Chapitre 11
Avoir des enfants en contexte migratoire
p. 323-352
Texte intégral
Introduction
1La contribution de l’immigration à la croissance de la population est une question qui alimente autant les débats scientifiques que les débats publics. Pour les démographes, il est acquis que la France est le pays d’Europe où la croissance démographique dépend le moins de l’immigration (Héran, 2004), cette dernière expliquant seulement un tiers de la croissance de la population entre 1946 et 2004 (Bergouignan et al., 2005). Si les immigrés ont plus d’enfants que les personnes nées en France et si près d’une naissance sur cinq est de mère étrangère (Beaumel et Pla, 2012), la contribution des personnes migrantes à la fécondité reste faible (Héran et Pison, 2007) : sans les femmes nées hors de l’Union européenne, l’indicateur conjoncturel de fécondité (2,01 enfants par femme en 2011) ne serait inférieur que de 0,1 enfant par femme (Pla et Beaumel, 2012). Ces résultats peinent à être diffusés auprès du grand public, où prospère le fantasme d’une substitution de la population d’origine française par des personnes d’origine étrangère.
2L’analyse du lien entre fécondité et migration est complexe, la fécondité des immigrés étant influencée à la fois par les normes et pratiques du pays d’origine et par celles du pays d’installation. Généralement, la population immigrée est traitée comme un ensemble homogène, sans distinguer les individus selon le moment où la migration intervient dans leur parcours de vie. Or, la migration est un événement important dans la trajectoire de vie et façonne les calendriers de mise en couple (Tribalat, 1996, 2005), ainsi que le parcours fécond (Tribalat, 2005 ; Toulemon et Mazuy, 2005). En effet, la migration transforme le contexte normatif, social et économique dans lequel la décision d’avoir des enfants est prise (Kulu, 2005). Le nombre d’enfants ainsi que l’espacement des naissances peuvent s’en trouver affectés et différer nettement selon que les naissances commencent avant ou après la migration.
3Ce chapitre examine la façon dont l’expérience migratoire façonne l’histoire féconde des femmes et hommes immigrés, ainsi que des natives et natifs d’un DOM. Ces personnes ont-elles attendu de s’établir en France métropolitaine pour avoir des enfants ou bien ont-elles migré en étant parents ? Les personnes arrivées sans enfant suivent-elles les comportements féconds de leur pays ou DOM d’origine ou adoptent-elles les comportements qui prévalent en France métropolitaine ? Les modalités de migration étant très différentes entre hommes et femmes, dans quelle mesure les comportements féconds se distinguent-ils selon le sexe ? Combien les immigrés et les originaires des DOM ont-ils d’enfants en fin de vie féconde ? Pour toutes ces questions, existe-il des spécificités propres à certains courants migratoires ?
4Les comportements féconds des descendants d’immigrés sont moins connus, et les questions les concernant ne se posent pas dans les mêmes termes. La problématique de l’intégration des normes de la société d’installation, du rôle de la migration dans le cycle de vie ne les concerne pas, eux-mêmes étant nés en France métropolitaine. Mais les questions de la transmission intergénérationnelle des valeurs et des pratiques relatives à la famille, de l’effet de la socialisation familiale et sociétale sur les comportements féconds se posent. Les descendants d’immigrés ou, en tous cas une part importante d’entre eux, suivent en effet un processus de socialisation caractérisé par des injonctions normatives potentiellement contradictoires (De Valk et Liefbroer, 2007) : ils ont souvent grandi dans une grande fratrie, mais à la différence de leurs parent, ont toujours vécu dans un environnement où la norme dominante est la famille à deux enfants (Régnier-Loilier, 2006). Nous analysons donc comment se construisent leurs comportements féconds.
5L’enquête TeO recueille des informations rétrospectives à la fois sur le calendrier de naissance et sur le calendrier migratoire. Le calendrier des naissances concerne l’ensemble des enfants des personnes interrogées, qu’ils soient vivants ou morts, qu’ils soient nés à l’étranger ou en France, qu’ils résident dans le ménage ou ailleurs. Les informations sur le calendrier migratoire, notamment la date d’installation en France métropolitaine pour une période de plus d’un an, permettent de distinguer les enfants nés avant l’arrivée de ceux nés après, et d’étudier le rôle de la durée de séjour sur le calendrier et le nombre de naissances1. Dans ce chapitre, nous ne prenons en considération que les immigrés et originaires des DOM arrivés en France métropolitaine après l’âge de 11 ans. Les autres ne sont pas pris en considération, car ils ont eu une socialisation quasi complète en France et se rapprochent davantage des descendants d’immigrés que des immigrés. Cette limite d’âge (12 ans) correspond, par ailleurs, à la capacité biologique de mettre un enfant au monde. Elle permet d’inclure, dans l’étude, les femmes (peu nombreuses et certainement atypiques) ayant eu une grossesse précoce (entre 12 et 15 ans). Enfin, grâce aux effectifs relativement importants de filles et fils d’immigrés dans l’enquête, nous pouvons, comme pour les personnes migrantes, étudier la descendance finale mais cela seulement pour les personnes dont les parents ont fait partie des courants migratoires les plus anciens.
I. L’histoire féconde des migrants
1. Le plus souvent, les migrants sont célibataires sans enfant à leur arrivée en France
6Pour les hommes comme pour les femmes arrivés en France après 11 ans, l’âge médian à la migration est de 23 ans. Leur migration est donc celle de jeunes adultes. Elle n’intervient cependant pas dans le même calendrier de constitution de la famille chez les hommes et les femmes (figure 1). Comme relevé au chapitre 10 de cet ouvrage, les hommes arrivent plus souvent célibataires2 (c’est le cas par exemple de 6 hommes sur 10 en moyenne pour les immigrés arrivés après 11 ans) que les femmes, qui elles, arrivent majoritairement en couple (6 sur 10 en moyenne parmi celles arrivées après 11 ans). Cette différence entre hommes et femmes tient surtout aux conditions de leur migration : le regroupement familial est le premier mode d’entrée sur le territoire pour les femmes et la modalité principale d’obtention d’un titre de séjour3. Cet écart tient aussi à l’âge à la mise en couple selon le sexe, celui-ci étant globalement inférieur de quatre années pour les femmes (23 ans contre 27 ans pour les hommes).
7La situation familiale à la migration varie beaucoup selon le pays d’origine (figure 1). Ainsi, les hommes et les femmes venus d’Asie du Sud-Est, d’Afrique centrale ou guinéenne ou encore des DOM, sont majoritairement célibataires à leur arrivée (et sans enfant), alors que plus de la moitié des immigrés originaires de Turquie, des autres pays de l’UE27 et du Portugal sont déjà en couple. Ces tendances par origine avaient déjà été observées concernant les originaires de Turquie et d’Afrique subsaharienne par Michèle Tribalat au début des années 1990, à partir de l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale (Tribalat, 1996, p. 61). Mais la part des personnes arrivées célibataires parmi les personnes venues de Turquie a augmenté depuis lors : elle a notamment doublé chez les femmes. Entre les migrants originaires de Turquie et ceux de l’UE27, la similarité des parcours relève de phénomènes sociaux pourtant bien distincts. Les originaires de Turquie arrivent plus souvent en couple car l’âge de la mise en couple est plus précoce dans ce pays, tandis que les originaires de l’UE27 se mettent en couple de façon plus tardive, mais migrent aussi plus tardivement et une fois leur famille constituée.
8Les migrants qui arrivent en ayant déjà un ou plusieurs enfants sont une minorité. Les femmes originaires d’Afrique sahélienne, d’Afrique centrale ou guinéenne, mais aussi de Turquie ou du Portugal sont les plus nombreuses en proportion (plus de 30 %) à être arrivées en étant non seulement en couple mais aussi déjà mères, ce qui est plus rare chez les hommes de ces mêmes origines. Si les écarts entre les hommes et les femmes quant à la situation matrimoniale à l’arrivée en France sont présents dans tous les groupes d’origine, ils sont diversement prononcés. Ils le sont particulièrement parmi les originaires d’Afrique sahélienne pour lesquels la majorité des femmes vivent le strict inverse des hommes : les trois-quarts des hommes arrivent célibataires quand les trois-quarts des femmes arrivent en couple, ce qui reflète en partie le modèle présent au Mali à l’époque de leur migration, notamment la grande différence d’âge au mariage pour les femmes et les hommes.
Figure 1. La situation familiale à la migration selon l’origine

Champ : personnes immigrées ou natives d’un DOM, âgées de 18 à 60 ans, arrivées en France à 12 ans ou plus. Lecture : 12 % des hommes immigrés venant d’Espagne ou d’Italie sont arrivés en France en couple avec des enfants, 48 % en couple sans enfant et 40 % célibataire.
Source : Enquête TeO, Ined-Insee, 2008. Les effectifs non pondérés sont présentés dans le tableau 2 de ce chapitre.
9La situation familiale à la migration est conditionnée par les normes relatives à la formation du couple et de la famille dans les pays d’origine, même si les migrants ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population de leur pays d’origine. Ainsi, les migrants venant des pays dans lesquels la mise en couple est plus précoce sont aussi ceux qui sont le plus souvent en couple à leur arrivée en France. Le tableau 1 rend compte des différences d’âge au mariage et de l’indice de fécondité dans les pays d’origine, 20 ans à 30 ans avant la réalisation de l’enquête TeO soit, approximativement, au moment où les enquêtés de 40 ans et plus ont migré. L’Afrique sahélienne est la zone géographique où prévalaient les normes d’un mariage précoce pour les femmes, d’un grand écart d’âge entre conjoints (près de 10 ans au Mali) et d’une fécondité élevée (7 enfants). Ce modèle existait également en Afrique centrale et guinéenne ainsi qu’au Maghreb mais de façon atténuée, avec un âge au mariage un peu plus élevé, un indice de fécondité un peu plus bas et des écarts d’âges moins importants. Cette atténuation était davantage prononcée en Turquie où l’indice de fécondité était plus faible. Dans les pays d’Asie du Sud-Est, l’âge au mariage était équivalent à ce second groupe et l’indice de fécondité encore élevé, mais l’écart d’âge entre conjoints était faible. Les pays d’Europe du Sud étaient, quant à eux, déjà caractérisés par un faible indice de fécondité.
Tableau 1. Âge moyen au mariage et indice synthétique de fécondité dans les pays d’origine des immigrés

Note : les années sélectionnées pour l’âge moyen au mariage sont celles les plus proches de l’année médiane de migration pour chaque origine. Pour les pays d’Afrique sont sélectionnés les principaux pays d’origine. La période choisie pour l’indice synthétique de fécondité correspond aux âges de la vingtaine pour les individus âgés de 40 à 50 ans, pour lesquels nous étudions la descendance finale. Lecture : l’âge moyen au mariage des immigrés originaires d’Algérie est de 27,7 ans pour les hommes et de 23,7 ans pour les femmes.
Source : United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, World Marriage Data 2008 et World Population Prospects : the 2010 Revision.
2. Migration, mise en couple et premier enfant
10Assez logiquement, les immigrés arrivés en couple avec enfant ont formé leur première union plus tôt que ceux arrivés en couple sans enfant ou célibataires (tableau 2). Ces derniers ont vu la formation de leur couple retardée par rapport à la population majoritaire (22,6 ans pour les femmes et 24,7 ans pour les hommes). Elle est également plus tardive comparée aux pratiques dans leur pays d’origine au moment de leur migration (tableau 1), à l’exception des hommes d’Afrique sahélienne dont l’âge au mariage était déjà particulièrement élevé dans les pays d’origine (30 ans en moyenne). Comme déjà indiqué, les hommes qui ont migré en étant déjà pères sont relativement peu nombreux ; ils se sont mis en couple au même âge que les hommes de la population majoritaire, tandis que ceux arrivés en couple sans enfant, et plus encore les célibataires, ont formé leur première union plus tard (respectivement six mois et trois ans et demi plus tard). On observe le même décalage de calendrier pour les femmes arrivées célibataires, qui se mettent en couple trois ans et demi plus tard que les femmes de la population majoritaire. En revanche, les femmes arrivées en couple forment leur première union plus tôt que les femmes de la population majoritaire, surtout celles arrivées déjà mères. Ce report de la mise en couple pour les migrantes célibataires, dont l’amplitude est plus forte que pour les hommes, n’est pas le seul fait de la migration. Il tient aussi, bien plus que pour les hommes, de leur profil particulier : elles sont en effet nettement plus diplômées que leurs homologues arrivées en couple.
11La mise en couple plus tardive pour celles et ceux arrivés célibataires sans enfant s’observe pour toutes les origines migratoires. L’amplitude de ce décalage est très nette pour les personnes venues d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est, notamment pour les femmes originaires d’Afrique sahélienne. Il s’observe aussi chez les originaires de Turquie qui, lorsqu’ils arrivent en couple, notamment les femmes, ont formé leur première union bien plus précocement que les autres personnes migrantes ou que la population majoritaire.
12Dans leur ensemble, les hommes immigrés ont leur premier enfant au même âge que les hommes de la population majoritaire, l’âge médian étant de 30 ans pour les deux groupes (figure 2). La première naissance est, en revanche, plus précoce pour les femmes immigrées que pour celles de la population majoritaire, l’âge médian au premier enfant étant respectivement de 25 ans et 27 ans. Cependant, cette observation n’est pas vraie pour toutes les origines : d’un côté, les femmes du Portugal, de Turquie, d’Afrique et des DOM ont eu leur premier enfant plus tôt que la population majoritaire ; d’un autre côté, les femmes d’Asie du Sud-Est et du reste de l’Europe l’ont au contraire au même âge ou un peu plus tard. Par ailleurs, l’âge médian à la première maternité varie fortement selon la situation familiale à la migration. Les femmes qui ont eu leur premier enfant dans leur pays d’origine l’ont eu bien plus jeunes que les femmes de la population majoritaire (22 ans contre 27 ans). Mais, celles qui sont arrivées en France sans enfant ont un calendrier proche, sinon plus tardif que les femmes de la population majoritaire : 50 % de celles arrivées en France en couple sans enfant ont eu leur premier enfant à 27 ans (comme dans la population majoritaire), tandis que l’âge médian de celles arrivées célibataires sans enfant est de 29 ans (soit 2 ans plus tard que les femmes de la population majoritaire). Le calendrier de la première naissance est donc différé pour les migrantes sans enfant à leur arrivée, voire plus tardif que pour les femmes de la population majoritaire. Il en est de même pour les hommes, avec des écarts moins prononcés.
Tableau 2. Âge médian à la première union et au premier enfant selon la situation familiale à la migration

Champ : immigrés âgés de 18 à 60 ans, arrivés en France à 12 ans ou plus. Note : les pourcentages calculés sur moins de 100 individus dans l’échantillon sont indiqués en italiques. Lecture : l’âge médian à la première union des immigrés natifs d’Algérie est de 28 ans pour les hommes arrivés en France en couple avec enfant et de 28 ans pour les femmes arrivées en France en couple avec enfant.
Source : Enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
Figure 2. Âge médian à la migration, à la première union et au premier enfant

Champs : immigrés âgés de 18 à 60 ans, arrivés en France à 12 ans ou plus. Les effectifs non pondérés sont présentées dans le tableau 2 de ce chapitre. Lecture : l’âge médian à la première union est de 25 ans pour les hommes de la population majoritaire ; celui au premier enfant est de 30 ans. Les âges médians sont calculés avec la méthode d’estimation non paramétrique de Kaplan-Meier.
Source : Enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
13Pour les personnes arrivées sans enfant, la migration constitue une étape à part entière du calendrier de parcours de vie. Pour la majorité des migrants, pour les hommes plus que pour les femmes, elle intervient avant la mise en couple et la naissance des enfants, et ces étapes d’entrée en vie adulte s’en trouvent retardées, la première plus que la deuxième. On ne peut cependant en conclure que la migration en tant que telle reporte les calendriers familiaux. Ce report peut en effet tenir d’une anticipation de la migration, mais aussi d’une sélection des migrants, ceux ayant des enfants renonçant à migrer. Dans ce schéma général, on observe des différences notables selon les origines. Ces différences tiennent en grande partie au profil des migrants selon les courants migratoires4, la part des diplômés du supérieur étant par exemple très variable d’une origine à l’autre. Afin de tenir compte de ces effets de composition des groupes d’origine, nous analyserons par la suite le calendrier de venue du premier enfant au moyen d’une analyse multivariée.
3. Les facteurs associés au calendrier de naissance du premier enfant
14Pour analyser la manière dont le parcours migratoire influe sur le calendrier de naissance du premier enfant, à caractéristiques individuelles comparables (niveau de qualification, âge à l’arrivée, …), nous appliquons des « modèles de durées » à l’âge auquel les individus ont leur premier enfant. Ces modèles ont pour avantage d’estimer la probabilité d’avoir un premier enfant en tenant compte des données dites « censurées à droite », c’est-à-dire des individus qui n’ont pas encore eu leur premier enfant à la date de l’enquête et dont on ne sait pas s’ils vont ou non connaître cet évènement au-delà de cette date. Les modèles semi-paramétriques, dont celui de Cox que nous mettons ici en œuvre, permettent de prendre en compte, simultanément, l’effet de plusieurs facteurs sur l’âge à la première naissance. Les facteurs retenus sont l’origine et la cohorte de naissance, le niveau d’éducation, le statut conjugal et l’origine du premier conjoint5, ainsi que des éléments portant sur le contexte familial de socialisation (importance de la religion dans l’éducation reçue dans l’enfance, taille de la fratrie, la profession des parents de la personne enquêtée quand cette dernière avait 15 ans (modèle 1). Enfin, nous ajoutons des informations sur la situation d’activité au fil de la vie de l’enquêté (modèle 2) et la situation migratoire (modèle 3). Nous retenons deux variables dynamiques (c’est-à-dire qui changent dans le temps) relatives au parcours migratoire : l’une indique si l’individu résidait déjà en France ; l’autre, la durée de séjour en France (tableau 3).
Tableau 3. Risque relatif d’avoir un premier enfant pour les personnes immigrées ou natives d’un DOM (modèles semi-paramétrique de Cox)


Légende : significativité à : *10 % ; ** 5 % ; *** 1 %, Réf. : situation de référence.(a) La variable est créée de la façon suivante : au moins un parent a travaillé comme agriculteur, quelle que soit la profession de l’autre parent ; sinon, au moins un parent a travaillé comme cadre ; sinon au moins un parent a travaillé comme artisan ou commerçant ; sinon au moins un parent a travaillé dans des professions intermédiaires ; sinon au moins un parent a travaillé comme ouvrier ou employé qualifié, sinon au moins un parent a travaillé comme ouvrier ou employé non qualifié ou les deux parents étaient inactifs.
Champ : immigrés, originaires d’un DOM (arrivés après 11 ans en France) et population majoritaire âgés de 18 à 60 ans. Lecture : un coefficient supérieur (respectivement inférieur) à 1 et statistiquement significatif indique que le risque d’avoir un enfant est supérieur (resp. inférieur) par rapport à la modalité de référence.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
15Pour les hommes comme pour les femmes, l’ensemble des variables agissent dans le sens attendu : moins la personne est instruite, plus elle se met en couple et se marie tôt, plus on est issu d’une famille croyante ou issue d’une nombreuse fratrie, plus la probabilité d’avoir un enfant tôt est forte. L’union avec une personne immigrée ou descendante d’immigrée, plutôt qu’avec une personne de la population majoritaire, influe de la même façon. Avoir terminé ses études est déterminant, en particulier pour les femmes ; tandis que pour les hommes, c’est surtout le fait d’avoir trouvé un premier emploi stable qui accélère la naissance du premier enfant.
16Une fois pris en compte l’ensemble de ces éléments, les écarts entre origines sont moins nets que dans les résultats bruts univariés de la figure 2, mais des spécificités demeurent entre origines migratoires. Les hommes, hormis ceux originaires des autres pays de l’UE27, ont leur premier enfant plus tôt que ceux de la population majoritaire, notamment quand ils sont originaires de Turquie et d’Afrique sahélienne. Pour les femmes, seules celles venues de Turquie, d’Afrique guinéenne ou centrale ont leur premier enfant plus tôt que les femmes de la population majoritaire, tandis que les originaires des autres pays de l’UE27 l’ont plus tardivement.
17Comme on l’a vu précédemment, le calendrier de venue du premier enfant est lié au calendrier migratoire, de façon plus marquée pour les femmes que pour les hommes. Pour les futurs migrants, être à l’étranger plutôt qu’en France ralentit l’arrivée du premier enfant. Pour les femmes, la naissance du premier enfant survient dans les premières années après l’arrivée en France, la probabilité d’avoir un premier enfant étant très forte l’année d’arrivée en France et la suivante, comme l’avaient déjà observé Michèle Tribalat (2005), puis Laurent Toulemon et Magali Mazuy (2005). Ces auteurs ont effectivement montré à partir de l’enquête Histoire familiale de 1999 que, à leur arrivée, les femmes migrantes ont moins d’enfants que les femmes nées en France, mais qu’elles en ont davantage ensuite. La forte surfécondité après l’installation s’explique par l’effet de rattrapage du calendrier de fécondité, suite au regroupement familial. Pour les hommes, la probabilité de donner naissance à un premier enfant est également forte dans les premières années de migration, mais est moins polarisée sur cette période. Lorsque que les couples ont eu leur premier enfant avant la migration, le temps de séparation avant le regroupement familial contribue à espacer les naissances (Tribalat , 2005). Les naissances qui se produisent lors de la première année d’installation en France sont également étroitement liées au calendrier de fin d’études et d’obtention d’un premier emploi. Nous allons évaluer maintenant si les différences observées à la naissance du premier enfant se maintiennent pour la descendance finale, mesurée ici par le nombre total d’enfants que les individus ont eus à l’âge de 45 ans.
4. Les immigrés sans enfant ont eu ensuite autant d’enfants que la population majoritaire
18Dans leur ensemble, les immigrés âgés de 45 à 60 ans6 ont eu en moyenne 2,8 enfants7, soit 0,8 enfant de plus que les personnes de la population majoritaire8 (tableau 4). Cet écart s’explique par la part importante des familles nombreuses chez les immigrés : plus d’un quart d’entre eux ont eu au moins 4 enfants, contre 7 % pour la population majoritaire (figure 3). Ils sont moins souvent sans enfant (12 % contre 18 % pour la population majoritaire), et surtout le modèle de la famille à 2 enfants est bien moins diffusé (27 % contre 39 % pour la population majoritaire). Le nombre d’enfants en fin de vie féconde s’établit à des niveaux très variables selon les origines (figure 3) : il est élevé pour les immigrés originaires d’Afrique sahélienne, du Maghreb et de Turquie, alors que les immigrés d’origine européenne ont une descendance finale proche de celle des personnes de la population majoritaire. Ceux des autres pays de l’UE27 ont même, en moyenne, moins d’enfants. Les familles d’au moins 4 enfants sont bien plus fréquentes chez les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb (plus de 4 familles sur 10) que chez les immigrés d’origine européenne où le modèle de la famille à 2 enfants domine également.
19La descendance finale dépend de la situation familiale à la migration (tableau 4). Les immigrés arrivés en France sans enfant, en couple ou non, ont ainsi eu nettement moins d’enfants à 45 ans (1,3 enfant de moins) que ceux arrivés en étant déjà parents. Les immigrés arrivés sans enfant ont eu moins de temps pour fonder une famille nombreuse. Ils se sont aussi probablement rapprochés des normes procréatives qui prévalent en France, leur descendance finale restant légèrement supérieure à celle de la population majoritaire (ils ont eu à 45 ans 0,4 enfant de plus). Cette adaptation des comportements procréatifs concerne tous les immigrés, à l’exception des immigrés d’Afrique sahélienne arrivés en couple.
Figure 3. Répartition du nombre d’enfants à 45 ans selon l’origine migratoire

Champ : personnes immigrées, natives d’un DOM ou de la population majoritaire, âgées de 45 ans à 60 ans en 2008. Les effectifs non pondérés sont présentés dans le tableau 4 de ce chapitre. Lecture : à 45 ans, 27 % les immigrés originaires d’Afrique sahélienne avaient au moins 6 enfants, 11 % avaient 5 enfants, 13 %, 4 enfants, 16 %, 3 enfants, 18 %, 2 enfants, 6 %, 1 enfant et 8 % pas d’enfant.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
Tableau 4. Nombre moyen d’enfants à 45 ans selon l’origine géographique et la situation familiale à la migration

Champ : immigrés, originaires d’un DOM (arrivés après 11 ans en France) et population majoritaire âgés de 45 à 60 ans, qu’ils aient eu ou non des enfants. Note : les pourcentages calculés sur moins de 100 individus dans l’échantillon sont indiqués en italiques. Lecture : les immigrés originaires d’Algérie arrivés célibataires sans enfant ont eu à 45 ans 2,3 enfants en moyenne, ceux arrivés en couple sans enfant en ont eu 3,2 et ceux arrivés déjà parents en ont eu à 45 ans 4,6 en moyenne.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
20La majorité des naissances ont eu lieu après la migration : près de trois quart d’entre elles en moyenne. À nouveau, les différences selon les origines sont notables. Près de 8 naissances sur 10 ont lieu après la migration pour les originaires du Portugal, d’Espagne et d’Italie, du Maroc et de Tunisie et d’Afrique sahélienne alors que c’est le cas pour moins de 6 naissances sur 10 pour les originaires de Turquie, d’Afrique guinéenne et centrale et des autres pays de l’UE27. Pour ceux arrivés en étant déjà parents, la majorité des enfants sont nés avant la migration : ils avaient en moyenne 2,3 enfants à la migration et en ont eu 1,2 après. Seuls les originaires d’Afrique sahélienne ont eu plus d’enfants après la migration qu’avant (voir annexe 1 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/). Dans les familles pour qui l’histoire génésique a commencé avant la migration, les fratries sont ainsi composées d’aînés qui sont arrivés enfants et de cadets nés en France.
21Afin d’évaluer dans quelle mesure les différences observées entre origines quant au nombre d’enfants tiennent à des effets de composition des différents groupes, à savoir à une étroite relation entre, par exemple, l’origine et le niveau d’instruction, nous estimons un modèle multivarié (logit ordonné) dont la variable expliquée est le nombre d’enfants eus à 45 ans. Les variables explicatives retenues sont les mêmes que précédemment (tableau 5). Afin de mesurer de quelle façon le parcours migratoire joue sur la descendance finale, nous nous concentrons dans un deuxième temps sur la seule population des immigrés et observons tout particulièrement l’effet de l’âge et de la situation conjugale à la migration (modèles 2 à 4).
22Une fois contrôlés le sexe, la génération, le niveau d’instruction, l’âge à la première union, l’origine du partenaire, la taille de la fratrie d’origine et la religiosité des parents, les écarts entre groupes restent significatifs. Les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne sont ceux qui ont le plus d’enfants par rapport aux personnes de la population majoritaire ; viennent ensuite ceux originaires du Maghreb et de Turquie. Les originaires des DOM et d’Asie du Sud-Est ont légèrement plus d’enfants que la population majoritaire mais s’en rapprochent très fortement. En revanche, à caractéristiques identiques, les immigrés d’Europe du Sud et des autres pays de l’UE27 ont autant, voire moins d’enfants que les personnes de la population majoritaire. Les générations les plus jeunes (nées entre 1963 et 1967) ont moins d’enfants à 40 ans que les plus âgées (nées entre 1948 et 1952), ce qui témoigne d’une transformation des comportements au fil du temps.
23Comme nous l’avons déjà vu concernant l’âge au premier enfant, les différences entre groupes d’origine s’expliquent pour beaucoup par le niveau d’instruction, le nombre total d’enfants diminuant avec le diplôme. Elles tiennent également de façon assez significative de l’origine du conjoint pour les hommes seulement (être en couple mixte réduit le nombre total d’enfants) et des modèles familiaux : être issu d’une famille nombreuse ou accordant beaucoup d’importance à la religion accroît fortement les chances d’avoir soi-même une large descendance. De façon générale, plus on se met en union précocement, plus le nombre total d’enfants augmente. La mise en union des immigrés étant globalement plus tardive, prendre en compte ce facteur a plutôt tendance à creuser les écarts entre origines, hormis pour les immigrés turcs qui se mettent en union plus tôt.
Tableau 5. Facteurs influençant le nombre total d’enfants à 45 ans (logit ordonné)


Légende : significativité à : *10 % ; ** 5 % ; *** 1 %, Réf. : situation de référence. Champ : modèle 1 : immigrés, originaires d’un DOM (arrivés après 11 ans en France) et population majoritaire âgés de 45 ans et plus. Modèles 2, 3 et 4 : immigrés, originaires d’un DOM (arrivés après 11 ans en France). Lecture : un coefficient positif (resp. négatif) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (resp. décroît), par rapport à la modalité de référence, le nombre d’enfants eus à 45 ans.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
24Enfin, l’analyse multivariée confirme nos observations précédentes quant aux relations entre calendrier migratoire et fécondité. Les migrants qui ont formé leur première union avant la migration ont davantage d’enfants que les autres. Une fois prise en compte la situation conjugale à la migration, l’âge à la migration n’est plus significatif sur la descendance finale. Ainsi, le moment où la migration intervient dans le parcours conjugal est davantage déterminant que le moment auquel elle intervient dans le parcours de vie. Quel que soit l’âge à l’union, ceux qui ont migré avant leur mise en couple (et donc commencé leur vie féconde en France) ont moins d’enfants que ceux qui ont migré après. La moindre descendance finale des immigrés ayant amorcé leur vie conjugale à destination tient donc d’un effet de calendrier (l’âge au premier enfant est plus tardif). Elle témoigne sans doute également d’une intégration des normes procréatives en vigueur en France, même s’ils ont en moyenne plus d’enfants que les personnes de la population majoritaire. Ce sont les personnes qui ont choisi de former un couple mixte qui ont les comportements procréatifs les plus proches de ceux de la population majoritaire et l’on note que ce phénomène est plus prononcé chez les hommes.
II. L’histoire féconde des descendants d’immigrés
1. Le calendrier de naissance du premier enfant
a. Des naissances plus tardives
25Les différences de calendrier de constitution de la famille, observées entre populations migrantes et population majoritaire s’atténuent lorsqu’on compare les personnes nées en France de parents immigré(s) et les personnes dont les parents ne sont pas immigrés. Il reste que le calendrier des événements familiaux des descendants d’immigrés se distingue de celui des personnes de la population majoritaire du même âge (tableau 6). De façon globale, les descendants d’immigrés se mettent en couple un peu plus tard que les personnes n’ayant pas de parents immigrés (un peu plus d’un an après pour les hommes comme pour les femmes). Les hommes dont les parents sont immigrés ont également leur premier enfant un an plus tard par rapport aux hommes de la population majoritaire. Les descendantes d’immigré(s) l’ont au même âge que les femmes de la population majoritaire, la naissance du premier enfant étant plus rapprochée de la mise en couple. Ces résultats étonnent, d’autant que l’on sait par ailleurs que les enfants d’immigrés ont, dans leur ensemble, un niveau de qualification moins élevé que celui des personnes de la population majoritaire et qu’un moindre niveau de qualification est généralement associé à une entrée plus rapide dans la parentalité. Deux hypothèses d’interprétation peuvent être avancées, celle d’une forte rupture avec les modèles culturels des parents qui conduit à retarder les engagements familiaux à un âge où l’on dépend moins de ces derniers, et celle d’une précarité économique qui, au-delà des aspirations individuelles et du désir d’enfant, pousse les individus à ne planifier la naissance du premier enfant qu’au moment où ils se sentent économiquement en mesure de l’accueillir (Hamel, Moguérou et Santelli, 2011), comme cela a été observé par ailleurs pour l’ensemble de la population (Pailhé et Solaz, 2012). Voyons d’abord si ce constat est général ou varie selon l’origine des parents.
26Le report des étapes de formation d’une famille concerne tous les descendants d’immigrés, quelle que soit leur origine, hormis les descendantes d’immigrés turcs qui se mettent en couple au même âge que les femmes de la population majoritaire et ont leur premier enfant bien plus tôt (3 ans plus tôt), ce qui tient au fait qu’elles sont très majoritairement en couple avec un homme immigré de Turquie. Le report de la mise en couple est particulièrement prononcé pour les hommes dont les parents sont venus d’Afrique sahélienne (elle a lieu 5 ans plus tard par rapport aux hommes de la population majoritaire et on observe déjà ce report pour les immigrés d’Afrique sahélienne), mais aussi pour les hommes dont les parents viennent du Maghreb et d’Asie du Sud-Est (3 ans plus tard). La naissance du premier enfant s’en trouve logiquement décalée dans le temps, même si l’écart par rapport aux hommes de la population majoritaire se réduit en raison d’un intervalle resserré entre la mise en couple et le premier enfant. Parmi les femmes, les descendantes d’immigrés d’Afrique subsaharienne et d’Algérie présentent la première mise en couple la plus tardive, respectivement 3 ans et 2 ans plus tard que pour les femmes de la population majoritaire. Pour autant, le calendrier de naissance de leur premier enfant n’en est pas changé, sauf pour les descendantes d’immigrés d’Afrique guinéenne et centrale. Les hommes comme les femmes de parents originaires d’Asie du Sud-Est ont également une première naissance plus tardive que les femmes de la population majoritaire.
Tableau 6. Âges médians à la mise en couple et au premier enfant des descendants d’immigré(s) ou natifs d’un DOM, selon l’origine des parents

Champ : descendants d’immigrés ou de natifs d’un DOM et population majoritaire âgés de 18 à 50 ans, qu’ils aient eu ou non des enfants. Lecture : l’âge médian à la première union s’élève à 26 ans pour les hommes descendants d’immigrés, l’âge médian au premier enfant à 31 ans.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
27Les calendriers de constitution de la famille des descendants d’immigrés se détachent également de ceux des immigrés du même groupe d’âges par la désynchronisation des calendriers conjugaux et d’entrée en parentalité : l’âge à la mise en couple préjuge moins de celle de l’arrivée du premier enfant. Ils se rapprochent en cela des comportements des personnes de la population majoritaire.
b. Les facteurs influents
28Afin de déterminer si le report de la première naissance parmi les descendants d’immigré(s) résulte d’effets de composition des groupes9, nous avons procédé comme précédemment en analysant de façon multivariée, par un modèle de durée, les processus ou éléments qui peuvent influer sur l’âge à la première naissance. La comparaison est faite avec la population majoritaire, et non avec les immigrés de même origine. Les mêmes éléments explicatifs sont pris en compte. Bénéficiant d’un calendrier détaillé de l’activité professionnelle, nous avons pu également analyser comment la situation vis-à-vis du marché du travail agit sur le calendrier des naissances (tableau 7)10.
29Cette analyse confirme le report de la naissance du premier enfant pour les descendants d’immigrés comparativement aux personnes de la population majoritaire. Une fois tenue compte des effets de composition, en particulier en termes de qualification et d’activité, le rythme d’arrivée du premier enfant s’avère plus lent pour les hommes et pour les femmes issus de l’immigration, hormis ceux d’origine turque. On peut par ailleurs noter qu’être issu d’un couple mixte affecte peu la venue du premier enfant. En revanche, former soi-même une union mixte renforce la probabilité d’avoir un premier enfant plus rapidement.
30Si la religiosité des parents influe beaucoup sur le calendrier de naissance du premier enfant pour les immigrés, cela n’est pas le cas pour les descendants d’immigrés, tant pour les hommes que pour les femmes. Il semble que le contexte familial influence moins les décisions familiales des descendants d’immigrés que le contexte socioéconomique dans lequel ils vivent. Néanmoins, l’âge au premier enfant reste lié à la taille de la fratrie d’origine. Plus celle-ci est élevée, plus la première naissance arrive tôt. L’âge au premier enfant est peu lié à l’origine sociale des parents. Le niveau d’instruction atteint par l’enquêté est plus important, notamment pour les femmes.
Tableau 7. Risque relatif d’avoir un premier enfant pour les descendants d’immigré(s) ou de natifs d’un DOM selon le sexe (modèles semi-paramétrique de Cox)

Légende : significativité à : *10 % ; ** 5 % ; *** 1 %,
Réf. : situation de référence. Champ : fils d’immigrés ou d’originaires d’un DOM et population majoritaire âgés de 18 à 50 ans. Lecture : un coefficient supérieur (respectivement inférieur) à 1 et statistiquement significatif indique que le risque d’avoir un enfant est supérieur (resp. inférieur) par rapport à la modalité de référence.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
31Enfin, l’âge à la première naissance est étroitement lié à la situation professionnelle. Pour les hommes comme pour les femmes, avoir trouvé un emploi stable est une condition à l’entrée en parentalité. Seules les femmes inactives, qui ont sans doute opté pour une vie familiale plutôt que professionnelle, accélèrent la première naissance. Le risque d’avoir un enfant alors que les études ne sont pas achevées est très faible, notamment pour les femmes. Être au chômage ou alterner des périodes d’emploi précaire conduit également à repousser la naissance du premier enfant, surtout pour les hommes.
2. Une descendance à 40 ans équivalente pour descendants d’ immigrés et population majoritaire
32Ce report de l’entrée en parentalité pour les descendants d’immigrés a-t-il un impact sur leur descendance finale ? Nous ne pouvons répondre à cette question que pour les descendants d’immigrés ayant atteint la fin de leur vie féconde, c’est-à-dire pour ceux issus des vagues migratoires les plus anciennes. Pour mener l’analyse sur des effectifs suffisants, il est nécessaire d’opérer des regroupements par grandes régions d’origine : le Sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal), le Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) et les autres pays de l’UE27. Pour la même raison, nous observons la descendance atteinte à l’âge de 40 ans (et non de 45 ans comme il est d’usage) pour les personnes âgées de 40 à 50 ans.
33Le nombre d’enfants à 40 ans des descendants d’immigrés du Maghreb, d’Europe du Sud et des autres pays de l’UE27 s’établit au même niveau que celui des personnes de la population majoritaire11 : en moyenne 1,7 enfant (tableau 8). Si les comportements moyens sont proches, en revanche, la distribution selon la taille de la famille diffère, à la fois entre les descendants d’immigrés et par rapport à la population majoritaire (figure 4). La répartition du nombre d’enfants à 40 ans des descendants du Sud de l’Europe est très proche de celle de la population majoritaire, contrairement à celle des descendants d’immigrés des autres pays de l’UE27 et du Maghreb. Ces derniers ont des comportements féconds plus diversifiés. En particulier, ils sont moins polarisés autour de la famille à deux enfants que les personnes de la population majoritaire. Environ un quart des descendants d’immigrés originaires du Maghreb ont deux enfants, contre plus de quatre sur dix pour la population majoritaire.
34À 40 ans, ils sont également bien plus souvent sans enfant : hommes et femmes confondus, près d’un quart des descendants d’immigrés maghrébins n’ont pas eu d’enfants. Mais cette surreprésentation des personnes sans enfant concerne surtout les hommes (un tiers), alors que les femmes descendantes d’immigrés magrébins sont aussi nombreuses que les femmes de la population majoritaire à ne pas avoir d’enfant à 40 ans. Notons que la proportion d’hommes sans enfant diminue si l’on observe leur descendance à 45 ans, elle reste néanmoins bien supérieure à celle des hommes de la population majoritaire. Les descendants d’immigrés d’origine maghrébine ont aussi un peu plus souvent 3 enfants que les personnes de la population majoritaire (respectivement 22 % et 18 % ont trois enfants). Ils forment très rarement des familles de plus de 3 enfants. Ainsi, on peut établir le constat d’une forte hétérogénéité des comportements parmi les descendants d’immigrés maghrébins : une partie importante d’entre eux (un cinquième), confrontés à une période de jeunesse aux allures d’exclusion durable (Dubet, 2000), n’est pas parvenue à 40 ans à former un couple stable et économiquement solide pour s’autoriser à avoir un enfant, tandis qu’une autre partie (presqu’un quart) influencée par le modèle de leur famille d’origine, c’est-à-dire par une fratrie importante reproduit ce modèle en ayant trois enfants ou plus. Ces résultats sont conformes à diverses observations ethnographiques qui montrent que les difficultés d’insertion sociale rencontrées par les jeunes hommes d’origine maghrébine affectent fortement leur vie affective (Hamel, 2002). Ils font aussi écho aux analyses quantitatives montrant que le franchissement des étapes marquant l’autonomisation vis-à-vis des parents (accès au premier emploi stable, départ au domicile des parents notamment), est tardif pour les descendants de Maghrébins (Hamel, Moguerou et Santelli, 2011). Entre ces deux pôles, la majorité a un ou deux enfants. Cette hétérogénéité des comportements n’est pas propre aux descendants d’immigrés maghrébins. Les descendants d’immigrés des autres pays de l’UE27 sont également nombreux à avoir soit un seul enfant, soit 3 enfants ; il faut dire que les modèles de fécondité des pays d’origine, essentiellement le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne, sont disparates.
Figure 4. Répartition du nombre d’enfants à 40 ans selon l’origine migratoire

Champ : immigrés (arrivés après 11 ans en France), descendants d’immigrés et population majoritaire âgés de 40 à 50 ans. Les effectifs non pondérés sont présentés dans le tableau 8 de ce chapitre.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
Tableau 8. Nombre moyen d’enfants à 40 ans selon le sexe et l’origine migratoire des parents

Champ : immigrés (arrivés après 11 ans en France), descendants d’immigrés et population majoritaire âgés de 40 à 50 ans. Note : les pourcentages calculés sur moins de 100 individus dans l’échantillon sont indiqués en italiques. Lecture : à 40 ans, les descendants d’immigrés magrébins ont 1,7 enfant en moyenne.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
35Comparativement aux immigrés de la même tranche d’âges originaires de la même zone géographique, les descendants d’immigrés du Maghreb ont moins d’enfants à 40 ans (0,8 enfant de moins en moyenne). La différence entre immigrés et descendants est bien moins importante pour les originaires d’Europe du Sud et des autres pays de l’UE27, car les comportements féconds des immigrés de ces origines sont déjà très proches de ceux de la population majoritaire. Dès 20 ans, les descendantes d’immigré(s) maghrébin(s) ont en moyenne moins d’enfants que les femmes immigrées du Maghreb, l’écart se creuse ensuite, notamment à partir de 30 ans (annexe 3 sur teo.site.ined.fr/ annexes). Les descendants d’immigrés ont, à l’inverse, relativement plus d’enfants que les immigrés avant 30 ans, en raison de l’entrée tardive en parentalité des hommes immigrés.
3. Un désir d’enfants contrarié ?
36Ces résultats interrogent sur la part de contrainte matérielle et d’adhésion à un modèle de vie sans enfant chez les descendants d’immigrés. Pour explorer cette question, nous examinons désormais les réponses des enquêtés âgés de 40 ans à 50 ans aux questions sur le nombre idéal d’enfants et comparons ces réponses au nombre d’enfants qu’ils ont eus réellement à 40 ans (tableau 9). Si le nombre moyen d’enfant à 40 ans semble témoigner d’une adhésion au modèle dominant de la famille à 2 enfants pour les descendants d’immigrés, le constat est plus nuancé lorsqu’on s’intéresse aux représentations qu’ils ont sur le nombre idéal d’enfants. Pour les descendants d’immigrés venus d’Europe du Sud et des autres pays de l’UE27, le nombre idéal d’enfants s’établit à un niveau comparable à celui de la population majoritaire (2,4 enfants contre 1,7 enfant effectivement nés à 40 ans). Les descendants d’immigrés maghrébins déclarent un nombre idéal d’enfant encore supérieur (2,8 enfants), à mi-chemin entre celui déclaré par les immigrés de la même origine et du même âge et celui déclaré par la population majoritaire. Les descendants d’immigrés maghrébins adhèrent donc moins au modèle de la famille nombreuse de leurs parents, mais davantage que la population majoritaire.
Tableau 9. Nombre idéal d’enfants et écart par rapport au nombre d’enfants en fin de vie féconde

Champ : immigrés (arrivés après 11 ans en France), descendants d’immigrés et population majoritaire âgés de 40 à 50 ans en 2008. Lecture : en moyenne, le nombre idéal d’enfants s’élève à 2,8 pour les descendants d’immigrés originaires du Maghreb, soit 1,1 enfant de plus que le nombre d’enfants effectivement eu à 40 ans.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
37L’écart entre leur nombre d’enfants désirés, et le nombre d’enfants en fin de vie féconde révèle le poids des contraintes matérielles sur leurs décisions familiales. La part importante des hommes sans enfant interroge tout particulièrement sur ce degré de contrainte. Il est probable que l’écart entre le nombre idéal d’enfants et le nombre d’enfants réel (qui s’élève à 1 enfant, soit un peu plus que ce qui est déclaré par la population majoritaire et par les autres groupes d’origine) soit dû aux déclarations de ceux qui précisément ne sont pas parvenus à avoir d’enfant. On sait, en effet, que les personnes qui n’ont pas encore eu d’enfant ont tendance à déclarer un nombre idéal d’enfant supérieur à ceux qui en ont déjà eus (Toulemon et Rita Testa, 2005).
4. Les facteurs expliquant la situation familiale à 40 ans
38Pour approfondir notre analyse des éléments qui influent sur la descendance finale à 40 ans, nous procédons à nouveau à une analyse multivariée qui confirme les résultats précédents (tableau 10). Ainsi, même en tenant compte des différences de niveaux d’instruction, de calendrier de mise en union et des origines familiales, les descendants d’immigrés maghrébins ont une descendance finale semblable à celle des personnes de la population majoritaire (modèle 3). C’est également le cas des descendants d’immigrés des autres pays de l’UE27. Les descendants d’immigrés d’Europe du Sud ont, quant à eux, à caractéristiques équivalentes, moins d’enfants. Le principal facteur influant sur le nombre d’enfants en fin de vie féconde est le parcours conjugal. Sans surprise, plus la première union est repoussée, moins le nombre d’enfants à 40 ans est élevé. Ceux qui se mettent tardivement en union ne rattrapent ainsi pas le temps perdu en rapprochant les naissances. C’est aussi, avec le nombre d’unions, le facteur déterminant de l’écart entre le nombre d’enfants eus à 40 ans et le nombre d’enfants (modèle 4 en annexe 4 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/). Le milieu de socialisation familiale joue également. Ceux issus de familles où la religion avait beaucoup d’importance, ou qui ont grandi dans une large fratrie, sont ceux qui ont le plus d’enfants. Il existe ainsi une transmission intergénérationnelle des pratiques vis-à-vis de la famille, ce comportement n’étant pas propre aux descendants d’immigrés (Booth et Kee, 2006). Les hommes en couple avec une femme immigrée ont aussi plus d’enfants que les autres, ce qui n’est pas le cas des femmes en couple avec un homme immigré.
Tableau 10. Facteurs associés au fait d’avoir déjà vécu en couple à 40 ans (logit), d’avoir eu au moins un enfant à 40 ans (logit), et au nombre total d’enfants eus à 40 ans (logit ordonné)


*significatif à 10 % ; **significatif à 5 % ; ***significatif à 1 %.
Champ : descendants d’immigrés et population majoritaire âgés de 40 à 50 ans. Lecture : un coefficient positif (resp. négatif) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (resp. décroît), par rapport à la modalité de référence, le nombre d’enfants eus à 40 ans.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
39Outre ces facteurs familiaux, les facteurs structurels liés aux contraintes sur le marché du travail sont déterminants. Pour les femmes, avoir passé beaucoup de temps au chômage réduit la descendance finale (modèle 3) et même la probabilité d’avoir au moins un enfant à 40 ans (modèle 2), y compris pour celles ayant vécu au moins une fois en couple (modèle 2b en annexe 4 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/). Pour les hommes de toutes origines, avoir connu l’instabilité professionnelle diminue très fortement la probabilité d’avoir déjà vécu en couple (modèle 1), mais à situation de couple équivalente, la précarité professionnelle ne modifie pas le nombre total d’enfants eus à 40 ans, à l’inverse de ce qui se produit pour les femmes. La faiblesse des effectifs des sous-populations ne permet malheureusement pas l’analyse de l’effet de la précarité professionnelle sur la descendance finale au sein d’un même groupe d’origine.
40Au total, le calendrier de mise en couple affecte la descendance finale, tout comme les facteurs familiaux et structurels, notamment le calendrier d’insertion professionnelle pour les femmes. Contrairement aux immigrés, pour qui un effet propre de l’origine demeure même après avoir contrôlé les différentes caractéristiques individuelles et sociales, l’effet de l’origine est absent pour les descendants d’immigrés. La socialisation familiale s’avère bien moins forte que la socialisation sociétale. Les descendants d’immigrés ont, de fait, adopté les comportements féconds de la population majoritaire, même s’ils sont en deçà de leurs aspirations.
Conclusion
41L’histoire féconde des immigrés est étroitement liée à leur calendrier migratoire. La migration constitue une étape de l’entrée en vie adulte pour ceux qui migrent sans enfant, et elle a pour effet de repousser l’entrée en couple et en vie parentale. Dans la majorité des cas, la migration intervient avant la mise en couple et la naissance du premier enfant, de sorte que ces étapes s’en trouvent retardées, la première plus que la deuxième car les individus « rattrapent le temps perdu » en ayant un enfant rapidement après leur mise en couple. La naissance du premier enfant arrive ainsi assez tôt après la migration, notamment pour les femmes. Le calendrier de venue du premier enfant, tout comme le nombre d’enfants en fin de vie féconde, dépend fortement de la situation familiale à la migration. Ceux qui ont amorcé leur vie conjugale, et plus encore aussi leur vie féconde dans leur pays d’origine ont davantage d’enfants que ceux qui l’ont amorcée en France. Ainsi, même s’ils ont en moyenne plus d’enfants que les personnes de la population majoritaire, les immigrés arrivés sans enfant se rapprochent des normes procréatives de la société française. On observe des différences notables selon les pays de provenance, pour les hommes comme pour les femmes : la fécondité est plus tardive et moins importante pour les immigrés originaires d’Europe ; elle est plus précoce et élevée pour ceux originaires de Turquie ou d’Afrique sahélienne. Les différences entre origines migratoires sont très fortement liées à des différentiels de niveau d’instruction et au calendrier de mise en couple, lui-même lié au calendrier migratoire.
42Les descendants d’immigrés ont, quant à eux, été socialisés dans un contexte où la norme de la famille à deux enfants est très puissante, tout en grandissant dans des familles nombreuses. Il apparaît qu’ils ne reproduisent pas le comportement de fécondité de leurs parents, sans totalement adopter les modèles familiaux de la population majoritaire, que ce soit en termes d’âge à l’entrée en parentalité, ou de descendance finale. Ils et elles deviennent parents à un âge plus tardif que les personnes de la population majoritaire, notamment les hommes. Mais finalement, à 40 ans, les hommes comme les femmes ont le même nombre d’enfants qu’elle que soit leur origine. Cette observation globale cache en fait trois types de situations. Une partie se conforme à la norme de la famille à deux enfants. D’autres n’ont pas d’enfant probablement du fait de leur précarité économique (mais cela reste à démontrer plus fermement). Enfin, un troisième ensemble a 3 enfants ou plus, ce qui les rapproche du modèle familial de leurs parents (avec cependant peu de familles très nombreuses) sans les éloigner du modèle dominant en France.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Ces données étant rétrospectives, nous n’observons que les comportements féconds de ceux qui sont restés en France. Nous n’avons pas d’information concernant les comportements féconds des migrants qui sont repartis de France métropolitaine.
2 La notion de célibat s’entend ici non au sens administratif, mais comme le fait de n’avoir pas encore rencontré le premier conjoint avec qui l’enquêté aurait vécu pendant au moins six mois dans un même logement en étant marié ou non. C’est ainsi la date de rencontre de ce conjoint qui est ici prise en considération et mise en perspective avec la date d’installation en France métropolitaine pour un séjour de plus d’un an pour déterminer si la personne était en couple ou non avant sa migration.
3 Voir chapitre 2 dans cet ouvrage.
4 Voir chapitre 1 de cet ouvrage.
5 Nous avons utilisé des variables dynamiques qui indiquent, pour chaque année, dans le parcours de vie de la personne enquêtée, si celle-ci était en couple ou non, si son conjoint était une personne immigrée, descendante d’immigré ou de la population majoritaire. Pour analyser l’effet du statut avant la conception de l’enfant, ces variables sont retardées d’un an. Autrement, dit le modèle étudie chaque année (n) la probabilité que survienne la 1re naissance, la situation matrimoniale étant observée l’année précédente (n-1).
6 En raison de l’évolution des vagues migratoires au fil du temps, la population des personnes âgées de 45 ans et plus ne recouvre pas celle étudiée dans la section précédente. Elle est en particulier nettement moins instruite que la population des immigrés âgés de moins de 45 ans (voir annexe 2 sur teo.site.ined.fr/annexes) et la part des originaires du Portugal et d’Asie du Sud-Est y est plus importante en raison de l’ancienneté de cette migration. Malgré l’ancienneté de leur courant migratoire, les originaires d’Italie et d’Espagne ne sont pas surreprésentés dans cette sous-population dans la mesure où ils sont souvent arrivés avant 11 ans, et donc exclus de notre champ d’analyse (voir chapitre 1).
7 Le nombre moyen d’enfants à 45 ans obtenu avec les données TeO est légèrement supérieur à celui qu’obtenaient Toulemon et Mazuy (2004) avec les données EHF (1999) : 0,2 enfant de plus pour les femmes immigrées de génération comparable. Les différentes modalités d’échantillonnage (exclusion des immigrés arrivés avant 12 ans, générations plus récentes dans notre étude) et de collecte des calendriers familiaux peuvent expliquer cet écart.
8 Les hommes déclarent en moyenne un peu moins d’enfants que les femmes au même âge, ce qui peut s’expliquer par l’écart d’âge entre conjoint (ils sont plus âgés que leur conjointe aux différentes naissances) et une sous-déclaration des enfants (notamment décédés) pour les hommes.
9 Notons, par exemple, que les enfants d’immigrés turcs sont globalement beaucoup plus jeunes que ceux des immigrés espagnols ou italiens et qu’ils n’ont donc pas du tout vécu leurs 18 ans à la même époque, ce qui peut contribuer à expliquer les différence d’âge à la mise en couple.
10 Nous avons construit des variables dynamiques relatives à la situation d’activité l’année précédente.
11 Le nombre d’enfants à 40 ans s’établit dans l’enquête TeO à un niveau légèrement en deçà de celui obtenu avec des données d’état civil.
Auteurs
Ariane Pailhé docteure en économie, est directrice de recherche à l’Ined. Ses thèmes de recherche sont les discriminations sur le marché du travail selon le sexe et/ou l’origine ethnique, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et la gestion du temps entre conjoints. Ses récents travaux portent sur l’entrée dans la vie adulte des migrants et leurs descendants, le lien entre fécondité et chômage, et l’évolution de la répartition du travail domestique entre hommes et femmes dans les pays occidentaux. Elle est rédactrice en chef du site Internet de l’Ined, membre du comité de rédaction de la revue Population et du comité directeur du GDR européen Mage.
Christelle Hamel est sociologue, chercheuse à l’Ined, co-responsable de l’unité de recherche Démographie, genre et sociétés. Ses travaux antérieurs portent sur les rapports de genre chez les jeunes issus des immigrations maghrébine et turque, notamment la période de jeunesse, la conjugalité et l’expérience du racisme. Elle a aussi conduit des recherches sur le mariage forcé. Elle est également responsable de l’enquête Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies en France.
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Trajectoires et origines
Enquête sur la diversité des populations en France
Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (dir.)
2016
En quête d’appartenances
L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités
France Guérin-Pace, Olivia Samuel et Isabelle Ville (dir.)
2009
Parcours de familles
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2016
Portraits de famille
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2009
Inégalités de santé à Ouagadougou
Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso
Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura et Géraldine Duthé (dir.)
2019
Violences et rapports de genre
Enquête sur les violences de genre en France
Elizabeth Brown, Alice Debauche, Christelle Hamel et al. (dir.)
2020
Un panel français
L’Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales (Elipss)
Emmanuelle Duwez et Pierre Mercklé (dir.)
2021
Tunisie, l'après 2011
Enquête sur les transformations de la société tunisienne
France Guérin-Pace et Hassène Kassar (dir.)
2022
Enfance et famille au Mali
Trente ans d’enquêtes démographiques en milieu rural
Véronique Hertrich et Olivia Samuel (dir.)
2024