Chapitre 6
Les trajectoires du primaire au supérieur des descendants d’immigrés et de natifs d’un DOM
p. 175-202
Texte intégral
1Le processus de démocratisation scolaire amorcé dans les années 1980 a permis à un nombre croissant de jeunes issus des milieux populaires, parmi lesquels de nombreux descendants d’immigrés, d’obtenir le baccalauréat puis d’accéder à l’enseignement supérieur (Beaud, 2002). Cette évolution s’est accompagnée d’un déplacement des inégalités d’éducation vers le second cycle de l’enseignement secondaire et le supérieur, d’une diversification des formations et d’un renforcement de leur hiérarchisation interne. Certains chercheurs ont assimilé la transformation du système scolaire à une « démocratisation ségrégative » (Merle, 2009 ; Duru-Bellat, Kieffer, 2008 ; Beaud, 2008). Le phénomène de recomposition du système éducatif et l’arrivée de nouveaux publics se développent en même temps que les interrogations sur l’intégration républicaine et la montée des ségrégations et des discriminations ethniques ou raciales. Ces évolutions parallèles suscitent un intérêt renouvelé pour la connaissance du devenir scolaire des enfants nés en France de parents immigrés1.
2L’objectif de ce chapitre est de contribuer à la connaissance des inégalités d’éducation selon les origines migratoires en retraçant la diversité des parcours scolaires, du primaire au supérieur, des descendants d’immigrés et d’originaires d’un DOM dans le système éducatif français. Les données de l’enquête TeO sont de nature rétrospective et non longitudinale, mais elles permettent de restituer quelques-unes des étapes clés des carrières scolaires, grâce aux indicateurs présents dans l’enquête : les redoublements précoces en primaire, les orientations en fin de 3e et l’absence de diplôme du second cycle du secondaire, l’obtention du baccalauréat, l’accès à l’enseignement supérieur et l’absence ou l’obtention de certification. Nous avons restreint les analyses aux personnes âgées de 18 à 35 ans en 2008, ayant effectué toute leur scolarité en France métropolitaine, en distinguant systématiquement les hommes et les femmes ainsi que les origines migratoires connues à partir du pays de provenance et de la nationalité des parents.
3Les données de l’enquête TeO permettent des analyses par origines détaillées, qui n’ont pu être menées à partir d’autres sources jusqu’à maintenant, comme les panels d’élèves, en raison de la faiblesse des effectifs par origine. L’analyse des inégalités de scolarisation peut donc être réalisée ici en fonction des origines migratoires, en plus des effets d’origine sociale, de sexe ou d’autres facteurs susceptibles d’influer sur les destinées scolaires (structure de la famille, taille de la fratrie notamment)2.
4Ce chapitre est donc centré sur l’analyse des parcours de scolarisation des descendants d’immigrés3. Au regard des trajectoires scolaires, comme de la plupart des autres dimensions de leurs trajectoires sociales, les descendants d’immigrés ne forment pas une population homogène. Plusieurs groupes ou catégories d’origines migratoires affichent des niveaux scolaires peu élevés, d’autres atteignent des niveaux équivalents voire supérieurs à ceux de la population majoritaire. Dans ce chapitre, nous examinons dans quelle mesure les difficultés scolaires des jeunes d’origine immigrée traduisent les inégalités sociales liées à l’appartenance forte de leurs familles aux milieux populaires ou si d’autres éléments liés à la migration elle-même et à un traitement scolaire spécifique expliquent ces difficultés.
I. Des difficultés dès l’entrée à l’école primaire
5Conformément aux résultats observés à partir des panels nationaux d’élèves4 (Vallet, 1996 ; Vallet, Caille, 1996 ; Brinbaum, Kieffer, 2009), des inégalités entre descendants d’immigrés de différentes origines, mais aussi entre garçons et filles, se font jour dès l’enseignement primaire (figure 1). En effet, les redoublements à l’école élémentaire – quelle que soit la classe – ont été nombreux parmi les descendants d’immigrés originaires des pays d’Afrique sahélienne (36 %), d’Algérie (33 %), du Maroc ou de la Tunisie (34 %), du Portugal (33 %) et touchent presque la moitié des descendants d’immigrés de Turquie (44 %), contre le quart seulement de la population majoritaire. À l’inverse, les redoublements concernent peu les descendants d’immigrés du Sud-Est asiatique (15 %) ou d’Afrique centrale et guinéenne (22 %). Les écarts entre filles et garçons sont plus ou moins marqués selon l’origine. Les inégalités de sexe en défaveur des garçons sont importantes chez les descendants d’immigrés du Maroc ou de Tunisie et d’Afrique sahélienne alors qu’elles s’inversent chez les descendants d’immigrés venus de Turquie où presque la moitié des filles ont redoublé (48 % contre 40 % des garçons). Parmi les descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-Est, avoir redoublé est plus rare que chez les jeunes de la population majoritaire et le taux est particulièrement bas chez les filles (8,5 % contre 20 % chez les garçons).
Figure 1. Redoublements en primaire selon le pays de naissance des parents et le sexe (%)

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France ayant fini leurs études initiales. Lecture : 26 % des garçons appartenant à la population majoritaire (et respectivement 24 % des filles) ont redoublé au moins une classe à l’école primaire.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
6Les redoublements à l’école primaire traduisent à la fois les difficultés d’apprentissage des élèves et les défaillances du système éducatif dans la transmission des premiers savoirs scolaires à certaines catégories d’élèves. Ces inégalités scolaires apparaissent dès le cours préparatoire, où les redoublements sont fréquents chez les descendants de Turquie (17 %) ou importants chez les descendants du Maghreb (11 %), mais faibles chez les descendants d’Asie du Sud-Est (2 %).
Les facteurs sociaux, familiaux et linguistiques
7Les origines sociales, les niveaux d’éducation des parents, la structure familiale et les pratiques linguistiques jouent un rôle important à ce niveau d’enseignement. Les descendants d’immigrés présentent des origines sociales très modestes (voir chapitre 1). Si les catégories sociales d’employés et d’ouvriers représentent un peu moins de la moitié des positions sociales des parents des enquêtés de la population majoritaire (47 %), plus de 65 % des enfants d’immigrés et 80 % des descendants d’immigrés d’Algérie et d’Afrique sahélienne ont grandi dans des familles populaires. En outre, au sein de certaines origines (Algérie, Maroc ou Tunisie, Afrique sahélienne, Turquie), les jeunes ayant des parents travailleurs non qualifiés sont plus d’un tiers. Les descendants d’immigrés originaires d’Europe affichent un profil social semblable aux jeunes de la population majoritaire (30 % ont des parents ayant des positions intermédiaires et supérieures vs 48 % d’ouvriers et employés).
8Seuls 14 % des jeunes de la population majoritaire ont des parents ne possédant aucun diplôme (ni brevet ni CEP), tandis qu’ils sont plus de la moitié parmi les descendants d’immigrés d’Algérie (56 %), du Maroc ou Tunisie (54 %), d’Afrique sahélienne (57 %) et de Turquie (64 %). Bien qu’inférieur, ce taux reste très élevé parmi les jeunes issus des immigrations portugaises (40 %) et du Sud-Est asiatique (44 %). À l’opposé, avoir des parents bacheliers ou diplômés du supérieur concerne 33 % des jeunes de la population majoritaire, et s’élève même à respectivement 58 % et 60 % pour les jeunes dont les parents sont originaires des pays européens et des pays d’Afrique centrale et guinéenne.
9Si 75 % des jeunes de la population majoritaire ont vécu toute leur enfance (jusqu’à leurs 18 ans) avec leurs deux parents, ce n’est le cas que de 59 % des descendants d’originaires d’un DOM et de 45 % de ceux des pays d’Afrique centrale et guinéenne. Le taux de parents en couple s’élève à 88 % dans les familles originaires de Turquie.
10De même, la structure de la famille varie selon l’origine migratoire. Pour les jeunes de la population majoritaire, avoir grandi dans une fratrie composée d’un ou deux enfants (y compris l’enquêté) est commun à 45 % des individus, alors qu’avoir grandi dans une fratrie importante (4 enfants et plus) ne concerne que 25 % d’entre eux. Les descendants d’immigrés d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, d’Afrique sahélienne, d’Afrique guinéenne et centrale ou de Turquie, ont en revanche majoritairement grandi dans des familles très nombreuses de 4 enfants et plus : 78 % des descendants d’originaires d’Algérie, 72 % du Maroc ou Tunisie, 79 % des pays d’Afrique sahélienne, 68 % de Turquie, 59 % des pays d’Afrique centrale ou guinéenne et encore 47 % des familles en provenance du Sud-Est asiatique. À l’opposé, les fratries de taille réduite (1 ou 2 enfants) ne concernent pas plus de 10 % des descendants d’immigrés d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, d’Afrique sahélienne et de Turquie.
11Ces caractéristiques jouent sur les redoublements en primaire5. Une fois prises en compte les caractéristiques sociales et familiales, les écarts entre les jeunes de la population majoritaire et les descendants d’immigrés se réduisent considérablement ; mais ils persistent malgré tout avec un redoublement plus fréquent et qui demeure important parmi les filles d’immigrés turcs et une plus faible probabilité de redoubler pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est, les garçons comme les filles.
12Les différences de pratiques linguistiques au sein des familles influent aussi sur ces premiers apprentissages scolaires. Ainsi, la pratique du français est beaucoup moins fréquente dans les familles turques : 45 % des jeunes de cette origine ne parlaient pas le français en famille. Dans ces mêmes familles la mixité du couple parental est peu courante (voir chapitres 10 et 11), la langue de communication dans la famille étant principalement le turc. Aussi les enfants de ces familles qui sont nés en France grandissent-ils avec des frères et sœurs qui parlent une autre langue que le français à la maison. Cela est moins fréquent dans les autres groupes d’origine où l’usage du français est souvent bien plus répandu, voire dominant.
Encadré 1. Les familles et l’école
L’aide scolaire des parents
Ce sont généralement les mères qui aident leurs enfants à faire leurs devoirs, et cela vaut pour toutes les origines. Les trois-quarts des jeunes de la population majoritaire déclarent avoir été aidés scolairement par leur mère pour leurs devoirs alors que plus de la moitié des descendants d’immigrés ne l’ont pas été (figure 2). L’aide – son absence comme sa fréquence – varie sensiblement selon l’origine. L’absence d’aide maternelle est particulièrement élevée chez les descendants d’immigrés originaires de Turquie (seulement 13 % déclarent avoir reçu l’aide de leur mère) et chez les descendants d’immigrés nord-africains ou d’Afrique sahélienne (respectivement 37 % et 34 %). L’aide augmente chez les fils et filles d’originaires d’Afrique centrale ou d’un DOM (respectivement 58 % et 71 %). Comparativement, 31 % des jeunes de la population majoritaire déclarent avoir bénéficié d’une aide fréquente de leur mère. La part s’élève à 27 % chez les descendants des natifs d’un DOM et à 22 % parmi les descendants d’Afrique centrale. Les origines où l’aide de la mère est la moins fréquente sont celles où le niveau d’éducation des parents est faible et où la pratique de la langue d’origine domine.
L’aide de la fratrie
Dans de nombreuses familles immigrées, les frères et les sœurs viennent pallier l’absence d’aide scolaire par les parents (Brinbaum, 2002, 2012 et 2013 ; Moguérou et Santelli, 2012 ; Moguérou, 2013). Quelle que soit l’origine migratoire, l’intervention est plus courante que dans les familles de la population majoritaire (où la présence de frères et sœurs est aussi plus rare). Le rôle de la fratrie dans le soutien scolaire est remarquable dans les familles originaires d’Afrique du Nord et de Turquie (environ la moitié d’entre elles).
Les cours de soutien et les cours payants
Le recours à des aides extérieures à la famille intervient souvent chez les immigrés, en particulier lorsque les parents perçoivent qu’ils ne peuvent pas aider leurs enfants. Dans les familles avec de faibles revenus, les parents privilégient les cours gratuits de soutien scolaire : c’est le cas du tiers des jeunes adultes issus de familles marocaines et tunisiennes (32 %), turques (33 %) ou originaires d’Afrique sahélienne (35 %), contre moins de 10 % des jeunes issus de famille européenne ou de la population majoritaire (8 %). Ces dernières privilégient les cours payants. Ainsi, 22 % des jeunes de la population majoritaire ont suivi de tels cours, de même que ceux des familles originaires du Portugal ou des DOM, alors que ce recours concerne 26 % des jeunes issus des familles originaires d’Afrique centrale et des autres pays de l’UE27, et tombe à 4 % chez les descendants d’immigrés de Turquie (annexe 2 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/).
Figure 2. Aide scolaire de la mère (2a), du père (2b) et de la fratrie (2c) selon le pays de naissance des parents

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : 18 % des descendants d’immigrés portugais déclarent avoir été très souvent aidés scolairement par leurs mères, 25 %, parfois et 56 % jamais.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
13Les caractéristiques sociales et familiales influent aussi sur les pratiques éducatives au sein de la famille, en amont des apprentissages ; ces pratiques varient selon l’origine migratoire (cf. encadré 1), mais également selon l’expérience scolaire des parents, leur éloignement ou à l’inverse leur familiarité avec l’école française et leurs pratiques linguistiques (Lahire, 1995 ; van Zanten, 2001 ; Brinbaum, 2002 et 2013)6.
II. Des orientations différenciées dans le secondaire
14Les difficultés scolaires rencontrées à l’école élémentaire se traduisent rarement par un abandon de la scolarité en fin de primaire. Ce phénomène extrêmement marginal (moins de 1 %) concerne malgré tout 5 % des descendants d’immigrés de Turquie, exclusivement les garçons (10 % d’entre eux). Parmi ces derniers, la moitié se réoriente vers l’apprentissage, les autres entreront plus tard dans la vie active.
15À la fin du collège a lieu le premier palier d’orientation vers les différentes filières, longues ou courtes, du second cycle du secondaire : enseignement général ou technologique d’une part, enseignement professionnel d’autre part7. Ce processus résulte à la fois du choix des familles et des jeunes, du conseil de classe et des mécanismes d’orientation en lien avec les politiques d’établissement. En moyenne, 59 % des descendants d’immigrés de notre échantillon de jeunes adultes ont suivi une filière longue au lycée (enseignement général ou technologique), avec une différenciation nette des parcours selon le sexe (47 % des garçons et 57 % des filles) et selon l’origine géographique (figures 3 et 4).
16Certains groupes s’orientent nettement plus souvent vers les filières générales et technologiques (voies longues), en particulier les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est (61 % des garçons et 66 % des filles) ou encore les descendants d’immigrés des pays européens (hors Europe du Sud). Y sont également surreprésentées les filles de natifs d’un DOM, de même que les descendantes d’immigrés d’Afrique centrale ou guinéenne. En revanche, les jeunes hommes issus de cette dernière origine, du Portugal ou originaires d’un DOM, ainsi que les fils et filles d’immigrés de Turquie (des deux sexes confondus), sont surreprésentés dans les filières professionnelles.
17Les jeunes d’origine portugaise s’orientent davantage dans les filières professionnelles et sont notamment plus nombreux en apprentissage (14 % d’entre eux, soit autant que les jeunes de la population majoritaire), même si cette tendance concerne essentiellement les garçons. Les filles poursuivent plus souvent des études longues, en lien avec des aspirations scolaires qui ont évolué au fil des générations (Brinbaum et Kieffer, 2005). Les orientations professionnelles courtes, en revanche, concernent les deux sexes chez les descendants d’immigrés de Turquie, avec un taux en apprentissage presque comparable à celui des fils d’origine portugaise.
Figure 3. Orientations après le collège des fils d’immigré(s) et de natifs d’un DOM selon le pays ou département de naissance des parents

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France. Lecture : 50 % des jeunes hommes de la population majoritaire âgés de 18 à 35 ans ont été orientés vers une filière longue à l’issue du collège, 47 % vers une formation courte (professionnelle) et 3 % ont arrêté leurs études.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
Figure 4. Orientations après le collège des filles d’immigré(s) et de natifs d’un DOM selon le pays de naissance des parents

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France. Lecture : 57 % des jeunes femmes de la population majoritaire, âgés de 18 à 35 ans, ont été orientés vers une filière longue à l’issue du collège, 39 % vers une formation courte (professionnelle) et 4 % ont arrêté leurs études.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
18Les familles turques semblent valoriser les filières professionnelles, et en particulier le passage par l’apprentissage, à l’image des Portugais d’hier alors que chez ces derniers cette tendance ne s’observe plus aujourd’hui que pour les garçons. Plutôt qu’une reproduction sociale qui passe par l’école et l’acquisition de diplômes comme dans un certain nombre de familles (en particulier les familles maghrébines), les familles turques semblent privilégier un modèle professionnel orienté vers une insertion économique rapide. Cette logique de reproduction peut être rapportée au poids très important des travailleurs indépendants (artisans, commerçants) dans cette population puisqu’il s’agit du taux le plus élevé parmi toutes les origines : 24 % des descendants d’immigrés venus de Turquie ont des parents artisans ou commerçants contre 21 % des jeunes de la population majoritaire, cette tradition d’entreprenariat se transmettant d’une génération à l’autre. Les descendants d’immigrés de Turquie sont très nombreux à être actifs et en emploi dès le début de la vie active et ce malgré un niveau d’éducation en moyenne peu élevé (voir le chapitre 7). Ces résultats traduisent un rapport distancié vis-à-vis de l’éducation scolaire qui pourrait expliquer la sortie rapide du système éducatif de certains d’entre eux, après un enseignement professionnel court. Une autre source statistique, l’enquête Génération 2004 (Céreq), montre8 que 48 % des garçons d’origine turque sortis du secondaire déclarent avoir trouvé un emploi qui a motivé l’arrêt de leurs études ; c’est le cas de 35 % des garçons français d’origine dans la même position scolaire (respectivement 26 % et 37 % pour les filles).
III. De nombreux jeunes terminent leur formation initiale du second cycle secondaire sans diplôme
19Les sorties sans diplôme du second cycle secondaire (avec ou sans le brevet des collèges) sont aujourd’hui considérées comme des « abandons scolaires prématurés » dans la politique d’éducation faisant suite au traité européen de Lisbonne. Dans le système éducatif français, une part significative des sorties les plus précoces du système éducatif a lieu en fin de collège ou au début du second cycle de l’enseignement secondaire parmi les élèves des formations aux CAP et BEP où les échecs et abandons sont nombreux, en particulier lorsque l’orientation est contrariée (non souhaitée) dans des filières professionnelles – qu’il s’agisse de la filière ou de la spécialité – (Brinbaum et Guégnard, 2012).
20Si la norme scolaire et sociale tend aujourd’hui à interpréter négativement le fait de quitter la scolarité sans diplôme, cette position masque une certaine disparité de situations : les interruptions de scolarité considérées comme précoces peuvent résulter de décrochages scolaires et être imputées aux difficultés d’apprentissage des élèves ou à l’échec de l’action pédagogique, mais aussi révéler un rapport différent à la scolarisation du fait, par exemple, des modes de transmissions familiales et professionnelles différentes, transmises entre les générations.
21La part des non-diplômés de l’enseignement secondaire9 s’élève à 15 % de la classe d’âges des 18-35 ans en 2008 et 9 % des jeunes ont quitté le système scolaire sans même posséder le brevet (tableau 1). Les descendants d’immigrés dans leur ensemble sont nettement plus concernés que la population majoritaire (21 % versus 14 %). Les variations se révèlent fortes selon le pays d’origine et le sexe et bien entendu selon le milieu social et familial.
22Les fils d’immigrés sortent plus souvent du système éducatif sans être diplômés du secondaire que ceux issus de la population majoritaire (24 % versus 16 %). Ce taux est particulièrement élevé (30 %) parmi les fils d’immigrés originaires d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, d’Afrique sahélienne comme d’Afrique centrale ou guinéenne et atteint 35 % chez les fils d’immigrés venus de Turquie. Chez ces derniers, 27 % ne possèdent pas le brevet des collèges. La part des non-titulaires du brevet (ou d’un diplôme équivalent) est également élevée parmi les fils d’immigrés d’Afrique centrale ou guinéenne (24 %).
23Les jeunes d’origine portugaise sont relativement nombreux à quitter la formation initiale sans diplôme du second cycle du secondaire (20 %), mais ils le font souvent à la suite d’une formation par apprentissage et pour accéder au marché du travail. À l’inverse, les fils d’immigrés européens ou d’Asie du Sud-Est sont plus rarement non diplômés du secondaire, la part des sans diplômes étant proche de celle observée dans la population majoritaire.
24Ainsi, dans certains courants migratoires, les fils d’immigrés sont particulièrement nombreux à être démunis de diplôme à la fin de la scolarité obligatoire ou à n’avoir que le brevet des collèges. On ne peut que s’inquiéter de ce constat pour leur futur, compte tenu du rôle du diplôme sur le marché du travail français.
25Les filles ont de meilleurs parcours scolaires que les garçons et quittent ainsi moins souvent le système scolaire sans diplôme du second cycle secondaire10. À la différence des fils d’immigrés, les filles se distinguent peu de leurs homologues de la population majoritaire. Les descendantes de l’immigration algérienne et de l’immigration turque font cependant exception, avec une part de non-diplômées du secondaire qui représente un quart des premières et s’élève à 39 % parmi les secondes. Les filles d’immigrés originaires de Turquie sont particulièrement vulnérables sur le plan scolaire. Il s’agit de la seule origine migratoire où les filles sont moins certifiées que les garçons (39 % contre 35 %). Le fait de quitter la formation initiale sans diplôme du second cycle secondaire peut traduire des difficultés scolaires voire un faible investissement scolaire. Mais cette faible certification peut aussi, chez les filles, être liée à des unions précoces, qui s’avèrent relativement fréquentes et souvent contractées avec des conjoints de même origine rencontrés en France ou en Turquie (voir les chapitres 10 et 11). Les parents jouent un rôle important dans ces pratiques qui reflètent des modèles matrimoniaux et familiaux traditionnels – avec une mobilité sociale féminine qui passe davantage par la voie du mariage que par le diplôme – et une volonté forte de maintenir des liens avec le pays d’origine.
Tableau 1. Non-diplômés au-delà du brevet selon le sexe et le pays ou département de naissance des parents (%)

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : 29 % des descendants d’immigrés d’Algérie sortent du système éducatif sans diplôme, 18 % sans brevet des collèges.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
26Compte tenu de l’importance des milieux populaires au sein des familles immigrées, il est légitime de se demander si les difficultés scolaires rencontrées par les enfants de ces familles sont liées aux différences de structure ou à la migration elle-même, en particulier dans certains courants migratoires. Pour répondre à cette question, nous avons procédé à des analyses dites « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire une fois contrôlés les héritages sociaux, scolaires et linguistiques transmis par les parents. Des analyses du même type ont été réalisées sur plusieurs indicateurs de parcours scolaire (cf. encadré 2). Les modèles ont été effectués séparément pour la population masculine et la population féminine, compte tenu des différences observées dans leurs trajectoires scolaires.
1. Dans la population masculine, les écarts se réduisent à caractéristiques sociales comparables
27Les fils d’immigrés ont un risque plus élevé de sortir sans diplôme du système scolaire que la population majoritaire11 (cf. modèle 1 tableau 2). Toutes les origines sont concernées, à l’exception des descendants d’immigrés européens (hors Portugal) et d’Asie du Sud-Est.
28Une fois contrôlés par les caractéristiques sociales et familiales (modèle 2), les écarts avec la population majoritaire s’annulent pour les descendants d’originaires d’un DOM ou du Portugal, mais les désavantages scolaires persistent pour la plupart des autres origines (fils d’immigrés du Maghreb, de Turquie et d’Afrique centrale et guinéenne), même s’ils se réduisent. Autrement dit, les différences d’héritages sociaux et scolaires conditionnent les inégalités entre les différentes origines migratoires de la population masculine mais, à ce stade, n’expliquent pas totalement les différences de parcours. Le capital scolaire et le niveau social des parents sont très corrélés aux sorties sans diplôme (ou avec seulement le brevet) : un jeune dont les parents sont sans diplôme a près de deux fois plus de chances de sortir du système scolaire également sans diplôme qu’un jeune dont les parents possèdent un diplôme professionnel (de niveau CAP/BEP). A contrario, les chances d’acquérir un diplôme sont presque multipliées par deux lorsque le capital scolaire des parents est élevé (l’un ou les deux détenant un diplôme du supérieur). De même l’origine sociale influence la possession ou non de diplômes, les enfants de cadre ou de professions intermédiaires ayant un risque faible de quitter la formation initiale sans aucun diplôme. Ces résultats montrent la persistance des inégalités sociales d’éducation et l’incapacité du système scolaire à réduire les inégalités familiales.
Encadré 2. Les modèles de régression logistique
Des modèles statistiques ont été réalisés sur trois indicateurs du parcours scolaire :
– la probabilité d’être non-diplômé du second cycle secondaire (avec ou sans le brevet)
– la probabilité d’être titulaire du baccalauréat
– la probabilité de sortir de l’enseignement supérieur sans diplôme
Trois modèles successifs de régression logistique ont été mis en œuvre afin d’expliquer les écarts de réussite scolaire entre les différentes origines migratoires et la population majoritaire qui constitue la population de référence.
Le premier modèle (M1) ne prend en compte que l’origine migratoire (à travers le pays ou le département de naissance des parents) en vue de mesurer les inégalités d’origine.
Le deuxième modèle (M2) prend en compte, en plus de l’origine migratoire, les origines sociales (en quatre catégories : (1) agriculteurs, artisans et autres indépendants, (2) ouvriers et employés non qualifiés, (3) ouvriers et employés qualifiés, (4) cadres, professions libérales ou intermédiaires) et le niveau d’éducation des parents (le plus élevé des deux parents), dont on connaît les effets très importants en éducation. Sont ajoutés à la fois un indicateur socioéconomique ou de conditions matérielles (le fait d’avoir ou non rencontré des difficultés financières dans la famille pendant l’enfance ou la jeunesse) et un indicateur de conditions de logement (le fait de pouvoir ou non s’isoler dans une pièce pour faire ses devoirs scolaires). Dans les modèles sur l’enseignement supérieur, ces variables sont insérées dans le modèle 4 avec une indication sur la monoparentalité (ou non) de la famille de provenance alors que l’origine sociale est incluse dans le modèle 3.
Dans le dernier modèle sont ajoutées des caractéristiques scolaires :
– des variables relatives au parcours scolaire antérieur : dans les modèles relatifs à la scolarité secondaire sont introduites les difficultés scolaires précoces à travers le redoublement en primaire (M3) ; dans les modèles sur les études supérieures, le type d’orientation en fin de 3e (court vs long), le domaine de formation (formations académiques ou tertiaires plutôt qu’industrielles) et l’âge au baccalauréat (en retard plutôt qu’à l’heure) sont ajoutés au modèle 2.
– des variables permettant d’apprécier la mobilisation scolaire des parents (cours payants) puis le contexte scolaire (ségrégation scolaire perçue au collège) sont introduites dans les modèles relatifs à la scolarité secondaire mais pas dans l’analyse de l’enseignement supérieur.
Aucune pondération n’a été utilisée dans les modèles.
Tableau 2. Les facteurs associés à la sortie sans diplôme du second cycle du secondaire pour la population masculine et féminine (odds ratio)

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : dans la population masculine, un descendant d’immigré d’Algérie a une plus forte probabilité (2,8) d’être sorti du système éducatif sans diplôme du second cycle du secondaire en comparaison de la population majoritaire (modèle 1). Légende : significativité à : *** 1 %, ** 5 %, * 10 %. Réf. : situation de référence.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
29La structure de la famille influe aussi sur l’obtention d’un diplôme du secondaire. Les enfants et adolescents qui ont toujours vécu avec leurs deux parents ont une probabilité plus faible de quitter le système scolaire sans qualification que ceux ayant grandi dans d’autres types de familles. La taille de la fratrie en revanche ne joue pas pour les garçons. Les difficultés financières accroissent également la probabilité de ne pas avoir de diplôme. Pour autant, la prise en considération de tous ces facteurs n’élimine pas les inégalités entre les origines.
30Le modèle 4 montre que les inégalités d’éducation entre origines migratoires sont également liées aux antécédents scolaires et se forment précocement (à l’école primaire). Les écarts entre population majoritaire et descendants d’immigrés s’atténuent une fois pris en compte le parcours scolaire antérieur. Les inégalités à ce niveau apparaissent liées non seulement aux difficultés précoces – elles-mêmes fortement corrélées aux origines sociales – mais aussi à la dimension ségrégative du contexte scolaire. Les groupes qui abandonnent le plus la formation initiale en étant non diplômés ont davantage redoublé dès l’entrée à l’école primaire et peinent à rattraper le retard : le risque de sortie sans diplôme des redoublants est en effet multiplié par 2,4. Ce risque augmente légèrement lorsque la ségrégation scolaire est forte, le niveau scolaire étant alors plus faible et les difficultés initiales renforcées dans les contextes ségrégués. Or certains groupes tels que les descendants d’immigrés originaires de Turquie et d’Afrique subsaharienne sont davantage confrontés à la ségrégation scolaire à base ethnique (figure en annexe 3 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/), ce qui a des effets négatifs sur leurs scolarités (Felouzis, 2003 ; Felouzis, Liot et Perroton, 2005).
31Les cours payants – abordés ici en tant que stratégie éducative mais aussi en tant que moyens financiers – diminuent « toutes choses égales par ailleurs » la probabilité de ne pas avoir de diplôme du second cycle du secondaire.
32Sortir de la formation initiale sans diplôme (ou avec le seul brevet des collèges) peut aussi résulter d’orientations différenciées selon l’origine dans le second cycle du secondaire, comme nous l’avons vu précédemment. Nous avons testé l’influence des voies de scolarisation dans le secondaire12. Les résultats font apparaître une augmentation des sorties sans diplôme après avoir suivi les filières technologiques puis professionnelles (par rapport aux filières générales) et plus encore après l’apprentissage. Ces sorties témoignent donc des échecs scolaires et des décrochages particulièrement nombreux dans les filières professionnelles (notamment à la suite d’orientations contrariées vers des filières de relégation ou dans des spécialités non souhaitées), mais elles peuvent aussi résulter pour partie d’une insertion précoce sur le marché du travail, par exemple après un apprentissage.
33Toutefois, la prise en compte des orientations ou encore des facteurs scolaires et contextuels (modèle 4) ne fait pas disparaître l’effet de l’origine migratoire. Ainsi des variables absentes des modèles contribuent à expliquer partiellement ces échecs chez les fils d’immigrés d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de Turquie. Il peut s’agir de traits relatifs aux jeunes eux-mêmes, de leur rapport à l’école et du manque d’investissement – parfois suite à des orientations contraintes dans des filières de relégation –, mais on peut aussi penser qu’il existe un traitement spécifique de ces descendants d’immigrés de la part de l’institution scolaire. L’existence de discriminations à l’égard des garçons de certaines origines souvent stigmatisées dans la vie sociale n’est pas à exclure. À ce sujet, il est à souligner que ces derniers sont les plus nombreux parmi les anciens élèves et étudiants à exprimer un sentiment d’injustice et de discrimination en lien avec l’orientation scolaire ou la façon dont les agents éducatifs s’adressent à eux (Brinbaum, Primon, 2013).
2. Chez les filles, davantage de réussite, hormis chez les descendantes d’immigrés turcs
34Le risque de n’avoir aucun diplôme est multiplié par deux chez les filles d’immigrés originaires d’Afrique sahélienne et d’Algérie et par cinq chez les descendantes de l’immigration turque par rapport aux filles de la population majoritaire (modèle 1). En revanche, entre les autres origines migratoires et la population majoritaire, on ne note aucun écart significatif dans le risque de ne pas avoir de diplôme du second cycle du secondaire. En cela, les inégalités selon l’origine se révèlent moins fréquentes dans la population féminine que dans la population masculine.
35La prise en considération de la position sociale et du capital scolaire des parents (modèle 2) montre que seul l’effet lié à l’origine turque reste significatif (avec un OR de 2,9). Une fois pris en compte les héritages scolaires et sociaux, il apparaît même que les descendantes d’immigrés portugais ou de natifs d’un DOM ont des risques moindres que les filles de la population majoritaire de se retrouver sans aucun diplôme ou avec seulement un brevet. Le modèle 3 fait apparaître un effet significatif de la structure familiale (tant de la taille que du type de famille). Les résultats se maintiennent (avec une légère réduction de l’odds ratio pour les descendants de Turquie) lorsque l’on contrôle la probabilité d’être non diplômée du second cycle du secondaire par les facteurs scolaires (modèle 4).
36Ces modèles font ainsi apparaître une moindre réussite qui concerne à la fois les fils et les filles d’immigrés originaires de Turquie, mais révèlent aussi des différences de registres explicatifs entre les filles et les garçons quant à la probabilité d’être non diplômé du second cycle du secondaire. On peut voir dans ces résultats le signe de plus grandes difficultés pour les garçons, mais aussi une conséquence de la socialisation différentiée des deux sexes ou encore un effet des investissements spécifiques des filles en vue de s’émanciper, voire l’effet d’un traitement plus favorable par l’institution scolaire des filles de plusieurs groupes d’origine au sein des migrations extra-européennes (Lorcerie, 2011).
IV. Les voies de la scolarisation au lycée
37Sur la base de la spécialité de formation dans le second cycle du secondaire (et non de la série suivie au lycée)13, nous observons qu’après la classe de troisième, les jeunes de la population majoritaire se sont souvent dirigés vers les lettres, les mathématiques et sciences ou les sciences humaines. Parmi les jeunes hommes, en comparaison de la population majoritaire, les descendants des immigrations du Sud-Est asiatique ont fréquemment suivi les spécialités de mathématiques et sciences (27 % vs 17 %). Cette trajectoire présente un caractère exceptionnel en comparaison également des autres jeunes issus de l’immigration qui y accèdent rarement : ce n’est le cas que de 6 % des descendants d’immigrés d’Algérie, 5 % des descendants d’immigrés d’Afrique sahélienne, 6 % des descendants d’immigrés des pays d’Afrique centrale et guinéenne. Ces derniers, à l’instar des descendants des immigrations européennes et en comparaison de la population majoritaire, ne sont pas absents des formations dites disciplinaires de lettres, mathématiques, sciences, sciences humaines, parmi lesquelles ils choisissent plutôt les sciences humaines (14 % contre 5 % de la population majoritaire). Les mêmes sont, a contrario, relativement peu présents dans les spécialités techniques ou professionnelles de la production (31 % vs 55 %). Les descendants d’immigrés d’Afrique sahélienne (42 %), du Maroc ou de Tunisie (34 %) ont plus que la moyenne fréquenté les formations dites technico-professionnelles très féminisées des services (15 % de la population majoritaire), et d’une manière générale, se sont concentrés dans les formations technico-professionnelles. Les garçons d’origine portugaise avec ceux d’origine turque sont les seuls à s’être orientés préférentiellement vers les formations technico-professionnelles de la production (respectivement 63 % et 65 %). L’orientation vers les formations dites disciplinaires de lettres, mathématiques et sciences, sciences humaines ou vers les formations technico-professionnelles (production et services confondus) clive la population masculine, mais une polarisation très forte s’opère aussi entre les services (incluant le développement de la personne) et la production.
38L’orientation de la population féminine présente moins de disparités. Une surfréquentation des formations technico-professionnelles par les descendantes d’immigrés originaires d’Afrique sahélienne, d’Algérie et de Turquie est visible. Cette orientation privilégie les spécialités très féminisées tournées vers le travail dans les services (68 %, 63 % et 60 %), mais concerne aussi les formations beaucoup plus masculines qui débouchent sur les métiers de la production.
V. L’obtention du baccalauréat
39L’accès au baccalauréat dépend de la voie suivie dans le secondaire, les formations technico-professionnelles pouvant déboucher sur l’obtention d’un CAP ou d’un BEP et non pas systématiquement par un baccalauréat. Ainsi les jeunes hommes issus de l’immigration portugaise sont surreprésentés dans les formations industrielles et 40 % possèdent pour plus haut diplôme un CAP ou un BEP, comme ceux issus de l’immigration turque (39 %, contre 26 % dans la population majoritaire). Dans la population masculine, l’orientation secondaire des descendants d’immigrés portugais ou originaires de Turquie se révèle conforme au modèle traditionnel de reproduction ouvrière par la voie du secondaire professionnel (Baudelot et Establet, 1971) en lien avec les aspirations familiales (Brinbaum, 2002 ; Brinbaum et Kieffer, 2005) alors que les autres groupes d’origine semblent privilégier la scolarisation par les formations tertiaires ou académiques.
40Conséquence des politiques éducatives mises en œuvre dans les années 1990, l’aspiration au baccalauréat est devenue la norme (Beaud, 2002), y compris dans les familles immigrées (Brinbaum, Kieffer, 2005). Les descendants d’immigrés ont en partie profité de l’ouverture de l’accès au baccalauréat, puisqu’en moyenne 55 % d’entre eux sont bacheliers (contre 62 % des jeunes de la population majoritaire, cf. tableau 3).
41Chez les fils d’immigrés, l’obtention du baccalauréat est nettement moins fréquente que chez les jeunes de la population majoritaire, hormis chez les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est (59 %) et d’autres pays de l’UE27. La part des bacheliers varie fortement d’une origine à l’autre, puisqu’elle atteint 81 % chez ces derniers contre seulement 26 % chez les descendants d’immigrés originaires de Turquie, taux le plus bas. Certains compensent, on l’a vu, par l’obtention de diplômes professionnels (cf. annexe 1 sur https://teo1.site.ined.fr/fr/donnees_et_resultats/tableaux-statistiques/).
Tableau 3. Taux de bacheliers par sexe selon le pays de naissance des parents (%)

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : 41 % des fils d’immigrés algériens sont bacheliers, 51 % des filles de même origine.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
42Le taux de bachelières est sensiblement plus élevé que dans la population masculine (65 % vs 57 %) avec des variations fortes selon l’origine. Chez les filles, seules celles dont les parents sont originaires d’Algérie (51 %), d’Afrique sahélienne (41 %) et de Turquie (38 %) se distinguent des jeunes femmes de la population majoritaire (65 %) par une plus faible proportion de bachelières.
43Les analyses de type « toutes choses égales par ailleurs » réalisées sur l’obtention du baccalauréat parmi la population masculine (tableau 4) montrent que les désavantages se maintiennent, une fois contrôlées les caractéristiques sociales, pour les fils de natifs d’un DOM, d’Afrique sahélienne et centrale ou encore de Turquie (modèle 2), alors qu’ils disparaissent pour les fils d’immigrés du Maghreb. Les inégalités d’obtention du baccalauréat persistent uniquement pour les fils d’immigrés originaires de Turquie une fois pris en compte les facteurs liés à la structure des familles, leurs conditions financières (modèle 2), le parcours scolaire antérieur et le contexte de scolarisation (modèle 3).
44Les descendantes d’immigrés originaires de Turquie sont les seules à être désavantagées comparativement aux jeunes femmes de la population majoritaire à milieu social comparable (modèle 2, tableau 4). À l’opposé, les descendantes d’immigrés du Maroc ou de Tunisie et du Portugal ont une probabilité supérieure aux jeunes femmes de la population majoritaire d’obtenir un baccalauréat, après contrôle des caractéristiques sociales. Cet avantage subsiste et même se renforce une fois contrôlés les parcours scolaires et les caractéristiques familiales (modèle 4), confirmant ainsi la plus fréquente réussite scolaire des filles issues de l’immigration (Brinbaum et Kieffer, 2009 ; Brinbaum, Moguérou et Primon, 2011). Le désavantage, à l’opposé, persiste chez les descendantes d’immigrés turcs.
45Les filles d’immigrés algériens et d’Afrique sahélienne ne se distinguent plus, quant à elles, des jeunes femmes de la population majoritaire ayant les mêmes caractéristiques sociales et familiales. Une fois contrôlés le type et la taille des familles, les descendantes d’immigrés venus d’Afrique sahélienne ont plus de chances d’obtenir le baccalauréat (toutes séries confondues) que les filles de la population majoritaire. L’avantage des premières se renforce une fois tenus pour égaux les conditions de scolarisation et les parcours antérieurs (modèle 3, tableau 4). Il en est de même pour les descendantes de l’immigration algérienne une fois les caractéristiques scolaires contrôlées.
46Pour les filles comme pour les garçons, le niveau d’éducation des parents constitue toujours un facteur clé des inégalités scolaires et la reproduction sociale reste forte dans le système éducatif français. Avoir des parents non diplômés réduit les chances d’obtenir un baccalauréat chez les filles comme chez les garçons. A contrario, être né dans une famille à fort capital scolaire (au moins un parent bachelier) double les chances d’être soi-même bachelier. De même, être enfant de cadre ou profession intermédiaire multiplie par deux l’obtention du baccalauréat. Les conditions matérielles de la famille impactent aussi les chances de réussite. Enfin, le suivi de cours particuliers payants multiplie par deux l’obtention du baccalauréat chez les garçons et par 1,5 chez les filles, une fois contrôlés tous les autres facteurs. Ne pas avoir grandi avec ses deux parents réduit la probabilité d’obtenir un baccalauréat chez les filles et les garçons, alors que la taille de la fratrie influence seulement les parcours scolaires des filles. Ces dernières ont un avantage à être nées et élevées dans des familles de taille réduite ; leurs chances de réussite étant plus faible lorsqu’elles appartiennent à de très grandes fratries (trois enfants et plus). Les difficultés précoces se répercutent à ce niveau : les redoublements en primaire diminuent les chances d’être titulaire d’un baccalauréat quel que soit le sexe, de même que le contexte scolaire. La scolarisation dans un établissement plus ségrégué réduit l’obtention d’un baccalauréat chez les jeunes des deux sexes.
Tableau 4. Les facteurs associés à l’obtention du baccalauréat (odds ratio)

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : dans la population masculine, un descendant d’immigré du Portugal a une probabilité 0,6 fois moindre d’obtenir un baccalauréat que de ne pas l’obtenir en comparaison de la population majoritaire (modèle 1). Les résultats sont présentés sous la forme de odds ratio (rapports de chances). Légende : significativité à : *** 1 %, ** 5 %, * 10 %. Réf. : situation de référence.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
47Au-delà de la question de l’accès au baccalauréat, on observe à partir des séries des lauréats une très nette différenciation du type de baccalauréat obtenu. L’obtention d’un baccalauréat général est sensiblement plus élevée chez les jeunes de la population majoritaire que pour les jeunes d’origine migrante, à l’exception des descendants d’immigrés du Sud-Est asiatique. En moyenne, les descendants d’immigrés sont plutôt titulaires de diplômes professionnels et technologiques ; les filles, plus souvent détentrices d’un baccalauréat général voire technologique (plutôt que professionnel) en comparaison des garçons. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus à partir du panel d’élèves entrés en 6e en 1995 et suivis pendant 10 ans, limités à certaines origines (portugaise et maghrébine, du fait des effectifs, cf. Brinbaum et Kieffer, 2009).
VI. L’accès à l’enseignement supérieur et les niveaux atteints diffèrent selon les origines migratoires
48Les descendants d’immigrés âgés de 18-35 ans en 2008 ont été partie prenante du mouvement de massification et d’allongement des études qui s’est opéré au cours des années 1985-1995. À la date de l’enquête (2008), au moins un jeune sur deux ayant achevé sa formation initiale avait suivi des études supérieures (50 %), alors que 20 % des 18-25 ans poursuivent toujours des études et sont susceptibles de s’engager ultérieurement dans des formations supérieures et d’augmenter par ce biais le taux final d’accès à l’enseignement supérieur.
49Pour la population ayant terminé ses études, l’accès aux formations supérieures se révèle très variable selon les origines migratoires : 62 % d’accédants pour les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est et même 68 % chez les descendants d’immigrés de l’Union européenne, mais seulement 21 % pour les descendants de l’immigration turque (tableau 5). La poursuite des études dans les formations supérieures reste également rare parmi les descendants d’immigrés algériens (37 %) ou des pays du Sahel (39 %). En comparaison avec les jeunes de la population majoritaire, les jeunes d’origine portugaise accèdent relativement peu souvent à l’enseignement supérieur (41 %), particulièrement les garçons.
Tableau 5. Indicateurs de scolarité dans le supérieur selon l’origine migratoire (%)

* Les pourcentages sont calculés sur la base des personnes qui accèdent à l’enseignement supérieur et non sur la totalité de la population d’une origine migratoire donnée. Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : 54 % de femmes descendantes de natifs d’un DOM ont accédé à l’enseignement supérieur contre 38 % des hommes ; le rapport entre les deux sexes dans cette catégorie de population est de 142 femmes pour cent hommes. Parmi les personnes descendantes d’originaires des DOM qui ont fait des études supérieures (45 %), 28 % n’ont pas obtenu de diplômes du supérieur, 42 % ont acquis un diplôme du cycle court du supérieur et 30 % ont acquis un diplôme du supérieur long (niveau Licence et plus).
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
50Quelles que soient les origines, les filles surclassent les garçons dans l’accès aux études supérieures. Plus souvent titulaires du baccalauréat que leurs homologues masculins, les filles accèdent aussi davantage à l’enseignement supérieur que ces derniers dans tous les groupes d’origine. Cependant, selon certaines origines, l’écart sexué se révèle particulièrement élevé : les descendantes d’immigrés portugais sont ainsi deux fois plus nombreuses que les garçons à avoir poursuivi des études supérieures. De même, les chances d’accès au supérieur sont 60 % plus élevées pour les filles ayant des parents originaires des pays du Sahel. Les écarts de sexe sont également notables parmi les descendants de natifs d’un DOM. Même les descendantes d’immigrés originaires de Turquie, dont on a vu qu’elles prolongeaient rarement leurs études, accèdent plus souvent aux formations supérieures que les garçons quand elles ont eu leur baccalauréat. Au final, la sur-scolarisation féminine dans les études supérieures apparaît plus marquée parmi les descendants d’immigrés que chez les jeunes de la population majoritaire (Brinbaum, Moguérou, Primon, 2011).
51Les formations universitaires sont régulièrement mises en cause dans le discours médiatico-politique pour le caractère massif des échecs étudiants dans les premiers cycles. L’amplitude du phénomène y est souvent exagérée et les filières sélectives telles que les études médicales ou les STS sont rarement visées (Primon, 2008). Ainsi, 25 % de l’ensemble des jeunes de 18 à 35 ans ont quitté une formation supérieure sans aucun diplôme14.
52En comparaison avec les jeunes hommes de la population majoritaire, le risque de non-certification se révèle particulièrement élevé chez les jeunes ayant deux parents originaires d’Algérie, parmi les fils de l’immigration marocaine ou tunisienne et chez les descendants d’immigrés d’Afrique subsaharienne. La prise en considération de l’orientation dans le secondaire et du niveau scolaire à l’entrée du supérieur (âge au baccalauréat, enseignement secondaire en lycée professionnel, domaines de formation au lycée) montre que la non-certification des descendants d’immigrés marocains ou tunisiens et des pays d’Afrique subsaharienne peut s’expliquer par le contre-effet des orientations suivies en amont des études supérieures (tableau 6, modèle 2) : le passage par le lycée professionnel se révélant particulièrement pénalisant pour la réussite des études supérieures15. Malgré tout, en comparaison avec les jeunes de la population majoritaire, la plus forte fréquence de l’échec des fils d’immigrés algériens ne disparaît pas (modèle 2) et semble davantage liée à l’appartenance sociale de leurs parents (position sociale et capital scolaire, voir le tableau 6, modèle 3).
Tableau 6. Les facteurs associés aux sorties de l’enseignement supérieur sans diplôme.

Champ : personnes âgées de 18 à 35 ans scolarisées en France et ayant terminé leurs études initiales. Lecture : dans la population masculine, un descendant d’immigré d’Algérie a une plus forte probabilité (2,2) de sortir de l’enseignement supérieur sans diplôme en comparaison de la population majoritaire (modèle 1). Légende : significativité à : *** 1 %, ** 5 %, * 10 %. Réf. : situation de référence.
Source : enquête TeO, Ined-Insee, 2008.
53Nous pouvons également noter que sous l’hypothèse d’une situation de classe équivalente (modèle 3), les jeunes hommes issus de l’immigration portugaise, que l’on sait très engagés dans les formations supérieures courtes et professionnelles, sont en situation de moindre échec à l’université (sinon de plus forte réussite) en comparaison des jeunes de la population majoritaire.
54Dans la population féminine, les groupes d’origine où les non-diplômées du supérieur sont surreprésentées en comparaison de la population majoritaire de même sexe, sont les mêmes que dans la population masculine : il s’agit des descendantes d’immigrés algériens, marocains, tunisiens ou subsahariens. La prise en compte des origines sociales (modèle 3) diminue l’échec des filles de l’immigration algérienne et fait disparaître l’insuccès des descendantes d’immigrés marocains ou tunisiens. Comme dans la population masculine, les filles des originaires du Portugal sont en situation de moindre échec lorsque l’influence du milieu social et familial (modèle 3) est prise en compte (en comparaison des jeunes femmes de la population majoritaire). La situation des descendantes d’immigrés des pays d’Afrique subsaharienne ressemble à celle de leurs homologues masculins en se révélant très sensible aux antécédents scolaires : âge au baccalauréat et scolarisation en lycée professionnel (modèle 2). La monoparentalité de la famille d’origine augmente l’échec des garçons et des filles et dans la population féminine, lorsque cette dimension est contrôlée, une fratrie nombreuse aurait plutôt un effet contraire (modèle 4).
55Dans la population majoritaire (les deux sexes confondus), 39 % des jeunes sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur long équivalent à un niveau Licence et plus (tableau 5). Les écarts entre les hommes et les femmes y sont faibles (40 % pour les hommes et 39 % pour les femmes), en revanche, dans plusieurs groupes d’origine migratoire des écarts entre les sexes persistent (tableau 5). En comparaison avec la population majoritaire (modèles non communiqués), les moins bien lotis dans l’acquisition d’un diplôme supérieur de haut niveau sont les fils et les filles d’origine algérienne et les descendantes d’immigrés marocains ou tunisiens. Les plus diplômés sont les fils d’immigrés des pays de l’Union européenne. Ces inégalités de diplômes disparaissent avec le contrôle des orientations dans le secondaire (discipline suivie, lycée professionnel) et du retard scolaire accumulé au niveau baccalauréat : la voie professionnelle et le retard scolaire constituant un désavantage alors que les formations disciplinaires des séries générales se transforment en atout.
56Au final, on retiendra que les filles comme les fils d’immigrés sont deux à trois fois plus nombreux à sortir du système scolaire sans qualification, qu’ils s’investissent fortement dans les filières professionnelles courtes du secondaire, en particulier ceux originaires de Turquie, et que l’accès au supérieur est non seulement inférieur à celui des jeunes de la population majoritaire, mais aussi que les niveaux atteints sont inférieurs : les taux d’échecs sont plus importants, si bien que ceux qui restent titulaires d’un baccalauréat sont plus nombreux, et que les titulaires d’un diplôme de niveau bac + 3 ou plus élevé sont moins importants. Ce constat global ne vaut pas pour les descendants d’originaires d’Asie du Sud-Est, ni pour ceux dont les parents sont issus de pays européens autres que l’Europe du Sud, mais il résulte surtout de l’appartenance des familles migrantes aux milieux populaires.
Conclusion
57Cette étude débouche sur plusieurs enseignements. Tout d’abord, les trajectoires scolaires des descendants d’immigrés ne sont pas uniformes. Les parcours sont différenciés selon les origines migratoires et de profondes inégalités de sexe, internes aux différentes origines, sont visibles ; les filles réussissant généralement mieux que les garçons. Ces meilleurs parcours des filles sont souvent plus accentués qu’ils ne le sont dans la population majoritaire.
58Autre résultat notable : dans la population féminine, les inégalités entre les diverses origines migratoires face au risque de quitter la formation initiale sans diplôme, ou face à la probabilité d’obtenir un baccalauréat disparaissent, lorsque sont pris en compte le milieu social et le niveau scolaire des parents, excepté chez les filles d’immigrés venus de Turquie. Et même, dans certains cas, à environnement social comparable, les chances scolaires initialement négatives se transforment en chances positives et révèlent une plus forte réussite des filles au sein de plusieurs origines migratoires, en comparaison des jeunes filles de la population majoritaire.
59Ces observations constituent un démenti à la thèse globalisante qui associe origines immigrées et échec scolaire.
60Dans la population masculine on observe également des inégalités de certification. Les descendants d’immigrés ont connu des difficultés scolaires perceptibles dès l’école élémentaire avec des redoublements fréquents. Toutefois, face aux chances d’obtenir un baccalauréat, à l’exception des fils d’immigrés venus de Turquie, les écarts à la population majoritaire disparaissent lorsque les caractéristiques sociales, scolaires et familiales sont équivalentes. Chez les hommes, pour les descendants d’immigrés d’Algérie, d’Afrique subsaharienne et plus encore de Turquie, étudier dans l’enseignement supérieur s’apparente toujours à un privilège avec un tiers au plus des descendants qui parviennent à y entrer. Les chances des filles de même origine d’accéder à l’enseignement supérieur sont plus élevées que celles des garçons, cependant elles y échouent dans des proportions similaires.
61Les trajectoires scolaires des descendants d’immigrés et des originaires d’un DOM se révèlent contrastées. Il reste que les écarts entre origines persistent dans les risques de ne posséder aucun diplôme de second cycle du secondaire et ce, même à caractéristiques sociales, familiales et conditions de scolarisation semblables entre descendants et jeunes hommes de la population majoritaire. L’hypothèse, à ce niveau, d’un traitement discriminatoire à l’égard des garçons descendants d’immigrés venus d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, voire de Turquie ou d’Afrique subsaharienne n’est pas à écarter. Elle fait écho au sentiment et à l’expérience de discriminations dans l’orientation scolaire qu’expriment ouvertement une partie de ces jeunes lorsqu’on les interroge (Brinbaum, Primon, 2013). Néanmoins, la confiance dans l’institution scolaire apparaît très forte quelle que soit l’origine.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 La question de la scolarisation des enfants ou des descendants d’immigrés a fait l’objet de plusieurs analyses approfondies depuis une quinzaine d’années. Pour un aperçu des travaux dans ce domaine nous renvoyons à notre synthèse (Brinbaum, Moguérou, Primon, 2014) et à l’état des recherches (Dhume, Dukic, Chauvel et Perrot, 2011).
2 L’enquête ne contient pas de données sur le niveau des connaissance et les savoirs scolaires.
3 Une analyse des parcours scolaires des enfants d’immigrés a été publiée à partir des mêmes données, incluant les enfants et les jeunes migrants scolarisés en France et les descendants d’immigrés (Brinbaum, Moguérou et Primon, 2012).
4 Les données sur les parcours scolaires sont déclaratives (et rétrospectives). Les données sur le redoublement sont à retenir en tant qu’ordre de grandeur et pour saisir les écarts entre groupes, mais la mesure est plus précise à partir des statistiques scolaires.
5 Modèles statistiques non communiqués.
6 Pour une synthèse des analyses sur les relations des familles immigrées à l’école à partir des enquêtes quantitatives (y compris TeO), se référer à (Brinbaum, 2013) et pour une étude centrée sur TeO (Brinbaum, 2012).
7 Les différentes séries du secondaire ne sont pas renseignées dans l’enquête, seul le type d’établissement est connu : lycée général, lycée technique, lycée professionnel, CFA. Dans les traitements, ces informations ont été regroupées en « orientations longues » (filières générales et technologiques) et « orientations courtes » (filières professionnelles et apprentissage).
8 L’enquête interroge en 2007 les sortants du système éducatif en 2004 (cf. Brinbaum et Guégnard, 2012).
9 Dans l’enquête TeO, les sorties du système éducatif à un niveau donné peuvent être connues à partir de deux sources d’information indépendantes qui ne concordent pas toujours : les voies suivies à la fin de chaque cycle scolaire (primaire, collège, lycée), puis le diplôme le plus élevé obtenu en fin de formation initiale. Dans les résultats, nous avons privilégié la seconde information.
10 En moyenne, les garçons sortent de l’école 1,4 fois plus souvent que les filles sans diplôme (et 1,5 fois plus souvent quand leurs deux parents sont immigrés).
11 Odds ratio de 3 pour les descendants d’immigrés d’Afrique sahélienne et de Turquie, entre 2 et 3 pour les descendants d’immigrés du Maghreb et d’Afrique centrale et d’1,5 pour les fils d’immigrés portugais ou de natifs d’un DOM.
12 Modèle non communiqué.
13 Dans l’enquête TeO, les séries du baccalauréat ne sont pas connues pour tous les jeunes, mais uniquement pour les bacheliers qui ont suivi des études supérieures ou qui ont directement quitté la formation initiale une fois le baccalauréat acquis. Les voies de scolarisation du second cycle du secondaire peuvent être malgré tout repérées par le type d’établissement fréquenté (Général, Technique, Professionnel, Apprentissage), et aussi par la spécialité de formation codée en fonction de la Nomenclature des groupes de spécialités de formation (NSF, 1994). Dans le vocabulaire de la NSF, on parle de spécialités, de domaines ou de formations et non de séries. Le domaine dit « disciplinaire » recouvre les formations en mathématiques et sciences, lettres ou arts, sciences humaines ou droit. Les autres spécialités appartiennent aux formations technico-professionnelles qui sont divisées en trois domaines : production (mécanique, construction, matériaux, etc.), services (gestion, communication, information, transport, commerce, etc.), développement de la personne (service à la personne, sport, activités domestiques, etc.).
14 Pour des raisons d’effectifs, les descendants d’immigrés des pays d’Afrique sahélienne et des pays d’Afrique centrale ou du golfe de Guinée ayant accédé à l’enseignement supérieur ont été regroupés en une seule catégorie (Afrique subsaharienne), bien que leurs caractéristiques et trajectoires semblent différentes. Les descendants d’immigrés originaires de Turquie ont été classés avec les « autres pays » et leurs résultats ne seront pas commentés.
15 L’agrégation, dans un même ensemble, des descendants d’immigrés des pays d’Afrique sahélienne et d’Afrique centrale ou guinéenne, dont les origines familiales ne concordent pas, a pour conséquence un effacement de l’effet respectif de la position sociale et du capital scolaire des parents les concernant.
Auteurs
Yaël Brinbaum, sociologue, maître de conférences à l’université de Bourgogne, est chercheure en détachement au Centre d’études de l’emploi, associée à l’Ined et à l’Iredu. Ses recherches portent sur les trajectoires scolaires et professionnelles des descendants d’immigrés dans une perspective comparative internationale. Elle travaille sur les inégalités d’éducation, les mobilisations scolaires des familles immigrées et leurs relations à l’école, l’insertion professionnelle et la qualité de l’emploi des descendants d’immigrés, les discriminations à l’école et sur le marché du travail. Elle a coordonné avec Anthony Heath une recherche comparative sur les inégalités d’éducation selon les origines migratoires.
Laure Moguérou est sociodémographe, maîtresse de conférences à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense au sein du département des sciences de l’éducation depuis 2008, chercheure au CRESPPA-GTM (UMR CNRS Paris-Ouest/ Paris 8) depuis 2014. Ses recherches récentes ont porté sur, d’une part, l’impact des dynamiques familiales (taille et composition par âge et par sexe des fratries ; histoire migratoire des parents) sur les mobilisations scolaires des parents immigrés et les trajectoires scolaires de leurs enfants et, d’autre part, sur les processus d’autonomisation et d’entrée en vie adulte des jeunes descendant-e-s d’immigré-e-s, dans une perspective articulant effets de sexe, de classe et d’origine. Elle s’intéresse également aux interrelations entre systèmes de genre et scolarisation des filles et des femmes.
Jean-Luc Primon est sociologue et enseigne en tant que maître de conférences au Département de sociologie de l’université de Nice Sophia Antipolis (UNS). Depuis plusieurs années, il est chercheur permanent à l’unité mixte de recherche « Migrations et Société » (URMIS). Ses recherches portent sur les parcours scolaires, la transition entre les études et l’emploi, les discriminations et le racisme. Il a participé au groupe de travail chargé de la préparation et de l’exploitation de l’enquête TeO.
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