Chapitre 12. Un passage vers l’âge adulte en mutation ?
p. 315-340
Texte intégral
Introduction
1Depuis les recherches en sociologie de Durkheim sur la socialisation des enfants (Durkheim, 1922) et de Parsons sur les conséquences de l’allongement de la durée des études sur l’accès des jeunes au statut d’adulte (Parsons, 1942), la question du passage vers l’âges adulte a beaucoup été discutée. Les limites d’une analyse en classe d’âges (Eisenstadt, 1956 ; Bourdieu, 1980) vers celle d’une transition de la jeunesse à l’âge adulte et ce, par la prise en compte d’étapes successives de l’histoire de vie, a fait son chemin (Galland, 2000 ; Bigot, 2007 ; Toulemon, 1994). Ce chapitre a pour but de montrer les changements survenus au fil des générations dans les calendriers et les séquences des premiers événements de l’histoire de vie, considérés dans la littérature comme des marqueurs du passage de la jeunesse à l’âge adulte (de Singly, 2000 ; Galland, 2000 ; Villeneuve-Gokalp, 2000 ; Prioux, 2003 ; Rougerie et Courtois, 1997). L’ambition n’est tant pas de discuter la notion d’accès au statut d’adulte ni d’identifier quels événements et quelles séquences participent à la définition de l’âge adulte.
2Parmi ces événements figurent la fin des études, l’accès à un premier emploi, la décohabitation du foyer parental et enfin les deux premières étapes du processus de formation de la famille que sont l’entrée en première union et la naissance du premier enfant. Les travaux sur l’étude de ces transitions sont nombreux, mais rares sont ceux qui examinent l’ensemble des étapes, dans une perspective biographique.
3Comme nous le verrons, la complexité d’une analyse prenant en compte cinq événements de l’histoire de vie et leur séquence dans le temps, participe sans aucun doute à cette absence de travaux. Pourtant, l’enjeu théorique et méthodologique est d’importance puisqu’il permet de mieux rendre compte des interactions entre les trajectoires éducative, professionnelle et familiale. Certains auteurs ont montré la difficulté d’analyser ce passage vers l’âge adulte (Courgeau, 2000 ; Galland, 1995, 2000 ; Bigot, 2007).
4L’approche la plus souvent retenue en démographie est la description de l’intensité et le calendrier d’un phénomène, puis l’analyse des facteurs explicatifs de tels comportements ou évolutions au fil des années ou des générations. Pour l’étude de transitions ou de changements de statut, comme c’est le cas dans l’analyse des premiers événements de la formation de la famille, la primo-nuptialité et la primo-fécondité, l’approche démographique des biographies ou les analyses de durée qui y sont attachées, ont permis d’ouvrir le champ de l’étude des comportements sociodémographiques, en introduisant l’interaction des phénomènes dans le temps (par exemple, Allison, 1985 ; Courgeau et Lelièvre, 1989 ; Bocquier, 1996). Mais, l’analyse des séquences et des interactions de plusieurs événements des trajectoires de vie reste toujours difficile à modéliser. Elle demeure néanmoins une approche privilégiée pour mettre en évidence les différences de parcours du passage vers l’âge adulte. La place et la chronologie de ces premiers événements dans l’histoire de vie permettent, en effet, de mieux comprendre l’évolution des conditions de réalisation de cette transition vers la formation de la famille et d’identifier les changements apparus au fil des générations.
5Ce chapitre s’attache donc à mettre en évidence les changements qui se sont opérés dans les trajectoires de vie au fil des générations. Quelles incidences ont eu l’allongement de la durée des études et l’accès généralisé des femmes à l’activité économique, sur les séquences des premiers événements de l’histoire de vie ? Comment les deux premières étapes du processus de formation de la famille, l’entrée en première union et la naissance du premier enfant, s’accommodent-ils de ces changements ? Assiste-t-on à une convergence dans la nature et le calendrier du passage vers l’âge adulte des hommes et des femmes ?
6Enfin, peut-on conclure à une diversification sociale des trajectoires de ces premières étapes de l’histoire de vie ? Pour analyser les transitions entre ces événements, nous nous sommes appuyés sur les données des 10079 hommes et femmes, âgés de 18 à 79 ans, de l’enquête Erfi.
I. Un ajournement progressif de la formation de la famille
1. L’âge à la maternité, seul facteur retardant le passage vers l’âge adulte ?
7L’ajournement du passage vers l’âge adulte en France est bien connu. De la fin des études à la naissance du premier enfant, l’âge de franchissement de ces seuils vers la formation de la famille n’a cessé de reculer au fil des générations (Bozon et Villeneuve-Gokalp, 1995 ; Galland, 2000).
8Ces changements sont intervenus dans un contexte de modification des dynamiques de formation de la famille. Les trajectoires matrimoniales sont de plus en plus complexes. Les formes d’unions se sont diversifiées entre le mariage direct de moins en moins fréquent et l’émergence d’entrées en union hors mariage, avec ou sans cohabitation, aboutissant parfois après plusieurs années à des unions reconnues, notamment par la signature d’un Pacte civil de Solidarité (Pacs). De même, le devenir des unions s’est modifié avec la multiplication de ruptures d’unions par divorce ou séparations, de plus en plus précoces après la mise en union (Prioux, 2003).
Encadré 1. Les cinq étapes du passage vers l’âge adulte
Les informations présentes dans le questionnaire ont permis d’étudier les calendriers et les séquences des cinq premiers événements de l’histoire de vie traditionnellement retenus dans les travaux sur le passage vers l’âge adulte : la fin des études, l’accès à un premier emploi, la décohabitation du foyer parental, l’entrée en première union et la naissance du premier enfant. Ils sont tous présents dans l’enquête Erfi avec, il est vrai, parfois des définitions qui diffèrent de celles utilisées dans d’autres enquêtes (Sebille et Régnier-Loilier, 2007). La fin des études représente ainsi la première rupture d’au moins un an au cours des études initiales (scolaires ou universitaires) ou d’une formation diplômante. De même, les notions de décohabitation ou d’accès au premier emploi sont sujettes à une durée minimum d’au moins trois mois, là où dans d’autres enquêtes françaises (enquêtes Jeunes 1992 et Jeunes et Carrières 1997) la durée minimum est de six mois. Si les critères retenus pour la définition de la décohabitation, par exemple, diffèrent entre les enquêtes et peuvent conduire à une surévaluation ou une sous-évaluation des calendriers entre les enquêtes, ils n’altèrent pas significativement les séquences entre événements et permettent la comparaison des trajectoires éducatives, professionnelles et familiales. Aussi, dans l’enquête Erfi, la décohabitation représente la première période d’au moins trois mois sans corésidence avec les parents. Cette définition ne préjuge en rien de l’accès à une autonomie résidentielle ou financière par rapport aux parents. Un tel départ de chez les parents peut être suivi d’un retour pour une durée plus ou moins longue. La définition de l’accès au premier emploi est, elle aussi, tributaire d’une durée de séjour minimum de trois mois consécutifs. Cette close restrictive évince de l’analyse les premiers emplois les plus précaires et permet de mieux saisir les premiers emplois durables. Enfin, les définitions des âges à la première union et à la naissance du premier enfant, sont celles traditionnellement usitées en démographie. Ainsi, la première union renvoie à la première période de vie en couple sous le même toit durant au moins trois mois consécutifs.
9Dans les différentes étapes vers l’âge adulte, l’ajournement des premières naissances apparaît comme une constante au fil des générations. Ce retard à la maternité, dont les générations nées entre 1950 et 1960 ont largement contribué, a eu pour effet de différer l’étape ultime communément reconnue du passage vers l’âge adulte (Daguet, 2000). Nous ne discuterons pas ici la nécessité de vivre les cinq premières étapes de l’histoire de vie pour accéder au statut d’adulte (encadré 1). En revanche, quelques pistes d’explication seront avancées concernant les changements intervenus dans les conditions de réalisation du franchissement des seuils de ces cinq étapes (encadré 2). L’étude de leur calendrier montre bien l’évolution générale des modèles de transition vers l’âge adulte des hommes et des femmes.
Encadré 2. Méthodes et interprétation des résultats
Trois méthodes d’analyse des données ont été suivies. La première s’appuie sur l’analyse biographique descriptive des cinq événements retenus pour le passage vers l’âge adulte. L’étude des âges médians à partir de tables de survie permet en effet de dresser le portrait de l’évolution de chacun des événements au fil des générations. La deuxième méthode correspond à une analyse descriptive des séquences des mêmes événements deux à deux. Cette méthode permet d’identifier les changements chronologiques des événements dans les trajectoires de vie. On peut ainsi vérifier les conditions de réalisation du processus de passage vers l’âge adulte. Pour terminer, nous avons retenu l’utilisation de modèles de régression (logit) afin d’estimer les composantes susceptibles d’expliquer la chronologie des événements deux à deux. En introduisant la catégorie socioprofessionnelle du père, le niveau de diplôme obtenu par le répondant et la survenue antérieure d’autres événements de son histoire de vie, il est possible de vérifier si l’agencement de ces transitions diffère selon les sous-populations et s’il répond à une succession de franchissements de seuils, révélateur de conditions de réalisation de ces séquences. Ces modèles ont été réalisés indépendamment pour les hommes et pour les femmes, afin de mettre en évidence leurs possibles différences ou similitudes de parcours. Enfin, pour montrer les changements générationnels, les mêmes modèles ont été élaborés séparément pour trois principaux groupes de générations : les anciennes générations nées avant 1945 (1926-1944), les générations intermédiaires nées après 1945 (1945-1959) et les générations les plus jeunes nées après 1960 (1960-1974).
S’il est possible de rendre pleinement compte des trajectoires différenciées, il faut cependant être conscient des limites d’une telle approche, notamment dans l’interprétation des conditions dans lesquelles se réalisent ces transitions. Ainsi, vivre une même trajectoire de vie ne signifie pas pour autant que les conditions de sa réalisation sont identiques. Par exemple, la décohabitation du foyer parental d’un jeune peut être le fruit d’un financement propre, signe d’autonomie économique envers les parents, mais elle peut aussi être le résultat d’une aide parentale. De même, la comparaison des calendriers entre générations doit tenir compte de possibles erreurs de déclarations ou de mémoires, notamment pour les anciennes générations (nées avant 1940). Une absence de précision dans les dates des événements ou une reconstruction a posteriori de l’histoire de vie, selon des schémas auxquels les enquêtés souhaitent aujourd’hui se conformer, peuvent être à l’origine de biais.
10L’allongement de la durée entre la mise en union et la naissance du premier enfant, surtout à partir des années 1970, est le changement le plus important. Il a eu pour effet de retarder significativement le passage vers l’âge adulte et de réduire les écarts d’âge de cette transition vers la maternité entre les hommes et les femmes. De tels résultats conduisent à s’interroger sur la convergence des calendriers et des modèles explicatifs de leur fécondité. La meilleure maîtrise de la fécondité (notamment grâce à l’utilisation des méthodes modernes de contraception) associée au souhait des jeunes couples de développer un projet familial réfléchi a contribué à cet ajournement de la fécondité. Mais, ces changements n’ont pu se réaliser que dans un contexte favorable d’allongement des études et de hausse des niveaux de diplôme (Desplanques, 1996 ; Daguet, 2000). Comme en témoignent les âges médians aux cinq étapes (figure 1, p. 323), l’âge à la première union montre une relative stabilité sur le long terme (entre 22,5 et 24 ans pour les hommes, entre 21 et 23 ans pour les femmes). Cette tendance a tout de même été marquée par des évolutions conjoncturelles et des changements dans la nature de l’entrée en union (Festy, 1971 ; Prioux, 2003). L’allongement des études et la montée du chômage, manifestes à partir du début des années 1970, ont souvent été avancés pour expliquer ces évolutions, notamment l’ajournement du calendrier de primo-nuptialité dans les générations de l’après-guerre (Robert-Bobée et Mazuy, 2005). Il est vrai que la sortie différée des études liée à la généralisation de l’accès à des études secondaires et supérieures représente l’un des changements les plus marquants sur le long terme de la transition vers l’âge adulte. Elle s’est accompagnée d’une importante mutation socioéconomique. Le besoin en main-d’œuvre qualifiée et la valorisation des diplômes sont devenus des conditions à l’entrée sur le marché du travail (Estrade et Minni, 1996). Les générations des années 1940 qui ont vécu la fin des « Trente Glorieuses » ont été les premières à retarder significativement l’accès à leur premier emploi, suivies par les générations du milieu des années 1950 qui, elles, ont été confrontées aux contrecoups du choc pétrolier de 1974.
11Dans ce contexte d’ajournement des calendriers des premières étapes de l’histoire de vie, l’âge à la décohabitation fait exception. Malgré la dégradation des conditions d’accès à l’emploi, l’âge au départ du foyer parental est resté relativement précoce par rapport à l’ensemble des pays européens (Régnier-Loilier, 2006). On observe même un rajeunissement du calendrier de décohabitation des femmes pour les générations nées après la seconde guerre mondiale. La diminution des départs du foyer parental pour se marier et la baisse des contraintes liées au contrôle familial exercées sur les jeunes filles ont sans aucun doute favorisé un départ plus précoce du ménage parental de la part des femmes. De même, la généralisation de l’accès au statut d’étudiant et la hausse de l’aide familiale au départ de chez les parents ont favorisé l’émergence de nouvelles formes de décohabitation (multi-résidences). Elles ont ainsi joué un rôle majeur dans le maintien précoce de l’âge au départ du foyer parental. Les jeunes vivent de plus en plus souvent un temps de vie individuelle, notamment comme étudiant, sans conjoint ni enfant, mais aidés par leurs parents (Arbonville et Bonvalet, 2006). Ces conditions, associées à la précarisation des trajectoires professionnelles et matrimoniales, ont conduit à ce que la première décohabitation soit moins vécue, par les plus jeunes générations, comme une rupture définitive et irréversible.
2. Resserrement du calendrier et brouillage de l’ordre des étapes
12Si la tendance générale est au retard du calendrier de passage vers l’âge adulte, l’évolution des âges des premiers événements de l’histoire de vie s’est parfois faite différemment pour les hommes et les femmes, renvoyant à des logiques explicatives spécifiques. Ainsi, les femmes ont bien plus retardé que les hommes la sortie du système scolaire, mais sans pour autant que cet ajournement diffère significativement leurs premières étapes de la formation de la famille comme pour les hommes. De même, longtemps, l’écart d’âge à l’entrée en union s’est maintenu entre les femmes et les hommes, ces derniers s’unissant plus tardivement. L’attachement des hommes à l’accès à une situation économique stable est souvent présenté pour expliquer un calendrier masculin plus tardif (Courgeau, 2000). On peut alors s’interroger sur les logiques qui priment aujourd’hui dans les plus jeunes générations. Alors que l’accès des femmes à l’emploi s’est généralisé et que les premières années du parcours professionnel sont de plus en plus précaires, observe-t-on les mêmes conséquences sur les conditions de réalisation des étapes du passage vers l’âge adulte, chez les hommes et les femmes ? De nombreux travaux montrent que l’accès à un emploi stable survient après plusieurs années de transition entre la fin des études, des emplois précaires (intérim, emplois aidés) et une période de chômage (Poulet-Coulibando et Zamora, 2000 ; Givord, 2005 ; Nauze-Fichet et Tomasini, 2005). Ces changements ont-ils pour conséquence de brouiller dans les plus récentes générations l’ordre de survenue des différentes étapes vers l’âge adulte ?
13Associée à l’allongement des études, l’absence d’emploi a toujours été reconnue, pour les hommes, comme un obstacle à leur entrée en union et à la naissance de leur premier enfant. En revanche pour les femmes, l’interrelation entre la trajectoire professionnelle et la formation de la famille s’est affirmée peu à peu. Avec la part grandissante de l’apport économique des femmes au sein de la famille, l’activité professionnelle féminine s’est imposée comme une composante du processus de formation de la famille (Barrère-Maurisson et Marchand, 2000 ; Meron et Widmer, 2002 ; Pailhé et Solaz, 2006). Peut-on pour autant parler d’une convergence des modèles de passage vers l’âge adulte entre les hommes et les femmes, alors que d’autres composantes interviennent, par exemple la nature de la décohabitation et les conditions de sa réalisation ?
II. Des trajectoires différentes entre hommes et femmes ?
1. Ajournement et complexité de la transition
14Conformément aux précédents travaux sur le sujet, l’ajournement du calendrier de transition vers l’âge adulte des hommes et des femmes est confirmé. Toujours plus tardive dans la population masculine, cette transition des premiers événements de l’histoire de vie adulte est aussi restée, au fil des générations, plus longue que celle des femmes. Le retard de la fin des études et de l’accès au premier emploi, d’une part, et le recul de l’âge à la naissance du premier enfant, d’autre part, expliquent ces changements de calendriers (figure 1).
15À ce titre, les résultats de notre travail complètent l’analyse qu’avait réalisée Olivier Galland (2000) sur les générations nées au cours des années 1960. On observe en effet, un resserrement du calendrier de transition, et ce, depuis les générations du milieu des années 1920. Cette observation est d’autant plus intéressante qu’elle permet d’intégrer les conséquences des changements sociodémographiques à l’analyse des trajectoires de la population française, au cours des cinquante dernières années.
16Les générations nées dans les années 1955-1959 apparaissent comme des générations charnières dans l’évolution de la transition. Au vu des âges médians, celles nées avant les années 1950 pour les hommes, et avant les années 1955 pour les femmes, franchissaient les premières étapes de leur histoire de vie adulte successivement. La fin des études et l’accès au premier emploi précédaient le départ du foyer parental puis l’entrée en union et la naissance du premier enfant (figure 1). Mais cette apparente succession ordonnée des événements cache un processus bien plus hétérogène. Ce résultat tient en premier lieu à l’existence d’hommes et de femmes n’ayant pas vécu l’ensemble de ces cinq événements. C’est, par exemple, le cas pour l’accès à un emploi dans les générations féminines les plus anciennes : elles sont respectivement 24 % et 17 % dans les générations 1926-1929 et 1930- 1934 à déclarer n’avoir jamais eu d’emploi. De même, les générations nées après le milieu des années 1970 se distinguent par une trajectoire en cours. Ainsi, les femmes et les hommes des générations 1975-1979 sont respectivement 57 et 69 % à n’avoir pas encore vécu les deux premières étapes de la formation de la famille, l’union et la naissance de leur premier enfant1. Ainsi, rares sont les hommes et les femmes à avoir suivi la séquence qui conduit de la fin des études à la naissance du premier enfant en réalisant successivement l’accès à un premier emploi, la décohabitation et l’entrée en union. Les générations masculines les plus anciennes (1926-1929) sont celles qui furent proportionnellement les plus nombreuses à vivre cette succession (14 % contre 5 % pour les générations féminines nées entre 1965-1969). Ce sont aussi les générations les plus anciennes pour lesquelles l’imprécision des déclarations sur les dates des événements et la reconstruction a posteriori d’un modèle « naturel » de passage vers l’âge adulte, pourraient conduirent à biaiser les résultats. En revanche, avec le maintien de l’âge à la décohabitation autour de 20 ans, l’allongement des études et le retard à l’accès au premier emploi, le départ du foyer parental s’est affirmé comme le premier événement du passage vers l’âge adulte vécu par les plus jeunes générations (figure 1).
Figure 1. Âges médians par groupe de générations (en années)

Champ : hommes et femmes des générations 1926 à 1979 (8925 répondants).
Lecture : la moitié des hommes des générations 1926-1929 avaient fini leurs études à l’âge de 14 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
2. L’allongement des études, facteur de changements
17L’étude détaillée des calendriers montre que chez les hommes, les âges à la fin des études et à l’accès au premier emploi se sont rapidement confondus. La nécessité pour eux d’accéder, le plus tôt possible, à une indépendance économique, condition à la poursuite des autres étapes de l’histoire de vie, expliquerait en partie cette tendance. L’écart entre la fin des études et l’accès au premier emploi a toujours été proche, ou inférieur, en moyenne à 1 an, justifiant ainsi sa faible évolution au fil des générations. En revanche, pour les femmes, l’écart a évolué bien plus significativement. Les générations charnières de femmes nées après la seconde guerre mondiale, dont l’âge à la fin des études s’est allongé, ont notamment considérablement réduit la durée moyenne qui sépare la fin de leurs études et l’accès à leur premier emploi2. Cette tendance au resserrement du calendrier est l’une des conséquences de l’inversion de plus en plus fréquente de la séquence entre la fin des études et l’accès au premier emploi. En effet, les femmes et surtout les hommes, accèdent de plus en plus souvent à leur premier emploi avant la fin de leurs études (34 % des hommes et 29 % des femmes des générations 1965-1974)3. Cette tendance est d’autant plus forte dans les générations les plus jeunes confrontées à un parcours professionnel précaire et qui a débuté avant la fin des études supérieures.
18Autre conséquence de l’allongement des études, les conditions de réalisation de la décohabitation se sont modifiées. Ainsi, l’intervalle entre la sortie du système éducatif et la décohabitation a progressivement diminué (figure 2). Supérieure à quatre ans dans les plus anciennes générations, la durée moyenne entre la fin des études et la décohabitation est devenue négative pour les dernières générations 1970-1974.
Figure 2. Séquence et durée moyenne entre la fin des études et la décohabitation

Champ :
– histogrammes : hommes et femmes ayant vécu la fin des études et la décohabitation (8909 répondants) ;
– courbes : hommes et femmes ayant décohabité et pouvant poursuivre leurs études (9198 répondants).
Lecture :
– histogrammes : pour les hommes des générations 1940-1944, la fin des études survient en moyenne 3 ans avant la décohabitation ;
– courbes : 30 % des hommes des générations 1965-1969 ont quitté le domicile des parents avant la fin de leurs études.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
19Là encore, les générations du milieu des années 1950 marquent un tournant, notamment dans les modèles de décohabitation des hommes et des femmes. Avant les générations de 1950, les femmes quittent moins souvent que les hommes le foyer parental avant la fin de leurs études. Le contrôle social exercé sur les filles qui décohabitent pour se marier, et la courte durée de leurs études expliquent qu’elles sont moins nombreuses que les hommes à poursuivre leurs études hors du domicile des parents. Mais, à partir des générations nées après le milieu des années 1950, les femmes s’affranchissent de ces contraintes. Avec l’allongement des études, plus prononcé que chez les hommes, elles sont plus nombreuses à décohabiter avant la fin de leur parcours scolaire ou universitaire. Malgré ces différences, les modèles de transition entre la fin des études et la décohabitation semblent converger dans les plus jeunes générations entre les hommes et les femmes. En effet, ils sont près de la moitié à décohabiter avant la fin des études dans les générations 1970-1974. La hausse généralisée de l’accès aux études supérieures et le développement de stratégies d’entraides familiales sont très certainement à l’origine de cette homogénéisation des parcours des hommes et des femmes. Ainsi, dans les jeunes générations, nombreux sont ceux qui ont rejoint les grandes agglomérations ou les pôles universitaires pour poursuivre des études supérieures et ont ainsi quitté définitivement ou temporairement le foyer parental, avant la fin de leurs études. Reste que pour les hommes, le service militaire a pu avoir des conséquences sur l’évolution de l’âge à la décohabitation et à la formation familiale. Ainsi, les plus anciennes générations, dont la durée du service était de 24 mois ou même de 30 mois (notamment pour celles qui ont participé à la guerre d’Algérie), ont pu retarder leur mise en union, alors que les plus jeunes générations, avec la suppression du service national en 1996, ont pu ajourner le départ de chez leurs parents.
3. Quitter le foyer parental avant l’accès à l’emploi
20L’hypothèse d’une aide accrue des parents dans la réalisation des premières étapes de l’histoire de vie adulte semble confirmée par l’étude de la séquence entre la décohabitation et l’accès au premier emploi. Au fil des générations, la durée entre l’accès à l’emploi et la décohabitation n’a cessé de décroître, surtout pour les hommes. Jusque dans les générations du milieu des années 1950, la nécessité de disposer d’un emploi avant de quitter le domicile parental, notamment pour former une famille, conduisait les hommes à attendre l’accès à un emploi avant de décohabiter. Mais à partir des générations exposées à la crise économique des années 1970, cette stratégie semble s’amenuiser. Les hommes et les femmes sont d’ailleurs soumis à la même tendance. Entre les générations 1950-1954 et 1970-1974, leur proportion à quitter le domicile parental avant l’accès à un emploi passe de 26 % à 45 et 53 %, respectivement pour les hommes et pour les femmes. L’aide parentale à la décohabitation et la difficulté croissante pour les jeunes d’accéder à un emploi stable expliqueraient en partie cette évolution.
4. La formation familiale, une étape qui s’allonge
21Dans ces changements des premières séquences de l’histoire de vie adulte des hommes et des femmes, les calendriers et les conditions de réalisation de l’entrée en première union et de la naissance du premier enfant ont changé au fil des générations. Mais, contrairement à la fin des études et à l’accès à l’emploi dont les calendriers se sont tous deux ajournés, les âges à l’entrée en première union et à la naissance du premier enfant n’ont pas suivi la même évolution. Quels rôles peuvent alors avoir eu les retards de la fin des études et de l’accès au premier emploi sur le processus de formation de la famille ?
a. Une influence de l’allongement des études à nuancer
22L’allongement des études paraît ne pas avoir eu, comme pour la décohabitation, d’effets significatifs sur le calendrier de primo-nuptialité. En effet, malgré le retard de l’âge à la fin des études, le calendrier de nuptialité a peu été retardé. La durée moyenne entre la fin des études et l’entrée en première union s’est même fortement réduite au fil des générations (figure 3). Entre les générations de la fin des années 1920 et celles du début des années 1970, cette durée moyenne a été divisée par 3,2 pour les hommes et par 6,7 pour les femmes.
Figure 3. Séquence et durée moyenne entre la fin des études et l’entrée en première union

Champ :
– histogrammes : hommes et femmes ayant fini leurs études et ayant vécu leur première union (8 132 répondants) ;
– courbes : hommes et femmes ayant vécu leur première union et pouvant poursuivre leurs études (9198 répondants).
Lecture :
– histogrammes : pour les hommes des générations 1926-1929, la fin des études survient en moyenne 11 ans avant la première union ;
– courbes : 24 % des hommes des générations 1970-1974 sont entrés en première union avant la fin de leurs études.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
23Ce phénomène traduit un resserrement des calendriers de fin des études et d’entrée en union et révèle une tendance à l’inversion de la séquence entre la fin des études et l’entrée en union. Les femmes sont celles qui ont le plus inversé cette séquence. Elles sont ainsi plus de 30 % dans les générations 1970-1974 à vivre leur première union avant la fin des études alors qu’elles étaient moins de 10 % dans ce cas dans les générations antérieures à l’après-guerre. Ce résultat confirme-t-il pour autant l’absence d’interaction entre l’allongement des études et l’entrée en union et l’existence de modèles de transition opposés entre les hommes et les femmes ? Les travaux récents, développés par Maria Winkler-Dworak et Laurent Toulemon (2007) sur l’influence de l’éducation et de l’emploi sur le processus de la formation de la famille, permettent d’apporter des éléments d’explication à ces interactions et de confirmer la complexité de leurs effets. La généralisation de l’accès à des études supérieures aurait eu pour conséquence de réduire l’influence de l’allongement des études sur le retard du calendrier d’entrée en union, notamment chez les femmes. Mais, elle n’en évince pas pour autant l’interrelation entre la poursuite des études et l’entrée en union. En effet, comme l’ont montré ces auteurs, l’accès à des études supérieures réduirait la durée de l’intervalle entre la fin des études et la mise en union.
b. L’accès à l’emploi moins déterminant pour l’entrée en union des femmes
24En revanche, le retard de l’accès à l’emploi semble entretenir des relations plus étroites avec l’évolution du calendrier d’entrée en première union, mais différentes pour les hommes et pour les femmes. Dans la population masculine, la durée moyenne entre l’accès à l’emploi et l’entrée en union est restée supérieure à 6 ans jusque dans les générations du milieu des années 1950, touchées par la crise économique des années 1970. Ce n’est que dans les générations les plus jeunes que le calendrier entre l’accès à l’emploi et l’entrée en union s’est resserré (figure 4)4. La part d’hommes vivant l’accès au marché du travail et la mise en union dans un intervalle réduit de moins de 6 mois, a d’ailleurs augmenté dans les générations nées après le milieu des années 1960. La nécessité d’accéder à un emploi avant l’entrée en union, condition à la nuptialité dans les anciennes générations, serait-elle délaissée par les jeunes générations masculines ? Les travaux de Winkler-Dworak et Toulemon (2007) nuancent cette hypothèse. L’accès à un emploi demeure en effet un déterminant à l’entrée en union. C’est de plus en plus vrai pour les jeunes générations dont les conditions d’accès à l’emploi se sont détériorées et dont l’âge au premier emploi s’est ajourné. L’absence d’une activité économique s’est affirmée comme un frein important à la nuptialité des hommes. On assiste finalement, pour les hommes, à deux phénomènes concurrents. Le premier est l’affirmation du rôle joué par l’accès à l’emploi sur le calendrier d’entrée en union. Le second phénomène est la tendance à la hausse d’un modèle où les hommes vivraient leur première union avant l’accès à leur premier emploi, comme s’ils ne pouvaient retarder la première étape de la formation de la famille, alors même qu’ils n’ont pas encore débuté leur parcours professionnel5. Il est encore trop tôt pour vérifier une telle hypothèse, mais les générations nées au début des années 1970 en montrent le chemin.
25Pour les femmes, là aussi, le calendrier entre l’accès à l’emploi et l’entrée en union s’est resserré. Mais la variation est moins forte que pour les hommes. Au-dessus de 2,5 ans en moyenne pour les générations antérieures à 1960, l’écart moyen entre l’entrée en union et l’accès à un emploi est passé à environ 1 an pour les femmes nées après le milieu des années 1960 (figure 4). Ce resserrement du calendrier s’est, comme pour les hommes, accompagné de changements dans les séquences de survenues des deux événements. Les générations nées après le milieu des années 1950, qui furent les premières exposées à l’instabilité économique des années 1970, ont massivement retardé leur âge au premier emploi et ont été de plus en plus nombreuses à vivre l’entrée en union avant l’accès à l’emploi6. Ce résultat confirmerait l’hypothèse selon laquelle l’accès à l’emploi serait moins déterminant dans l’entrée en union des femmes. L’absence d’un emploi ne constituerait pas, comme pour les hommes, un obstacle à l’entrée en union.
Figure 4. Séquence et durée moyenne entre l’accès au premier emploi et l’entrée en première union

Champ :
– histogrammes : hommes et femmes ayant eu un emploi et ayant vécu leur première union (8004 répondants) ;
– courbes : hommes et femmes ayant vécu leur première union et pouvant ne pas avoir eu d’emploi (8334 répondants).
Lecture :
– histogrammes : pour les hommes des générations 1935-1939, l’accès au premier emploi survient en moyenne 7 ans avant la première union ;
– courbes : 18 % des hommes des générations 1970-1974 sont entrés en première union avant l’accès à un premier emploi.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
26On voit que l’interaction entre les trajectoires éducative et professionnelle d’une part, et l’entrée en union d’autre part, est complexe. Pour les étudiants qui poursuivent de longues études par exemple, l’accès à un emploi et l’assise économique qu’il offre favoriseraient la mise en couple.
c. Le premier enfant, une étape plus tardive et isolée
27Malgré l’hétérogénéité des parcours et des interactions entre les premiers événements de l’histoire de vie adulte des hommes et des femmes, on constate que l’allongement entre les deux premières étapes du processus de formation de la famille est une constante. Comme pouvait le supposer l’évolution des âges médians à l’entrée en première union et la naissance du premier enfant (figure 1), la durée moyenne entre ces deux événements n’a cessé de croître au fil des générations pour les hommes, comme pour les femmes. Inférieur à 1 an pour les générations 1926-1929, l’écart moyen s’élève dans les générations nées à partir des années 1960, à plus de 4 ans et 3,5 ans respectivement pour les hommes et pour les femmes. Les générations des années 1950 et 1960 sont les premières qui, en ajournant leur calendrier de primo-fécondité, ont repoussé la naissance de leur premier enfant après l’entrée en première union. La modernisation des comportements de fécondité, liée notamment à la légalisation de l’accès à la contraception, explique pour une part ces changements. Ces générations ont en effet été les premières à bénéficier de lois favorisant la maîtrise de la fécondité et le retard de la maternité (loi Neuwirth 1967, loi Veil 1975). En revanche, le recul du calendrier de la première naissance semble n’être qu’en faible proportion lié à l’émergence d’unions successives et de parcours matrimoniaux complexes. En effet, parmi les hommes et les femmes entrés en union et qui ont vécu une première naissance, 5 % d’entre eux seulement, ont vécu une deuxième union dans leur parcours. Ce phénomène s’est développé à partir des générations nées en 19457. L’apparition de premières unions successives et plus instables pourrait cependant expliquer, en partie, cette dissociation des deux premières étapes de la formation de la famille. Mais ce phénomène est à nuancer. Alors que les générations d’après-guerre (1945-1964) sont 7 à 8 % à déclarer avoir eu leur premier enfant après une deuxième union, les jeunes générations sont peu nombreuses dans ce cas8. L’hypothèse d’unions intermédiaires avant la première naissance serait donc à exclure. En revanche, le retard à l’accès à une stabilité économique et le souhait de « prendre le temps » avant l’arrivée du premier enfant, constitueraient des schémas explicatifs plus vraisemblables (Régnier-Loilier, 2007 ; Mazuy, 2006).
d. Une convergence des calendriers masculins et féminins de fécondité ?
28L’allongement des études et le retard de l’accès à l’emploi, dont on a vu qu’ils pouvaient avoir des effets différents sur le calendrier d’entrée en union des hommes et des femmes, sont en revanche souvent présentés comme les principaux facteurs de l’ajournement de la primo-fécondité masculine et féminine. Le maintien des durées moyennes qui séparent la fin des études et l’accès au premier emploi, à la naissance du premier enfant (figure 5) chez les hommes comme chez les femmes, semble confirmer l’hypothèse d’un ajournement homogène. L’allongement des études associé à l’accès difficile au premier emploi aurait retardé, pour les hommes comme pour les femmes, l’accès à des conditions favorisant la naissance du premier enfant (Robert-Bobée et Mazuy, 2005 ; Winkler-Dworak et Toulemon, 2007).
Figure 5. Séquence et durée moyenne entre l’accès au premier emploi et la naissance du premier enfant

Champ :
– histogrammes : hommes et femmes ayant eu un emploi et leur premier enfant (6830 répondants) ;
– courbes : hommes et femmes ayant eu leur premier enfant et pouvant ne pas avoir eu d’emploi (7 153 répondants).
Lecture :
– histogrammes : pour les hommes des générations 1926-1929, l’accès au premier emploi survient en moyenne 11 ans avant la naissance du premier enfant ;
– courbes : 3 % des hommes des générations 1970-1974 ont eu leur premier enfant avant l’accès à leur premier emploi.
Sources : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
29Si l’aide familiale a certainement permis aux jeunes générations de ne pas quitter le domicile de leurs parents trop tardivement et d’entreprendre, parfois, une vie en couple, elle ne semble pas représenter de situation économique assez stable pour entreprendre le projet de former une famille avec enfants. Ainsi, même si les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à vivre la naissance de leur premier enfant avant la fin de leurs études et l’accès à leur premier emploi, la tendance vers une convergence des modèles semble s’affirmer. Pour les hommes comme pour les femmes, la nécessité d’avoir une situation professionnelle stable semble bien une condition à la deuxième étape de la formation de la famille (Meron et Widmer, 2002). Ainsi, loin de s’être modifiée, la séquence des premiers événements de la formation de la famille avec la fin des études et l’accès au premier emploi s’est affirmée : la naissance du premier enfant survenant de plus en plus tardivement après l’entrée en union, la fin des études et l’accès à l’emploi.
III. Des transitions socialement marquées ?
30L’allongement des études et l’ajournement de l’accès au premier emploi ont eu des conséquences importantes sur l’agencement des séquences des premiers événements de l’histoire de vie adulte des hommes et des femmes, et sur les conditions de réalisation de leur transition vers l’âge adulte. Les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à quitter le domicile des parents et à entrer en union avant la fin de leurs études.
1. Une diversité des parcours
31Ces changements dans les séquences se sont accompagnés de transformations, dans l’accès des hommes et des femmes à l’emploi et à l’autonomie économique. Si les données de l’enquête Erfi ne nous permettent pas d’évaluer de telles conséquences sur le processus de transition vers l’âge adulte et sur la formation de la famille9, il apparaît, cependant, que le retard de l’accès au premier emploi a modifié le contexte de réalisation des autres événements. Ainsi, les hommes comme les femmes quittent de plus en plus souvent le domicile parental avant l’accès à un premier emploi. La diffusion de modèles d’entraides familiales et la mobilité résidentielle due aux études ont conduit les plus jeunes générations à vivre la décohabitation avant tout autre événement de leur histoire de vie. De nouvelles formes de trajectoires de vie se sont développées. Parmi elles, on retrouve celle des étudiants vivant hors du domicile parental et qui, pour compenser un manque d’autonomie économique, accèdent à un premier emploi avant de terminer leurs études et débuter la formation de leur famille. De tels parcours se sont notamment développés dans les plus jeunes générations féminines, reflétant une profonde transformation du statut des femmes au sein de la société et de la famille. L’acquisition d’une plus grande autonomie sociale, économique et résidentielle a été un changement majeur auquel les femmes des générations nées avant-guerre n’avaient pu bénéficier. Enfin, le recul de l’âge au premier emploi, principalement dû à la difficulté, à partir des années 1970, d’accéder pour les jeunes à un travail et à une autonomie économique stable, a eu pour conséquence de réduire le temps d’attente entre l’accès à l’emploi et la formation familiale.
2. Une hétérogénéité des transitions plus forte aujourd’hui
32Ces tendances permettent de dresser un portrait des changements intervenus dans la réalisation des premières étapes de l’histoire de vie des hommes et des femmes, mais elles rendent peu compte de l’hétérogénéité sociale de ces transitions, et de leurs évolutions. L’ajournement conjoint des calendriers de fin des études et d’accès au premier emploi ont-ils conduit à une homogénéisation des transitions ? On a observé que, dans les générations nées à partir des années 1960, l’accès à l’emploi, la décohabitation et l’entrée en union étaient vécus de plus en plus tôt dans l’histoire de vie, notamment avant la fin des études. De même, les hommes et surtout les femmes, entraient de plus en plus fréquemment en union avant d’accéder à un premier emploi. Il est, malheureusement, difficile de savoir si ces tendances se sont réalisées de manière homogène ou si, au contraire, elles sont le reflet de transitions spécifiques à des catégories sociales.
33Dans ce chapitre, une première réponse est apportée à cette question de la diversité sociale des transitions et de leur évolution en vérifiant, pour quatre des transitions10 décrites ici, si l’origine sociale et le niveau de diplôme atteint avaient joué dans les anciennes générations et jouaient encore, dans les nouvelles générations, un rôle discriminant dans la construction des trajectoires de vie. De même, il est intéressant d’analyser si la survenue d’une autre étape de l’histoire de vie avant la séquence étudiée peut avoir une influence sur les transitions. Une telle approche permet de mettre en évidence que de nouvelles disparités sociales dans les séquences entre événements sont apparues pour les hommes et pour les femmes, au fil des générations.
a. Décohabiter et travailler avant la fin de ses études
34Les hommes comme les femmes sont de plus en plus nombreux à accéder à un emploi ou à décohabiter avant la fin des études. L’analyse des modèles des figures 6 et 7, portant sur la probabilité d’accéder à un emploi et de décohabiter avant la fin des études, montre l’hétérogénéité sociale des transitions. Le niveau de diplôme, même s’il a augmenté au cours des décennies dans toutes les classes sociales, demeure discriminant pour les hommes comme pour les femmes. Ainsi, prolonger ses études pour les anciennes générations, comme pour les plus jeunes, augmente d’autant les probabilités d’accéder à un emploi ou de décohabiter avant la fin des études.
Figure 6. Probabilité d’accès à l’emploi avant la fin des études (coefficients β du modèle logit)

Lecture : vivre une première union avant l’accès à un emploi pour les hommes diminue les chances de vivre un premier emploi avant la fin des études (coefficient négatif).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
35Le rôle de l’appartenance sociale est plus complexe et renvoie à des logiques légèrement différentes entre les deux transitions étudiées. En premier lieu, la catégorie socioprofessionnelle du père s’est maintenue comme facteur déterminant d’une décohabitation avant la fin des études (figure 7). Les hommes et les femmes de familles d’agriculteurs, d’artisans, d’employés ou d’ouvriers, ont une moindre probabilité de décohabiter avant la fin de leurs études, que ceux issus de familles de cadres ou de professions intermédiaires. À même niveaux de diplômes, ces résultats semblent vérifier l’hypothèse d’une entraide familiale dans les familles de cadres et de professions intermédiaires favorisant un départ des enfants du ménage parental avant la fin des études. Il y aurait donc bien persistance de modèles de transition entre la décohabitation et la fin des études, selon le milieu d’origine, le départ de chez les parents avant la fin des études étant plutôt l’apanage des familles plus aisées dont les enfants poursuivent des études supérieures.
Figure 7. Probabilité de décohabiter avant la fin des études (coefficients β du modèle logit)

Lecture : avoir atteint un diplôme Bac + 2 pour les femmes augmente les chances de quiter le domicile des parents avant la fin des études (coefficient positif).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
36Le rôle de l’origine sociale au fil des générations s’est, en revanche, imposé pour la séquence qui conduit à accéder à un premier emploi avant la fin des études. Ainsi, pour les hommes, comme pour les femmes des anciennes générations (1926-1944), le milieu d’origine n’apparaît pas significatif. Cette absence s’est poursuivie pour les hommes jusque dans les générations de la fin des années 1950. Pour les femmes en revanche, être filles d’agriculteurs ou d’employés a constitué, dès les générations 1944-1959, un frein à l’accès à un emploi avant la fin des études alors que, pour les hommes, un tel obstacle ne s’est affirmé que pour les fils d’artisans et d’ouvriers des générations 1960-1974. Contrairement à la première transition étudiée, l’appartenance sociale est apparue au fil des générations comme discriminante dans la trajectoire menant de l’emploi à la fin de études. Elle semble fortement correspondre aux périodes économiques conjoncturelles et aux obstacles pour l’accès à l’emploi auxquels les femmes, puis plus tard les hommes, ont été confrontés.
37Enfin, ces transitions d’accès à l’emploi ou de décohabitation avant la fin des études répondent bien évidemment à des logiques de l’histoire de vie. Ainsi, l’entrée en union précoce avant l’accès à un emploi a toujours constitué un frein à l’accès à l’emploi avant la fin des études. Pour les hommes, comme pour les femmes, pour les anciennes générations, comme pour les plus jeunes, vivre une première union avant l’entrée sur le marché du travail diminue fortement la probabilité d’accéder à un emploi avant la fin des études. On voit ici qu’une nuptialité précoce s’inscrit très vraisemblablement dans une trajectoire plus « traditionnelle » où la fin des études précède l’accès à un premier emploi. De même, l’accès à un emploi avant le départ de chez les parents, qu’il soit ou non le résultat d’une anticipation vers l’autonomie résidentielle, favorise la venue de la décohabitation avant la fin des études. L’accès à un revenu financier favorise très certainement un départ plus précoce avant la fin des études.
b. L’entrée en union avant la fin des études et l’accès au premier emploi
38Comme l’a montré l’analyse des calendriers des séquences, l’entrée en première union survient de plus en plus souvent avant la fin des études et l’accès au premier emploi, surtout à partir des générations 1960. L’analyse des disparités au fil des générations montre que, les transitions entre l’entrée en union, d’une part, et la fin des études et l’accès à l’emploi, d’autre part, se sont socialement différenciées.
39Tout comme dans les premières transitions étudiées, le niveau de diplôme constitue logiquement un facteur d’hétérogénéité des transitions entre l’entrée en union et la fin des études. Ainsi, tout au long des générations, pour les hommes comme pour les femmes, l’accès à un diplôme élevé a toujours favorisé une première union avant la fin des études (figure 8). Mais les changements sont venus des disparités liées à l’origine sociale. Cette séquence d’histoire de vie, rare dans les générations anciennes, n’était pas l’apanage d’une catégorie sociale spécifique. C’est à partir des générations d’après-guerre (1945-1959) que des différences significatives apparaissent, alors que l’allongement de la durée des études se diffuse à l’ensemble des classes sociales. Les fils et les filles d’agriculteurs et d’employés, moins diplômés, vivent moins souvent que les autres leur entrée en première union avant la fin de leurs études. Cette logique sociale a cependant disparu dans les générations masculines les plus jeunes, alors qu’elle s’est poursuivie chez les filles d’agriculteurs et d’ouvriers nées après 1960, témoignant aujourd’hui d’une plus forte hétérogénéité des transitions pour les femmes.
Figure 8. Probabilité d’entrer en première union avant la fin des études (coefficients β du modèle logit)

Lecture : être fille d’ouvrier pour les générations 1960-1974 diminue les chances d’entrée en union avant la fin des études (coefficient négatif).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
40En revanche, une constante dans les trajectoires de vie est présente pour toutes les générations. L’accès à un emploi avant la première entrée en union réduit la probabilité de vivre une séquence où l’union précèderait la fin des études. Cette relation entre l’accès à l’emploi, l’entrée en union et la fin des études peut renvoyer à deux types de parcours. Le premier, très fréquent dans les anciennes générations, correspond à une séquence où la fin des études surviendrait avant l’accès à un premier emploi puis l’entrée en union. On sait que ce type de trajectoires était notamment très fréquent chez les hommes nés avant le milieu des années 1950. Le second parcours représente l’accès à un emploi précoce, avant la fin des études et l’entrée en première union. Cette trajectoire s’est notamment développée dans les jeunes générations qui, ayant prolongé leurs études, accèdent à un emploi avant et retardent la formation de leur famille.
41On voit d’ailleurs que la relation entre la fin des études, l’accès au premier emploi et l’entrée en union est au cœur de l’hétérogénéité des trajectoires de vie des hommes et des femmes. Ainsi, dans les générations nées avant le milieu des années 1940, les hommes diplômés vivaient plus souvent que les autres leur première union avant l’accès à un emploi, alors que les femmes sans diplôme restaient en marge d’une telle transition (figure 9). En revanche, aucune différence sociale n’était observable dans cette transition. C’est à partir des générations d’après-guerre, pour les femmes notamment, que des différences de trajectoires sont apparues. Les filles d’ouvriers, puis les filles d’employés et d’artisans se sont distinguées en demeurant en marge d’une entrée en union avant l’accès au premier emploi. Pour les hommes, ce phénomène ne s’est affirmé qu’à partir des générations nées dans les années 1960. Les fils de cadres, plus que les autres, se sont différenciés en s’unissant avant l’accès à leur premier emploi. Ils sont sans aucun doute ceux pour lesquels le soutien familial et l’aide des parents ont permis de débuter la formation de leur famille avant la fin de leurs études et l’accès à leur premier emploi.
Figure 9. Probabilité d’entrer en première union avant l’accès au premier emploi (coefficients β du modèle logit)

Lecture : être fils de cadre pour les hommes des générations 1960-1974 augmente les chances d’entrer en union avant d’accéder à un emploi (coefficient positif).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
42Ces premiers résultats selon le niveau de diplômes et la catégorie socioprofessionnelle du père montrent que les parcours éducatifs demeurent, au fil des générations, des facteurs d’hétérogénéité. Ils témoignent aussi de la hausse croissante de l’origine sociale dans l’agencement des transitions entre l’accès à l’emploi, la fin des études et la première étape de la formation de la famille. Il conviendrait cependant d’introduire dans l’analyse de ces disparités sociales, les changements auxquels ont été confrontées, au fil des générations, les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes. La nature de l’accès au premier emploi a fortement changé avec l’apparition d’une période d’instabilité et de précarité pour les plus jeunes générations. Ces transformations ont sans aucun doute joué un rôle dans les conditions de réalisation des transitions des premières étapes de l’histoire de vie et de la formation familiale.
Conclusion
43L’évolution connue des calendriers d’accès aux premiers seuils de l’histoire de vie adulte permet de dresser un tableau des changements qui se sont opérés vers l’acquisition d’un emploi, d’un logement indépendant et vers la formation d’un couple avec enfants. La fin des études et l’accès à un premier emploi demeurent sans aucun doute parmi les deux événements clés de cette transition vers l’âge adulte. La forte hausse des niveaux d’éducation, surtout pour les femmes, a eu pour conséquence de modifier le temps qui sépare la fin des études des événements de la formation de la famille. Si elle n’a pas été à l’origine directe et immédiate du retard de l’âge à l’entrée en union, elle n’a pas favorisé l’accès rapide des jeunes à l’indépendance économique et résidentielle. La poursuite de plus longues études et les difficultés d’accès au marché de l’emploi ont rendu difficiles les conditions de la décohabitation du foyer parental et de la mise en union. Fait marquant, l’âge à la décohabitation n’a pas significativement changé au fil des générations. Ce résultat est la conséquence d’une profonde modification des conditions du départ des jeunes du foyer parental. Beaucoup d’entre eux, bien que n’ayant pas fini leurs études ou n’ayant pas encore eu accès à un emploi stable, bénéficient d’une aide des parents pour s’installer dans un logement indépendant. Ceci a, dans un certain sens, pallié un retard général de l’accès à une indépendance économique des jeunes générations. La crise économique des années 1970 survenue à la fin des « Trente Glorieuses », et les tensions de plus en plus fortes sur le marché du travail depuis le milieu des années 1980, n’ont pas manqué de rendre les conditions d’accès au premier emploi pour les jeunes de plus en plus difficiles.
44Ces changements socioéconomiques, associés aux mutations sociales auxquelles les femmes notamment ont été confrontées, ont conduit à modifier le calendrier des premières étapes de l’histoire de vie adulte. L’un des principaux résultats est le resserrement dans le temps des premières étapes, depuis la fin des études, la décohabitation du foyer parental et l’accès à l’emploi jusqu’à l’entrée en union. Seule la naissance du premier enfant, toujours plus tardive, est restée en marge de ces premiers événements. Sans chercher à apporter des explications à l’évolution des séquences des premières étapes de l’histoire de vie, l’étude proposée ici permet de mettre en évidence l’émergence de nouvelles trajectoires et de nuancer la convergence des parcours des hommes et des femmes. Elle montre aussi, qu’au fil des générations, s’intensifient des disparités sociales dans les transitions, reflet de trajectoires complexes et hétérogènes11.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 L’un des intérêts de ce travail aurait pu être de montrer comment ont évolué au fil des générations les séquences de ces cinq événements. Quelles séquences-types observait-on dans les anciennes générations ? Les nouvelles générations diffèrent-elles par des trajectoires distinctes ? Cependant, la complexité d’une analyse dépendant de plusieurs événements pouvant survenir simultanément et l’absence de certains événements dans de nombreuses histoires de vie, notamment dans les jeunes générations, rendent difficile une telle analyse.
2 La durée moyenne entre la fin des études et l’accès au premier emploi a été calculée pour l’ensemble des hommes et des femmes qui ont vécu les deux événements. En revanche, la proportion d’individus ayant eu accès à leur premier emploi avant la fin de leurs études porte sur les individus qui ont déjà débuté leur trajectoire professionnelle. Ainsi, peuvent figurer des personnes ayant eu accès à leur premier emploi et qui poursuivent leurs études. Cette construction a été reproduite pour l’ensemble des durées moyennes entre événements qui suivent.
3 Dans l’enquête Erfi, le premier emploi correspond à la première activité professionnelle d’une durée supérieure ou égale à 3 mois. Cette définition prend notamment en compte les emplois étudiants, phénomène qui s’est développé à partir des générations du milieu des années 1960.
4 Les femmes des générations 1960-1974 sont 15 %, contre seulement 6 % des générations du milieu des années 1940, à vivre la mise en union et l’accès à l’emploi dans un intervalle de temps de moins de 6 mois.
5 La proportion d’hommes entrés en union à avoir d’abord vécu leur première union avant l’accès à leur premier emploi est passée de 10 % à 18 % entre les générations 1965-1969 et 1970-1974.
6 Pour les générations antérieures aux années 1940, la plus faible proportion de femmes ayant eu accès à un emploi explique la part importante de celles qui ont vécu leur première union avant l’accès à un emploi. Entre les générations 1965-1969 et 1970-1974, la proportion de femmes ayant déjà vécu une union et dont la première union s’est réalisée avant l’accès au premier emploi est passée de 34 % à 37 %.
7 Les générations 1960-1964 sont celles qui ont été jusqu’à présent les plus nombreuses à déclarer vivre une seconde union (8,5 %). On peut supposer que cette tendance se poursuivra dans les générations suivantes, mais il est encore trop tôt pour observer ce phénomène.
8 Elles sont de 4,8 % (générations 1965-1969) à 2,6 % (générations 1980-1984) à avoir vécu leur première naissance après une deuxième union.
9 Nous ne disposons d’aucune information sur le parcours professionnel et les conditions économiques de réalisation des différentes étapes de l’histoire de vie, notamment l’entrée en première union, la décohabitation et la naissance du premier enfant. L’introduction d’une biographie professionnelle dans le questionnaire de la seconde vague de l’enquête Erfi, réalisée à l’automne 2008, doit permettre d’apporter de nouveaux éléments de compréhension aux interactions entre les situations professionnelles et économiques et la survenue des autres événements de l’histoire de vie.
10 Nous avons réalisé plusieurs modèles de régression logistique estimant la probabilité de vivre quatre séries de séquences selon la catégorie socioprofessionnelle du père (proxi de l’origine sociale familiale), le niveau de diplôme atteint (proxi de la durée des études) et la venue d’un autre événement (union, emploi, fin des études) avant la séquence. Les figures 6, 7 et 8 représentent les coefficients beta de vivre respectivement l’accès au premier emploi, la décohabitation et la première union, avant la fin des études. La figure 9 correspond à la probabilité de s’unir avant l’accès au premier emploi. Des modèles séparés ont été effectués pour les hommes, les femmes et trois groupes de générations (1926-1944, 1945-1959 et 1960-1974). Cette dernière distinction permet de montrer l’émergence, la disparition ou la persistance des différences sociales entre les groupes de générations.
11 On peut se référer au chapitre 13 pour une étude des conséquences des premiers pas vers l’indépendance sur les taux d’activité et d’emploi en deuxième partie de carrière.
Auteur
Maître de conférences en démographie, enseignant-chercheur à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense (département de Sociologie), rattaché au Centre de recherche Populations et Sociétés (Cerpos) et chercheur associé à l’Ined. Ses recherches portent sur l’étude des histoires de vie en démographie, le passage à l’âge adulte et la formation de la famille en France et en Europe. Les dynamiques familiales et migratoires en Amérique latine constituent un autre de ses champs d’études. Il coordonne également, avec Cécile Lefèvre et Alain Blum, l’exploitation comparée de l’enquête Erfi avec d’autres pays (Russie, Géorgie, Lituanie).
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