Chapitre 11. Que peut-on apprendre sur le genre à partir de l’enquête Erfi ?
p. 289-311
Texte intégral
Introduction
1Depuis la proposition à la Conférence internationale sur la Population et le Développement (CIPD), organisée par les Nations unies au Caire en 1994, du concept d’empowerment1 des femmes en tant que processus permettant à la fois l’amélioration du statut des femmes et l’accélération des changements démographiques, de nombreuses études ont essayé de fournir des mesures statistiques de son influence sur les phénomènes de population. Nous avons passé en revue un certain nombre d’enquêtes qui ont servi à construire des indicateurs de genre, en commençant par les cinq enquêtes en Asie, travail pionnier en la matière (Cosio-Zavala, 2002). Ce chapitre se situe dans la lignée de cette réflexion, puisque parmi les enquêtes les plus récentes figurent les enquêtes Generations and Gender Survey (cf. préface et chapitre 1) dont l’enquête Erfi de 2005 est la déclinaison française. Il s’agit là d’enquêtes sur le genre de « dernière génération », l’objectif du programme GGS étant d’analyser les effets des relations de genre sur les comportements démographiques et les relations familiales dans une perspective comparative (Unece, 2002).
2Sont étudiés ici les effets des relations de genre sur la probabilité de survenue d’un mariage légal et de la naissance d’un enfant, à partir des données de la première vague de l’enquête Erfi, en utilisant l’approche de couple proposée dans ce programme d’enquêtes (Unece, 2002). Pour cela, nous observerons des couples où les deux conjoints vivent ensemble sous le même toit depuis au moins trois mois.
I. Les indicateurs de genre utilisés à partir de différentes enquêtes
3Pour justifier la construction d’indicateurs à partir des relations de genre au sein des couples, il faut d’abord définir ce qui est mesuré. Nous partons de l’hypothèse que les comportements individuels et les relations entre les conjoints sont corrélés aux systèmes de genre, qui reflètent le contexte social dans lequel vivent les hommes, les femmes et les familles. Dans toute société existe un système de genre, fait de représentations, de normes, de valeurs, de pratiques, de signes et de symboles qui transforment les différences sexuelles des êtres humains en différences de statuts et de rôles qui aboutissent à des inégalités sociales, organisant les relations entre les hommes et les femmes de manière hiérarchique et donnant une valeur supérieure au genre masculin. Comme toute construction socioculturelle et historique, elle comporte des aspects à la fois objectifs et subjectifs, qui sont antérieurs aux individus, mais que ceux-ci reproduisent continuellement dans leur vie quotidienne (Cosio-Zavala, 2007).
4Les rôles, les droits des individus et leurs obligations familiales sont organisés différemment dans chaque système de genre, lequel est plus ou moins égalitaire. Dans chacun d’entre eux, les individus (hommes et femmes) ont des marges de liberté, d’autonomie, d’empowerment, selon les normes de genre, mais aussi selon leurs caractéristiques personnelles, comme le sexe, l’âge et la génération, ainsi que l’état matrimonial, le niveau de scolarité, l’appartenance sociale, la religion, l’espace de vie, etc. Les systèmes de genre se révèlent notamment au sein de la famille, à travers les pratiques et les représentations, les rôles économiques, le statut et le pouvoir des hommes et des femmes, les relations avec les enfants, l’organisation de la vie familiale, la composition des ménages et les échanges intergénérationnels. Les structures dynamiques et les trajectoires familiales reflètent également les inégalités de genre. Nous définissons donc comme perspective de genre la prise en compte de ces différentes dimensions et questions.
5Après que la Conférence du Caire ait souligné l’importance de l’empowerment des femmes sur les évolutions démographiques, deux publications importantes ont constaté le manque de connaissances et d’observations empiriques sur le sujet. En 1997, Karen Mason reprenait tout ce que l’on savait alors sur le genre et la fécondité et surtout tout ce que l’on ignorait (Mason, 1997). La même année, Harriet Presser montrait l’absence d’analyses ayant une perspective de genre, dans la majorité des études démographiques et l’importance de cette perspective pour mieux expliquer la fécondité, domaine dans lequel les relations entre les hommes et les femmes sont, par définition, essentielles (Presser, 1997). Or, jusque-là, on analysait la fécondité comme un objet exclusivement féminin. Par exemple, les enquêtes de fécondité (enquêtes Knowledge, Attitudes, Practices, KAP ; l’Enquête mondiale de fécondité ou les enquêtes de Démographie et Santé, EDS) observaient uniquement, jusqu’à une date récente, les femmes d’âge fécond. Depuis peu, les échantillons posent également des questions aux hommes (programme Fertility and family surveys (FFS) en Europe, EDS récentes en Afrique et en Amérique latine par exemple, Encuesta demográfica retrospectiva EDER de 1998 au Mexique).
6Le modèle d’analyse des variables intermédiaires de Bongaarts (1978) ne mesure que les comportements féminins menant à une grossesse et à la naissance d’un enfant (Cosio-Zavala, 2007).
7Compte tenu de ce constat sévère, une série de recherches a vu le jour afin de rendre opérationnel le concept d’empowerment des femmes défini et mis en avant à la CIPD en tant qu’élément essentiel pour expliquer l’évolution des phénomènes démographiques2. Dans un premier temps, des enquêtes de fécondité ont proposé d’inclure des variables portant sur les relations intrafamiliales, sur les rôles des hommes et des femmes au sein des couples, leur contribution aux ressources domestiques, leur pouvoir de décision, leurs tâches et responsabilités, leurs possibilités de négociation entre eux. Ces observations sur les comportements familiaux ont été complétées avec des variables subjectives prenant en compte les inégalités entre les conjoints, leurs aspirations, représentations, projets, valeurs et perceptions sur la famille3. Ces recherches ont permis de proposer la construction d’indicateurs de genre permettant d’expliquer les variables démographiques.
8C’est ainsi qu’un projet pionnier de la Fondation Rockefeller réalisa cinq enquêtes en Asie sous la direction de Karen Mason (Mason et al., 1995). Les échantillons de ces enquêtes furent sélectionnés parmi différents contextes culturels et religieux en Inde, au Pakistan, en Malaisie, aux Philippines et en Thaïlande. Des questions étaient posées aux femmes sur cinq dimensions visant à décrire au mieux leur empowerment et leur autonomie : la participation à la prise de décision, la liberté de mouvement, la violence masculine, l’accès aux revenus et le contrôle des ressources économiques4. La recherche reposait sur « l’hypothèse de base que la nature du pouvoir et de l’autonomie des femmes reflète le contexte social dans lequel elles vivent, ainsi que leurs caractéristiques individuelles » (Smith, 1989). Cette étude a servi de modèle à un ensemble d’enquêtes de par le monde, reprenant la recherche d’indicateurs d’empowerment des femmes dans des contextes variés (García, 2003 ; Cosio-Zavala, 2000), comme par exemple des enquêtes en Inde, où les indicateurs d’autonomie féminine ont été analysés selon la religion et selon les conditions de vie régionales (Sathar et al., 2001). L’importance des variables contextuelles est à chaque fois soulignée, montrant l’effet des différents systèmes de genre au niveau social et les limites des résultats purement individuels. Au fil des enquêtes, la mesure du concept d’empowerment des femmes a été affinée, avec des indicateurs généralement construits en deux dimensions : d’une part, l’autonomie, c’est-à-dire les droits et libertés des femmes, leur statut, les inégalités dans les couples, les familles et l’environnement social ; d’autre part, la prise de décisions incluant le pouvoir d’agir et de décider, les rôles et les responsabilités, ainsi que l’accès au contrôle des ressources (Basu et Koolwal, 2005).
9Or, ces deux dimensions prêtent encore à discussion, malgré leur intérêt et leurs nombreuses applications internationales. En effet, si l’égalité et les droits s’assimilent également à la liberté des femmes, les responsabilités, la participation aux ressources et aux décisions ne vont pas forcément dans la même direction et peuvent créer des charges supplémentaires, des contraintes, et non pas seulement de l’autonomie et des droits (Basu et Koolwal, 2005). C’est ainsi qu’au Mexique, les femmes partagent avec leurs époux le pouvoir sur les décisions familiales, mais elles ont peu d’autonomie (Casique, 2001). Par conséquent, la mise au point d’indicateurs de genre est toujours en cours5.
10La nécessité de prendre en compte le rôle des hommes dans la vie reproductive et leurs relations avec les femmes au sein des ménages est un autre des résultats importants des enquêtes sur le genre. Cela va de l’analyse des pratiques sexuelles jusqu’à l’utilisation de méthodes contraceptives, en passant par le processus de prise de décision sur le nombre d’enfants, la contribution au travail domestique, la prise en charge des enfants ou l’activité économique. Au centre de ces conduites se trouvent les inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie familiale, ainsi que les inégalités de pouvoir et de négociation, les différences de niveau de scolarité des conjoints, les rôles des hommes et des femmes dans l’apport de ressources économiques. Ces comportements dépendent des valeurs symboliques associées aux représentations de la famille, aux responsabilités, aux identités féminines et masculines dans la société. La violence envers les femmes, la coercition et le statut selon le sexe sont aussi des thématiques importantes des rapports de genre, ayant fait l’objet d’enquêtes spécifiques.
11Les enquêtes GGS ont tenu compte de ces expériences antérieures de mesure de l’empowerment (Unece, 2002) et le questionnaire de référence s’interroge principalement sur les relations entre les comportements démographiques et les relations de genre6 (Sebille et Régnier-Loilier, 2006). Le genre y est défini comme un concept multidimensionnel, incluant différents aspects :
l’accès aux ressources et leur contrôle (en matière d’éducation, d’emploi, de possession de biens durables, de la possibilité de disposer librement des revenus de son travail et de ses biens) ;
l’autonomie (en matière de liberté dans la prise de décisions, d’indépendance économique et de liberté de mouvements) ;
le pouvoir de décision ;
les rôles.
12Les enquêtes GGS abordent plusieurs de ces dimensions du point de vue individuel et familial, sans oublier les variables contextuelles que nous n’analyserons pas ici (Unece, 2002). L’approche de couple est au centre du programme GGS, mais en n’interrogeant qu’un seul des conjoints. L’enquêté répond à des questions sur le comportement de son partenaire, sur sa participation aux décisions concernant la vie familiale et les enfants. Des questions sont également posées sur l’organisation du couple, les pratiques résidentielles, la division des rôles et de l’activité économique. Plusieurs questions portent également sur les rapports avec les parents de l’enquêté. De même, le pouvoir de négociation, les revenus relatifs des conjoints sont considérés comme des éléments importants concernant les décisions en termes de vie familiale. Enfin, les dimensions subjectives incluses dans GGS permettent de comprendre les relations de genre dans la famille, les normes, les attitudes et les comportements (Unece, 2002).
II. Les données sur le genre dans l’enquête Erfi
1. Méthode : l’analyse des liens entre genre et comportements démographiques
13Alors que les rapports de genre peuvent être analysés dans différents domaines de la vie économique et sociale, tels que le marché du travail et la participation à la vie politique, Erfi est une enquête principalement centrée sur les relations familiales. Toutefois, les contributions économiques respectives des hommes et des femmes au sein des couples et de nombreuses données sur leur activité professionnelle sont présentes. La seconde vague de l’enquête (2008) inclut, en outre, des données rétrospectives sur les trajectoires d’emploi et d’éducation, absentes du questionnaire de la première vague, lesquelles permettront de confronter les intentions exprimées lors de la première vague aux évènements réalisés entre les deux collectes de données (2005 et 2008). Lorsque les données seront disponibles, il sera ainsi possible de vérifier l’implication que les relations de genre au sein d’un couple peuvent avoir sur la naissance d’un enfant ou sur le mariage, en comparant les situations des couples lors de la première vague d’enquête et leurs intentions de fécondité et de nuptialité avec les événements survenus entre 2005 et 2008.
14L’analyse présentée dans ce chapitre étudie la fécondité et la nuptialité (le mariage légal). L’objectif est ici d’évaluer la probabilité au sein d’un couple, tel que défini dans Erfi7, d’avoir mis au monde un enfant et de se marier légalement en fonction d’indicateurs sociodémographiques ainsi que des relations de genre en matière de responsabilités et d’égalité. Plus particulièrement, nous nous intéressons aux rôles de chacun des conjoints et à la question de l’égalité objective, observée par l’étude des comportements, et de l’égalité subjective, identifiée par l’attachement déclaré des répondants à des valeurs. Quelle est l’influence d’une plus grande égalité au sein des couples sur la naissance d’un enfant ? Comment les rôles et les responsabilités des conjoints jouent-ils sur les comportements de fécondité et de nuptialité ? Les correspondances entre des situations de couple observées au moment de l’enquête et les risques d’avoir déjà eu un premier enfant ou de s’être marié seront mises en évidence.
15Pour vérifier les hypothèses énoncées, des indicateurs de genre seront intégrés aux modèles de fécondité et de mariage. Ces variables explicatives sont rassemblées en trois groupes. Dans le premier groupe, on trouve les variables sociodémographiques qui situent les conjoints dans leur trajectoire démographique et sociale et identifient leur capital humain. Puis nous avons testé les deux dimensions des relations de genre que sont l’autonomie et le pouvoir de décision au sein des couples, mais nous avons constaté que cette partition, classiquement utilisée dans les enquêtes internationales sur le genre (García, 2003 ; Cosio-Zavala, 2002) ne convenait pas. En effet, les résultats d’Erfi, présentés aussi dans les autres chapitres de cet ouvrage, laissent entrevoir une organisation familiale fondée sur une spécialisation sexuée des rôles, dans la lignée des travaux de Gary Becker (1981), avec un souci de maximisation des ressources du couple et un clivage des tâches et des responsabilités entre les conjoints. Cette distinction des rôles de sexe se conjugue par ailleurs avec une égalité plus ou moins grande dans la gestion des ressources et l’affirmation de valeurs égalitaires ou inégalitaires sur la famille et sur le couple. Celui-ci fonctionnerait donc comme une petite entreprise, maximisant ses revenus selon une division des rôles masculins et féminins, redistribuant les ressources de manière égalitaire ou inégalitaire selon les cas.
16C’est finalement un indicateur de genre séparé en deux groupes de variables qui a été retenu : le premier portant sur l’organisation et le partage au sein des couples (partage des tâches, part des revenus féminins, partage des décisions), soit la contribution plus ou moins importante des partenaires aux ressources et à l’organisation familiale ; le second sur l’égalité dans le couple, caractérisée par le partage des ressources et par les valeurs attachées à cette égalité. Il s’agit de l’accès des conjoints au pouvoir et au contrôle des ressources.
17Plusieurs types de couples sont ainsi observés, depuis ceux où l’homme reste le pourvoyeur principal, la femme assumant principalement les rôles domestiques avec une gestion inégalitaire des ressources, jusqu’à ceux où les femmes contribuent significativement aux ressources et les gèrent égalitairement ou même de façon autonome. Entre ces deux extrêmes, une diversité de situations existe. Le modèle le plus fréquent en France, d’après Erfi (voir section III), est celui où l’homme est le pourvoyeur économique principal, la femme assurant les principaux rôles domestiques tout en travaillant à l’extérieur du foyer, mais avec une gestion des ressources égalitaire entre les deux conjoints. Il y a ainsi, à la fois, inégalité dans le partage des tâches domestiques et égalité dans le contrôle des revenus, ce qui montre l’utilité de distinguer ces deux dimensions dans les indicateurs. L’effet de ces trois groupes de variables sera analysé successivement sur les comportements de fécondité (la première naissance du couple actuel en première union) et de nuptialité (le mariage du couple actuel).
2. Choix des variables sociodémographiques et de genre
18Deux séries de modèles logistiques sont proposées. La première évalue la probabilité d’avoir eu un premier enfant dans le couple actuel pour les hommes et les femmes : ce sont les modèles de fécondité (tableau 1). La seconde série estime la probabilité des hommes et des femmes de s’être mariés légalement : ce sont les modèles de mariage (tableau 2). On estime donc la probabilité d’avoir vécu ces deux événements avant l’enquête : certains répondants les auront vécus alors que d’autres demeureront toujours exposés au risque de les vivre. Les variables explicatives ont été réparties selon les trois groupes, qui figurent dans les tableaux en annexe.
19– Un premier groupe de variables sociodémographiques et de contrôle décrit l’histoire matrimoniale passée de l’enquêté (a-t-il déjà eu des unions antérieures ?), son histoire de fécondité avant l’union (avant la naissance du premier enfant dans le couple actuel), et les caractéristiques sociodémographiques et économiques des enquêtés et de leurs conjoints : statut de l’union (mariage ou non pour les modèles « fécondité » uniquement), diplôme de la femme, temps de travail de la femme (en 3 catégories : travail à plein temps, à temps partiel, sans activité), écart d’âge entre les conjoints. La présence du conjoint lors de la réalisation de l’enquête est également utilisée comme variable de contrôle.
20Certains choix ont été nécessaires dans la sélection des variables. Ainsi, le niveau de diplôme de la femme a été préféré à l’écart de diplôme entre les conjoints car c’est une variable significative, à l’origine de différences de comportements. De même, le temps de travail des femmes a été retenu comme variable représentative de leur implication dans la sphère professionnelle, plutôt que le type de contrat de travail ou même la profession. Au final, les variables choisies permettent d’évaluer l’investissement des femmes dans l’activité économique dont on sait l’importance sur la répartition des tâches domestiques et d’éducation des enfants.
21– Un second groupe comprend des variables décrivant l’organisation et le partage au sein des couples, établi avec des données concernant la répartition des tâches domestiques8, la part des revenus de la femme dans le couple et la prise des décisions9. À partir de ces variables, une série d’indicateurs synthétiques a été créée sous la forme de scores.
22Le premier indicateur présente une échelle de participation des femmes aux activités quotidiennes en quatre catégories :
la femme réalise l’ensemble des tâches domestiques ;
les hommes participent peu aux tâches domestiques mais plus aux tâches économiques et sociales ;
les hommes participent à toutes les tâches mais moins que les femmes ;
les hommes participent à plus de la moitié des tâches domestiques et partagent les tâches économiques et sociales.
23Le second indicateur résume également en quatre catégories la manière dont se prennent les décisions au sein du couple :
la femme décide très peu ou pas de tout ;
la femme décide un peu moins que l’homme ;
les décisions sont partagées pour tous les domaines ;
la femme décide plus que son conjoint.
24Le troisième indicateur décrit la participation des femmes aux revenus du ménage. Synonyme de la place économique de la femme dans le couple, cette variable comprend cinq modalités, depuis celles où les femmes participent à moins du quart des revenus du ménage à celles, bien moins fréquentes, où le revenu des femmes pèse pour moitié ou davantage dans le revenu total du ménage10.
25– Enfin, un troisième groupe de variables porte sur le degré d’égalité/inégalité dans les relations de genre au sein du couple : accès des femmes au partage des ressources et égalité/inégalité dans les valeurs familiales. À partir des questions portant sur la gestion des ressources par chaque conjoint, cinq situations sont distinguées : l’homme gère majoritairement les ressources du ménage ; le partage est égalitaire ; les conjoints gèrent de manière autonome leurs propres ressources ; la femme gère majoritairement les revenus ; enfin, un cas de figure où l’absence de données ne permet pas d’identifier le type de répartition.
26Une seconde série de questions permet de caractériser les opinions relatives à la place des hommes et des femmes dans la famille et dans la société. À partir d’une dizaine de questions11, nous avons construit un score résumant si les valeurs auxquelles les hommes et les femmes se réfèrent sont « traditionnelles » ou « modernes »12.
3. Rapport de genre au sein des couples : quelques éléments descriptifs
27Les variables sociodémographiques ainsi que les variables d’organisation et de partage entre les conjoints permettent de décrire précisément les couples retenus pour l’analyse (tableaux en annexe). Près de quatre couples sur cinq sont mariés (78 %) ; un couple sur cinq a connu une union antérieure à l’union actuelle (18 %) qui a donné lieu à la naissance d’enfants dans 12 % des cas ; 57 % des femmes travaillent, dont un tiers à temps partiel (tableaux A, B et C en annexe). Les couples où l’homme est plus jeune que la femme sont rares (13 %) alors que dans un quart des cas, l’homme est plus âgé d’au moins 5 ans (figure 1).
Figure 1. Distribution des couples selon l’écart d’âge entre les conjoints (%)

Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
28La figure 2 représente le partage des tâches domestiques selon le sexe du répondant (cf. chapitres 8 et 9 pour une description plus complète). L’implication des femmes demeure très forte puisque, dans plus de la moitié des cas, les hommes ne participent jamais ou peu aux activités domestiques quotidiennes13. Les écarts de déclaration entre les hommes et les femmes sont importants, signe d’enjeux dans la répartition des tâches domestiques et d’une représentation sociale et sexuée des discours sur le partage de ces tâches quotidiennes. On ne peut ici évaluer s’il s’agit d’une surestimation par les hommes de leur participation ou au contraire d’une sous-estimation par les femmes de l’implication des hommes dans les activités où traditionnellement elles s’investissent le plus (cf. chapitre 9). La « vraie » répartition des tâches se situerait en réalité entre les déclarations des femmes et celles des hommes, avec cependant une différence selon les tâches domestiques considérées (Régnier-Loilier, 2007).
Figure 2. Distribution des couples selon le partage des tâches domestiques et le sexe du déclarant (%)

Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
29Qu’il s’agisse du partage de toutes les tâches (domestiques, économiques, sociales, voir tableau B en annexe) ou uniquement des tâches domestiques, les femmes participent plus ou beaucoup plus aux tâches domestiques ou extra-domestiques dans 8 cas sur 10, confirmant la spécialisation des rôles sexués dans les ménages. Cette spécialisation se conjugue cependant avec une forte proportion de couples (79 %) où les femmes gèrent les revenus à égalité avec leurs conjoints (figure 3).
Figure 3. Distribution des couples (%) selon la gestion des revenus

Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
III. Genre et fécondité, genre et nuptialité : quels liens ?
1. L’interprétation des liens entre comportements démographiques et relations de genre
30L’analyse des liens entre, d’une part, les relations de genre et la fécondité et, d’autre part, les relations de genre et la nuptialité, a montré qu’il faut demeurer prudent quant à l’interprétation de leurs interactions (voir encadré en annexe). L’enquête Erfi recèle un ensemble de données permettant, pour la première fois en France, d’analyser ces interactions. Elle témoigne des comportements démographiques qu’ont eus les hommes et les femmes en couple au moment de l’enquête, selon leurs modèles d’organisation, de partage des tâches et de décisions.
31Deux séries de modèles logit sont présentées. La première série (tableau 1) représente la probabilité d’avoir donné naissance à un premier enfant, pour les hommes et les femmes actuellement en couple au sein d’une première union. Le modèle estime la venue du premier enfant du couple actuel alors que plusieurs enfants peuvent être nés après.
Tableau 1. Probabilités (coef. ß) d’avoir eu un premier enfant pour les couples en première union


(a) « Tous âges » et « – 35 ans » (âge de la femme) correspondent aux modèles incluant les répondants qui appartiennent respectivement à tous les couples quel que soit l’âge de la conjointe et aux seuls couples où la femme est âgée de moins de 35 ans.
Légende : ★★★ : significatif à 1 % ; ★★ : à 5 % ; ★ : à 10 % ; Réf. : catégorie de référence.
Champ : hommes et femmes actuellement en première union (4930 répondants).
Lecture : un coefficient supérieur à 0 (resp. inférieur à 0) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (respectivement diminue) les chances d’avoir eu un premier enfant dans le couple actuel (modèles 1), toutes autres variables prises en compte dans le modèle égales par ailleurs. Plus la valeur du coefficient est éloignée de 0, plus l’influence du facteur auquel il est associé est importante.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
32En France, la majorité des couples ont eu au moins un premier enfant ou l’auront par la suite, puisque les couples sans aucun enfant sont très rares14. L’âge des répondants peut bien sûr révéler des trajectoires génésiques plus ou moins longues, les répondants les plus âgés ayant pu vivre la naissance de plusieurs enfants. Cette hétérogénéité a été volontairement prise en compte en distinguant des modèles de fécondité selon l’âge de la femme au sein du couple (moins de 35 ans, 35 ans et plus)15.
33La seconde série de modèles (tableau 2) présente la probabilité de s’être marié pour les répondants vivant aujourd’hui en union. Au même titre que les modèles de fécondité, il conviendra d’interpréter ces modèles de nuptialité comme l’estimation de la probabilité plus ou moins forte pour les hommes et les femmes de s’être mariés en fonction des trajectoires familiales qu’ils ont vécues et des modèles de genre observés au moment de l’enquête. Ils peuvent avoir eu une ou plusieurs unions avant l’union actuelle. Nous avons repris globalement les mêmes variables que pour les modèles sur la fécondité en tenant toutefois compte de la durée entre l’entrée en union et le mariage16.
Tableau 2. Probabilité (coef. ß) de s’être marié au sein du couple actuel


Légende : ★★★ : significatif à 1 % ; ★★ : à 5 % ; ★ : à 10 % ; Réf. : catégorie de référence.
Champ : Hommes et femmes actuellement en union (6011 répondants).
Lecture : Un coefficient supérieur à 0 (resp. inférieur à 0) et statistiquement significatif indique que l’on est en présence d’un facteur qui accroît (respectivement diminue) les chances de s’être marié dans le couple actuel (modèles 2), toutes autres variables prises en compte dans le modèle égales par ailleurs. Plus la valeur du coefficient est éloignée de 0, plus l’influence du facteur auquel il est associé est importante.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1.
34Certaines variables de genre ont la même influence sur les modèles de fécondité et de nuptialité pour les hommes comme pour les femmes. Ainsi, la probabilité que soient survenus une première naissance ou un mariage diminue lorsque les hommes participent plus aux tâches du ménage ou aux décisions familiales. De même, on constate que, lorsque les conjoints gèrent indépendamment leurs propres revenus, les chances d’avoir vécu une première naissance, ou de s’être mariés après être entrés en union, sont bien moins élevées, comme si l’autonomie dans la gestion des revenus au sein du couple était le reflet de parcours individuels et conjugaux moins portés vers la réalisation d’un projet familial. La probabilité pour les répondants d’avoir déjà eu un premier enfant ou de s’être mariés augmente lorsque l’âge de la femme s’élève. De même, plus le temps passe depuis le début de l’entrée en union, moins les répondants ont de chances de vivre la naissance de leur premier enfant.
35Ces deux dimensions des trajectoires individuelles et conjugales jouent un rôle important dans les modèles de fécondité et de nuptialité. En outre, pour les hommes et les femmes actuellement en couple, le fait d’avoir vécu une union antérieure ou d’avoir eu un enfant avant l’entrée en union avec le conjoint actuel, diminue la probabilité de s’être ensuite marié (tableau 2). Au-delà du temps écoulé et des événements vécus, la nature de ces derniers renvoie aussi à des modèles démographiques spécifiques. Ainsi, les enquêtés, hommes et femmes, ayant légalisé leur union par un mariage ont une probabilité plus forte d’avoir déjà vécu la naissance de leur premier enfant.
36Le temps de travail consacré par la femme à une activité professionnelle apparaît enfin comme une composante importante des modèles de fécondité et de nuptialité. Lorsque les femmes travaillent à temps plein ou sont sans activité, on constate une moindre probabilité des répondants hommes et femmes à s’être déjà mariés par rapport aux femmes qui travaillent à temps partiel. De même, les répondants dans ces deux situations sont moins enclins à avoir mis au monde un premier enfant, ce qui est surtout vrai pour les femmes, confirmant l’importance de leur disponibilité en temps pour la vie familiale et d’un second salaire du couple. Dans une analyse ultérieure à partir des données des deux vagues 1 et 2 de l’enquête Erfi, l’activité professionnelle sera une dimension importante à retenir.
2. Des effets différents des relations de genre sur la fécondité et la nuptialité
37Des logiques différentes peuvent apparaître pour les mêmes dimensions explicatives, marquant une certaine hétérogénéité des comportements de fécondité et de nuptialité des hommes et des femmes17. Ainsi, le niveau de diplôme des femmes augmente les probabilités de s’être marié pour les hommes dont les femmes ont accédé à un diplôme supérieur (Bac + 2). À l’inverse, plus le diplôme de la femme est élevé, moins les chances d’avoir déjà eu un premier enfant sont importantes, en particulier si la femme est âgée de moins de 35 ans, car certaines poursuivant de longues études n’auront pas encore débuté leur histoire génésique. Même si les conjoints de même âge semblent plus enclins à se marier, une réelle différence apparaît entre les hommes et les femmes en matière de fécondité. Les femmes qui appartiennent à des couples où le conjoint est plus âgé d’au moins 5 ans ont une plus forte probabilité d’avoir déjà eu un premier enfant comme les hommes plus jeunes que leur conjointe d’au moins 2 ans. Ces résultats montrent la perception différente dans le temps des projets de fécondité des hommes et des femmes, selon leur âge et celui de leur conjoint.
38Enfin, certaines variables de genre révèlent des comportements différents selon le sexe. Alors qu’un partage égalitaire des tâches quotidiennes et l’autonomie dans la gestion des revenus au sein des couples réduisent la probabilité d’avoir un premier enfant ou de s’être déjà marié, c’est aussi le cas des femmes appartenant à des couples où le mari gère très majoritairement les revenus de la famille, quel que soit leur âge.
39Une autre différence correspond à la part des revenus de la femme dans le ménage. Pour la fécondité comme pour le mariage, l’importance des revenus féminins dans le couple n’est pas significative des comportements des hommes. En revanche, pour les femmes, si leurs revenus sont bien moins élevés que ceux de leur conjoint (moins de 25 % des revenus du couple) ou s’ils dépassent ceux de leur conjoint (50 % et plus des revenus du couple), leur probabilité d’avoir déjà eu un premier enfant est plus forte. Cette logique est contraire à celle que l’on observe pour le mariage, puisque les femmes participant majoritairement aux revenus du couple ont bien moins de chances de s’être déjà mariées.
40Deux autres variables de genre jouent différemment pour la fécondité et la nuptialité. La première est le partage des décisions entre les conjoints, significative dans les modèles de fécondité, mais pas dans ceux de nuptialité. Une très forte inégalité dans la prise de décisions en défaveur des femmes renvoie à une plus faible probabilité d’avoir déjà vécu la naissance d’un premier enfant, mais celle-ci augmente lorsque les femmes décident un peu moins que les hommes par rapport à un partage des décisions parfaitement égalitaire. Il existe donc une échelle des responsabilités et des décisions dans les relations au sein des couples qui sont associées à la fécondité et à la nuptialité.
41L’adhésion à des valeurs « traditionnelles » ou « modernes » de la famille a également une influence différente sur les deux modèles démographiques. Ces valeurs ne jouent pas significativement sur les comportements passés de fécondité, à l’exception des hommes qui ont une plus forte probabilité d’avoir déjà vécu la naissance d’un premier enfant lorsqu’ils adhèrent à des valeurs « plutôt modernes », mais leur rôle est marquant dans les modèles de nuptialité. Ainsi, l’attachement à des valeurs « plutôt traditionnelles » ou « très traditionnelles » sur la famille reflète une plus forte propension des hommes et des femmes à s’être mariés. Ce résultat vérifie l’adéquation entre les comportements de nuptialité observés et l’adhésion à des valeurs prônant la stabilité des trajectoires conjugales, l’importance du rôle maternel de la femme et la préférence pour des unions légalisées par le mariage.
Conclusion
42Les données de l’enquête Erfi permettent d’évaluer l’effet des relations de genre au sein des couples sur la fécondité et la nuptialité à l’aide de la construction d’indicateurs. Nous confirmons l’impact négatif des variables montrant le plus d’égalité au sein des couples sur les modèles de fécondité ou de mariage. Cela rejoint les conclusions de nombreux travaux, qui soulignent que « à mesure que les sociétés évoluent du modèle de l’homme soutien de famille vers un modèle d’égalité des sexes, l’accent glisse des coûts économiques vers les coûts indirects18 » réduisant par là la fécondité (McDonald, 2000). Cependant, l’âge des conjoints, l’histoire matrimoniale et féconde antérieure de chacun, le temps de travail et le diplôme des femmes, ainsi que d’autres variables sociodémographiques, interviennent pour nuancer ces résultats.
43Ces observations à partir d’Erfi soulignent la très grande importance de l’histoire personnelle et familiale des partenaires, y compris avant l’union actuelle. Cette histoire intime des couples intervient aussi sur la nature des relations de genre observées à l’enquête, en amont et en aval du couple actuel. Il est difficile d’établir quelle est la cause, quel est l’effet des trajectoires familiales sur les relations de genre. Cependant, la fécondité et la nuptialité sont extrêmement corrélées à la fois à l’histoire personnelle et conjugale et aux relations plus ou moins égalitaires au sein du couple.
44En effet, en tant qu’enquête sur les relations familiales, le genre et les comportements reproductifs, le questionnaire d’Erfi inclut plusieurs dimensions qui sont en général appréhendées dans des enquêtes différentes, car on dispose souvent, soit d’enquêtes sur la fécondité et les relations de genre, soit d’enquêtes sur les relations familiales. C’est une particularité de l’enquête Erfi (et plus généralement des enquêtes GGS) de les réunir dans une même opération. Les résultats confirment bien l’intérêt de cette démarche.
45Dans une perspective comparative internationale, il est intéressant d’observer en France comment les couples s’organisent de façon très différenciée selon le sexe, les femmes réalisant les tâches domestiques plus que les hommes dans près de 8 couples sur 10, alors que près de 8 couples sur 10 gèrent leurs revenus de manière égalitaire.
46Du point de vue méthodologique, les résultats obtenus montrent l’intérêt de séparer l’indicateur de genre en deux dimensions : un groupe de variables d’organisation du couple et de partage des tâches indiquant les obligations et les responsabilités ; un autre groupe de variables sur l’égalité au sein des couples du point de vue objectif (gestion des ressources) et subjectif (valeurs sur la famille) représentant les droits et le pouvoir au sein des couples. Ces deux dimensions se combinent entre elles de différentes manières.
47Les comparaisons internationales, en testant les modèles avec des données d’autres enquêtes GGS, et le suivi longitudinal à partir des prochaines vagues des enquêtes GGS, permettront de poursuivre la réflexion théorique et méthodologique à propos des indicateurs et des relations de genre sur les mutations démographiques et familiales. Symétriquement, il faudra également s’intéresser aux conséquences des transformations démographiques et familiales sur les relations entre les conjoints et plus généralement sur les systèmes de genre.
Tableau A. Variables sociodémographiques
Variables | Effectifs | % |
Présence du conjoint/de la conjointe lors de l’enquête | ||
Absence | 4236 | 69,8 |
Présence | 1777 | 30,2 |
Total | 6013 | 100,0 |
Âge de la conjointe | ||
Moins de 25 ans | 210 | 3,7 |
25-34 ans | 1036 | 18,0 |
35-44 ans | 1408 | 23,5 |
45 ans et plus | 3359 | 54,8 |
Total | 6013 | 100,0 |
Durée entre le début de l’union et la naissance | ||
du premier enfant (ou la date de l’enquête) | ||
2 ans ou moins | 620 | 11,0 |
2-5 ans | 1343 | 23,3 |
5-10 ans | 2397 | 38,7 |
10 ans et plus | 1653 | 27,0 |
Total | 6013 | 100,0 |
Durée entre le début de la cohabitation | ||
et le mariage (ou la date de l’enquête) | ||
Mariage antérieur ou au moment de l’union | 2825 | 47,0 |
De 1 à 2 ans | 672 | 11,2 |
De 2 à 5 ans | 1236 | 20,5 |
De 5 à 10 ans | 709 | 11,8 |
Après plus de 10 ans | 569 | 9,5 |
Total | 6 011(a) | 100,0 |
Statut de l’union au moment de l’enquête | ||
Non-marié | 1245 | 22,0 |
Marié | 4768 | 78,0 |
Total | 6013 | 100,0 |
Présence d’unions antérieures à l’actuelle union | ||
Pas d’union antérieure | 4930 | 82,1 |
Union antérieure | 1083 | 17,9 |
Total | 6013 | 100,0 |
Naissance d’enfants avant l’union actuelle | ||
Pas de naissance | 5320 | 88,4 |
Au moins une naissance | 693 | 11,6 |
Total | 6013 | 100,0 |
Niveau de diplôme de la femme | ||
Aucun, CEP | 1576 | 27,4 |
BEPC, CAP, BEP | 1897 | 30,8 |
Bac | 905 | 15,0 |
Diplôme supérieur (Bac + 2) | 1635 | 26,8 |
Total | 6 013 | 100,0 |
Temps de travail de la femme | ||
Temps plein | 2331 | 38,8 |
Temps partiel | 1155 | 18,5 |
Sans activité | 2527 | 42,7 |
Total | 6013 | 100,0 |
Différence d’âge entre conjoints | ||
Homme plus jeune d’au moins 2 ans | 777 | 12,8 |
Homme et femme du même âge | 1877 | 30,6 |
Homme plus âgé de 2 à 4 ans | 1883 | 31,2 |
Homme plus âgé d’au moins 5 ans | 1476 | 25,4 |
Total | 6013 | 100,0 |
Tableau B. Variables d’organisation et de partage au sein des couples
Variables | Effectifs | % |
Partage de toutes les tâches (domestiques, économiques, soc | iales) | |
Exclusivité des femmes pour les tâches domestiques | 448 | 7,4 |
Les hommes participent peu aux tâches domestiques mais aux tâches économiques et sociales | 1875 | 30,5 |
Les hommes participent à toutes les tâches mais moins que les femmes | 2392 | 39,2 |
Les hommes participent à plus de la moitié des tâches domestiques et partagent les tâches sociales et économiques | 1298 | 22,9 |
Total | 6013 | 100,0 |
Partage des tâches domestiques | ||
Exclusivité des femmes pour les tâches domestiques | 1312 | 21,1 |
Les hommes participent un peu aux tâches domestiques | 1814 | 29,7 |
Les hommes participent un peu moins que les femmes | 1658 | 27,6 |
Les hommes participent autant ou un peu plus que les femmes | 1227 | 21,6 |
Total | 6011 | 100,0 |
Part des revenus de la femme dans le ménage | ||
Moins de 25 % | 1367 | 23,4 |
25-39 % | 1201 | 19,3 |
40-49 % | 1184 | 19,6 |
Plus de 50 % | 1191 | 20,1 |
NSP | 1070 | 17,6 |
Total | 6013 | 100,0 |
Partage de toutes les décisions | ||
La femme décide bien moins ou pas du tout | 559 | 9,2 |
La femme décide un peu moins | 2810 | 45,6 |
Les décisions sont partagées pour tous domaines | 2206 | 37,3 |
La femme décide plus que son conjoint | 438 | 7,9 |
Total | 6013 | 100,0 |
Tableau C. Variables d’égalité/inégalité au sein des couples
Variables | Effectifs | % |
Gestion des revenus par les conjoints | ||
L’homme gère majoritairement | 183 | 3,3 |
Gestion égalitaire | 4777 | 78,8 |
Autonomie dans le couple | 740 | 12,6 |
La femme gère majoritairement | 234 | 3,9 |
Autre | 79 | 1,4 |
Total | 6013 | 100,0 |
Valeurs sur la famille | ||
Très modernes | 609 | 10,4 |
Plutôt modernes | 1690 | 27,6 |
Plutôt traditionnelles | 2150 | 35,4 |
Très traditionnelles | 1564 | 26,6 |
Total | 6013 | 100,0 |
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Annexe
Annexes
(a) Pour les modèles de mariage, sur les 6013 répondants en couple au moment de l’enquête, seuls 6011
ont été sélectionnés pour l’analyse. L’absence de données sur le moment de l’entrée en union ou du mariage
pour deux répondants de l’échantillon a conduit à les exclure de l’analyse du mariage.
Champ : tous les répondants, hommes et femmes, en couple au moment de l’enquête.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
Champ : tous les répondants, hommes et femmes, en couple au moment de l’enquête.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1.
Champ : tous les répondants, hommes et femmes, en couple au moment de l’enquête.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1.
Encadré. Appréhender les liens entre genre et comportements démographiques S’interroger sur la relation entre la fécondité et le genre ou entre la nuptialité et le genre conduit à préciser les termes de l’analyse, notamment la nature des événements fécondité et nuptialité étudiés. Pour l’analyse de la fécondité, nous avons choisi de nous intéresser à la naissance du premier enfant du couple en cours au moment de l’enquête. Plusieurs raisons justifient ce choix. La première est que les variables de genre ayant été construites à partir de situations observées au moment de l’enquête, il apparaît nécessaire de se limiter à la fécondité des couples actuels, les variables de genre ne pouvant se référer à une union précédente. Cette précision est d’importance puisqu’elle suggère que les répondants, hommes et femmes, sont susceptibles d’avoir vécu d’autres unions et la naissance d’autres enfants avant l’union actuelle. L’histoire matrimoniale ou génésique passée peut en effet jouer un rôle dans la venue d’une première naissance ou d’une nouvelle union. Nous avons retenu uniquement les premières naissances du couple, ce qui présente l’avantage de traiter d’un même événement, au demeurant le plus fréquent.
Deux logiques d’interprétation peuvent apparaître. La première considère comme stables les liens entre les conjoints, leurs statuts, rôles et places dans le couple. La situation des conjoints observée au moment de l’enquête renverrait à un modèle d’organisation, de partage et de relation entre les conjoints qui changerait peu avec le temps et qui serait le cadre de la fécondité antérieure. Ainsi, plus que l’organisation précise des couples et la nature spécifique des relations entre les conjoints, pouvant tous deux changer au fil du temps, c’est le modèle global de genre auquel les couples se conforment qui serait ici estimé. Cette hypothèse suppose que les relations de genre demeurent stables malgré le temps passé et les événements de l’histoire de vie. Nous aurons les moyens de vérifier la pertinence de cette hypothèse lorsque les données de la seconde vague Erfi seront disponibles et que nous pourrons comparer les situations des couples entre 2005 et 2008, selon les événements survenus durant l’intervalle.
La seconde logique d’interprétation conduit à considérer les relations observées au moment de l’enquête comme l’aboutissement d’un parcours individuel et conjugal. Étudier les relations entre la fécondité ou la nuptialité d’une part, et les situations de genre d’autre part, reviendrait à identifier des modèles démographiques en fonction de l’histoire du couple. Les relations de genre observées au moment de l’enquête seraient le résultat du parcours des répondants avec leur conjoint, les naissances ou le mariage pouvant modifier l’organisation du couple, les statuts et les rôles des conjoints. Pour mieux appréhender les déterminants des comportements masculins et féminins et les moments de l’histoire de vie, nous avons construit séparément des modèles de fécondité, selon le sexe et selon l’âge de la conjointe (moins de 35 ans et 35 ans ou plus).
Ce même questionnement est au cœur de la relation entre le genre et la nuptialité, plus précisément l’entrée dans le mariage pour les couples actuels. Comme pour la fécondité, la description des relations au sein du couple au moment de l’enquête a imposé le choix des couples actuels comme champ d’analyse et les modèles ont été réalisés séparément pour les hommes et les femmes. Les variables sociodémographiques et les indicateurs de genre sont ceux observés au moment de l’enquête.
Notes de bas de page
1 Terme anglais qui peut se traduire par « pouvoir d’agir ».
2 Ces recherches ont pu voir le jour grâce à de nombreux financements internationaux de la part de la Banque mondiale et des Nations unies, du FNUAP et des fondations internationales finançant la recherche sur la population (comme la fondation Rockfeller, William and Flora Hewlett Foundation, etc.)
3 Une révision approfondie des enquêtes et indicateurs de genre est proposée par Brígida García, 2003. Voir également Cosio-Zavala, 2000.
4 Chacune des cinq dimensions inclut des batteries de questions qui forment des indicateurs composés (Mason et al., 1995).
5 Au Congrès mondial de la population, UIESP, à Tours (17-23 juillet 2005) la session 175, « Collecting and analysing data on gender », a montré les divergences des indicateurs de genre proposés pour mesurer l’empowerment dans différentes recherches internationales.
6 « Demographic behaviour is fundamentally affected by gender considerations » (UNECE, PAU, 2002, p. 8).
7 La définition du couple retenue ici s’appuie sur la notion de « vie en couple » proposée par le questionnaire GGS. Elle repose sur le fait pour les répondants de vivre sous le même toit avec un conjoint pendant au moins 3 mois consécutifs, soit 6013 couples dans l’enquête française (Erfi).
8 « Qui dans le ménage s’occupe des repas quotidiens, de la vaisselle, des courses d’alimentation, du repassage de linge, du paiement des factures, de l’organisation de la vie sociale du ménage (invitations, sorties) : toujours la femme, le plus souvent la femme, autant la femme que l’homme, le plus souvent l’homme, toujours l’homme, toujours ou le plus souvent un autre membre du ménage ? »
9 « Qui dans le ménage prend les décisions concernant les achats quotidiens, les achats exceptionnels, l’éducation des enfants (le cas échéant), la vie sociale ? » (les modalités de réponses sont identiques à celles proposées pour décrire la répartition des tâches domestiques).
10 Une modalité précise le cas où le revenu de l’un des conjoints (ou des deux conjoints) n’est pas connu. Nous l’avons conservée car elle peut représenter l’organisation au sein du couple, par la connaissance ou la méconnaissance des revenus des conjoints.
11 Les enquêtés devaient dire s’ils étaient ou non d’accord avec un ensemble d’assertions. Notre indicateur caractérise en quatre catégories (très moderne, plutôt moderne, plutôt traditionnel et très traditionnel) les personnes en fonction des réponses faites aux questions suivantes : « Dans un couple c’est mieux quand l’homme est plus âgé que la femme ; Si une femme gagne plus que son conjoint, c’est mauvais pour leur relation ; Les femmes devraient pouvoir décider comment dépenser l’argent qu’elles ont gagné sans avoir à demander l’accord de leur conjoint ; Le mariage est une institution dépassée ; C’est bien pour un couple non-marié de cohabiter même s’ils n’ont pas l’intention de se marier ; Le mariage est un lien pour la vie, qui ne devrait jamais être rompu ; Si des gens sont malheureux en couple, ils peuvent divorcer, même s’ils ont des enfants ; Pour s’épanouir, une femme doit avoir des enfants ; Pour s’épanouir, un homme doit avoir des enfants ; Pour grandir en étant heureux, un enfant a besoin d’un foyer avec un père et une mère ; Une femme peut avoir un enfant et l’élever seule si elle n’a pas envie d’avoir une relation stable avec un homme. »
12 Nous pourrions dire égalitaires et inégalitaires. Mais les questions portent plutôt sur des opinions générales et non sur la question de l’égalité. Faute de mieux, nous utilisons les termes « traditionnelles » et « modernes ».
13 Dans plus de la moitié des cas, les tâches quotidiennes sont principalement assurées par les femmes : dans 21 % des couples, les femmes ont l’exclusivité des tâches domestiques et dans 30 % des cas les hommes ne s’investissent que très peu dans les tâches domestiques.
14 Seuls 14 % des couples en union au moment de l’enquête n’ont aucun enfant.
15 Dans le tableau 1 sur les modèles de fécondité, nous n’avons reporté que les résultats inhérents aux modèles généraux (tous âges confondus) et aux modèles portant sur les répondants de couples dont la femme a moins de 35 ans, lesquels sont en âge de constituer leur descendance, notamment d’avoir un premier enfant.
16 Parmi les variables explicatives, quelques aménagements ont été effectués afin d’améliorer la significativité des modèles de mariage. Par exemple la variable « partage des tâches domestiques » a été ajoutée et la variable « partage de toutes les décisions » a été retirée afin d’améliorer la significativité des modèles de mariage selon le sexe.
17 Les modèles selon les groupes d’âges permettent de distinguer les couples où la femme a plus ou moins de 35 ans au moment de l’enquête. Ces dernières sont en train de constituer leur descendance, ce qui permet de ne pas trop s’éloigner du moment d’observation des variables de partage des tâches et d’organisation du couple et d’égalité/inégalité entre les conjoints. Globalement, les effets des variables sur les probabilités d’avoir eu son premier enfant sont les mêmes que dans les modèles de fécondité quel que soit le groupe d’âges (tableau 1). C’est particulièrement vrai dans les modèles des femmes de moins de 35 ans, qui sont celles qui influent activement sur les probabilités de naissance des premiers enfants des couples en France.
18 Qui est surtout le coût de perte de revenu par les femmes imposé par l’éducation des enfants (McDonald, 2000). Les politiques familiales peuvent le réduire ou le compenser.
Auteurs
professeur à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense (département de Sociologie), rattachée au Centre de recherche Populations et Sociétés (Cerpos). Elle a publié différents ouvrages sur les évolutions des relations de genre en relation avec les dynamiques démographiques et familiales, tout particulièrement en Amérique latine et au Mexique.
Maître de conférences en démographie, enseignant-chercheur à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense (département de Sociologie), rattaché au Centre de recherche Populations et Sociétés (Cerpos) et chercheur associé à l’Ined. Ses recherches portent sur l’étude des histoires de vie en démographie, le passage à l’âge adulte et la formation de la famille en France et en Europe. Les dynamiques familiales et migratoires en Amérique latine constituent un autre de ses champs d’études. Il coordonne également, avec Cécile Lefèvre et Alain Blum, l’exploitation comparée de l’enquête Erfi avec d’autres pays (Russie, Géorgie, Lituanie).
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2019
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2020
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