Chapitre 13.
1,6 million d’enfants vivent dans une famille recomposée1
p. 273-281
Texte intégral
1En 1999, lorsqu’il vit au sein du foyer parental, un jeune de moins de 25 ans sur quatre vit avec un seul de ses deux parents. Il réside une fois sur quatre avec un parent et un beau-parent, et trois fois sur quatre au sein d’une famille monoparentale. Un million d’enfants sont élevés par un couple dont seul l’un des deux membres est leur parent : 63 % habitent avec leur mère et son nouveau compagnon, 37 % avec leur père et sa nouvelle compagne.
2Une famille avec enfant sur dix est recomposée, et deux sur dix sont monoparentales. Entre 1990 et 1999, le nombre de familles recomposées a augmenté de 10 % et le nombre d’enfants qui y vivent de 11 %. Parmi les familles recomposées, les familles nombreuses sont plus fréquentes, les femmes sont en moyenne plus jeunes, et plus fréquemment ouvrières ou employées.
3En 1999, sur 18,2 millions de jeunes de moins de 25 ans, 16,3 millions vivent dans un foyer parental : 12,5 millions d’enfants habitent avec leurs deux parents, 3,8 millions avec un seul de leurs deux parents. Parmi ces derniers, 2,7 millions vivent au sein d’une famille monoparentale et 1,1 million avec un parent et un beau-parent (figure 1).
Figure 1. – Situation des jeunes de moins de 25 ans vis-à-vis du foyer parental en 1999

Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 ; recensement de la population, 1999.
4La part des enfants vivant avec un seul de leurs deux parents augmente avec l’âge, du fait des ruptures de couples parentaux. La proportion d’enfants habitant avec un parent et un beau-parent, très faible avant 4 ans, progresse régulièrement et atteint son maximum autour de 13 ans. Les enfants partageant la vie d’un parent et d’un beau-parent ont souvent d’abord vécu au sein d’une famille monoparentale car plusieurs années s’écoulent en général entre la rupture du couple parental et la formation d’une nouvelle union. Seule une minorité d’enfants a partagé sa vie avec le conjoint de son parent une année ou moins après la séparation des parents : 5,4 % des enfants sont dans ce cas. À 13 ans, les enfants vivant avec un parent et un beau-parent avaient 4 ans en moyenne lorsque leurs parents se sont séparés et 8 ans lorsque le parent qui les garde a refait sa vie en couple.
5À partir de 18 ans, cette proportion diminue, notamment parce que les enfants vivant avec un parent et son nouveau conjoint ont tendance à quitter le foyer parental plus tôt que ceux vivant au sein d’une famille monoparentale ou avec leurs deux parents. Parmi les enfants nés entre 1975 et 1979, les âges moyens au moment du départ du foyer parental sont de 20,3 ans pour les enfants dont les parents ont refait leur vie de couple contre 21,2 ans pour ceux qui vivaient au sein d’une famille désignée ici comme « traditionnelle » (figure 2).
Figure 2. – Répartition des jeunes de moins de 25 ans selon la structure familiale et l’âge en 1999

Champ : Personnes âgées de moins de 25 ans.
(1) Parmi ces enfants, 176000 n’ont en fait jamais vécu dans un foyer parental.
Lecture : 9 % des enfants de 13 ans vivent avec un parent et un beau-parent.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
6Les parents ayant formé une nouvelle union peuvent avoir des enfants avec leur nouveau conjoint. Ces enfants vivent alors avec leurs deux parents et cohabitent avec leurs demi-frères ou demi-sœurs nés d’une union précédente de l’un des parents. Ces familles recomposées comprennent alors des enfants nés d’une union précédente et des enfants du nouveau couple.
7Ainsi, aux 1,1 million d’enfants vivant avec un parent et un beau-parent s’ajoutent les 513 000 enfants vivant en 1999 avec leurs deux parents et des demi-frères ou demi-sœurs. Sont ainsi concernés par la recomposition familiale 1,6 million d’enfants, dont les deux tiers cohabitent avec un demi-frère ou une demi-sœur. Avec les 2,7 millions d’enfants vivant dans une famille monoparentale, ce sont donc au total 4,3 millions d’enfants, soit à peu près trois enfants sur dix vivant en famille, qui ne vivent pas dans une famille « traditionnelle ». En 1999, on compte 708 000 familles recomposées et 1,6 million de familles monoparentales.
8Ainsi, trois familles avec enfants de moins de 25 ans sur dix ne correspondent pas à la forme traditionnelle de la famille. Dans les familles recomposées dans lesquelles au moins un enfant est né de la nouvelle union, le nombre moyen d’enfants est de 2,8, supérieur à celui des familles « traditionnelles » (1,9) (tableau 1).
Tableau 1. – Les familles en 1990 et 1999

Champ : familles avec au moins un enfant de moins de 25 ans.
Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 et enquête Famille, 1990. L’enquête Famille de 1990, utilisée pour estimer l’évolution du nombre de familles recomposées entre 1990 et 1999, porte sur un champ plus restreint que celui couvert par l’enquête de 1999 : seules des femmes de moins de 65 ans ont été interrogées. Les évolutions estimées ici ont été établies en comparant les résultats obtenus aux deux enquêtes sur ce champ restreint et appliquées au champ complet de l’enquête de 1999 pour estimer la situation en 1990 à champ comparable. Le recensement de la population de 1999 est utilisé afin de dénombrer les jeunes de moins de 25 ans vivant en dehors du foyer parental.
9Alors que le nombre de jeunes vivant au sein d’une famille « traditionnelle » baisse de 12 % entre 1990 et 1999, le nombre de jeunes en familles recomposées augmente de 11 %.
10En 9 ans, le nombre de familles recomposées progresse, quant à lui, de 10 %, de 646 000 en 1990 à 708 000 en 1999. La part des familles recomposées dans lesquelles vivent des enfants de l’union actuelle et des enfants d’une union précédente augmente le plus fortement : 13 %, contre 6 % pour les familles recomposées n’ayant pas eu d’enfants dans l’union actuelle (tableau 2).
Tableau 2. – les enfants vivant dans une famille monoparentale ou recomposée

Champ : personnes âgées de moins de 25 ans.
Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 et enquête Famille, 1990.
11Les familles nombreuses sont surreprésentées parmi les familles recomposées. Ces dernières représentent 5 % des familles avec un seul enfant, 8 % des familles de deux enfants, 13 % de trois enfants et 17 % des familles de quatre enfants ou plus. Les familles recomposées sont deux fois plus nombreuses à avoir 4 enfants ou plus. À âge de la mère donné, ce constat se vérifie aussi : parmi les familles avec enfants dont la mère est âgée de 40 ans à 49 ans, la proportion de familles nombreuses de 4 enfants ou plus est de 29 % parmi les familles recomposées contre 12 % parmi les familles « traditionnelles ». Ce phénomène tient au fait que les familles recomposées nombreuses hébergent, le plus souvent, des enfants nés de deux unions différentes : 88 % des familles recomposées nombreuses rassemblent des enfants de plusieurs unions (figure 3).
Figure 3. – Nombre d’enfants suivant les types de familles

Champ : familles avec enfants âgés de moins de 25 ans. Lecture : 11 % des familles recomposées ont 4 enfants ou plus ; c’est le cas dans 5 % des familles dites « traditionnelles » et dans 5 % des familles monoparentales.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
12Les mères sont le plus souvent à la tête d’une famille monoparentale : 84 % des enfants vivant dans ce type de famille vivent avec leur mère et 16 % avec leur père. La situation est moins contrastée pour les enfants vivant dans une famille recomposée : 37 % des enfants vivent avec leur père, 63 % avec leur mère. En effet, refaire sa vie de couple est moins rapide et moins fréquent pour les mères : 4 ans après la séparation, 44 % des pères, qu’ils aient ou non la garde de leur enfant, ont constitué un nouveau couple, contre seulement 28 % des mères. En outre, les pères qui ont la garde de leur enfant en 1999 se sont remis plus vite en couple que les autres pères : 4 ans après la séparation, c’est le cas de 54 % d’entre eux contre 39 %. La situation est inverse pour les mères : celles qui ont la garde de l’enfant restent plus souvent seules que les autres mères (27 % contre 33 %). Le plus souvent, les pères ayant la garde de leur enfant en 1999 l’avaient déjà au moment de la remise en couple et donc probablement au moment de la rupture d’union. Seuls 6 % des enfants vivant avec leur père au sein d’une famille recomposée y sont arrivés après la remise en couple, comme pour les mères (figure 4).
Figure 4. – Proportion de remise en couple et garde de l’enfant

Champ : personnes ayant rompu leur union après avoir eu un enfant.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
13La recomposition familiale implique une succession d’événements dans l’histoire conjugale : mise en couple, naissance d’un enfant, rupture d’union suivie d’une nouvelle mise en couple. Pourtant, les parents des familles recomposées se distinguent des autres par leur jeune âge : dans 59 % des familles recomposées, la femme a moins de 40 ans. Ce n’est le cas que dans 49 % des familles « traditionnelles » et dans 46 % des familles monoparentales. La moyenne d’âge des femmes est respectivement de 38,7 ans, contre 40,7 ans et 41,2 ans.
14Ce paradoxe apparent résulte de la plus grande fréquence des ruptures à des âges plus jeunes, de génération en génération. Les personnes séparées ont ainsi la possibilité de reformer plus fréquemment une union que par le passé : 26 % des femmes nées entre 1960 et 1964 avaient rompu leur première union avant l’âge de 35 ans contre 12 % de celles nées entre 1945 et 1950 (figure 5).
Figure 5. – Répartition des familles selon l’âge des femmes en 1999

Champ : familles avec enfants de moins de 25 ans. Lecture : dans 46 % des familles recomposées, la femme a entre 30 et 39 ans ; c’est le cas dans 34 % des familles monoparentales et dans 38 % des familles « traditionnelles ».
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
15Dans les familles recomposées et monoparentales, les ouvrières et employées se rencontrent plus fréquemment que dans les familles « traditionnelles », et inversement pour les cadres et les professions intermédiaires. Ainsi, 66 % des femmes vivant dans une famille recomposée sont des ouvrières ou des employées ; cette proportion s’élève à 64 % dans les familles monoparentales, et à 60 % dans les familles « traditionnelles ». Pourtant les femmes nées dans les années soixante ont moins fréquemment rompu leur première union lorsqu’elles sont employées ou ouvrières que cadres (18 % contre 21 %). En revanche, lorsqu’elles ont rompu leur union, elles refont leur vie plus fréquemment : en 1999, les ouvrières et employées ont recomposé une famille deux fois plus souvent que les femmes cadres (figure 6).
Figure 6. – Catégories socioprofessionnelles selon le type de familles

Champ : personnes avec enfants de moins de 25 ans.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 ; recensement de la population, 1999.
Définitions :
Famille monoparentale : famille composée d’un adulte vivant sans conjoint et avec son ou ses enfants de moins de 25 ans.
Famille recomposée : couple vivant avec au moins un enfant dont un seul des conjoints est le parent.
Enfants vivant avec un parent et un beau-parent/enfants vivant avec leurs deux parents : pour les enfants vivant avec un couple, le statut des enfants par rapport à ce couple est déterminé par confrontation des dates de naissance des enfants et de la date de formation du couple actuel. Les enfants nés avant la formation du couple actuel sont supposés ne pas être du couple actuel et vivre donc avec un seul de leurs parents et un beau-parent. Les enfants nés après la date de formation du couple actuel sont supposés être des enfants du couple actuel et vivre donc avec leurs deux parents.
Famille « traditionnelle » : couple vivant avec des enfants qui sont tous nés dans le couple actuel.
Enfant : enfant, biologique ou adopté, âgé de moins de 25 ans.
Enfant présent dans le foyer parental : enfant recensé dans le logement de ses parents ou de l’un de ses parents.
Demi-frère, demi-sœur : si un couple vit avec ses propres enfants de moins de 25 ans et avec des enfants nés d’une autre union, alors ces derniers sont demi-frères ou demi-sœurs des enfants nés de l’union actuelle. En revanche, si la remise en couple n’est pas suivie d’une naissance, les enfants de chacun des deux conjoints du couple ne sont pas considérés comme des demi-frères ou demi-sœurs.
Tableau 3. – Les jeunes de moins de 25 ans selon la structure familiale et l’âge en 1999 (tranche d’âge quinquennal)

Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 ; recensement de la population, 1999.
Tableau 4. – Répartition des jeunes de moins de 25 ans selon la structure familiale et l’âge en 1999 (tranche d’âge quinquennal) (% en colonne)

Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 ; recensement de la population, 1999.
Tableau 5. – Répartition des jeunes de moins de 25 ans selon la structure familiale et l’âge en 1999 (tranche d’âge quinquennal) (% en ligne)

Sources : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999 ; recensement de la population, 1999.
Bibliographie
Références
Desplanques G., 1994, « Les familles recomposées en 1990 », Population et sociétés, n˚ 286.
Mazuy M., Toulemon L., 2001, « Étude de l’histoire familiale : premiers résultats de l’enquête en ménages », Paris, Ined, coll. Dossiers et recherches, n˚ 93.
Meulders-Klein M.-T., Théry I. (sous la dir.), 1993, Les recompositions familiales d’aujourd’hui, Paris, Nathan.
Notes de bas de page
1 Cet article reprend presque intégralement la publication dans Insee Première, n˚ 901, juin 2003.
Auteur
Insee (au moment de la rédaction de l’article)
barre.thierry@wanadoo.fr
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