Chapitre 6. Genre et manuels scolaires en Afrique et en France
p. 155-177
Texte intégral
Introduction
1Matériel éducatif de base1, les manuels scolaires sont au cœur de l’institution et des enseignements scolaires primaires ; ils rassemblent l’état des connaissances qu’une société souhaite transmettre à un niveau du cycle des apprentissages scolaires et représentent un outil pédagogique précieux pour les enseignants. Même si leur disponibilité est très variable selon les contextes, que des pénuries subsistent toujours pour certaines populations, leur importance n’est pas remise en cause : ils sont considérés comme essentiels à la qualité de l’enseignement (Unesco, 2005). Les manuels permettent une formation et/ou une actualisation des connaissances chez les enseignants, notamment chez ceux dépourvus d’autres moyens de formation continue, et sont parfois le seul accès à un support écrit pour les enfants. Dans des contextes plus favorisés, ils peuvent être complétés par d’autres outils pédagogiques, sans pour autant perdre leur place dans la plupart des classes (Bonnéry, 2015). Si tous les enseignants ne « suivent » pas les manuels, ils s’en inspirent souvent pour fabriquer leurs propres supports pédagogiques (ibid.). Ainsi, quelles que soient leur disponibilité et leur utilisation, ils sont considérés comme « le livre des livres […] enseignant.e.s, parents et élèves leur font spontanément confiance » (Fontanini, 2007, p. 3). Les manuels font partie du paysage scolaire et de la vie des enfants scolarisés au Sud comme au Nord.
2Au-delà des connaissances « encyclopédiques » qu’ils rassemblent, les manuels scolaires sont porteurs, de manière implicite ou explicite, d’une compréhension du monde, de modèles de comportements sociaux, de normes et de valeurs. Ils constituent ainsi une littérature « intentionnelle et engagée » (Mollo-Bouvier et Pozo-Medina, 1991, p. 12) qui participe à l’éducation, mais également à la socialisation : « créer un manuel revient donc à choisir des valeurs, des normes, des représentations sur lesquelles se fondent les espérances d’assurer la cohésion sociale, l’harmonie des rapports entre les hommes et les institutions » (ibid.). Leurs potentialités éducatives et socialisatrices ont été maintes fois soulignées (Bruillard, 2005), notamment en matière de promotion de l’égalité entre les sexes, de lutte contre le sexisme et les discriminations envers les femmes (Michel, 1986).
3La place accordée à la promotion de l’égalité entre les sexes dans les manuels scolaires est très variable. La quasi-totalité des États ont ratifié la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979 qui souligne la nécessité d’être vigilant quant au contenu des manuels et recommande de supprimer « toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme » (ONU, 1979, p. 11). Certains pays s’engagent plus directement et inscrivent explicitement la promotion de l’égalité entre les sexes dans les programmes scolaires. Ainsi, en France : « Le socle commun de connaissances et de compétences identifie précisément le respect de l’autre sexe et le refus des stéréotypes parmi les compétences sociales et civiques que tout élève doit acquérir » (ministère de l’Éducation nationale, 20122). Cependant, quelle que soit la volonté politique, une grande partie de ce qui est exprimé sur l’égalité entre les sexes et les rôles sexués dans les manuels scolaires échappe à une formulation explicite, adossée ou non à un programme officiel, pour se nicher dans le « curriculum caché » qui « transmet des schèmes de pensée, modelant la façon dont les individus formés “à la même école” vont lire et traiter la réalité » (Duru-Bellat et Van Zanten, 2012, p. 136). Dès lors, comment révéler ce qui est exprimé sur l’égalité entre les sexes et les rôles sexués ?
4Ces « messages » ont souvent été appréhendés à travers la dénonciation de stéréotypes sexistes, principalement grâce à la mise en œuvre de méthodes d’analyse qualitative (Michel, 1986). Or, de tels stéréotypes ne constituent qu’une partie de ce qui est donné à voir. Dès lors, les débusquer semble limité et une autre méthode a été proposée (Brugeilles et Cromer, 2005 et 2006). Elle considère le masculin et le féminin comme des constructions sociales, et permet d’analyser leurs représentations sociales et de décrire ainsi le système de genre véhiculé par les manuels, défini comme « l’ensemble des rôles sociaux sexués et le système de représentation définissant le masculin et le féminin » (Thébaud, 2005, p. 63).
5Ce chapitre expose quelques aspects du système de genre présent dans des manuels scolaires et déconstruit des processus qui sous-tendent sa fabrication, l’objectif étant de révéler des facettes du « curriculum caché ». Pour ce faire, huit collections d’ouvrages de l’enseignement primaire sont considérées ; quatre d’entre elles sont en usage dans des pays d’Afrique, les quatre autres en France. Après avoir succinctement présenté la méthodologie et les corpus, deux aspects fondateurs du système de genre seront analysés : la répartition numérique entre représentations du féminin et du masculin incarnées par les personnages présents dans les textes des manuels, et ces représentations en elles-mêmes appréhendées à travers la façon dont les personnages sont désignés et par leurs activités. Équilibres numériques, désignations et activités donnent en effet une place, une fonction, aux personnages féminins et masculins dans la société fictive des manuels.
I. Méthode et corpus
6Les analyses reprennent des données déjà publiées, relatives à quatre corpus de manuels de mathématiques de l’enseignement primaire utilisés sur le continent africain, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Togo et en Tunisie3, et des données issues de quatre collections en usage en France4, parmi les plus diffusées. La même méthode d’analyse a été appliquée aux huit corpus, soit 44 manuels.
1. Le personnage, incarnation des représentations sociales sexuées
7Afin de révéler les représentations sociales sexuées, l’analyse a été centrée sur le personnage, puisque justement il incarne cette construction sociale (Brugeilles et Cromer, 2005). La quasi-totalité des écrits pour la jeunesse sont portés par des personnages. Cela est vrai pour les albums illustrés comme pour les manuels scolaires dont les cours ou les exercices proposent de toutes petites histoires. Dans notre enquête, les personnages ont été assimilés aux individus d’une population et soumis à un recensement qui permet de les compter et de connaître leurs caractéristiques. Comme toute opération de ce type, l’exhaustivité est visée et tous les personnages sont passés au crible du questionnaire : ainsi il n’y a pas de sélection de la « matière » à analyser. L’objectif est donc ici la compréhension des mécanismes d’élaboration des représentations du masculin et du féminin et des rapports sociaux de sexe dans un ouvrage. Cette démarche associant les concepts de représentations sociales et de système de genre à une méthodologie quantitative permet l’analyse et la comparaison d’un corpus important de manuels pris dans leur intégralité.
8Différentes caractéristiques des personnages contribuent à la fabrication des représentations sexuées. Le sexe, évidemment, et l’âge permettent de comptabiliser les personnages de filles et de garçons, de femmes et d’hommes et ainsi de connaître la structure de la population du manuel. Plusieurs caractéristiques participent ensuite à une description fine du personnage (Brugeilles et Cromer, 2005). Nous nous concentrerons ici sur la façon dont il est désigné dans le texte : par un lien de filiation (« le père de »), une profession (« la marchande »), etc. Cette désignation assigne au personnage un statut, une fonction, et l’inscrit dans une sphère de vie privée ou publique le plus souvent professionnelle. L’activité développée par le personnage complète ce descriptif : elle confirme son profil ou au contraire le diversifie en introduisant une autre dimension. Par exemple, l’indication « le marchand prépare une commande » corrobore l’insertion professionnelle d’un homme par sa désignation et son action. « Maman part à son travail à 8 h 30 » nous donne à voir une femme inscrite à la fois dans la vie familiale – par sa désignation – et professionnelle – par son action. En combinant les deux, se dessine donc une esquisse de portrait des personnages et de leur insertion sociale.
2. Questionner la neutralité des manuels de mathématiques
9Dans les différents travaux dont nous présentons ici des résultats, le choix de la discipline s’est porté sur les mathématiques. Les concepts et notions constituant le programme des apprentissages dans cette matière sont considérés comme neutres, et les manuels restent de ce fait peu étudiés sous l’angle du genre. Or les enjeux sont multiples autour de cette discipline. La dimension de genre joue un rôle important dans l’intérêt et l’implication pour l’étude des mathématiques et pour la réussite dans cette matière, mais aussi dans l’orientation scolaire et le choix d’une carrière (Jarlégan, 1999 ; Duru-Bellat et Jarlégan, 2001 ; Baudelot et Establet, 1992 et 2007).
10Il existe à cet égard une assignation sexuée des aptitudes intellectuelles (Mosconi, 1994). Les garçons et les hommes sont considérés comme intéressés et doués « naturellement » pour les disciplines scientifiques et techniques alors que les filles et les femmes le sont pour les lettres et les sciences sociales. On observe dès lors un déficit d’orientation des adolescentes dans les voies scientifiques et un moindre accès à des professions valorisées économiquement, socialement et symboliquement pour lesquelles la sélection et/ou la formation sont fondées sur les capacités en mathématiques.
11Pour l’ensemble de ces raisons, il semble particulièrement pertinent de s’intéresser au contenu des manuels de mathématiques afin de vérifier ce qui est exprimé relativement au genre dans le « curriculum caché » à travers les personnages féminins et masculins qui sont mis en scène dans les cours et les exercices5. Si les analyses présentées dévoilent des aspects du système de genre contenus dans ces ouvrages, elles ne prétendent pas épuiser le sujet et ne s’intéressent pas à la réception des messages par les élèves. Pour cela d’autres méthodologies et données seraient nécessaires.
3. Des contextes nationaux et éditoriaux variés
12Les manuels scolaires de mathématiques analysés ici sont utilisés dans des contextes très diversifiés. La scolarisation des élèves ne s’effectue pas dans les mêmes conditions et les enjeux qui sont associés au contenu éducatif sont différents. Alors que tous les gouvernements affirment la promotion de l’éducation en rendant la scolarité gratuite et obligatoire pour les filles et les garçons âgés de moins de 16 ans – à l’exception du Togo où l’âge légal est fixé à 15 ans –, des inégalités perdurent quels que soient les contextes (Brugeilles et al., 2008). Certains pays sont confrontés aux faiblesses de leur système éducatif et à la persistance d’inégalités en fonction du milieu social, du sexe et de la région, comme au Cameroun et au Togo (Kamden Kamgno, 2008 ; Nomenwo et al., 2008). Elles se traduisent par des forts taux de sous-scolarisation ou de déscolarisation, d’abandons, souvent au détriment des filles, comme au Togo (Nomenwo et al., 2008). Perdurent aussi des inégalités scolaires en termes de structures d’accueil, de personnel enseignant, de disponibilité du matériel, notamment de conditions d’accès aux supports pédagogiques. Dans certains pays africains, chaque élève ne détient pas forcément son propre manuel, en raison d’effectifs excédant le nombre d’ouvrages disponibles (Brugeilles et al., 2008). L’accessibilité et la disponibilité des manuels sont très variables d’un pays à l’autre.
13Les conditions de fabrication des manuels dépendent aussi des contextes nationaux. Dans les différents pays retenus pour notre enquête, le ministère de l’Éducation nationale définit les programmes et les contenus des enseignements, puis évalue la conformité des ouvrages. Concrètement, ce sont majoritairement des pédagogues et/ou des enseignants – cette tâche peut parfois être confiée à des professeurs d’université, des inspecteurs pédagogiques, des éducateurs – qui assurent la conception des manuels (Brugeilles et al., 2008).
14Les pratiques éditoriales diffèrent fortement d’un pays à l’autre. Au Cameroun, ce sont des éditeurs privés qui conçoivent et produisent les ouvrages scolaires, à la demande du ministère de l’Éducation nationale ou de manière libre (Kamden Kamgno, 2008). En Côte d’Ivoire, ce sont deux maisons d’édition, sociétés d’économie mixte constituées avec des partenaires français, qui se partagent la collection « École et développement » ; elles assurent l’exploitation des manuels scolaires du cycle primaire (Marill, 2008). En Tunisie, l’édition est gérée directement par l’État : unique éditeur de manuels, le Centre national pédagogique (CNP) en prend en charge la conception et le travail éditorial, puis des imprimeurs sont choisis par appels d’offres (Bouchoucha et Locoh, 2008). Au Togo, l’édition est confiée à des éditeurs étrangers, principalement français, en raison du faible développement des maisons d’édition togolaises (Nomenwo et al., 2008). Dans la chaîne française de production du manuel scolaire, les éditeurs privés se partagent un marché lucratif en proposant de nombreuses collections conformes aux programmes officiels. Le corps enseignant choisit les ouvrages parmi cette offre étendue, contrairement aux pays africains où l’offre est restreinte.
Encadré 1. Les corpus de l’enquête
Nous nous appuyons sur quatre collections de manuels français et également quatre de manuels africains utilisés à l’école primaire. Ce cycle s’étend sur six années dans les pays africains et sur cinq en France. Les deux premières années du cycle africain sont appelées soit cours préparatoire première année (CP1) et cours préparatoire seconde année (CP2), soit section d’initiation au langage (SIL) et cours préparatoire (CP). Hormis au Togo, où les enfants sont, en théorie, obligatoirement scolarisés de 2 à 15 ans, les enfants africains de moins de 6 ans sont peu scolarisés en raison du déficit d’écoles et de la non-obligation de s’y rendre. Dès lors, la première année, CP1 ou SIL, a pour rôle d’initier les enfants à la scolarité : adaptation à l’école, apprentissages fondamentaux de la langue, premières approches de l’écriture et du calcul, etc. En France, la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans vont à l’école maternelle même si elle n’est pas obligatoire. La première année du cycle primaire dans les pays africains peut être considérée comme équivalente à la dernière classe de maternelle, la grande section, dans le système français. Les deux années de cours élémentaire (CE1 et CE2) puis de cours moyen (CM1 et CM2) sont communes aux sept corpus, hormis la Tunisie qui n’utilise pas cette terminologie, mais où le cycle primaire dure aussi six années.
Cameroun :
Champion en mathématiques, en français, Edicef-CLE, 1998. Six niveaux scolaires du SIL au CM2. Principale édition circulant au Cameroun.
Côte d’Ivoire :
Mathématiques, en français, NEI CEDA, collection « École et développement », 1997 à 2001. Six niveaux scolaires du CP1 au CM2. Principale édition circulant en Côte d’Ivoire.
Togo :
Le nouveau calcul quotidien, en français, Nathan, 1999 à 2000. Six niveaux scolaires CP1 au CM2. Principale édition circulant au Togo.
Tunisie :
Livre de mathématique, en arabe, Centre national pédagogique (CNP), 2002-2003. Six niveaux scolaires, de la première année de l’enseignement de base jusqu’à la sixième année. Unique collection de mathématiques en Tunisie.
France :
Cap Math, CP au CM2, Hatier, 2005 à 2008. J’apprends les maths, CP au CM2, Retz, 2002 à 2008. Maths, Collection Thévenet, CP au CM2, Bordas, 2004 à 2008. Pour comprendre les mathématiques, CP au CM2, Hachette, 2004 à 2008. Cinq niveaux scolaires du CP au CM2. L’objectif de cet article n’étant pas de dénoncer tel ou tel éditeur, les collections sont rendues anonymes dans notre enquête. Lordre de présentation ci-dessus ne respecte donc pas la nomination alphabétique (A, B, C, D) utilisée par la suite.
15Le choix des manuels de notre corpus s’est donc porté sur les ouvrages les plus couramment utilisés dans l’enseignement public6 ou sur la seule édition existante. Notons par ailleurs qu’outre ces contextes diversifiés, les corpus de manuels que nous étudions n’ont pas été publiés la même année. Le plus ancien remonte à 1997 tandis que le plus récent date de 2008. De fait, l’objectif de ce chapitre n’est pas tant de mettre en exergue une comparaison internationale, mais bien plutôt de faire apparaître des « constantes », des similarités ou des différences dans les processus d’élaboration du système de genre et des représentations du féminin et du masculin au Sud comme au Nord.
II. Des déséquilibres numériques entre les personnages des manuels
16Quoi de plus neutre que les notions de mathématiques ? Et pourtant… Afin de retenir l’attention des enfants et de faciliter les apprentissages, les textes des manuels sont peuplés de nombreux personnages qui permettent une mise en situation des connaissances à transmettre. On en dénombre plus de 1000 dans la plupart des collections. Celles du Cameroun, du Togo et la collection française D7 font exception avec respectivement 991, 982 et 946 « individus ». Ces personnages ont en commun de pouvoir facilement être classés dans des catégories sexuées. Quels que soient le contexte et la collection, l’option de proposer des individus neutres n’est pas retenue : moins de 5 % d’entre eux ne peuvent pas être qualifiés de masculin ou de féminin. En revanche, il est plus difficile de leur attribuer un âge. L’indétermination concerne 21 % des personnages des manuels camerounais, 32 % de ceux du Togo et entre 3 % et 15 % de ceux des autres séries. L’ambiguïté sur l’âge paraît donc plus fréquente que la neutralité ou l’incertitude relative au sexe. Dans la suite du développement, nous nous concentrerons uniquement sur les personnages présents dans les textes, dont le sexe et l’âge sont connus et participent à la construction des représentations sexuées.
1. Le masculin, une catégorie privilégiée dans toutes les collections
17Les personnages masculins dominent dans les huit collections, mais leur supériorité numérique est particulièrement marquée dans les manuels utilisés dans les quatre pays africains : les proportions varient de 71 % dans la collection camerounaise à 82 % dans celle du Togo alors qu’elles sont comprises entre 52 % (A) et 59 % (D) dans les collections françaises (figure 1). Si les huit séries affichent une préférence pour les personnages masculins, les choix sont plus clivés en ce qui concerne les âges : les collections africaines, à l’exception de celle de Côte d’Ivoire, privilégient les adultes. On en dénombre 54 % en Tunisie, 62 % au Cameroun et 66 % au Togo. À l’inverse, les personnages d’enfants dominent largement dans les collections utilisées en France. Les proportions d’enfants varient de 60 % dans la D à 81 % dans la B.
Figure 1. Personnages de filles, de garçons, de femmes et d’hommes dans les manuels (%)

Champ : personnages présents dans les textes de 44 manuels africains et français (A, B, C, D). Lecture : 56 % des personnages dotés d’un âge et d’un sexe sont des hommes dans le corpus togolais. Source : élaboration des auteures, à partir des sources citées en notes 3 et 4.
18Dès lors, en combinant sexe et âge, des différences très importantes apparaissent entre les collections. Plus masculines, les populations des manuels africains laissent aussi plus de place aux adultes : les hommes et les garçons en sont les personnages de prédilection. Les hommes se classent au 1er rang dans trois pays (Togo, Cameroun, Tunisie) et au 2e rang en Côte d’Ivoire. Dans ce pays, les garçons occupent la première place alors qu’ils sont en deuxième position dans les autres pays. Les filles et les femmes sont quant à elles reléguées soit au 3e, soit au 4e rang.
19Dans les collections françaises, c’est l’âge des personnages qui est privilégié plutôt que leur sexe. Trois séries (A, B, C) présentent un classement identique : les filles occupent le 1er rang, suivi des garçons. Les hommes constituent le troisième groupe avant les femmes. La collection D a un profil un peu différent, mais les enfants sont toujours à l’honneur : les garçons sont les plus nombreux, suivi quasi à égalité par les filles et les hommes. Là encore les femmes sont en retrait.
20Le « sort » réservé aux garçons ou aux femmes présente donc de très grandes similitudes dans les huit collections. Les premiers, même s’ils occupent rarement la première place, sont toujours très présents. À l’inverse les secondes sont toujours « oubliées ». Soulignons que les femmes sont particulièrement marginalisées dans les quatre collections françaises, en Tunisie et en Côte d’Ivoire, alors qu’elles sont très légèrement plus nombreuses que les filles dans les collections camerounaise et togolaise. Finalement, les filles et les hommes connaissent les plus grandes variations de traitement avec une mise à l’honneur ou au contraire une relégation selon les collections.
2. Une population de plus en plus masculine et adulte au fil du cursus scolaire
21Envisager l’échelle du manuel, et non plus de la collection, affine l’analyse et dévoile la diversité des structures par âge et sexe de ces populations fictives, et ses logiques. À l’exception de la collection camerounaise, la supériorité numérique des personnages masculins tend à se renforcer au fil du cursus scolaire, même si la progression est rarement continue (figure 2). Cependant, les écarts masculin-féminin en début de cycle ne sont pas équivalents. Dans les manuels des petites classes de trois collections françaises (A, B, C), soit les personnages féminins sont plus nombreux, soit la parité est assurée. C’est aussi le cas dans les livres du Togo. Ensuite, la domination numérique masculine s’installe et l’écart se creuse. Dans la collection D en France et les autres en Afrique, les personnages masculins sont toujours plus nombreux.
Figure 2. Personnages de filles, de garçons, de femmes et d’hommes dans les manuels selon le niveau scolaire (%)(a)

Champ : personnages présents dans les textes de 44 manuels africains et français (A, B, C, D). Légende : (a) L’appellation des niveaux scolaires de chaque pays a été respectée (cf. encadré 1). Lecture : 41 % des personnages individuels du manuel de CM2 de la collection D sont des hommes. Source : élaboration des auteures, à partir des sources citées en notes 3 et 4.
22De la même façon, la présence des adultes se renforce au fil des classes dans les quatre collections françaises et dans celles de Tunisie et du Togo. La progression est moins nette dans les manuels du Cameroun et de Côte d’Ivoire, même si les effectifs d’adultes tendent à être plus nombreux dans les « grandes » classes. Là encore c’est l’évolution des écarts qui va distinguer les collections. Dans les manuels camerounais, togolais et tunisiens, les enfants restent à parité ou sont plus nombreux jusqu’au CE1 inclus, puis ils sont dépassés par les adultes. Dans les séries ivoirienne et françaises, les enfants prédominent toujours, même si en CM2 la parité est atteinte dans la collection D. Ainsi, dans trois des pays africains, c’est un univers d’adultes qui est donné à voir aux élèves dès la moitié du cycle primaire, alors que celui des enfants domine en Côte d’Ivoire et en France.
23Comparer la présence des filles, des garçons, des femmes et des hommes dans les 44 manuels éclaire sur les évolutions des populations selon le sexe et l’âge. Un triple mouvement explique la progression des personnages masculins et des adultes : au fil des classes, la place des hommes s’accroît dans les huit collections alors que celle des garçons tend à se réduire et une diminution similaire est souvent observable chez les filles. En revanche, les populations de femmes ne connaissent pas d’évolution marquée entre les niveaux scolaires : elles oscillent faiblement à des niveaux souvent très bas. En conséquence, les structures des populations selon le sexe et l’âge et la place de chacun sont très variées. L’absence d’égalité entre les quatre catégories de personnages est récurrente – un seul manuel s’en approche (collection D, CE2) – et la parité est extrêmement rare tant chez les enfants que chez les adultes.
24Chez les enfants, la parité filles-garçons est observée dans seulement deux manuels, celui de CE1 de la collection A et celui de CM2 du Cameroun. Dans les collections françaises, les filles sont plus nombreuses que les garçons dans plus de la moitié des manuels (11). Dans les collections B et C, cette supériorité féminine s’observe pour les trois premiers niveaux. Elle s’étend aux manuels de CM1 et CM2 pour la collection A. Dans le corpus D, les filles sont plus nombreuses dans le manuel de CM1 alors qu’elles sont minoritaires dans les ouvrages des quatre autres niveaux. Parmi les collections africaines, seuls ceux de CP1 et CP2 du Togo se distinguent par un effectif de filles supérieur à celui des garçons. Notons que dans ces deux manuels, les femmes sont absentes. Dans les autres, les écarts entre les proportions, en défaveur des filles, peuvent atteindre 50 points. Au final, parmi l’ensemble des personnages, les garçons occupent la première place dans 19 manuels (9 français, 10 africains), dont deux fois ex æquo avec les filles. Celles-ci sont à l’honneur dans 11 manuels (9 français et 2 africains), dont trois fois en situation d’égalité. Cependant, la première place ne leur est jamais attribuée au-delà du deuxième niveau scolaire dans les pays africains et du troisième en France. La visibilité des filles est donc principalement assurée pour les plus jeunes élèves, avant de s’estomper dans la plupart des collections.
25Chez les adultes, la parité est atteinte dans quatre manuels destinés aux deux premières classes de l’école primaire (3 français et 1 africain) et les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans deux cas (le CP et le CE1 de la collection A). Lorsque leur place est préservée, c’est donc dans des livres destinés aux élèves les plus jeunes. Ailleurs, leur marginalité est manifeste : elles sont les personnages les moins présents dans 18 manuels français sur 20 et dans 16 des 24 manuels africains. Elles sont totalement absentes dans quatre ouvrages (ceux du CP1 et CP2 au Togo et en Côte d’Ivoire). Lorsqu’elles ne sont pas les dernières, elles occupent l’avant-dernière place, devant les hommes dans les manuels français et les filles dans les manuels africains. À l’opposé, les hommes sont nettement mis en valeur ; ils sont les personnages les plus fréquents dans 14 manuels africains, dont une fois ex æquo avec les filles, et dans quatre ouvrages en France. Ils sont particulièrement présents dans ceux de CM1 et CM2.
26Malgré la diversité des configurations, force est de constater que les déséquilibres numériques entre personnages priment : ceux-ci forment une population souvent plus masculine que féminine. La faible place accordée aux filles dans la plupart des manuels africains et aux femmes dans l’ensemble des corpus ainsi que la masculinisation dans les dernières classes ne sont pas anodines. La structure de la population et son évolution au fil du cursus scolaire sont des premiers éléments structurants du système de genre et participent d’un « curriculum caché » suggérant la non-légitimité de la présence des femmes dans les manuels de mathématiques, et peut-être au-delà la non-utilité de cette discipline pour elles ou leurs moindres capacités en la matière. En outre, ce déséquilibre numérique offre des possibilités de représentations plus ou moins variées. En effet, les personnages de filles et de garçons, de femmes et d’hommes incarnent des constructions du féminin et du masculin à deux moments de la vie. Leur désignation et leurs activités donnent la substance de ces représentations et permettent de dresser leurs portraits en répondant aux questions : qui sont-ils ? Que font-ils ?
III. Des filles et des garçons aux caractéristiques proches
27Les personnages de filles et de garçons sont présentés comme des individualités désignées principalement par un prénom qui les singularise. Cette tendance est encore plus nette dans les manuels français : au minimum 92 % des garçons et 95 % des filles dans la collection D. Dans les manuels africains, les proportions les plus basses sont de 84 % pour les garçons au Togo et de 74 % pour les filles au Cameroun.
28Une place plus importante est accordée aux liens de parenté (« le frère de », « la fille de »), a fortiori pour les filles, dans les ouvrages africains. Cela concerne 21 % d’entre elles dans les manuels camerounais et 15 % dans ceux du Togo, puis 6 % en Côte d’Ivoire et 5 % en Tunisie. Les garçons ne sont pas exclus de cette appellation qui est utilisée pour 16 % d’entre eux dans les ouvrages du Cameroun, 10 % dans ceux du Togo, puis 3 % en Côte d’Ivoire et 4 % en Tunisie. En France, elle est rare et atteint son maximum dans la collection D où elle est employée pour 7 % des garçons et 3 % des filles. Ainsi, les différences apparaissent surtout entre collections, certaines privilégiant plus que d’autres l’inscription des enfants dans leur réseau familial, notamment au Cameroun et au Togo, d’autres favorisant une individualisation des personnages en leur donnant une identité « autonome », faisant ainsi écho à la conception de l’enfant comme « une personne ».
29Marquées par les contextes socioéconomiques, les activités des enfants dans les manuels expriment la volonté de promouvoir la scolarisation et l’investissement scolaire, mais reflètent aussi leur place dans la société. Les activités scolaires, de loisirs et de sociabilité occupent principalement les personnages (figure 3). Celles concernant l’école dominent pour les filles et les garçons dans la plupart des collections africaines et dans la collection A. Elles s’y exercent à proportion égale, à l’exception du corpus togolais (68 % des garçons contre 58 % des filles). Un équilibre est affirmé entre activités scolaires et ludiques dans la collection C et dans celle de Tunisie. La série D quant à elle privilégie les loisirs et la sociabilité. Les différences entre sexes ne sont pas significatives.
Figure 3. Personnages d’enfants dans les manuels selon leur sexe et leur(s) activité(s) (%)

Champ : personnages d’enfants présents dans les textes de 44 manuels africains et français (A, B, C, D). Lecture : dans le corpus togolais, 68 % des personnages garçons exercent une activité scolaire. C’est le cas de 58 % des filles. Note : un personnage peut avoir plusieurs activités. Source : élaboration des auteures, à partir des sources citées en notes 3 et 4.
30Les autres activités sont moins fréquentes notamment en France où, au maximum, ce sont 11 % des filles et 10 % des garçons qui sont occupés par les achats (B) et où les enfants, des deux sexes, réalisent très rarement des tâches domestiques. Les enfants sont ainsi en partie neutralisés par leur fonction d’écoliers et leurs pratiques ludiques. En Afrique, les activités proposées sont plus diversifiées faisant certainement écho à une conception de la place des enfants différente. Leur implication dans les activités ménagères, achats ou tâches domestiques est plus fréquente, notamment chez les filles. C’est le cas dans le corpus ivoirien et togolais, où respectivement 28 % et 16 % d’entre elles s’occupent d’achats et de tâches ménagères, tandis que les garçons le font pour 17 % et 7 % d’entre eux. En outre, les personnages d’enfants africains peuvent exercer une activité assimilable à une pratique professionnelle8, configuration qui n’existe pas en France. Il s’agit plus souvent de garçons dans les manuels camerounais et ivoiriens – respectivement 15 % et 16 % des garçons et 11 % des filles dans ces deux corpus. Ainsi, la participation des enfants au monde des adultes introduit une légère sexuation des activités. Les ouvrages tunisiens se distinguent en présentant des activités identiques, laissant une large place aux achats et dans une moindre mesure aux activités professionnelles, pour les enfants des deux sexes.
31Les contours de la représentation sociale des enfants, filles et garçons, au Sud comme au Nord, semblent être avant tout une question de contexte, de place dans la société et de choix éditoriaux. Par leurs désignations et leurs occupations, les enfants semblent protégés de fortes distinctions dans les corpus français et tunisien, tendance qui est légèrement moins affirmée pour le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Togo qui, en faisant participer les enfants aux tâches ménagères et à des activités professionnelles, les projettent dans un monde adulte et amorcent ainsi leur sexuation.
IV. Des femmes et des hommes aux traits distincts
32Si les enfants échappent largement à une sexuation de leur représentation, il en va autrement pour les adultes. Modes de désignation et activités dressent des portraits nettement différenciés des femmes et des hommes.
33Les hommes qui peuplent les huit corpus de manuels sont d’abord caractérisés par leur statut (figure 4), le plus souvent professionnel9. Entre 46 % (Cameroun) et 83 % (B) d’entre eux sont désignés par un métier ou une fonction non familiale. Leur identité est ensuite donnée par leur patronyme ou leur prénom, l’un ou l’autre étant privilégié selon les collections, à l’exception du corpus tunisien. Ce dernier est le seul qui donne une place importante aux liens de parenté : 18 % des hommes en sont dotés. Dans les sept autres collections, l’inscription dans le réseau familial est marginale et elle n’est jamais privilégiée.
Figure 4. Hommes et femmes dans les manuels selon leur(s) désignation(s) (%)

Champ : personnages d’adultes présents dans les textes de 44 manuels africains et français (A, B, C, D). Lecture : les hommes sont 83 % à être nommés par un statut dans les manuels de la collection B. Cette proportion est de 63 % chez les femmes de cette même collection. Note : plusieurs désignations sont possibles pour un même personnage. Source : élaboration des auteures, à partir des sources citées en notes 3 et 4.
34La situation est beaucoup plus hétérogène chez les femmes. Seule une collection (B) met en exergue leur statut (63 %) et les écarts entre les pourcentages, selon le sexe, des personnages ainsi désignés sont révélateurs de la moindre importance accordée à cette caractéristique chez les femmes : ils oscillent entre 20 points (B) et 58 points (Tunisie) toujours en défaveur de ces dernières. À l’inverse, le lien de parenté est nettement plus valorisé : il représente le premier mode de désignation dans les corpus ivoirien et tunisien, et il arrive à égalité avec le statut dans les manuels togolais et avec la désignation par le nom ou le prénom dans la collection B. Dans chacun des corpus, les femmes sont toujours proportionnellement plus nombreuses que les hommes à être inscrites dans une relation de parenté : les écarts varient de 3 points (A) à 55 points (Tunisie). Lorsque les personnages, de femmes comme d’hommes, sont désignés par une relation de parenté, il s’agit le plus souvent de celle de mère ou de père (« la mère de », « le père de »). Enfin, la désignation par le nom est dans la plupart des corpus plus fréquente chez les femmes. Le choix entre patronyme ou prénom confirme l’importance du contexte éditorial. En effet, s’il varie selon les collections, la même option est le plus souvent retenue pour les deux sexes dans six corpus.
35Ces modes de désignation, qui font apparaître le personnage dans le texte, marquent profondément les représentations sociales : les hommes par leur statut social sont inscrits dans la sphère publique, le plus souvent professionnelle, tandis que la place prise par les liens de parenté et le nom en éloigne au contraire les femmes, et les rapproche de la sphère privée, familiale.
36L’inscription des femmes et des hommes dans les sphères publiques ou privées est renforcée par les activités qu’ils mènent (figure 5). Ainsi, dans tous les corpus, la pratique professionnelle domine chez les hommes, occupant entre 34 % (A et D) et 77 % (Tunisie) d’entre eux. Elle est aussi favorisée chez les femmes dans les collections A, B, C et au Cameroun.
37Néanmoins les hommes sont toujours proportionnellement plus nombreux que les femmes à accomplir des tâches professionnelles, avec des écarts variables selon la collection de 4 points (A) à 42 points (Tunisie), à l’exception du Cameroun où les proportions sont équivalentes.
Figure 5. Hommes et femmes dans les manuels selon leur(s) activité(s) (%)

Champ : personnages d’adultes présents dans les textes de 44 manuels africains et français (A, B, C, D). Lecture : dans le corpus tunisien, 62 % des hommes exercent une activité professionnelle formelle. C’est aussi le cas de 17 % des femmes. Note : un personnage peut avoir plusieurs activités. Source : élaboration des auteures, à partir des sources citées en notes 3 et 4.
38Dans les corpus africains, l’activité professionnelle se décline en deux catégories : formelle et informelle. La première insère les personnages dans des contextes de travail explicites. A contrario, la seconde, qui n’existe pas dans les manuels français, renvoie à des personnages qui ne sont pas désignés clairement par leur métier, pour lesquels aucune mention n’est faite d’un cadre professionnel, et qui sont ainsi mis en scène dans une situation « d’activité informelle ». Il peut s’agir, par exemple, d’un personnage de femme, désigné par son nom, qui a cuisiné et vend une partie de sa préparation culinaire. Dans la collection camerounaise, la grande majorité des femmes actives relèvent de cette catégorie, ce qui n’est pas le cas des hommes. À l’exception du Togo, l’activité informelle domine chez les femmes, aussi ne sont-elles pas pleinement inscrites dans la sphère professionnelle, et cela d’autant plus dans le cas de la vente d’aliments. Ce lien entre sphères publique et privée à travers l’activité professionnelle s’observe aussi dans les corpus français où nombre de femmes exercent des métiers de commerce alimentaire ou d’enseignante, les renvoyant à des rôles sexués classiques de prise en charge de la vie quotidienne et des enfants (Abassi, 2012).
39De fait, beaucoup de personnages féminins, entre 15 % (C) et 44 % (Togo), sont impliqués dans des activités d’achat, qui se placent en première position dans la moitié des collections. Dans les manuels de Côte d’Ivoire, du Togo, de la Tunisie et de la collection D, les femmes exercent plus couramment une activité d’achat qu’une activité professionnelle, ce qui ne se produit jamais chez les personnages masculins. Aucun corpus n’exclut les hommes, entre 7 % et 22 % effectuent des achats, cependant les femmes sont toujours plus nombreuses et, en cela aussi, les écarts sont éclairants : ils varient de 8 points (C) à 32 points (Togo). Comme chez les enfants, les activités domestiques sont assez peu présentes dans les manuels et les différences entre sexes sont peu marquées. Néanmoins, l’assignation des femmes à la sphère privée est nettement renforcée dans les ouvrages tunisiens et ivoiriens : respectivement 13 % et 18 % des femmes sont occupées à des tâches domestiques contre 2 % et 3 % des hommes. Enfin, les différences sont très aléatoires selon les collections concernant les activités de loisirs et de sociabilité.
40Rappelons que, d’une manière générale, les femmes sont les grandes « invisibles » de la population des manuels : les élèves voient constamment plus d’hommes que de femmes dans les livres. Certes, il n’existe pas d’exclusion des personnages féminins et masculins de certaines désignations et activités, néanmoins cette surreprésentation des hommes, accompagnée d’une plus grande diversité de leurs rôles, n’incite pas les lecteurs à appréhender une pluralité de profils féminins, ni dans les manuels ni dans la vie réelle. En outre, par leurs implications différenciées dans les sphères privée/ familiale et publique, femmes et hommes ne détiennent pas les mêmes fonctions sociales dans la population fictive des manuels scolaires. La sphère extraprofessionnelle reste dominante chez les femmes, contrairement aux hommes. Chaque collection développe ainsi des représentations qui renvoient aux élèves une sexuation, plutôt traditionnelle, des rôles sociaux.
Conclusion
41L’analyse de 44 manuels de mathématiques, d’origines et de périodes différentes, permet de mettre en évidence des processus d’élaboration des représentations sexuées ainsi que des similitudes ou des divergences dans les systèmes de genre construits à travers les populations fictives de ces ouvrages.
42Le système de genre proposé dans les manuels s’appuie, dans tous les corpus, sur la présence de nombreux personnages sexués, ceux dont le sexe n’est pas connu étant marginaux. Et dans tous les ouvrages, il est également fondé sur un déséquilibre numérique observable entre les quatre catégories de personnages définies par un âge et un sexe : les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Les manuels scolaires, à vocation éducative et socialisatrice, ne reflètent ni la réalité ni un idéal de parité, mais donnent à voir une population fictive particulièrement inégalitaire quantitativement entre les sexes. Force est de constater que selon les ouvrages, soit les femmes, soit les filles, soit les femmes et les filles, sont discriminées. La présence des personnages féminins, a fortiori des femmes, dans ces collections de livres de mathématiques ne va ainsi pas de soi.
43Le système de genre est par ailleurs fondé sur un traitement très différent des populations enfantines et adultes, observable via deux caractéristiques : leur mode de désignation et leur activité. Il apparaît alors que filles et garçons ont, dans l’ensemble des corpus, des traits assez proches. Les différences entre collections sont souvent plus marquées que celles repérables entre sexes. Une conception commune de l’enfant, dont l’individualité est soulignée et qui se consacre à des occupations propres à son âge – les apprentissages scolaires et les activités ludiques –, génère une forte similitude des portraits quel que soit le sexe. L’enfance paraît donc comme un moment préservé des différences sexuées, neutralisée par le statut d’écolier et la légitimité du jeu. Des différences apparaissent dès que l’individualisation cède le pas à l’insertion de l’enfant dans un réseau familial, plus fréquent pour les filles, et/ou qu’il est impliqué dans des activités qui ne sont pas spécifiques à son âge, mais qui au contraire l’initient aux responsabilités adultes, en le faisant participer aux activités domestiques ou économiques.
44Le processus de sexuation va se renforcer chez les adultes. De fait, leur traitement dans les manuels est très différent et les portraits se cristallisent selon le sexe. Femmes et hommes participent à la vie professionnelle et à la vie domestique, ils ne sont jamais exclus ni d’une désignation ni d’une activité, mais celles-ci ne sont pas distribuées au hasard et des sphères de prédilection se dessinent, publique et principalement professionnelle pour les hommes, privée et familiale pour les femmes. La fonction de pourvoyeur économique, mais aussi l’ouverture sur le monde et l’insertion sociale, voire la réussite, à travers une activité professionnelle restent principalement du domaine masculin. Ces dimensions sont moins présentes chez les femmes, dont les fonctions nourricières et parentales sont plus souvent mises en exergue.
45Les différences de représentations entre populations enfantines et adultes sont révélatrices des tensions qui traversent la société entre un idéal d’égalité entre sexes et la nécessité de préserver des identités sexuées différenciées (Dafflon Novelle, 2006a et 2006b), entre une égalité revendiquée et des inégalités persistantes dans les normes et les pratiques (Ferrand, 2004 ; Coulon et Cresson, 2007). Si un consensus existe, au moins dans les discours, pour éduquer les enfants sans distinction de sexe, chez les adultes, la notion d’égalité de valeur ne signifie pas indifférenciation – en témoignent des enquêtes sur les rôles de chacun des parents, mettant en évidence la supposée nécessité de la présence maternelle auprès des enfants (ibid.). Les manuels, comme d’autres écrits pour la jeunesse, révèlent ces tensions en préservant – en partie – le monde de l’enfance des différences d’identités et de rôles sexués et en marquant ces dernières chez les adultes, permettant ainsi leur apprentissage (Brugeilles, 2012).
46Le système de représentations sexuées est construit sur ces deux dimensions indissociables : un déséquilibre numérique et des portraits différenciés selon l’âge et le sexe. Filles et garçons, du fait de leur position d’écoliers, ont des profils assez similaires dans la plupart des manuels ; mais si les premières sont bien représentées dans la majorité des ouvrages français, elles sont peu nombreuses dans la plupart des manuels diffusés dans les quatre pays africains. Comment expliquer ce déficit alors que les portraits sont très proches ? Les garçons sont-ils considérés, même inconsciemment, comme porteurs d’une représentation de l’enfance, comme « référent universel » rendant inutile le recours à la « singularité féminine » ? Les concepteurs jugent-ils, là encore peut-être inconsciemment, que les mathématiques sont peu destinées aux filles et que la présence de ces dernières n’est pas utile dans les livres pédagogiques ?
47L’absence des femmes interpelle plus encore par sa récurrence dans l’ensemble des corpus. Leur invisibilité participe d’une dépréciation du féminin et leur sous-représentation incite les lecteurs à voir le monde des adultes sous le prisme du masculin. La fonction professionnelle est nettement privilégiée chez les hommes dans tous les manuels ; les élèves voient donc surtout des personnages masculins au travail, mais, du fait du déséquilibre numérique, ils rencontrent aussi plus d’hommes que de femmes dans les activités extraprofessionnelles. Les hommes dominent toutes les sphères. À l’inverse, les femmes sont trop peu nombreuses, trop éparpillées, pour rendre compte de la réalité de la diversité des identités féminines contemporaines tant en France que dans les quatre pays africains.
48Indéniablement, les manuels de mathématiques étudiés ici ne sont pas neutres et les représentations sociales sexuées forment un « curriculum caché » loin de promouvoir l’égalité entre les sexes. Les données ne permettent pas d’en connaître la réception par les élèves, cependant il est probable que les filles expérimentent un déficit de possibilité d’identification dans les manuels africains et de projection sur une adulte de leur sexe dans toutes les collections. Les garçons, quant à eux, voient peu de représentations du féminin adulte. Dans les corpus africains, la discrimination à l’égard des filles est plus violente du fait de leur disparition au fil du cursus scolaire. Cette faible présence féminine, associée aux portraits de femmes tels qu’ils apparaissent, suggère une moindre importance de leur carrière scolaire dans des contextes où elle n’est pas garantie pour toutes. Dans les corpus français, le peu de femmes représentées et leur moindre insertion professionnelle n’incitent les filles ni à se projeter dans une carrière, a fortiori scientifique, ni à s’investir dans l’étude des mathématiques.
49Les manuels sont utilisés par les enfants, mais aussi par les adultes, enseignants et parents, qui reçoivent les mêmes messages. En France, les différences d’attitudes des professeurs selon le sexe de l’élève en particulier en mathématiques sont bien documentées (Duru-Bellat, 2004 ; Mosconi et Loudet-Verdier, 1997 ; Mosconi, 2001) et il est probable que certains manuels, par leur contenu, participent de cet enseignement différencié. De telles études pourraient se développer à l’avenir en Afrique et ainsi permettre une meilleure connaissance des processus de socialisation sexuée scolaire dans ce contexte.
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Voir www.unesco.org/education/blm/blmintro_fr.php
2 Voir aussi en ligne : www.education.gouv.fr/cid4006/egalite-des-filles-et-des-garcons.html
3 Les données dans les manuels scolaires ont été collectées par Hélène Kamdem-Kamgno de l’Institut de formation et de recherche démographiques (Iford, Yaoundé) au Cameroun, Rachelle Djangone du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP, Abidjan) et Kalilhou Sy-Savane du ministère de l’Éducation nationale en Côte d’Ivoire, Justine Nomenyo et Atavi Edorh de l’Unité de recherche démographique (URD, Lomé) au Togo et Ibtihel Bouchoucha en Tunisie. Les projets ont reçu des financements du Centre population et développement (GIS-Ceped), de l’Union pour l’étude de la population africaine (UEPA) et de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Pour une analyse plus approfondie de ces corpus on peut se reporter aux articles réalisés pour chaque pays, publiés dans Brugeilles et al. (2008), ainsi qu’à Brugeilles et Cromer (2009).
4 La collecte pour les manuels français a été réalisée par Elsa Garcin. Le projet a reçu des financements de l’Institut national d’études démographiques (Ined) et de l’Unesco. Pour une analyse plus complète de ce corpus, on peut se référer à Abassi (2012) ainsi qu’à Brugeilles et Garcin (2013) concernant les illustrations ; et à Abassi et Brugeilles (2015) concernant les textes.
5 Par ailleurs, les manuels scolaires de mathématiques sont particulièrement utilisés par les enseignants (Bonnéry, 2015).
6 En France, cette information est difficilement accessible et le choix a été réalisé au regard d’informations fournies par les espaces enseignants des librairies spécialisées des différentes maisons d’édition.
7 Voir l’encadré 1 concernant l’anonymisation des collections françaises.
8 Ces personnages ne sont pas désignés par une profession, mais dans les faits ils réalisent une activité professionnelle comme vendre quelques marchandises.
9 La modalité « statut » regroupe des désignations faisant référence à des activités professionnelles (« un marchand », « un docteur ») qui sont nettement majoritaires, et quelques autres désignations comme « le voyageur », « l’automobiliste », etc. Pour des raisons d’inaccessibilité aux données de certains corpus, il n’est pas possible de constituer des catégories plus fines et homogènes pour l’ensemble des collections.
Auteurs
Est doctorante à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, (équipe Genre, travail et mobilités, GTM-Cresppa) et à l’Ined. Elle s’intéresse au rôle de l’entourage des jeunes placés par l’Aide sociale à l’enfance lorsqu’ils sortent du dispositif de protection, en exploitant notamment les données de l’Étude longitudinale sur l’autonomisation des jeunes après un placement (Elap). Elle a travaillé sur les dynamiques sociales de la non-maternité des femmes en France et analysé les représentations sexuées de vingt ouvrages didactiques. Elle a co-écrit avec Carole Brugeilles, « Les manuels scolaires de mathématiques au prisme des représentations sexuées », in M. Estripeaut-Bourjac et D. Gay-Sylvestre (dir.), Mixité et éducation. Pratiques sociales et dimensions culturelles, Presses universitaires de Limoges, 2015.
Elisa.abassi@ined.fr
Est démographe, professeure à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense et directrice adjointe du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (Cresppa, UMR 7217). Ses recherches portent, d’une part sur la fécondité, la santé de la reproduction et les politiques démographiques, notamment en Amérique latine ; et d’autre part sur la socialisation sexuée à travers les pratiques parentales et l’analyse de supports tels que les manuels scolaires et la littérature de jeunesse. Elle a co-écrit avec Elsa Garcin, « Les images dans les manuels de mathématiques, analyse de quatre collections de l’enseignement primaire en France », in C. Morin-Messabel (dir.), Filles/Garçons. Questions de genre, de la formation à l’enseignement, Presses universitaires de Lyon, 2013.
Cbrugeil@u-paris10.fr
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