Chapitre 18. Mal-être, genre et âge
p. 471-493
Texte intégral
Introduction
1Les modes de comportement, notamment démographiques, sont-ils uniquement dépendants de facteurs extérieurs ou objectifs ? Ou expriment-ils aussi les sentiments subjectifs des individus envers la réalité qui les entoure ? Ces deux questions présentent de multiples incidences, y compris politiques. Par exemple, les politiques familiales se fondent sur l’idée que la fécondité d’une famille est directement proportionnelle à sa prospérité matérielle ou économique. Pourtant, cette idée se trouve en contradiction avec l’histoire séculaire de la baisse de la fécondité, qui nous apprend que la fécondité des familles se décline en parallèle avec l’enrichissement matériel de la société. Ce paradoxe est tel qu’une première tentative pour l’expliquer dans le cadre de la théorie du capital humain a été récompensée par le prix Nobel (Becker, 1992). Des raisonnements jusque-là purement économiques ont dû être sensiblement infléchis (Becker et Barro, 1988 ; Becker et Ghez, 1975).
2Pour expliquer et comprendre les comportements individuels et collectifs, il importe de prendre en compte « l’état d’esprit » des sujets vis-à-vis d’objets matériels et symboliques (Uznadze, 1939). Or, les études empiriques privilégient souvent les faits et s’intéressent peu aux dimensions subjectives. De ce point de vue, les enquêtes récentes, et notamment Erfi, marquent une évolution en intégrant des questions sur les préférences, les valeurs et même les problèmes existentiels. Une fois introduites dans l’analyse, les caractéristiques de la personnalité apportent des éléments explicatifs forts (Inglehart, 1977). Ces remarques conduisent à envisager différemment les rapports entre individus et sociétés (Elias, 1991).
3Ainsi, les études sur le niveau de vie ne considèrent plus seulement les revenus et l’accès aux biens de consommation, mais en sont venues à mesurer la position des individus par rapport à des standards de vie de groupes sociaux. Une telle approche permet de comparer la plus ou moins grande satisfaction ressentie dans des groupes sociaux et des populations de pays, par ailleurs difficiles à comparer à cause de la différence de leur niveau de vie et de développement économique. Elle attire l’attention sur les perceptions négatives développées par ceux qui ont l’impression de se situer en deçà des normes en vigueur dans la population à laquelle ils appartiennent.
4Les investigations sur la santé évoluent dans la même direction. Déjà, en 1946, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définissait la santé comme un état de « bien-être » complet sur le plan économique et social aussi bien que sur le plan physique et mental. Cette approche, trop floue pour guider les activités gouvernementales et internationales dans le domaine de la santé publique, a été précisée et enrichie dans les documents élaborés aux conférences internationales à Alma-Ata (1978), et surtout à Ottawa (1986) par des éléments directement liés à la perception (subjective) qu’a un individu de sa position dans la société. Lorsqu’il se sent inférieur, sa frustration accroît les difficultés éprouvées.
5Niveau de vie et santé sont des éléments importants pour évaluer le niveau de bien-être général. Il est intéressant de relever que, pour mesurer ces sources de satisfaction liées entre elles, on recourt à des valeurs négatives : ainsi, on utilise les indicateurs de la morbidité et de la mortalité selon les causes de décès pour mesurer la santé, et on mesure le niveau de vie à l’aune des privations. Plus généralement, on évalue le niveau de bien-être selon le degré de mal-être dans des contextes divers. Cette approche prolonge une tendance, analysée par Michel Foucault, qui consiste à envisager la vie psychique à partir des catégories utilisées pour rendre compte de ses altérations (Foucault, 1954).
Définir le mal-être dans Erfi
6Dans cette étude, ce que nous entendons par le terme de « mal-être » est un ensemble de sentiments individuels, subjectifs, liés à des appréciations plus ou moins négatives portées sur soi-même. Le questionnaire de l’enquête Erfi comporte quelques séries de questions permettant de mesurer le niveau et la structure de tels sentiments. Nous faisons l’hypothèse que ces sentiments peuvent jouer le rôle d’un facteur intermédiaire, proximal ou immédiat, des comportements en général et des comportements démographiques en particulier, en modérant ou en renforçant l’influence de facteurs objectifs comme, par exemple, le niveau de revenu, l’emploi, l’état de santé, etc. Autrement dit, nous supposons que les individus se comportent selon de bonnes ou de mauvaises dispositions par rapport à leur entourage. Ainsi, dans un milieu donné, les sentiments d’angoisse ou de solitude peuvent avoir des conséquences négatives pour les projets et la vie familiale (désir d’avoir un enfant ou de se mettre en couple, etc.). Inversement, toutes choses égales par ailleurs, une vision optimiste du présent et du futur, le sentiment d’être intégré, entouré et soutenu, peuvent inciter à se lancer dans des projets familiaux.
7Les sentiments de mal-être sont-ils répartis de manière aléatoire selon les sexes et les âges ? Ou alors, sont-ils plus fréquents pour l’un des deux sexes et à certaines étapes de la vie ? En analysant les données en termes de genre, le but est de poser le problème en fonction des conditions sociales découlant de la différence entre les sexes. Pour repérer l’incidence des crises de la vie, le cours de l’existence sera divisé en périodes générationnelles quinquennales qui seront comparées entre elles. Nous nous attacherons à croiser les deux perspectives du genre et de l’âge et à affiner les composantes du mal-être, afin de saisir des différences significatives. Pour contribuer à les expliquer, celles-ci seront mises en rapport avec deux hypothèses qui semblent aller de soi, en corrélant l’humeur à la santé et à la communication. La première envisage le mal-être comme la conséquence d’un mauvais état de santé, la seconde comme celle d’une impossibilité à communiquer sur son intimité. Les indicateurs peuvent être dégagés de l’enquête Erfi pour tester ces deux hypothèses et être analysés en fonction des variables de genre et d’âge. Cela nous conduira à des résultats contre-intuitifs sur les rapports entre mal-être, santé, communication, genre et génération.
8Le niveau et la structure des sentiments de mal-être seront d’abord analysés au sein de divers groupes sociaux et démographiques. Ensuite, la recherche d’un ou de plusieurs indicateurs intégraux permettront de classer les individus selon ces sentiments pour les utiliser ultérieurement comme variables explicatives des comportements démographiques. L’étude est d’abord centrée sur les séquences du questionnaire qui appréhendent les sentiments de solitude et de dépression, puis sur celles ayant trait à la santé et à la communication.
9Pour que la lecture soit plus fluide, les éléments « techniques » mais méthodologiquement importants sont reportés en annexe, notamment les formulations des questions et des réponses (annexe 1) et la vérification de la cohérence des échelles (annexe 2).
I. Mesures des sentiments de mal-être dans l’enquête Erfi
10Dans la section « Santé et bien-être » du questionnaire, on demande aux enquêtés de se positionner par rapport à quelques énonciations exprimant les sentiments de solitude et de mal-être (voir annexe 1 pour le détail des questions). De fait, il s’agit de deux groupes de questions à rapprocher de deux types de mesure échelonnée dont le premier est connu en sociologie comme l’échelle unidimensionnelle de Guttman (Guttman, 1950) et le deuxième, comme l’échelle additive de Likert (Likert, 1932).
11L’échelle de Guttman représente six énonciations et les répondants sont invités à indiquer dans quelle mesure chacune d’elles leur correspond. Les réponses proposées sont « Oui », « Plus ou moins » et « Non ». Ainsi, il s’agit d’une version « assouplie » qui peut être facilement réduite à une version classique, moyennant l’agrégation des réponses non négatives (« oui » et « plus ou moins »). L’échelle est unidimensionnelle : elle est relative au sentiment de ne pas être suffisamment soutenu et de ne pas pouvoir « vraiment compter » sur son entourage. On peut la considérer comme une échelle des sentiments de solitude orientés vers l’extérieur, même si l’évocation d’« un sentiment général de vide » relève d’une dimension plus générale. Nous avons supposé que toutes les assertions avaient le même poids et que, par conséquent, le score sur cette échelle pouvait varier de 0 (aucun sentiment négatif) à 6 (le répondant éprouvant tous ces sentiments).
12Les sept autres énonciations de cette section, fondées sur l’échelle de Likert, sont appelées à mettre le répondant en relation avec des sentiments liés à ses états intérieurs comme la dépression, l’angoisse, la tristesse, en lui proposant d’indiquer la fréquence à laquelle il les a éprouvés au cours de la semaine précédente. La fréquence est graduée en quatre positions allant de « jamais ou rarement » à « tout le temps » avec deux positions intermédiaires « occasionnellement » et « assez souvent ». Le score qu’un répondant obtient sur cette échelle peut donc varier de 0 (aucun sentiment négatif) à 28 (éprouver tout le temps tous ces sentiments). Comme la construction de l’échelle de Likert ne suppose pas une expertise préalable, il a fallu vérifier sa fiabilité (voir annexe 2). On peut incontestablement constater une très forte corrélation entre le score total et la fréquence des sentiments de tristesse et de dépression. Au contraire, toutes les procédures de vérification ont démontré une assez faible corrélation entre le total des sept assertions et le sentiment que la vie est un échec. Cela signifie que les répondants éprouvant souvent les sentiments de dépression, de tristesse, de cafard ne pensent pas nécessairement que leur vie est un échec et inversement. Il est donc légitime de discuter le bien-fondé de l’inclusion de cette assertion dans l’échelle pour l’analyse ultérieure. Par ailleurs, la corrélation du total avec les sentiments de solitude et les crises de larmes n’est pas non plus forte. Cette discordance s’explique apparemment par la nature plus concrète de cette thématique.
13À ces deux échelles des sentiments de « mal-être », rarement utilisées dans des études sociodémographiques s’ajoutent quelques mesures plus classiques, à savoir, les déclarations du répondant sur son état de santé et ses communications avec ses proches à propos de sa vie privée. Ainsi le questionnaire d’Erfi permet de repérer et de mesurer deux dimensions subjectives pouvant concourir au mal-être :
les sentiments de solitude et d’exclusion ;
les sentiments de dépression et de tristesse.
14Elle présente aussi deux types de données subjectives susceptibles d’interférer avec le mal-être :
les déclarations à propos de sa santé ;
les communications à propos de sa vie privée.
15Cette analyse fera également intervenir les informations apportées par les répondants sur leur situation matrimoniale et leurs éventuels problèmes de santé (maladie chronique, dépendance, etc.).
16La prise en compte des sentiments de mal-être pourrait ouvrir de larges perspectives pour l’analyse des comportements. Dans la présente contribution, nous nous contentons d’aborder la différence entre les sexes et les groupes d’âges (générations), sachant que si une telle différence existe, la présence de sentiments de mal-être pourrait être considérée comme une variable explicative du comportement dans l’analyse ultérieure.
II. Fréquence et niveau des sentiments de mal-être
1. Solitude et dépression
17Pour expliquer la variabilité des scores de dépression et de solitude en fonction des catégories d’âge (âge quinquennal au 31 décembre 2005) et de sexe, ainsi qu’en fonction de l’interaction entre ces deux variables, nous avons eu recours à la procédure classique d’analyse de variance (factorial Anova).
18Les résultats de l’analyse sont présentés dans la figure 1. Il en ressort que les sentiments de solitude et les sentiments de dépression sont plus intenses chez les femmes que chez les hommes. On voit aussi l’intensité des sentiments de solitude s’accroître avec l’âge, tandis que l’intensité des sentiments de dépression n’en dépend aucunement. Il apparaît donc que les différences de genre concernent davantage les sentiments de dépression que de solitude alors que les différences de génération concernent les sentiments de solitude et non de dépression.
Figure 1. Niveau des sentiments de solitude et de dépression selon le sexe et le groupe d’âges

Note : les barres verticales correspondent aux intervalles de confiance au seuil de 95 %.
Lecture : plus un score est élevé, plus les sentiments de solitude (resp. de dépression) sont intenses.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
19En tenant compte de ces résultats, il nous faudra contrôler la composition par âge des populations de chaque sexe afin de comparer correctement la fréquence relative des sentiments de solitude. On pourrait en faire autant pour les sentiments de dépression, quoique cela soit moins nécessaire puisque ces sentiments dépendent peu de l’âge.
20La standardisation par âge permet de confirmer l’absence de la différence majeure entre les sexes vis-à-vis des sentiments de solitude. Ces sentiments sont étrangers pour 34 % des femmes et 36 % des hommes, et parmi celles et ceux qui les éprouvaient 40 % des hommes et 39 % des femmes ont le score plutôt modéré entre 1 et 3 sur 6. Statistiquement l’écart entre ces proportions n’est pas très significatif. En revanche, parmi les répondants qui ont le score élevé des sentiments de solitude, la différence entre les sexes est importante (16 % des femmes contre 13 % des hommes). On verra que cette différence se manifeste surtout aux âges élevés.
2. Intensité des sentiments de solitude et de dépression
21Après avoir comparé la variation des scores moyens des sentiments de mal-être, portons notre attention sur la distribution de ces scores en fonction du sexe et de l’âge. Tout d’abord, afin de faciliter la présentation graphique des résultats d’analyse et la comparaison de deux échelles, il nous faudrait transformer l’échelle initiale des sentiments de dépression, dont le score varie de 7 à 28, de sorte qu’elle soit comparable avec l’échelle de la solitude, qui comporte 7 graduations (0-6). Cette transformation, purement tautologique, a été faite par soustraction du 7 et en groupant les catégories successives par trois à partir du score 1 ; ainsi nous avons réduit l’échelle initiale à 8 catégories (0, 1-3, 4-6, etc.).
22La première comparaison des fréquences des scores de sentiments de la dépression et de la solitude nous amène à constater une différence importante entre les deux sexes. Parmi les hommes, 58 % d’entre eux et seulement 38 % des femmes ont déclaré ne jamais, ou rarement, éprouver de tels sentiments durant la semaine précédant l’interview. Les proportions d’hommes (27 %) et de femmes (29 %) ayant des scores de dépression assez modérés compris entre 1 et 3 points, sont à peu près égales, mais la différence se creuse avec l’augmentation du score (figure 2).
Figure 2. Fréquence des sentiments de solitude et de dépression selon le sexe

Lecture : 36 % des hommes et 35 % des femmes n’ont éprouvé aucun sentiment de solitude (score = 0). Plus le score de solitude est élevé, plus le sentiment est intense.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
23Les résultats indiquent donc qu’en général les femmes éprouvent plus souvent les sentiments de mal-être et que ces sentiments sont plus intenses que ceux des hommes.
24Par ailleurs, la fréquence et l’intensité des sentiments de solitude augmentent avec l’âge. Si la moitié seulement des jeunes de moins de 20 ans ont déclaré avoir éprouvé ces sentiments, cette proportion s’élève à 70 % chez les 45-49 ans de chaque sexe (figure 3). Chez les hommes, elle diminue de nouveau jusqu’à 65 % à partir de 50 ans et garde à peu près ce niveau aux âges plus élevés. En revanche, chez les femmes, la proportion reste à près de 68 % de 50 à 69 ans pour monter jusqu’à 76 % après 75 ans. Une telle différence entre sexes et l’augmentation de l’intensité des sentiments de solitude dans les âges élevés s’expliquent-elles par le veuvage qui, en raison de l’espérance de vie différente entre hommes et femmes, concerne davantage les femmes ? Cette hypothèse demanderait à être vérifiée dans une analyse spécifique.
Figure 3. Fréquence des sentiments de mal-être selon l’âge et le sexe

Lecture : 50 % des hommes de 18-19 ans éprouvent un sentiment de solitude et 40 % un sentiment de dépression.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
25À la différence des sentiments de solitude, les sentiments de dépression et de tristesse ne varient que très peu avec l’âge. On peut toutefois constater que, pour les femmes, ces sentiments sont moins intenses entre 30 et 34 ans, et qu’ensuite l’intensité de ces sentiments prend une légère tendance ascendante. La fréquence des sentiments de dépression est au niveau de 44 % chez les hommes et de 61 % chez les femmes (résultats non montrés ici). La proportion des femmes qui déclarent des symptômes dépressifs est donc significativement plus élevée, même s’il est difficile de faire la part des différences culturelles inclinant davantage les femmes à l’introspection et à l’aveu de leur état. Des contrastes analogues dans la formation, les représentations et les valeurs peuvent permettre davantage aux plus jeunes de reconnaître des tendances dépressives. De fait, les plus jeunes éprouvent plus souvent de tels sentiments : 70 % des femmes de moins de 24 ans et 54 % des hommes de 20-29 ans. Ce résultat peut être rapproché des analyses contemporaines sur les difficultés qu’éprouvent de nos jours beaucoup de jeunes à l’entrée dans la vie adulte (Hintermeyer, 2007).
26L’intensité des sentiments de solitude et de dépression dépend-elle de la situation par rapport au mariage ? Dans une perspective durkheimienne, établissant une relation entre statut matrimonial et vulnérabilité psychique (Durkheim, 1897), on peut remarquer que la fréquence et l’intensité des sentiments de solitude et de dépression varient selon les situations familiales des répondants. Si les jeunes de moins de 25 ans, ainsi que les personnes divorcées et veuves de tout âge ne peuvent être prises en compte dans l’étude statistique en raison du nombre insuffisant de cas, il est tout de même possible de comparer la situation des répondants célibataires et mariés (figures 4 et 5).
Figure 4. Intensité moyenne du sentiment de solitude selon l’âge, le sexe et l’état matrimonial

Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
Figure 5. Intensité moyenne du sentiment de dépression selon l’âge, le sexe et l’état matrimonial

Lecture : cf. figure 1.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
27Le mariage tend à protéger des sentiments de solitude et de dépression alors que le célibat a tendance à y exposer. Cette corrélation est plus nette à un âge avancé, notamment pour les hommes de la première moitié de la soixantaine et à partir de 75 ans. En particulier, la première tranche d’âge correspond à la retraite. Les réaménagements biographiques liés à la fin de l’activité professionnelle donnent une importance accrue aux relations familiales (Klinger, 2006). Les célibataires qui arrivent à l’âge de la retraite étant souvent dépourvus de cette possibilité d’investissement, ils ont davantage de chances de ressentir la solitude et la dépression. Mais il convient de rester prudent dans ces interprétations, notamment pour les moins de 60 ans. En effet, l’institution du mariage et ses significations sociales ont beaucoup changé depuis les années 1970 (Roussel, 1989). En outre, dans certains groupes d’âges, le nombre d’observations n’est pas suffisant. Par exemple, on ne trouve pas de veufs et veuves parmi les hommes et les femmes de moins de 35 ans et aussi très peu de personnes mariées (et encore moins de divorcées) avant 25 ans. Pour ces raisons, les analyses sur l’état matrimonial requièrent une certaine circonspection, même s’il se confirme que les sentiments de solitude et de dépression sont plus intenses chez les célibataires que chez les personnes mariées.
3. Corrélation entre solitude et dépression
28Après avoir étudié la fréquence et l’intensité des sentiments de solitude et de dépression indépendamment, nous nous sommes demandés s’il existait une complémentarité entre ces deux sentiments. À cette fin, la variance du score d’un sentiment en fonction de l’autre a été analysée pour chaque sexe. Cette analyse montre une forte corrélation entre le sentiment de solitude et le sentiment de dépression (figure 6a). Nous pouvons constater que le score moyen du sentiment de solitude croît avec l’augmentation du score des sentiments de dépression et inversement. On note également qu’en règle générale, les femmes, classées selon leur score de solitude, ont un score de dépression plus élevé que celui des hommes. Cela confirme que la reconnaissance de la dépression est tendanciellement plus féminine que masculine. Inversement, si nous classons les répondants selon leur score de dépression, les sentiments de solitude sont plus intenses chez les hommes que chez les femmes, quoique cette différence ne soit pas toujours significative statistiquement (figure 6b). Si on revient à la différence entre les sexes, on verra que si une femme éprouve les sentiments de mal-être, ses sentiments seront plutôt très intenses. En effet, en divisant les répondants en groupes selon le score des sentiments de mal-être, on voit que plus ce score est élevé, plus il y a des femmes dans le groupe. Ce risque relatif, ou le rapport entre les proportions des femmes et des hommes ayant le même score, est remarquablement élevé quand il s’agit des sentiments de la dépression. Parmi les répondants qui ont obtenu le score le plus élevé de ce sentiment, il y a trois femmes pour un homme. Le rapport de féminité, quoi qu’il soit moins élevé, est aussi très visible dans les groupes avec les scores de solitude les plus élevés (figures 6c et 6d).
Figure 6. Interrelations entre les sentiments de solitude et de dépression selon le sexe

Lecture des graphiques a et b : voir la note pour lecture de la figure 1.
Lecture des graphiques c et d : un risque relatif de 1 signifie que la proportion de femmes ayant un score donné est la même que celle d’hommes. Un risque relatifsupéieurs (resp. inférieur) à 1 indique que les femmes ont plus (resp. moins) souvent que les hommes un score donné de sentiment de solitude ou de dépression.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
29L’analyse des sentiments de solitude et de dépression a permis d’établir que les premiers augmentent avec l’âge et que les seconds concernent davantage les femmes. Ils touchent également davantage les célibataires que les personnes mariées. Surtout, dépression et solitude sont fortement corrélées entre elles. Deux hypothèses explicatives peuvent être envisagées. La première a trait à la représentation subjective de son propre état de santé, qui pourrait varier selon le genre et l’âge. La seconde concerne la possibilité de communiquer sur sa vie privée : la fréquence plus ou moins grande selon le genre et l’âge peut-elle être concomitante avec l’occurrence des sentiments de mal-être ?
III. Mal-être, santé et communication
1. Sentiments de mal-être rapportés à l’état de santé
30Les différences de genre et de génération que nous venons de déceler peuvent-elles être rapportées à des différences de perception en matière de santé ? La principale conclusion que nous pouvons tirer de l’analyse descriptive est qu’il n’y a pratiquement pas de différence entre sexes en termes de niveau et d’intensité des sentiments de mal-être relativement à l’état de la santé. On remarque en outre que les répondants ont plutôt une vision positive de l’état de leur santé. Celles et ceux qui ne se déclarent pas en bonne santé ont des difficultés avérées à cet égard (maladie chronique, dépendance, besoin d’aide régulière). En effet, seuls 5 % des femmes et des hommes ont déclaré que leur état de santé était mauvais ou très mauvais (ces proportions sont standardisées, c’est-à-dire calculées comme si, dans l’échantillon, la structure par âge des hommes était la même que celle des femmes). Dans le même temps, 28 % des femmes et des hommes ont déclaré souffrir d’une maladie chronique ; des capacités limitées ont été signalées par 16 % des hommes et 15 % des femmes, mais seulement 1 % des hommes et des femmes ont signalé avoir besoin d’une aide régulière.
31Étant donné qu’un répondant peut cumuler plusieurs problèmes de santé (maladie chronique, capacité limitée, etc.) et que, par contre, une personne atteinte d’une maladie de longue durée peut ne pas la considérer comme une maladie chronique, nous avons créé une variable supplémentaire liée à la présence ou l’absence de problèmes de santé. Celle-ci ne montre pas non plus une grande différence entre sexes.
32Derrière la similitude des proportions se cache cependant une différence entre les hommes et les femmes dans leur rapport à la santé. Elle est particulièrement visible dans les nuances des réponses obtenues quant à l’évaluation subjective de l’état de santé : les femmes sont moins catégoriques et préfèrent les réponses modérées comme « moyen » plutôt que « bon » ou « mauvais » (tableau 1).
Tableau 1. Proportions standardisées (%) par structure d’âge des réponses positives aux questions sur l’état de santé selon le sexe

★ Les chiffres entre parenthèses correspondent aux proportions non standardisées.
Lecture : 27,9 % des hommes ont déclaré avoir une maladie chronique. La proportion « standardisée par âge » corrige la proportion observée en rendant comparable la structure par âge de la population des hommes et des femmes. La valeur du t-test (test de Student) varie de 0 à 1. Une valeur proche de 0 indique que la différence observée entre les hommes et les femmes est significative.
Champ : femmes et hommes âgés de 18 à 79 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
33On peut supposer que l’opinion sur l’état de sa santé est presque entièrement déterminée par la présence des problèmes objectifs de santé, et la différence entre les deux sexes est minime à cet égard. En effet, chez les hommes, exactement comme chez les femmes, 83 % de ceux qui n’ont déclaré aucun problème de santé considèrent que leur état est « bon » ou « très bon ». Inversement, 94 % de celles et ceux qui ont un problème de santé pensent que leur état de santé est « mauvais » ou « très mauvais ». Bien sûr, la fréquence des problèmes de santé augmente avec l’âge : 13 % des hommes et 15 % des femmes de moins de 30 ans déclarent avoir au moins un problème (maladie chronique, capacité limitée, besoin d’aide régulière) contre plus de 60 % après 70 ans (figure 7a). Une différence apparaît tout de même entre les sexes : la proportion d’hommes ayant un problème de santé est inférieure à celle des femmes aux âges jeunes, puis elle augmente avec l’âge (figure 7b).
Figure 7. Fréquence des problèmes de santé selon l’âge et le sexe

Lecture du graphique a : 62 % des hommes âgés de 75 à 79 ans ont déclaré au moins un problème de santé.
Lecture du graphique b : risque relatif (cf. figure 6).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
34Si la majorité de celles et ceux qui considèrent leur état de santé comme « mauvais » ou « très mauvais » déclarent avoir une maladie chronique ou un autre problème médical, le contraire n’est pas forcément vrai : les répondants ayant un problème de santé ne considèrent pas nécessairement leur santé comme « mauvaise », en particulier chez les femmes. Ceci est d’autant plus marqué chez les personnes âgées. On peut supposer qu’elles se sont accoutumées à leurs difficultés physiques ou alors qu’elles les estiment normales à leur âge. Si, parmi les plus jeunes (moins de 25 ans) se considérant en bonne santé, 8 % des hommes et 12 % des femmes ont signalé un problème de santé, cette proportion augmente avec l’âge, allant jusqu’à 36 % à l’âge 70-74 ans pour les hommes et 41 % à l’âge de 75-79 ans pour les femmes. Les hommes de moins de 55 ans ont une vision plus négative de leur état de santé que les femmes de même âge mais, pour les générations plus anciennes, c’est l’inverse. « L’optimisme modéré », c’est-à-dire l’opinion selon laquelle l’état de santé est « moyen » alors que les difficultés de santé semblent importantes, est courant chez les hommes âgés. Parmi les hommes âgés de 20 à 24 ans estimant leur santé « moyenne », 30 % signalent un problème important contre 41 % des femmes dans la même situation. Cet écart se réduit ensuite avec l’âge et la proportion des « optimistes modérés » augmente jusqu’à près de 80 % chez les 75-79 ans.
35D’une manière générale, ces résultats montrent donc une forte ressemblance entre les femmes et les hommes du point de vue de leur santé. Les différences de genre dans les sentiments de mal-être ne peuvent donc pas s’expliquer par des contrastes relatifs à l’état de santé ou à l’appréciation portée sur cet état.
2. Mal-être et communication à propos de la vie privée
36Les sentiments de mal-être peuvent-ils alors être rapprochés de la possibilité qu’ont les personnes de parler de leur vie privée à leur entourage ? Il n’est pas facile de définir ce que signifie le fait d’avoir évoqué avec quelqu’un sa vie privée sur un continuum des sentiments de bien-être/mal-être. Si aucun échange de ce type n’a eu lieu, on ne sait pas si c’est parce que le répondant n’a pas envie de communiquer ou si c’est parce qu’il n’a pas trouvé la personne appropriée à qui se confier. Quelques éléments permettent cependant d’y répondre. Dans Erfi, deux questions étaient posées : « Au cours des douze derniers mois, avez-vous parlé à quelqu’un de votre vie privée ou de votre moral » puis « Au cours des douze derniers mois, quelqu’un vous a-t-il parlé de sa vie privée ou de son moral ». La prise en compte des réponses données à ces deux questions nous amène à considérer quatre cas de figure :
premier groupe : le répondant a parlé de sa vie privée ou de son moral et a écouté quelqu’un se confier à lui ;
deuxième groupe : le répondant a parlé de sa vie privée mais n’a été le confident de personne ;
troisième groupe : le répondant a été confident mais ne s’est confié à personne ;
quatrième groupe : le répondant ne s’est pas confié et n’a été le confident de personne.
37Le premier constat est que, pour les hommes comme pour les femmes, les communications unilatérales (groupes 2 et 3 : avoir seulement parlé ou seulement écouté) sont relativement rares et, lorsqu’elles se produisent, les répondants sont plutôt disponibles pour écouter que pour parler. La différence entre sexes quant à la fréquence des échanges unilatéraux est statistiquement significative, mais elle s’avère beaucoup moins importante que dans les catégories extrêmes (groupes 1 et 4) (figure 8). En effet, les femmes sont plus souvent enclines que les hommes aux confidences réciproques (groupe 1), tandis que les hommes déclarent n’avoir aucun échange à propos de la vie privée (groupe 4) presque deux fois plus souvent que les femmes.
Figure 8. Type d’échanges au sujet de la vie privée, selon le sexe (proportions standardisées par âge)

Lecture : 48 % des hommes déclarent avoir parlé de leur vie privée ou de leur moral et avoir écouté quelqu’un se confier à eux au cours des douze derniers mois. Pour la standardisation, voir tableau 1.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
38En outre, les jeunes des deux sexes sont plus souvent enclins aux échanges réciproques sur la vie privée et, plus l’âge est élevé, plus la proportion de ceux qui n’ont aucun échange de ce type est élevée (figure 9). On peut ainsi mettre en évidence un double clivage de genre et de génération par rapport à la faculté d’établir une communication intime. Celle-ci a davantage de chances de se produire dans la partie féminine et juvénile de l’échantillon.
39Concernant le nombre de personnes avec qui les répondants échangent, on note que 47 % des hommes et 39 % des femmes n’ont qu’un seul interlocuteur, le plus souvent un(e) ami(e). L’importance de ces confidences amicales est encore plus nette chez les femmes puisque seuls les hommes mariés se confient davantage à leur conjointe (69 %) qu’à un(e) ami(e) (45 %).
Figure 9. Distribution des répondants selon le sexe, le groupe d’âges et le mode de communication sur la vie privée (%)

Lecture : 55 % des hommes de moins de 20 ans déclarent avoir parlé de leur vie privée ou de leur moral et avoir écouté quelqu’un se confier à eux au cours des douze derniers mois.
Champ : hommes et femmes âgés de 18 à 79 ans.
40Les relations entre les échanges sur la vie privée et les sentiments de mal-être, notamment ceux de solitude et de dépression, demanderaient une étude approfondie. Nous nous contenterons ici d’une courte analyse insistant sur les liens entre l’intensité du mal-être et le type d’échange. Les scores moyens sur les échelles des sentiments de solitude et de dépression apparaissent nettement plus élevés pour celles et ceux qui n’ont que parlé de leur vie privée à leur entourage sans par ailleurs être confident (groupe 2). Si les différences entre hommes et femmes ne sont pas significatives concernant le sentiment de dépression (figure 10), elles le sont, en revanche, au sujet du sentiment de solitude : les femmes déclarent davantage l’avoir éprouvé, quel que soit le type d’échanges entretenu avec leur entourage, mais dans des proportions nettement plus élevées lorsqu’elles se sont confiées sans avoir été elles-mêmes confidentes.
Figure 10. Score moyen des sentiments de dépression et de solitude selon le sexe et le type d’échanges sur la vie privée

Lecture : cf. figure 1.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
41Ainsi, une situation où l’on parle de sa vie privée sans être par ailleurs confident (groupe 2) signale fréquemment des sentiments de solitude et de dépression, notamment chez les femmes. Cette corrélation n’a rien d’étonnant : on a tendance à parler de sa vie privée sans qu’il y ait réciprocité lorsqu’on en ressent d’intenses difficultés dans sa vie personnelle et, inversement, on peut éprouver un sentiment de solitude parce que les échanges sont unilatéraux (sentiment de ne pas être assez entouré). L’opportunité de se confier ne protège donc pas des sentiments de mal-être, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle les entretiendrait.
Conclusion
42L’enquête Erfi comporte un ensemble d’éléments pour appréhender le bien-être des répondants à partir d’attitudes subjectives signalant son altération. Le mal-être constitue un état général difficile à identifier, y compris par celui qui en souffre, et probablement difficile à exprimer dans le cadre d’un entretien avec un enquêteur. Plusieurs séries de questions apportent toutefois des données sur des impressions, des sentiments et des opinions y concourant. En analysant ces séries et leurs relations entre elles, quelques résultats significatifs apparaissent, notamment en termes de différences de genre et d’âge.
43Une première composante du mal-être concerne les sentiments de solitude, de manque de soutien, en particulier de la part de proches et d’« autrui significatifs » (Mead, 1963). La personne a l’impression d’être délaissée, voire exclue par les autres, livrée à un monde dépourvu d’appui. Ces sentiments témoignent de difficultés caractéristiques d’une société où l’individualisme se développe, où les solidarités traditionnelles s’effritent et où certains liens sociaux s’affaiblissent. Les effets de ce que Robert Castel appelle « l’individualisme négatif » se font davantage ressentir lorsque l’âge augmente, et surtout pour les femmes (Castel, 1995).
44Même lorsque la personne bénéficie de l’aide de ses proches, elle peut éprouver une souffrance ou un désarroi qui se manifeste par la tristesse récurrente ou prolongée, la sensation d’être angoissée, déprimée ou isolée. Les femmes expriment de tels symptômes nettement plus souvent que les hommes, dans toutes les générations. Dans un monde où l’individu se doit de faire face à de multiples responsabilités, de faire la preuve de ses performances et d’exhiber les signes de réussite, il peut être saisi par « la fatigue d’être soi » (Ehrenberg, 1998). Si les femmes déclarent plus souvent l’éprouver, est-ce parce qu’elles seraient psychologiquement plus vulnérables, parce qu’elles auraient un goût plus affirmé pour l’introspection, parce qu’elles seraient culturellement plus enclines à reconnaître leur « faiblesse » ? En outre, il convient de faire la part des biais résultant de ce que certaines questions semblent par avance destinées aux femmes ; par exemple, à la question « vous avez eu des crises de larmes ? », les femmes sont culturellement plus enclines à donner une réponse positive. Plus généralement, comment ne pas tenir compte des inégalités qui les maintiennent dans des positions inférieures tout en les astreignant à des tâches multiples (Pfefferkorn, 2007) ? Pour approfondir et affiner ce questionnement, les analyses quantitatives devraient être prolongées par des approches plus qualitatives et compréhensives.
45En outre, nous avons relevé une corrélation significative entre sentiments de solitude et de dépression. Dans « la société des individus » (Elias, 1991), les fonctions psychiques restent orientées vers la relation avec les autres. L’impression d’être entouré et soutenu est une composante importante du bien-être. Ainsi, le mariage conserve, comme le pensait déjà Durkheim (Durkheim, 1897) et plus particulièrement dans la partie âgée de la population, des effets protecteurs face aux sentiments de solitude et de dépression. Inversement, l’isolement social est source de mal-être. Il est corrélé avec la détresse psychologique, notamment sous la forme extrême du suicide, selon les analyses des auteurs contemporains qui renouvellent sur ce point l’interprétation classique de Durkheim (Omnes, 2005).
46Le rapprochement entre bien-être et santé conduit à se demander si les différences de genre et de génération relevées dans les sentiments de solitude et de dépression, pouvaient s’expliquer par une fréquence contrastée de problèmes de santé ou par une discordance dans les appréciations portées sur l’état de santé. Il a été montré que ces autres sources de mal-être augmentent avec l’âge, mais s’avèrent remarquablement symétriques entre les sexes. Un « optimisme modéré » s’est même révélé chez beaucoup de personnes déclarant des ennuis de santé, peut-être parce qu’elles les tiennent pour inéluctables ou parce qu’elles les estiment correctement prises en charge par le système de soins.
47Le manque d’opportunité pour établir une communication sur sa vie privée et son moral pourrait aussi être envisagé comme une source de mal-être. Il est en effet devenu commun à notre époque, notamment sous l’influence des vulgarisations psychologiques et psychanalytiques, de considérer que la meilleure façon de réduire une souffrance consiste à l’exprimer (Erner, 2007). Il peut donc sembler paradoxal que les personnes (majoritairement de sexe féminin) qui parlent le plus d’elles-mêmes soient aussi celles qui souffrent le plus de solitude et de dépression. Cette corrélation que nous avons établie ne doit pourtant pas faire l’objet d’une surinterprétation. Il n’est pas étonnant que les communications systématiquement unilatérales (celles où l’on parle de soi sans évoquer la vie privée de la personne avec laquelle on s’entretient) caractérisent plutôt des personnes préoccupées par leurs propres difficultés.
48Les sources de mal-être que nous avons analysées pourraient aussi être croisées avec d’autres données, par exemple relatives aux conditions matérielles, à la composition du ménage, aux réaménagements biographiques ou aux valeurs. Le renouvellement de l’enquête et son élargissement à d’autres pays dans le cadre Generations and Gender Survey devraient permettre d’effectuer des comparaisons rigoureuses et de mieux faire la part des différences culturelles dans le mal-être ressenti.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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10.3406/agora.1995.1517 :Castel R., 1995, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard.
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Annexe
Annexes
Annexe 1. Les variables relatives aux sentiments de mal-être dans le questionnaire Erfi
Sentiments de solitude (échelle de Guttman) :
1. Vous pouvez vous appuyer sur suffisamment de personnes en cas de problème
2. Vous éprouvez un sentiment général de vide
3. Vous ne vous sentez pas suffisamment entouré
4. Il y a beaucoup de personnes sur lesquelles vous pouvez vraiment compter
5. Vous vous sentez souvent exclu par les autres
6. Il y a suffisamment de personnes dont vous vous sentiez proche
Réponses : « oui », « plus ou moins » et « non »
Sentiments de dépression et de tristesse (échelle de Likert) au cours de la dernière semaine :
1. Vous avez eu l’impression de ne pas parvenir à vous débarrasser de votre
cafard, malgré l’aide de votre famille ou de vos amis.
2. Vous vous êtes senti(e) déprimé(e)
3. Vous avez pensé que votre vie était un échec
4. Vous vous êtes senti(e) angoissé(e)
5. Vous vous êtes senti(e) seul(e)
6. Vous avez eu des crises de larmes
7. Vous vous êtes senti(e) triste
Réponses : « Jamais ou très rarement », « occasionnellement », « assez souvent » et « fréquemment ou tout le temps »
Sentiments à propos de l’état de santé :
Dans l’ensemble, pensez-vous que votre état de santé est…
1. Très bon
2. Bon
3. Moyen
4. Mauvais
5. Très mauvais
Communications à propos de la vie privée (soutien psychologique) :
Au cours des douze derniers mois, avez-vous parlé à quelqu’un de votre vie privée et de votre moral ?
1. Oui
2. Non
Au cours des douze derniers mois, quelqu’un vous a-t-il parlé de sa vie privée et de son moral ?
1. Oui
2. Non
Annexe 2. Vérification de la fiabilité et de la concordance interne de l’échelle de Likert

* Les noms des variables sont précisés dans le questionnaire (cf. cd-rom joint à cet ouvrage).
Niveaux de variables de l’échelle :
1. Jamais ou très rarement
2. Occasionnellement
3. Assez souvent
4. Fréquemment ou tout le temps
Le score maximal d’un répondant sur l’échelle est 28 et le score minimal est 7. La différence entre un score total et un score de question variant de 6 à 24, nous divisons en 4 intervalles avec une amplitude de 5 (notons que dans ce cas nous n’avons que 4 valeurs dans le dernier intervalle).
Soit, en variable dépendante, la différence entre le score d’un répondant et le score d’une question, et en variable indépendante le score de question. Si la corrélation entre la différence et le score d’une question est faible, on pourra discuter la possibilité de l’exclure de l’échelle.
Il est possible d’estimer la corrélation entre le score et la différence pour chaque question, soit à partir d’un modèle linéaire général à un facteur, soit à partir des statistiques de tables de contingences. Dans le dernier cas, nous devons envisager que chaque couple de variables pourrait être considéré, soit sur une échelle nominale, soit sur une échelle ordinale. Si les variables sont nominales, on recourt au V-statistique de Cramer et au coefficient de contingence de Pearson (c). Si l’échelle est ordinale, on utilise la statistique d’inversions gamme (Υ) et tau-c (tc) de Kendall. En outre, en tenant compte de la dissymétrie possible dans les tables de contingences, nous calculons la d-statistique de Sommer. Enfin, en supposant que le score total d’un répondant et par conséquent sa différence avec le score de question sont des valeurs sur une échelle d’intervalles, nous calculons la statistique êta (η) de Pearson. Les résultats de ce calcul sont présentés dans le tableau ci-dessous.

(a) d’ : la différence est considérée comme une variable indépendante et le score comme une variable
explicative.
Le modèle linéaire montre la corrélation de niveau moyen entre les différences et les scores des assertions 1, 2, 4 et 7 ; pour les autres assertions, la corrélation est faible. La réponse sur l’échec de la vie est en plus faible corrélation avec le score total de l’échelle.
Ainsi il est fort probable que la variable « SE_VIERAT » sorte de la rangée de cette échelle à cause d’une forte dissymétrie démontrée par une importante différence entre les statistiques de Sommer. Autrement dit, les répondants ayant un score élevé sur une échelle de 7 éléments ne pensent pas nécessairement que leur vie est un échec et inversement. Il est évident que cette dissymétrie a des conséquences pour les autres statistiques de cette table de contingence. La fréquence des crises de larmes n’est pas symétrique non plus. En revanche, le lien entre l’angoisse et le score total sur cette échelle est le plus symétrique.
Une mauvaise statistique (tc) de Kendall s’explique par une différence importante des nombres des lignes et des colonnes dans la table de contingences. Autrement dit, on pourrait l’améliorer avec l’agrégation raisonnable des intervalles, par exemple en considérant 4 intervalles avec une amplitude 5.
Auteurs
Professeur de sociologie à l’université de Strasbourg et directeur du laboratoire Cultures et sociétés en Europe. Il étudie la manière dont les hommes assument les aspects désagréables de l’existence et comment ils font face – individuellement et collectivement – aux menaces qu’ils ne maîtrisent pas. Ses recherches portent notamment sur le traitement social de ces figures du négatif que sont la mort, la maladie, la souffrance, la violence.
Professeur de démographie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et directeur du Département de l’information, d’études historiques et bibliographiques au Centre d’études démographiques de l’université d’État de Moscou. Il enseigne l’analyse démographique, l’histoire de la population mondiale et la démographie des pays développés. Ses recherches portent sur la démographique historique et sur les comportements démographiques, notamment la fécondité, la contraception et la nuptialité.
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