Transmission familiale du créole antillais dans le contexte métropolitain
p. 547-561
Texte intégral
Introduction
1Les premières analyses des données de l’enquête EHF sur les pratiques linguistiques des personnes résidant en France métropolitaine ont démontré la perte des langues régionales à travers les générations1. Les langues créoles à base française figurent parmi les langues accusant les plus fortes pertes. Des études récentes menées dans le contexte insulaire cherchent à déterminer les facteurs conduisant à la perte ou à la survie du créole. Ainsi F. Chevalier et A. Lallemant (2000) déduisent des résultats de l’Enquête Famille à la Réunion que le créole réunionnais est en régression2. Le niveau scolaire et la catégorie sociale sont repérés en tant que principaux déterminants de la pratique. Ces conclusions reposent sur l’analyse de la transmission de la langue par la mère à ses enfants. D’autres approches, sociolinguistiques ou anthropologiques, démontrent toutefois sa qualité de première langue véhiculaire : c’est la langue qui s’apprend dans la rue ou sur les terrains de jeux, la langue d’intégration sociale à la Réunion où des langues comme le swahili, le tamoul, le mauricien coexistent avec le créole et le français (Fioux, 2001, p. 193-194)3. Si les thèmes du statut et de l’avenir du créole aux Antilles ont fait couler beaucoup d’encre4, les études consacrées aux pratiques du créole dans le contexte de la migration en métropole sont rares5. Même si le créole n’est pas la langue officielle dans la région d’origine des migrants antillais, tout comme à la Réunion, il est largement pratiqué dans de nombreuses sphères de la vie quotidienne aux Antilles : en famille, entre amis, collègues, camarades de classe… Le contexte de la pratique et de la transmission du créole en métropole s’apparente donc sous certains aspects aux pratiques des langues de l’immigration. L’enquête EHF permet de donner un aperçu de l’étendue de la pratique des créoles antillais en métropole. La possibilité offerte aux enquêtés de l’EHF de déclarer plusieurs langues transmises selon le niveau – habituel ou occasionnel – permet de nuancer la perte du créole en métropole annoncée par les résultats de l’enquête Efforts d’éducation des familles6. Si elle est rarement transmise en tant que langue habituelle, la langue créole est souvent transmise de manière occasionnelle.
2Les données de l’enquête EHF permettent d’analyser deux contextes précis de la transmission du créole : d’abord, des parents de l’enquêté vers celui-ci (Ego) et, ensuite, d’Ego vers ses propres enfants. Il est également possible d’explorer les différents modes de transmission selon la génération, le milieu social d’origine, le niveau de scolarisation, la forme familiale. L’importance des différences entre les pratiques des femmes et des hommes sera évaluée comme l’un des aspects des rapports sociaux qui conditionnent l’usage des langues et des patois7. Enfin, une question sur le désir de retourner vivre dans la région d’enfance de l’enquêté nous invite à examiner le lien entre la transmission du créole et le désir de retourner aux Antilles. Toutefois, deux limites importantes de l’enquête doivent être citées : la non prise en compte de l’éventuelle transmission différenciée entre enfants selon le rang de naissance ou le sexe ; et l’absence d’information sur les pratiques linguistiques du conjoint d’Ego. Malgré l’absence d’autres informations importantes – notamment sur les réseaux sociaux – les données offrent une occasion de mieux connaître les pratiques linguistiques parmi les originaires des Antilles françaises résidant en métropole, ainsi que les contextes de la transmission de la langue créole.
I. – La population étudiée
3Les migrants antillais sont distingués par le département de naissance (Guadeloupe ou Martinique). La présente étude se limite à cette population de migrants8. Pour définir la population, nous avons sélectionné d’abord toutes les personnes nées aux Antilles (1 073 individus). Ensuite, il a fallu exclure les personnes qui ne pouvaient pas recevoir la langue créole en milieu familial (descendants d’un couple de métropolitains mutés temporairement aux Antilles, descendants d’immigrés étrangers). Malgré l’importance de cette langue aux Antilles, nous n’avons pas pu nous baser sur le fait d’avoir reçu le créole de leurs parents pour sélectionner les individus car de nombreux parents antillais ne veulent pas le transmettre à leurs enfants. Après considération des différents facteurs, nous avons défini la population de migrants antillais ayant eu la possibilité de recevoir la langue en famille comme toutes les personnes ayant au moins un parent né aux Antilles. L’effectif total est donc de 974 individus ; ce qui se traduit en 136900 individus après pondération.
II. – Quelques éléments de contextualisation
1) Les créoles guadeloupéens et martiniquais
4Les langues créoles sont nées dans le contexte de l’esclavage et de la colonisation. Ce sont des langues qui, au cours du xviie siècle, sont devenues la langue maternelle des populations d’origine africaine vivant aux Antilles françaises et qui ont continué à étendre le lexique et les formes grammaticales de la langue du maître ou du colonisateur. Elles ont évolué par la suite dans une dynamique à la fois de résistance à la domination et d’acceptation de la culture des colons.
5Le statut inférieur du créole aux Antilles est lié à ses racines dans le système esclavagiste, mais aussi à la position de l’ensemble des langues régionales en France aux xviiie et xixe siècles. La langue a été reléguée au statut de patois, tandis que le français s’est imposé comme langue dominante, langue de la civilisation. Peu à peu, maîtriser le français a été perçu comme la manière de sortir de la condition d’esclave et d’accéder à la classe des « maîtres ».
6À la fin de l’esclavagisme, l’instruction devient l’enjeu principal dans l’intégration des peuples antillais dans la nation française. Les cours se déroulent en français, les programmes scolaires sont calqués sur ceux donnés en métropole. La proximité des langues joue en défaveur de la défense du créole à l’école. La pratique du créole est considérée comme obstacle à un bon apprentissage de la langue française orale et écrite. La persistance du créole est mise en cause dans le taux d’échec scolaire plus élevé aux Antilles qu’en métropole9. Persuadés de l’influence néfaste de la pratique de la langue sur la scolarité de leurs enfants, de nombreux parents, quoique créolophones, ont interdit l’usage du créole à la maison. Beaucoup d’enfants néanmoins l’ont appris par d’autres personnes de l’entourage familial ou dans la cour de recréation.
7La plupart des habitants des Antilles vivent donc avec les deux langues. En règle générale, le français est utilisé dans la sphère publique, le créole dans la sphère privée. Toutefois la frontière entre créole et français reste bien évidemment assez perméable et les relations entre les deux s’articulent différemment dans les campagnes et dans les villes, dans chaque situation sociale et, aussi, selon qu’on est femme ou homme. Dans le système éducatif traditionnel, le créole est la langue la plus utilisée par les garçons et le français, la langue symbole de bonne éducation, par les filles. Comme le suggère Alex Tessonneau, ce fait indique certainement le pouvoir de différenciation sexuelle attribué aux différentes langues en présence (op. cit., p. 173).
8Confrontés aux réalités de la vie quotidienne en métropole, les migrants antillais ont réagi de différentes manières. De nombreux migrants ont vu que la promesse de promotion sociale à travers la migration vers la métropole était bien fragile. Pour certains, garder l’espoir d’une amélioration de leur statut supposait une stratégie d’invisibilité, limitant les contacts avec les compatriotes, rejetant le créole et faisant de l’hypercorrection10 française. Pour d’autres, se polarisant sur la non intégration, la pratique du créole devenait un enjeu identitaire, de plus en plus souvent l’élément fort de la revendication collective au droit à la différence, face à l’exclusion et aux discriminations (Tessoneau, op. cit., p. 185). La dynamique de revalorisation et de promotion de la langue aux Antilles depuis les années soixante-dix notamment se trouve ainsi renforcée en métropole à travers des pratiques symboliques et fonctionnelles du créole. Dans la migration, il y a une perte de pratique inévitable comme pour toute langue d’immigration. Mais en même temps, on retrouve un maintien des pratiques dans les familles « transatlantiques »11, comme on le verra plus loin.
2) Portrait de la migration antillaise vers la métropole
9La migration des Antillais vers la métropole a pris son ampleur à la fin des années cinquante. Sous l’impulsion de la politique migratoire française favorisant cette migration, des milliers d’individus sont partis s’installer en métropole dans les années 1960 et 1970 (Anselin, 1979 ; Constant, 1987). Des filières de recrutement spécifiques ont conduit à leur concentration à la fois géographique – en région parisienne – et professionnelle dans le secteur public, et ceci notamment pour les femmes (Condon, 2000). Les retours aux Antilles ont été nombreux depuis les années 1970 (Domenach et Picouet, 1992 ; Rallu, 1997), tandis que les arrivées, même d’une ampleur plus faible, se sont poursuivies après la suspension de la politique d’encouragement à la migration. La communauté antillaise en métropole, dont la population est aussi nombreuse que celle de la Guadeloupe, s’agrandit notamment grâce à la naissance d’enfants en métropole (Marie, 2002).
10La population interrogée, tout à fait représentative des natifs antillais vivant en métropole à la fin des années 1990, est très concentrée en région parisienne (72 %)12 et surtout pour les femmes (77 %). Depuis les années 1960, c’est l’un des aspects particuliers de la migration antillaise, par contraste avec l’ensemble de la population en métropole dont seulement 18 % vit en région parisienne. L’âge moyen des individus (dans une population de 18 ans ou plus) est de 40 ans et la majorité de la population est active (71 %). Les femmes, très actives (70 %), travaillent pour plus du tiers comme employées de la fonction publique (43 %, contre 21 % des hommes) tandis que les hommes sont assez concentrés dans la catégorie des ouvriers (37 % contre 10 % des femmes antillaises). Cette concentration dans les services publics, nettement plus forte que pour l’ensemble des actifs en métropole (16 % des femmes, 4 % des hommes), persiste malgré la baisse des recrutements dans le secteur. Étant donné la jeunesse de cette population, et en partie à cause des retours aux Antilles, sur l’ensemble des migrants antillais, seulement 8 % des femmes et 10 % des hommes sont retraités. La proportion d’étudiants est la même que pour l’ensemble des enquêtés métropolitains (environ 5 %). De même, la distribution des niveaux de diplôme est très proche de l’ensemble : près du tiers des enquêtés antillais (29,5 %) ont obtenu au maximum le CEP (très fréquent dans les générations de migrants arrivés dans les années 1960), 12,6 % ont obtenu le baccalauréat (général, technique ou professionnel) et 15,6 % ont fait des études supérieures13. Pour certains, une grande partie de cette scolarisation s’est déroulée en métropole. L’âge moyen à l’arrivée en métropole peu élevé chez les enquêtés antillais (19,2 ans) reflète l’importance des migrants arrivés avant l’âge de 18 ans : 15,3 % avant l’âge de dix ans, 15,6 % entre dix et dix-sept ans.
11Plus de la moitié des enquêtés vivent en couple, la plupart (environ 40 %) formant un couple de deux actifs (contre 32 % pour l’ensemble des enquêtés métropolitains). Environ 17 % des ménages des enquêtés sont des ménages monoparentaux, des femmes vivant seules avec leurs enfants (par rapport à 7 % des ménages métropolitains). Enfin, près des trois quarts (72,2 %) des enquêtés ont eu un ou plusieurs enfants.
12Les contextes de transmission potentielle sont donc très divers en terme de milieu social, de génération et de forme familiale. Le champ d’âges des enquêtés très large fait que l’étude de la transmission des langues vers les enfants se réfère à la situation actuelle pour certains et au passé pour d’autres, dont les enfants sont adultes et ont peut-être fondé leur propre famille. La dynamique de transmission vers l’enfant fonctionne différemment lorsque deux parents sont présents ou un seul : un couple devra élaborer une stratégie linguistique lorsque les deux partenaires n’ont pas la même langue maternelle, tandis qu’une personne qui élève seule son enfant agira selon ses propres désirs (transmettre ou ne pas transmettre une langue minoritaire). Comme on le verra plus loin, les migrants ayant grandi en milieu agricole ou ouvrier14 ont quasiment tous reçu le créole de leurs parents et ils seront en mesure de le transmettre à leurs enfants, tandis que, pour les personnes ayant des parents employés ou cadres, le créole était beaucoup moins souvent une langue familiale.
3) Connaissance et pratique du créole parmi les migrants antillais résidant en métropole
13Diverses appellations sont utilisées par les enquêtés pour indiquer la ou les langues qu’ils ont reçues de leurs parents. Dans le cas du créole, si les termes « antillais », « martiniquais », « guadeloupéen », « patois » ou « dialecte » sont employés, très majoritairement (90 %) le terme « créole » – parfois qualifié de « martiniquais », « guadeloupéen » ou « antillais » – est utilisé pour désigner cette langue.
14Plus de quatre migrants antillais enquêtés sur cinq (82,9 %) déclarent avoir reçu le créole de façon habituelle ou occasionnelle d’un de leurs parents. Quatre personnes sur dix l’ont reçu de façon habituelle de leur mère et/ou de leur père, les autres, de façon occasionnelle15. Traduits à l’échelle de la population générale en métropole, ce sont 113 500 individus sur les 136 900 migrants des Antilles d’origine antillaise. Parmi ces personnes ayant reçu le créole de leurs parents, 60,4 % déclarent le pratiquer actuellement avec des proches (c’est-à-dire, famille, amis, collègues…) (tableau 1). On notera que plus du quart des personnes n’ayant pas reçu cette langue de leurs parents déclarent l’utiliser avec des proches (la différence entre les hommes et les femmes n’est pas significative).
Tableau 1. – Pratique et transmission du créole parmi les migrants antillais résidant en métropole, selon le fait d’avoir reçu cette langue par l’un ou les deux parents(%)

Champ : Enquêtés nés en Martinique ou en Guadeloupe ayant au moins un parent né dans un de ces départements.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
Note : les pourcentages sont calculés à partir des effectifs pondérés (poidsm5).
15Les travaux sur les autres langues régionales ou langues d’immigration figurant dans cet ouvrage, ainsi que les études citées en première partie de ce texte, ont identifié un nombre de facteurs influençant la pratique et la transmission des langues : le niveau de scolarisation, la catégorie sociale, la génération, le sexe, la mixité linguistique du couple. S’ajoutent à ces facteurs les dimensions (difficilement quantifiables) de la valorisation relative des langues en présence et des représentations que se font les sujets de leurs pratiques langagières. Pour la population de migrants antillais étudiés ici, on n’observe pas de différence entre les hommes et les femmes en termes de taux de réception du créole ou de pratique actuelle de la langue (tableau 1). C’est au niveau de la transmission vers les enfants qu’une différence significative apparaît ; nous y reviendrons. Lorsque l’on analyse la proportion de migrants ayant reçu le créole selon la génération, on est frappé par l’absence de perte d’une génération à l’autre (figure 1). Si la transmission habituelle diminue vers la plus jeune génération, cette évolution ne semble pas être linéaire. En plus, au lieu de diminuer, la transmission globale (habituelle ou occasionnelle) augmente depuis la génération des soixante ans ou plus. L’amélioration du statut du créole a certainement influencé cette évolution ; le contexte migratoire de la transmission éventuellement aussi. Sur l’ensemble des migrants antillais, 75,4 % de ceux arrivés avant l’âge de dix ans déclarent avoir reçu le créole de leurs parents ; et notons que plus du tiers (35,7 %) des 18-29 ans sont arrivés en métropole avant l’âge de dix ans et 75,8 % d’entre eux ont reçu le créole.
16D’après les résultats de l’Enquête Famille à la Réunion, le milieu social joue un rôle primordial dans la transmission du créole : c’est dans les milieux agricole ou ouvrier que la langue se transmet le plus. Les migrants antillais interrogés par l’EHF sont plus nombreux à avoir reçu le créole de leurs parents quand ceux-ci étaient agriculteurs ou ouvriers (97 % des personnes ayant une mère agricultrice, 93 % de celles ayant une mère ouvrière). De même, la transmission habituelle a été plus forte dans ces groupes (68 % et 50 % respectivement). Toutefois, les différences de catégorie sociale des parents des générations représentées par l’enquête traduisent les changements socio-économiques qui se sont opérés aux Antilles depuis les années 1950. En effet, les migrants ayant une mère ou un père employé ou un parent classé dans les professions intermédiaires sont plus nombreuses dans les jeunes générations ; en même temps, la proportion de parents agriculteurs est moins élevée. Par ailleurs, la proportion de mères classées comme « inactives »16 diminue de moitié entre le groupe des 60 ans ou plus et les 18-29 ans. Or ces différences sociales ne semblent pas avoir influencé la réception du créole par les migrants en milieu familial (figure 1). Nous n’observons pas de perte d’une génération à l’autre, si ce n’est au niveau de la transmission habituelle. Il est clair que l’analyse des différences sociales entre générations doit tenir compte de l’histoire de cette migration. Environ la moitié des migrants âgés de 18-29 ans et ayant une mère ou un père employé sont arrivés en métropole avant l’âge de dix ans ; pour les migrants âgés de 30-39 ans, près du tiers est arrivé avant cet âge. C’est dans ce contexte qu’il faut analyser le fait qu’environ le quart des parents de migrants employé ou classés dans la catégorie des professions intermédiaires n’a pas transmis le créole : pour les migrants du groupe 18-39 ans, arrivés avant l’âge de dix ans et ayant des parents classés dans ces deux catégories socioprofessionnelles, seulement 15 % n’ont pas reçu le créole. Pour 29 % d’entre eux, le créole a été transmis de manière habituelle.

Figure 1. – Proportion des enquêtés ayant reçu le créole d’au moins un de leurs parents, par âge, en distinguant la transmission habituelle de la transmission globale*
* Transmission globale : transmission habituelle ou occasionnelle
Champ : Enquêtés nés en Martinique ou en Guadeloupe ayant au moins un parent né dans un de ces départements,
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
17Le niveau de diplôme est assez lié au milieu social d’origine, les enfants d’agriculteurs ou d’ouvriers étant moins diplômés que les enfants des personnes ayant une profession classée comme intermédiaire. Mais il est surtout lié à l’âge : ainsi, le tiers (33,9 %) des 60 ans ou plus ont le niveau du certificat d’études contre 1,8 % des 18-29 ans et 1 % des premiers ont le baccalauréat général contre 14 % des plus jeunes. Les diplômés d’université des anciennes générations sont tout de même représentés dans l’enquête : ils sont environ 10 % des 60 ans ou plus (contre 22 % des 18-29 ans). On observe un certain lien entre le diplôme et le fait d’avoir reçu le créole : les personnes ayant un diplôme universitaire ont un peu moins souvent reçu cette langue (77,3 %) que la moyenne tandis que les personnes sans diplôme ou ayant un CEP sont plus nombreuses à l’avoir reçue (88,3 % et 86 % respectivement). Encore plus net est le lien entre le diplôme et la transmission « habituelle » : ce mode de transmission décroît régulièrement avec l’augmentation du niveau de diplôme, 51,4 % parmi les personnes sans diplôme à 18,8 % parmi celles ayant un diplôme universitaire.
18La mixité du couple des parents d’Ego semble avoir influencé le contexte de transmission du créole : moins de la moitié des enquêtés ayant un parent d’une origine autre qu’antillaise a reçu cette langue. À l’inverse, on ne note aucune différence dans les taux de réception entre les personnes ayant connu17 leurs deux parents et celles n’en ayant connu qu’un seul. Dans ces dernières situations, d’autres membres de la famille – notamment la grand-mère – jouent souvent le rôle de parents dans l’éducation et la transmission des langues.
19Dans l’interprétation de ces résultats, il faut garder à l’esprit les diverses générations et les circonstances de vie souvent contrastées18. Le parcours migratoire est aussi à prendre en considération. Quitter les Antilles à un jeune âge indique que la personne sera moins exposée au créole dans la vie quotidienne : le maintien de la compréhension et de la pratique dépendra de l’utilisation de la langue au foyer, puis lors d’autres réunions de famille et amis en métropole et pendant des séjours aux Antilles.
4) Transmission du créole aux enfants en métropole
20Près des trois quarts (73 %) des migrants antillais ont eu ou adopté au moins un enfant (tableau 1). Un peu plus de la moitié de ces personnes ont transmis le créole à leurs propres enfants (52,7 %) (tableaux 1 et 2). On observe une tendance nettement plus élevée à déclarer avoir transmis le créole chez les femmes : 58,6 % des femmes et 45,2 % des hommes ayant reçu le créole l’ont transmis à leurs enfants. En général, cette transmission se fait avec le français, de manière occasionnelle, tandis que 42,2 % des parents répondant à l’enquête qui avaient reçu le créole n’ont transmis que le français. C’est ainsi pour les générations de 50 ans ou plus (tableau 2). Les personnes déclarant avoir transmis le créole de façon habituelle sont très rares. Le résultat très frappant est l’augmentation de la transmission avec la baisse en âge : de 61,5 % chez les 18-29 ans jusqu’à 36,1 % chez les 60 ans ou plus (tableau 2). Cet effet de génération dans la transmission reflète bien une transformation du statut du créole allant dans le sens de sa revalorisation – peut-être un désir de déclarer le transmettre à ses enfants.
Tableau 2. – Migrants antillais ayant reçu le créole de leurs parents : transmission des langues aux enfants selon l’âge de l’enquêté (en pourcentages)

Champ : Enquêtés nés en Martinique ou en Guadeloupe ayant au moins un parent né dans un de ces départements.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
21Parmi les catégories socioprofessionnelles, on note des différences dans la tendance à transmettre le créole aux enfants19. Les employés de la fonction publique sont très nombreux à le transmettre (59 %) et notamment chez les femmes (63,5 %), qui sont particulièrement concentrées dans cette catégorie. Pour les ouvriers, le niveau de transmission est proche de la moyenne (53,5 % ; aucune différence entre les femmes et les hommes). De même, le niveau chez les professions intermédiaires se situe vers la moyenne (53 %) mais la transmission chez les femmes est très élevée (66 %). C’est parmi les cadres et professions libérales que le niveau tombe à 38,9 % (les hommes comptent pour 83 % de cette catégorie). Nous avons évoqué plus haut la concentration des Antillais dans certaines catégories professionnelles. En fait, ce que l’on observe depuis longtemps, c’est une concentration non seulement dans certaines activités mais aussi dans certains établissements (hôpitaux, cliniques, centres de tri postal notamment), ce qui a facilité le maintien de la pratique du créole entre collègues. Par ailleurs, le milieu associatif antillais recrute très largement parmi les personnels du secteur public.
22L’enquête ayant recueilli surtout des informations sur le milieu familial des individus, nous pouvons explorer le contexte familial de la transmission du créole en métropole. En terme de forme de ménage d’Ego, on observe un taux de transmission au-dessus de la moyenne pour les couples de deux actifs (57,4 %) et surtout parmi les femmes vivant seules avec leurs enfants (62,9 %). À l’inverse, le plus faible niveau de transmission dans les générations les plus anciennes se reflète dans les taux de transmission effectuée par les couples de retraités (45,4 %) lorsque leurs enfants étaient petits. Toutefois, il faut rappeler que le type de ménage où vivait l’enquêté au moment où il ou elle avaient des enfants en bas âge n’est pas forcément le même que celui déclaré à l’enquête. Par ailleurs, certains « enfants » ont passé leurs premières années de vie aux Antilles, avant que l’enquêté ne migre en Métropole20.
23Une certaine différence au niveau de la transmission du créole s’observe selon la mixité du couple. Pour les enquêtés vivant en couple, la moitié des couples sont composés de deux Antillais et les femmes antillaises sont plus souvent en couple avec un compatriote que ne le sont les hommes. Et, comme on peut s’y attendre, la transmission vers les enfants est plus forte dans les couples d’Antillais (57,6 %) que dans les couples « mixtes » (30,8 % dans les couples où le conjoint est né en métropole, 45,6 % dans les couples où le partenaire de l’enquêté est d’origine étrangère). Et si on se limite aux seuls enquêtés qui ont reçu le créole de leurs parents, les taux de transmission sont plus élevés dans chaque catégorie de couple. Malheureusement, on ne connaît pas les langues reçues par les conjoints des enquêtés, mais il est clair que si le conjoint ne comprend pas le créole, cela constituera un obstacle majeur à l’emploi de cette langue en milieu familial.
24Notons que parmi les partenaires « métropolitains », des descendants de migrants antillais sont certainement nombreux. Certains auront reçu le créole de leurs parents, d’autres non. Mais la transmission est plus forte dans les jeunes couples où le conjoint de l’enquêté est né en métropole, et décroît avec l’âge, ce qui laisse penser que ces « faux » couples mixtes jouent un rôle important dans la transmission du créole dans ces générations.
25Ces résultats invitent à réfléchir dans une perspective de genre. La moindre pratique du créole chez les femmes, évoquée par certains auteurs, ne se retrouve pas dans cette population de migrants. Qui plus est, les femmes déclarent plus souvent que les hommes transmettre la langue à leurs enfants. On peut déjà avancer les explications suivantes :
- les femmes en couple ont plus souvent un partenaire antillais que les hommes en couple et elles sont plus souvent en couple d’actifs antillais, employés des services publics ou des entreprises nationalisées, un milieu où les retours aux Antilles pour les vacances sont assez fréquents et où la participation à une association antillaise locale est forte ;
- les femmes vivent plus souvent seules avec un ou des enfants, ceux-ci sont rapprochés de la lignée féminine de la famille aux Antilles, et nombreux sont ceux qui ont été élevés par une grand-mère pendant les premières années de leur vie.
26Des entretiens semi-directifs21 auprès de migrants âgés entre 30 et 65 ans ont révélé certains mécanismes dans le désir ou non de transmettre le créole. À travers les discours, on comprend qu’une transmission symbolique se combine à une transmission fonctionnelle : d’un côté, le désir de maintenir des liens avec les racines antillaises et des revendications d’antillanité, de l’autre, le souhait d’intégration sociale des enfants au moment des séjours aux Antilles (conversations et jeux avec leurs pairs) et la nécessité de se sentir à l’aise en parlant avec des grands-parents qui s’expriment surtout en créole. Voici trois cas qui permettent d’illustrer ces contextes familiaux de transmission du créole. Ce sont les témoignages de trois femmes autour de la cinquantaine, vivant toutes en région parisienne mais ayant eu des parcours familiaux et professionnels contrastés. Leurs motivations pour transmettre le créole s’expriment de diverses manières.
27Francine, aide-soignante dans un hôpital public de la banlieue sud parisienne est mariée à un employé de France Télécom et a quatre enfants âgés de 15 à 25 ans. Elle est arrivée en 1967 à l’âge de 22 ans. La famille, le plus souvent ensemble, passe ses vacances d’été en Martinique tous les trois ans, aidés par le système des congés bonifiés et le regroupement des jours de vacances. Elle est membre active de l’église du quartier et participe aussi à une association culturelle avec son mari et ses enfants.
« Mes enfants parlent tous le créole. Je leur ai appris très tôt. Parce que, pour moi, c’est une défense. Entre eux ils pourront parler quand ils sont malheureux […] Ils ne savent pas tout bien dire, mais ils parlent le créole. Ici à la maison on parle le créole. »
28Viviane, femme de ménage dans une clinique privée, vit avec sa mère et ses trois enfants dans l’est parisien. De graves difficultés de logement, de couple et de santé, puis l’instabilité professionnelle pendant les premières années de son séjour en métropole (1968-1971) l’ont poussée à laisser ses deux premiers enfants avec sa mère en Guadeloupe. Ce n’est que sept ans après qu’elle a pu obtenir un logement suffisamment grand et faire venir sa mère et les enfants. Ces enfants ont parlé le créole avec leur grand-mère et les autres membres de la famille en Guadeloupe, puis avec les enfants de leur âge. Le troisième enfant, resté en métropole, le parle moins bien mais assez pour discuter avec sa grand-mère. Viviane n’est retournée en Guadeloupe que deux fois depuis son départ.
« C’est avec leur mamie qu’ils le parlent le plus, puis avec ma sœur aînée quand elle vient à la maison. C’est bien parce que ça renforce les liens, mais comme on ne rentrera jamais, ça s’arrêtera là, ils ne parleront certainement pas le créole avec leurs enfants. »
29Entre enfants d’une même famille, la transmission du créole peut s’opérer différemment. Ceci peut s’expliquer par des parcours migratoires différents, comme les enfants de Viviane. De plus, recevoir le créole pendant une enfance centrée sur la métropole n’implique pas forcément un bon niveau de maîtrise ni une pratique régulière. Toutefois, pour certains descendants de migrants, pratiquer le créole est une stratégie identitaire. Gabrielle, Martiniquaise, mère de cinq enfants et mariée avec un homme de la même île, a appris le créole à tous ses enfants. Le couple communique en créole mais le mari de Gabrielle parle surtout en français aux enfants. Ici, elle parle de son troisième enfant :
« Et parmi tous mes enfants, Lucy, c’est la seule vraie Martiniquaise. Les autres, oui, ils aiment la Martinique, mais elle, tout le temps elle me dit, Maman, si je meurs, ne m’enterre pas en France, fais venir le corps aux Antilles. Pourtant, elle est née à Sarcelles. L’année dernière, elle est partie pour le Carnaval. C’est la seule qui parle notre langue couramment, les autres le parlent, mais vous entendez Lucy parler, vous croyez qu’elle est née là-bas. Habiller, parler, tout. […] Et c’est la seule parmi mes enfants, quand elle va en vacances, qui parle le créole avec la sœur aînée de ma mère, elle a 92 ans, elle ne peut pas prendre une conversation en français. »
5) La transmission du créole et le lien aux Antilles
30La dernière question du questionnaire de l’EHF offre l’occasion d’approfondir l’analyse de la relation entre la transmission et l’attachement aux Antilles. On a demandé aux enquêtés : « Souhaitez-vous retourner vivre un jour dans la région de votre enfance » ? Si les réponses à ce type de question ne sont pas une mesure très fiable du projet de retour, à l’inverse elles indiquent bien le lien affectif que peuvent garder les migrants antillais avec la Martinique ou la Guadeloupe22.
31Parmi les personnes ayant reçu le créole de leurs parents, 67,6 % des enquêtés expriment le souhait de retourner vivre aux Antilles contre 50,6 % parmi les personnes nées aux Antilles (et d’origine antillaise) mais n’ayant pas reçu le créole de leurs parents. Lorsque nous observons la distribution des réponses à cette question parmi les personnes ayant reçu le créole de leurs parents et ayant au moins un enfant, nous découvrons que les personnes ayant transmis le créole à leurs propres enfants sont pour 80,1 % désireuses de retourner vivre aux Antilles contre 58,6 % parmi les personnes n’ayant transmis que le français à leurs enfants.
32Le cas de l’un des enquêtés de notre enquête de terrain évoque la transmission fonctionnelle et sa relation avec le souhait de retour. François, arrivé en 1970 pour effectuer son service militaire, est entré aux PTT après sa démobilisation et depuis a travaillé comme facteur dans la banlieue nord de Paris. Il a déposé sa première demande de mutation en Guadeloupe dès 1975 et espère toujours l’obtenir un jour.
« On a toujours parlé le créole entre nous, ma femme et moi, parce qu’on s’est connus là-bas, quand on était enfants. Et avec les filles, on a bien sûr parlé le créole. Et comme on rentre souvent pour les vacances, elles le parlent avec nos parents. Ma mère parle très peu le français, les parents de ma femme, c’est pareil. En plus, comme on pouvait être muté d’un jour à l’autre, il fallait que les filles le parlent pour être intégrées là-bas, avec leurs copines de classe. »
33Dans ces familles qui maintiennent un lien fort avec les Antilles – et avec les membres de la famille qui y résident – la pratique du créole est une nécessité pour continuer à participer à la vie quotidienne du village d’origine. Ces familles « transatlantiques », qui passent des vacances au pays aussi souvent que possible, qui envoient leurs enfants chez les grand-parents, qui échangent régulièrement des nouvelles par téléphone avec les parents, les frères, sœurs et cousins, contribuent ainsi au dynamisme de la langue. Même s’il existe certaines différences entre le créole pratiqué aux Antilles et celui pratiqué en métropole, et même si le créole transmis aux jeunes est plus francisé, l’important, c’est le désir d’entretenir les liens, avec la famille, avec le passé, avec une idée d’identité antillaise.
Conclusions
34De toute évidence, la perte du créole dans la migration a été ralentie par un glissement dans le mode de transmission, de l’habituel à l’occasionnel. Le niveau de transmission aux Antilles paraît assez stable dans les générations enquêtées. A l’inverse, un phénomène de revalorisation de la langue, une forme d’expression de l’identité antillaise, sont suggérés par les données de l’enquête avec une baisse de la proportion de parents déclarant ne transmettre que le français à leurs enfants. Pour plus de moitié des migrants en métropole, la communication au foyer se fait à la fois en créole et en français. Des différences importantes ont été identifiées entre les femmes et les hommes en matière de transmission vers les enfants en métropole, différences que l’on ne peut expliquer ici qu’en termes de formation du couple ou de forme familiale. La frontière existant entre le français et le créole aux Antilles, et ce que cela implique dans les pratiques linguistiques des garçons et des filles se placent peut-être autrement en métropole, où la langue créole revendique sa place dans l’héritage culturel. C’est un héritage auquel les femmes autant que les hommes sont attachées, et elles le démontrent en transmettant le créole à leurs enfants. Mais au-delà de cette transmission symbolique, il y a celle de la transmission fonctionnelle de la langue : de nombreux migrants restent très liés à leur région d’origine, s’y rendant souvent, accompagnés de leurs enfants. Pour ceux-ci, parler et comprendre le créole est une nécessité pour participer pleinement à la vie quotidienne aux Antilles, pour s’intégrer dans les groupes de jeunes et aussi pour laisser ouverte l’option de s’y installer un jour, avec ou sans leurs parents.
35La pratique familiale entre parents et enfants est l’axe essentiel de la transmission du créole mais il faut pouvoir tenir compte des pratiques au sein de la famille plus élargie, notamment avec les grands-parents. De même, une meilleure connaissance de la transmission de la langue dans les autres espaces est souhaitable, que ce soit dans la cour de recréation à l’école, au sein du réseau d’amis, sur le lieu de travail, dans le milieu associatif en métropole. S’il y a une volonté de transmettre le créole en métropole, c’est qu’il reste une langue dynamique. Pour les locuteurs, pouvoir communiquer en créole est une valeur culturelle. Même si les enfants de la migration ne maîtrisent pas bien le créole, ce qui est important, c’est le désir des parents de transmettre une langue et son histoire.
Bibliographie
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Références
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Pour en savoir plus sur l’évolution des créoles des départements d’outre-mer :
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Hazaël-Massieux M.-C., 1999, Les créoles : l’indispensable survie, Éditions Entente, Paris.
Notes de bas de page
1 Voir l’article de F. Héran, A. Filhon, C. Deprez, La dynamique des langues au fil du xxe siècle, chap 25.
2 Les analyses sont publiées dans F. Chevalier et A. Lallement A, 2000, « Le créole en régression », Économie de la Réunion, 2e semestre. Cette enquête a été menée en 1997 par l’Insee avec le concours de l’Ined. Malheureusement, l’enquête aux Antilles est restée à l’état de projet.
3 Pour en savoir plus sur le contexte culturel du créole à la Réunion, voir P. Vitale, 2004, « La lang la pwin lo zo ? Digressions sur les registres de la pratique du créole », Espace, Populations et Sociétés, n° 2, p. 281-291 ; C. Ghasarian C., 2002, « La Réunion : acculturation, créolisation et réinventions culturelles », Ethnologie Française, XXXII (4), p. 663-676.
4 Signalons les travaux de Guy et Marie-Christine Hazaël-Massieux, de Robert Chaudenson (et l’Institut d’études créoles et francophones de l’Université de Provence), de Jean-Pierre Jardel, Dany Bebel-Gisler, Lambert-Félix Prudent, Christian March, et de Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant.
5 Notamment, A. Tessonneau, 1988 (article cité en bibliographie), p. 165-193 ; voir aussi J. Lirus, 1979, Identité antillaise, Paris, Éditions Caribéennes.
6 Voir Héran F, 1993, « L’unification linguistique de la France », Population et Sociétés, n˚ 285, décembre, p. 2.
7 Par exemple, J. Coates et D. Cameron, 1988, « Some problems in the sociolinguistic explanation of sex differences » in J. Coates et D. Cameron, Women in their speech communities, London, Longman, p. 13-26 ; et dans le même ouvrage, V. Edwards V « The speech of British Black women in Dudley, West Midlands » p. 33-50.
8 Malheureusement, cette étude ne peut pas être étendue aux pratiques linguistiques des enfants de migrants (ou la « seconde génération ») car les personnes nées en métropole ayant des parents nés aux Antilles ne peuvent pas être distinguées de celles ayant des parents nés dans les autres départements d’outre-mer (pour chaque déclaration de lieu de naissance d’un parent dans un département d’outre-mer, ce lieu a été codé « Dom »). Cependant, environ un migrant sur sept est arrivé en métropole avant l’âge de dix ans et leur situation par rapport à la transmission de la langue créole peut être assimilée à celle des autres personnes d’origine antillaise nées en métropole puisqu’une bonne partie de leur vie en milieu scolaire et d’autres contacts à l’extérieur de la famille proche se sont déroulés en français.
9 Giraud et alii, 1992, L’école aux Antilles. Langues et échec scolaire, Paris, Éditions Kathala. Défenseurs du créole et spécialistes de l’éducation démontreront qu’au contraire, l’usage du créole en milieu scolaire – accompagné d’un programme scolaire plus adapté aux réalités locales – peut donner confiance aux élèves en primaire.
10 Stratégie linguistique visant la reconnaissance par le groupe social auquel le locuteur cherche à s’assimiler (Pierre Bourdieu s’appuie sur l’exemple des stratégies de la petite-bourgeoisie : Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, p. 54-56).
11 Cette expression a été utilisée dans Condon, 1996.
12 Voir la première présentation des résultats du recensement de 1999 pour les originaires des Dom-Tom en métropole : C.V. Marie et L. Qualité, 2002, « Un quart des personnes nées aux Antilles vit dans l’hexagone », Antiane-Eco, n˚ 52, mai, p. 15-18.
13 Pour une description des caractéristiques d’emploi et de scolarisation de l’ensemble de la population originaire des Dom en métropole au recensement de 1999, voir Rallu et Marie, 2004 « Migrations croisées entre DOMs et métropole » Espace, Population et Sociétés, n° 2, p. 237-252.
14 Malgré un nombre important d’informations manquantes sur la profession des parents (21 %), les données attestent la prédominance des milieux agricole ou ouvrier : 20 % des enquêtés ont/avaient un père employé (33 % une mère employée), 7 % un père ayant une profession intermédiaire et 12 %, un père commerçant ou artisan.
15 On peut se poser la question du statut de la déclaration « habituellement », car on peut penser que le terme a été interprété de manière diverse, allant de « tout le temps » à « régulièrement » ou « très souvent ».
16 Les mères « inactives » en vérité exerçaient souvent, même de manière irrégulière, des activités en dehors du foyer (voir Huguette Dagenais et Jean Poirier, 1985, « L’envers du mythe : la situation des femmes en Guadeloupe », Nouvelles questions féministes n˚ 9-10 printemps, p. 53-83 ; J. Momsen (dir.), 1993, Women and change in the Caribbean, London, James Currey.)
17 Défini à partir de la date de décès de l’un des parents, après le cinquième anniversaire de l’enquêté.
18 Comme on pourrait s’y attendre dans ce domaine, les analyses « toutes choses égales par ailleurs » ne permettent pas d’isoler les variables jouant le rôle le plus fort.
19 À l’inverse, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le niveau de diplôme n’émerge pas comme indicateur efficace de la transmission du créole en métropole.
20 Ce sont les enfants de la « génération 1,5 », située entre les migrants adultes et les enfants nés en métropole (voir l’article de C. Borrel et P. Simon, L’origine des Français, chap. 21).
21 Entretiens réalisés par l’auteure en 1995-96 en Région parisienne.
22 Voir Condon, 1996 ; et sur le thème du désir du retour « définitif » aux Antilles, voir l’article de Dolores Pourette : « Pourquoi les migrants guadeloupéens veulent-ils être inhumés dans leur île ? », Hommes et Migrations, n˚ 1237, p. 54-61.
Auteur
Ined
Condon@ined.fr
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