Chapitre VII
Le ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales (1922-1924)
p. 165-210
Texte intégral
1Le régime parlementaire de la Troisième République est un casse-tête pour tout chef du gouvernement, qui doit composer avec les délicats équilibres à trouver entre les groupes politiques dans tout remaniement ministériel. Sous la présidence d’Alexandre Millerand, le deuxième cabinet de Raymond Poincaré, après celui de 1912-1913, ne déroge pas à la règle. Le 14 janvier 1922, le carrousel des consultations va bon train dans la journée et les ministrables rendent visite au président du Conseil en son hôtel de la rue Marbeau. Poincaré, qui souhaite un cabinet d’union nationale, ne peut donner sa liste définitive le soir même d’autant que, pour des raisons diverses, plusieurs personnalités pressenties déclinent l’offre.
2Quel est le contexte politique ? Jusqu’alors, le Parti radical avait soutenu le gouvernement d’union du Bloc national, mais, très hésitant sur la question des relations internationales, il rechigne davantage encore sur certaines questions, comme la laïcité, les problèmes sociaux et la politique financière. Tiraillée par des divisions internes, sa base est tentée par une entrée dans l’opposition. À partir de janvier 1922, comme l’écrit Serge Bernstein, le Parti radical « adopte vis-à-vis du gouvernement Poincaré une attitude ambiguë située à mi-chemin de l’opposition et du soutien » (Berstein, 1980, p. 358). Sollicité par Poincaré, le président du Parti radical et radical-socialiste, Édouard Herriot, dont l’influence est croissante, refuse d’entrer dans le cabinet. Même réponse négative de Gaston Doumergue, chef de file du groupe au Sénat. Le Parti radical a consulté les groupes de la Chambre et du Sénat, qui ont formellement invité leurs membres à ne pas participer au gouvernement Poincaré. Il faudrait, expliquent-ils, que des socialistes y entrent aussi. Or le Bloc national, vainqueur aux élections du 16 novembre 1919, composé de modérés et de conservateurs, refuse cette ouverture, notamment pour le portefeuille de l’Intérieur, jusque-là détenu par un radical, Théodore Steeg. C’est le signe de désaccords qui se multiplient entre le Parti radical et le gouvernement. À la dernière minute, Alexandre Bérard, sénateur radical, décline l’offre du double portefeuille du Travail et de l’Hygiène. C’est dans ces circonstances que Poincaré, le matin du 15 janvier, offre au sénateur Strauss, inscrit au groupe de la Gauche démocratique, le portefeuille de l’Hygiène et des Assurances, qu’il accepte. Ce sont finalement trois membres du Parti radical et radical-socialiste qui, malgré l’avis de leur parti, entrent au gouvernement Poincaré, Albert Sarraut, Paul Strauss et Paul Laffont, soulignant la complexité de la situation politique en ce début des années 1920, comme le montrent maints historiens et historiennes (Mayeur, 1984 ; Berstein, 1980 ; Martin, 1999).
I. Un ministère fragile
3La liste des ministres présentée au président Millerand est publiée dans la presse, le 16 janvier1. Le 18, le Pathé Journal diffuse huit plans et images sur la « crise ministérielle » avec la composition du nouveau gouvernement Poincaré2. Sur 14 ministres, 4 le sont pour la première fois, dont Strauss (document 6). S’y ajoutent 5 sous-secrétaires d’État, soit 4 de moins que précédemment. La grande majorité des membres du cabinet sont avocats, à l’exception de quelques polytechniciens et de Paul Strauss, « homme de lettres et publiciste ». Ce dernier connaît bien plusieurs personnalités de ce cabinet, Albert Sarraut (Colonies), Henry Chéron (Agriculture), Léon Bérard (Instruction publique et Beaux-Arts), André Maginot (Guerre et Pensions), Paul Laffont (PTT)… pour les avoir fréquentés pendant la guerre. La notoriété de Strauss est certaine, son activité au Sénat et sa participation à la commission de l’armée n’ont pas dû manquer de séduire Poincaré. En outre, depuis le 15 février 1921, Paul Strauss a été élu président de la Commission de l’hygiène, de l’assistance, de l’assurance et de la prévoyance sociales du Sénat, une préfiguration, en somme. Mattei Dogan note, du reste, que la présidence de ces grandes commissions « force les portes des ministères » (Dogan, 2003, p. 310). D’ailleurs, sans doute, son nom avait-il circulé dès janvier 1921 pour occuper le portefeuille du ministère de l’Hygiène, dans le gouvernement Briand3 mais Georges Leredu, sous-secrétaire d’État des régions libérées d’Alsace-Moselle, lui avait été préféré.
4Dans Le Temps du 16 janvier 1922, qui consacre une notice à tous les nouveaux ministres, le portrait de Paul Strauss est, de loin, le plus détaillé, mais il est aussi dithyrambique. Il est rappelé son engagement en 1870, sa défense de la république jusqu’à sa condamnation lors du 16 mai, son amitié pour Gambetta, son action au conseil municipal, ses publications, son élection au Sénat, ses initiatives qui ont eu pour conséquences le vote « d’heureuses et salutaires réformes en matière d’assistance sociale et d’hygiène4 ». Fait significatif, L’Humanité du 16 janvier cite la nomination de Paul Strauss sans commentaire dépréciateur, contrairement aux autres membres de ce cabinet, tous des « coquins » et des « hommes d’affaires5 ». Inclassable, ce ministre qui a été appelé par un gouvernement d’union nationale ?
5Il occupe ce portefeuille du 15 janvier 1922 à la chute du ministère, le 29 mars 1924, soit 27 mois, une durée assez exceptionnelle pour l’époque. Son titre exact est « ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales ». Le terme d’« assurance » a disparu alors même que c’est au cours de son mandat que la question des assurances sociales prend le pas sur l’assistance.
6Strauss est loin d’être un jeune ministre, il a 70 ans : encore une fois, il est atypique puisque les hommes politiques deviennent assez rapidement ministres sous la Troisième République. En effet, sur 631 ministres, 83 seulement ont accédé au gouvernement plus de quinze ans après leur première élection parlementaire, et parmi ces derniers, 9 seulement ont exercé leurs fonctions durant deux ans à deux ans et demi (Dogan, 2003, p. 307, 325). La carrière politique de Paul Strauss a joué en sa faveur, ainsi que son engagement pendant la guerre et ses réelles compétences en matière de santé. Mais fait remarquable, Paul Strauss n’a accédé qu’une seule fois à ces hautes fonctions ministérielles, alors que certains de ses collègues ont connu plusieurs nominations. Cet unique poste ministériel est-il du à la spécialisation de Paul Strauss dans le domaine de la santé et l’hygiène et aux circonstances de la formation du cabinet de Poincaré ? Ou bien plutôt au fait que ces questions n’occupaient alors qu’une place mineure dans la panoplie des portefeuilles ministériels ? On ne saurait oublier que ce ministère était très jeune puisqu’il avait été créé par le décret du 27 janvier 1920… En tant que troisième titulaire du poste après Jules-Louis Breton (Moissinac et Roussel, 2010) et Georges Leredu (Bargeton et Ziegler, 1971, p. 172), Paul Strauss ne fut-il pas finalement reconnu, à peine deux ans après la création du nouveau ministère et malgré son grand âge, comme l’homme indispensable ? « Les Anglais diraient de son avènement : The right man in the right place ! », selon La Revue des établissements de bienfaisance et d’assistance6. Même remarque chez Cros-Mayrevieille, vice-président de la commission administrative des hospices de Narbonne, membre du conseil supérieur de l’Assistance publique, qui remplace Paul Strauss comme directeur de La Revue philanthropique en mai 1922 : « la nomination de M. Paul Strauss au ministère de l’Hygiène est le modèle du choix de “l’homme qui convient au poste qui lui convient”, le type de l’affectation du spécialiste, du “technicien”7». Le monde philanthropique, associatif et médical applaudit la nomination de Paul Strauss. À peine est-il installé dans son ministère que, le 5 mars 1922, plusieurs associations dont la Ligue contre la mortalité infantile, lui offrent un banquet de 500 couverts à l’hôtel Lutetia. Félicitations appuyées à celui qui a su rester fidèle « aux conceptions sociales du droit à l’assistance8 ». Nouvelle manifestation, grandiose, le 17 décembre 1922 à la Sorbonne9 Entre-temps s’était déroulé à Strasbourg, un des congrès de l’alliance d’hygiène sociale au cours duquel Georges Risler, président du congrès, lui rend aussi un hommage appuyé10.
Document 6. Le gouvernement de Raymond Poincaré, 15 janvier 1922

Au premier rang, de gauche à droite : Strauss, Bérard, Poincaré, Barthou, Maunoury, Chéron. Au deuxième rang, de gauche à droite : Eynac, Colrat, Dior, Raiberti. Au troisième rang de gauche à droite : Laffont, Le Trocquer, Lasteyrie, Rio, Maginot, Peyronnet, Vidal, Reibel. Photographie de presse/Agence Rol. © BnF.
7Selon Françoise Lalouette, parmi 175 parlementaires de la Seine, Paul Strauss est l’un des 25 francs-maçons devenu ministre (Lalouette, 1983, p. 91). L’accession du « frère » Strauss à un poste au gouvernement est bien sûr notée dans plusieurs sources antimaçonniques et antisémites, alors même qu’il n’est plus répertorié parmi les membres de sa loge. En des termes d’un extrême racisme, Jean Drault consacre plusieurs pages du journal La Vieille France à l’accession du « juif Paul Strauss » au ministère (Drault, 1922, p. 24-32).
8Le contexte économique et financier ne facilite pas l’action du ministère de l’Hygiène, si récemment créé et faiblement doté (Dogan, 2003, p. 309 ; Murard et Zylbermann, 2003). La France est encore très déprimée du fait notamment de la ruine de plusieurs départements industriels, du faux bond de l’URSS pour rembourser sa dette étrangère et du peu d’empressement de l’Allemagne pour régler ses dettes au titre des réparations. Les temps sont peu propices à des dépenses que la classe politique et l’opinion sont loin de considérer comme productives. L’heure est plutôt aux économies qu’à l’expansion des services11. Commentant les débuts du ministère Strauss, Cros-Mayrevieille en témoigne :
« L’heure n’est pas, il est vrai, très favorable aux grandes réformes. La situation financière du pays ne laisse pas la possibilité de créations utiles et désirables certes, mais peut-être onéreuses. Paul Strauss est loin de l’ignorer. Aussi a-t-il manifesté son intention de ne réaliser d’abord de réformes qu’à l’aide d’une adaptation meilleure des services existants ; en s’efforçant, notamment de mettre bas les cloisons étanches qui trop souvent barrent la route aux progrès nécessaires12. »
9En janvier 1922, Paul Strauss indique avec clairvoyance les faiblesses et les lignes de force de son ministère :
« En sa qualité de nouveau venu, le ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de Prévoyances sociales, n’est pas encore constitué sur des bases solides […]. Ce qui importe le plus, c’est de pourvoir à cette administration de crédits suffisants et de lui accorder les moyens pratiques d’accomplir son énorme tâche. Nous ne sommes pas sur la table rase. Des lois existent […]. Pour la santé publique, le remaniement de la loi du 15 février 1902 est une nécessité reconnue de tous […]. Pour les lois d’Assistance obligatoire, la plupart sont à la veille de se voir transformées et partiellement remplacées par une vaste et solide organisation d’assurance sociale. Nous sommes donc en pleine évolution. Mais quel que soit le délai nécessité par la préparation d’un nouveau régime, dans toutes les hypothèses, l’encouragement et l’appel intensif aux institutions privées, mutualistes syndicales, philanthropiques, loin de se ralentir, devront méthodiquement se poursuivre […]13. »
10En octobre 1923, devant le 10e congrès d’hygiène14, Paul Strauss rend compte de son programme et des « lignes essentielles de l’œuvre qu’il convient de réaliser en France dans le plus bref délai possible ». Les actions qu’il énumère se regroupent autour de deux pôles. D’un côté, le pôle enfance qui reste le leitmotiv de son action (puériculture, préservation de l’enfance et de l’adolescence de la tuberculose, inspection scolaire) et le pôle santé publique qu’il veut étoffer et moderniser (déclaration exacte des causes de décès, repérage des logements insalubres, approvisionnement en eau potable, organisation de centres régionaux de lutte contre le cancer, mise en place d’une inspection d’hygiène dans tous les départements pour compléter la loi de 1902)15. Un vaste programme que Paul Strauss et son équipe vont réaliser très largement16.
11Mais le ministère de l’Hygiène est faible17 et éparpillé – ses services sont localisés dans au moins six endroits, éloignés les uns des autres18, il reste un ministère vulnérable : c’est un « organisme très imparfait, quelque chose comme un vertébré dont le squelette n’est pas encore consolidé et auquel il manque même certains organes », explique Georges Rondel19. Il est la cible de critiques pendant toute la durée des fonctions du ministre Paul Strauss. Un entrefilet dans la presse, paru la veille du congrès de l’Alliance d’hygiène sociale de Rouen en octobre 1922, fait courir le bruit que le ministère va être supprimé. Dès sa première séance, le congrès adopte un vœu demandant son maintien20. Le 24 octobre, c’est au tour du syndicat des médecins de la Seine d’émettre le vœu que « le ministère de l’Hygiène, non seulement soit conservé mais encore que son importance soit accrue par le groupement permanent, dans son sein, de tous les services intéressant l’Assistance et la Santé publiques21 ». Un communiqué donné à la presse par la commission des économies, fait connaître en novembre 1922 que celle-ci propose la suppression du ministère de l’Hygiène ! Émoi de Georges Rondel dans la Revue philanthropique, protestations de l’opinion : journaux, sociétés de spécialistes, congrès et Académie de médecine formulent des critiques sur cette suppression qui, si elle était appliquée, constituerait un véritable « recul social » : « c’est une entreprise bien téméraire que celle d’améliorer le rendement d’un mécanisme en supprimant sa pièce régulatrice, et les simplifications de ce genre risquent fort de se traduire dans la pratique par des accroissements des dépenses », écrit Georges Rondel22. Un an plus tard, le 10 décembre 1923, le sujet est toujours d’actualité puisque le Journal officiel publie un rapport la commission des réformes (c’est-à-dire la commission des économies) qui contient un court chapitre intitulé « Suppression du ministère de l’Hygiène ». Il propose un retour vers l’organisation antérieure à 1920 avec des arguments déconcertants. Rien n’est plus nécessaire qu’une politique d’hygiène mais, affirment les rédacteurs du rapport, elle pourrait très bien être assurée par une simple direction rattachée au ministère de l’Intérieur !
Document 7. Conseil des ministres, sortie de M. Paul Strauss, 17 janvier 1922

Agence Rol. © BnF.
12À voir les dépenses du ministère de 1920 à 1923, il est clair que Paul Strauss et ses prédécesseurs n’ont pas disposé d’un large budget, même si celui-ci s’est étoffé au fil des ans à un rythme plus rapide que celui de l’inflation (7,4 % entre 1920 et 1923). Devant la commission des finances au Sénat, le sénateur Debierre indique les chiffres de dépenses le 20 avril 1923 : 256 millions en 1920, 268 millions en 1921, 300 millions en 1922 et 314 millions votés pour 1923. En fait, les dépenses de ce ministère sont, pour la plus grande partie, « quasi incompressibles », puisqu’il s’agit de verser les allocations prévues par les lois. On ne peut en principe rogner qu’aux marges mais la commission sénatoriale révise le budget à la baisse ; tous les chapitres ou presque sont touchés : non seulement les dépenses de l’administration centrale, les impressions, les médailles… sont diminuées mais aussi celles liées à la lutte contre la tuberculose, contre les maladies vénériennes, à l’assistance aux vieillards, à la protection du premier âge, à l’assistance aux réfugiés. Les compressions opérées par la commission des finances du Sénat s’élèvent à 56 millions, si bien qu’on se retrouve avec le même budget qu’en 192023. Paul Strauss et son équipe vont devoir affronter deux obstacles redoutables : la faiblesse du dernier-né des ministères24 et la conjoncture financière très défavorable. Nous verrons quels seront les choix opérés.
II. « Monsieur le ministre »
1. Mise en place du cabinet
13Première tâche d’un ministre, mettre en place son cabinet. Paul Strauss s’entoure de 10 personnes, dont 2 proches parents, ce qui n’est pas rare à l’époque (encadré 1).
Encadré 1. Composition du cabinet du ministre de l’Hygiène de l’Assistance et de la Prévoyance sociales (décret du 15 janvier 1922)
Par décret du 15 janvier, M. Paul Strauss, sénateur, a été nommé ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales dans le cabinet présidé par M. Poincaré.
Il a composé comme suit son Cabinet* :
Directeur chargé du cabinet et du personnel, M. René-Raoul Strauss, docteur en droit, sous-directeur au ministère de l’Intérieur, chargé de la direction du cabinet et du personnel.
Chefs adjoints, M. René Coterel, auditeur au Conseil d’État ;M. Raoul Mangot, docteur en droit, sous-chef de bureau au ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales.
Chef du secrétariat particulier, M. Serge Veber, homme de lettres.
Attachés, M. Cyprien Domenger, inspecteur des postes et des télégraphes, chargé du service parlementaire (Sénat) ;
M. Joseph Sauvy, chargé du service parlementaire (Chambre des députés) ;
M. Jules Norgelet, chargé du service administratif.
Chargés de missions, M. le docteur Dequidt, inspecteur général ;
M. le docteur Filassier ;
M. Daniel Douvillé, conseiller de préfecture.
* Le Temps, 23 janvier 1922 ; Revue philanthropique, 295, mars 1922, p. 112.
14René-Raoul Strauss, directeur du cabinet, est un neveu de Paul Strauss. Il est sous-directeur au ministère de l’Intérieur. Ce n'est pas un jeune non plus puisqu'il a 57 ans. Serge Veber, chef du secrétariat particulier, est également un de ses neveux, fils de sa belle-sœur Marguerite Bernard. C’est lui qui va tenir la plume du ministre. Il a 24 ans. Voilà pour les proches25. Paul Strauss fait appel par ailleurs à des juristes, à des fonctionnaires et à deux médecins. Le docteur Georges Dequidt est inspecteur général des services administratifs (Murard et Zylberman, 1996, p. 328). Le docteur Alfred Filassier, chef des travaux statistiques de la ville de Paris, secrétaire-rapporteur du conseil supérieur de l’Assistance publique depuis 1919, est proche de Strauss : c’est avec lui qu’il a signé un commentaire sur la loi de 1902 sur la santé publique (Strauss et Filassier, 1905)26 Joseph Sauvy, qui a reçu la médaille militaire et la croix de guerre, est attaché parlementaire. Cyprien Domenger, chevalier de la Légion d’honneur, inspecteur des Postes et élégraphes, avait été attaché au cabinet de l’Agriculture. Daniel Douvillé, chevalier de l’ordre du Mérite agricole, avait reçu la médaille d’honneur (bronze) de la Mutualité en 1921. Jules Norgelet est un homme de lettres27. Un cabinet équilibré en somme, pour traiter de la santé et de la prévoyance.
2. Périmètre et rouages du nouveau ministère
15Le périmètre d’un ministère est toujours une affaire importante, surtout s’il s’agit d’une nouvelle structure. Ce rouage de l’État fut créé en 1920 à la suite de l’épidémie de grippe espagnole de 1918. Mais la composante « santé » avait besoin d’être étoffée, même s’il existait la loi de 1902 et le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, créé en 1822 et remanié par la loi de 1902. En réalité, l’assistance et la prévoyance se taillaient la part du lion (Ziegler, 1980, p. 16) avec des structures anciennes, conseil supérieur de l’Assistance publique, Comité supérieur des enfants du premier âge, même si elles avaient une composante santé non négligeable sous la forme, pour le premier conseil par exemple, de la gestion hospitalière. Si Paul Strauss ne souhaite évidemment pas évacuer l’assistance publique et privée de l’action de son ministère non plus que la prévoyance, il veut certainement renforcer le pôle « santé publique » qui côtoie et recoupe parfois celui de l’« hygiène sociale ». Pour lui, d’ailleurs, les deux composantes s’épaulent et se renforcent comme il le rappelle à maintes reprises.
16Par ailleurs, le rayon d’action de son ministère déborde le cadre de la santé, de l’assistance et de la prévoyance puisque, comme le souligne Ziegler, des champs comme les logements à bon marché, les caisses d’épargne28 font partie de ses attributions (Ziegler, 1980). On reconnaît là des domaines dans lesquels Paul Strauss est particulièrement compétent puisque, comme conseiller municipal puis comme sénateur, il avait traité le dossier des habitations à bon marché et du Mont-de-Piété de Paris.
17La commission de l’hygiène, de l’assistance, de l’assurance et de la prévoyance sociales présidée par Paul Strauss au Sénat n’avait pas vraiment débattu, sous sa houlette, de « l’attribution du ministère de l’Hygiène ». C’est lorsqu’il est nommé ministre que la commission discute de la question29. Or les avis divergent. Certains sénateurs sont favorables à un regroupement de tous les services d’hygiène des différents ministères dans le nouveau ministère. D’autres pensent, au contraire, que le nouveau ministre doit simplement avoir un droit de regard sur les questions d’hygiène des autres ministères. Le débat s’enlise jusqu’au 8 février 192230 pour préciser quels services seront désormais de la compétence du nouveau ministère. Ce fut donc un défi pour Paul Strauss que de construire son espace d’action en matière de santé, tant au niveau matériel, les locaux – le bureau du ministre se situe au 4 rue Saint-Romain dans le 6e arrondissement mais les services sont dispersés un peu partout dans Paris –, qu’au niveau de ses domaines de compétences effectives.
18En 1921, l’Assistance comme direction du ministère avait été séparée de l’Hygiène et avait été rattachée à la Mutualité. Paul Strauss n’entend pas conserver cette organisation puisque pour lui assistance et santé doivent marcher la main dans la main ; il y a donc lieu de revenir, pour ces services, à la répartition qui avait prévalu lors de la création du ministère le 27 janvier 1920. Par décret rendu le 30 novembre 1922, l’Hygiène est à nouveau rattachée à l’Assistance, le directeur étant Louis Hudelo, conseiller d’État, ancien préfet, préfet de police en 191731. La deuxième direction, celle de la mutualité et de la prévoyance sociale, est confiée à M. Roussel. La Revue des établissements de bienfaisance et d’assistance donne la composition précise de la direction de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, logée rue Cambacérès dans le 8e arrondissement32. Un nouveau tableau de l’ensemble du ministère est présenté dans la Revue philanthropique en juin 1923, tel qu’il résulte du décret du 23 mai 192333. Un ministère hybride, où les HBM et les caisses d’épargne côtoient les sociétés de secours mutuels, le service des aliénés, la protection de l’enfance, l’hygiène sociale et la salubrité. Mais, finalement, un ministère assez adapté au profil du titulaire du poste ?
19Par ailleurs, Paul Strauss ne manque pas de donner sa marque concernant les « grands conseils » qui assistent le ministère : si le 2e bureau du ministère prend le nom de « Natalité et protection de l’enfance », du fait de la création du Conseil supérieur de la natalité par Jules-Louis Breton (De Luca Barrusse, 2008), le nouveau ministre, dans sa réorganisation des conseils supérieurs (décret du 16 mai 1922), consacre la première section du conseil supérieur de l’Assistance publique aux « enfants (services et institutions d’assistance) ». Par ailleurs, il estime que les deux autres conseils rattachés directement au ministère, le Comité supérieur de protection des enfants du premier âge (1874) et le Conseil supérieur de la natalité et de la protection de l’enfance (1920) font double emploi et sont disproportionnés. Par le même décret de mai 1922, il les réorganise et les dote d’un secrétariat commun (Rollet, 1990a, p. 296-297)34. Il crée un Conseil supérieur de la protection de l’enfance comprenant deux sections, l’ancien comité supérieur, qui reste de taille modeste (12 membres au total) et une nouvelle commission supérieure de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de 100 membres, nommés par le ministre. Le Conseil supérieur de la natalité est donc délesté de la protection de l’enfance. C’est un rouage nouveau, assez lourd que crée Paul Strauss. Mais, pour l'alléger, il instaure une « permanence » de taille réduite qui s’occupe de la deuxième enfance et de l’enfance « anormale », faisant ainsi le pendant du Comité supérieur de la protection du premier âge. Dispositif complexe qu’il tente d’expliquer lors de la rentrée solennelle des trois conseils à Paris, les 26, 27 et 28 juin 192235. Comme il ne peut agir qu’à la marge sur le Conseil supérieur de la natalité et sur celui de l’Assistance publique, c’est au Conseil supérieur de l’enfance qu’il disposera de plus de marge de manœuvre. Le 7 avril 1923, il propose par décret une réorganisation de la composition du conseil supérieur de l’Assistance publique36 Concernant l’aide sociale, il ne cache pas qu’il rêve d’un « grand conseil de solidarité nationale » qui remplacerait les bureaux de bienfaisance, bureaux d’hygiène, caisses des écoles, hospices…37. C’est sur le même modèle que Paul Strauss et Albert Peyronnet, ministre du Travail, modifient, par décrets du 25 mai 1923 et du 27 mars 1924, l’organisation et la composition du Conseil supérieur des HBM. Comme pour les autres conseils supérieurs, ils instituent un comité permanent de 12 membres choisis par le ministre de l’Hygiène38.
20Par ailleurs, Paul Strauss met en place, dans la France entière, une organisation méthodique de lutte contre les fléaux sociaux. Le rouage-clé de ce plan repose sur l’existence d’un comité départemental, soit sous la forme d’une association loi de 1901, soit sous celle d’un établissement public (Office public d’hygiène sociale). Plusieurs départements s’étaient dotés pendant la guerre, et sous l’influence américaine, d’un tel organisme de gestion, de contrôle et coordination des efforts publics et privés permettant, sous des noms divers, une action méthodique et cohérente. Ainsi concernant l’enfance, Paul Strauss avait présidé l’Office central d’assistance maternelle et infantile, qui a servi de modèle à ce qui a été fait dans quelques villes et départements et qui doit être généralisé39. En attendant que soit adopté le projet de loi déposé au Sénat le 6 février 1923, tendant à modifier la loi du 15 avril 1916 sur les dispensaires, le ministre incite les préfets à mettre en place un tel organisme s’il fait défaut, à lui donner un statut précis, et à étendre son action à toutes les branches de l’hygiène sociale (circulaire du 15 avril 1923). Le dispensaire est au cœur de ce dispositif, centralisant tous les services d’hygiène sociale. Ce qui importe, c’est la liaison, la coordination. Sous des appellations diverses, sous cette conception, on sent l’influence de la guerre (Viet, 2016) : réaliser sur le terrain, à l’unisson, un plan d’ensemble coordonné par le haut40. Dix ans plus tard, Justin Godart tiendra la même position. De même, par la circulaire du 19 mars 192341, Strauss incite les préfets à organiser des réunions communes, avec un secrétariat commun, des commissions et conseils départementaux d’assistance et d’hygiène sociale : si chacun de ces conseils publics42 a sa spécialité, leur « compartimentage » pose des problèmes d’efficacité. La même entente permanente doit être réalisée entre l’Assistance publique et la bienfaisance privée43. Cet effort de coordination et de coopération est certainement la marque de Paul Strauss dans le champ de l’assistance et de l’hygiène sociale et, plus largement, de la réforme sociale.
III. Le temps ordinaire d’un ministre
1. Gérer les affaires internes du ministère
21À la fin du mandat de Paul Strauss, un témoin, Émile Roux, raconte :
J’ai pu me rendre compte de ce qu’a été votre existence au Ministère et j’ai constaté qu’il n’y en a pas de plus épuisante. Aux séances du Conseil et des Chambres, au travail avec les collaborateurs, s’ajoutent les audiences innombrables, les inaugurations du dimanche, les présidences de Commissions, de réunions, et de banquets, les voyages par tous les temps. Vous acceptiez devoirs et corvées avec vaillance et bonne grâce. Ce qui, pour d’autres, aurait été motif de fatigue, est pour vous l’occasion de répandre vos idées, de porter partout la bonne semence de la solidarité44.
22Une partie du travail du ministre est routinière : il s’agit de nommer, promouvoir, déplacer du personnel de l’administration45. Il faut aussi améliorer le régime des retraites des diverses catégories de personnel46, modifier certains points de leur statut, s’occuper des accidents du travail47, présider – deux fois par an – la commission de répartition des fonds du Pari mutuel48. Autre travail de routine, la réponse aux questions écrites. Ce n’est pas une mince affaire pour le cabinet que de répondre à des questions qui portent sur tous les sujets relevant du ministère. Une femme écrit au cabinet du ministre pour savoir si la loi du 24 octobre 1919, prévoyant une allocation d’allaitement maternel, s’applique aussi aux Italiennes ? Et la médaille de la famille française peut-elle être octroyée à une femme mariée à un Italien49 ? Les services administratifs jouent leur rôle à plein et le ministre pose sa signature.
23Mais Paul Strauss entend disposer de liberté. Ainsi en est-il dans l’attribution des décorations. Par le décret du 19 juillet 1923, il fait modifier la règle selon laquelle toutes les propositions pour les médailles de l’assistance, des épidémies et de l’hygiène doivent passer par des commissions ad hoc. Désormais, il peut attribuer directement des récompenses sans aucun contrôle a priori ou a posteriori des commissions50. Ainsi, le 24 juillet 1923, il accueille favorablement le soutien apporté par le secrétaire général de l’Académie de médecine à la candidature du docteur Lenoble, bibliothécaire, au grade de chevalier et il lui écrit le 25 février 1924 que sa nomination vient d’être signée51. Strauss ne néglige pas ses connaissances. Il accorde le grade de commandeur de la Légion d’honneur à Georges Rondel. Sous la plume de Gabriel Gros-Mayrevieille, la Revue philanthropique salue comme il se doit cette promotion de collaborateur de la revue depuis sa fondation. Rédacteur du Bulletin, cet inspecteur général devenu président du comité des inspecteurs généraux a joué un rôle précieux au conseil supérieur de l’Assistance publique en qualité de secrétaire général52. Paul Strauss et Georges Rondel se sont côtoyés et appréciés depuis de longues années. Même s’ils lui sont opposés sur le plan politique, Paul Strauss ne néglige pas ceux qui se sont investis sur les mêmes terrains que lui. Ainsi le docteur Marfan, une sommité parisienne en matière de médecine infantile, membre de la Ligue contre la mortalité infantile, catholique conservateur, se voit-il octroyer par le ministre, en août 1922, sans qu’il l’ait sollicitée, la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur. En nommant Marie-Thérèse Budin chevalier par décret du 10 février 1923, Paul Strauss honore la mémoire de son ami Pierre Budin et salue le courage et l’activité de son épouse qui a créé, dans le 15e arrondissement, la Fondation Pierre Budin53. Une des listes les plus significatives des médaillés de la Légion d’honneur portant la marque du ministre est celle publiée par le décret du 23 février 1924, soit un mois avant la dissolution du gouvernement Poincaré : on y trouve de nombreux docteurs en médecine, dont plusieurs ont joué un rôle actif dans le développement de la radiothérapie ou dans la protection de l’enfance ; des religieuses ou encore des femmes à l’origine d’institutions telles qu’Augusta Moll-Weiss, fondatrice de l’école des mères, ou bien Mme Schneider, membre du comité du travail féminin du ministère de l’Armement pendant la guerre, fondatrice d’œuvres sociales au Creusot54.
24Paul Strauss exerce aussi son libre arbitre dans la nomination des membres des grands organismes de l’État ; il le fait d’autant plus qu’il s’agit, entre autres, de le remplacer comme président d’un conseil. C’est ainsi qu’il nomme par décret son collègue le docteur Dron, maire de Tourcoing, sénateur, membre du Conseil supérieur de la protection des enfants du premier âge, et le désigne comme vice-président (décret du 17 février 1922)55. Ses collègues l’élisent président du comité à la place du ministre. Par l’arrêté du 9 juin 1922, Strauss nomme les membres du nouveau Conseil supérieur de la protection de l’enfance : parmi la centaine de noms représentant la protection de l’enfance dans ses dimensions sanitaires, juridiques, philanthropiques, on retrouve des personnalités bien connues du ministre, notamment de nombreux médecins (Pinard, Bar, Dron, Bernard, Calmette, Couvelaire, Cruveilhier, Devraigne, Heuyer, Lesage, Lesné, Marfan, Variot…), des juristes (Berthélémy, Hébrard de Villeneuve, Rollet), des présidents ou présidentes d’associations. On relève quelques proches de l’entourage de Strauss, par exemple Louis Hudelo, directeur de la santé publique et de l’hygiène sociale, nommé également au Conseil supérieur de la natalité et au comité supérieur de protection des enfants du premier âge, et quelques femmes, Marie-Thérèse Budin, l’inspectrice générale Olympe Gevin-Cassal – précédemment nommée au Conseil supérieur de la natalité, la doctoresse Clotilde Mulon. Georges Dequidt et René-Raoul Strauss, qui entrent à son cabinet, sont également nommés membres de ce conseil56. Le ministre s’entoure donc de personnalités connues, en vue dans le champ de l’hygiène sociale, en dépassant les clivages politiques. C’est davantage l’expertise dans le champ d’intervention que les affinités politiques qui caractérisent les comités et autres structurent qui se mettent en place ou se renouvellent.
2. Les obligations de représentation
25Plus distrayants peut-être mais harassants sans doute sont les voyages ministériels, des opérations de communication bien orchestrées pour faire connaître l’activité menée et afficher l’éventail des champs de compétences du nouveau ministère.
26Paul Strauss ne ménage pas son temps et ses efforts dans des directions très variées, à l’image de ses multiples centres d’intérêt. Évidemment nombreuses sont ses interventions à Paris : assemblées générales, sessions de conseils, conférences, congrès, inaugurations, anniversaires, enterrements, visites d’institutions… Il passe de lieux en lieux et de réseaux en réseaux, fidèles à ses attaches anciennes mais remplissant aussi son rôle nouveau de représentant du gouvernement. Ainsi, Paul Strauss assiste-t-il à la séance de rentrée du conseil supérieur de l’Assistance publique dont il fait partie depuis sa fondation en 1889 et qu’il a présidé : il y prononce un de ses premiers discours officiels le 25 janvier 1922. C’est, on l’a vu, son ami le docteur Dron, maire de Tourcoing, sénateur, qui lui a succédé à la présidence. Paul Strauss rend un hommage appuyé aux « promoteurs », aux « propulseurs » de la réforme sociale : Théophile Roussel, Charles Floquet, Léon Bourgeois, Henri Monod. Il rappelle les débats sur le rôle de l’État, entre les partisans d’une intervention croissante et ceux qui préféraient le développement de la bienfaisance privée. Mais ce désaccord a pris fin, assure-t-il, et le conseil a pu travailler dans la sérénité : « aucune querelle de parti n’a surgi dans cette enceinte »… Il insiste sur la nécessité d’une organisation méthodique du secteur privé et forme le vœu que le conseil obtienne du parlement le vote rapide de plusieurs lois le concernant, notamment le contrôle des établissements de bienfaisance privée57. Le ministre sera fidèle à sa promesse en venant chaque année aux sessions du conseil supérieur de l’Assistance publique au cours desquelles il prend longuement la parole et rend compte de son activité58. S’il ne peut être présent le 6 février 1922 à l’assemblée générale de l’association des journalistes républicains, il participe le soir au banquet, aux côtés de plusieurs ministres et personnalités politiques et littéraires. Il vient en personne le 24 mars 1922 aux obsèques de son collaborateur, Sébastien Turquan, ancien chef des services de l’enfance au ministère de l’Intérieur59. Sur un autre registre, plus « intime », Paul Strauss aurait « éprouvé un véritable crève-cœur de ne pouvoir venir ici, dans cet amphithéâtre, dans cette maison de Pierre Budin, rendre officiellement, et j’ose dire solennellement, hommage à la mémoire de notre cher et glorieux disparu ». Il s’agit de l’assemblée générale de la fondation Pierre Budin, au printemps 1922, dont la présidence a été confiée, pendant le ministère de Paul Strauss, à Léon Mirman, conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien directeur de l’assistance et de l’hygiène publiques60. Les 26, 27 et 28 juin 1922, il enchaîne trois conseils supérieurs : Natalité le 26, Protection de l’enfance le 27, et Assistance publique le 28 ! Le 10 juin 1922, il répond favorablement à son ami Jules Siegfried qui l’a invité à présider, au Musée social, la conférence donnée par un éminent spécialiste belge de la syphilis, le docteur Bayet61. Le 6 juillet 1922, Paul Strauss ouvre à Paris le Congrès international de protection maternelle et infantile à Paris, dont l’idée avait été lancée par la Ligue contre la mortalité infantile en 1920. Il prononce un discours sur cette « tâche haute et complexe » liée au travail des femmes, aux droits et devoirs des mères, à la protection de l’enfance, à la lutte contre les maladies évitables. En novembre 1922, il inaugure à l’Institut Pasteur le 9e congrès d’hygiène62. Le 29 novembre, Mme Raymond Poincaré, présidente d’honneur de l’association Pour l’Enfance et la famille par l’aide sociale, fait visiter cette œuvre parisienne à l’ambassadeur des États-Unis, Myron T. Herrick, en compagnie de Paul Strauss. Un modèle d’organisation « intelligente63 », à l’initiative de la Croix-Rouge américaine.
27Le ministre se rend aussi en province. En mai et en juin 1922, il effectue deux courts voyages, l’un dans le Cher pour visiter la colonie familiale d’aliénés du département de la Seine dont c’est le trentenaire, l’autre en Alsace64. Il préside à Strasbourg la séance d’ouverture du Congrès des assurances sociales65, visite l’Institut de puériculture, assiste à l’assemblée générale de la fédération nationale de la mutualité, visite sur le chemin du retour deux sanatoriums… Un programme chargé. En juillet, il est à Nancy pour visiter les équipements sanitaires et sociaux de la région et remettre des médailles de la famille française66. Il visite aussi le sanatorium Vancauwenberghe à Zuidcoote dans le département du Nord67.
28Le 9 septembre 1922, il est à Biarritz pour inaugurer un préventorium destiné à recevoir une centaine de fillettes des régions libérées68. Un mois plus tard le ministre inaugure à Rouen l’exposition de l’Office d’hygiène sociale de la Seine-Inférieure et préside la dernière séance au Congrès de l’Alliance d’hygiène sociale. Discours d’hommage appuyé de Georges Risler, président du Musée social, qui cite les lois associées au nom de Strauss, ce qui en fait « le sénateur le plus compétent de la Haute-Assemblée69 ». Long discours de Paul Strauss sur son programme et sa méthode de travail70.
29À Nantes, en juin 1923, « à l’occasion du 3e Congrès national des allocations familiales qui se tient dans la ville. [Paul Straus] en profite pour visiter hôpital, dispensaires, crèche, distribuer des décorations et inaugurer la maison de repos que la CRIFO (Caisse régionale des institutions familiales ouvrières) vient d’installer dans le château de Gesvres à Treillières71 ». Cette maison reçoit des enfants convalescents de 6 à 13 ans qu’un séjour à campagne doit remettre d’aplomb. Programme chargé. Le déjeuner à la préfecture qui réunit 24 personnes, est suivi d’un goûter dans le parc du château de Gesvres et d’un dîner à Nantes ! Chacun s’ingénie à recevoir en grande pompe le ministre.
30D’autres visites et rencontres sont davantage orientées vers la mutualité. Quelques exemples en témoignent. Le 13 mars 1922, Paul Strauss se rend à Lyon pour présider l’assemblée générale de la fédération des sociétés de secours mutuels et de retraites de France. Le 17 septembre 1922, il gagne Marseille à l’occasion du centenaire de la création de la mutualité des Bouches-du-Rhône. Il préside un banquet de 750 couverts : « longuement acclamé par les mutualistes, il a évoqué la mémoire des mutualistes qui, devançant de longues années la charte libératrice de la mutualité de 1898, ont préparé les améliorations sociales qui sont l’honneur de la Troisième République72 ». Il se rend ensuite à l’exposition coloniale où il est chaleureusement reçu, drapeaux déployés des sociétés de secours mutuels. Le lendemain, il préside la séance de clôture du Congrès colonial de la santé publique et salue l’œuvre des « médecins coloniaux, éclaireurs de l’influence française73 ». L’année 1923 est marquée par les célébrations en l’honneur de Pasteur, et Paul Strauss, comme pasteurien et comme ministre, y prend toute sa place (document 8)74. Lors de la célébration du centenaire à Bruxelles en janvier 1923, Paul Strauss est de toutes les manifestations auxquelles participent le roi et la reine de Belgique et il prononce un discours remarqué75. Le 19 janvier 1923, le Bruxelles médical lui offre un banquet76. Si ces visites méritent d’être mentionnées c’est qu’elles rendent compte de l’activité fébrile du ministre mais aussi de la foison d’institutions qui se mettent en place et qui recherchent une forme de reconnaissance par l’approbation ministérielle dans le champ large de l’assistance et la bienfaisance, de l’hygiène sociale, de la mutualité. Le ministre, par ses visites, amplifie l’activité locale. On voit en outre se dessiner le spectre des attributions ministérielles de Strauss avec les réseaux correspondants.
Document 8. Célébration du centenaire de la naissance de Louis Pasteur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm

Salle des Actes. Paul Strauss est assis au premier rang, à droite. Photographie de presse/Agence Rol. © BnF.
3. Des discours conformes à ses priorités
31Les discours prennent un temps considérable, et pour le ministre et pour son cabinet, comme le montrent les archives de René-Raoul Strauss. Ce que ce dernier a conservé, ce sont moins les discours prononcés directement par le ministre que ceux prononcés en son nom. On peut supposer néanmoins que Paul Strauss les a supervisés77.
32À regarder les publics concernés par les discours prononcés au nom du ministre, on se rend compte que Paul Strauss a délégué son directeur de cabinet en connaissance de cause, dans des manifestations intéressantes, sans doute, mais de moindre importance. Paul Strauss honore de sa présence les événements marquants quand il le peut, et délègue à son directeur de cabinet les événements moins prioritaires. Il s’agit d’associations philanthropiques dont les manifestations ne peuvent entrer dans l’« agenda » du ministre. Ainsi, c’est René-Raoul qu’il délègue le 7 mai 1922 à la mairie du 6e arrondissement pour répondre à l’invitation des Secouristes français. Celui-ci salue cette « assemblée d’âmes d’élite unies dans un même élan d’altruisme ». Devant des mères de familles réunies en association, René-Raoul, représentant le ministre, vante les mérites des femmes se penchant sur les « fragiles berceaux » des phalanges de citoyens et citoyennes affirmant « leur foi inébranlable dans l’accomplissement d’un devoir de haut altruisme »78. Autre discours étonnant, celui prononcé le 4 décembre 1922 devant un parterre de … cuisiniers réunis autour de leurs œuvres sociales. S’il avait pu être là, explique son chef de cabinet, le ministre aurait manifesté sa sympathie à cette corporation « N’êtes-vous pas, en effet au nombre des véritables, des plus précieux auxiliaires de la médecine préventive ? L’alimentation n’est-elle pas à la base de l’hygiène79 ? ». Des participations fréquentes, une hiérarchisation des priorités qui illustrent tout de même une ligne politique : priorité accordée à la santé publique, importance donnée à l’enfance, souci d’associer la mutualité à l’œuvre publique.
IV. Renforcer les lois déjà existantes
33Dans les limites imposées par la conjoncture, l’action du ministre a d’abord été d’accroître la productivité des lois existantes. Pour ce faire, il a très rapidement lancé des enquêtes pour faire l’état des lieux et préparer des circulaires destinées à stimuler l’action des préfets et à améliorer la coordination des services. Typique est l’enquête qui concerne le recensement et l’activité des laboratoires de bactériologie et d’hygiène sociale, en mai 192280. Il s’agit de faire l’état des lieux pour mieux adapter la lutte contre les maladies transmissibles. Le même mois, c’est la réorganisation hospitalière qui fait l’objet d’une circulaire ayant pour objet l’établissement d’un tableau, permettant de réaliser un classement des hôpitaux en vue d’une répartition plus rationnelle des ressources. La conjoncture fait redoubler d’efforts le gouvernement et l’administration car les buts de cette réforme sont nombreux : répondre aux besoins, économiser les deniers publics, augmenter le rendement des établissements, combler les lacunes, éviter les doubles emplois… Le ministre trace l’idéal, que chaque département, ou du moins chaque région, dispose d’un établissement hospitalier parfaitement aménagé et doté de toutes les installations modernes (matériel médical et chirurgical, radiographie, radiothérapie, laboratoire de bactériologie et de chimie organique…) et, à côté de ces grands centres, des hôpitaux plus petits avec des salles d’opérations garantissant l’asepsie, articulés au besoin avec des dispensaires ou laboratoires voisins. Hiérarchiser les établissements relève bien ici d’un souci de rationalisation. Pour mener cette réforme, le ministre mobilise les préfets pour qu’ils préparent cette cartographie de l’outillage hospitalier du territoire. Autre enquête : le 9 juin 1922, Paul Strauss transmet aux préfets une circulaire sur le fonctionnement des institutions et œuvres d’assistance publique, de bienfaisance privée et d’hygiène sociale81. Il s’agit maintenant de faire le recensement et la description précise de tous les établissements d’un département. Ainsi l’administration aura en permanence à sa disposition un outil régulièrement mis à jour dont « il résultera une économie de temps et d’argent82 ».
34Cette vaste enquête sur l’outillage existant ne reste pas sans effets. Le 8 novembre 1923, une nouvelle circulaire est adressée aux préfets83. Dans ce texte, Paul Strauss dresse d’abord un état des lieux quantitatif des « services de solidarité nationale » dans lequel il fait état de 1 860 hôpitaux ou hospices, 82 asiles d’aliénés, 22 000 bureaux de bienfaisance, 170 bureaux municipaux d’hygiène, 460 dispensaires antituberculeux, 1 459 consultations de nourrissons, et autres institutions pour enfants et mères, organismes d’HBM, sociétés de secours mutuels, caisses d’épargne, monts-de-piété… « Cette floraison d’œuvres et d’institutions impose de plus en plus aux pouvoirs publics la nécessité de veiller à la bonne marche des institutions et des œuvres qui fonctionnent sous la responsabilité légale ou grâce aux encouragements financiers des communes, des départements et de l’État ». Après le recensement, le contrôle. Même si l’inspection générale, le Conseil supérieur d’hygiène publique apportent une aide éclairée, il « semble indispensable de comprendre dans une campagne générale de vérifications méthodiques toutes les institutions qui sont actuellement soumises à la surveillance officielle », c’est-à-dire les institutions publiques et les œuvres subventionnées. Les préfets sont donc invités à poursuivre ces investigations. Le ministre annonce, de fait, la loi en préparation sur la surveillance de tous les établissements de bienfaisance privée84.
35Une autre vaste enquête lancée au printemps 1922 concerne cette fois la mortalité infantile dans les dix départements à forte mortalité et à faible natalité. Il s’agit de préciser quels peuvent être les facteurs influençant le niveau observé.
« Cette enquête, qui n’est pas poursuivie pour des fins académiques, pour enrichir des archives, sera conduite par moi-même et par mes collaborateurs avec la volonté formelle et réfléchie d’aller très avant non seulement dans la recherche des causes locales, mais encore dans le recours à des moyens locaux d’intervention et d’atténuation du mal. C’est en effet contre la mortalité infantile que, fidèle au programme de toute ma vie, que j’ai si longtemps défendu et soutenu en compagnie de Pierre Budin et, plus tard, avec Lesage, avec tous ceux qui ont tenté de propager, à travers la France, la Ligue contre la mortalité infantile ; c’est contre ce fléau que je porte mon plus grand effort, sans se désintéresser du faible accroissement des naissances. Il faut trouver les moyens pratiques et immédiats de réduire la mortalité infantile.
Cette enquête se poursuivra et ne sera pas stérile. Nous aurons l’occasion, soit avec les préfets, soit avec les présidents des conseils généraux, soit avec les différents conseils que je suis en voie de réorganiser et de mieux coordonner, de suivre les indications peut-être modestes, assurément partielles, qui nous seront données par cette enquête85 ».
36La lutte contre la mortalité des enfants assistés fait aussi l’objet de son attention soutenue. Dans sa circulaire du 17 mai 1922, Paul Strauss demande aux préfets de procéder dans leur département à une enquête approfondie sur ses causes générales et locales en comparant l’année 1921 à celle de 1911, où la mortalité a été désastreuse pour l’ensemble des enfants, du fait d’une canicule particulièrement sévère (Rollet, 2010). À la suite des résultats de cette enquête, en décembre 192286, le ministre adresse à nouveau une circulaire aux préfets : il veut les voir régulièrement à Paris afin de suivre les mesures prises pour remédier à la situation. L’enquête a en effet « révélé que, sauf dans 17 départements, la mortalité des enfants assistés a augmenté en 1921, par comparaison avec l’année 1911 ». Parmi les causes évoquées : la disparition progressive de l’allaitement au sein ; la fréquence de la débilité congénitale ; la syphilis réputée héréditaire et la tuberculose. Il faut donc poursuivre la création d’institutions pour soutenir les femmes enceintes et les mères (abris maternels, maisons maternelles, maternités aménagées pour prolonger leur séjour après l’accouchement…), surveiller le fonctionnement des crèches des hospices dépositaires qui accueillent des enfants au biberon ; améliorer les conditions de transport des enfants ; et puis, il faut sans doute remanier profondément le dispositif de leur placement à la campagne. Au lieu de disséminer les enfants dans les régions nourricières, ne faudrait-il pas les regrouper dans des centres d’élevage, sur le modèle Grancher, autour d’une consultation de nourrissons, d’un médecin et d’une infirmière visiteuse (Becquemin, 2005) ? Paul Strauss presse les préfets d’innover87.
37Le 17 mars 1923, au cours de la réunion annuelle de l’association amicale des inspecteurs de l’Assistance publique, Paul Strauss prend longuement la parole pour les féliciter (De Luca, 2002) : l’enquête88 sur la mortalité des enfants assistés à laquelle ils ont très largement contribué a permis de recueillir des « renseignements extrêmement précieux, mais ce qui m’enchante par-dessus tout, ce sont les résultats obtenus », résultats transmis à l’Académie de médecine et même au président de la République qui y a fait allusion dans une « allocution magistrale ». Il faut poursuivre en ce sens assure le ministre, en tenant compte de la très grande variabilité des situations individuelles des enfants qui réclament des solutions adaptées. Il n’y a donc pas une « formule unique », un « dispositif rigide » à appliquer à l’ensemble des enfants mais un grand éventail de solutions dont font partie le séjour à l’hospice, les centres d’élevage, les pouponnières et les maisons maternelles à côté du placement à la campagne. Enfin, il insiste sur l’importance qu’il accorde à ses liens personnels avec les inspecteurs :
« Il n’est pas indifférent qu’en dehors de mes relations directes avec les préfets, je puisse vous pénétrer de mes tendances, vérifier les procédures à suivre, faire passer dans vos esprits et dans vos cœurs la passion qui m’anime, en vous appelant à collaborer avec moi, à ce qui est notre mission essentielle et vitale, à l’amélioration de la santé publique, à l’accroissement de la natalité française. En effet, le jour où nous aurons une meilleure santé publique, de meilleures conditions de logement, je suis convaincu que le taux des naissances sera relevé dans les centres populeux […]. Je fais appel à votre chaleureuse collaboration. Tout ce qui a pu être créé jusqu’ici, dans des conditions modestes, l’a été par vous ; le progrès est très difficile à réaliser en raison des conditions financières […]. Vous êtes mes plus sûrs agents, mes meilleurs auxiliaires89 ».
38L’attention portée à la coopération et à la collaboration, si symptomatique de la politique que défend Strauss, est ici flagrante. Le ministre cherche à convaincre, à se rapprocher des fonctionnaires, à profiter de leur expérience dans l’intérêt de l’administration de ses services. C’est ainsi qu’il sollicite aussi l’inspection générale des services administratifs sur les colonies de vacances (Downs, 2009). À la suite du premier congrès international des écoles de plein air, qui s’est tenu à Paris en juin 192290 il souhaite donner une impulsion aux camps de vacances dans un souci d’épanouissement des enfants après les privations de la guerre. Il leur fait attribuer des fonds transférés du ministère de la Guerre et des régions libérées mais il réalise aussi « l’inventaire de l’existant » en mettant en place une commission présidée par deux de ses proches, les inspecteurs généraux Georges Dequidt et Olympe Gevin-Cassal (Lefort, 2011). L’enquête diligentée et complétée par des visites sur place conduit la commission à constater la grande diversité des installations du point de vue de l’hygiène. Leur rapport est publié en 1923, en vue « d'établir quelques règles techniques et administratives susceptibles de guider le Ministère de l'Hygiène dans un domaine où la nécessité d'une doctrine s'est si impérieusement fait sentir »91.
39Paul Strauss cherche par tous les moyens à améliorer la productivité des lois existantes sans engager trop lourdement les finances publiques. Il espère un meilleur « rendement92 » des dispositifs existants et engage des réformes sous le couvert de circulaires. Il rappelle ainsi les dispositifs des lois en vigueur, en réclame l’application. Ainsi, par la circulaire du 5 avril 1922, le ministre invite les préfets à bien exercer leur contrôle sur l’exécution des lois d’assistance93. Par ailleurs, pour aider les plus démunis – la crise économique de l’après-guerre touche durement les classes moyennes, et en même temps, limiter les dépenses, Paul Strauss lance l’idée d’une assistance partielle : plutôt que le tout ou rien en matière d’aide médicale gratuite (AMG), pourquoi ne pas généraliser une prise en charge partielle – qui existe dans la loi, qui permettrait par exemple de venir en aide à une personne qui connaît une période de chômage ? Par la circulaire du 10 octobre 192294, il invite les préfets à explorer cette piste et Léonie Chaptal la développe dans un rapport au conseil supérieur de l’Assistance publique : sa proposition de généralisation de l’assistance partielle est adoptée à l’unanimité le 27 juin 192395. Ceci fait, Paul Strauss reconnaît qu’il ne s’agit que d’un pis-aller et qu’il voudrait lui « voir substituer la mutualité comme moyen d’acheminement vers l’assurance sociale96 ».
40Pendant son ministère, Strauss dépose quatre projets de loi : sur la modification de la loi du 15 juillet 1893 sur l’Assistance médicale gratuite97 le 20 juin 1922 ; sur les dispensaires d’hygiène sociale et de prévention antituberculeuse98 le 6 février 1923 ; sur l’assistance maternelle99 le 11 janvier 1924 ; sur la modification de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés100 le 11 janvier 1924 également. Par ailleurs, plusieurs lois ont été adoptées durant son mandat sur le centenaire de Pasteur (13 juillet 1922) ; sur l’avortement (24 mars 1923) (Le Naour et Valenti, 2003 ; Cahen, 2015) ; sur l’adoption le 19 juin 1923 (Mignot, 2015) ; sur les HBM et les familles nombreuses (5 décembre 1922) (Frouard, 2010) ; sur l’encouragement national aux familles nombreuses (11 juillet 1923) (De Luca Barrusse, 2010); sur les majorations pour les enfants admis à l’Assistance publique et pour les pupilles de la Nation (13 juillet 1923) ; sur l’accès des femmes aux emplois de sous-inspectrices départementales de l’Assistance publique (30 juillet 1923) (De Luca, 2002) ; les sociétés de secours mutuels (15 août 1923)101 ; l’extension de la législation sur les accidents du travail aux gens de maison, domestiques, concierges et gens à gages (2 août 1923)… Elles portent la marque du ministre. De façon générale, c’est dans deux domaines surtout, ceux de l’enfance et de la santé publique, qu’il poursuit ses efforts les plus constants et maintient sa stratégie politique : coordonner les efforts, exploiter les lois existantes, rationaliser. Mais, phénomène remarquable, Strauss se lancera dans l’aventure de la lutte contre le cancer, sans doute « le » grand dossier de son ministère.
V. Protéger les enfants : un credo hygiéniste et nataliste
41L’enfance fait partie des attributions du ministère comme on l’a vu. La situation sanitaire d’après-guerre et le cri d’alarme poussé par Léon Bernard en janvier 1922102 confirment Paul Strauss dans sa volonté de poursuivre son action en faveur des enfants et contre la mortalité infantile. La revue Pédiatrie à laquelle collaborent les plus grands noms du champ, rend compte régulièrement du travail accompli en direction de l’enfance sous le ministère Strauss. Une longue série d’articles sous la plume de la doctoresse Clotilde Mulon et du docteur Henri Rouèche illustre l’« efflorescence », pour reprendre une expression de Paul Strauss, du débat sur l’enfance sous son ministère. De même, la revue Vers la santé, éditée par la ligue des sociétés de la Croix-Rouge et, bien entendu, la Revue philanthropique, couvrent toute l’action du ministre en direction de l’enfance et plus généralement de la santé publique. La Ligue contre la mortalité infantile qui devient Comité national de l’enfance le 5 mars 1922 – reconnu d’utilité publique par décret du 2 août 1922 –, joue un rôle central dans la préparation des lois et des décrets (Rollet, 1990a, p. 272). Paul Strauss sera de toutes les assemblées générales de ce comité pendant son ministère103.
42Si le ministre se préoccupe de la mortalité des enfants assistés après avoir enquêté dans les départements, il s’intéresse aussi à l’application de la loi Roussel en envoyant le 24 mai 1923 une circulaire aux préfets pour interroger l’état de santé des nourriciers, la salubrité des locaux, le nombre d’enfants par famille nourricière104. La même année, c’est le risque syphilitique qui retient son attention. Il envoie deux circulaires à ce sujet, la première (12 mars 1923) concernant le traitement des malades atteints de syphilis dite acquise, la seconde (15 juin 1923)105 concernant le traitement des femmes enceintes infectées et susceptibles de transmettre leur maladie (syphilis dite héréditaire)106. Il rappelle la nécessité d’ouvrir des consultations externes auprès des maternités, même dans les petites villes mais aussi de faciliter l’accès de ces centres grâce à la loi de 1893 (AMG). Le ministre invite les préfets à faire suivre les femmes accouchées reconnues contaminées ainsi que leurs enfants, et à prêter une attention particulière aux enfants assistés. La question est délicate : les médecins devront procéder avec le tact nécessaire pour convaincre sans éveiller de susceptibilités107. Le ministre se préoccupe également de l’application des lois de 1913 sur les femmes en couches et de 1919 sur les allocations d’allaitement : les lois doivent être appliquées largement et orientées, non seulement vers l’assistance mais vers l’hygiène sociale. Il insiste sur les visites à effectuer au domicile des mères pour les encourager à allaiter et à suivre le repos qui leur est nécessaire dans sa circulaire du 15 janvier 1924108.
43Faut-il élargir « l’assistance maternelle et la protection infantile à toute Française qui en fera la demande, soit avant, soit après son accouchement » ? Telle est la question que soulève le Dr Dequidt, inspecteur général des services administratifs, membre du cabinet de Paul Strauss, lors de la session du conseil supérieur de l’Assistance publique en 1923. Le conseil émet un vœu en ce sens après une « vive discussion » entre les partisans d’une limitation de cet accès aux citoyens dénués de ressources et ceux qui veulent dépasser cet horizon « dans un sentiment supérieur d’intérêt national ». Le principe de l’assurance sociale de la maternité est posé109 mais c’est le principe de l’assistance maternelle qui reste au cœur du projet de loi déposé par Paul Strauss, le 11 janvier 1924. Les femmes en couches sont toujours assimilées à des malades mais leurs droits sont précisés et élargis aux secours de la grossesse, de l’accouchement et de la convalescence des couches110.
44Paul Strauss est également soucieux des plus modestes institutions comme les crèches. En 1922, le Comité national de l’enfance nomme une commission pour élaborer un règlement modèle. Dans ce but, la doctoresse Clotilde Mulon fait une enquête auprès des responsables de toutes les crèches françaises. L’enquête révèle que des améliorations sont nécessaires notamment en ce qui concerne l’hygiène des locaux, la formation et la rémunération du personnel111. Il faut donc rénover le décret de 1897. Le décret du 9 novembre 1923 modifie deux articles de ce premier texte notamment sur les conditions d’entrée des enfants et les conditions de réouverture d’une crèche après fermeture pour épidémie. Plusieurs circulaires et arrêtés vont se succéder préparés par le Comité national de l’enfance et par le Conseil supérieur de la protection de l’enfance (Rollet, 1990a).
45Mesure également très symbolique de l’action de Paul Strauss : l’éducation des filles à leur devoir maternel. Celles de 10 à 13 ans ne doivent pas rester ignorantes des règles essentielles à suivre et des principes élémentaires à appliquer pour la santé des tout jeunes enfants. Dans la circulaire du 2 mars 1923 qu’il signe avec Léon Bérard, ministre de l’Instruction publique, Strauss explique comment procéder : il suffit d’accréditer dans chaque école une dame d’œuvre qui serait chargée de faire une courte « leçon de choses » avec images, affiches et mannequins. Les élèves pourront ensuite se rendre dans une crèche, une pouponnière, une consultation, où elles verront comment s’occuper d’enfants du premier âge112. Finalement, l’arrêté du 9 juillet 1923 et l’instruction ministérielle du 12 juillet de la même année incorporent, au programme de l’enseignement primaire élémentaire (cours supérieur des filles de 12 et 13 ans), un cours de puériculture à raison d’une heure par mois et le ministre invite les institutrices à donner aux leçons un caractère aussi concret et vivant que possible (Hartmann-Coche, 1924). Le Comité national de l’enfance est chargé de fixer les détails du programme et d’en étudier les modalités d’application. Le docteur Schreiber, secrétaire général adjoint du CNE et Mme Gonse-Boas, présidente de la Nouvelle-Etoile, association qui sert de modèle au dispositif proposé (De Luca et Rollet, 1999) s’attellent à la tâche et remettent leur rapport : ils proposent un cours de puériculture élémentaire en dix leçons effectué par l’institutrice pendant la classe. Le CNE édite une brochure en 50 000 exemplaires, qu’il adresse aux institutrices et qui donne le texte des leçons à dicter aux élèves (Schreiber, 1924). À partir de 1925, les films inspirés par le docteur Devraigne (Devraigne, 1928, p. 98) et réalisés par Jean Benoit-Lévy (Vignaux, 2007)113, mais aussi d’autres publications, notamment en 1927 un petit traité de puériculture « Pour les grandes sœurs » d’Augusta Moll-Weiss (Moll-Weiss, 1927), viendront épauler cet effort de vulgarisation de l’hygiène de l’enfance.
Document 9. Cahiers de puériculture, vers 1925.


Un témoignage de cet effort de vulgarisation de la puériculture dans les écoles est conservé au Musée national de l’éducation sous la forme de cahiers d’écolières remplis et illustrés. © Réseau-Canopé-Le Musée national de l’éducation.
46Paul Strauss est toujours investi dans le débat démographique, soucieux de lutter contre la mortalité mais aussi en faveur de la natalité, ce qu’il rappelle à plusieurs reprises, faisant tenir ensemble les deux volets de la lutte contre le recul de la croissance démographique. Mais on pourrait se demander si Strauss, « l’antimortaliste », ne serait pas devenu franchement nataliste au cours de son mandat ministériel (Cahen, 2015). En 1922, le sénateur déclare qu’il faut agir sur les deux aspects essentiels de la « dépopulation » : « Sans doute il faut lutter contre la mortalité infantile et ici les progrès de la science n’ont pas de limites, mais [il faut aussi] s’efforcer d’accroître, par tous les moyens, le nombre des naissances114 ». Au cours de l’assemblée générale du Comité national de l’enfance, le 17 décembre 1922, il explique avoir déclaré lors du congrès de la natalité le 24 septembre 1922, au nom du gouvernement de la République, « qu’il ne pouvait pas y avoir entre ces deux tâches, entre ces deux devoirs parallèles qui s’imposent à notre vigilance et à notre patriotisme, la moindre opposition, la moindre antinomie, l’ombre d’une concurrence pernicieuse115 ». Lors de ce congrès de la natalité en effet, il a indiqué : « il n’y a pas deux problèmes de la dépopulation, il n’y en a qu’un, mais il est complexe, multiforme116 ». Mais c’est certainement son implication dans le débat sur l’avortement au cours de son mandat qui marque le mieux l’évolution nataliste de Strauss. C’est en effet sous son ministère qu’est adoptée, par le parlement, la deuxième loi « scélérate » faisant de l’avortement non plus un crime mais un délit et donc passible, non plus d’un procès en assises mais de la correctionnelle (loi du 27 mars 1923)117 (Le Naour et Valenti, 2003). Peut-on dire avec Fabrice Cahen, que, cette fois-ci, c’est Paul Strauss le deus ex machina de la lutte anti-avortement ? Il emporte en effet l’adhésion du gouvernement sur une mesure très controversée. La loi est votée par une écrasante majorité à la Chambre et à main levée au Sénat (Cahen, 2015). Mais seul le coût symbolique de la mesure est élevé, il n’engage pas le budget du ministère à la hauteur d’autres demandes que réclament les natalistes.
47Car Strauss choisit les mesures qu’il soutient et celles qui peuvent attendre en fonction de priorités qui semblent budgétaires. Un exemple en témoigne. Le ministre participe à la manifestation grandiose en faveur de la natalité à la Sorbonne le 13 mai 1923, à l’appel du Conseil supérieur de la natalité, de la fédération des associations des familles nombreuses, et de l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française (De Luca Barrusse, 2008). Après un discours du président du Conseil supérieur de la natalité, Auguste Isaac (Joly, 2003), qui évoque le sacrifice des familles nombreuses sur la Marne et à Verdun, Paul Strauss entame son couplet sur la nécessaire convergence et sur la complémentarité des efforts pour combattre la mortalité et pour favoriser les naissances… À un orateur qui évoque l’inaction du gouvernement en la matière, Paul Strauss répond que la situation particulière de la France après la guerre – départements ruinés, retard dans le versement des réparations allemandes, explique largement les choix effectués mais que bientôt, il pourra avancer sur un projet d’encouragement national aux familles nombreuses118. Car en effet, Strauss a sérié ses priorités. Devant la commission des finances du Sénat, le ministre s’était expliqué sur ses choix dès le 23 juin 1922 : il faut tout tenter pour lutter contre la mortalité infantile et notamment élargir la loi Roussel, ce qui représenterait une dépense nouvelle de 10 millions de francs, mais il est impossible de soutenir, à son grand regret, un projet d’« aide nationale aux familles nombreuses » tel qu’il a été déposé car il « entraînerait une dépense de 182 millions de francs, incompatible avec la situation financière du pays119 ». Il s’agirait de plus de la moitié du budget annuel du ministère ! Le projet doit être revu. Le 11 juillet 1923, le parlement adopte une loi d’encouragement national à donner aux familles nombreuses, loi complétant celle adoptée en 1913 (De Luca Barrusse, 2008). Non cumulables avec les autres indemnités pour charges de famille, ces allocations ne sont pas versées aux parents assujettis à l’impôt sur le revenu après déduction pour charges de famille120. Il s’agit d’une allocation annuelle pour chaque enfant de moins de 13 ans, au-delà du 3e enfant121. On le voit, Strauss a accordé sa priorité à la lutte contre la mortalité mais sans négliger le soutien de la natalité par la voie d’une mesure sociale. Par conviction sans doute mais aussi certainement pour ne pas s’aliéner le réseau familialiste qui, au sortir de la guerre, monte en puissance (De Luca Barrusse, 2008).
48En dépit de quelques avancées, force est de constater que les grandes réformes espérées par Paul Strauss, notamment un vaste programme de protection maternelle et infantile, ne se feront pas sous son ministère. À l’exception de la loi d’encouragement national aux familles nombreuses, peu de mesures décisives ont été prises vis-à-vis de l’enfance. Les propositions Strauss (1899), puis Strauss et Dron (1918 et 1920) visant à élargir la loi Roussel de 1874, traînent au parlement pendant des années. Long discours argumenté de Paul Strauss le 20 octobre 1922 devant le Sénat122 :
« Permettez-moi de rappeler qu’il y a vingt-cinq ans, dans cette ville, je déposais avec mes collègues un vœu téméraire et, malheureusement, prématuré, en vertu duquel tous les enfants, toutes les familles de toutes conditions seraient soumises à un protectorat sanitaire. J’ai cru devoir, comme sénateur, et avec l’adhésion de mes collègues et amis, proposer d’introduire dans un texte de loi qui sera discuté d’ici 15 jours une clause, en vertu de laquelle toutes les mères, même les plus opulentes et les plus fortunées doivent faire examiner d’une façon périodique leurs enfants par leur médecin, et en même temps, que des facilités nouvelles et plus grandes soient offertes aux mères dont les ressources seraient insuffisantes, par des consultations pour nourrissons123 ».
49Mais bien qu’adoptée par le Sénat le 23 novembre 1922, la proposition va traîner pendant dix ans pour être finalement rejetée (Rollet, 1990a, p. 265). Il faudra attendre 1935 pour qu’un décret du 30 octobre modifie la loi Roussel en intégrant les consultations de nourrissons (Rollet, 1990a, p. 257-273). De même, l’idée d’un carnet de santé pour tous, idée pionnière s’il en fut que Strauss a soutenu, traînera jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Rollet, 2008). Enfin, l’ambition de Strauss de travailler à la codification des lois protectrices de l’enfance avait été évoquée lors de la session de janvier 1922 du Conseil supérieur de la natalité et de la protection de l’enfance. Le conseil avait même recommandé que le livre premier porte sur l’Enfance abandonnée ou coupable124. Ce projet restera lui aussi dans les limbes. En ce qui concerne la protection de l’enfance, paradoxalement, au vu de sa longue mobilisation depuis le début de sa carrière politique, le ministère de Paul Strauss aura été en retrait de ses ambitions.
VI. Protéger la santé publique
50Autre axe privilégié de l’action menée par le ministère Strauss : la santé publique qui souffre, elle aussi, de la pénurie des moyens et de la faiblesse du ministère de l’Hygiène. Et dans ce domaine comme dans celui de l’enfance, Strauss doit procéder par circulaires pour l’essentiel. Coup sur coup, des circulaires – dont certaines étaient peut-être dans les cartons du ministère avant son arrivée, sont adressées aux préfets concernant le traitement sanitaire des jeunes gens ajournés par les conseils de révision (22 février 1922)125, la vaccination anti-typhoïdique du personnel hospitalier et de la population civile (27 mars 1922)126, la prophylaxie des maladies transmissibles par l’eau (2 avril 1922127 et 8 février 1924128)… Cependant, on retrouve aussi les préoccupations qui étaient les siennes en tant que sénateur avec la circulaire du 10 février 1922 relative à la participation des sociétés de secours mutuels à l’amélioration du logement populaire. Paul Strauss souhaite activer un dispositif qui avait été prévu dans la loi de 1913 mais qui n’avait pu être appliqué. Il s’agit pour les sociétés de secours mutuels de pouvoir effectuer, avec l’aide de l’État, des prêts à leurs adhérents dans les mêmes conditions financières que les sociétés de crédit immobilier. De même, il encourage les comités de patronage des HBM (circulaire du 3 août 1922) à jouer pleinement leur rôle de « propagande » pour créer des habitations et des jardins ouvriers129. Paul Strauss veut encourager toutes les solutions pour résoudre le problème du logement populaire130. Il pense aussi aux familles nombreuses en incitant les HBM à réserver à leur intention un certain nombre de logements, aux « vieillards » en rappelant aux préfets qu’ils doivent mettre en place, de façon claire, le recours auquel les personnes âgées ont droit au titre de la loi de 1905 (circulaire du 1er septembre 1922)131 et aux jeunes ménages en situation précaire (circulaire du 16 février 1923). Dans une perspective clairement nataliste, le ministre suggère aux offices d’HBM de réserver 5 à 10 % de leurs logements pour ces derniers (Frouard, 2010)132.
51Certaines des réformes qu’il comptait mener à bien sont un échec ou quasi, d’autres un succès. Ainsi en est-il de l’inspection de l’hygiène. C’est par la circulaire sur l’organisation des services d’hygiène publique du 31 mars 1922133 que le ministre incite les préfets à mettre en place une inspection de l’hygiène dans leurs départements, à défaut d’une loi nouvelle complétant la loi de 1902. Depuis son arrivée au ministère, cinq conseils généraux ont mis en place une telle inspection, « ce qui porte à quarante le nombre des départements possédant une inspection spécialisée ». Dans vingt autres départements, on peut compter sur le concours d’inspecteurs de l’Assistance publique qui sont docteurs en médecine (De Luca, 2002). Il reste néanmoins trente départements dépourvus de dispositif de contrôle : « tout en constatant avec satisfaction le progrès accompli, nous ne saurions nous en contenter134 ». Dans une circulaire ultérieure, le 22 octobre 1922, le ministre revient à la charge : depuis son premier appel, plusieurs départements ont créé une telle inspection, mais il reste encore des zones non couvertes. Ce sera encore le cas à la fin de son mandat. Paul Strauss n’aura pas pu aller jusqu’au bout de la réforme espérée.
52Mais d’autres mesures parfois modestes sont un succès. Ainsi en est-il de la lutte contre… les mouches. Problème mineur a priori et pourtant la mouche est le vecteur de nombreuses maladies infectieuses (diarrhées, dysenterie, fièvre typhoïde…) ; elle constitue de ce fait un « véritable péril pour la santé publique », notamment pour les petits enfants dans leurs berceaux. Aussi Paul Strauss adresse-t-il aux préfets, le 15 avril 1922 et le 10 juillet 1922, des circulaires destinées à encourager la destruction des mouches domestiques. Il réitère son propos le 8 mars 1923135. Dès avant la guerre, la préfecture de police de la Seine avait fait apposer des affiches pour avertir la population des dangers que présentent les mouches. À partir de 1916, le service de santé militaire avait pris le relais. Par ces nouvelles circulaires, Paul Strauss veut étendre l’action anti-mouches à toute la France. Les régions rurales sont concernées au premier chef par la destruction des œufs et des larves, l’éloignement des fumiers des habitations, l’entretien des écuries, étables, porcheries, poulaillers… Mais c’est aussi la destruction des mouches à l’intérieur des habitations que visent ces circulaires et qui indiquent quelques méthodes pour s’en débarrasser. Le ministre presse les préfets de faire autour du danger qui naît de la mouche une « publicité puissante » et il invite la population tout entière « à coopérer à l’application des plus modestes, des plus utiles mesures de défense sanitaire136 ».
Document 10. L’enseignement de l’hygiène aux enfants

Source : Illustration issue du journal Vers la santé, 6(9), septembre 1922, p. 428. ©Bnf.
53Parmi les réussites du ministre Strauss il faut citer la professionnalisation des infirmières. Le 27 juin 1922, Paul Strauss propose à la signature du président de la République un décret portant institution du diplôme officiel d’infirmière française137. Date importante dans le processus de professionnalisation alors en œuvre dans toute l’Europe. Dans le contexte particulier de la laïcisation des hôpitaux, on avait commencé à se préoccuper de cette question dès la fin du xixe siècle. L’Assistance publique avait créé des écoles d’infirmières hospitalières, les trois sociétés de Croix-Rouge avaient ouvert chacune la leur, différentes écoles privées avaient vu le jour à Paris et en province. La guerre avait démontré combien la formation des soignantes était cruciale (Knibiehler, 1984). Au conseil supérieur de l’Assistance publique, le 26 janvier 1921, Léonie Chaptal, qui avait dirigé dès ses débuts l’école de la rue Vercingétorix, avait présenté un rapport, lequel avait été qualifié de remarquable par la Revue des Établissements de bienfaisance138. La question de l’intégration des diverses formes de l’exercice de la profession (infirmières hospitalières, visiteuses, spécialisées) avait été discutée. Selon Evelyne Diebolt et Nicole Fouché, « Paul Strauss, plus novateur que beaucoup de ses collègues conseillers et sénateurs, est acquis depuis longtemps aux thèses de la réforme nécessaire du nursing français » (Diebolt et Fouché, 2011, p. 225). Dans son rapport accompagnant le décret, il explique combien la médecine moderne, avec ses spécialisations multiples, nécessite des infirmières compétentes d’où la nécessité d’écoles de formation. Comme il n’est pas envisagé de rattacher cette profession à l’université, on maintient les écoles privées et publiques qui existent en leur imposant une procédure de reconnaissance officielle. Pour cela, un conseil de perfectionnement des infirmières est créé dans le but d’établir les programmes de formation, d’examiner les institutions candidates et de leur accorder éventuellement l’accréditation. La délivrance des brevets de capacité permettant de porter le titre d’infirmière est soumise à un stage de formation et à un examen devant un jury accrédité. Le titre couvre les deux grandes spécialités de la profession, les infirmières hospitalières et les infirmières visiteuses.
54Le conseil de perfectionnement des écoles d’infirmières est mis en place dès l’été 1922 par Paul Strauss139 : on y retrouve tous les grands noms de la médecine hospitalière, de la direction des écoles d’infirmières, des sociétés de la Croix-Rouge…140. Les programmes-types sont également arrêtés. La première liste des écoles d’infirmières qui bénéficient de la reconnaissance administrative est publiée par arrêté du 10 octobre 1923141. La profession se dote d’un journal, Infirmière française, revue mensuelle d’enseignement technique et de développement professionnel142. Finalement, le décret du 18 juillet 1924 modifie le précédent décret du 27 juin 1922 en transformant le titre du diplôme obtenu : désormais les titulaires du brevet de capacité professionnelle pourront porter le titre d’infirmière diplômée de l’État français143.
55Comme dans le domaine de l’enfance, en matière de santé publique, Paul Strauss a procédé par piqûres de rappel en s’attachant à rendre plus efficaces et avec un coût modéré des lois importantes. Dans un autre domaine, la lutte contre le cancer, il va véritablement innover.
VII. La lutte contre le cancer, un projet ambitieux
56Paul Strauss s’est en effet engagé dans un grand chantier, un projet ambitieux – et très coûteux, la lutte contre le cancer. Par cette action, il montre la finesse de son analyse des mutations en cours au xxe siècle et son énergie pour sortir des sentiers battus et trouver les financements nécessaires.
57Dans son rapport sur la statistique sanitaire de la France pour l’année 1911144, Léon Mirman, directeur de l’assistance et de l’hygiène publiques, avait déjà observé que la place occupée par le cancer dans le bilan annuel des décès continuait à s’accroître de façon aussi régulière qu’inquiétante en France comme dans les autres pays. « Le cancer a fait, en 1911, écrit-il, à lui seul, plus de victimes que l’ensemble des maladies épidémiques. L’hygiène publique est ici impuissante et le restera tant que la science ne lui aura pas indiqué les moyens d’action qu’elle doit mettre en œuvre145 ». Mirman met le doigt sur un des tournants majeurs de la « transition sanitaire », le passage d’une configuration des décès dominée par les maladies infectieuses à une autre dans lesquelles prédominent les causes accidentelles de décès, les maladies cardio-vasculaires et les maladies de dégénérescence. Le vieillissement de la population consécutif à l’augmentation de l’espérance de vie constitue le facteur central de cette évolution en exposant des nombres de plus en plus importants de personnes à développer la maladie. Le cancer devient d’autant plus visible que la bataille engagée contre certaines maladies infectieuses a remporté un succès certain (variole, typhoïde, diphtérie…).
58De même que, tout jeune conseiller municipal, Strauss s’était enthousiasmé pour les découvertes de Pasteur et avait poussé à mettre en pratique ses initiatives, de même, il s’attache à suivre de près le cancer qui ne cesse de progresser dans le paysage nosologique français et plus largement, dans les pays avancés. Il s’intéresse aux statistiques, comme toujours, mais aussi aux nouvelles thérapies qui permettent de combattre la multiplication des cellules pathogènes. Par rapport aux années 1880, la configuration scientifique et technologique des années 1920 est bien différente, avec les retombées médicales de découvertes fondamentales concernant les rayons X et le radium. En épousant la thèse énoncée par des savants comme Jean-Alban Bergonié ou Gustave Roussy, selon laquelle « le cancer est guérissable » et même, « le cancer peut être évité » (Strauss, 1929, p. 174-175), Paul Strauss le fait entrer dans la catégorie des maladies « curables », même si l’on ignore pour l’instant ses causes. La lutte contre le cancer offre donc au ministre la possibilité de renforcer le volet santé de son ministère et d’imprimer sa marque dans un domaine médical nouveau. Paul Strauss retrouve aussi dans ce secteur des partenaires qu’il a bien connus pendant la guerre, tels Justin Godart ou bien Léon Bérard, chirurgien lyonnais. Il donne rapidement à cette lutte « ordonnée et méthodique » (Ibid., p. 15) une ossature réglementaire et dégage les crédits nécessaires pour ouvrir des centres de soins. Le défi est en effet de rendre des thérapeutiques très coûteuses accessibles à ceux qui n’en ont pas les moyens.
59On s’est demandé pourquoi Paul Strauss et son équipe n’ont pas créé ces centres anti-cancéreux au sein même des hôpitaux publics, instituant des entités distinctes et autonomes dont plusieurs demeurent aujourd’hui, aux côtés des centres hospitalo-universitaires. On peut penser que l’hostilité émanant du secteur libéral de la médecine devant toute intervention nouvelle de l’État dans le secteur de la santé est un élément de réponse. Paul Strauss a dû se rappeler l’énergie avec laquelle les sénateurs s’étaient opposés à la création de postes d’inspecteurs de la santé publique dans le cadre de la loi de 1902. En outre, les hôpitaux publics, d’abord institutions d’assistance, commençaient à peine leur mue, se transformant lentement en établissements de soins, ouverts à toutes les classes sociales. Enfin, l’hôpital public n’était pas un lieu d’excellence en matière de recherche. Or ce fut une des caractéristiques majeures des centres anti-cancéreux.
60Au final, on est surpris par la rapidité des opérations (Pinell, 1992 ; 1987). Le 4 avril 1922, Paul Strauss préside la troisième assemblée générale de la Ligue franco-anglo-américaine contre le cancer, association créée en 1918146 et qui réunit des personnalités diverses du monde national et international de la science, de la médecine et de la philanthropie147. Dans son allocution, il insiste sur la nécessaire complémentarité de la philanthropie et de la science (Pinell, 1987, p. 50). Le 28 avril 1922, Paul Strauss se rend à Bordeaux pour faire une reconnaissance de terrain en vue de créer un premier centre anticancéreux régional148. Dix jours plus tard, le 9 mai 1922, il met en place une commission du cancer, dont font partie des personnalités scientifiques de premier plan comme Claudius Regaud, spécialiste de l’étude des radiations, directeur de la Fondation Curie, Gustave Roussy, anatomopathologiste, qui deviendra directeur de l'Institut du cancer de Villejuif, les prix Nobel Marie Curie (document 11)149 et Henri Becquerel, Auguste Lumière, co-inventeur du cinématographe… La lutte contre le cancer devient une cause nationale de santé publique et le cancer prend place parmi les fléaux sociaux, non sans contestation (Strauss, 1929).
Document 11. Invitation de Paul Strauss à Marie Curie pour la première réunion de la commission du cancer

© Institut Curie, Fonds Marie Curie, AIR LC.MC / Pièce 2288, 6 Juin 1922.
61Le 29 novembre 1922, le dispensaire de la Fondation Curie – reconnue d’utilité publique le 27 mai 1921, est ouvert au 26 rue d’Ulm, sous la direction de Claudius Regaud (Camillieri, 2005, p. 104). Cette ouverture marque une étape essentielle : offrir aux malades de toutes conditions sociales des consultations et des traitements en même temps que sont installés des laboratoires de recherche. Le dispensaire est inauguré par Paul Strauss le 26 décembre 1923150, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le jour même de la commémoration du 25e anniversaire de la découverte du radium sous les auspices du président de la République, Alexandre Millerand151.
62L’extension du dispositif anticancéreux est en marche puisque, le 25 novembre 1922, Paul Strauss a adressé à tous les préfets une circulaire qui fixe les grands principes de fonctionnement des dix premiers centres anticancéreux régionaux. Cette circulaire, largement inspirée par Claudius Regaud et Jean-Alban Bergonié (Pinell, 1992, p. 163), deux médecins électro-thérapeutes, constitue la première réflexion sur les objectifs et l'organisation des centres de lutte contre le cancer, lesquels doivent poursuivre trois buts : la recherche, les traitements thérapeutiques et l’enseignement. Elle fixe les principes selon lesquels un centre de lutte contre le cancer pourra être reconnu comme tel par le ministère et subventionné par lui. La place de la recherche est centrale dans le dispositif, aussi les centres ne devront être créés que dans des villes ayant une faculté ou une école de médecine. Le coût lié aux hautes tensions nécessitées par la radiothérapie (200 000 volts au minimum) et au prix du radium constitue aussi un grand sujet de préoccupation qui montre qu’on est entré dans l’ère de la « médecine lourde ». Ces deux facteurs, l’importance de la recherche et coût du traitement, expliquent que le nombre des centres ne puisse être que limité152. L’idée est de rentabiliser au maximum les installations en soumettant aux séances de traitements, après un diagnostic qui doit être précoce, un nombre important de malades qui seront ensuite renvoyés chez eux et rappelés à une date fixée par l’équipe médicale, ce qui suppose un suivi à domicile des patients. Le centre ressemblera donc davantage à un dispensaire avec traitements ambulatoires qu’à un hôpital admettant des malades en long séjour, une rupture importante par rapport au système hospitalier traditionnel. Du reste, pour chaque centre, il est prévu une vingtaine de lits seulement. Un service chirurgical doit être annexé, ou bien fonctionner en coopération avec le centre. Enfin, les centres comprendront une équipe pluridisciplinaire composée d’un clinicien, d’un chirurgien, d’un médecin électricien et d’un physicien (Strauss, 1924, p. 16-19). Ces choix renvoient à la volonté de soustraire ces entités à la domination exclusive des cliniciens et des chirurgiens, mais aussi à celle de privilégier comme clientèle des centres régionaux les personnes non solvables153, ce qui permet de délimiter l’espace entre secteur privé et secteur public, un débat central de l’entre-deux-guerres (Pinell, 1987, p. 56-57). Un double enjeu, professionnel mais aussi social, définit donc le champ des centres anticancéreux en 1922.
63Un cadre est donc fixé au développement des centres anticancéreux154, résultant en particulier de l’expérience du Service de santé des armées pendant la guerre. À partir de l’année 1923 sont créés les premiers centres régionaux de lutte contre le cancer, sur le modèle du dispensaire de la Fondation Curie. Durant le mandat de Paul Strauss, dix centres verront le jour en province (Pinell, 1992 : 180) et lui-même en inaugurera cinq en province et quatre à Paris (voir les photos). Ainsi le 12 février 1923, il inaugure le « premier centre régional contre le cancer » à Bordeaux (Strauss, 1924). Il ne manque pas de prolonger sa visite et d’honorer de sa présence des institutions ou établissements dans son périmètre de compétence, symptomatique de ses préoccupations : des cités-jardins, des logements ouvriers, des crèches… (Ibid., p. 33-49).
64Le 23 mars 1924, Strauss inaugure le centre de Toulouse qui portera son nom. Comme à l’accoutumée, et pour tenir les deux pôles de son ministère, la santé et l’action sociale, il en profite pour visiter des œuvres toulousaines d’hygiène sociale155. Comme toujours, on déroule le tapis rouge pour le ministre (encadré 2).
Encadré 2. L’Arrivée du ministre
Le train ministériel doit arriver en gare à 8 heures 25 du matin. Depuis plus d'une demi-heure, des détachements du 83e régiment d'infanterie et de gendarmerie à cheval forment le carré devant le quai extérieur de la gare. La musique militaire, sous les ordres de M. le capitaine Hardit, est au grand complet. Les troupes sont placées sous les ordres de M. le général Junca, chef d'État-Major du 17e Corps d'armée. Le hall de sortie a été transformé en un vaste salon de réception ; de grands tapis rouges ont été tendus, et des plantes vertes constituent avec des trophées tricolores une décoration sobre et de bon goût. Sur le quai extérieur veille un discret service d'ordre, et un détachement de gendarmes à pied forme une garde d'honneur sur les lieux où stoppera, dans quelques instants, le train ministériel.
Nous notons la présence de M. Vignolle, Commissaire central, officier de la Légion d’honneur ; M. Noguès, Commissaire spécial ; M. Jahdèbes, inspecteur de la police municipale, et de nombreux inspecteurs de la police municipale et commissaires de police.
À 8 heures l'automobile de M. Paul Feuga, maire de Toulouse, sénateur de la Haute-Garonne, arrive, presque immédiatement suivie de celles de M. le Préfet et de celle reconnaissable à son fanion de M. le général Pont, commandant du 17e Corps. M. le Préfet est accompagné de Me Paul Second, de Mes Dresch et Bergonié et de M. Castanet, Secrétaire général de la préfecture. M. le. Général Pont est accompagné de M. le capitaine Carenal, son officier d'ordonnance. Lorsque le général Pont apparaît, les tambours battent aux champs et les troupes présentent les armes.
Après un retard de quelques minutes, le train ministériel entre en gare. Aux personnalités déjà citées qui vont à la rencontre du Ministre, il convient d'ajouter M. le doyen Abelous, de la Faculté de Médecine ; MM. Blaignan et Duchein, sénateurs ; M. Domergue, premier adjoint au maire ; M. Daniel Baqué, chef de cabinet de M. Paul Laffont et représentant spécialement M. le sous-Secrétariat d'État aux P. T. T. ; M. Marie, directeur du Centre régional.
M. Paul Strauss est accompagné de Me Paul Strauss et de son chef de cabinet, M. le Dr Filassier.
Dès que le Ministre paraît à l’extérieur de la gare, la Marseillaise retentit, des applaudissements se font entendre et le cortège, formé de sept automobiles, se rend tout de suite à la Préfecture, par la rue Bayard, les boulevards et la rue de Metz. »
Source : Paul Strauss, 1925, Inauguration du contre régional de Toulouse pour la lutte contre le cancer et visite des œuvres toulousaines d’hygiène sociale par M. Paul Strauss, Ministre de l’hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales, 23 mars p. 18.
65Un programme chargé de visites et de discours attend le ministre, sans oublier le grand banquet du déjeuner. Accompagné par les notables, des journalistes, et « un groupe gracieux de femmes intrépides, parmi lesquelles Mmes Strauss, Second, Feuga, Claude-Marty », le ministre visite des œuvres d’assistance et d’hygiène sociale : l’Office départemental des Pupilles de la Nation (Faron, 2003 ; Strauss, 1925), la Maison municipale des Mères – qui vient d’être créée dans « un petit chalet de bois et de briques » adossé à l’Arsenal, le dispensaire d’hygiène sociale, la Goutte de lait, mais il n’oublie pas les malades et visite l’ancien Hôtel-Dieu qui va bientôt être remplacé par le tout nouvel hôpital suburbain de Purpan. Les visites sont entrecoupées par la réception officielle au Capitole avec discours du maire et de Paul Strauss, puis par le déjeuner au Grand Hôtel. On retiendra le discours de Paul Feuga, sénateur-maire de Toulouse, qui trace un portrait très flatteur et précis de l’activité de Paul Strauss depuis sa première élection en 1883 (Strauss, 1925, p. 20-21). Autre hommage du doyen de la faculté de médecine, Abelous, qui souligne :
[sa] fermeté et [sa] franchise dans l’expression de convictions fondées sur l’impartiale observation des faits […], le souci constant d’améliorer les conditions de vie des humbles et des déshérités […]. Vous apparaissez aux yeux de tous comme l’apôtre de l’hygiène sociale. Aussi, réalisez-vous sans peine, autour de votre personne et de l’œuvre si nécessaire au salut de la France que vous poursuivez, l’union sacrée des bons citoyens qui se rendent compte que le premier des devoirs, c’est la défense et la sauvegarde de la race, après les immenses sacrifices que la France a dû consentir (Strauss, 1925, p. 23).
66La journée se poursuit par l’inauguration du pavillon du centre anti-cancéreux Paul-Strauss. À la différence des précédents centres, c’est ici un bâtiment tout neuf, indépendant, entièrement dédié à la lutte contre le cancer, que Paul Strauss inaugure. Le soir, une cérémonie officielle se tient dans le grand amphithéâtre de la faculté de médecine. Cérémonie émouvante au cours de laquelle le doyen Abelous rend hommage à Jean-Alban Bergonié en lisant la citation qui accompagne sa promotion au grade de grand officier de la Légion d’honneur (12 septembre 1923), sur le rapport de Paul Strauss, décoration qui lui sera remise à l’Élysée par le président de la république lui-même le 3 novembre 1923156. Bergonié, qui a été amputé d’un bras, répond avec la hauteur de vue et la fougue qui le caractérisent en évoquant ce « Ministère de l’hygiène que des fous veulent supprimer, mais que nous voulons, et tout le peuple avec nous garder et développer. Son existence touche à l’existence même de notre pays, parmi les grandes nations ». Il termine par ce mot historique : « le cancer, nous l’aurons ». Enfin, dernier discours de Strauss qui souligne combien dans une telle lutte, la coopération de tous est vitale : pour que ces centres soient pleinement actifs, il faut que les collaborations soient puissantes, nombreuses, que toutes les initiatives publiques et privées coordonnent leurs efforts pour financer la recherche et « réagir contre la misère de nos laboratoires157 ».
67Ces visites ministérielles sont symboliques de l’action de Strauss : il s’agit de lancer la lutte contre le cancer et là, le ministre saisit une conjoncture exceptionnellement favorable pour le faire en dépit de la faiblesse structurelle de son ministère. Mais il s’agit aussi de tenir bon sur cette autre facette de la santé publique, l’action sociale, sans laquelle une politique de santé est bancale, parce qu’il lui manque les moyens de l’accompagnement des malades et de la prise en charge des facteurs sociaux de la santé comme le logement, le manque de ressources financières ou culturelles. Car bien des actions sont encore à mener : remplacer les taudis par des logements neufs et adaptés, accueillir les femmes et les enfants en détresse, les éduquer et les instruire. Telles sont quelques-unes des actions qui, selon Paul Strauss, sont susceptibles de soutenir une véritable politique de santé publique. En cela, il est un précurseur, déjà persuadé de l’importance de ce que l’on appellera plus tard les « déterminants de la santé ». Son livre Pour la vie et pour la santé, publié en 1929, synthétise ses idées et témoigne de cette conception globale de la santé.
68Pour aider financièrement les nouveaux centres anticancéreux, « Paul Strauss fait adopter une loi le 30 juin 1923 qui accorde des subventions sur les fonds du Pari mutuel pour l’achat d’appareils de radiothérapie profonde et de radium, faisant ainsi, pour la première fois, figurer le cancer dans le budget de l’État » (Pinell, 1987, p. 58). En outre, il fait voter par le parlement « un premier crédit de cinq millions pour que l’État […] participe à l’acquisition du Radium158 ». Le lendemain du jour où il quitte ses fonctions, le 30 mars 1924, le Centre régional de lutte contre le cancer de Strasbourg devient le Centre Paul-Strauss, par arrêté ministériel.
69Deux ans ont suffi au ministre pour doter la France d’une première infrastructure de lutte contre le cancer, dix centres régionaux ont été ouverts, sans compter Paris. Strauss a su saisir l’opportunité et solliciter le réseau adéquat, rattrapant ainsi son retard par rapport à d’autres pays industrialisés159. On voit donc que, sous le ministère Strauss, aux côtés et indépendamment des fléaux déjà identifiés comme la mortalité infantile, l’alcoolisme, les maladies vénériennes ou la tuberculose, émerge, au plus haut niveau de l’État, la question du cancer. Sa spécificité impose un programme d’ensemble, donc une intervention directrice de l’État dont Strauss a donné la première et décisive impulsion (Pinell, 1992).
VIII. Le bilan d’un ministère
70L’enfance malheureuse, qui a été la préoccupation peut-être première, en tout cas constante de Paul Strauss, l’a conduit à se préoccuper d’hygiène sociale, sous toutes ses facettes, la dépopulation, la puériculture, l’assistance – puis l’assurance sociale, les pauvres et les mendiants, les habitations à bon marché, la protection de la santé publique, le foyer populaire, la vie et la santé, en somme. Le cheminement de ses préoccupations s’accompagne de la publication de livres qui en rendent compte : L’Enfance malheureuse, 1901 ; Dépopulation et puériculture, 1902 ; La loi sur la protection de la santé publique, 1902 (avec Filassier) ; Assistance sociale, pauvres et mendiants, 1903 ; La croisade sanitaire, 1903 ; Les habitations à bon marché, 1905 ; Le foyer populaire, 1913. Après son ministère, il écrit en 1929 Pour la vie et pour la santé160 à 77 ans, puis en 1934 ses Souvenirs.
71Paul Strauss est à la fois spectateur et acteur de la transition épidémiologique que sont en train de connaître la France et les pays industrialisés, le passage des maladies infectieuses aux maladies de dégénérescence comme causes prédominantes de mortalité. Conscient du péril infectieux après l’épidémie de grippe espagnole en 1918, le ministre n’hésite pas à soutenir l’engagement de la France dans la lutte contre le typhus à l’est de l’Europe. Il participe, le 9 juillet 1923, à l’inauguration de la plaque commémorative d’André Chantemesse, champion de la lutte contre la typhoïde, sur la façade de sa maison natale au Puy. Par ailleurs, il co-organise avec faste le centenaire de Pasteur161. Mais, conscient des évolutions en cours, Paul Strauss a lancé la France dans la grande bataille contre le cancer, une expérience novatrice et prémonitoire.
72Autre aspect de l’innovation : Paul Strauss réunit, deux fois par an dans son bureau, une commission sanitaire interministérielle qui comprend, sous sa présidence, des fonctionnaires, et des représentants des ministères des Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine et des Colonies, de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc. Les participants échangent des renseignements sur les questions intéressant la santé publique et sur la coordination des mesures propres à en assurer la protection162. Par ailleurs, son ministère s’étend géographiquement en étant présent dans les congrès de la mutualité ou de la santé coloniale et en signant des traités de réciprocité avec des pays comme l’Italie, la Belgique, la Tchécoslovaquie, la Pologne ou le Luxembourg163.
73En deux ans, deux mois et quatorze jours de ministère164, Paul Strauss aura pu faire avancer de nombreux dossiers. Il est présent sur tous les fronts de la santé et de la protection sociale. Comme le dit Georges Rondel à la fin de ses fonctions ministérielles, non seulement le ministère n’a pas été supprimé165 mais sa physionomie s’est fixée « en traits précis », grâce à la personnalité de son titulaire : homogénéité de la direction de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, consistance accrue de la direction de la Mutualité et de la Prévoyance, réorganisation de l’inspection générale des services administratifs166. Il a certes mené à bien une partie de son programme, en particulier en faisant entrer le cancer dans la catégorie des fléaux sociaux et en mobilisant des moyens financiers et réglementaires pour le contenir. Mais ce sont ses successeurs qui, de 1924 à 1930, réunissant entre leurs mains le Travail, l’Hygiène, l’Assistance et la Prévoyance sociales, accomplissent les grandes réformes des habitations à bon marché (1928)167 et surtout des assurances sociales (1928) et des allocations familiales (1932). La santé publique est la parente pauvre du ministère et il faut attendre 1930, pour qu’elle redevienne, avec Désiré Ferry, un ministère autonome. Justin Godart en est le ministre pendant six mois en 1932 et la cancérologie de pointe connaît alors une concentration de plus en plus poussée, en particulier en matière de recherche, mais aussi une ouverture à toutes les catégories sociales (Pinell, 1987, p. 61-62). Paul Strauss apporte à son collègue Justin Godart, qu’il a bien connu pendant la guerre, tout le soutien qu’il peut lui offrir168. Mais les difficultés demeurent, aggravées par la dépression économique des années 1930.
74Si l’action de Paul Strauss a été maintes fois saluée par ses contemporains, retenons celle du commissaire général de la République, Alapetite, qui estime que le ministre s’est placé « au-dessus » de la politique169 » :
Il y a […] un homme que je gênerais peut-être en lui disant qu’il est sorti des luttes de la politique : c’est M. le Ministre de l’Hygiène et de l’Assistance, qui est encore et qui demeurera longtemps, je l’espère, un des membres les plus intéressants du parlement français comme sénateur. Il n’a pas le droit de dire que la politique lui est devenue indifférente, mais nous savons tous qu’il a su placer son œuvre ministérielle en dehors et au-dessus des préoccupations de la politique [appl.] et que ni sa personne, ni sa fonction, ni la clientèle si intéressante qu’il protège ne sont aujourd’hui discutées170.
75Ce point de vue renvoie probablement au fait que Paul Strauss, tout en ayant un long passé parlementaire lorsqu’il devient ministre, ne fait pas partie de ce « noyau gouvernemental » dont parle Mattei Dogan, noyau qui explique, au-delà de l’apparente instabilité ministérielle de la Troisième République, la remarquable longévité du régime (Dogan, 2003, p. 315-321 ; 1953 ; 1967). Paul Strauss a-t-il représenté une toute autre figure, celle d’un parlementaire plus expert que politique, qui n’a été appelé au pouvoir qu’une seule fois dans sa vie, plutôt tardivement et à la tête d’un ministère récent, donc fragile ? Mais cette affirmation du commissaire général de la République ne renvoie-t-elle pas aussi au fait que Paul Strauss, comme ses deux collègues radicaux ayant participé à ce gouvernement Poincaré, a été amené à prendre ses distances par rapport au parti radical ? À mesure que la position de ce parti évolue vers l’opposition au gouvernement Poincaré, en effet ces trois personnalités, sans jamais avoir été désavouées par leur parti au cours de l’année 1922 (Berstein, 1980, p. 361), ont dû faire leur choix. C’est ce qui se passe en juin 1923, au moment de l’occupation de la Ruhr, du fait de l’échec de la conférence interalliée de Paris, ce qui met le parti radical dans l’embarras. Sommés de choisir entre leur participation au cabinet et leur appartenance au parti radical, les trois ministres ou secrétaires d’État, Albert Sarraut, Pierre Laffont et Paul Strauss, n’hésitent pas : ce sera leur maintien au gouvernement. Les trois prises de position sont claires et convergentes (Mayeur, 1984, p. 266). Retenons ici celle de Paul Strauss : « Je reste avec fierté membre du gouvernement que préside M. Poincaré, dont j’approuve sans réserve la politique171 ». Strauss reste fidèle à Poincaré depuis les liens tissés dans les années 1880 quand le président du Conseil était son « grand confrère » en journalisme. Mais lorsque le Cartel des gauches sort victorieux des législatives en juin 1924, Paul Strauss est l’un de ceux qui rend visite au président Millerand pour tenter de « constituer un cabinet de gauche… malgré la gauche », comme le titre La Lanterne du 7 juin 1924. Millerand sera néanmoins contraint de démissionner. Malgré, peut-on dire, ce passage par ce cabinet, Paul Strauss, « vieux compagnon de Gambetta », reste de ces républicains « classés à gauche qui avaient de bonnes relations avec les socialistes et dont les préoccupations sociales étaient reconnues » (Candar, 1994, p. 68).
76À travers une figure comme celle de Paul Strauss, c’est tout le paradoxe de la Troisième République qui apparaît : une république en effet, selon la thèse de Mattei Dogan, qui a montré une dynamique interne lui permettant de défier les événements et de survivre pendant 70 ans (Dogan, 1953). Mais qui renvoie aussi au poids de ce noyau dur du gouvernement, qui a fait la gloire et les limites du système, dont n’a pas fait véritablement partie Paul Strauss, devenu une seule fois ministre et sur le tard.
Notes de bas de page
1 Le Figaro, Le Temps, 16 janvier 1922.
2 Pathé Gaumont Archives, PJ 1922 3 8, Journal Actualité, Pathé, 47 sec., noir et blanc, muet, « La crise ministérielle », 18 janvier 1922.
3 Le xixe siècle, 18 janvier 1921.
4 Le Temps, 16 janvier 1922.
5 L’Humanité, 16 janvier 1922.
6 Revue des établissements de bienfaisance et d’assistance, mars-avril 1922, 2, p. 83. La revue, pourtant, avait été plus que critique à l’annonce de la création de ce nouveau ministère dont le premier titulaire avait été, en 1920, le député Jules-Louis Breton (op. cit. ; janvier-février 1921, 1, p. 1-4). Elle avait néanmoins applaudi à la première mesure décidée par le ministre, la création d’un Conseil supérieur de la natalité.
7 Revue philanthropique, 297, mai 1922, p. 185. La formule sera reprise plus tard par le professeur Marfan.
8 Revue des établissements de bienfaisance, 1922, p. 117 ; Le Temps, 7 mars 1922 ; La Presse médicale, 11 mars 1922, p. 406-407.
9 Revue philanthropique, 305, janvier 1923, p. 35-39 ; 306, février 1923, p. 86-93.
10 Alliance d’hygiène sociale, Congrès de Rouen, octobre 1922, p. 200-212.
11 Sur les difficultés budgétaires de ce jeune ministère, voir Ziegler, 1980. p. 15-20. Christine Moissinac et Yves Roussel estiment que le premier budget du ministère entre les mains de Jules-Louis Breton devait représenter, en 1920, 2 % du budget ordinaire de la France (Moissinac et Roussel, 2010, p. 172).
12 Revue philanthropique, 297, mai 1922, p. 187.
13 Revue philanthropique, 293, janvier 1922, p. 40.
14 Revue d’hygiène, 1923, 45, p. 1042-1047.
15 Paul Strauss, Le problème de l’hygiène en France, Vers la santé, 4(11), novembre 1923, p. 28.
16 Les sources utilisées dans ce chapitre sont pour l’essentiel imprimées, soit issues du Journal officiel, soit de revues. Les Archives nationales ne conservent pas la trace des conseils des ministres avant la création du secrétariat général du gouvernement. C’est en 1934 que Gaston Doumergue en préconise la constitution pérenne. Nous remercions Vivien Richard pour ces informations. Une exception cependant concerne certaines archives émanant de membres du cabinet de Paul Strauss. Il s’agit des archives Charles Strauss conservées par la famille Goudchaux. Nous remercions Francis Goudchaux d’avoir permis de prendre connaissance des archives de Charles, René-Raoul et Gérard Strauss, archives pillées par les Allemands au domicile de Gérard Strauss pendant la guerre et emportées à Berlin, puis transférées par les Russes à Moscou et enfin restituées aux Archives nationales puis à la famille. Les dossiers de Charles Strauss (226 1 à 5), de René-Raoul Strauss (225 1 à 9) et de Gérard Strauss (228 1 242 et 243) ont été consultés. C’est la liste des Archives nationales dénommée « Fonds russes » qui a permis d’avoir connaissance de ce fonds. Ces archives sont ici désignées par Archives [prénom] Strauss.
17 Paul Strauss le dit expressément devant le conseil supérieur de l’Assistance publique le 25 janvier 1922 (Revue philanthropique, 296, avril 1922, p. 161-162). Michel Touveret dénombre 450 agents du ministère, dont 150 en administration centrale (Touveret, 1980, p. 538).
18 Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 201.
19 Revue philanthropique, 305, janvier 1923, p. 59.
20 Alliance d’hygiène sociale, Congrès de Rouen, octobre 1922, p. 215.
21 Revue philanthropique, 303, novembre 1922, p. 574.
22 Ibid., p. 575-576.
23 Archives du Sénat, 14 S 64, 20 avril 1923.
24 Revue philanthropique, 296, avril 1922, p. 163.
25 Dans un cabinet plus réduit, René-Raoul Strauss et Serge Veber sont toujours en poste en mai 1923. Coterel et Domenger sont chefs-adjoints tandis que deux nouveaux sont attachés, de la Renaudie et Descazals (Revue philanthropique, juin 1923, p. 320.
26 Filassier a écrit d’autres ouvrages, dont De la détermination des pouvoirs publics en matière d’hygiène, Paris, Jules Rousset, 1900. Il est promu chevalier de la Légion d’honneur en 1914 et officier en 1921 (AN, base Léonore).
27 Archives René-Raoul Strauss, 225-1-4, folios 34-52. Bulletin de l’Amicale des collaborateurs et anciens collaborateurs des cabinets et des ministères, 1923, p. 33.
28 Une circulaire ministérielle du 22 février 1922 leur recommande de consacrer leurs excédents aux œuvres de prévoyance et hygiène sociales.
29 Archives du Sénat, 69 S 210, 22 janvier 1922.
30 Archives du Sénat, 69 S 210, 8 février 1922.
31 Revue des établissements de bienfaisance, janvier-février 1923, 1, p. 7-23. Louis Hudelo (1868-1945), juriste, est un fonctionnaire qui a fait sa carrière dans la préfectorale. Il est nommé directeur de la santé publique et de l’hygiène sociale, de l’assistance et de la prévoyance sociales, le 3 septembre 1921, par Leredu.
32 Ibid., p. 31-32.
33 Revue philanthropique, 310, juin 1923, p. 320-330.
34 Revue des établissements de bienfaisance, juillet-août 1922, 4, p. 152-155 ; Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 280-284.
35 Revue philanthropique, 299, juillet 1922, p. 351-352. Pendant son ministère, ces trois conseils supérieurs se tiendront de la même manière successivement plusieurs jours de suite (Revue philanthropique, 320, avril 1924).
36 Revue philanthropique, 311, juillet 1923, p. 365-368.
37 Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 141 ; 308, avril 1923, p. 169.
38 Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 191-193.
39 Dr Germaine Poudensan, « Puériculture. Ce qu’est une fédération des œuvres d’assistance infantile », Pédiatrie, 12(7), juillet 1923, p. 106-109.
40 Revue philanthropique, septembre-octobre 1923, 5, p. 262-264 ; Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 198-209 ; Revue philanthropique, 311, juillet 1923, p. 416.
41 Journal officiel, 31 mars 1923, p. 3280.
42 Paul Strauss cite dans sa circulaire les conseils suivants : commission départementale d’assistance, commission départementale de la natalité, conseil départemental d’hygiène, comité de protection des enfants du premier âge, conseil de famille des enfants assistés, comité » de patronage des habitations à bon marché et de la prévoyance sociale, comité départemental d’assistance aux tuberculeux, office public d’hygiène sociale éventuellement.
43 Journal officiel, 31 mars 1923, p. 3280 ; Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 212-215.
44 Cérémonie à l’Institut Pasteur en l’honneur de Paul Strauss, 20 décembre 1924, p. 13. Mêmes propos prononcés par Risler lors du congrès de Rouen de l’Alliance d’hygiène sociale. Alliance d’hygiène sociale, Congrès de Rouen, 13-16 octobre 1922, p. 200-212.
45 Exemple des inspecteurs de l’assistance publique (voir De Luca, 2002)
46 Exemple des médecins des sanatoriums publics (décret du 15 juin 1923), Revue philanthropique, 312, août 1923, p. 412-414.
47 Toute une série de circulaires sont envoyées sur ces sujets au cours de l’hiver 1923-1924 (Revue philanthropique, 319, mars 1924, p. 129-140).
48 Revue philanthropique, 314, octobre 1923, p. 528-533.
49 La Revue des établissements de bienfaisance publie non seulement les questions mais aussi les réponses. Revue philanthropique, 6, novembre-décembre 1923, p. 283-284.
50 Revue des établissements de bienfaisance, 5, septembre-octobre 1923, p. 206-207.
51 Archives de l’Académie nationale de médecine, Fonds Achard.
52 Revue philanthropique, 316, décembre 1923, p. 589-590 ; 616-619.
53 AN, base Leonore, 19800035/1485/72616.
54 Revue des établissements de bienfaisance, mai-juin 1924, 5, p. 158-167.
55 Revue philanthropique, 296, avril 1922, p. 182.
56 René-Raoul Strauss est promu commandeur de la légion d’honneur par décret du 25 septembre 1923 (Revue philanthropique, 313, septembre 1923, p. 475). Dequidt sera plus tard affecté au Conseil supérieur de la natalité.
57 Revue philanthropique, 2, mars-avril 1922, p. 50-51 ; Revue philanthropique, 294, 15 février 1922, p. 41-47 ; Le Temps, 27 janvier 1922.
58 Voir par exemple, Revue philanthropique, 304, décembre 1922, séance du 28 juin 1922, p. 609-611 ; Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 140-143 ; Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 165-171 ; Revue philanthropique, 320, avril 1924. Son discours de janvier 1923 occupe six pages et demie de la revue.
59 Revue philanthropique, 296, avril 1922, p. 170.
60 Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 269-273.
61 Le Musée social, XXIXe année, 9, septembre 1922, p. 313-316. Sur le Musée social voir Horne, 2004.
62 Le Temps, 6 novembre 1922.
63 Vers la santé, 3(12), décembre 1922, p. 565-569. L’article donne une description très vivante et suggestive de la vie de l’association.
64 Revue des établissements de bienfaisance, 4, juillet-août 1922, p. 168-169. La revue évoque un congrès d’hygiène sociale mais c’est bien un congrès d’assurances sociales dont il s’agit.
65 Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 292-294.
66 Le Temps, 24 juillet 1922.
67 Livre d’or de l’Exposition internationale de la protection de l’enfance, 1928, p. 120.
68 Revue des établissements de bienfaisance, 6, novembre-décembre 1922, p. 243 ; Le Temps, 10 septembre 1922.
69 Alliance d’hygiène sociale, Congrès de Rouen, octobre 1922, p. 200-212.
70 Alliance d’hygiène sociale, op. cit. p. 218-226.
71 Le Phare de la Loire, 5 juin 1923.
72 Le Temps, 19 septembre 1922.
73 Le Temps, 18 septembre 1922.
74 La Revue philanthropique couvre tout le voyage présidentiel de Paris à Strasbourg, Revue philanthropique, 310, juin 1923, p. 295-314.
75 Archives de l’Institut Pasteur, DR.CR 4. Le centenaire de Pasteur à Bruxelles. Séance solennelle au palais des académies, L’Étoile belge, 21 janvier 1923.
76 Archives de l’Institut Pasteur, DR.CR 4.
77 Certains manuscrits ou textes tapés à la machine paraissent avoir été corrigés sous sa dictée ou même parfois de sa main.
78 Il s’agit d’un discours prononcé dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne aux Joailliers et Bijoutiers à propos de leur orphelinat, 1922 (Archives René-Raoul Strauss, 225 1 9, folios 86-87, 90-91, 180-181, 260-262, 263-266, 331-335).
79 Archives René-Raoul Strauss, 225-1-3, folios 79-81.
80 Circulaire du 6 mars 1922.
81 Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 286-289 ; Revue des établissements de bienfaisance, juillet-août 1922, p. 165-167.
82 Revue des établissements de bienfaisance, septembre-octobre 1922, p. 197-200.
83 Journal officiel, 15 novembre 1923, p. 10730.
84 Revue des établissements de bienfaisance, janvier-février 1924, 1, p. 51-53 ; Revue philanthropique, 306, février 1923, p. 115-116.
85 Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 270-271.
86 Journal officiel, 28 décembre 1922, p. 12375 ; Pédiatrie, 12(2), février 1923, p. 31-32 ; Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 152-156.
87 Revue des établissements de bienfaisance, 12(2), février 1923, p. 31-32.
88 Revue philanthropique, 311, juillet 1923, p. 352-355.
89 Revue philanthropique, 309, mai 1923, p. 243-248.
90 Premier congrès international des écoles de plein air en la faculté de médecine de Paris, 24-28 juin 1922.
91 Ministère de l’Intérieur, Inspection générale des services administratifs, Rapport d’ensemble, 1923, « Colonies de vacances et œuvres de plein air », par M. le Dr Dequidt, inspecteur général et Mme Gevin-Cassal, inspectrice générale, Journal officiel, 19 janvier 1923, p. 75-142.
92 Le terme est explicitement utilisé dans son discours lors de l’assemblée générale de la Fondation Pierre Budin (Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 272).
93 Revue philanthropique, 298, juin 1922, p. 284-286. Devant la commission des finances du Sénat, Paul Strauss explique sa politique sur ce point (Archives Sénat, 14 S 59, 23 juin 1922).
94 Revue philanthropique, 302, octobre 1922, p. 510-511.
95 Revue philanthropique, 313, septembre 1923, p. 465-474.
96 Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 141.
97 Revue philanthropique, 299, juillet 1922, p. 337-340. Il s’agit de placer l’instance de recours au niveau intermédiaire du département plutôt qu’à celui de la commune ou de l’État dans le cas de l’AMG et de l’assistance des femmes en couches.
98 Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 197-209 ; Revue philanthropique, 321, mai 1924, p. 245-247.
99 Revue philanthropique, 321, mai 1924, p. 227.
100 Ibid., 230-242.
101 Revue philanthropique, 315, décembre 1923, p. 626-628.
102 On peut lire ce texte d’alarme dans la revue Vers la santé, 3(1), janvier 1922, p. 29-31.
103 Voir par exemple celle du 17 décembre 1922, avec discours de Lesage, Strauss : Revue philanthropique, 303, novembre 1922, p. 544-545 ; 304, décembre 1922, p. 606-608 ; 305, janvier 1923, p. 36-39 ; 306, février 1923, p. 86-93.
104 Revue philanthropique, 310, juin 1923, p. 318.
105 Revue philanthropique, 312, août 1923, p. 419-422.
106 Revue des établissements de bienfaisance, septembre-octobre 1923, 5, p. 210-212.
107 On retrouve dans ces conseils toute la difficulté, depuis des décennies, des médecins traitants placés devant la contradiction de l’intérêt des enfants et de celui des familles (Sherwood, 2010)..
108 Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 196-197.
109 Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 143.
110 Revue philanthropique, 321, mai 1924, p. 227-229.
111 Mulon et Rouèche, « Puériculture. Hygiène sociale de la mère et de l’enfant (1921-1922) », Pédiatrie, 12(8), août 1923, p. 123-125.
112 Pédiatrie, 12(4), avril 1923, p. 60-61 ; Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 220-221.
113 Notamment La future maman. Film de puériculture, 1925. Ce film est signalé dans « Un cours de puériculture par l’image », Vers la santé, mars 1925, p. 112 ; septembre 1925, p. 368-374. Le scenario est reproduit en totalité dans l’ouvrage de Devraigne (Devraigne, 1928, p. 137-157).
114 Revue d’hygiène et de police sanitaire, 1922, 44, p. 1059.
115 Revue philanthropique, 306, février 1923, p. 87. On ne retrouve pas exactement ce texte dans son allocution du Congrès de la natalité de Tours (Quatrième congrès national de la natalité tenu à Tours du 21 au 24 septembre 1922, Compte rendu, Tours, 1923, p. 48-51).
116 Ibid., p. 49-50.
117 Revue philanthropique, 311, juillet 1923, p. 406.
118 Revue philanthropique, 310, juin 1923, p. 314-316.
119 Archives du Sénat, 14 S 59, 23 juin 1922.
120 Loi du 22 juillet 1923, Revue des établissements de bienfaisance, janvier-février 1924, 1, p. 23-25.
121 Revue philanthropique, 314, octobre 1923, p. 517-519. Le décret portant règlement d’administration publique est publié le 27 février 1924.
122 Pédiatrie, 11(11), novembre 1922, p. 156-159 ; Rollet, 1990a, p. 267-268.
123 Alliance d’hygiène sociale, Rouen, octobre 1922, p. 223-225.
124 Revue philanthropique, 313, septembre 1923, p. 190.
125 Revue philanthropique, 297, mai 1922, p. 222-223. Il s’agit aussi bien de lutter contre la tuberculose que contre les maladies vénériennes.
126 Ibid. p. 235-236.
127 Revue philanthropique, 299, juillet 1922, p. 331-333.
128 Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 197-199. Cette circulaire du 8 février 1924 prend la forme d’une véritable enquête sur l’état des travaux d’assainissement et l’amenée d’eau dans les communes du département en distinguant, pour les communes touchées par la fièvre typhoïde, celles qui ont entrepris de tels travaux et celles qui ne l’ont pas fait.
129 Revue philanthropique, 301, septembre 1922, p. 443-445.
130 Revue philanthropique, 296, avril 1922, p. 170-172.
131 Revue philanthropique, 302, octobre 1922, p. 511-513.
132 Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 158-159.
133 Revue philanthropique, 297, mai 1922, p. 232-235.
134 Revue d’hygiène, 1923, 45, p. 1043-1044.
135 Revue philanthropique, 312, août 1923, p. 422-423.
136 Revue d’Hygiène, 1922, 44, p. 744-747.
137 L. Chaptal, 1922, « Les écoles d’infirmières en France », Vers la santé, 4(2), février 1923, p. 18-23 ; Revue philanthropique, 299, juillet 1922, p. 333-337. On trouvera un historique de cette loi dans l’article de L. Chaptal, 1924, « La profession infirmière », La Revue des deux mondes, 15 janvier, p. 381-400.
138 Revue des établissements de bienfaisance, janvier-février 1921, 1, p. 2-6.
139 Arrêté du 12 aout 1922 modifié par le décret du 19 février 1923 (Revue philanthropique, 307, mars 1923, p. 150-152).
140 Revue philanthropique, 301, septembre 1922, p. 437-438.
141 Revue philanthropique, 314, octobre 1923, p. 532-533.
142 J. Lefebvre , « À propos d’un anniversaire », Vers la santé, 6(3), mars 1925, p. 101-107.
143 Journal officiel, 8 août 1924, p. 7253.
144 Journal officiel, 11 décembre 1913.
145 Recueil des travaux de la commission permanente contre la tuberculose, 1914, Documents statistiques annexes (1908-1911), tome III bis, p. 172.
146 Cette association deviendra la Ligue française contre le cancer en 1927.
147 Comme le montre Patrice Pinell, cette Ligue compte parmi ses membres de nombreux représentants du monde financier et économique et un Comité des Dames particulièrement huppé. Ces membres ont été pressentis pour soutenir financièrement la cause du cancer (Pinell, 1992).
148 « Le centre régional type de lutte anticancéreuse », in Strauss, 1924, p. 16-19.
149 On trouve à l’Institut Curie (Fonds Marie Curie, pièce 003388), la lettre signée Paul Strauss invitant la scientifique à la première réunion de la commission, le 15 juin 1922. La correspondance entre Paul Strauss et Marie Curie se trouve à la BNF dans le Fonds Pierre et Marie Curie. Papiers. II, NAF, XCIX, SDN – SZWAJCER, Marie Curie, lettres reçues entenvoyées, 435 ff.
150 Institut Curie, Archives Regaud, CR1A3/1.
151 Cérémonie émouvante car tous les orateurs adressent leur profonde reconnaissance à Marie Curie, éminente scientifique, première femme à avoir été nommée professeur à la Sorbonne (s.d., Le Radium. Célébration du vingt-cinquième anniversaire de sa Découverte (1898-1923). Voir notamment pour notre propos les discours de Bergonié et de Strauss lors de l’Inauguration du Dispensaire de la Fondation Curie sous la présidence de M. Paul Strauss, ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyances sociales, p. 62-68. Voir aussi à la BnF, NAF, le fonds Pierre et Marie Curie. Papiers II. Papiers et correspondance, LXXI-LXXVIII, 25e anniversaire de la découverte du radium.
152 Cette limitation sera remise en cause plus tard du fait de la pression des municipalités. Pinell P (1987) Fleau moderne et médecine d'avenir, Actes de la recherche en sciences sociales, 68(1), p. 45-76..
153 Ce principe de l’exclusion des personnes solvables sera remis en cause plus tard (Pinell, 1987, p. 63).
154 Cadre précisé dans la circulaire du 12 mars 1923.
155 1925, Inauguration du contre régional de Toulouse pour la lutte contre le cancer et visite des œuvres toulousaines d’hygiène sociale par M. Paul Strauss…
156 Le grade de Grand-Croix lui sera remis un an plus tard, en décembre 1924, par le maréchal Pétain (Base Leonore).
157 Paul Strauss, 1925, Inauguration du centre régional de Toulouse pour la lutte contre le cancer et visite des œuvres toulousaines d’hygiène sociale par M. Paul Strauss, Ministre de l’hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales, 23 mars , p. 48 .
158 « Discours de M. Paul Strauss, Inauguration du Dispensaire de la Fondation Curie, 26 décembre 1923 », in Le Radium. Célébration du vingt-cinquième anniversaire de sa Découverte (1898-1923), Paris, Puf, p. 67.
159 Pr. Jeanneney, 1929, « L’organisation de la lutte contre le cancer dans le monde », Revue philanthropique, 385, septembre, p. 607.
160 Compte rendu dans la revue Vers la santé, 10(1), janvier 1929, p. 98-99.
161 Revue philanthropique, 303, novembre 1922, p. 569-574.
162 Revue philanthropique, 315, novembre 1923, p. 586.
163 Revue philanthropique, 308, avril 1923, p. 228 ; 309, mai 1923, p. 264-266. Concernant la Pologne, la convention est promulguée par décret le 31 mars 1923, Journal officiel, 5 avril 1923, p. 3426.
164 Le ministère Poincaré tombe après un vote de confiance sur la question du régime des pensions (Le Temps, 27 mars 1924). Les successeurs de Paul Strauss restent peu de temps à leur poste : nommé le 30 mars 1924, Daniel Vincent, député, qui cumule l’Hygiène et le Travail, démissionne rapidement ; son remplaçant, Jourdain, député, nommé le 10 juin démissionne presque tout de suite, remplacé le 14 juin 1924 par Justin Godard, député, qui cumule le Travail, l’Hygiène, l’Assistance et la Prévoyance sociales, en poste jusqu’au 17 avril 1925. On peut voir dans la réunion des deux ministères du Travail et de l’Hygiène après Paul Strauss, la poursuite du souci d’économie affiché par le gouvernement, avec la création d’une commission instituée par décret du 5 février 1924, chargée de l’étude des simplifications de service et des réductions de personnel du ministère de l’Hygiène (Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 185).
165 Il y a une divergence d’appréciation entre Paul Strauss et Georges Rondel puisque selon Paul Strauss, le ministère de l’Hygiène, supprimé en 1924, à son départ, est « ressuscité » en 1930 « sous le nom meilleur et plus approprié de ministère de la Santé publique » (Revue philanthropique, 308, avril 1930, p. 335-336).
166 Revue philanthropique, 320, avril 1924, p. 201-202.
167 Sur les HBM, Paul Strauss adresse à la commission des finances du Sénat, le 22 février 1924, une lettre tendant à soutenir la proposition de loi Loucheur-Bonnevay (Archives du Sénat, 14 S 71). Son successeur Justin Godart enverra la même lettre le 18 février 1925, belle preuve de continuité dans le travail ministériel (Archives du Sénat, 14 S 77).
168 En 1932, Paul Strauss n’hésite pas, dans la Revue philanthropique, à évoquer très souvent l’action du ministre de la Santé publique (voir le chapitre IX).
169 Chose curieuse, c’est à peu près cette expression qui sera employée concernant la personnalité de Justin Godart lorsqu’il succèdera en juin 1924 aux éphémères ministres de l’Hygiène successeurs de Paul Strauss, à la tête d’un ministère concentrant le Travail et l’Hygiène (Murard et Zylbermann, 2004, p.169-180).
170 Alliance d’hygiène sociale, Congrès de Strasbourg, 23 septembre 1923, p. 98.
171 Le Figaro, 22 juin 1923.
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