Chapitre 9.
L’âge à la première union en France : une évolution en deux temps
p. 201-221
Texte intégral
1La formation d’une première union stable peut être considérée comme l’un des événements-clés du passage des jeunes à l’âge adulte, car c’est le plus souvent à ce moment-là qu’ils prennent véritablement leur indépendance vis-à-vis de leurs parents (Bozon et Villeneuve-Gokalp, 1995 ; Galland, 1995 et 2000 ; Toulemon, 1994). De plus, la vie en couple stable est généralement considérée comme une condition nécessaire pour envisager de fonder une famille. Tout retard de l’âge auquel les hommes et les femmes franchissent ce seuil est donc susceptible de se répercuter sur le seuil suivant, la naissance du premier enfant.
2Depuis une quinzaine d’années, différentes enquêtes de l’Ined (enquêtes sur les situations familiales de 1985 et 1994) et de l’Insee (enquêtes annuelles sur l’emploi) ont mis en évidence une baisse de la proportion d’hommes et de femmes vivant en couple (voir par exemple Leridon et Villeneuve-Gokalp, 1994 ; Toulemon, 1996) ; les données du recensement de 1999 sont venues confirmer le déclin de la vie en couple chez les femmes de moins de 60 ans et chez les hommes jusqu’à 75 ans (Prioux, 2002). Pour les personnes d’âge mûr, celui-ci est clairement dû à l’augmentation des ruptures d’union : même si les remises en couple sont fréquentes, elles ne sont pas toujours immédiates et la proportion de personnes recensées comme vivant seules augmente. Mais pour les plus jeunes, il est bien difficile de démêler l’effet du retard de la première union de celui de l’instabilité conjugale. Alors que les statistiques des mariages pouvaient en rendre compte assez correctement il y a à peine trente ans, le recours aux enquêtes est devenu indispensable pour dater cet événement important qu’est la première union dans la vie des hommes et des femmes, depuis que la cohabitation hors mariage s’est répandue et qu’elle est devenue la façon la plus courante de débuter la vie en couple.
3Vers 1970 en effet, dans moins d’un couple sur cinq, les conjoints débutaient leur vie commune sans être mariés, alors que c’est le cas de neuf couples sur dix aujourd’hui (Toulemon, 1996). Non seulement il est devenu quasiment exceptionnel d’attendre d’être marié pour commencer à vivre en couple, mais de plus en plus de couples ne légalisent jamais leur union. Si le mariage était autrefois le cadre presque exclusif de la naissance des enfants, c’est la vie en couple, marié ou non, qui en constitue aujourd’hui le plus souvent le préalable. Aussi, bien que l’analyse de la nuptialité conserve tout son intérêt sociologique, l’attention des démographes se porte-t-elle de plus en plus sur la formation des couples : à quel âge les hommes et les femmes vivent-ils en couple pour la première fois ? Les calendriers masculin et féminin se rapprochent-ils ? Vit-on en couple plus tôt ou plus tard qu’autrefois ? Quelles proportions d’hommes et de femmes ne vivent jamais en couple ? Telles sont quelques-unes des questions que nous nous proposons d’analyser dans cet article, à partir des données recueillies lors de l’enquête Étude de l’histoire familiale (EHF) effectuée en même temps que le recensement de 1999.
4Seule une enquête rétrospective menée sur un vaste échantillon permet en effet de mesurer précisément l’ampleur du retard de l’âge à la formation d’une première union, et surtout de dater le début de ce mouvement pour tenter d’en comprendre les causes. C’est le cas de l’enquête EHF de 1999, car deux innovations importantes y ont été introduites : pour la première fois, l’enquête s’adressait aux hommes comme aux femmes, et elle ne s’intéressait plus uniquement aux mariages, mais aux périodes de « vie en couple » des personnes enquêtées. Portant en particulier sur la première expérience de vie de couple, ces questions permettent ainsi de mesurer précisément dans quelle proportion et à quel âge les hommes et les femmes forment leur première union, qu’ils soient actuellement en couple ou non.
5Nous nous limiterons ici à l’observation de la fréquence et du calendrier de cet événement au fil des générations, en remontant jusqu’aux générations nées dans les années 1930, qui sont arrivées à l’âge adulte à la fin des années 1940 ; les premières unions des hommes et des femmes seront analysées séparément, et non conjointement, et l’on gardera à l’esprit que certaines premières unions, surtout pour les femmes, sont formées avec un conjoint dont c’est la deuxième union. Nous observerons aussi l’évolution annuelle de la formation des premières unions, en proposant quelques explications aux changements mis en évidence. Les analyses concernant la forme de l’union (mariage direct ou cohabitation), sa durée et la légalisation éventuelle des unions hors mariage feront l’objet d’une recherche ultérieure.
I. – Définition de la vie en couple
6Il convient d’abord de définir ce que nous entendons par « première union » ou « première vie en couple » – expressions que nous emploierons indifféremment dans ce texte. Notre définition découle du questionnaire de l’enquête EHF de 1999, dans lequel la question 14 précise que l’on s’intéresse à « la vie commune sous le même toit, pendant six mois ou davantage, avec ou sans mariage ».
7Par rapport aux enquêtes sur les situations familiales réalisées par l’Ined en 1985 et en 1994, la condition requise de six mois de résidence commune est plus restrictive. Non seulement ces deux enquêtes n’avaient pas introduit de condition de durée, mais n’ayant pas d’emblée défini ce qu’il fallait entendre par « vivre en couple », elles ont montré qu’un certain nombre de personnes considéraient vivre en couple tout en conservant deux résidences distinctes (Leridon et Villeneuve-Gokalp, 1994 ; de Guibert-Lantoine et al., 1994). Est-ce pour cela que lors de l’enquête EHF de 1999, environ 6 % des hommes et 5 % des femmes ont répondu qu’ils vivaient actuellement ou avaient déjà vécu en couple (question 13), mais n’ont ensuite fourni aucune date concernant leurs unions, lorsqu’une définition plus restrictive de la vie en couple leur était donnée (question 14) ? En réalité, ce n’est pas là la raison principale : comme le démontre l’appariement de 1 306 questionnaires de l’enquête EHF de 1999 avec ceux de l’enquête Biographies et entourage réalisée par l’Ined en Île-de-France en 2000-2001, au cours de laquelle des informations sur les unions ont été recueillies par des enquêteurs, les réponses données à la question 13 sont presque correctes à 100 % (Mazuy et Lelièvre, chapitre 31). Cette incohérence apparente relève donc surtout d’une omission plus ou moins volontaire, liée au caractère auto-administré du questionnaire de l’enquête EHF. Nous nous sommes donc essentiellement fiée à cette question 13, et renvoyons le lecteur à l’annexe I pour plus de précisions sur les redressements que nous avons effectués pour tenir compte de la sous-déclaration des dates relatives à la vie en couple.
II. – Les hommes et les femmes nés au milieu des années 1950 ont été les plus précoces à former une première union
8Un quart des hommes nés en 1930 avaient formé une première union avant l’âge de 23 ans, la moitié avant 25,3 ans, et les trois quarts avant 29 ans. Pour les hommes nés vingt-cinq ans plus tard, chacune de ces étapes a été franchie au moins un an et demi plus tôt (figure 1a). Dans les générations suivantes, l’âge à la formation du premier couple se relève : l’âge médian, tombé à 23,8 ans dans les générations 1951 à 1955, augmente de deux ans en quinze générations, et dépasse 26 ans dès la génération 1971. L’âge moyen suit une évolution très semblable à celle de l’âge médian. Il diminue d’abord de près d’un an et demi, oscille autour d’un niveau minimum de 24,6- 24,7 ans dans les générations 1944 à 1955, puis retrouve dans la génération 1969 un niveau voisin de celui de la génération 1930 (26 ans). La répartition des âges à la formation du premier couple autour de l’âge médian est restée relativement stable et concentrée dans un premier temps : l’écart interquartile1 fluctue entre 5,2 et 5,5 ans de la génération 1932 à la génération 1950 ; puis la dispersion des âges augmente rapidement, et l’écart atteint 8 ans dans la génération 1968. En effet, l’âge auquel les trois quarts des hommes ont déjà fait l’expérience de la vie de couple s’accroît très vite après la génération 1955, et dépasse 30 ans dès la génération 1966. Le retard de la mise en couple s’accompagne donc d’une grande diversification des âges auxquels cette première expérience est vécue dans les générations masculines.
9Pour les femmes, la vie en couple débute près de trois ans plus tôt que pour les hommes (figure 1b) : un quart des femmes nées en 1930 ont déjà vécu en couple peu après 20 ans (20,3 ans), la moitié à 22 ans et demi, et les trois quarts à 25,8 ans. Les changements sont dans un premier temps plus progressifs que pour les hommes, et les âges auxquels ces différents seuils sont atteints diminuent d’environ un an : l’âge médian s’établit à un minimum de 21 ans et demi dans les générations 1955 à 1959. Il se redresse ensuite vivement, augmente de deux ans en une quinzaine de générations, et s’élève à 23,7 ans dans la génération 1974. L’âge moyen à la première union baisse moins que l’âge médian : il descend de 23 ans dans la génération 1930 à 22,5 ans dans les générations 1952 à 1958 ; il remonte ensuite d’un an en neuf générations pour atteindre 23,5 ans dans la génération 1967, puis il augmente plus lentement. Quant à la concentration des âges à la première mise en couple, elle se modifie moins que chez les hommes : l’écart interquartile évolue entre 4,7 et 5 ans dans les générations 1936 à 1953, puis augmente progressivement et atteint 6,6 ans dans la génération 1971. En effet, l’âge auquel les trois quarts des femmes ont expérimenté la vie de couple augmente rapidement et dépasse aujourd’hui 27 ans.
Figure 1. – Évolution de l’âge des hommes et des femmes à la formation de la première union depuis la génération 1930

Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
10Ainsi, les calendriers masculin et féminin de mise en couple se sont d’abord un peu rapprochés, jusqu’aux générations nées dans la seconde moitié des années 1940 : la différence entre les âges médians des hommes et des femmes n’est que de 2 ans dans ces générations, alors qu’elle atteignait 2,7 à 2,8 ans jusqu’à la génération 19392. Puis cette différence augmente jusqu’à la génération 1961 (2,9 ans), se réduit à nouveau (2,4 ans dans les générations 1966-1967), avant de remonter pour culminer à 3 ans dans la génération 1971. En dépit du rapprochement des modes de vie des deux sexes sur de nombreux plans3, le calendrier féminin de formation d’une première union demeure donc plus précoce et plus concentré que celui des hommes (figure 2). Dans la génération 1955, qui est celle qui a commencé à vivre en couple le plus tôt, près d’une femme sur sept a commencé sa première union l’année de son vingtième anniversaire ; l’âge modal est un peu plus tardif chez les hommes (21 ans) et moins affirmé (un homme sur huit), l’année des 22 et des 23 ans enregistrant à peine moins de premières unions. Par la suite, ces normes s’émoussent un peu, et dix générations plus tard, c’est environ une femme sur neuf qui se met en couple l’année de ses 20 ans, et presque autant l’année suivante, tandis que la vie de couple débute le plus souvent à 23 ans pour les hommes, et pour un peu moins d’un homme sur dix : les distributions se sont étalées et le décalage entre les courbes s’est maintenu. Ainsi, l’âge à la première union demeure assez fortement différencié entre garçons et filles (Galland, 1995).
Figure 2. – Taux de formation d’une première union à chaque âge, dans la génération 1955 et la génération 1965 (pour 100 hommes ou 100 femmes de chaque âge)

Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
III. – La précocité des premières unions et celle des premiers mariages étaient autrefois très liées
11La baisse de l’âge à la première mise en couple des femmes et des hommes appartenant aux générations 1930 à 1945 ne surprend pas. Elle confirme toutes les analyses antérieures effectuées sur les premiers mariages, pour des générations où ces deux événements coïncidaient presque toujours (voir par exemple Festy, 1971, et Munoz-Pérez, 1979)4. On sait aussi que ce sont les générations nées au milieu des années 1940 qui se sont mariées le plus tôt, et que l’âge au premier mariage a ensuite beaucoup reculé. Or, on voit qu’il n’en va pas ainsi, dans un premier temps, pour le calendrier des premières unions : si l’âge moyen ne diminue plus que très légèrement après la génération 1945, le premier quartile et l’âge médian continuent à baisser jusqu’à la génération 1955, voire un peu plus longtemps chez les femmes, et c’est seulement ensuite que l’âge à la première union commence à augmenter.
12Les enquêtes sur les situations familiales effectuées par l’Ined en 1985 et en 1994 avaient bien mis en évidence ces deux phases de l’évolution (voir par exemple Leridon et Villeneuve-Gokalp, 1994, et Toulemon, 1996) : la première expérience de vie en couple s’est d’abord substituée au premier mariage – même si celui-ci n’a parfois été que repoussé de quelques mois ou de quelques années – puis c’est la vie de couple elle-même qui a commencé à être retardée5. Grâce à l’importance de l’échantillon de l’enquête EHF de 1999, on peut observer précisément à partir de quelles générations se sont produits les retournements : 1955 semble une génération charnière pour les hommes, et 1957 pour les femmes.
IV. – Analyse conjoncturelle de la formation des premières unions
13On peut observer l’évolution annuelle de la formation des couples en élaborant des indicateurs conjoncturels à l’image des indicateurs utilisés pour les premiers mariages (figure 3 et tableau C de l’annexe II). Observons d’abord l’indicateur construit à partir de la somme des taux, qui additionne toutes les premières unions formées chaque année après les avoir ramenées à un effectif constant d’hommes (ou de femmes) dans chaque génération (figure 3a). Par construction, cet indicateur peut dépasser 100 %, et c’est alors la preuve d’un fort rajeunissement de l’âge à la formation des premières unions. En pratique, dès que cet indicateur s’approche de 95 %, fréquence supposée maximale de la vie en couple dans une génération, c’est le signe incontestable d’un rajeunissement. C’est le cas pour les hommes de 1960 à 1976 ; pour les femmes, c’est également ce que l’on observe jusqu’en 1979, mais avec une petite interruption en 1967-1968, et à des niveaux inférieurs à ceux des indicateurs masculins entre 1962 et 1971. On a déjà vu que le rajeunissement du calendrier masculin de la première mise en couple était plus marqué que celui des femmes (figure 1). La première chute de l’indicateur féminin, entre 1964 et 1967, n’est que transitoire : elle est liée à une situation particulière du marché conjugal, lorsque l’arrivée des générations nombreuses de l’après-guerre aux âges de formation d’un couple a créé un déséquilibre momentané des effectifs, les femmes de ces générations ayant eu plus de mal à trouver des partenaires parmi des générations masculines moins nombreuses nées pendant la guerre (Munoz-Pérez, 1979). Le rajeunissement du calendrier féminin reprend ensuite, et pour les deux sexes, cette période d’indices élevés de mise en couple se prolonge, alors que les indicateurs de premiers mariages entament une chute profonde après 19726 : c’est la période où la vie en couple remplace ou retarde le premier mariage, mais les unions continuent à se former de plus en plus tôt. Car avec la légalisation de la contraception, et sa maîtrise progressivement acquise par les jeunes, la vie en couple est devenue possible sans envisager de fonder immédiatement une famille.
Figure 3. – Évolution des indicateurs conjoncturels de la formation des premières unions et des premiers mariages féminins de 1960 à 1998 (pour 100 hommes, ou 100 femmes)

Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
14Mais après 1975, et surtout après 1979, les indicateurs de mise en couple des hommes et des femmes commencent à chuter, et tombent durablement en-dessous de 90 %, indiquant un retard certain de la formation des premières unions. La chute s’interrompt cependant en 1984-1985, et les indices se relèvent vigoureusement pendant quelques années : l’indicateur féminin dépasse à nouveau 90 % en 1989 et 1990, et celui des hommes plafonne à 87 %. La remontée n’est que passagère, et les indicateurs retombent au niveau antérieur ; ils se stabilisent alors autour de 80 %, légèrement au-dessus de ce niveau pour les femmes, et en dessous pour les hommes.
15Avant de chercher à expliquer ce changement de tendance, observons l’évolution d’un autre indicateur conjoncturel, construit à partir des quotients de mise en couple, qui est en quelque sorte une synthèse de l’évolution du risque de former une union pour une personne n’ayant jamais vécu en couple7 (figure 3b). On y retrouve les mêmes tendances que pour l’indicateur précédent, mais elles sont nettement atténuées : difficultés momentanées pour les femmes autour de 1967, recul des probabilités de mise en couple à partir de la fin des années 1970, surtout pour les hommes, reprise passagère à la fin des années 1980, stabilisation plus ou moins nette dans les années récentes.
16Cet indicateur étant moins affecté par les changements de calendrier, son niveau est en principe plus proche de l’intensité de la formation d’un premier couple dans les générations : on y perçoit une tendance à la baisse sur toute la période, et en particulier chez les hommes pour lesquels la vie en couple semble devenue moins fréquente que pour les femmes.
V. – Chômage des jeunes et retard des unions
17On ne peut qu’être frappé par la coïncidence entre les dates d’inflexion des indicateurs conjoncturels de formation des unions et l’évolution du chômage des jeunes (figure 4). La première chute des indicateurs de mise en couple suit de près le premier choc pétrolier, qui a rendu plus difficile l’accès des jeunes à un premier emploi : très faible jusqu’au milieu des années 1970, la proportion de jeunes au chômage s’accroît d’abord progressivement, puis de façon accélérée, jusqu’à atteindre un maximum en 1985 : parmi l’ensemble des jeunes âgés de 20 à 24 ans, la proportion de ceux qui sont au chômage passe de moins de 5 % en 1975 à 17 % en 1985 (Meron et Minni, 1995). Le chômage des jeunes recule ensuite très rapidement sous l’effet conjugué « des nouvelles mesures de politique de l’emploi (TUC, SIVP, Plan d’urgence pour les jeunes, Contrat d’adaptation et Contrat de qualification), puis de la reprise économique qui se traduit par des créations d’emploi » (Meron et Minni, 1995, p. 19). En 1991, le chômage ne touche plus que 9,7 % des hommes âgés de 20 à 24 ans et 12,2 % des femmes du même groupe d’âges. C’est précisément au cours de cette période de recul du chômage des jeunes que les indicateurs de formation des premières unions se sont redressés ; puis ils ont chuté à nouveau, lorsque le chômage a repris sa progression8 ; enfin, quand la proportion de jeunes au chômage a cessé de croître, ils se sont stabilisés et se sont ensuite un peu relevés. Nul doute que les difficultés plus ou moins grandes d’insertion des jeunes dans le marché du travail exercent une influence importante sur la formation des unions9.
Figure 4. – Proportion de jeunes âgés de 20 à 24 ans au chômage (pour 100 hommes ou 100 femmes du même âge), et indicateur conjoncturel de formation des premières unions (somme des taux pour 100, échelle de droite)

Source : Meron et Minni (1995) et Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
VI. – Allongement des études et retard de la vie en couple
18Lorsque l’on observe le retard important de la formation des premières unions, on ne peut s’empêcher d’évoquer aussi, parmi les facteurs possibles, l’allongement de la durée des études. On sait en effet que celle-ci a beaucoup augmenté au fil des générations, des proportions de plus en plus grandes de jeunes poursuivant des études supérieures.
19L’enquête EHF de 1999 permet de prendre la mesure de cette « révolution éducative », grâce à une question sur l’âge auquel la fréquentation régulière d’un établissement scolaire ou universitaire a cessé. L’âge auquel la moitié d’une génération a déjà quitté le système éducatif a augmenté de façon presque continue dans les générations observées, avec des périodes d’accélération très nettes, juste après les générations 1934-1935, et entre les générations 1965 (1967 pour les hommes) et 1973 environ (annexe II, tableau B) ; alors qu’il n’était que de 15 ans jusqu’à la génération 1934, il dépasse 21 ans chez les hommes depuis la génération 1974, et chez les femmes depuis la génération 1972, car celles-ci poursuivent désormais leurs études un peu plus longtemps que leurs pairs masculins.
20Ainsi, au niveau global, aucune corrélation n’apparaît entre l’évolution de ces indicateurs au fil des générations : la prolongation importante de la durée des études semble n’avoir eu aucune incidence, dans un premier temps, sur l’évolution de l’âge médian à la formation d’une première union, puisqu’elle n’a pas empêché celui-ci de rajeunir jusqu’aux générations nées au milieu des années 1950 (figure 1) ; de plus, le retournement de tendance après la génération 1955 n’est associé à aucune accélération de l’élévation de l’âge médian de fin d’études, celle-ci s’étant produite au moins dix générations plus tard. Cependant, l’âge auquel les trois quarts d’une génération a quitté le système scolaire a progressé fortement à partir de la génération 1956 chez les hommes, après une pause dans les générations 1948-1955 : s’élevant à 17 ans et demi dans la génération 1930, il s’est stabilisé à 20 ans dans les générations 1948 à 1955, puis a augmenté rapidement pour atteindre 23,8 ans dans la génération 1975. L’évolution a été globalement plus rapide pour les femmes, et la pause moins nette : l’âge auquel les trois quarts d’entre elles ont terminé leurs études est passé de 17,1 ans (génération 1930) à 24 ans (génération 1975).
21Dans un premier temps, l’allongement des études semble donc n’avoir eu aucune influence sur l’âge médian à la formation du premier couple, car plusieurs années séparaient généralement la fin des études de la mise en couple dans les anciennes générations. L’évolution opposée des âges auxquels sont franchies ces deux étapes les a rapprochés, et cela a certainement rendu la seconde plus dépendante de la première, au niveau collectif comme au niveau individuel.
22C’est donc sans doute la conjonction de la montée du chômage et de l’allongement des études qui a joué un rôle important dans le retard de la mise en couple : tandis que la prolongation des études poussait assez régulièrement au retard de la formation des unions, l’évolution du chômage semble en avoir déclenché le mouvement, et en conditionner les accélérations ou les pauses. L’une et l’autre ne sont d’ailleurs pas totalement indépendants, beaucoup de jeunes poursuivant des études pour décrocher un diplôme et échapper au chômage. L’allongement de la durée des études, parfois qualifié de phénomène de « rétention » des jeunes dans le système éducatif, a été particulièrement important entre 1987 et 1993 (Poulet, 1996) ; mais depuis la seconde moitié des années 1990, la durée des études n’augmente plus (Dares, 2001). À la date de l’enquête, on manque encore de recul pour observer l’effet éventuel de ce changement de tendance sur le calendrier des mises en couple.
23Notons cependant que les études et le chômage affectent la formation des unions de façon inégale selon le sexe : pour les femmes, la première union suit souvent de près la fin des études, tandis que les hommes doivent généralement attendre d’avoir trouvé un emploi pour se mettre en couple (Bozon, 1990 ; Galland, 1995 ; Toulemon, 1994).
VII. – Les hommes sont un peu plus nombreux à ne pas faire l’expérience de la vie en couple
24Proches de 8 % chez les hommes nés au début des années 1930 et de 7 % chez les femmes des mêmes générations, les proportions d’hommes et de femmes n’ayant jamais vécu en couple lorsqu’ils atteignent la cinquantaine se différencient progressivement (figure 5). Chez les femmes, la proportion baisse dans les premières générations observées, s’établit en dessous de 6 % dans les générations 1944 à 1964, puis se relève un peu ; elle peut être estimée à 7 % dans la génération 197110. Chez les hommes, la proportion oscille d’abord autour de 8 %, puis entre 7 % et 8 % de la génération 1940 à la génération 1957. Elle s’élève ensuite rapidement, se stabilise à 10 % dans les générations 1960-1965 puis reprend sa progression : elle atteindrait ainsi 11 % dans la génération 1969.
25Un écart important (4 points) s’est donc creusé entre la fréquence des expériences féminine et masculine de formation d’un premier couple. À priori, cet écart ne peut s’expliquer par un déséquilibre marqué des effectifs masculins et féminins en présence, un excès important d’hommes rendant la formation d’une union plus difficile pour les hommes et plus facile pour les femmes11. Au contraire, les rapports des effectifs aux âges de formation des unions sont de plus en plus favorables aux hommes car l’immigration, autrefois essentiellement masculine, concerne aujourd’hui davantage les femmes.
26Qu’il s’agisse d’un choix délibéré de ne pas s’engager dans la vie à deux, ou que cela s’explique plutôt par une sorte d’exclusion du « marché conjugal » d’une fraction un peu plus élevée des hommes, cet écart entre les fréquences masculine et féminine de formation d’une première union n’est possible que parce qu’une proportion plus forte d’hommes vivent plusieurs unions successives, et se remettent parfois en couple avec des femmes n’ayant jamais vécu en union (Cassan et al., chapitre 10). Le constat est d’ailleurs identique pour les unions légales : d’après la même enquête (comme à partir des statistiques de l’état civil), parmi les générations nées dans les années 1930, la proportion de célibataires (au sens légal du terme) était deux fois plus forte chez les hommes (14 %) que chez les femmes (7 %) ; dans la génération 1965, l’écart entre les deux n’est plus que de 5 points, la proportion d’hommes n’ayant jamais été mariés avant l’âge de 50 ans pouvant être estimée à 30 %, celle des femmes à 25 % (Prioux, 2003).
Figure 5. – Évolution de la proportion d’hommes et de femmes n’ayant jamais vécu en couple avant l’âge de 50 ans dans les générations (%)

Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (ehf) 1999.
27Sans aller jusqu’à atteindre des valeurs aussi élevées, les proportions de personnes n’ayant jamais vécu en couple cohabitant au moins six mois sont en hausse, en particulier pour les hommes. Pour expliquer cette montée du « célibat », on peut invoquer deux pistes supplémentaires : la difficulté à former un couple stable et l’augmentation de la fréquence des couples qui ne cohabitent pas de façon permanente. Ces arguments sont partiellement confirmés par l’enquête sur les Situations familiales de 1994, qui met bien en évidence une fragilité croissante des unions ; par ailleurs, si la proportion de couples qui ne partageaient pas le même logement au moment de l’enquête n’avait pas augmenté significativement par rapport à l’enquête précédente, la durée de la période de semi-cohabitation semblait s’allonger pour les couples ayant déclaré « ne pas avoir tout de suite habité ensemble en permanence » (de Guibert-Lantoine et al., 1994 ; Toulemon, 1996).
VIII. – Vue d’ensemble
28Alors que la décision de se marier, puis la formalisation du mariage (publication des bans, préparation éventuelle de la cérémonie religieuse, de la réception, etc.) prenaient quelque temps, la formation d’une union hors mariage a théoriquement raccourci les délais ; de plus, grâce au développement de la contraception, les jeunes peuvent se lancer tôt dans l’aventure conjugale sans risquer d’avoir un enfant. Ainsi, l’âge à la formation de la première union a-t-il un peu plus diminué que l’âge au premier mariage, et cette baisse s’est poursuivie dans un premier temps, tandis que les mariages commençaient à être retardés car la cohabitation hors mariage est devenue la façon la plus fréquente de commencer à vivre en couple. Mais la tendance s’est inversée au milieu des années 1970, et les hommes et les femmes nés à partir de la fin des années 1950 ont débuté leur vie en couple un peu plus tardivement. Le retard est aujourd’hui très important, et l’âge à la formation d’une première union est devenu plus élevé dans les jeunes générations que dans les générations nées au cours des années 1930. Les difficultés d’insertion dans le marché du travail et l’allongement des études semblent deux facteurs prépondérants ayant concouru à déclencher cette nouvelle tendance, dont le début a coïncidé avec la montée du chômage des jeunes à partir du milieu des années 1970, tandis que chaque amélioration de la conjoncture économique semble au contraire favoriser la formation des unions. Ces facteurs nous ont semblé importants du point de vue de l’analyse conjoncturelle, mais ils ne sont pas exclusifs d’autres facteurs plus difficilement mesurables, ou qui correspondent à une évolution générale de la société. On pourrait ainsi évoquer le rôle de la généralisation du salariat féminin – l’acquisition d’une expérience professionnelle devient sans doute aussi un préalable à la formation d’une union pour les femmes – ou celui de la transformation des relations entre générations : dans les années 1960 et 1970, vivre en couple et se marier était le seul moyen, surtout pour les femmes, d’accéder à l’indépendance. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de quitter ses parents pour avoir une vie sexuelle stable. On peut enfin mentionner la rigidité croissante du marché locatif, qui rend difficile l’accès à un logement indépendant en l’absence de garanties financières suffisantes. Le recul de l’âge à la première union n’est d’ailleurs qu’un des éléments du retard à l’entrée dans la vie adulte parmi les jeunes générations (Galland, 1995 et 2000).
29Le retard des premières unions s’accompagne, en particulier pour les hommes, d’une augmentation de la proportion de ceux qui atteignent la cinquantaine sans avoir jamais vécu en couple stable. Plusieurs pistes ont été évoquées pour expliquer cette hausse : le développement de la vie en couple non cohabitant, l’instabilité accrue des unions et la difficulté croissante, pour certains hommes, de trouver une compagne pour partager leur vie. De fait, l’acquisition d’un diplôme est aujourd’hui, plus que jamais, une condition essentielle de l’insertion des hommes dans le marché conjugal.
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Références
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Annexe
Annexe I. L’enquête Étude de l’histoire familiale de 1999 et les redressements effectués sur les non-réponses relatives aux dates de la vie en couple
Lors de l’enquête Étude de l’histoire familiale de 1999, 145 000 hommes et 235 000 femmes âgés de 18 ans ou plus (nés avant 1981) ont rempli un questionnaire de quatre pages comportant des questions sur leurs enfants (enfants de l’enquêté et enfants élevés), les périodes de vie en couple et les langues parlées dans l’enfance.
Les trois questions sur la vie en couple que nous avons utilisées sont libellées ainsi :
13) Vivez-vous actuellement en couple, marié ou non ? (même si votre conjoint(e) occupe un autre logement pour des raisons professionnelles)
- Oui | 1 →allez à la question 14 |
- Non, mais vous l’avez fait dans le passé | 2 →allez à la question 14 |
- Non, vous n’avez jamais vécu en couple | 3 →dans ce cas, allez à la page suivante |
14) Les principales dates de la vie en couple
Par « vie en couple », nous entendons la vie commune sous le même toit, pendant six mois ou davantage, avec ou sans mariage.
Si vous avez vécu une seule période de vie en couple, utilisez la première ligne.
Si vous en avez vécu plusieurs, parlez seulement de la première et de la dernière.
(Dans un tableau comportant 2 lignes, les enquêtés devaient donner les dates (mois et années) des différentes étapes de leur première (ou unique) vie de couple, et de la plus récente : début de la vie de couple et, le cas échéant, date du mariage, de la fin de l’union, du divorce, et du décès du ou de la conjoint(e))
15) Combien de fois vous êtes-vous marié(e) ?.......................... | fois |
Ainsi, la question 13 ne donne pas de définition de la vie en couple, tout en suggérant qu’il existe des couples qui ne partagent pas toujours le même logement. Puis la question 14 n’est supposée avoir de réponse que si la vie commune sous le même toit a duré au moins six mois.
Parmi les personnes nées entre 1930 et 1980 sur lesquelles porte notre étude, environ 6 % des hommes et 5 % des femmes n’ont pas rempli le tableau de la question 14, après avoir déclaré à la question 13 qu’ils vivaient actuellement en couple (respectivement 2,2 % des hommes et 2,1 % des femmes) ou qu’ils avaient vécu en couple par le passé (3,9 % et 2,8 %). Par ailleurs, des proportions assez faibles (0,3 % des hommes et 0,4 % des femmes) ont déclaré au moins un mariage à la question 15, mais ni vie en couple, ni dates de vie de couple.
Il semble qu’il s’agisse principalement d’oublis ou d’une volonté délibérée de ne pas renseigner sur une vie en couple passée. En effet, l’enquête Biographies et entourage de l’Ined, réalisée en 2000-2001 avec un réseau d’enquêteurs à domicile, a permis d’apparier les questionnaires de 1 306 personnes résidant en Île-de-France, nées entre 1930 et 1950, ayant également répondu à l’enquête EHF de 1999 (Mazuy et Lelièvre, chapitre 31). La comparaison des réponses aux deux enquêtes démontre que les réponses données à la question 13 sont fiables, et que les personnes n’ayant pas daté leurs unions ne présentent pas de profil particulier. Nous avons donc imputé les âges de début d’union manquant dans chaque génération en nous servant de la distribution des âges à la première union connus dans les mêmes générations. Cela concerne 4 % à 5 % des femmes des générations 1930 à 1960, et parfois un peu plus chez les hommes des mêmes générations, sans jamais excéder 6 % (tableau A).
Au-delà de la génération 1960, nous avons procédé à des corrections dégressives, après avoir constaté que la proportion d’hommes et de femmes déclarant avoir déjà vécu en couple, sans remplir le tableau de la question 14, augmentait sensiblement dans les jeunes générations : par exemple, 9,5 % des hommes et 6,7 % des femmes nés en 1976-1980 déclarent avoir vécu en couple, puis ne remplissent pas le tableau, contre respectivement 3,3 % et 2,4 % dans les générations 1961-1965 ; à l’inverse, parmi ceux qui sont actuellement en couple, de moins en moins de personnes omettent la date de début d’union (tableau A). Notre hypothèse est qu’une certaine proportion des personnes ayant déclaré une vie de couple passée n’ont pas répondu ensuite à la question 14, en constatant que leur union rompue ne remplissait pas les conditions de durée ou de corésidence, et que cette proportion est d’autant plus forte que ces personnes sont jeunes, car elles ont plus de chances d’avoir gardé en mémoire une union certainement plus récente. Nous avons ainsi considéré que 100 % des personnes nées en 1960 ayant déclaré une union passée avaient effectivement vécu en couple, puis nous avons diminué ce pourcentage de 5 points à chaque génération, jusqu’à atteindre 0 % dans la génération 1980 ; cela revient à considérer qu’aucun des jeunes atteignant 18 ans en 1999 n’avait véritablement vécu en couple cohabitant au moins six mois puis connu une séparation. En revanche, tous ceux qui ont déclaré vivre actuellement en couple, ou s’être mariés, ont été pris en compte dans les corrections, quelle que soit la génération.
Tableau A. – Proportions d’hommes et de femmes ayant déclaré au moins une vie de couple ou un mariage, et n’ayant pas indiqué de date de début d’union (pour 100 hommes ou 100 femmes dans chaque groupe de générations)

(1) Sans avoir déclaré de vie de couple.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
Annexe II
Tableau B. – Âge de fin d’études, âge et fréquence des premières unions depuis la génération 1930


(1) Proportions d’hommes (ou de femmes) n’ayant jamais vécu en couple avant l’âge de 50 ans.
Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
Tableau C. – Indicateurs conjoncturels de formation des premières unions de 1960 à 1998 (pour 100 hommes ou 100 femmes)

Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.
Notes de bas de page
1 L’écart interquartile est la différence entre les âges auxquels les trois quarts et le quart des hommes d’une génération ont déjà vécu en couple.
2 Le même constat peut être fait à propos de la différence entre les âges moyens auxquels les hommes et les femmes forment une première union. Ces différences entre âges moyens et âges médians ne doivent pas être confondues avec les écarts d’âge entre conjoints (écart moyen et écart médian), qui doivent être calculés au sein des couples, et non en observant séparément les hommes et les femmes.
3 On pense en particulier à l’âge médian à la première expérience sexuelle, qui est aujourd’hui presque identique pour les garçons et pour les filles, alors que ce n’était pas le cas autrefois, les garçons faisant cette expérience un ou deux ans plus tôt que les filles (Bozon, 2003). On peut citer également la durée des études, qui est assez semblable pour les deux sexes, bien que les études des filles soient aujourd’hui légèrement plus longues (tableau B de l’annexe II).
4 L’impact de la guerre d’Algérie et de la réduction progressive de la durée du service militaire restent à étudier.
5 D’autres enquêtes de l’Insee, et en particulier l’enquête Jeunes effectuée en 1992, mettaient également en évidence, parmi d’autres étapes du passage à l’âge adulte, ce retard à la formation du premier couple dans les jeunes générations (voir par exemple Galland, 1995).
6 Pour ne pas alourdir la figure 3, nous n’avons reproduit que les indicateurs féminins de primo-nuptialité ; ceux-ci ont été également calculés à partir des données de l’enquête EHF de 1999.
7 Les quotients sont calculés à chaque âge en rapportant les premières unions à l’effectif des seules personnes soumises au risque, c’est-à-dire les personnes n’ayant encore jamais vécu en couple à cet âge. Pour calculer l’indicateur conjoncturel, on attribue à une génération fictive les quotients de mise en couple observés à chaque âge au cours d’une année, afin d’obtenir un nombre moyen de premières unions pour 100 hommes ou pour 100 femmes.
8 Le parallélisme est encore plus frappant lorsqu’on regarde l’évolution du taux de chômage des personnes ayant terminé leurs études depuis un ou deux ans (Meron et Minni, 1995, graphique X, page 25), surtout pour les moins diplômés (graphique XI).
9 En dépit de la désaffection des jeunes pour le mariage, il semble que l’amélioration du marché du travail se soit également traduite par une petite reprise de la nuptialité entre 1987 et 1990 (figure 3). En revanche, la reprise de la nuptialité des années 1996-1997, due en grande partie à une modification de la fiscalité pour les couples non mariés avec enfant(s), n’est accompagnée que d’une stabilisation des indices de formation des premières unions.
10 Toutes les estimations de proportions « finales », et les âges moyens qui en découlent, ont été effectuées en supposant que les probabilités de mise en couple à chaque âge étaient stables (en pratique, pour minimiser les aléas, on a appliqué la moyenne des quotients des cinq dernières années aux mêmes âges). Ces estimations n’ont été présentées ici que lorsque l’observation couvrait au minimum environ 80 % des premières unions estimées de la génération. Les calendriers masculins étant plus tardifs que ceux des femmes, l’estimation ne peut être présentée que jusqu’à la génération 1969 pour les hommes.
11 L’effet du déséquilibre entre effectifs masculins et féminins sur la nuptialité a été étudié par Louis Henry (1966). Les déséquilibres structurels, dus par exemple aux migrations différentielles selon le sexe ou à d’importantes pertes de guerre, sont à l’origine d’écarts dans la proportion de célibataires à 50 ans ; les déséquilibres momentanés provoquent surtout des ajustements de calendrier s’ils ne sont pas trop importants.
Auteur
Ined
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