quelque obscure et contagieuse malédiction » ((3), p. 325). Il a su montrer l’importance de ces jeux. Mais, paradoxalement, il sombre dans l’attitude moralisante qu’il dénonce chez les autres : sous sa plume, l’ilinx est une « déroute de la conscience » (p. 67) qui « fait perdre momentanément le contrôle de soi » (p. 325). « Dans tous les cas, écrit-il, il s’agit d’accéder à une sorte de spasme, de transe ou d’étourdissement qui anéantit la réalité avec une souveraine brusquerie » (p. 67). Le jeu d’ilinx est envisagé sur le mode passif de l’abandon, de la dépossession et de la perte de la maîtrise de soi propice à tous les délires. C’est un « emportement pur », une « panique voluptueuse » qui doit être exclue de la compétition. Aux yeux de Caillois, « le vertige ne saurait se trouver associé avec la rivalité réglée sans la dénaturer aussitôt » (p. 147) ; sa présence détruit la possibilité du sport : « règle et vertige sont décidément incompatibles » conclut-il (p. 148). Cette attitude est certainement associée à une défiance à l’égard d’un inconscient moteur*.
82De telles affirmations ne laissent pas d’étonner le pratiquant averti : les sports qui font appel à l’ilinx sont en effet légion : plongeon, ski, patinage, bobsleigh, gymnastique aux agrès, trampoline, vol à voile, automobile... Il s’agit, il est vrai, d’un vertige dépouillé des traits inquiétants de la sauvagerie, d’un vertige domestiqué ; il n’en est pas moins présent (en se privant du vertige, l’institution sportive risquerait de se condamner). Comment se fait-il qu’un auteur aussi sagace ne tienne pas compte de ces faits qui contredisent si massivement sa théorie ?
83Il semble que Caillois soit victime d’une perception moralisante du sport (qui coïncide avec un stéréotype social tenace). Il considère les jeux du stade sous un jour idéalisé qui étonne de la part d’un sociologue. « Dépouillée de tout statut de haine et de rancune personnelles, cette nouvelle espèce d’émulation, écrit-il en parlant du sport, inaugure une école de loyauté et de générosité » (p. 210). Lieu de l’harmonie, de la mesure et du rationnel, école du mérite et de l’effort récompensé, le sport au « rôle civilisateur » (p. 210) ne peut accepter l’intrusion du déséquilibre et du désordre. Cette perception moralisante est au cœur du problème ; elle rend intelligible une des fonctions de l’institution sportive : éliminer le tohu-bohu menaçant, c’est-à-dire, comme nous le verrons, éliminer les effets pervers.
L’exaltation du déséquilibre maîtrisé
84Analysant le vertige, Caillois s’est laissé abuser par certaines de ses manifestations : baraques foraines, transes religieuses, drogues et délires. Ce trait ne correspond pas nécessairement à la dépossession et à « l’éclipse absolue de la conscience » (p. 152). Bien au contraire, ce bouleversement viscéral, cette fuite des appuis peuvent favoriser une prise de conscience nouvelle des phénomènes corporels. L’état d’apesanteur relatif suscité par la plongée sous-marine, les réactions déroutantes de la planche à voile, l’équilibre précaire du kayak ou des skis provoquent une réorganisation posturale dynamique aboutissant souvent à un nouveau type de contrôle corporel à l’étonnante finesse. Le pratiquant ne heurtera certes pas de plein fouet le courant, le vent ou la neige : il rusera et modulera, il se laissera parfois porter au gré d’un rythme, s’abandonnera apparemment à la pente ou à la pression des courants ; mais ce sera pour mieux les dominer.
85Un grand nombre d’activités libres sollicitant le vertige en milieu agreste sont qualifiées de très récentes. Certaines le sont effectivement (vol libre, planche à voile) mais beaucoup d’entre elles, avant l’explosif engouement qu’elles connaissent aujourd’hui, ont été pratiquées de façon intensive pendant de nombreuses années, notamment dans des centres de vacances. Depuis plusieurs décennies, en effet, certains centres pour enfants ou adolescents ont organisé des activités physiques de pleine nature de façon souple, en dehors de toute compétition (ainsi que le révèlent par exemple une pléthore d’articles de la revue Vers l’éducation nouvelle (6)).
86Une expérience portant sur plusieurs milliers d’enfants nous a révélé que ces activités libres suscitaient une exceptionnelle motivation : cyclo-randonnée, ski, nage sous-marine, descente de rivière (canoë-kayak, radeau), traversée de rivières, planche à voile... Les jeux qui passionnent les enfants sont souvent des jeux à dominante « vertige » : trapèze et balançoire au-dessus de l’eau agrémentés de plongeons, descente à grande hauteur à l’aide d’une « roulette » entraînée par un câble avec lâcher au-dessus de la rivière... À l’exception des situations dont les risques objectifs ne peuvent pas être totalement maîtrisés ou qui nécessitent un investissement financier trop important (vol libre, parachutisme, plongée sous-marine...), les activités libres ont été ainsi abondamment pratiquées dans les centres de vacances. Il y a dix ou vingt ans, ce type d’activité motrice était jugé non sérieux, un peu farfelu, bref « fantaisiste ». Les tenants de la pédagogie pro-sportive imposaient alors, un peu selon le stéréotype de Caillois, le mythe des sports « nobles », des « vrais » sports, des sports « complets » : athlétisme, natation ou sports collectifs (qui nous définira un sport « complet » ?). Ceux qui combattaient les pratiques libres commencent aujourd’hui à être plus conciliants et sans doute en seront-ils bientôt d’ardents défenseurs. Il devient de plus en plus évident que les traits des pratiques libres de pleine nature représentent un levain éducatif de premier ordre.
87La pratique ludosportive à vertige n’est pas une démission. Bien au contraire, c’est l’exaltation de la maîtrise là où précisément elle risque de se perdre. Le plaisir de l’action tient alors au déséquilibre constamment rattrapé. Utiliser la rupture d’équilibre pour mieux virevolter, pour aller plus vite et plus loin dans la provocation des normes habituelles. Quoiqu’en pense Caillois, ce n’est pas « l’ivresse des profondeurs » que recherche le plongeur mais le vécu lucide d’un insolite corporel. Une vision angélique du sport conduit paradoxalement cet auteur à priver la ludomotricité d’un de ses attraits potentiels le plus actuel.
88Peut-on, plus profondément encore, interpréter du point de vue social le refus du vertige et de la sauvagerie ?
L’ÉLIMINATION DES EFFETS PERVERS
89L’analyse de Caillois a retenu assez longuement notre attention car elle nous paraît exemplaire. Elle symbolise toute conception normative inavouée qui assigne au jeu des limites de convenance : le plaisir certes mais discipliné, cadré, obéissant à des règles strictes. La ludomotricité est alors du côté des sociétés « à comptabilité » (p. 170) : le stade, le gymnase et la piscine avec leurs appareils, leurs lignes et leurs couloirs en sont une image représentative. La sauvagerie et le vertige apparaissent comme des éléments de désordre et de démission de la conscience qui risquent d’entraîner l’individu à la dérive ; réputés rebelles à tout code, ils sont du côté des sociétés « à tohu-bohu » (p. 169).
Le jeu paradoxal : un jeu dangereux
90Le danger profond est explicitement invoqué : le vertige, la sauvagerie doivent être réglementés et endigués sous peine, écrit Caillois, de déchaîner « des énergies sauvages, explosives, prêtes à monter tout soudain à un dangereux paroxysme » (p. 251). Des conduites individuelles, bien que ne cherchant pas à nuire, peuvent cependant par leur accomplissement et leur accumulation entraîner des conséquences sociales néfastes. L’institution doit « dompter » ces « instincts menaçants » et les « éliminer de la vie collective » (p. 251) sinon elle risque d’être balayée par eux. Cette crainte exprimée par Caillois illustre un cas élémentaire d’effet pervers* : des pratiques qui, isolées, ne prêtent pas à conséquence, peuvent en s’accumulant et se concentrant, bouleverser l’ordre social.
91Les activités libres de pleine nature portent en elles-mêmes le germe de la contradiction : ce sont des jeux paradoxaux. Pour affronter la sauvagerie de l’environnement, elles font appel à une technologie hautement avancée, à des appareils qui bafouent l’idée de nature : on prétend à la nature par un surcroît de culture. Le détendeur sophistiqué du plongeur, l’aile volante et ses alliages spéciaux, le kayak en polyester stratifié, les pitons, les étriers, le jumar et les déposes héliportées de l’escalade ne lancent-ils pas un véritable défi par l’absurbe à l’idée d’aventure et de pleine nature ? La « double contrainte » dont Gregory Bateson (1) a abondamment révélé l’importance dans les phénomènes psycho-sociaux imprègne cette ludomotricité : en voulant affronter le milieu sauvage, le pratiquant le soumet à domestication. L’acte même du contact maîtrisé avec la sauvagerie conduit à faire disparaître celle-ci. Les revendications actuelles de l’escalade dite « libre » ou « extrême » préconisant une ascension à mains nues sans aucun moyen « artificiel », n’illustrent-elles pas le sursaut des pratiquants qui se sentent pris entre les deux mâchoires de la double contrainte ? Activités de pleine nature ou sports de pleine culture ?
92Les cordées qui se bousculent et se piétinent dans la vallée de Chamonix, attendant leur tour au pied des parois comme devant un portillon de métro, mettent en pleine lumière le paradoxe de l’aventure et de l’activité libre qui risquent de se nier elles-mêmes dès que leur appel est entendu (et fournissent un bel exemple de double effet pervers). Si le paradoxe n’est pas levé, il devient générateur de désordre et de trouble. La liaison décelée entre jeu paradoxal et effet pervers ludique lors de l’étude de certains jeux sportifs traditionnels se manifeste ici encore.
La domestication sportive : suppression des effets pervers
93Pour briser le cercle paradoxal, le sport accentue la domestication, ce qui conduit à supprimer, apparemment, le problème. Très banalement, la course, le saut, le lancer et la nage en ont connu une application intensive. À la fin du siècle dernier, Littré indiquait que le mot « sport » désignait « tout exercice de plein air » : aujourd’hui les athlètes courent et sautent sur un matériau synthétique en stade couvert et les nageurs s’élancent dans les couloirs aseptisés des piscines de béton. Les torrents en ciment pour canoë-kayak avec rochers artificiels et débit programmable, les pistes-boyaux sur pilotis de bobsleigh réfrigérées industriellement témoignent d’une domestication particulièrement prononcée qui met la « nature » hors-jeu.
94L’institution sportive impose aux pratiques de respecter les principes assurant sa propre stabilité : centralisation et standardisation avant tout, mesure et hiérarchie, limpidité des comportements. La fantaisie, l’ambivalence et l’imprévisible sont éliminés, l’irrationnel chassé. Le jeu paradoxal crée un non-sens, un humour, voire une subversion, inacceptables pour l’institution. Sur le mode de la fable, les jeux d’Alice au pays des merveilles en illustrent l’extravagance. La ludomotricité paradoxale s’épanouit quand le joueur passe de l’Autre côté du miroir. Le sport est résolument du côté du logicien Charles Dodgson et le jeu pervers du côté du conteur Lewis Carroll.
95Si la ludomotricité du sport se rapproche manifestement de l’ergomotricité, la ludomotricité paradoxale s’en éloigne avec tapage. Introduisant la fantaisie ou la dérision, provoquant un dérèglement du sens et des sens, elle récuse la lisse et linéaire adhésion au monde du rationnel. Elle peut déqualifier la signification initiale de la pratique, provoquer un méta-jeu et subvertir le sport.
96Tout se passe comme si l’institution sportive s’ingéniait systématiquement à supprimer les conditions permettant à l’effet pervers ludique de se manifester. Les jeux sportifs paradoxaux de type traditionnel qui recèlent des germes d’illogisme sont refoulés, les pratiques « libres » et sauvages de pleine nature qui déclenchent une griserie émotive sont soigneusement « récupérées » et domestiquées. C’est bien en cela que la ludomotricité est constamment menacée d’être dans les fers.
97Nous interprétons le développement des formes actuelles du sport comme une tentative pour éliminer les effets pervers de la ludomotricité. Afin d’éviter les conséquences indésirables des activités motrices individuelles ou groupales pratiquées à la diable, les instances sportives institutionnalisent des contraintes standardisées : le sport s’affirme sous une impulsion centralisatrice. S’inscrivant dans une « théorie de l’action généralisée », Raymond Boudon estime que les effets pervers dont il montre le rôle capital « représentent une des causes fondamentales des déséquilibres sociaux et du changement social » ((2), p. 5). Tout se passe comme si l’institution sportive voulait précisément, en annulant les effets pervers, éviter ces déséquilibres et ces changements : elle arrête un système de règles qui les canalise et les endigue. Elle propose une motricité métrisée et, par là, socialement maîtrisée.
98La stabilité et la sécurité ainsi obtenues privent le sport de l’effervescence et de l’enchantement d’activités corporelles qui échappent aux normes de la performance linéaire (certaines pratiques de simulacre, de vertige et de sauvagerie). Le sport de nos jours est en quelque sorte victime de son succès ; il a porté à son apogée la motricité de l’équilibre et de la mesure. Il paye sa réussite de la perte de la fantaisie.
UNE PORTÉE SOCIALE ET HISTORIQUE INSOUPÇONNÉE
99Pour bien comprendre les pratiques ludomotrices, il convient de les replacer dans leur contexte socio-historique, dans le système global qui les dote de leur signification. Une telle mise en perspective évitera des appréciations hâtives, des jugements manichéens, au sujet du sport par exemple. Celui-ci se présente aujourd’hui comme le conservatoire des activités institutionnelles standardisées et démunies de fantaisie. Il est bon de rappeler qu’à la fin du XIXe siècle, face aux gymnastiques compassées de l’époque, il fut ressenti comme un lyrique débordement, comme une « libération » physique. Les premières compétitions de ski n’imposaient que le point de départ et le point d’arrivée au bas de la vallée. Il est vrai qu’on a abouti aux chicanes du slalom spécial et qu’il arrive de voir de nos jours la neige des pistes de compétition apportée à l’aide de camions ! Pour la planche à voile ou le vol libre, par exemple, il faut sans doute s’attendre à des pressions de conformité, à des contraintes et interdictions aussi restrictives. De nouvelles activités « libres » naîtront alors... et le cycle recommencera.
100La ludomotricité se veut pour beaucoup expression libre et spontanée. Cependant, elle ne récuse pas les règles comme une analyse superficielle serait tentée de l’affirmer. Elle essaie de préserver celles qui privilégient le pouvoir d’initiative, l’ambivalence des interactions, le déséquilibre des situations.
101Une idée essentielle est bien dégagée par Jacques Henriot dans son étude sur le jeu quand il écrit : « Le jeu tient d’abord au jeu qu’il y a entre le joueur et son jeu » ((4), p. 66). Cette mise à distance possible, cette marge de choix et d’initiative, ce pouvoir d’attribuer un nouveau sens est effectivement un élément capital de ludomotricité. Il semble important de mettre à découvert les structures objectives d’action et d’interaction qui correspondent à ces prises d’initiative possibles. Le praxéologue essaiera de décrire et d’analyser les ludo-systèmes* qui restreignent ou favorisent l’émergence de ce pouvoir de choix et de décision motrice*. La ludomotricité est condamnée à osciller entre la liberté errante d’une activité débridée et la sévère contrainte d’une règle d’action obligée. Elle y cherche toujours son équilibre... ou son déséquilibre. Ce va-et-vient permanent introduit une dynamique qu’il faut absolument prendre en compte pour saisir l’évolution des sports et des jeux.
102Derrière sa futilité et sa gratuité apparentes, la ludomotricité possède une portée sociale et historique insoupçonnée. Sous des formes très diverses, elle illustre le conflit permanent de toute société, opposant la « sauvagerie » individuelle ou groupale à la « domestication » institutionnelle. Sa logique interne ne peut manquer d’être révélatrice. Elle offre un étonnant arsenal de structures d’action motrice qui imagent sur le vif le jeu antagoniste entre d’une part les contraintes du contrat social, d’autre part l’intérêt et le désir de liberté de l’individu agissant.
103► Ergomotricité, domestication/sauvagerie, jeu paradoxal, effet pervers ludique, sport.
BIBLIOGRAPHIE
104(1) Bateson (G.).- Vers une écologie de l’esprit. Paris : Éditions du Seuil, 1977.
105(2) Boudon (R.).- Effets pervers et ordre social. Paris : PUF, 1977.
106(3) Caillois (R.).- Les jeux et les hommes. Paris : Gallimard, 1958.
107(4) Henriot (J.).- Le jeu. Paris : PUF, Collection SUP, 1969.
108(5) Huizinga (J.).- Homo Ludens. Paris : Gallimard, 1951.
109(6) Vers l’éducation nouvelle. Revue des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active. Paris : rue de la Chaussée d’Antin.
LUDOSPORTIF
110 ■ Caractère des activités motrices qui se référent aux jeux sportifs*.
111Ainsi, sera par exemple qualifié de ludosportif le domaine qui recouvre tout à la fois les jeux sportifs institutionnels* et les jeux sportifs traditionnels*.
112 ► Jeu sportif, sport, ludomotricité, jeu sportif institutionnel, jeu sportif traditionnel.
LUDO-SYSTÈME
113 ■ Ensemble organisé des éléments humains et matériels (joueurs, règle, milieu, engins, espace...) qui conditionnent sur le champ la mise en oeuvre et le déroulement d’un jeu sportif*.
114On peut distinguer deux grands types de ludo-systèmes :
115– les systèmes d’action correspondant aux situations psychomotrices*, privées d’interaction essentielle*, au cours desquelles le pratiquant n’affronte que le milieu extérieur sous ses modalités privilégiées d’espace ou de temps (lancer du disque, 100 mètres brasse, ski, barre fixe, haltérophilie...).
116Dans ces jeux psychomoteurs*, l’affrontement s’effectue parfois par l’intermédiaire d’équipements et d’engins qui imposent leurs pesantes contraintes codifiées (javelot, poids, haies, barres asymétriques, anneaux...) ; parfois s’interposent des appareils au rôle technique et mécanique capital, sans lesquels la pratique ne pourrait se dérouler : voilier, kayak, ski, planche à voile, parachute, aile delta, planche à roulettes, patins à glace, détendeur et bouteille, bicyclette, automobile...
117– les systèmes d’interaction correspondant aux situations sociomotrices*, détentrices d’interaction essentielle. L’échange praxique – communication* et contre-communication motrices* – joue alors un rôle capital dans l’établissement de la dynamique de résolution de la tâche*. Au cours de ces jeux sociomoteurs*, réseau des communications* et système des sous-rôles* prennent une importance de premier plan (basket-ball, sabre, badminton, boxe, Balle à sucre, Balle au prisonnier...).
118Là encore, équipements et appareils interviennent pour une part souvent déterminante : balle, raquette, batte, fleuret, mais aussi voilier, patins, kayak, etc.
119 ► Jeu psychomoteur, jeu sociomoteur, modèle, interaction motrice, universaux.
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Dopage et performance sportive
Analyse d'une pratique prohibée
Catherine Louveau, Muriel Augustini, Pascal Duret et al.
1995
Nutrition et performance en sport : la science au bout de la fourchette
Christophe Hausswirth (dir.)
2012