Chapitre 9
Migration et conditions de vie : leur impact sur la santé1
p. 263-287
Texte intégral
1La question de la santé intervient peu dans les débats sur l’immigration. Cependant, il arrive qu’elle émerge lors de la réapparition de maladies infectieuses depuis longtemps endiguées ou lorsqu’est évoquée l’aide médicale d’État dont bénéficient les migrants sans titre de séjour. Ce dispositif est alors perçu comme un facteur favorisant l’immigration, en particulier l’immigration illégale, étant sous-entendu que les migrants viendraient en France pour « profiter » du système de santé. En filigrane de cette allégation, le mauvais état de santé est envisagé comme déterminant de la migration. Mais au-delà de ces mauvais procès, on ne sait pas grand-chose de l’état de santé des migrants à leur arrivée en France, et moins encore de son évolution après plusieurs années de résidence. Existe-t-il des différences liées aux conditions de vie dans le pays d’origine et à celles dans le pays d’accueil ? Force est de constater que les débats sur ces questions et sur les politiques publiques de santé et de migration mériteraient d’être davantage documentés par des éclairages statistiques. Ce chapitre entend répondre à ces interrogations en s’appuyant sur les possibilités offertes par l’enquête TeO. Il s’intéresse à l’état de santé des personnes migrantes en procédant à une analyse de l’état de santé déclaré par les personnes enquêtées selon leur origine, leur âge, leurs conditions de vie passées et actuelles et leur histoire migratoire. En cela, il apporte des informations inédites en France en 2014. Il permet encore de produire des savoirs jusqu’alors inexistants sur les personnes originaires d’un département d’outre-mer. Comme dans la plupart des autres chapitres de cet ouvrage, ces dernières sont ici intégrées aux analyses en raison de leur expérience d’une grande mobilité géographique, ainsi qu’en raison de leur exposition aux discriminations raciales, deux faits qui ont des effets possibles sur leur santé. S’ils ne sont pas immigrés, puisque Français de naissance sur plusieurs générations, ils partagent avec les personnes immigrées un certain nombre d’expériences communes. En outre, l’accès à la santé dans les départements d’outre-mer n’est pas de qualité équivalente à celle de la métropole.
I. L’évolution des sources de données sur la santé
1. Les limites des données d’enquête
2La santé des immigrés n’a émergé comme objet de recherche démographique que dans les années 1990, à travers des travaux pionniers sur les disparités de mortalité (Brahimi, 1980 ; Khlat, Courbage, 1995a et 1995b) et de morbidité (Mizrahi et Mizrahi, 1993 et 2000, Khlat, Sermet, Laurier, 1998). Toutefois, les données alors disponibles ne renseignaient que sur la situation des étrangers et ignoraient le cas des immigrés ayant acquis la nationalité française. Or, d’après le recensement de la population de 1999, 36 % des immigrés avaient acquis la nationalité française. Autrement dit, environ un tiers de cette population se trouvait exclu des analyses sur la santé.
3C’est dans le sillage de ces travaux, signalant les biais de sélection liés à la nationalité comme critère de découpage des populations, et dans un contexte global d’évolution de la statistique publique vers une meilleure identification des personnes migrantes dans les enquêtes quantitatives que, dès le début des années 2000, les enquêtes de santé en population générale2 ont été enrichies des informations nécessaires à l’identification de tous les migrants, à savoir le pays de naissance et la nationalité à la naissance. Il fût alors possible d’appréhender le statut de migrant comme « l’une des dimensions de la production sociale des inégalités de santé » (Fassin, 1998). Avec ces nouvelles informations, les travaux sur l’état de santé général des personnes migrantes (Attias-Donfut, 2003 ; Dourgnon et al., 2008) et sur les disparités en matière de recours aux soins de ville (Dourgnon, Jusot, Sermet, Silva 2009) se sont multipliés.
4Toutefois, les possibilités d’analyse offertes par les grandes enquêtes sur la santé conservent encore deux limites majeures : conduites auprès de l’ensemble de la population résidant en France, sans sur-échantillonnage de la population immigrée, les effectifs de migrants enquêtés sont souvent trop faibles pour présenter les résultats par origine détaillée. En outre, elles n’informent ni sur la durée de résidence sur le territoire français ni sur l’âge à l’arrivée. L’absence de ces informations empêche de déterminer si l’état de santé dégradé des migrants est à imputer à leurs conditions de vie dans leur pays d’origine avant la migration ou à leurs conditions de vie en France après la migration. Pour pallier ce manque, certains chercheurs ont eu recours à des proxys de la durée de résidence comme, par exemple, le fait d’avoir la nationalité française, son acquisition impliquant une durée de résidence minimale (Jusot et al., 2008), mais on voit les limites de cette approche. L’enquête Passage à la retraite des immigrés réalisée en 2002-2003 par la Caisse nationale d’assurance vieillesse échappe à ces critiques (Attias-Donfut, 2003), mais elle porte seulement sur les immigrés les plus âgés et n’offre pas de comparaison possible avec les personnes non immigrées, ce qui empêche d’établir une véritable évaluation de la situation et d’accéder à une compréhension globale des processus agissant sur la santé des migrants.
2. L’apport de l’enquête TeO
5De par la taille de son échantillon et le recueil de données à la fois sur l’état de santé, le parcours migratoire, les évènements de vie passés et les conditions de vie actuelles, l’enquête TeO constitue une source de données originale qui pallie ces manques. Elle permet d’examiner la santé des immigrés, quelle que soit leur nationalité, au regard de leur conditions d’arrivée en France. L’introduction dans son questionnaire d’un module complet sur la santé constitue une nouveauté par rapport à l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale réalisée en 1992. L’insertion de ces questions n’a d’ailleurs pas été une évidence, l’étude de la santé ne faisant pas encore partie des questions classiques dans le champ des études sur l’intégration des migrants. Pourtant, on peut penser qu’être en bonne santé favorise l’intégration sociale et économique, que recourir au système de soins peut être considéré comme un indicateur parmi d’autres d’une bonne insertion sociale, et que l’étude des refus de soins peut être associée à celle des discriminations qui jusqu’alors sont restées cantonnées aux sphères de l’emploi ou du logement, exception faite de travaux isolés utilisant des méthodes qualitatives (Carde, 2006). En dépit de ses apports, TeO n’est pas une enquête sur la santé et que les éléments potentiellement explicatifs de l’état de santé ne sont pas explorés de façon aussi approfondie que dans une enquête spécifique à cette thématique.
II. L’état des savoirs sur la santé des migrants et les pistes de recherche
6Que sait-on aujourd’hui sur la santé des immigrés et quelles hypothèses de recherche peut-on formuler pour étudier leur état de santé à leur arrivée et au fur et à mesure des années de résidence en France ?
1. Les études épidémiologiques
7Les premiers travaux menés sur la santé des migrants ont d’abord concerné des sous-groupes particuliers. Il s’agissait de rapports d’activités menées par des associations de médecins avec, dès les années 1970, le rapport pionnier du docteur Marc Gentilini (1972), jusqu’aux bilans plus récents et plus nombreux à partir de la fin des années 1980 (Médecins du Monde, Médecins sans frontières, réseau Remede, Migrants contre le sida), en raison d’une recrudescence de la tuberculose et de l’apparition de l’épidémie de sida. Ces rapports concernent des migrants ayant été confrontés à des événements difficiles ou à d’importantes difficultés sociales dans leurs parcours (réfugiés politiques, sans-papiers, personnes consultant des centres gratuits de santé, …). Ils font état de la très grande précarité de ces personnes et des conséquences sur leur santé, y compris leur santé mentale. Ils soulignent la prévalence importante de pathologies plutôt rares dans la population générale, comme le saturnisme, la tuberculose et le VIH-sida (Fassin, 1998) ou encore certains troubles psychiques (Veïsse, Wolmark et Revault, 2012). De fait, ces pathologies sont apparues directement liées à des traumatismes vécus avant la migration (contextes de guerres, persécutions, …), à la présence importante de certaines maladies dans les pays d’origine (le VIH-sida en Afrique subsaharienne notamment) ainsi qu’à de très mauvaises conditions de vie en France (saturnisme ou tuberculose), les trois facteurs se cumulant parfois et se trouvant aggravés par un déficit de soins inhérent à l’absence de couverture sociale ou à une identification tardive du besoin de soins.
8Dans le même temps, les données quantitatives portant sur les migrants étrangers (à l’exclusion des naturalisés) dressaient un autre tableau. À âge identique et profession équivalente, elles soulignaient une meilleure santé des migrants, comparée à la population générale. Ce constat a notamment été mis en évidence pour les personnes vivant dans un ménage où le chef de famille avait la nationalité d’un des trois pays du Maghreb (Khlat, Sermet, Laurier, 1998). D’autres travaux concluaient encore à un taux de mortalité des migrants étrangers inférieur à celui de la population de nationalité française, ce qui fut repéré pour l’ensemble des étrangers (Mizrahi et Mizrahi, 1993, 2000) comme pour certaines nationalités (Khlat et Courbage, 1995a, 1995b) ont ainsi mis en évidence une moindre mortalité des hommes de nationalité marocaine comparativement aux hommes de nationalité française à âges et catégories socioprofessionnelles identiques. Mais, à l’inverse, ils soulignaient une mortalité légèrement plus importante pour les femmes marocaines que pour les Françaises.
9Ces écarts de mortalité pourraient être dus à des différences d’habitudes alimentaires des originaires du Maghreb, ces habitudes s’avérant plus protectrices pour la santé du fait notamment d’une moindre consommation d’alcool et de tabac, particulièrement chez les femmes, mais aussi en raison d’une plus forte consommation de poissons et de fruits que dans le reste de la population (Warner, Khlat, Bouchardy, 1995). Il fut ainsi mis au jour une sous-mortalité par cancer chez les hommes. Chez les femmes, en dépit d’une mortalité et d’une morbidité globales plus faibles, il a été constaté une surmortalité par diabète et une fréquence plus élevée des maladies endocriniennes et métaboliques liées à l’obésité, témoignant aussi d’une alimentation plus sucrée chez ces dernières.
2. Le tournant des années 2000 : de nouvelles pistes de recherche
10Comme souligné plus haut, les données statistiques se sont améliorées : les migrants ayant acquis la nationalité française peuvent désormais être pris en considération dans les analyses, ce qui signifie que la population étudiée est désormais plus large et plus diversifiée. On assiste alors à la production de résultats qui apparaissent contradictoires entre eux et donnent lieu à des discussions méthodologiques et à des débats d’interprétation. Dans un premier temps, des recherches conduites à partir des déclarations des enquêtés sur le fait de souffrir d’au moins une maladie chronique ou de limitations dans les activités quotidiennes (dites « limitations fonctionnelles ») confirment le constat d’un meilleur état de santé par rapport aux non-migrants (Jusot et al., 2008). Mais à l’inverse, les déclarations concernant la santé perçue révèlent qu’à âge et profession identiques, ils se déclarent plus fréquemment en mauvaise ou très mauvaise santé alors qu’il s’agit pourtant des mêmes enquêtés (Jusot et al., 2008 ; Berchet et Jusot, 2010).
11Ces incohérences ne sont pas évidentes à interpréter. Les épidémiologistes ont montré que pour la population générale, la déclaration de l’état de santé général s’avère être un bon indicateur de prévision de la mortalité et de la morbidité chronique (Idler et Benyamini, 1997 ; Bond, 2006). Mais, comme l’ont ensuite noté les auteures de ces travaux sur les migrants (Berchet et Jusot, 2012), ces derniers identifient probablement moins bien les maladies dont ils sont porteurs que le reste de la population car ils ont moins souvent recours aux médecins. Or, la déclaration des maladies chroniques par les enquêtés est très conditionnée à leur diagnostic par un médecin et donc à la consultation du corps médical. Il est donc possible que l’appréciation subjective de leur état de santé constitue un indicateur plus fiable de leur état de santé qu’un questionnement précis sur les maladies chroniques ou limitations dont ils pourraient souffrir, d’autant que cette appréciation prend aussi en considération l’état de santé mental et le sentiment global de bienêtre. Cette hypothèse se trouve corroborée par une moindre fréquentation des professionnels de santé par les migrants, par rapport au reste de la population (Mizrahi et Mizrahi, 1993). Par exemple, le constat pour les femmes marocaines d’un risque plus élevé de décès par cancer de l’utérus (Khlat, Courbage, 1995) et d’une plus forte prévalence des maladies périnatales (Khlat, Sermet, Laurier, 1998) témoigne d’une moindre fréquence des consultations gynécologiques, désormais attestée par l’enquête Santé, inégalité et rupture sociale pour l’ensemble des femmes étrangères (Grillo, Soler, Chauvin, 2012). L’enquête Périnatale de 2010, coordonnée par la Drees et l’Inserm, a confirmé l’existence de disparités de suivi en matière de grossesse et atteste de besoins de prévention et de prise en charge différenciées pour les femmes étrangères, particulièrement les femmes d’Afrique subsaharienne.
12Une autre interprétation possible de ces constats contrastés est l’élargissement de la population étudiée à la population immigrée devenue française, dont on sait qu’elle a des caractéristiques légèrement différentes de la population immigrée demeurée étrangère (une durée de résidence en France plus longue, une meilleure connaissance de la langue française et du système de soins, des habitudes alimentaires modifiées, des trajectoires migratoires différentes, etc.). Or, plusieurs travaux du début des années 1990, majoritairement anglophones, ont montré l’existence d’une sélection des candidats à la migration par leur état de santé, processus identifié dans de nombreux pays d’immigration (États-Unis, Canada, Australie…) et désigné dans la littérature par l’expression de « healthy migrant effect » (effet de l’immigrant en bonne santé) (Fennelly, 2007 ; Hyman et Jackson, 2010). Ces travaux montrent qu’à leur arrivée dans le pays d’installation, les immigrés ont une meilleure santé que les personnes du même âge natives de ce pays. Ce capital santé à leur arrivée expliquerait en partie leur moindre morbidité observée. Ainsi, on peut estimer que le constat, établi au cours des années 1990, d’une meilleure santé des migrants étrangers est la conséquence d’une arrivée récente de ces derniers, les migrants naturalisés n’étant pas pris en considération. D’autres travaux menés en Australie, aux États-Unis, au Canada ou encore au Mexique (Chen, Ng et Wilkins, 1996 ; Rubalcava et al., 2008) ont observé qu’un effet délétère des conditions de vie dans le pays d’accueil altérait la santé des migrants au point de faire disparaître le capital initial de bonne santé. Ils ont ainsi établi que leur santé se dégrade plus rapidement que celle des personnes non immigrées.
13Dernier domaine de recherche sur la santé des migrants, mais qui n’a jusqu’alors connu aucune application en France : l’étude des effets sur la santé de l’expérience du racisme et des discriminations. Les travaux sur ce thème s’intéressent non seulement aux migrants, mais aussi plus globalement aux minorités dites « ethniques » dans la littérature anglophone. Ils mettent au jour l’effet néfaste de ces discriminations tant sur la santé mentale que physique (Karlsen, Nazroo, 2002 ; Johston et Lordan, 2011 ; Muenning et Murphy, 2011) et insistent sur le fait que les conditions de vie dégradées que connaissent les personnes exposées aux discriminations, comparativement aux personnes non racisées mais ayant les mêmes conditions de vie, ne résultent pas des mêmes processus. Ces travaux invitent à davantage explorer les liens entre inégalités sociales, racisme, discrimination, migration et santé.
14Ce sont ces phénomènes jusqu’alors inexplorés en France, faute de données adéquates, que nous nous proposons d’examiner, en nous demandant si les constats établis ailleurs valent aussi pour les migrants résidant en France, étant donné d’une part que les pays d’origine ne sont pas les mêmes qu’aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni ou au Canada, et d’autre part qu’il n’existe pas en France de politique empêchant les migrants en mauvaise santé d’entrer sur le territoire, à la différence de certains de ces pays. On peut encore se demander si ces constats valent pour tous les courants migratoires ou seulement certains d’entre eux.
III. L’approche de la santé, des conditions de vie et des circonstances de la migration
15Quelle méthode d’analyse et quels indicateurs pouvons-nous utiliser avec l’enquête TeO pour répondre à ces questions ?
16L’enquête enregistre l’état de santé à partir des trois questions standardisées du minimodule européen de santé, comme la plupart des enquêtes évoquées ci-dessus. Ce module permet d’appréhender les dimensions subjectives, médicales et fonctionnelles de la santé et de disposer d’une auto-évaluation par les enquêtés de leur état de santé sans avis d’un médecin. La première question « Comment est votre état de santé en général ? » constitue à la fois un indicateur de santé mais aussi, plus globalement, un indicateur de bienêtre tant physique que psychologique. Cinq modalités de réponses sont proposées : « très bon », « bon », « moyen », « mauvais » et « très mauvais »3. Comme signalé plus haut, cet indicateur subjectif de l’état de santé est plus adapté à l’étude de la santé des migrants que les questions sur les maladies chroniques ou les limitations fonctionnelles. C’est pourquoi nous l’avons retenu pour l’analyse. Il est aussi plus adapté à l’objectif de cette étude qui est d’observer l’impact des conditions de vie sur la santé, car il tient mieux compte de la fatigue mentale induite par les conditions de vie difficiles, la précarité administrative (que connaissent beaucoup de migrants les premières années de leur arrivée), par l’expérience des discriminations et du racisme, ainsi que par l’isolement social. Il permet aussi de tenir compte des troubles psychiques qui peuvent découler des événements traumatisants vécus avant ou pendant la migration (persécutions, emprisonnement, conflits armés, etc.).
17Compte tenu de l’âge des enquêtés (18-60 ans) et du fait qu’ils se déclarent, pour la majorité d’entre eux, en bonne ou très bonne santé (77 % des immigrés, toutes origines confondues, 81 % des natifs d’un DOM et 85 % des enquêtés de la population majoritaire), cette étude fait le choix de se focaliser plutôt sur la santé altérée (qui regroupe les modalités « état de santé moyen », « mauvais » et « très mauvais »). L’effectif de personnes déclarant une santé altérée parmi les migrants classés dans les catégories « Autres pays de l’UE27 » et « Autres pays » étant faible, nous avons dû les regrouper dans un même ensemble, sachant que les premiers restent majoritaires dans ce nouveau groupe.
18Étant établi que les femmes et les hommes ont des comportements distincts tant dans l’appréciation de leur état de santé que dans leurs recours aux soins, les données sur l’état de santé déclaré sont présentées par origine et par sexe. Ce choix est aussi fondé sur le fait qu’hommes et femmes ne migrent pas dans les mêmes circonstances ni suivant les mêmes calendriers. Celles qui, comme la plupart des hommes, ont migré seules ont longtemps été une exception4.
19Pour étudier les effets conjugués des conditions de vie et de la durée de résidence selon les origines, nous procédons en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il s’agit de mesurer la proportion de personnes déclarant une santé altérée dans chaque groupe d’origine en tenant compte de l’âge des enquêtés (section IV, tableau 1). Dans un second temps, nous utilisons des modèles de régression logistique (section V, tableau 2), qui permettent d’établir des comparaisons avec la population majoritaire, à conditions de vie équivalentes. Enfin, nous comparons les migrants entre eux du point de vue de leur santé en fonction des caractéristiques de leur parcours migratoire (grâce aux informations sur l’âge à l’arrivée et la date d’entrée sur le territoire métropolitain) (section V tableau 2).
Tableau 1. Prévalence de l’état de santé altéré selon l’origine et le sexe

Champ : immigrés, natifs d’un DOM et enquêtés de la population majoritaire, 18-60 ans. Lecture : il y a 1788 hommes âgés de 18-60 ans qui appartiennent à la population majoritaire dans l’enquête. 15 % d’entre eux déclarent un état de santé altéré, c’est-à-dire « moyen », « mauvais » ou « très mauvais ».
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
IV. Les disparités en matière de santé selon l’âge et l’origine des immigrés
20La proportion d’hommes qui déclarent une santé altérée est de 15 % dans la population majoritaire contre 18 % chez les natifs d’un DOM et les immigrés (tableau 1). Pour les femmes, les pourcentages s’établissent respectivement à 16 %, 20 % et 25 %. De ces données, un double constat ressort : d’une part, les migrants se déclarent plus souvent en mauvaise santé que les enquêtés de la population majoritaire ; d’autre part, l’écart est davantage prononcé chez les femmes avec près de 10 points qui séparent les femmes migrantes (25 % se déclarent en mauvaise santé) des femmes de la population majoritaire (16 %).
21Ces résultats, présentés pour les immigrés dans leur ensemble, masquent de fortes disparités selon l’origine. Ainsi, les hommes et les femmes originaires de Turquie, d’Asie du Sud-Est et du Portugal sont ceux qui déclarent le plus souvent être en mauvaise santé : c’est le cas de plus d’un quart des hommes et un tiers des femmes originaires de ces pays ou régions du monde. Au sein de la population masculine, des différences notables sont à relever entre les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne ou des pays de l’UE27 (autre que le Portugal, l’Espagne et l’Italie) qui sont seulement 12 % à déclarer une santé altérée et les immigrés d’Asie du Sud-Est et du Portugal pour lesquels le pourcentage est deux fois plus élevé (26 %) ou encore les immigrés turcs (22 %). Ces écarts se retrouvent pour la population féminine, en particulier entre les originaires de l’UE27 (17 %) et à l’opposé les originaires de Turquie, d’Asie du Sud-Est et du Portugal (respectivement 31 %, 33 % et 37 %).
22Les différences de structure par âges expliquent une partie des écarts5 car le poids des individus âgés de 50 à 60 ans les plus susceptibles de se déclarer en mauvaise santé, varie entre les groupes d’origine, de 12 % seulement parmi les immigrés d’Afrique subsaharienne et de Turquie, à 30 % parmi les immigrés venus du Portugal et d’Asie du Sud-Est et s’élèvant à 54 % parmi les immigrés d’Espagne et d’Italie. À l’inverse, les moins de 40 ans représentent plus de 60 % de la population d’origine turque et subsaharienne.
23Mais compte tenu de cette répartition par âges, les résultats sont surprenants à plusieurs égards. En effet, bien que très jeunes, les femmes et les hommes venus de Turquie se déclarent plus fréquemment en mauvaise santé que la population majoritaire. En revanche, les immigrés d’Espagne ou d’Italie, nettement plus âgés, ne se déclarent pas plus souvent en mauvaise santé pour autant. Pour approfondir l’analyse, il est donc nécessaire de neutraliser les effets de structure par âges, mais aussi les effets possibles de la plus forte concentration de certains groupes d’origine dans les milieux populaires, car au-delà des effets d’âges, ces résultats amènent surtout à s’interroger sur les conditions de vie.
V. La diversité des conditions de vie et des causes d’altération de la santé
24Les conditions de vie néfastes pour la santé ne concernent pas les différentes origines de manière équivalente. Il convient donc d’aller plus loin dans l’examen de ces différences de santé car certaines origines sont davantage présentes dans des milieux défavorisés.
1. Des conditions de travail et de vie plus dures pour les immigrés…
25Les immigrés n’ont pas tous les mêmes conditions de vie en France. De fait, les niveaux de qualification et les situations d’emploi, très corrélés à l’état de santé divergent fortement, de même que les expériences passées. On doit ainsi noter que les immigrés venus de Turquie cumulent à la fois un taux élevé de personnes non diplômées (35 % contre 9 % parmi la population majoritaire) et de personnes au chômage ou confrontées à d’importantes difficultés financières6. Il en est de même pour les enquêtés originaires du Maghreb qui sont de surcroît plus nombreux à déclarer des discriminations (28 % contre 9 % pour la population majoritaire). Si les immigrés portugais ne sont pas davantage diplômés que ceux de Turquie, ils se distinguent par un taux de chômage inférieur à celui de la population majoritaire, mais aussi par un taux plus élevé de personnes déclarant avoir vécu des situations difficiles dans leur famille durant l’enfance (44 % contre 26 %), plus souvent liées à l’alcoolisme des parents que dans les autres groupes. Les immigrés en emploi, originaires de Turquie comme du Portugal, se concentrent, chez les hommes, dans des secteurs d’activité tels que les métiers du bâtiment (respectivement 57 % et 51 %) et chez les femmes, dans le secteur de l’aide à la personne (28 % des immigrées portugaises) ou des métiers de la restauration (18 % des femmes immigrées turques), des emplois pénibles dont les effets délétères pour la santé sont connus. Notons qu’une femme immigrée de Turquie sur deux est au foyer (un taux 6 fois plus élevé que dans la population majoritaire et nettement supérieur à ceux observés dans les autres groupes).
26Si les immigrés originaires d’Asie du Sud-Est sont également plus nombreux que les personnes de la population majoritaire à n’avoir aucun diplôme (30 %), ils ne sont pas davantage confrontés au chômage ou aux difficultés financières. En revanche, ils ont été trois fois plus souvent confrontés à des situations très précaires de logement (45 %), conséquence, notamment pour beaucoup d’entre eux, de leur situation de réfugiés politiques et du parcours migratoire des boat people vietnamiens inclus dans l’enquête.
27Les non-diplômés sont deux fois plus nombreux chez les natifs d’un DOM (19 %) que dans la population majoritaire, mais ils ne sont pas, eux non plus, davantage au chômage ou en difficulté financière. Ils ont plus souvent connu des situations difficiles durant l’enfance (37 % contre 25 % pour la population majoritaire) et déclarent faire l’expérience de discriminations (29 %).
28Quant aux immigrés d’Afrique subsaharienne, ils sont en bonne santé du fait de leur jeune âge et de qualifications plus élevées, un constat particulièrement vrai pour les hommes (58 % ont un niveau baccalauréat ou supérieur contre 46 % dans la population majoritaire) et, dans une moindre mesure, pour les femmes (36 % contre 52 %), mais cumulent déjà tous les facteurs de conditions de vie néfastes, ce qui laisse augurer que leur santé se dégradera rapidement, d’autant qu’une proportion importante d’entre eux possèdent aussi le statut de réfugié.
29Enfin, il faut souligner que les discriminations sont enregistrées uniquement pour la période des cinq années précédant l’enquête. Or, des discriminations antérieures peuvent être à l’origine de la situation actuelle de chômage ou de l’orientation vers des métiers où les conditions de travail sont plus difficiles. Autrement dit, les analyses à conditions de vie identiques tendent à masquer l’impact même de ces discriminations sur les conditions de vie actuelles et sur la santé.
2… qui altèrent la santé plus vite
30Pour étudier l’effet de ces conditions de vie sur l’état de santé pour l’un et l’autre sexe, nous avons conduit une première régression logistique contrôlant l’influence de l’âge et de l’origine sur la probabilité de déclarer un état de santé altéré plutôt qu’une bonne santé (tableau 2, modèle 1). Ce premier modèle permet de déterminer si, à groupe d’âges identique, les personnes d’une origine donnée déclarent plus souvent que les personnes de la population majoritaire un état de santé altéré. De fait, l’âge étant contrôlé, les résultats mettent en évidence que les hommes et les femmes originaires de Turquie se déclarent plus souvent en mauvaise santé que leurs homologues de la population majoritaire (OR = 2,4 pour les hommes et 2,9 pour les femmes7). La surdéclaration d’une santé altérée se maintient aussi chez les immigrés originaires d’Asie du Sud-Est, du Portugal et du Maghreb, mais elle est nettement moins forte (les odds ratios sont de l’ordre de 1,7 pour les hommes et de 2,2 pour les femmes). De même, les hommes nés dans un DOM se déclarent en plus mauvaise santé que ceux de la population majoritaire, mais ce résultat est moins significatif. Pour les femmes natives d’un DOM, la surdéclaration d’un état de santé altéré comparativement aux femmes de la population majoritaire est presque inexistante. À noter que parmi les immigrés d’Afrique subsaharienne, seules les femmes se déclarent davantage en mauvaise santé que les femmes de la population majoritaire. Mais une fois contrôlés les effets de l’âge sur la déclaration d’une santé altérée, aucune différence n’est observée pour les hommes et les femmes venus d’Espagne ou d’Italie ni pour ceux des autres pays de l’UE27 comparés aux personnes de la population majoritaire. Autrement dit, pour ce groupe, les différences observées précédemment dans les statistiques descriptives sont uniquement dues à la forte proportion de personnes ayant entre 50 et 60 ans parmi les immigrés d’Europe du Sud, tandis qu’elles sont imputables à d’autres facteurs pour les migrants venus du Maghreb, de l’Asie du Sud-Est et de Turquie.
Tableau 2. Facteurs de conditions de vie associés à la déclaration d’une santé altérée (régression logistique, odds ratios)


Légende : ***p < 0,01 ; **p < 0,05 ; *p < 0,1. Réf. : situation de référence.
Champ : immigrés, natifs d’un DOM et enquêtés de la population majoritaire, 18-60 ans.
Lecture : en comparaison d’un homme de la population majoritaire ayant entre 31 et 40 ans, un homme immigré originaire de Turquie ayant le même âge a un risque 2,4 fois plus élevé de déclarer une santé altérée plutôt qu’une bonne santé. Note : analyse réalisée sur les données non pondérées.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
31Le second modèle (tableau 2, modèle 2) poursuit cette comparaison en ajoutant certaines caractéristiques décrivant l’enquêté et ses conditions de vie depuis l’enfance jusqu’au jour de l’enquête. Un premier pôle d’information concerne l’emploi et les ressources matérielles :
le niveau de diplôme, dont on sait qu’il est très déterminant de l’état de santé pour deux raisons : il conditionne un métier qui lui-même exposera à des conditions de travail plus ou moins délétères et il induit une meilleure capacité à recevoir les messages de prévention, ainsi qu’à à comprendre les discours médicaux et à utiliser le système de soins.
l’opinion sur le revenu du ménage (qui permet d’apprécier les difficultés financières8) ;
la situation d’activité au moment de l’enquête (emploi, chômage, inactivité) ;
l’instabilité et la précarité dans l’emploi au cours de la carrière professionnelle (conçue comme le fait d’avoir alterné des contrats courts et des périodes de chômage sur une période d’au moins un an) ;
l’expérience de discriminations ressenties au cours des cinq dernières années (que ce soit dans la recherche d’emploi ou le travail, dans la recherche de logement, dans le contact avec des administrations, etc.) et quelles que soient les raisons possibles de ces discriminations (sexistes, racistes, homophobes, etc.) car ces situations sont potentiellement génératrices de stress, de dépression ou d’isolement ;
la précarité dans le logement : le fait d’avoir connu des situations de logement difficiles au cours de la vie telles que vivre dans un squat, une chambre d’hôtel, un foyer d’hébergement ou dans la rue, ou encore en prison, des situations qui peuvent avoir été subies avant comme après la migration.
32En outre, des informations relatives à la famille ont aussi été insérées dans le modèle, notamment sur la famille d’origine avec pour hypothèse sous-jacente que certains contextes familiaux vécus pendant l’enfance peuvent avoir des effets durables sur la santé des personnes à l’âge adulte : la taille de la fratrie ; les graves problèmes d’argent dans la famille ; l’alcoolisme d’au moins un des parents ; avoir subi des violences graves avant 18 ans.
33Par ailleurs, diverses recherches ont montré que l’environnement relationnel des individus a un impact sur la santé (Lert, Melchior, Ville, 2007 ; Berchet et Jusot, 2010) : l’isolement fragilise et réduit la circulation des informations, sur la santé comme sur d’autres sujets. Nous avons ainsi retenu deux informations :
une information concernant la famille formée par l’enquêté qui se limite à la seule indication du nombre d’enfants, à l’exclusion du statut matrimonial et du nombre de ruptures d’union, après avoir constaté qu’aucune de ces deux dernières informations n’avait d’effet direct sur la déclaration de santé perçue (non significatives dans les régressions). Notons que le fait d’avoir des enfants induit de fait des contacts réguliers avec le système scolaire et le système de soins.
une information sur l’isolement social approchée par le fait de ne pas avoir rencontré d’amis dans les 15 derniers jours. L’hypothèse sous-jacente est que l’isolement est générateur de mal-être et qu’il contribue à ce que l’enquêté soit moins bien informé sur la santé et le système de soins.
34L’analyse des résultats (tableau 2, modèle 2) souligne que les trois facteurs les plus fortement associés à une santé altérée sont, pour les hommes comme pour les femmes, les conditions socioéconomiques actuelles : éprouver des difficultés financières, ne pas avoir d’emploi, avoir un faible niveau de qualification favorisent la dégradation de la santé. Toutefois, on perçoit des différences selon le sexe. Pour les hommes, être en dehors du marché du travail est la première caractéristique associée à une santé altérée : les inactifs se déclarent trois fois plus souvent en mauvaise santé que ceux en emploi (OR = 3,1). Ces inactifs sont, d’une part, des individus en retraite (sans doute anticipée puisqu’ils ont moins de 61 ans) et, d’autre part, des individus sortis du marché du travail probablement pour des raisons de santé, puisqu’ils ne se déclarent ni comme retraités, ni comme étudiants, ni en formation, ni comme personne au foyer. Après l’inactivité, les difficultés financières sont le deuxième facteur pour les hommes (OR = 2,5). Pour les femmes, l’insuffisance de revenu accroît très significativement la probabilité de se déclarer en mauvaise santé (OR = 2,7). Au deuxième rang des facteurs discriminants figurent l’absence ou un faible niveau de diplôme, avec une césure marquée entre les femmes qui ont au moins un CAP ou BEP (OR = 1,5) et celles qui n’ont pas de diplôme ou seulement un CEP ou un brevet des collèges (OR = 2,0). Ce dernier conduit les femmes, mais aussi les hommes, à occuper des emplois associés à des conditions de travail pénibles et à une moins bonne réception des informations sur la santé.
35D’autres expériences dans l’histoire de vie dégradent la santé, mais celles-ci sont moins répandues et semblent avoir un effet moins prononcé (les odds ratios étant de l’ordre de 1,5). Les discriminations subies au cours des cinq dernières années et l’instabilité dans l’emploi au cours de la vie favorisent, toutes choses égales par ailleurs, la déclaration d’une dégradation de la santé, l’expérience des discriminations étant particulièrement significative, tandis que l’instabilité dans l’emploi l’est moins. Ces résultats sont similaires à ceux observés aux États-Unis et invitent à explorer davantage le lien entre discriminations subies et santé dans les enquêtes futures (Jackson et al., 1996). Le fait de se heurter à des formes d’exclusion sociale injustifiées crée un mal-être perceptible ici dans les déclarations de l’état de santé général.
36L’expérience de conditions de logement très précaires est également corrélée à une mauvaise santé déclarée. Notons ici que ces situations de grande précarité peuvent avoir été vécues aussi bien avant, que pendant ou après la migration, notamment pour les personnes ayant fui des contextes de guerre, et dont la sortie de leur pays d’origine comme l’entrée sur le sol français peuvent avoir été une succession d’expériences de vie dans la rue et de trajets difficiles dans des conditions précaires. L’isolement social fait également partie des facteurs qui fragilisent la santé, mais l’effet est peu prononcé et peu significatif en comparaison des facteurs précédemment cités. Les situations difficiles vécues pendant l’enfance (grande précarité, alcoolisme d’un des parents ou violences intrafamiliales) ont un impact durable sur la santé des personnes (OR = 1,4 et 1,5), que ce soit pour les hommes ou les femmes. La taille de la fratrie et plus précisément le fait d’avoir au moins trois frères et sœurs n’a pas un effet très significatif et il n’est visible que pour les femmes (OR = 1,2). Il pourrait traduire un traitement différencié des petites filles en comparaison des petits garçons quand les enfants sont nombreux dans une même famille. Enfin, avoir une charge familiale n’est que faiblement associé à la déclaration d’une santé altérée.
3. Que reste-t-il des différences selon les origines ?
37Une fois pris en considération tous ces éléments de l’histoire et des conditions de vie des personnes, on constate que les différences de déclarations selon l’origine se réduisent nettement, voire disparaissent pour certains groupes, tandis qu’elles se maintiennent pour d’autres. Ainsi, les hommes immigrés venus du Portugal et de Turquie continuent d’être plus souvent en situation de déclarer une santé dégradée que les hommes de la population majoritaire ayant les mêmes caractéristiques de conditions de vie et de parcours (OR = 1,5). À l’inverse, les immigrés venus des autres pays de l’UE27 et d’Afrique subsaharienne déclarent moins fréquemment une mauvaise santé, à caractéristiques équivalentes, que les hommes de la population majoritaire, constat plus prononcé pour les hommes venus d’Afrique subsaharienne (OR = 0,5) que pour ceux venus d’Europe (OR = 0,7). Ce résultat laisse entrevoir que, dans les deux cas (surtout pour les premiers), l’effet sélectif de la bonne santé pour migrer serait particulièrement prononcé. Pour tous les autres groupes d’origine, les différences de déclarations observées sont dues à une plus forte proportion de personnes non qualifiées, au chômage ou ayant de faibles revenus que dans la population majoritaire. Ainsi, on peut conclure qu’à conditions de vie équivalentes, on observe pour les hommes et selon les origines, tantôt une moins bonne santé (pour les originaires de Turquie et du Portugal en particulier), tantôt une meilleure santé (pour les originaires des pays de l’UE27 hors Europe du Sud, et pour les originaires d’Afrique subsaharienne).
38Chez les femmes, les immigrées portugaises se déclarent nettement plus souvent en mauvaise santé que les enquêtées de la population majoritaire, à âge et conditions de vie comparables (OR = 1,6, tableau 2, modèle 2). On note également un risque plus élevé de santé altérée pour les femmes originaires de Turquie, d’Asie du Sud-Est et du Maroc ou de Tunisie (OR = 1,4), mais ce résultat est faiblement significatif. L’éventail des pays où les femmes se déclarent en moins bonne santé que leurs homologues de la population majoritaire est donc plus large que chez les hommes et l’on note que l’origine portugaise et, dans une moindre mesure, l’origine turque se distinguent par une mauvaise santé déclarée plus fréquente dans le cas des deux sexes. Notons que ces différences par origine ont aussi été constatées à partir de l’enquête Passage à la retraite des immigrés (Attias-Donfut, 2005) réalisée auprès d’une population plus âgée que dans l’enquête TeO (45-70 ans), ce qui témoigne de la robustesse de ces observations.
39Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette surdéclaration persistante. Rappelons d’abord la forte concentration professionnelle des personnes d’origine turque et portugaise dans des secteurs d’activité très durs pour la santé, ce qui n’est pas pris en considération dans les deux modèles ci-dessus qui ne retiennent que la catégorie socioprofessionnelle. Or, tous les ouvriers ou indépendants ne sont pas logés à la même enseigne : le secteur du bâtiment et de l’aide à la personne sont des domaines où la pénibilité du travail est importante. Ensuite, les comportements addictifs (tabac, alcool) pourraient constituer une seconde explication. Des travaux sur cette question, conduits à partir de l’enquête Conditions de vie réalisée par l’Insee en 1987, ont notamment montré que les immigrés d’Europe du Sud consommaient davantage d’alcool que les Français de naissance (Wanner, Khlat et Bouchardy, 1995). La même étude a mis en évidence une surconsommation de tabac chez les hommes maghrébins, tandis que d’autres travaux ont mis au jour des habitudes alimentaires pouvant expliquer les prévalences plus importantes de surpoids et d’obésité des femmes immigrées maghrébines (Khlat, Sermet, Laurier, 1998 ; Lert, Melchior, Ville, 2007). Mais aucun résultat antérieur n’est disponible sur la population turque.
40Cette question des comportements alimentaires pose aussi en amont celle de la réception des campagnes de prévention par les personnes immigrées. Plusieurs études ont montré, par exemple, que les barrières culturelles et informationnelles entraînent un recours aux professionnels de santé plus tardif chez les immigrés, un recours qui s’inscrit dans une démarche de soins curatifs plutôt que préventifs (Or, 2009). D’autres études, essentiellement qualitatives, ont posé la question de la barrière linguistique comme facteur aggravant de l’état de santé du fait d’un moindre recours aux soins notamment. Les informations contenues dans le volet « langues » de l’enquête9 nous ont permis de tester l’effet du degré de connaissance du français à l’arrivée sur le territoire métropolitain et au moment de l’enquête : aucune de ces deux variables n’est apparue significative ce qui va plutôt à l’encontre des constats établis jusqu’alors. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : les problèmes de maîtrise de la langue se posent essentiellement à l’arrivée et ne concernent donc qu’une infime partie de l’échantillon dans l’enquête ; ils sont rencontrés par des populations très spécifiques qui ont consulté dans des dispositifs de soins tels le Comede (Comité médical pour les exilés), les centres de soins de Médecins du Monde, etc., populations peu nombreuses parmi les immigrés dans leur ensemble.
41Une autre hypothèse doit être explorée sur les liens entre migration et mauvaise santé : celle des sévices ou violences subis dans des contextes de guerres ou de persécutions par l’État, situations vécues principalement par les réfugiés. Nous avons testé cette hypothèse en insérant le titre de séjour dans le modèle de régression logistique, avec l’idée que le fait d’avoir obtenu le statut de réfugié comme premier titre de séjour se révèlerait corrélé à la déclaration d’une santé altérée. Le résultat s’est avéré infructueux, non parce qu’il n’y aurait pas de lien, mais parce que ce statut concerne trop peu de personnes et s’avère fortement corrélé au fait d’être originaire d’Asie du Sud-Est : 60 % d’entre eux ont obtenu le titre de réfugié. C’est aussi le cas de 12 % des migrants originaires de Turquie et d’Afrique subsaharienne. Compte tenu des difficultés d’obtention du statut de réfugié, cette information reste peu fiable pour réellement identifier les personnes qui auraient pu vivre de telles expériences. Néanmoins, ces données montrent qu’il y a probablement là une part d’explication à la surdéclaration d’une santé altérée chez les migrants venus de Turquie. Des travaux quantitatifs portant sur des populations spécifiques, notamment les patients reçus par le Comède (Comité médical pour les exilés), montrent que 60 % des migrants accueillis entre 2007 et 2010 par ce comité (généralement récemment arrivés) ont subi des violences dans leur pays et 22 % des tortures (les taux étant respectivement de 60 % et 29 % pour les originaires de Turquie) (Veïsse, Wolmark, Revault, 2012). Le Portugal étant devenu une démocratie il y a quarante ans, il n’y a pas de migrants de cette origine parmi les personnes reçues dans des structures comme le Comede, pas plus que de réfugiés de cette origine dans l’enquête TeO.
42Enfin, le contraste entre les personnes d’origine turque ou portugaise et les personnes d’Afrique subsaharienne invite à explorer de façon plus précise l’impact de la durée de résidence sur le territoire français.
VI. Histoire migratoire et déclaration d’un état de santé altéré
43Dans cette dernière section, ce sont les liens entre l’histoire migratoire des enquêtés et leur déclaration d’un état de santé altéré qui sont explorés. Pour ce faire, nous procédons en deux temps : d’abord, en prenant en compte la durée de résidence sur le territoire français (tableau 3) puis, en intégrant les données sur l’âge à l’arrivée en France, facteur qui correspond à la durée de vie dans le pays d’origine (tableau 4).
44Le modèle 3 (tableau 3) cherche à répondre à la question suivante : à groupes d’âges identiques et certifications équivalentes (autrement dit à capacité d’insertion sociale dans la société française équivalente), les immigrés arrivés depuis peu se déclarent-ils en meilleure ou en moins bonne santé que ceux résidant en France depuis plus longtemps et que les individus de la population majoritaire ? Autrement dit, peut-on confirmer qu’il existe un effet sélectif de la migration faisant que les immigrés arrivés récemment sont ceux qui se déclarent en meilleure santé à âge équivalent ? Parallèlement, peut-on dire qu’après plusieurs décennies de résidence en France, les conditions de vie des migrants aboutissent à une dégradation de la santé telle, qu’à âge et qualification identiques, ils déclarent plus souvent un état de santé dégradé que les personnes de la population majoritaire ?
45Les résultats présentés dans le tableau 3 montrent que les hommes immigrés arrivés dans les cinq dernières années sont en meilleure santé que ceux de la population majoritaire ayant le même âge et les mêmes qualifications (OR = 0,7*), tandis que les hommes résidant en France depuis plus de 20 ans déclarent plus souvent une santé altérée que les hommes de la population majoritaire à âge et qualification équivalentes et ce résultat est très significatif (OR = 1,4***). À l’inverse, les femmes arrivées récemment ne se révèlent pas en meilleure santé que leurs homologues de la population majoritaire toutes choses égales par ailleurs. Mais comme pour les hommes, plus la durée de résidence en France augmente, plus elles sont en situation de déclarer une santé altérée (OR = 1,6*** pour celles arrivées depuis plus de 20 ans).
Tableau 3. Facteurs associés à la déclaration d’une santé altérée : l’importance de la durée de résidence (régression logistique, odds ratios)

Légende : ***= p < 0,01, **= p < 0,05, *= p < 0,1, Réf. : situation de référence.
Champ : immigrés et enquêtés de la population majoritaire, 18-60 ans. Note : analyse sur données non pondérées. Lecture : en comparaison des hommes de la population majoritaire titulaires d’un baccalauréat et ayant entre 31 et 40 ans, les hommes immigrés arrivés en France depuis moins de cinq ans ayant le même âge et le même niveau de qualification ont un moindre risque de déclarer une santé altérée, car l’odds ratio (0,7) est inférieur à 1 et significatif au seuil de 10 %.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
On constate ainsi une différence selon le sexe, qui peut être due au fait que les femmes n’arrivent pas en France dans les mêmes circonstances que les hommes. Elles sont moins souvent initiatrices de leur migration, en ce sens qu’elles sont davantage entrées en métropole par regroupement familial. Elles sont également arrivées à un âge un peu plus tardif (un an plus tard en moyenne), car venues après leur mari et ont donc de ce fait davantage connu les conditions de vie du pays d’origine. À partir de ces résultats, il est possible de conclure que les processus de discrimination dans l’emploi ou de non-reconnaissance des diplômes des migrants dans le contexte migratoire, ainsi que les conditions de vie plus défavorables qui en découlent à certifications équivalentes dégradent plus fortement la santé des migrants, en dépit de l’avantage initial à leur arrivée en France pour les hommes et d’une santé équivalente pour les femmes.
46Dans un modèle 4 (tableau 4), les migrants sont comparés entre eux (et non plus à la population majoritaire), selon qu’ils sont arrivés enfants, adolescents ou à l’âge adulte. L’objectif est, cette fois-ci, de regarder s’il existe un effet protecteur de la migration à un jeune âge, étant entendu que la plupart des migrants enquêtés sont venus de pays économiquement et socialement moins favorables que la France. À origine, âge, qualification et durée
Tableau 4. Facteurs associés à la déclaration d’une santé altérée : l’importance de l’âge à la migration

Légende : ***= p < 0,01, **= p < 0,05, *= p < 0,1, Réf. : situation de référence. Champ : immigrés et natifs d’un DOM, 18-60 ans. Lecture : Comparativement à un homme immigré originaire d’un pays autre que ceux précisément listés, âgé de 31 à 40 ans, titulaire du baccalauréat, arrivé en France à plus de 18 ans et résidant en France depuis 11 à 20 ans, un homme immigré originaire de Turquie a un risque deux fois plus élevé de déclarer une santé altérée qu’une bonne santé car l’odds ratio prend la valeur 2.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
de résidence identiques, le fait d’avoir migré enfant ne fait pas varier les déclarations masculines sur l’état de santé (l’odds ratio n’est pas significatif). Pour ces derniers, l’effet sélectif de la migration à l’âge adulte (il faut être en bonne santé pour migrer) annihile toute différence d’état de santé avec ceux arrivés jeunes. Le constat est différent pour les femmes, pour lesquelles la migration pendant l’enfance (OR = 0,6***) et dans une moindre mesure à l’adolescence (OR = 0,8*) réduit la probabilité de déclarer une santé altérée plutôt qu’une bonne santé. La migration à l’âge adulte étant moins sélective pour elles que pour les hommes et probablement aussi parce que, de manière générale, certaines peuvent avoir été moins bien nourries et soignées dans l’enfance et l’adolescence que les petits garçons, la migration dès le plus jeune âge constitue pour les femmes un facteur protecteur pour leur santé. Notons que ce sont parmi les personnes originaires d’Espagne et d’Italie que l’on compte la proportion la plus élevée de personnes arrivées enfants.
Conclusion
47À l’issue de ce chapitre, un constat ressort comme une évidence : tout comme il n’apparaît plus pertinent aujourd’hui d’analyser l’état de santé des individus sans distinguer les hommes et les femmes ou sans prendre en considération le milieu social, les résultats produits à partir des données de l’enquête TeO montrent qu’il n’est plus possible d’étudier la santé des migrants sans tenir compte de leur diversité, tant par leurs origines géographiques que leur ancienneté de résidence dans le pays d’accueil, ou par les conditions de vie qu’ils y ont trouvées.
48L’effet de sélection par la bonne santé des candidats à la migration dans les pays d’origine est corroboré pour l’ensemble des migrants et en particulier pour ceux originaires d’Afrique subsaharienne, discréditant l’idée répandue selon laquelle les immigrés viendraient en France pour bénéficier du système de soins. S’il est établi que certaines maladies, notamment des maladies infectieuses comme la tuberculose ou le sida sont plus fréquentes chez les migrants de certains pays, précisément parce qu’elles sont plus répandues dans les pays d’origine qu’en France, cela ne suffit pas à contrebalancer le fait que les migrants restent – dans leur très grande majorité – en meilleure santé à leur arrivée en France que les Français sans ascendance migratoire du même âge. Certes, le volet santé n’interroge pas les enquêtés sur les maladies infectieuses comme le VIH-sida ou la tuberculose, qui sont précisément des maladies ayant pu être contractées avant la migration, en raison de leur forte prévalence dans les pays d’origine, mais on peut penser que ces pathologies sont déclarées comme maladies chroniques, du moins pour les immigrés qui se savent contaminés ou concernés. Or, la part des migrants qui déclarent au moins une maladie chronique, est plus faible que pour la population majoritaire. De la même façon, si certains migrants ont subi, avant la migration, des traumatismes liés à des contextes de guerre ou de persécutions, pouvant dégrader fortement la santé tant mentale que physique, il semble que ceux qui ont vécu de tels événements sont proportionnellement trop peu nombreux pour contrebalancer à l’échelle de l’ensemble des migrants le constat d’une meilleure santé à l’arrivée. Cela dit, il faut garder à l’esprit qu’une minorité de migrants arrivent néanmoins avec des besoins de soins particuliers, alors que la très grande majorité sont à l’inverse particulièrement bien portants et que leur capital santé devrait constituer un facteur positif d’intégration sociale.
49Au-delà de ce constat global, les liens entre état de santé et migration se conjuguent différemment pour les femmes et pour les hommes. La meilleure santé à l’arrivée ne se vérifie que pour la population masculine. Pour les femmes, on ne retrouve pas cet effet sélectif de la bonne santé pour migrer précisément parce qu’elles ont longtemps été plus rarement initiatrices de leur migration. Mais on constate en revanche un effet protecteur de l’arrivée à un jeune âge (avant 10 ans).
50Autre résultat corroboré par les données de l’enquête : l’effet délétère des conditions de vie en France. La situation socioéconomique actuelle, ainsi que les expériences de précarité vécues au cours de la vie dans l’emploi et le logement expliquent en grande partie la surdéclaration d’une mauvaise santé. La mauvaise santé découle de la concentration importante des personnes migrantes dans les franges les plus défavorisées de la société. Ainsi, le surchômage des migrants (à qualification identique, cf. chapitre 7), qui résulte en partie de discriminations, a un impact conséquent sur la santé à long terme. Autrement dit, les discriminations ont des conséquences sociales qui dépassent le préjudice immédiat causé par le fait d’avoir été moins bien traité en raison de son origine.
51Outre les conditions de travail et de vie plus difficiles, on peut aussi imaginer que s’opère un rapprochement des comportements alimentaires entre les immigrés et la population majoritaire. Les premiers perdraient au fil du temps l’effet protecteur d’une alimentation plus équilibrée de certains pays d’origine et conservée les premiers temps en France métropolitaine, ainsi que l’effet protecteur de plus faibles comportements à risque (consommation d’alcool et de tabac). La complexité de l’imbrication de ces phénomènes dans le contexte post-migratoire invite à approfondir leur analyse en réalisant des études longitudinales sur la santé des nouveaux migrants permettant à la fois de la comparer à celle de non-migrants du même âge et de saisir l’évolution de l’état de santé dans le temps, tel que cela est réalisé dans les enquêtes canadiennes par exemple (Zhao et al., 2010a, 2010b). Ce type d’enquête permettrait d’identifier les traumatismes subis avant la migration, les modes d’alimentation et leur transformation, mais aussi le temps écoulé entre le départ du pays d’origine, l’arrivée en France et l’obtention du premier titre de séjour stable, en même temps que l’évolution de la santé mentale et physique.
52L’enquête TeO permet d’affiner l’étude de ces processus selon l’origine des migrants, en allant au-delà des grandes zones géographiques qui masquent d’importantes disparités en termes d’ancienneté de la migration comme en termes d’insertion sociale. Les immigrés originaires de Turquie et du Portugal s’avèrent particulièrement concernés par la mauvaise santé, à milieu social équivalents, comparativement à la population majoritaire. Contre toute attente, les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne se sont révélés en meilleure santé que les autres, mais ils cumulent déjà tous les facteurs d’une probable dégradation de leur état de santé, étant données leurs conditions de vie sur le territoire métropolitain.
53L’ensemble de ces constats met en lumière les approfondissements nécessaires à une meilleure appréhension de la santé des migrants et des enjeux qu’elle pose. Parmi ces éclairages, un questionnaire plus adapté comprenant un relevé des maladies infectieuses, parallèlement à l’enregistrement de l’existence d’au moins une maladie chronique, ainsi que des indicateurs de traumatismes et de violences subies aurait permis de mieux appréhender les différences de santé perçue restées non expliquées. Directement lié à ce constat, il apparaît clairement qu’une autre dimension de la santé est insuffisamment explorée dans le questionnaire : la santé mentale. Or, le cumul des expériences douloureuses vécues pendant l’enfance ainsi que le déracinement familial et culturel ne peuvent être sans répercussion sur la santé mentale et, par conséquent, sur la santé perçue des immigrés. Par ailleurs, mieux capter les comportements alimentaires adoptés sur le territoire métropolitain (consommation de fruits et légumes, grignotage) et les pratiques addictives (consommation d’alcool et de tabac) est à retenir pour les prochaines enquêtes.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Une version longue de ce texte a été publiée sur le site Internet de l’Ined : Hamel et Moisy, 2013, « Les immigrés et descendants d’immigrés face à la santé », Document de travail, n° 190, p. 1-60.
2 Dès 2002, une question sur la nationalité de l’enquêté est ajoutée au questionnaire de l’enquête santé et protection sociale (Irdes) tandis que la nationalité et le pays de naissance des individus apparaissent la même année dans l’Enquête décennale de santé 2002-2003 (Insee).
3 Cette nomenclature était utilisée dans les enquêtes de santé en population générale au moment où a été conçu le questionnaire de l’enquête TeO (2006-2007). En 2007, Eurostat a validé une nouvelle nomenclature avec les cinq modalités suivantes : « très bon », « bon », « assez bon », « mauvais » et « très mauvais » en vue d’une harmonisation, à l’échelle européenne, des questionnaires des enquêtes nationales de santé.
4 Voir le chapitre 2 dans cet ouvrage.
5 Voir chapitre 1 dans cet ouvrage.
6 Voir annexes 1 et 2 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/ ou C. Hamel et M. Moisy, Immigrés et descendants d’immigrés face à la santé, Ined, document de travail n° 190, p. 17.
7 Dans la suite de ce chapitre, OR désigne les coefficients des odds ratio obtenus pour chaque variable discutée.
8 L’information recueillie dans l’enquête sur le revenu du ménage comporte de nombreuses données manquantes, nous avons donc préféré retenir l’appréciation portée par les enquêtés sur leur revenu après avoir constaté, pour ceux ayant fourni les deux informations, que l’une et l’autre sont très fortement corrélées.
9 Voir chapitre 4 dans cet ouvrage.
Auteurs
Christelle Hamel est sociologue, chercheuse à l’Ined, co-responsable de l’unité de recherche Démographie, genre et sociétés. Ses travaux antérieurs portent sur les rapports de genre chez les jeunes issus des immigrations maghrébine et turque, notamment la période de jeunesse, la conjugalité et l’expérience du racisme. Elle a aussi conduit des recherches sur le mariage forcé. Elle est également responsable de l’enquête Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies en France.
Muriel Moisy est démographe. Elle a réalisé sa thèse sur « Femmes, emploi et famille en Europe méridionale. Une approche comparative inter et infra-nationale au Portugal, en Espagne, en France et en Italie » sous la direction de Maria-Eugenia Cosio-Zavala. Ses travaux portent sur la santé des femmes, la santé des jeunes et celle des personnes précaires. Elle travaille actuellement au bureau « État de santé de la population » à la Drees et participe au pilotage de l’Observatoire national du suicide.
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Trajectoires et origines
Enquête sur la diversité des populations en France
Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (dir.)
2016
En quête d’appartenances
L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités
France Guérin-Pace, Olivia Samuel et Isabelle Ville (dir.)
2009
Parcours de familles
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2016
Portraits de famille
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2009
Inégalités de santé à Ouagadougou
Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso
Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura et Géraldine Duthé (dir.)
2019
Violences et rapports de genre
Enquête sur les violences de genre en France
Elizabeth Brown, Alice Debauche, Christelle Hamel et al. (dir.)
2020
Un panel français
L’Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales (Elipss)
Emmanuelle Duwez et Pierre Mercklé (dir.)
2021
Tunisie, l'après 2011
Enquête sur les transformations de la société tunisienne
France Guérin-Pace et Hassène Kassar (dir.)
2022
Enfance et famille au Mali
Trente ans d’enquêtes démographiques en milieu rural
Véronique Hertrich et Olivia Samuel (dir.)
2024