Chapitre 8. L’organisation des tâches domestiques et parentales dans le couple
p. 219-239
Note de l’éditeur
Une partie des résultats présentés dans cet article a déjà donné lieu à publication (Bauer, 2007) et est reprise ici avec l’aimable autorisation de la revue Études et résultats de la Drees.
Texte intégral
Introduction
1Dans le contexte d’une participation accrue des femmes au marché du travail et d’une volonté plus fréquente des pères de s’occuper des enfants et de participer à leur éducation, le partage des tâches domestiques et parentales constitue un enjeu de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Dans quelle mesure ce partage se rééquilibre-t-il ? Plusieurs enquêtes ont permis d’étudier des différences d’implication entre père et mère à la maison : enquête Emploi du temps (Algava, 2002 ; Ponthieux et al., 2006), Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages (Brown, 2007), enquête Congés autour de la naissance (Bauer, 2006).
2L’enquête Erfi aborde la question de l’organisation des tâches domestiques et parentales au sein des ménages. Elle apporte, en outre, des éléments sur le fonctionnement de l’ensemble de la famille (aide de l’entourage, recours à des services ménagers, etc.) et sur la satisfaction ressentie par les membres du couple quant aux modalités d’organisation adoptées. L’échantillon représentatif est composé de 2676 individus vivant en couple et comptant au moins un enfant âgé de moins de 14 ans (encadré 1).
Encadré 1. Présentation de la population étudiée
On trouve autant d’hommes que de femmes parmi les individus enquêtés (un seul individu répondait dans chaque ménage, on ne connaît donc pas les opinions du conjoint), ils sont d’âge moyen (60 % appartiennent à des couples formés de deux personnes de 30-45 ans) et composent des couples le plus souvent bi-actifs (63 %) ; dans le cas contraire, c’est la mère qui est inactive. Dans près de la moitié des ménages étudiés, il y a un seul enfant de moins de 14 ans, dans moins de 15 %, il y en a trois ou plus. Dans un tiers des cas, le ménage comporte au moins un enfant de moins de 3 ans. Les parents ont un niveau de formation lié à leur génération : dans au moins 45 % des ménages, l’un des deux ou les deux ont un niveau de diplôme égal ou supérieur à Bac + 2.
3Sept modes d’organisation domestique et parentale ont été dégagés selon le degré et la nature de l’implication de chacun des parents à la maison. Une analyse, toutes choses égales par ailleurs, permet ensuite de confronter ces différentes configurations à l’investissement professionnel de chacun des membres du couple. Les appréciations et opinions associées à chaque configuration sont également observées. Au-delà du schéma classique où l’essentiel de la charge domestique et familiale est assuré par les mères, existe-t-il d’autres configurations organisationnelles ?
4Les appréciations portées par les uns et les autres sur ces modes d’organisation peuvent témoigner, en outre, d’évolutions futures souhaitables et donc, peut-être, probables.
I. Des pères toujours moins impliqués que les mères
5Pour la majorité des individus enquêtés, les mères se chargent toujours, ou le plus souvent, de la prise en charge des enfants malades, de l’habillement et des devoirs (figure 1) respectant un modèle « traditionnel » (Badget et Folbre, 1999). La répartition est moins inégale quand il s’agit d’emmener et d’aller chercher les enfants, ou de les mettre au lit. Concernant la participation aux activités de loisirs, le partage semble de règle entre père et mère dans les deux tiers des cas : 21 % des pères se chargent seuls, le plus souvent, d’au moins une tâche (plutôt les loisirs ou les déplacements), mais il est peu fréquent (moins de 9 %) qu’ils aient l’exclusivité d’au moins deux tâches.
Figure 1. Concernant les enfants, qui se charge de…?

6Quant à la distribution des tâches ménagères, elle témoigne toujours d’une forte spécialisation des genres (Colin et al., 2005 ; Brown et al., 2004). Dans la majorité des cas, c’est la femme qui assure toujours, ou le plus souvent, le repassage du linge, la préparation quotidienne des repas, le passage de l’aspirateur et les courses (figure 2). La répartition est moins systématiquement déséquilibrée pour la vaisselle, les comptes ou la gestion de la vie sociale. En revanche, l’homme assure seul le bricolage, dans plus des trois quarts des ménages. On note peu de différences dans les ménages comportant un enfant de moins de 3 ans, si ce n’est qu’il est alors un peu plus fréquent que le père s’occupe autant que la mère des courses, du ménage et même du repassage. Si la mère n’a pas d’activité professionnelle, quatre tâches lui reviennent systématiquement : la préparation des repas, la vaisselle, le repassage et le ménage.
Figure 2. À la maison, qui se charge de…?

Champ pour les deux figures : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
7Par ailleurs, 5 % des ménages déclarent bénéficier d’une aide de l’entourage : elle est essentiellement féminine et provient de la mère ou de la belle-mère dans trois cas sur quatre. Ce recours dépend de la proximité de l’aidant, puisque, toutes choses égales par ailleurs, l’aide2 est près de deux fois plus fréquente quand la mère habite, au plus, à 5 minutes de la maison (par référence à la situation où elle habite à au moins une demi-heure de trajet). Les individus vivant dans des couples composés de deux indépendants (agriculteurs, artisans ou commerçants) profitent d’une aide de ce type près de trois fois plus souvent que les couples d’ouvriers ou d’employés.
8Le nombre d’enfants présents dans le ménage, ou leur jeune âge, sont sans effet sur la probabilité de bénéficier d’une aide informelle pour les tâches domestiques. Enfin, 10 % des personnes déclarent que leur ménage « paye quelqu’un régulièrement pour s’occuper de la maison ». Pour caractériser les utilisateurs de ce type de services, tout en se garantissant des effets liés à d’éventuelles corrélations entre les caractéristiques de ces personnes, ce recours a été examiné dans le cadre d’une analyse toutes choses égales par ailleurs. Les plus aisés et les plus diplômés sont proportionnellement les plus nombreux à payer des services ménagers : pour les ménages ayant les revenus les plus élevés, la probabilité d’y recourir est multipliée par 6 par rapport aux ménages de revenu intermédiaire (tableau 1) ; quand les deux parents sont diplômés à un niveau au moins égal à Bac + 2, cela multiplie cette probabilité par 11, comparée à celle des parents qui ont un diplôme de type BEP (brevet d’études primaires) ou CAP (certificat d’aptitude professionnelle). S’il est très rare d’avoir une femme de ménage quand on a moins de 30 ans, c’est en revanche nettement plus probable quand les deux parents ont 40 ans ou plus. Le fait que la mère de famille soit inactive exclut le plus généralement le recours à des services ménagers.
Tableau 1. Probabilité d’acheter des services ménagers

Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Lecture : l’individu de référence appartient à un ménage où les deux membres du couple travaillent, où ils ont tous deux de 30 à 39 ans, qui compte 3 personnes, où les parents ont au mieux un diplôme de type BEP/CAP, où le revenu mensuel par unité de consommation est de 835 à 1235 €. Exemple : quand les deux parents ont 40 ans au moins, cela multiplie par 3,1 la probabilité, pour le ménage, d’acheter des services ménagers.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
9Enfin, quand la famille compte au moins 5 personnes (un couple et trois enfants quel que soit l’âge de ces derniers), la probabilité d’acheter ces services est 3 fois plus élevée.
II. Une typologie des différents modes d’organisation
10Au-delà du constat généralement fait d’une inégalité d’implication domestique entre homme et femme, il faut chercher à vérifier l’existence d’autres modes d’organisation. Pour ce faire, une analyse des correspondances multiples a été réalisée à partir de variables permettant de mesurer l’implication domestique et parentale de chacun des deux conjoints. Elles reflètent des distributions de tâches domestiques et parentales différenciées (tableau 2). Les caractéristiques socioéconomiques des couples inscrits dans ces catégories ont également été examinées (tableau 3).
Tableau 2. Mode de réalisation des tâches domestiques et parentales

Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Lecture : dans les ménages de la catégorie « Les mères font tout ou presque », 94 % des mères se chargent toujours ou le plus souvent de la préparation des repas, alors que dans la catégorie des ménages « Les couples partagent toutes les tâches » 41 % des mères s’en chargent toujours ou le plus souvent.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
Tableau 3. Caractéristiques sociodémographiques des diverses catégories

Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Lecture : 42 % des ménages de la catégorie « Les mères font tout ou presque » ont un ou des enfant(s) de moins de 3 ans, alors que 12 % des ménages de la catégorie « Les couples partagent toutes les tâches » ont un ou des enfant(s) de moins de 3 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
11L’analyse de données a été réalisée à partir de huit éléments décrivant la participation de chacun des deux membres du couple : quatre éléments touchant aux tâches de la maison (préparation des repas, passage de l’aspirateur, bricolage et règlement des factures) et quatre autres concernant la prise en charge des enfants (s’occuper d’eux quand ils sont malades, jouer avec eux, gérer leurs déplacements et leur habillement). Pour chacune des variables, trois modalités ont été distinguées : selon que c’était la mère ou le père qui se chargeait toujours ou le plus souvent de cette tâche, ou, autant le père que la mère ; une modalité « autre » (une autre personne de la famille, une personne rémunérée, etc.) a été considérée quand elle concernait un nombre significatif de ménages.
12Certaines tâches n’ont pas été prises en compte : soit parce qu’elles présentaient des schémas de répartition proches de celui d’une autre tâche déjà introduite dans l’analyse (ainsi l’exécution du repassage semble obéir aux mêmes règles de répartition que la préparation des repas au quotidien, en creusant encore les écarts hommes/femmes ; de même pour la réalisation des courses d’alimentation ou la vaisselle dont le profil de répartition est proche de celui du passage de l’aspirateur ; l’aide aux devoirs et la prise en charge des trajets des enfants sont gérés par les parents selon des modalités proches également) ; soit parce qu’elles n’avaient qu’un intérêt limité dans la définition des participations de l’un par rapport à l’autre membre du couple, la modalité de réalisation privilégiée étant celle du partage (de façon majoritaire pour l’organisation de la vie sociale, de façon modale pour le coucher de l’enfant).
13La classification (non présentée ici) a été effectuée en utilisant les six premiers axes de l’analyse des correspondances ; la partition en sept classes a été jugée la plus pertinente.
14Dans plus de la moitié des cas (57 %), la mère garde un rôle exclusif ou essentiel : elle est chargée de toutes les tâches ou presque dans la catégorie 1 (19 %) ; elle conserve un rôle essentiel, mais prend en charge les tâches de manière moins exclusive dans la catégorie 2 (28 %) ; elle conserve un rôle dominant dans la catégorie 7 (10 %), mais le couple recourt plus que la moyenne à l’achat de services ménagers.
15Des configurations plus égalitaires s’observent dans 30 % des couples : dans la catégorie 3 (16 %), où les couples partagent toutes les tâches ; dans la catégorie 4 (14 %), où ils partagent essentiellement les tâches parentales. Dans 13 % des ménages enfin, le père montre une participation plus importante : catégorie 5 (7 %), il s’occupe globalement plus souvent de certaines tâches ; catégorie 6 (6 %), il assume seul certaines tâches, jusqu’à relayer la mère.
1. Catégorie 1 (19 %) : les mères font tout ou presque
16Dans ces couples, l’investissement de la mère est dominant dans la quasi-totalité des tâches, même dans le bricolage. Elle prend plus souvent les décisions pour les achats quotidiens (72 % contre 51 %), l’éducation des enfants, la vie sociale et les loisirs. Dans ce groupe se trouvent plus de femmes inactives et d’hommes actifs occupés, fidèle illustration de l’organisation dans la famille de « Monsieur Gagnepain » (Strobel, 1997).
17Ces ménages comptent généralement deux enfants ou plus. Les femmes ne sont globalement pas satisfaites de cette répartition des tâches : elles ont plus souvent attribué une note de satisfaction basse ou moyenne (33 % contre 22 % en moyenne).
2. Catégorie 2 (28 %) : les mères conservent un rôle essentiel
18C’est la catégorie de taille la plus importante. Elle présente moins de traits distinctifs que les autres. On y trouve plus de mères qui assument le plus souvent les tâches domestiques et relatives aux enfants, mais de manière moins exclusive que dans la catégorie précédente.
19Il y a plus souvent un enfant de moins de 3 ans. Cette catégorie compte plus de parents d’âge moyen (30-45 ans) et moins de parents âgés. On y trouve près de deux fois plus de couples associant employé et ouvrier, que de couples de cadre supérieur/profession intermédiaire. Il s’agit deux fois moins qu’en moyenne de ménages disposant de revenus supérieurs ou égaux à 3000 euros par mois.
3. Catégorie 3 (16 %) : les couples partagent toutes les tâches
20Dans la majorité des cas, les tâches ménagères comme celles touchant aux enfants sont partagées au sein du couple, ainsi que les décisions pour les achats (au quotidien ou à caractère exceptionnel). Seules les tâches les plus spécialisées restent clairement affectées à l’un ou l’autre sexe : les femmes ont le monopole du linge et les hommes celui du bricolage.
21Cette configuration est celle qui recueille le plus de satisfaction, que ce soit l’homme ou la femme qui réponde. Ces couples sont plutôt situés dans le bas de l’échelle des revenus et l’homme est peu diplômé.
4. Catégorie 4 (14 %) : les couples partagent surtout les tâches parentales
22Quand les enfants sont malades, pour leurs trajets ou les activités de loisirs, comme pour les décisions les concernant, il y a dans cette catégorie beaucoup plus de partage. Du côté domestique, la répartition se rapproche de la moyenne.
23Il s’agit plutôt de couples aisés, qui bénéficient de revenus supérieurs aux autres ménages et une partie d’entre eux recourent à l’achat de services pour le ménage ou pour le linge. Plus fréquemment diplômés, les femmes et les hommes de ces couples appartiennent aussi plus souvent à des catégories socioprofessionnelles du haut de l’échelle sociale.
5. Catégorie 5 (7 %) : les pères participent globalement plus qu’en moyenne
24Pour s’occuper du ou des enfant(s) quand ils sont malades, les transporter, mais aussi pour faire les courses, les repas ou la vaisselle, les pères de cette catégorie se mobilisent plus souvent que les autres pères. La gestion des factures et le passage de l’aspirateur sont des tâches qu’ils partagent volontiers.
25Par rapport à l’ensemble de la population étudiée, cette catégorie comporte davantage de ménages avec un seul enfant ayant plus souvent moins de 3 ans. Les plus jeunes couples sont également plus nombreux et leurs membres appartiennent plus souvent à des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) proches (30 % de couples de cadre/profession intermédiaire ou d’indépendants et 29 % de couples d’ouvriers/employés).
6. Catégorie 6 (6 %) : les pères assument seuls certaines tâches
26Pour les déplacements des enfants, mais également pour leur prise en charge s’ils sont malades, jouer avec eux ou même passer l’aspirateur, le père est ici en première ligne.
27Il s’agit davantage de personnes vivant dans des ménages comptant en moyenne deux enfants. La mère y est active dans la quasi-totalité des cas, alors que l’on trouve moins de pères occupant effectivement un emploi. Les mères y sont aussi plus souvent diplômées du supérieur.
28C’est la seule catégorie de la typologie où l’on trouve plus de couples avec une femme cadre ou de profession intermédiaire et un homme d’une autre PCS (indépendant, employé ou ouvrier).
7. Catégorie 7 (10 %) : ni l’un ni l’autre
29Dans ces ménages, la répartition des tâches se distingue peu de celle observée pour l’ensemble des personnes interrogées, sauf sur le plan du recours à des services ménagers : dans 21 % des cas, c’est une autre personne qui passe l’aspirateur (7 % en moyenne). Autre trait distinctif, les enfants se débrouillent plus par eux-mêmes pour ce qui concerne leur habillement, les déplacements, etc.
30Ces personnes vivent dans des ménages où les enfants sont grands, certains étant même déjà partis de la maison. Il y a fréquemment un seul enfant de moins de 14 ans, plus âgé qu’en moyenne dans les autres catégories, il a moins besoin qu’on s’occupe de lui. La majorité des parents ont tous deux 40 ans ou plus et travaillent. Ils sont 18 % à recourir à des services payants pour le ménage ou pour le linge (contre 10 % en moyenne). Il s’agit de couples de parents plus avancés dans le cycle de vie, leurs enfants ont (presque tous) grandi jusqu’à une relative autonomie pour ce qui est des tâches quotidiennes.
31En outre, l’ancienneté professionnelle des parents et/ou le fait que la mère ait pu reprendre une activité professionnelle après une éventuelle interruption leur fournissent des revenus plus confortables, donc favorables au recours à des services ménagers payants.
Les différences de réponses dans les catégories de la typologie (%)

Catégorie 1 : « le mères font tout ou presque ». Catégorie 2 : « les mères conservent un rôle essentiel ». Catégorie 3 : « les couples partagent toutes les tâches ». Catégorie 4 : « les couples partagent surtout les tâches parentales ». Catégorie 5 : « les pères participent globalement plus qu’en moyenne ». Catégorie 6 : « les pères assument seuls certaines tâches ». Catégorie 7 : « ni l’un ni l’autre ».
Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
III. Les rapports entre implication domestique et implication professionnelle
32Pour de nombreuses femmes, il a été montré qu’une forte implication domestique va de pair avec un moindre investissement professionnel (Anxo et al., 2002) ; cette interdépendance entre la vie professionnelle et la vie familiale est a priori moins marquée pour les hommes. Pour tester cette hypothèse, les liens existant entre l’implication domestique et l’implication professionnelle de l’homme et de la femme au sein des couples avec enfant(s) ont été examinés.
33La probabilité de s’inscrire dans l’une ou l’autre catégorie organisationnelle a été estimée en rapport avec les caractéristiques des situations professionnelles de l’homme et de la femme : l’occupation d’un emploi pour l’homme et pour la femme, le statut professionnel de l’homme, l’écart de revenus entre les conjoints, la comparaison des temps de travail et des temps de trajet (domicile-lieu de travail) entre pères et mères. L’effet propre de chaque variable a été testé toutes choses égales par ailleurs.
1. Une répartition très déséquilibrée quand seul l’un des conjoints travaille
34L’enquête n’apporte pas d’éléments sur les circonstances qui ont conduit l’un des conjoints à ne pas exercer ou à arrêter une activité professionnelle. Elle permet en revanche d’observer comment les ménages s’organisent dans ce cas. La répartition des tâches est plus fréquemment déséquilibrée quand l’un des deux membres du couple est le seul apporteur de ressources, l’autre se consacrant alors logiquement aux tâches domestiques et parentales (tableau 4). Toutes choses égales par ailleurs, le fait d’appartenir à un couple où l’homme travaille et la femme est au foyer, multiplie par trois la probabilité de faire partie d’une configuration où la quasi-totalité des tâches domestiques incombe à la mère (catégorie 1).
35Cela accroît également celle d’appartenir à la catégorie où la mère reste la principale exécutante (catégorie 2). Ce résultat s’observait également dans les études comparées des temps domestiques des hommes et des femmes. Symétriquement, quand seule la femme occupe un emploi, la probabilité de faire partie de la catégorie où le père assume totalement certaines tâches (catégorie 6) est multipliée par dix. Ce dernier point a moins fréquemment été étudié alors qu’il tendrait à prouver qu’un « renversement » des rôles est possible : dans des situations encore peu fréquentes, les normes « de genre » qui déterminent les rôles sociaux assignés aux femmes et aux hommes pourraient être remises en cause.
36Afin de se garantir d’éventuels effets déclaratifs dans les travaux ici présentés (encadré 2), le fait que le répondant soit un homme ou une femme et qu’il ait répondu à l’enquête seul(e) ou en présence d’une tierce personne a été introduit dans le cadre des analyses « toutes choses égales par ailleurs » (tableau 4). On constate alors que le sexe du répondant comme le contexte d’enquête (avec ou sans témoin) participent de la construction de la typologie mais seulement sur certaines catégories (catégories 1, 3 et 6). Cependant, que cette variable figure ou ne figure pas dans les analyses, l’influence des divers facteurs dans la division des tâches – l’activité de l’un et/ou de l’autre, le rapport entre les CSP des deux conjoints, le statut professionnel de l’homme, le nombre d’heures hebdomadaires de l’homme, le temps de travail de la femme… – reste identique.
Encadré 2. Les différences de réponses entre hommes et femmes
L’enquête Erfi a été réalisée à partir d’interviews en face à face avec une personne dans chaque ménage. Or, comme le souligne Arnaud Régnier-Loilier (2007), la répartition des tâches domestiques est un sujet sensible « dans la mesure où c’est un domaine résolument « sexué » et qu’il représente un enjeu important entre conjoints ». Ainsi celui qui répond à l’enquête peut être tenté de valoriser son propre rôle, d’autant plus s’il répond sans témoin (voir le chapitre 7).
Dans la typologie élaborée à partir de la répartition des tâches domestiques et parentales déclarées, les hommes décrivent davantage certaines configurations (correspondant aux catégories 3 et 6) et les femmes celle de la catégorie 1. Cependant, dans la catégorie 1, la surreprésentation de répondantes va également de pair avec une plus forte fréquence de femmes inactives : 31 % contre 18 % en moyenne, ces femmes ayant une probabilité plus élevée de prendre en charge l’essentiel des tâches domestiques et parentales, comme d’être la personne du ménage qui répond à l’enquêteur venu frapper à la porte et sans témoin. Symétriquement, dans la catégorie 6, la surreprésentation des répondants hommes s’accompagne d’une plus faible proportion d’hommes actifs occupés : 77 % contre 90 % en moyenne.
2. Une comparaison selon le statut d’activité
37Le statut d’activité constitue un deuxième élément discriminant : quand le père est actif occupé, le fait d’être indépendant est peu favorable à une participation significative aux tâches de la maison (tableau 4). Pour les hommes, être à son compte semble relativement incompatible avec une participation aux tâches domestiques et parentales significative (catégorie 5) ou simplement équivalente à celle de sa compagne (catégorie 3). À l’inverse, on trouve davantage d’indépendants dans les ménages où les hommes participent peu (catégories 1 et 7).
38Par ailleurs, les pères salariés du secteur public sont plutôt moins présents dans la catégorie où la mère fait tout ou presque (catégorie 1), alors qu’ils sont sur-représentés dans celle où ils s’impliquent davantage dans la vie domestique (catégorie 5). Le fait d’être salarié dans l’administration publique semble donc plus compatible avec une certaine participation à la maison, sans qu’il soit possible de l’expliquer totalement par un effet du temps de travail ou de la régularité des horaires. Lorsque les deux conjoints travaillent et qu’ils appartiennent tous les deux aux catégories socioprofessionnelles « cadres supérieurs » ou « professions intermédiaires », l’homme participe davantage à la maison. Ces couples ont une plus forte probabilité d’appartenir à la catégorie où les pères assument seuls certaines tâches (catégorie 6) ou à celle des couples qui partagent surtout les tâches éducatives (catégorie 4). À l’opposé, la probabilité de se retrouver dans des catégories où le père participe peu (catégories 2 et 7) est moindre.
Tableau 4. Résultats des régressions logistiques relatives aux implications professionnelle et domestique respectives de chacun des deux membres du couple

Légende : *** (resp. ---) : facteur augmentant (resp. diminuant) la probabilité d’appartenir à la catégorie et significatif au seuil de 1 % ; ★★ (resp. --) : au seuil de 5 % ; ★ (resp. -) : au seuil de 10 % ; case vide : facteur non significatif ; Réf. : situation de référence.
Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Lecture : quand le père travaille, mais pas la mère, cela augmente la probabilité d’entrer dans la catégorie 2 de la typologie (significatif au seuil de 1 %), quand la mère travaille, mais pas le père cela réduit cette probabilité (au seuil de 5 %).
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
3. Une égalité professionnelle qui se retrouve au sein du couple
39L’implication des deux membres du couple dans les tâches de la maison apparaît liée à l’écart entre les revenus de l’homme et de la femme. Il a été considéré que l’un des deux membres du couple gagnait plus que l’autre quand ses revenus professionnels mensuels dépassaient d’au moins 500 euros ceux de son conjoint3.
40Toutes choses égales par ailleurs, le partage des tâches domestiques est plus fréquent quand les deux membres du couple gagnent environ autant (catégorie 3) et il l’est moins quand ce n’est pas le cas (catégorie 1). Par ailleurs, la configuration où le père assume seul certaines tâches à la maison (catégorie 6) est plus fréquemment associée à un écart de salaire en faveur de la mère (tableau 4). Le fait que « plus le pouvoir économique de la femme augmente, plus la part des tâches domestiques prise en charge par son conjoint augmente » (Ponthieux, 2006), a déjà pu être démontré dans les couples de salariés. En l’absence, ici, de détails sur le volume horaire consacré aux différentes tâches, il n’est pas possible d’établir des rapports quantitatifs entre parts moyennes de salaires de l’un ou de l’autre et parts moyennes de tâches assurées par chacun. En revanche, il est intéressant de noter que l’écart de salaire favorable aux femmes peut être à l’origine d’une réelle implication domestique de son conjoint.
4. Un partage des tâches dépendant du temps de travail de chacun
41Certains types d’organisation de la vie domestique sont très liés aux modalités de l’activité professionnelle. Ces dernières sont ici approchées par des indicateurs comme : le temps de travail, le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail ainsi que les facilités de conciliation entre activité professionnelle et vie familiale accordées par l’employeur (encadré 3). Le temps partiel est davantage le fait des femmes : il concerne plus du tiers des femmes déclarant travailler, contre moins de 5 % des hommes actifs occupés. Lorsque les femmes ont une activité à temps partiel, elles déclarent près de huit fois sur dix que c’est pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. À l’opposé, un homme actif occupé sur trois déclare un temps de travail hebdomadaire (hors temps de trajet) supérieur ou égal à 45 heures. Le temps partiel féminin va plus souvent de pair avec certaines configurations d’organisation (tableau 4). Quand les pères travaillent au moins 45 heures par semaine, la probabilité est plus forte que les mères assument toutes ou presque toutes les tâches de la maison (catégorie 1) ou jouent un rôle essentiel dans leur accomplissement (catégorie 2).
Encadré 3. Les employeurs children friendly : un impact difficile à interpréter
Dans l’enquête Erfi, lorsque le père ou la mère est salarié, deux questions permettent de repérer si leur employeur accorde des facilités de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale : le fait qu’il « autorise des aménagements d’horaires pour convenances personnelles, par exemple en fonction de l’emploi du temps des enfants » et le fait qu’il permette de faire « bénéficier de façon gratuite ou subventionnée d’un moyen de garde d’enfants ou d’une crèche ». La question est également posée au répondant concernant son conjoint.
Il semble que les femmes salariées bénéficient davantage que les hommes salariés de ces possibilités : 50 % des femmes salariées déclarent être autorisées à aménager leurs horaires, contre 43 % des hommes salariés ; 6 % des femmes disent bénéficier d’un moyen de garde d’enfants grâce à leur employeur, contre 4 % des hommes. Une partie de la différence peut s’expliquer par la meilleure information des femmes en la matière. Mais on constate également que les services pour garder les enfants sont plus développés sur les lieux de travail où les femmes sont les plus nombreuses : 10 % des femmes salariées exerçant leur activité dans des entreprises où le personnel est principalement féminin peuvent en profiter, contre 3 % dans les lieux majoritairement masculins ou 5 % quand le sex-ratio est équilibré. Les employeurs publics sont ceux qui permettent le plus à leurs salariées de bénéficier de ce type de services (14 %). Les franciliennes peuvent également en profiter plus fréquemment (10 %).
On note peu d’interactions entre les facilités offertes sur le lieu de travail des femmes et l’inscription dans l’une ou l’autre configuration d’organisation domestique. En revanche, les pères déclarant pouvoir bénéficier conjointement des services d’une crèche et d’aménagements horaires sont plus nombreux parmi ceux qui participent beaucoup à la maison (catégorie 6). On trouve aussi davantage de pères bénéficiant de l’un ou l’autre « avantage » parmi les pères aisés et diplômés qui partagent les tâches concernant les enfants (catégorie 4).
42À l’opposé, lorsque les mères travaillent à temps plein, il est plus fréquent que le père assume un certain nombre de tâches, soit partiellement (catégorie 5), soit totalement (catégorie 6). Logiquement, on trouve également davantage d’hommes déclarant de faibles horaires dans ces catégories. Le travail à temps partiel de la femme est associé à un plus faible recours à des services ménagers payants (catégorie 7), sans que l’on sache si c’est une question de temps ou d’argent. Enfin, pour les couples dans lesquels les hommes déclarent des horaires moyens (35 à 44 heures), le partage des tâches est plus équilibré entre hommes et femmes (catégorie 3).
43L’organisation domestique et familiale est également liée aux durées respectives de trajet entre domicile et lieu de travail de chacun. Les femmes actives dont le temps de trajet est supérieur à celui de leur conjoint ont une probabilité accrue d’appartenir aux catégories dans lesquelles le père participe plus qu’en moyenne (catégorie 5). Quand ce n’est pas le cas, elles prennent plus fréquemment en charge la plupart des tâches à la maison (catégories 1 et 2).
IV. Satisfaction et opinions associées à chaque mode d’organisation du ménage
44Interrogées au sujet de leur opinion sur la répartition des tâches – les tâches domestiques et les tâches parentales – les femmes enquêtées sont plus négatives que les hommes enquêtés, dans l’ensemble comme à l’intérieur de chacune des catégories d’organisation définies par la typologie.
45En revanche, sur le thème de la conciliation, hommes et femmes ont des appréciations moyennes proches et ce sont les hommes qui émettent les opinions les plus variables en fonction de l’organisation domestique et parentale.
1. Les hommes plutôt plus satisfaits que les femmes
46Au sujet de leur satisfaction quant à la répartition des tâches domestiques et parentales4, les uns et les autres portent des appréciations entre lesquelles existent des différences non négligeables5 (tableau 5).
47Les hommes interrogés se déclarent en moyenne plus satisfaits que les femmes, sauf quand ils assurent la part la plus importante des tâches relatives aux enfants (catégorie 5). Symétriquement, les mères qui font tout ou presque (catégorie 1) se caractérisent par les taux de satisfaction les plus bas. Les pères vivant dans des configurations où ils sont très peu mobilisés (catégories 1 et 2) ne sont pas les plus satisfaits : il est frappant de constater, par exemple, que les hommes les moins contents de la répartition des tâches relatives aux enfants sont ceux qui n’en assument pratiquement aucune. L’insatisfaction des hommes qui ne peuvent s’impliquer autant qu’ils le souhaiteraient à la maison confirme les résultats obtenus dans d’autres enquêtes, prouvant qu’un rééquilibrage des rôles est souhaité (Méda et al., 2004). D’ailleurs, les degrés de satisfaction les plus élevés sont exprimés par ceux qui partagent le mieux la charge au sein du couple (catégories 3 et 4) : hommes et femmes présentent alors des scores proches, plutôt supérieurs à la moyenne.
Tableau 5. Notes moyennes de satisfaction

Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
2. Des difficultés à concilier vies professionnelle et familiale
48Globalement, les hommes et les femmes qui exercent une activité professionnelle expriment le même degré de difficulté de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : 42 % à 43 % déclarent avoir eu plusieurs fois des problèmes en raison de leur travail (ils sont rentrés « trop fatigués pour s’occuper des tâches domestiques » ou ont « eu du mal à assumer leurs responsabilités familiales, car ils ont passé beaucoup de temps au travail ») ; hommes et femmes sont moins nombreux (10 à 12 %) à déclarer avoir ressenti à plusieurs reprises des difficultés au travail en raison de ce qu’ils font à la maison (parce qu’ils sont arrivés « trop fatigués au travail » ou parce qu’ils ont « du mal à se concentrer sur leur travail à cause de leurs responsabilités familiales »).
49Pour la plupart des femmes, le ressenti des difficultés de conciliation dépend peu du mode d’organisation domestique (figures 3 et 4) : on peut faire l’hypothèse qu’elles ont déjà opéré les ajustements nécessaires pour rendre compatibles charges domestique et professionnelle ; elles expriment aussi peut-être moins aisément leurs soucis en la matière.
Figure 3. Les difficultés de conciliation exprimées par les femmes (%)*

* Femmes ayant déclaré qu’elles sont arrivées au moins une fois au travail « trop fatiguées pour bien travailler à cause de tout ce qu’elles ont fait à la maison ».
Champ : femmes vivant en couple, ayant au moins un enfant de moins de 14 ans, qui travaillent.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
Figure 4. Les difficultés de conciliation exprimées par les hommes (%)*

* Hommes ayant déclaré qu’ils sont arrivés au moins une fois au travail « trop fatigués pour bien travailler à cause de tout ce qu’ils ont fait à la maison ».
Champ : hommes vivant en couple, ayant au moins un enfant de moins de 14 ans, qui travaillent.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
50La seule exception est constituée par les femmes qui ont le plus délégué de tâches à leur conjoint (catégorie 6) : leur implication professionnelle les rend moins disponibles à la maison.
51Les réponses des hommes concernant leurs difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle diffèrent plus fortement selon le mode d’organisation domestique ou familiale. Ainsi, la majorité des pères vivant dans des ménages où la mère s’occupe de tout ou presque à la maison (catégorie 1) ont déclaré « avoir eu du mal à assumer leurs responsabilités familiales, car ils ont passé beaucoup de temps au travail ». Les pères qui participent plus que la moyenne aux tâches domestiques (catégorie 5) se déclarent peu concernés par ce type de problèmes. Logiquement, une proportion significative de ces derniers sont déjà arrivés « trop fatigués au travail à cause de tout ce qu’ils ont fait à la maison ».
3. Valeurs familiales et organisation domestique
52Peut-on supposer que l’organisation domestique reflète les valeurs de l’enquêté au sujet de la famille, du couple et de la société ? Pour ce faire, un indicateur a été créé à partir de cinq questions qui traitent, d’une part, du caractère jugé indispensable ou non de la présence maternelle auprès des enfants, comme de l’importance de la présence d’enfants pour que la femme « s’épanouisse » ; d’autre part, de l’estimation du « coût » qui peut être attribué à l’ambition professionnelle d’une mère, soit dans la relation avec son conjoint, soit pour la prise en charge de ses enfants6. Ont été exclues les questions portant sur la définition de l’union (par le mariage ou la cohabitation), les conséquences de la désunion, les relations avec les parents âgés et leur prise en charge, et les rapports du couple en termes d’âge ou d’autonomie pour dépenser l’argent.
53Sur la base de cet indicateur, 20 % des personnes enquêtées peuvent être considérées comme ayant des opinions plutôt traditionnelles (mère en première ligne pour la prise en charge des enfants, dont le salaire ne doit pas excéder celui du conjoint, la famille prime sur la société pour la garde des enfants) ; 18 % ont des opinions plutôt novatrices opposées aux précédentes ; les 62 % restants ont un score moyen. La distribution selon l’opinion n’est pas indépendante de la distribution dans les catégories issues de la typologie (figure 5).
Figure 5. La distribution des différentes catégories selon les opinions

Champ : personnes vivant en couple et ayant au moins un enfant de moins de 14 ans.
Source : Ined-Insee, Erfi-GGS1, 2005.
54Dans la catégorie « les mères font tout ou presque » (catégorie 1), on trouve deux fois plus d’opinions plutôt traditionnelles que d’opinions à caractère plutôt novateur. Les opinions plutôt traditionnelles sont également plus nombreuses dans les catégories où la mère assume l’essentiel des tâches domestiques et parentales (catégories 2 et 7), mais de manière moins écrasante. Dans toutes les autres catégories, les opinions plutôt novatrices concernent une part plus importante d’individus que les opinions plus traditionnelles, l’écart en faveur des novateurs étant le plus marqué au sein de la catégorie où le père est effectivement le plus présent sur le front domestique (catégorie 6).
Conclusion
55L’inégalité d’implication domestique entre hommes et femmes dans les couples avec enfants s’observe ici, comme à l’accoutumée, dans une majorité de ménages. Cependant, les situations où le schéma traditionnel n’est pas respecté – quand le père en fait plus que sa conjointe ou simplement quand s’opère un partage égalitaire – ne sont plus marginales. Les normes « de genre » seraient-elles en train de se modifier ? En effet, d’une part certaines tâches semblent être jugées moins rédhibitoires par les hommes : la préparation des repas, certains soins aux enfants ; d’autre part, certains pères semblent accepter un échange des rôles, particulièrement quand leur compagne bénéficie d’une meilleure situation sur le champ professionnel, respectant en cela une logique de rationalité économique.
56S’il n’est pas possible d’exclure d’éventuels effets déclaratifs dans les réponses fournies par les uns et les autres, les éléments recueillis dans cette enquête témoignent de l’avantage ressenti par les pères à valoriser leur implication domestique, comme de l’insatisfaction et la gêne induite par une moindre participation aux tâches parentales : un rééquilibrage des rôles serait sans doute attendu et apprécié. Les opinions les plus novatrices sont émises par les parents ayant décrit une configuration de partage des tâches plus équilibré et montrent ainsi une cohérence entre valeurs défendues et organisation domestique.
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
2 Seul l’effet de la proximité de la mère a été étudié. La distance du domicile de la belle-mère n’étant pas renseignée dans l’enquête, son effet n’a pu être vérifié.
3 Dans le cas où les deux parents travaillent, le répondant était interrogé sur le montant des revenus professionnels mensuels nets (montant exact ou fourchette) de chacun. Dans 40 % des cas, l’écart des revenus professionnels n’a pu être calculé car l’un des deux au moins ne travaillait pas, ou les montants des revenus n’étaient pas précisés ; dans 23 % des cas, les deux parents ont des revenus professionnels sensiblement équivalents ; l’homme gagne plus dans 32 % des cas et la femme dans 6 % des cas.
4 La question était : Dans quelle mesure êtes-vous satisfait(e) de la répartition de ces tâches entre vous et votre conjoint(e) ? Donner une note de 0 à 10 où 0 signifie « pas du tout satisfait », 10 « totalement satisfait ».
5 Qu’il s’agisse des tâches domestiques ou des tâches relatives aux enfants, une note de satisfaction concernant la répartition des tâches décrite était demandée : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la répartition de ces tâches entre vous et votre conjoint ? Donner une note de 0 à 10 ». Les opinions recueillies ne concernent donc que le répondant : soit le père, soit la mère.
6 Les questions retenues portaient sur l’accord ou le désaccord avec les phrases : 1. « pour s’épanouir une femme doit avoir des enfants » ; 2. « si une femme gagne plus que son conjoint, c’est mauvais pour leur relation » ; 3. « un enfant d’âge préscolaire risque de souffrir du fait que sa mère travaille » ; 4. « la famille prime sur la société pour la prise en charge de la garde des enfants d’âge préscolaire » et 5. « la famille prime sur la société pour la prise en charge de la garde des enfants scolarisés après l’école ». Les « traditionnels » sont d’accord avec 4 items au moins. Les « novateurs » se prononcent contre 3 items au moins.
Auteur
Chargée d’études à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), rattachée au Bureau « Famille, Handicap, Dépendance ». Ses travaux portent sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, tant du point de vue des mères que des pères. Elle a travaillé sur la prise de congé autour de la naissance, les modes de résolution des parents, qui exercent une activité professionnelle, en cas d’imprévus ou d’urgences familiales, l’offre de mesures ou d’aides des employeurs français pour les jeunes parents, la gestion des temps périscolaires ou encore le partage des rôles et des tâches dans le couple.
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