Chapitre 18
Les registres de l’identité
Les immigrés et leurs descendants face à l’identité nationale
p. 531-558
Texte intégral
1La question de l’identité est devenue un lieu commun dans les sciences sociales (Bayart, 1996 ; Brubaker, 2001). Bien que difficile à objectiver, elle est convoquée pour expliquer nombre de phénomènes sociaux. Pour reprendre la conclusion de Claude Lévi-Strauss, l’identité est « une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu’il ait jamais d’existence réelle » (Lévi-Strauss, 1977, p. 332). Si l’identité reste insaisissable, son étude s’est développée autour de ses expressions sociales. Contredisant la vision de l’identité comme une unité cohérente et fixée une fois pour toute à travers la socialisation et les héritages familiaux, de nombreuses recherches travaillent sur la pluralité des identités ou les configurations identitaires différemment mobilisées selon les contextes (Lahire, 1998 ; Dubar, 2000). Ces approches de l’identité plurielle prennent une résonnance particulière pour les immigrés et leurs descendants dont on considère, du fait des situations d’acculturation provoquées par la migration et la socialisation dans une famille ayant connu la migration, qu’ils se situent plus ou moins harmonieusement entre une identité « d’origine » et celle construite dans la société d’installation (Camilleri et al., 1990).
2Les théories de l’assimilation font de la modification profonde de l’identité des migrants l’un des principaux moteurs du processus, mais également l’indicateur central de sa réalisation. Dans sa grille décomposant le processus d’assimilation, Milton Gordon place ainsi « l’assimilation d’identification » au centre des sept dimensions qu’il retient (Gordon, 1964, p. 71). Il la définit comme le développement d’un sentiment d’appartenance exclusivement orienté vers la société d’installation, c’est-à-dire l’abandon complet de l’attachement à la société d’origine (pour les migrants) ou pour une autre référence ethno-culturelle (pour les générations suivantes). Il est ainsi attendu que la modification profonde de l’identité des immigrés et de leurs descendants les amène à épouser l’identité de la population majoritaire, et donc à s’y fondre complètement. Cette fusion identitaire opère par l’incorporation la plus intime des valeurs et normes, conduisant à partager la mémoire et l’histoire, les sentiments et attitudes de la population majoritaire1. Elle est centrale dans le « modèle français d’intégration » dès ses origines, et caractérise la plupart des modèles nationaux en Europe (Noiriel, 1988 ; Thiesse, 1999). Dans ce contexte, l’identité des immigrés et de leurs descendants fait l’objet de nombreuses attentes, d’interrogations et souvent de suspicion.
3Les accusations portées sur leurs allégeances multiples, perçues comme réduisant leur engagement dans la société française et révélant leur « communautarisme », reviennent à intervalles réguliers depuis les débuts de la IIIe République jusqu’aux années 2000 (Schor, 1985 ; Gastaut, 2000). Le débat sur « l’identité nationale » qui s’est tenu à la fin de 2009 a mis en scène l’hypothèque qui pèse sur la loyauté des immigrés et de leurs descendants. À l’automne 2010 et au printemps 2011, un débat politique s’est ouvert sur la légitimité de la double nationalité, accusée de menacer la cohésion nationale. Sa suppression a été évoquée, avec obligation pour les binationaux d’opter pour une seule nationalité. Finalement abandonné, ce projet souligne la persistance d’une hostilité à la multi-appartenance et, en creux, la crise d’identité qui affecte la nation. Ce débat doit être replacé dans une perspective historique longue. Il reproduit la conception classique de l’État-nation qui s’est cristallisée à l’avènement de la IIIe République. Alors que les pays ayant adopté le multiculturalisme valorisent les identités nationales et/ou ethniques multiples comme autant de marques positives de la diversité des héritages (Canada, États-Unis, Australie, Royaume-Uni), les pays assimilationnistes, au premier rang desquels la France, tendent à valoriser les choix exclusifs et à considérer le maintien d’une identité ethnique2 comme la marque d’une assimilation inachevée (Bloemraad, 2007). Se revendiquer publiquement d’une identité combinant les références à une culture ou un pays étranger et à la France, identité dite « à trait d’union » (hyphenated identity), est perçu négativement (Simon, 2005). Cette hostilité à l’égard des identités nationales multiples s’inscrit dans une logique d’exclusivité. Elle révèle une conception des identités comme un « stock fini » : le sentiment d’appartenance orienté vers un pays devrait se traduire mécaniquement par la faiblesse corrélative du sentiment d’être Français. Paradoxalement, cette lecture primordialiste de l’identité nationale tranche avec le développement d’identités et de rôles sociaux multiples et fluides, comme si ce qui relevait de la nation devait être exclusif alors que les identités sociales, sexuelles, genrées peuvent se combiner selon les contextes. On sait néanmoins que la manipulation des identités est socialement déterminée. Dans quelle mesure les immigrés et leurs descendants se singularisent dans leurs définitions identitaires est précisément au cœur de ce chapitre.
4Notre étude s’appuie sur les questions de l’enquête consacrées à « l’image de soi et le regard des autres », selon l’appellation choisie pour décrire cette section du questionnaire. Il existe peu d’enquêtes quantitatives spécifiquement consacrées aux questions d’identité, l’enquête Histoire de vie-construction des identités (HdV), réalisée par l’Insee en 2003 faisant exception (Crenner et al., 2006, Guérin-Pace et al., 2009). La place dédiée à l’identité dans TeO est beaucoup plus réduite, aussi nous concentrons-nous sur l’analyse des configurations d’identité des immigrés et descendants d’immigrés en nous interrogeant sur leurs rapports à « l’identité nationale ».
5Dans un premier temps, nous établissons la « matrice des identités » constituée par la combinaison des dimensions déclarées dans l’enquête TeO. Ces configurations de réponses sont-elles différentes entre la population majoritaire, les originaires des DOM, les immigrés et les descendants d’originaires des DOM et d’immigrés ? Si oui, ces variations sont-elles imputables à l’origine en tant que foyer d’identification ou à des effets de composition sociodémographiques ? Les références identitaires se transforment-elles selon la durée de résidence en France et selon la succession des générations liées à l’immigration ? Dans un second temps, nous resserrons la focale sur le sentiment national proprement dit. Puisque la question du conflit de loyauté apparaît centrale dans les débats autour de l’identité des immigrés et de leurs descendants, nous examinons dans quelle mesure l’hypothèse d’un attachement exclusif à une identité nationale, française ou du pays d’origine, reflète l’expérience des enquêtés. Ces analyses seront conduites en référence à la nationalité effective, avec une attention particulière pour les cas de double nationalité. On s’intéressera à la notion « d’identité réactive » formulée par Portes et Rumbaut (2001) qui suppose que la formalisation d’une identité minoritaire est renforcée par l’expérience de la stigmatisation de l’origine concernée. L’analyse des relations dialectiques entre la société et les groupes minoritaires se poursuit dans la dernière partie sur l’émergence éventuelle d’une identité minoritaire.
I. La matrice des identités
6Notre identité est caractérisée par une pluralité de dimensions, articulées et plus ou moins hiérarchisées. Ces dimensions plurielles s’agencent différemment selon les contextes, et les configurations suivent également des logiques sociales qui déterminent l’ouverture ou la réduction du spectre des possibles. L’enquête TeO s’est attachée à restituer la « matrice des identités », c’est-à-dire les combinaisons des identités que chacun évoque pour se définir. Les enquêtés ont été invités à choisir jusqu’à quatre « caractéristiques » susceptibles de les définir, sans les hiérarchiser, dans une liste de quatorze modalités (voir tableau 1). Le libellé de la question, les modalités de réponses et leur ordre influencent les réponses. La question ouvrant les choix était formulée de la manière suivante : « D’après vous, parmi les caractéristiques suivantes, quelles sont celles qui vous définissent le mieux ? ». On sait que les premières propositions d’une liste ont tendance à attirer les réponses au détriment de celles du milieu ou de fin de la liste. Pour éviter ces effets d’ordre, les enquêtés ont été divisés en deux groupes recevant chacun une séquence différente des mêmes modalités. La liste A commençait ainsi par l’âge, puis le sexe, le métier ou catégorie sociale, le niveau d’études, etc. tandis que la liste B proposait d’abord la nationalité, puis les origines, la couleur de peau, la région d’origine, etc. Les variations observées entre les deux listes restent contenues dans des amplitudes modérées en valeur absolue (2,5 % en moyenne). On observe malgré tout un effet important sur l’âge qui passe de 28 % à 37 % quand il est proposé en premier. Le sexe en revanche ne varie absolument pas d’une liste à l’autre. Nationalité, origines, couleur de peau et religion varient de 1 % à 3 % selon leur place dans la liste. La suite des analyses porte sur la fusion des deux listes, de telle sorte que les variations dues à l’ordre d’apparition sont en partie réduites.
Tableau 1. Caractéristiques ou thèmes cités comme descriptifs de l’identité, selon le sexe et le lien à la migration (%)

Champ : population âgée de 18 à 50 ans. Lecture : 41 % des personnes ont répondu au moins une fois que la famille est un thème « les définissant le mieux » parmi 4 possibles. C’est le cas de 34 % des hommes et 48 % des femmes. La somme des réponses est supérieure à 100 % puisque plusieurs réponses étaient possibles.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
7La possibilité d’utiliser plusieurs réponses a été majoritairement utilisée : seuls 15 % des enquêtés se sont définis avec une seule modalité, tandis que 21 % en ont retenu 2, 25 % se sont fixés sur 3 et 39 % sont allés jusqu’à 4. Le nombre moyen de mentions est de 2,88 et cette fréquence varie peu selon le sexe, l’âge ou le groupe d’origine (entre 2,84 et 2,95), même si les descendants d’immigrés tendent à citer plus de modalités que les autres. La structure du nombre de réponses est en revanche sensible au niveau d’éducation et à la catégorie socioprofessionnelle. On observe ainsi une diminution régulière du nombre moyen de modalités d’identité des cadres (3,2) aux ouvriers (2,71) et des diplômés du supérieur (3,1) à ceux sortis de l’école sans diplôme (2,5). Cette relation témoigne du fait que l’expression d’identités multiples et leur objectivation dans un questionnaire dépendent autant des capitaux sociaux que de l’expérience effective des personnes. Les immigrés, et surtout les descendants d’immigrés, présentent ainsi un niveau de déclaration supérieur à la population majoritaire. Avançons à titre d’hypothèse que le rapport aux origines stimule l’expression d’identités multiples qui viennent s’articuler avec les registres identitaires plus traditionnels. L’expérience de la migration façonne l’identité individuelle sur plusieurs générations, et peut être encore plus pour la seconde génération que pour celle qui a véritablement vécu la migration. C’est ce que nous tenterons de vérifier dans la suite du chapitre.
8On conçoit volontiers que la saillance de certains registres d’identité suit des logiques sexuées, sociales et familiales. Le tableau 1 indique clairement que la dimension familiale est, sans surprise, avant tout féminine, tandis que le métier est plus souvent cité par les hommes. Hélène Garner, Dominique Méda et Claudia Senik ont ainsi montré avec l’enquête HdV que l’importance du travail parmi les éléments constitutifs de l’identité est fortement déterminée par la position sociale et la situation familiale des personnes : les actifs cadres et professions intermédiaires, diplômés du supérieur et sans charge de famille citent cette modalité plus fréquemment que les autres (Garner et al., 2006). La suprématie de la famille comme mode de présentation de soi s’explique également par la position des personnes dans le cycle de vie : les célibataires sans enfant la mentionnent nettement moins que les personnes en couple avec enfants3. L’identité sexuée est également mentionnée avant tout par les femmes, mais seul un quart d’entre elles y fait référence dans TeO ce qui relativise l’importance de cette identité. Les hobbys ou les passions, thèmes un peu plus masculins, sont les plus cités, en particulier par les cadres et les diplômés d’un Bac ou plus. Cette thématique est privilégiée par les jeunes et tend à décliner avec l’avancement en âge. Enfin, les lieux d’attachement (quartier, ville ou région d’origine) constituent des références secondaires4, certes plus importantes que la religion, l’état de santé ou les opinions politiques, mais rarement citées par plus de 15 % des enquêtés. Ainsi les jeunes vivant dans les quartiers en ZUS ne sont que 19 % à évoquer le quartier comme référence identitaire, tandis que l’identité régionale est revendiquée au plus par 21 % des Alsaciens.
II. La saillance de l’origine
9Ce profil général connaît-il d’importantes variations selon l’origine, comme on peut intuitivement le supposer ? Le pôle « Famille-Passions-Catégorie sociale » qui se dégage pour la population majoritaire laisse place au pôle « Origines-nationalité-famille » pour les immigrés. Chez ces derniers, la place de l’origine se fait au détriment du thème des passions et des identifications d’âge et de catégorie sociale qui diminuent nettement par rapport à leur poids dans la population majoritaire. La nationalité occupe un espace similaire à celui de la catégorie sociale, voire plus pour les étrangers, tandis que la religion rejoint l’âge comme descripteur de second rang. Les descendants d’immigré(s) gardent ce rapport particulier aux origines, tout en privilégiant l’âge et les passions sur la famille et la nationalité. Des effets de structure par âges expliquent également ces profils, les descendants d’immigrés étant plus concentrés parmi les moins de 35 ans. Les descendants de couples mixtes présentent un profil relativement proche de celui de la population majoritaire, à l’exception du rapport à l’origine pour lequel ils se placent dans une position intermédiaire.
10Un principe de substitution se dégage donc entre la catégorie sociale et les passions, modalités structurantes pour la population majoritaire, et les origines, la nationalité et, de façon plus subsidiaire, la religion pour les immigrés et les descendants de deux parents immigrés. La couleur de la peau est essentiellement évoquée par les originaires des DOM (autour de 35 %) et d’Afrique subsaharienne (44 %). Ni les personnes d’origine maghrébine ni celles d’origine asiatique ne retiennent la couleur de peau comme dimension importante de leur identité.
11La morphologie de la matrice des identités témoigne ainsi de l’existence d’un pôle de l’ethnicité pour les immigrés et leurs descendants qui tend à écraser, mais non à faire disparaître, les identités sexuées et de classe. La persistance de l’importance de l’origine pour la deuxième génération, y compris pour les descendants de couple mixte, indique que la convergence des pratiques (linguistiques, culturelles, sociales, …) avec la population majoritaire n’est pas contradictoire avec le maintien d’une identité ethnique. Cette singularité est encore plus accusée pour la religion qui offre une référence très active pour les musulmans (entre 30 % et 35 % selon le lien à la migration)5, tout comme la couleur de la peau pour les descendants d’originaires des DOM ou d’Afrique subsaharienne.
12La matrice des identités par origines détaillées confirme la relative similitude de profil entre les immigrés et les descendants d’immigrés, tout comme entre les originaires d’un DOM et leurs descendants nés en France métropolitaine (voir annexe 1 sur teo.site.ined.fr/annexes). Si l’on compare les citations des trois dimensions liées que sont la nationalité, l’origine et la couleur de peau, on relève que l’origine s’impose comme la principale caractéristique citée pour la quasi-totalité des groupes et ce, à des niveaux comparables et parfois un peu supérieurs, pour les descendants par rapport aux immigrés. La saillance de l’origine tendrait donc à se maintenir, voire à augmenter d’une génération à l’autre. Elle se distingue de la nationalité proprement dite qui est moins souvent citée, sauf par les immigrés d’Europe du Sud. Nationalité et origine relèvent donc de deux champs qui ne prennent pas exactement les mêmes significations. Plus du tiers des immigrés et descendants d’immigrés d’Afrique subsaharienne ou d’originaires d’un DOM se définissent par la couleur de peau. La modalité n’est quasiment pas retenue par les autres groupes. Si la notion de couleur de peau ne fait pas sens pour les originaires d’Asie du Sud-Est, du Maghreb ou de Turquie du point de vue de l’identité, cela ne préjuge pas de son importance dans les expériences de discrimination ou de racisme. De fait, plus du quart des immigrés et le tiers des descendants d’immigrés du Maghreb, ainsi que 40 % (immigrés) et la moitié (descendants) des originaires d’Asie du Sud-Est considèrent qu’ils ont été ou pourraient être victimes de racisme du fait de leur couleur de peau6.
13L’espace des identités est donc fortement façonné par l’histoire migratoire et par l’expérience en France, mais il se modifie différemment selon les groupes d’origine. Ces variations sont-elles liées au niveau d’éducation, à la position sociale, à la situation familiale, ou à l’âge des individus au sein de chaque groupe d’origine ? Ou encore aux effets d’environnement (quartier), aux expériences d’altérisation et de discrimination ?
III. Les déterminants de l’identité
14On imagine facilement que les profils de réponse de chaque origine sont influencés par les caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, nationalité), la position sociale et le niveau d’éducation. Mais quel rôle spécifique joue l’origine dans les configurations identitaires ? On s’intéressera ici aux variables susceptibles d’expliquer le choix de quatre des identités saillantes dans la matrice obtenue précédemment : la catégorie sociale, la situation de famille, l’origine et la nationalité. Pour chacun de ces registres, nous estimons l’influence des caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, situation familiale, diplôme, activité et catégorie professionnelle), du contexte (résidence en ZUS, taux de chômage et concentration d’immigrés dans l’iris), de l’origine en deux niveaux de détail (lien à la migration et origine détaillée) et enfin du rôle spécifique des expériences de rejet, de renvoi aux origines et de discrimination à travers quatre variables (voir encadré 1). On vérifiera également si la durée de séjour et l’âge à l’arrivée influencent la place de l’origine dans l’identité des immigrés. Le tableau 2 fournit le détail des régressions logistiques (logit) effectuées pour les quatre registres.
1. L’identité professionnelle
15Les variables liées à la position sociale organisent logiquement l’expression de l’identité par le métier ou la catégorie sociale (tableau 2). Être éloigné de l’emploi ou avoir une profession d’exécution ne pousse pas à s’identifier par le métier. À l’inverse, les cadres et les professions indépendantes valorisent fortement l’identité professionnelle. Dans les statistiques descriptives, les femmes citent moins souvent le métier que les hommes. Cette sous-déclaration s’annule cependant lorsque l’activité, la position sociale et surtout la situation familiale sont contrôlées. En d’autres termes, les femmes en emploi, à niveau professionnel et situation comparable aux hommes, choisissent comme eux la catégorie sociale pour se définir. On identifie peu « d’effet quartier » : résider en ZUS ou dans un quartier défavorisé (fort taux de chômage) n’a pas d’impact sur l’expression d’une identité de classe professionnelle, une fois contrôlés la position sociale et le niveau d’éducation. Seul le fait d’habiter dans un quartier à forte concentration d’immigrés tend à réduire la référence à la classe. Les variables liées à l’origine ont des effets contrastés : alors que la nationalité est sans influence, le lien à la migration s’avère, toutes choses égales par ailleurs, relativement significatif. Les immigrés ont ainsi nettement moins de chances de se définir par leur catégorie sociale que la population majoritaire. Les descendants de deux parents immigrés ont également une moindre propension à se définir par la catégorie sociale, tandis que les descendants de couples mixtes ne se distinguent pas, sous ce rapport, de la population majoritaire. Le détail par origine montre que cette sous-déclaration concerne essentiellement les originaires des DOM et d’Afrique subsaharienne, ce qui peut s’expliquer par l’effet de substitution avec la couleur de peau, identifié avec les statistiques descriptives. L’expérience auto-reportée de la discrimination n’affecte pas l’identification par la catégorie sociale, alors que le fait de ne pas se sentir considéré comme un Français la dégrade.
Encadré 1. Indicateurs d’altérisation négative
Nous appelons « indicateurs d’altérisation », les variables qui font référence à l’expérience de la discrimination, du racisme, ou d’un étiquetage différent de la communauté nationale. L’enquête aborde ce sujet à partir d’une question sur la fréquence de l’évocation des origines des enquêtés dans la vie quotidienne et d’une question associée à la perception par autrui de leur « francité ». Dans les deux cas, les indicateurs soulignent la perception par les autres d’une extranéité
qui témoigne de leur visibilité dans la structure sociale.

2. La famille
16Se définir par sa famille (tableau 2) dépend principalement de sa situation familiale. Les personnes en couple ont ainsi 1,7 fois de plus de chances de choisir cette identification que ceux qui vivent seuls, et les personnes ayant des enfants ont 7,5 fois plus de chances. L’intérêt pour la famille est fortement genré : toutes choses égales par ailleurs, les femmes la citent 1,5 fois plus que les hommes. Peu d’autres propriétés participent à forger l’identité familialiste. Les immigrés venus adultes évoquent nettement moins la famille au titre de leur identité. Il y a là encore un effet de concurrence avec d’autres descripteurs plus actifs, notamment l’origine, et le fait d’être nié dans sa francité ou d’être renvoyé à ses origines font baisser significativement la mention de la famille.
3. L’origine
17Par construction, les variables de lien à la migration, de nationalité, d’origine et de couleur de peau déterminent la place de ce thème dans les répertoires identitaires des enquêtés (tableau 2). Il n’est pas surprenant de trouver un effet très fort du lien à la migration et de la nationalité. Si les étrangers parlent de leur nationalité comme un élément identitaire important, les Français par acquisition et les binationaux mentionnent l’origine. De même, la référence à l’origine est d’autant plus mobilisée que le lien à la migration se fait distant. Les descendants d’immigrés y font davantage référence que les immigrés.
18Cette structure générale varie peu selon la catégorie socioprofessionnelle et le niveau d’éducation. On aurait pu penser que la position dans l’espace social viendrait moduler la saillance de l’origine dans l’identité, les immigrés et leurs descendants des fractions supérieures de la hiérarchie sociale abandonnant la référence aux origines pour activer d’autres dimensions de l’identité. Il n’en est apparemment rien. Seule la nationalité est significativement moins mentionnée par les détenteurs d’un Bac ou plus. Le contexte est également peu actif : le taux de chômage ou la concentration d’immigrés dans le quartier n’influent pas sur la saillance de l’origine dans l’identité. Construite au cours de l’histoire personnelle, la référence à l’origine est également fortement influencée par les expériences de discrimination, de racisme et d’exclusion. Bien que la causalité soit impossible à déterminer, on observe une association extrêmement forte entre le rapport à l’origine et les expériences de racisme et de discrimination, d’une part, et le renvoi aux origines et l’exclusion de la francité, d’autre part.
Tableau 2. Facteurs associés à la probabilité de choisir la profession, la famille, l’origine ou la nationalité pour définir son identité (odds ratio)


* p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,0001. Champ : population âgée de 18 à 50 ans. Lecture : La probabilité de choisir « catégorie socioprofessionelle » comme dimension de l’identité n’est pas significativement différente pour les femmes par rapport aux hommes, alors que les moins de 26 ans ont 1,3 fois moins de chance de se définir ainsi par rapport aux 26-35 ans.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
19On le vérifie avec les régressions séparées sur les seuls immigrés et descendants d’immigrés (tableau 3). Pour les premiers, la durée du séjour n’a pas d’effet alors que la théorie de l’assimilation prédit une réduction de l’importance de l’identité ethnique au fil du temps au profit d’une incorporation des traits identitaires majoritaires. En revanche, l’affiliation religieuse et les expériences d’altérisation négative tendent à renforcer le rôle de l’origine. Pour les seconds, la mixité du couple parental change de manière importante la relation aux origines, mais là encore, les expériences de rejet et de renvoi apparaissent déterminantes.
Tableau 3. Facteurs associés à la probabilité de choisir l’origine chez les immigrés et descendants d’immigrés (odds ratios)


* p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,0001. Champ : immigrés et descendants d’immigrés âgés de 18 à 50 ans. Lecture : La probabilité de choisir « origine » comme dimension de l’identité est 1,2 fois plus importante pour les femmes immigrées par rapport aux hommes immigrés, alors que l’âge ne fait pas de différence pour les immigrés.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
20La comparaison des odds ratios obtenus pour les origines détaillées (figure 1) confirme que les descendants d’immigrés ont une plus grande probabilité que les immigrés de se définir par l’origine. Si tous les groupes ont un rapport à l’origine plus prononcé à celui de la population majoritaire, les odds ratios font ressortir de manière notable les originaires des DOM et d’Asie du Sud-Est, plus enclins que les autres à se définir par leur origine. Les originaires du Portugal font également preuve d’un attachement à l’origine supérieur à celui exprimé par les immigrés et descendants d’immigrés du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne. Ces dispositions contrastées contredisent l’image d’une communauté portugaise en voie rapide d’assimilation et invitent à relativiser les liens entre l’intégration structurelle (éducation et position économique) et intégration culturelle, dont relève la saillance identitaire de l’origine. On relèvera enfin que les originaires des DOM – Français depuis plusieurs siècles – et les originaires d’Asie du Sud-Est – présentant les proportions de Français par acquisition les plus élevées parmi les immigrés – se montrent les plus attachés à leurs origines.
Figure 1. Rapports de chance de se définir par l’origine selon l’origine détaillée (odds ratio)

Champ : population âgée de 18 à 50 ans. Référence : population majoritaire. Variables contrôlées : sexe, âge, nationalité, diplôme, PCS, activité, situation familiale, caractéristiques du quartier, religion, expérience des discriminations et d’exclusion. Lecture : les probabilités de mentionner l’origine parmi les dimensions de son identité sont plus élevées pour les immigrés et les descendants d’immigrés par rapport à la population majoritaire prise en référence, mais les originaires des DOM et d’Afrique sahélienne la choisisse nettement plus que les originaires du Maghreb.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
4. La nationalité
21On a vu que nationalité et origines sont mentionnées de manière distincte par les enquêtés. Les corrélations sont nulles ou insignifiantes entre ces deux dimensions qui fonctionnent indépendamment l’une de l’autre. Ceux qui s’expriment dans les termes du national sont peu diplômés et relèvent des catégories sociales ouvrières et employées. Ce sont d’abord les étrangers et les binationaux qui saisissent cette dimension, tandis que la population majoritaire ne lui confère pas d’importance en dépit de l’omniprésence de la question de l’identité nationale dans les débats politiques récents. La saillance de la nationalité s’établit par contraste avec la nationalité dominante. C’est en cela qu’elle se distingue fortement de l’origine qui est mentionnée par des Français. La nationalité revêt une signification plus étroite, liée de façon indissociable à l’appartenance nationale étrangère et à son acception administrative activée par l’expérience des démarches à accomplir et les limitations imposées par le statut d’étranger. Aucune autre dimension de contexte ou d’expérience ne vient modifier le profil de la variable : la nationalité importe essentiellement à des groupes sélectionnés. La liste des origines qui l’évoquent plus que les autres est ainsi instructive : les immigrés portugais, espagnols, italiens et de l’UE27 la citent, toutes choses égales par ailleurs, plus que la population majoritaire, mais surtout que les immigrés du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou de Turquie. La nationalité semble ainsi une référence plus prégnante chez les Européens, sans doute parce qu’elle est appuyée sur une idée nationale stabilisée dans les pays d’origine (mais on pourrait en dire autant de la Turquie, et ce n’est pas la nationalité, mais l’origine que les immigrés turcs choisissent pour se définir) et que la nationalité a perdu de sa dimension administrative dans l’espace européen au profit d’une fonction d’identité plus affective (Duchesne et Frognier, 2008).
IV. Origine, nationalité et sentiment d’appartenance
22La place qu’occupent l’origine et la nationalité dans la matrice des identités nous renseigne sur l’importance de ces dimensions (par rapport à d’autres, telles que le sexe ou la profession) pour les enquêtés. Elle ne renseigne pas directement sur leur sentiment d’appartenance national, que celui-ci soit exprimé pour la France ou pour le pays d’origine. Cette question du sentiment national est abordée dans TeO par des questions séparées portant sur l’identification, d’une part, à la France et, d’autre part, au(x) pays d’origine de la personne interrogée (ou à son territoire d’outre-mer s’il est ultramarin ou descendant d’ultramarin). Elles étaient formulées de la même façon quel que soit l’espace de référence : « je me sens Français, ou Algérien ou Guadeloupéen, etc. ». Pour les descendants d’immigrés, la question était posée pour chaque parent et renvoyait au pays de naissance de la mère et du père immigré7. Par ce questionnement séparé, TeO se distingue d’autres enquêtes qui tendent à opposer les identités les unes aux autres ou tout au moins à les mettre en concurrence8. On teste ici la proximité à la nation française seule et ensuite en articulation avec le pays d’origine (de l’enquêté ou de ses parents) en décrivant toutes les combinaisons. En effet, l’absence d’attachement à la France ne signifie pas nécessairement une préférence pour un autre pays : il peut tout aussi bien représenter un manque d’intérêt pour le sentiment national en tant que tel. De même, rien ne dit que les espaces nationaux de référence sont en concurrence, ils peuvent au contraire se cumuler sans se hiérarchiser.
23La première indication importante est que l’essentiel des variations du sentiment national envers la France distingue les immigrés du reste des répondants (tableau 4). Ainsi, 93 % des descendants d’immigrés se sentent Français, soit une proportion très proche des originaires des DOM et de leurs descendants (93 % et 96 %) ou de la population majoritaire (98 %). Les immigrés en revanche ne sont que 66 % à répondre ainsi. Le fait d’être venu jeune en France joue sur le sentiment national, comme celui d’avoir un parent français. On observe ainsi une progression linéaire du sentiment national français selon le lien à la migration, vérifiant de la sorte l’incorporation de l’ethos national au fil des générations.
24Cette incorporation est cependant modulée selon les origines. Une distance relative s’observe parmi les immigrés d’origine turque (50 %) et les immigrés de l’UE27 (43 %). La répartition de l’attachement selon un gradient d’intensité, mesuré ici par la distinction entre « tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord », met en lumière d’autres variations. Ainsi, le niveau de « tout à fait d’accord » de la population majoritaire (88 %) n’est atteint ou approché que par les descendants originaires d’Espagne ou d’Italie ou du reste de l’UE27 (86 %) ou encore les descendants d’ultramarins (81 %). En revanche, parmi les descendants d’immigrés extra-européens, cette proportion est généralement inférieure à 70 % et atteint un minimum de 42 % parmi les descendants d’immigrés turcs. Il faut également noter que les originaires des DOM ne sont que 75 % à se dire « tout à fait d’accord ». Ces proportions s’avèrent encore plus faibles parmi les immigrés puisqu’elles s’échelonnent entre 52 % pour les immigrés d’origine italienne ou espagnole et 24 % pour les immigrés d’origine turque ou du reste de l’UE27.
Tableau 4. Indicateurs de sentiment national selon l’origine (%)

Champ : personnes âgées de 18 à 50 ans. Lecture : 83 % des descendants d’un parent immigré âgés de 18 à 50 ans sont tout à fait d’accord pour se sentir chez eux en France, 85 % pour se sentir Français et 14 % pour se sentir du pays de leur parent immigré.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
25Une grande partie de l’explication de ces variations réside dans la nationalité effective des immigrés (tableau 5) : les immigrés naturalisés se considèrent Français pour plus des trois-quarts d’entre eux. Il reste néanmoins des écarts qui signalent que la nationalité ne fait pas tout. La diffusion du sentiment national français parmi les immigrés étrangers est à ce titre tout à fait remarquable. Plus de la moitié des immigrés étrangers se sentent Français, ce sentiment concernant même les deux tiers des immigrés du Maghreb. S’il est donc un résultat à commenter ici, ce n’est pas le manque d’adhésion à l’identité nationale des immigrés et de leurs descendants, mais bien la force de la diffusion de cette identité.
26« Se sentir Français » est-il de même nature que de se « sentir chez soi en France » ? On peut ne pas partager un sentiment national tout en ayant une forte proximité avec le pays où l’on vit9. Plus qu’une identification à la nation, il s’agit alors d’une forme d’enracinement fondée sur l’adoption des codes et d’une familiarité avec la société où l’on évolue. C’est ce que l’on vérifie dans le tableau 4 en comparant le fait de se « sentir chez soi en France » et le fait de se considérer comme Français. Qu’on prenne le total des réponses « d’accord » ou les proportions de « tout à fait d’accord », le résultat est le même, la proportion des immigrés se sentant chez eux en France est supérieure à celle de ceux qui se sentent Français, avec des écarts particulièrement forts notamment pour les immigrés d’origine turque (+ 30 points), pour les immigrés de l’UE27 (+ 35 points) ou pour les immigrés d’origine marocaine, tunisienne, d’Asie du Sud-Est, d’Espagne ou d’Italie (entre + 22 et + 24 points). Bien qu’il y ait une assez forte corrélation entre les deux variables (coefficient de Pearson autour de 0,5 variant selon les groupes), on relève que pour les immigrés, avoir construit sa vie en France et s’y sentir attaché n’engage pas nécessairement une appartenance nationale. Cette distinction se traduit par le fait que 61 % des enquêtés qui ne se considèrent pas « Français » disent se sentir chez eux en France. Autrement dit, la proximité avec le pays d’installation prend des formes variées qui débordent les termes de l’identité nationale. Il est possible de concilier un fort attachement symbolique, affectif et matériel avec le pays d’installation sans en adopter l’identité nationale et en conservant celle du pays d’origine. A contrario, on observe très rarement des personnes se définissant comme Françaises et éprouvant une extériorité par rapport à la société où ils vivent. Les originaires des DOM font exception : 10 % d’entre eux se disent simultanément Français tout en ne se sentant pas chez eux en France métropolitaine.
Tableau 5. Relations entre nationalité et sentiment national selon l’origine (%)

Champ : immigrés et descendants d’immigrés âgés de 18 à 50 ans. Lecture : 41 % des immigrés ont la nationalité française, et 19 % combinent cette nationalité avec une nationalité étrangère. 82 % des immigrés devenus Français déclarent se sentir Français pour 56 % des immigrés étrangers. 23 % des descendants d’immigrés ont une double nationalité, 82 % des binationaux déclarent une appartenance au pays d’origine de leur(s) parent(s), pour 49 % des descendants qui sont uniquement Français.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
27Reste maintenant à expliquer les variations d’intensité de la « francité », c’est-à-dire du sentiment d’appartenance à la France. Nous avons construit trois modèles emboîtés qui permettent d’identifier les variables associées avec le sentiment national français (voir annexe 2 sur teo.site.ined.fr/annexes). Nos analyses montrent que plus que l’origine, qui joue malgré tout un rôle, la durée de présence en France et de la possession de la nationalité française expliquent une partie des variations entre groupes d’immigrés. Autrement dit, il existe des raisons objectives inhérentes au parcours migratoire conditionnant le rapport à la « francité ». Ces raisons ne jouent pas de la même façon pour les descendants qui forment leur sentiment en fonction d’autres déterminants, notamment la réception et l’acceptation de leur francité dans la société. L’hostilité exprimée à leur encontre les conduit à ne plus se reconnaître dans la société française. Le sentiment national français se révèle également plus faible, toutes choses égales par ailleurs, chez les femmes, les moins de 35 ans et les célibataires. Les catégories sociales agissent peu sur les déclarations, mais les chômeurs et les inactifs ont moins de chance de se sentir Français que les actifs occupés. Résider en ZUS ou dans un quartier à forte concentration d’immigrés renforce la distance à l’égard du sentiment national. Les personnes les plus exposées à l’exclusion sociale sont celles qui ont le plus de difficulté à se reconnaître dans l’identité française.
VI. L’ici et là-bas : concurrence ou complémentarité des identités nationales ?
28L’autre versant du sentiment national français est celui de l’attachement, voire l’allégeance au pays d’origine. Systématiquement présentées comme antithétiques dans les discours publics, ces allégeances et proximités envers plusieurs espaces nationaux ne sont pourtant pas nécessairement vécues comme contradictoires. On peut ainsi concevoir la binationalité comme une rationalisation juridique d’engagements affectifs pluriels. L’affirmation d’un attachement comparable au pays où l’on vit et celui d’où l’on vient (et où souvent on va et vient) est une forme de syncrétisme qui se développe dans le contexte de la globalisation des liens et de l’intensification des circulations internationales. L’enquête TeO permet de discuter les affirmations formulées à l’égard de la multiplicité des appartenances.
29La première observation est que la variation de l’intensité du sentiment national français est moyennement corrélée à celle du sentiment national pour le pays d’origine. Le rapport entre les deux espaces fonctionne sur un registre d’articulation plus que de concurrence. La moindre intensité du sentiment national français chez les descendants ne s’explique pas par un surcroît d’appartenance nationale envers le pays d’origine des parents. À l’exception des descendants d’immigrés de Turquie, chez qui les deux allégeances sont tout autant présentes (76 % et 81 %), les écarts dans les autres groupes sont beaucoup plus importants en faveur de l’Hexagone : les descendants d’immigrés d’origine algérienne sont 69 % à être tout à fait d’accord avec « je me sens Français », et ne sont que 34 % à penser de même pour l’Algérie. Pour les descendants d’immigrés d’origine sahélienne, les proportions sont de 51 % contre 40 %, pour les descendants d’immigrés d’Asie de 65 % contre 29 %. Là encore, la nationalité joue un rôle non négligeable. Les descendants d’immigrés qui ont la nationalité du pays d’origine de leurs parents gardent un sentiment national pour ce pays comparable à celui qu’ils éprouvent pour la France.
30La conservation de la nationalité influence aussi le sentiment d’appartenance des immigrés. L’orientation vers le pays d’origine est dans leur cas un peu plus élevée que vers la France mais les écarts restent relativement limités. On peut synthétiser les termes de l’alternative à travers une combinaison des allégeances en quatre modalités : se sentir Français de façon exclusive, se sentir étranger de façon exclusive, combiner les deux références ou n’en avoir aucune. Ce quatrième type correspond à une attitude distante à l’égard du sentiment national, quel que soit l’espace considéré. La figure 2 montre que, pour les immigrés venus enfants en France et les descendants de parents immigrés, c’est bien la combinaison des références qui domine (respectivement 58 % et 66 %). Le choix prioritaire envers le pays d’origine ne prend de l’importance que chez les immigrés venus adultes, sans que cela soit pour autant l’option dominante (40 %). L’exclusivité du sentiment national français ne se rencontre significativement que chez les descendants de couples mixtes (58 %). L’absence de sentiment national est anecdotique (moins de 5 %), mais la possibilité de se dire « plutôt d’accord » a sans doute limité les refus de se positionner.
Figure 2. Combinaison du sentiment d’appartenance français et étranger selon le lien à la migration

Champs : immigrés et descendants d’immigrés âgés de 18 à 50 ans. Lecture : 9 % des immigrés arrivés adultes en France ont le sentiment d’être exclusivement français.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
31On observe donc l’émergence d’une appartenance plurielle qui combine les références à la France et au pays d’origine (le leur pour les immigrés, celui de leur(s) parent(s) pour les descendants) et qui est le modèle dominant pour les descendants. Si l’on considère les descendants de couples mixtes comme une sorte de « deuxième génération et demie », le schéma d’une évolution temporelle d’un espace vers l’autre semble se dessiner.
VII. Définir son origine
32Une innovation méthodologique de l’enquête TeO a consisté à interroger les enquêtés au moyen d’une question ouverte sur leur origine : « En pensant à votre histoire familiale, de quelle(s) origine(s) vous diriez-vous ? Vous pouvez donner plusieurs réponses ». Aucun exemple n’était fourni. Lors des tests effectués sur cette question précisément, il est apparu qu’elle était comprise comme renvoyant aux parents et grands-parents (« histoire familiale »), tout en permettant de faire une synthèse personnelle (« son origine »). La référence à l’histoire familiale était censée guider les enquêtés vers une influence débordant leur propre expérience. On sait cependant que les réponses à ces questions sont fondamentalement subjectives et qu’elles ne restituent que très imparfaitement la généalogie familiale10.
33Les réponses à cette question sont extrêmement variées : 4 630 réponses différentes ont été formulées. En dépit de la possibilité offerte de fournir plusieurs réponses, 89 % des enquêtés n’en ont donné qu’une et 10 % en ont choisi deux (tableau 6). Les immigrés et les descendants d’immigré(s), surtout quand ils sont d’ascendance mixte, ont un peu plus souvent cité une seconde référence. Le modèle prédominant d’une origine unique contredit l’idée d’une pluralité héritée des brassages historiques et des histoires régionales. D’une certaine façon, le processus d’assimilation tendant à éroder les identités régionales et ethniques singulières semble opérer avec succès si l’on s’en tient à ce résultat. Le contexte français, plutôt défavorable à l’expression des identités multiples ou « à trait d’union », pousse également à trier dans les origines.
34Les thèmes cités confirment l’influence de la référence à une nation comme mode d’expression de l’origine : 66 % des enquêtés mentionnent un ou plusieurs noms de pays, dont 53 % la France. Les autres thèmes obtenus dans les réponses, après reclassification, relèvent de domaines contigus aux pays (régions, grandes régions/continents), de références plus explicitement ethno-culturelles (groupes ethniques ou groupes minoritaires tels que Berbères, Créoles, Kurdes, Noirs ou minorités religieuses), de références au milieu social (bourgeois, milieu modeste, ouvriers, milieu rural), de références familiales (famille nombreuse, famille monoparentale) ou à des traits de personnalité (honnête, franc). Un dernier groupe de réponses couvrant les mentions « multiculturel », « cosmopolite », « humain » a été associé, dans les analyses, avec des généralités et des points de vue sur la question (tableau 6). Enfin, les refus de répondre et les « ne sait pas » ne dépassent pas 7 %, quel que soit le groupe d’origine, ce qui montre une acceptabilité élevée de la question.
Tableau 6. Réponses à la question ouverte sur les origines familiales selon le lien à la migration (%)

Champ : personnes de 18 à 50 ans. Lecture : 17 % des immigrés citent au moins la France comme origine(s), dont 8 % ne citent que ce pays, 8 % le citent avec un ou plusieurs autres pays et 1 % le citent avec un autre thème qui n’est pas un pays. Plusieurs réponses étant possibles, le total est supérieur à 100.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
35C’est surtout parmi la population majoritaire que les références citées empruntent d’autres registres que celui d’un pays. Les identités régionales représentent alors une autre forme d’identification importante (17 %). La Bretagne (18 % des citations de régions), loin devant l’Alsace (7 %), constitue une référence notable puisque 3 % de la population majoritaire s’en revendique. La question des origines pour la population majoritaire appelle également une réponse en termes de milieu social ou de traits de personnalité (11 %). Le fait que 84 % des individus de la population majoritaire interprètent leurs origines familiales en termes nationaux ou régionaux montre que la question de l’origine est fortement connotée par le débat public et intériorisée par les enquêtés. La question permettait éventuellement d’identifier dans ce groupe celles et ceux qui avaient des origines immigrées remontant à plus de deux générations. Mais seuls 4 % des individus de la population majoritaire citent un autre pays que la France, ce qui ne correspond pas au potentiel démographique des « troisièmes générations et plus » en lien avec l’immigration11. En outre, un peu moins de 20 % de ceux qui citent un autre pays sont des Français nés à l’étranger ou leurs descendants nés en France. La perte, dans les déclarations, des brassages de la fin du xixe et du début du xxe siècle dit assez bien le travail d’érosion de la mémoire des origines immigrées et de l’intériorisation de l’identité nationale.
36Les réponses sont moins diversifiées pour les immigrés12 et leurs descendants : la référence à un pays concerne les 4/5e d’entre eux. On observe peu d’évocation du milieu social ou de traits de personnalité pour ces groupes, au profit de références ethno-culturelles ou de grandes régions (Maghreb, Europe, Afrique, Asie…). L’alternative principale se situe donc dans l’articulation entre la France et un ou des pays d’origine de la famille. On relève que 8 % des immigrés citent uniquement la France pour leur origine, dans un ensemble de 17 % qui y font référence sous différentes formes. Les descendants de deux parents immigrés sont 23 % à se revendiquer d’une origine française unique, ce qui exprime assez bien – là encore – la force du processus d’assimilation qui tend à dissoudre les identités minoritaires. Paradoxalement, les descendants de couple mixte ne se revendiquent pas plus que les autres d’une origine plurielle. Le choix de se doter d’une origine française unique relève d’une affirmation comparable aux « préférences » relevées par Mary Waters dans son analyse des réponses à l’ancestry question dans le recensement aux États-Unis (Waters, 1990). En conséquence, les « Français à traits d’union », c’est-à-dire qui combinent la France et un autre pays dans leurs réponses, sont minoritaires : tout juste 15 % chez les descendants d’un(e) immigré(e), et ce sans variation importante selon la mixité du couple parental.
37C’est le pays d’origine qui reçoit le plus de citations, avec des références à des minorités ethniques plus présentes (supérieures à 10 %) quand des entités infra ou transnationales sont significatives (Berbères et Kabyles au Maghreb, Kurdes en Turquie et différents groupes en Afrique subsaharienne). Les originaires des DOM gardent un rapport fort à leurs origines qu’ils distinguent clairement de la France métropolitaine. Définir ses origines comme exclusivement « françaises » est plus fréquente parmi les descendants d’immigrés, et cette identification est plus élevée (entre le tiers et la moitié) chez les descendants d’immigrés d’Europe, d’Afrique centrale, d’Algérie et d’Asie du Sud-Est. La référence française est équivalente, voire dépasse celle du pays d’origine des parents dans les réponses spontanées. Les descendants d’immigrés de Turquie, d’Afrique sahélienne et du Maroc ou de Tunisie montrent un ancrage plus fort pour la référence au pays des parents. Les combinaisons entre les références à la France, à un pays ou à une dimension ethnique se situent un peu en dessous de 20 %, un niveau assez proche quelle que soit l’origine considérée.
VIII. Être Français ou avoir l’air Français ?
38Le sentiment national se construit non seulement sur les formes d’attachements et d’appartenance qui se développent au cours de la vie, mais aussi en relation avec la perception qu’ont les autres de notre identité. Nous avons analysé jusqu’à présent des indicateurs exprimant la proximité au sentiment national tel qu’elle est reportée par les individus, mais l’enquête a aussi recueilli une information plus originale sur la perception par les autres de cette « francité ». Il n’est pas rare qu’une « dissonance » se manifeste entre la représentation de soi pour soi – je me sens Français – et la perception d’autrui – mais on ne me voit pas comme tel. Cette dissonance est indéniablement source de tensions et nourrit un sentiment de déni d’identité et de rejet d’autant plus fort que les discours publics insistent sur l’identité nationale. On qualifiera « d’altérisation » le processus de renvoi à des origines non françaises (ou de déni de la qualité de Français), qui concerne les personnes dont l’apparence ou d’autres caractéristiques personnelles (l’accent, par exemple) donnent à penser qu’elles ont une relation à l’immigration. Nous avons construit trois indicateurs de cette altérisation qui permettent d’évaluer l’ampleur du processus (voir encadré 1 et tableau 7).
39Le renvoi aux origines est lié à des paramètres de visibilité qui tiennent en premier lieu à la couleur de peau, mais relèvent aussi de la langue, de l’accent, de la présentation de soi ou du nom de famille, qui contribuent à signaler l’altérité et donc à susciter des questions relatives aux origines. Se faire interpeller souvent au sujet de ses origines n’est pas en soi un élément péjoratif et n’induit pas nécessairement de jugement de valeur, mais la récurrence de l’expérience renforce le sentiment de singularité culturelle. Le renvoi aux origines est lié à l’expérience du déni de francité mais ces deux indicateurs opèrent aussi de manière indépendante (corrélation de Pearson autour de 0,25 selon les groupes).
40La conviction de ne pas être vu comme Français (déni de francité) concerne près de la moitié des immigrés de nationalité française. Elle est encore partagée par le quart des descendants de parent(s) immigré(s). La mixité du couple parental atténue considérablement cette expérience : 11 % des descendants de couple mixte pour 36 % des descendants de deux parents immigrés ne sont pas vus comme Français. Le sentiment de déni de francité suit clairement une « ligne de visibilité », touchant d’abord les immigrés d’Afrique subsaharienne et leurs descendants, puis les immigrés et descendants du Maghreb, de Turquie et d’Asie du Sud-Est. Tranchant avec cet ensemble cohérent, les immigrés d’Europe se considèrent comme acceptés dans la communauté nationale, et plus encore leurs descendants nés en France. De toute évidence, la « francité » n’est pas attribuée sur la base de la nationalité ou de codes culturels, tels que la langue parlée, mais bien sur une vision limitative de ceux qui « ressemblent à des Français ».
Tableau 7. Indicateurs d’altérisation selon l’origine (%)

Champ : personnes de 18 à 50 ans et (a) personnes de nationalité française seulement. Lecture : 32 % des originaires des DOM disent qu’on leur parle souvent de leurs origines, 37 % pensent qu’on ne les voit pas comme Français et 30 % se sentent Français et considèrent qu’on ne les voit pas comme tels.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
41On appelle « dissonance » les cas dans lesquels les enquêtés se sentent Français et considèrent néanmoins qu’on ne les voit pas comme tels. La population majoritaire et les immigrés et descendants d’immigrés européens (hors Portugal) sont moins de 5 % à éprouver une dissonance, signe que leur sentiment d’appartenance entre en concordance avec la façon dont ils sont perçus. À l’opposé, les immigrés et descendants du Maghreb, d’Asie du Sud-Est et d’Afrique subsaharienne témoignent d’un substantiel décalage entre leur sentiment d’être Français et les perceptions de leur altérité. La dissonance est même un peu plus forte pour les descendants que pour les immigrés de même origine. Le processus d’altérisation s’accuse à la deuxième génération : les descendants des migrations post-coloniales, qui se trouvent également être les plus « visibles » dans la société française, cristallisent sur eux la tension autour de la définition de l’identité nationale.
Conclusion : l’incorporation de l’identité nationale et la formation d’une identité minoritaire
42La question de l’identité est beaucoup trop complexe pour être traitée dans le détail en un seul chapitre, et nous avons resserré notre discussion autour du sentiment national et du rapport aux origines. Dans un premier temps, nous avons vu que, parmi les multiples dimensions de l’identité, les immigrés et les descendants d’immigrés se singularisent par la place importante prise par les éléments reliés à l’origine, la nationalité et la couleur de la peau. Bien que s’articulant aux autres dimensions structurantes de l’identité – le sexe, la catégorie sociale, les passions, la famille –, le pôle de l’ethnicité tend à les dominer, et ce pour les immigrés comme pour la deuxième génération. La saillance de l’origine dans la formation et l’expression de l’identité des immigrés et des descendants s’explique peu par les positions sociales, niveau d’éducation ou contexte de résidence. Elle est déterminée principalement par l’origine elle-même et par les expériences de rejet, de discrimination et d’altérisation. Autrement dit, l’identité est aussi réactive, sans que l’on puisse décider des responsabilités respectives de l’attachement aux origines et des conséquences des exclusions multiples.
43L’importance de l’origine dans l’identité n’est cependant pas contradictoire avec le développement du sentiment national français. Prédominant chez les descendants d’immigrés, ce sentiment est largement partagé par les immigrés, même lorsqu’ils n’ont pas la nationalité française (56 % des immigrés étrangers disent se sentir Français, tableau 5). Non seulement la référence aux origines dans l’identité peut se maintenir avec une appartenance française forte, mais celle-ci ne s’oppose pas à l’existence d’un sentiment national envers le pays d’origine, d’ego ou de ses parents. Nous observons ainsi un modèle composé d’une pluralité d’appartenances, peu hiérarchisées, et qui coexistent malgré les pressions régulièrement exercées par certains discours politiques qui poussent à choisir l’une entre elles.
44La force de l’identification nationale est enfin confirmée par les réponses fournies à une question ouverte sur la définition de l’origine. Devant les possibilités offertes par cette question, les enquêtés dont la famille a ses racines en dehors de la France métropolitaine se sont définis principalement dans les termes de l’origine ethno-nationale, et plutôt dans un choix binaire entre la France et le pays d’origine. Pourtant, ces deux références relèvent de répertoires un peu différents, puisque le pays d’origine est tout autant de l’ordre de l’identité que de la description d’une provenance (ma famille a ses origines dans tel ou tel pays), tandis que pour les immigrés et les descendants d’immigrés, citer la France signe une forme d’appartenance. Être né en France déplace le centre de gravité de l’origine, mais n’efface pas pour autant le maintien de la référence au pays des parents : les trois-quarts des descendants d’immigrés y rattachent leurs origines.
45Nos résultats montrent ainsi la formation de ce qu’on appellera une identité minoritaire, plus ou moins symbolique, qui s’inscrit non pas contre mais comme une composante du sentiment national français. La particularité de l’identité minoritaire est qu’elle n’est pas le produit d’une résistance à l’incorporation d’éléments de la société majoritaire dans les références individuelles, comme le pronostiquerait une théorie de l’assimilation portée par la hantise du « communautaire ». Il est ainsi frappant de constater que plus de 90 % de ceux qui mettent en avant leurs origines comme trait de leur identité considèrent également qu’ils « sont chez eux en France ». Les « Français à traits d’union » sont une réalité de la société multiculturelle contemporaine, mais la synthèse opérée par la plupart des immigrés et des descendants d’immigrés est contrariée par des formes d’assignation aux origines, considérées négativement, qui sapent en partie le processus d’identification en cours. Le sentiment d’appartenance est moins compromis par un repli identitaire, que nos données ne valident pas, que par un défaut de reconnaissance de cette appartenance. Les dénis de francité ciblent principalement les immigrés, mais touchent aussi les descendants dont l’origine est associée à une forte visibilité dans l’espace public. Les originaires des DOM connaissent des situations similaires, en dépit de l’ancienneté de leur appartenance à la communauté nationale. Le concept de « minorités visibles », employé à propos des discriminations, trouve avec cette ligne de partage une concrétisation extrêmement éloquente. On touche ici aux limites de l’ouverture de la société française à sa diversité.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 C’est ainsi que Ernest Renan définit l’identité nationale française dans son célèbre discours « Qu’est-ce qu’une nation ? » de 1882.
2 Par identité ethnique, ou ethnicité, on fait référence à un concept qui désigne simultanément l’ensemble (ou une partie) des « attributs » individuels ou collectifs comprenant la nationalité ou l’origine nationale, la langue, la religion, les « traits » culturels ou physiques, d’une part, et un sentiment d’appartenance fondé sur un partage d’intérêts (un projet commun) et d’un passé, réel ou mythique, d’autre part (Simon, 2002).
3 Résultat également observé dans l’enquête HdV (Houseaux, 2003).
4 Les lieux d’attachement jouent un rôle plus important dans la vie des enquêtés dans HdV (Guérin-Pace, 2006). L’enquête HdV n’ayant pas évoqué directement les origines ethniques ou culturelles, une grande partie des immigrés ont donc trouvé dans la thématique des lieux d’attachement un vecteur d’expression particulier. La spécificité des immigrés et des « personnes issues de l’immigration maghrébine » est du reste relevée par Garner et al. (2006, encadré 2, p. 37-38) qui soulignent que « pour les immigrés du Maghreb, l’identité se caractérise par une très forte composante de famille d’origine et de lieux et une faible place accordée aux autres éléments (métier, amis, loisirs, etc.). Alors même que les deux tiers des immigrés sont ouvriers ou employés, ils ne revendiquent pas, à l’instar de ces catégories, le travail comme élément constitutif de ‘ce qu’ils sont’ ».
5 Voir le chapitre 19 dans cet ouvrage.
6 Voir le chapitre 15 dans cet ouvrage.
7 Les cas de parents immigrés originaires de pays différents sont relativement rares : 7 % des descendants de deux parents immigrés ont des parents d’origines différentes, et les combinaisons se tiennent dans 90 % des cas à l’intérieur d’un espace géographico-culturel très proche : Italiens-Espagnols-Portugais, Algériens-Marocains-Tunisiens, Vietnamiens-Laotiens-Cambodgiens, Maliens-Sénégalais-Mauritaniens-Ivoiriens, etc. Nous avons retenu dans l’analyse le pays du parent auquel l’enquêté s’est déclaré le plus attaché.
8 Une autre question classique est la question Moreno qui prend la forme suivante dans les Eurobaromètres : « dans un futur proche, est-ce que vous vous imaginez comme (nationalité) seulement, comme (nationalité) et Européen, comme Européen et (nationalité), ou comme Européen seulement ? Voir à ce sujet le numéro spécial de la Revue internationale de politique comparée, 2007, 4 (14).
9 Comme le fait remarquer Evelyne Ribert (2009), tester la proximité à la nation française peut être polysémique et pour le moins flou, en particulier dans les enquêtes quantitatives.
10 Voir Goldstein et Hout (1994) pour une analyse rétrospective des déclarations de l’ancestry dans le recensement états-unien et leur déformation selon l’attractivité des origines.
11 Voir Borrel et Simon (2004) pour une estimation de ce potentiel et Simon et Clément (2006) pour une discussion sur les différences de déclaration de l’origine selon l’ascendance des parents et grands-parents.
12 Chez les immigrés, la façon de se représenter ses origines ne connaît d’ailleurs pas de très grandes variations selon l’origine.
Auteurs
Patrick Simon est sociodémographe, directeur de recherche à l’Ined et chercheur associé au CEE à Sciences Po. Ses recherches portent sur les processus d’intégration des immigrés et de leurs descendants dans les sociétés multiculturelles et sur les discriminations ethno-raciales. Outre la co-coordination de l’enquête TeO, il a participé à de nombreux projets européens sur la citoyenneté multiculturelle, les politiques d’intégration, les secondes générations en Europe et les dimensions spatiales de l’intégration sociale. Il préside l’Alliance de Recherche sur les Discriminations (ARDIS) dans le DIM « Genre, Inégalités, Discriminations » de la région Île-de-France.
Vincent Tiberj est chargé de recherche FNSP à Sciences Po depuis novembre 2002. Diplômé et docteur en science politique de l’Institut d’études politiques de Paris, il a aussi été visiting scholar à Stanford University et à Oxford University. Spécialisé dans les comportements politiques et la psychologie politique, il étudie le vote, la sociologie des valeurs et des préjugés, la sociologie politique des inégalités sociales et ethniques, la sociologie de l’immigration et de l’intégration et les méthodes quantitatives. Il est aussi chercheur associé au Centre Emile Durkheim.
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Trajectoires et origines
Enquête sur la diversité des populations en France
Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (dir.)
2016
En quête d’appartenances
L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités
France Guérin-Pace, Olivia Samuel et Isabelle Ville (dir.)
2009
Parcours de familles
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2016
Portraits de famille
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2009
Inégalités de santé à Ouagadougou
Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso
Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura et Géraldine Duthé (dir.)
2019
Violences et rapports de genre
Enquête sur les violences de genre en France
Elizabeth Brown, Alice Debauche, Christelle Hamel et al. (dir.)
2020
Un panel français
L’Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales (Elipss)
Emmanuelle Duwez et Pierre Mercklé (dir.)
2021
Tunisie, l'après 2011
Enquête sur les transformations de la société tunisienne
France Guérin-Pace et Hassène Kassar (dir.)
2022
Enfance et famille au Mali
Trente ans d’enquêtes démographiques en milieu rural
Véronique Hertrich et Olivia Samuel (dir.)
2024