Chapitre 4. État civil, sexe de l’enfant et environnement familial au Mali1
p. 101-125
Note de l’auteur
Note des auteurs2
Texte intégral
Introduction
1Depuis la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989, disposer d’un acte de naissance est reconnu comme un droit fondamental de l’enfant, prouvant son identité et permettant de faire valoir ses droits. Ce principe et sa mise en œuvre se heurtent cependant à la réalité : dans de nombreux pays du Sud, l’état civil ne couvre qu’une partie des naissances et produit rarement des statistiques qui permettraient de mesurer l’enregistrement et d’analyser les facteurs qui jouent sur la déclaration d’une naissance. Face à ces lacunes, depuis une dizaine d’années, une question sur l’existence d’un acte de naissance a été ajoutée aux nombreux recensements et enquêtes démographiques. La voie est ainsi ouverte pour un nouveau champ d’analyse, permettant d’approcher, au travers de la pratique de déclaration, la construction des rapports à l’enfant : quelles sont les naissances que l’on déclare et celles que l’on néglige ? Les différences d’enregistrement recoupent-elles des différences de statut, entre enfants ? Entre catégories sociales ?
2Dans ce débat, la question des inégalités de genre est incontournable. En effet en matière de développement humain, et tout particulièrement de scolarisation, les progrès profitent généralement d’abord aux hommes avant de s’étendre aux femmes, appuyés par des programmes internationaux volontaristes comme ceux des Objectifs du millénaire pour le développement ou de l’Éducation pour tous. On pourrait donc penser que le même schéma s’applique à la déclaration d’une naissance à l’état civil, non seulement parce que sa promotion figure dans ces mêmes programmes internationaux, mais aussi parce que l’acte de naissance est un document mobilisé pour l’inscription scolaire et plus largement pour l’accès aux services publics. En outre, l’inscription à l’état civil, réalisée dès la naissance, permet d’identifier des disparités entre enfants bien avant l’entrée à l’école. Elle offre ainsi un angle d’approche sur les attentes et l’investissement qui s’expriment à l’égard de l’enfant dès sa venue au monde, et leurs déclinaisons en fonction de son sexe et de ses caractéristiques familiales.
3C’est dans ce type de questionnement que s’inscrit ce travail, consacré à une population rurale du Mali où le recours à l’état civil se développe depuis une quinzaine d’années. Le corpus de données disponibles, combinant l’information du recensement national de 2009 sur l’existence d’un acte de naissance avec les données détaillées d’un suivi de population engagé depuis vingt-cinq ans, nous permet de retracer les tendances de l’état civil, selon le sexe et l’évolution de la scolarisation, mais aussi d’examiner les inégalités dans la pratique de déclaration et dans sa diffusion. Nous nous intéresserons en particulier à l’influence de l’environnement familial. La probabilité d’être inscrit à l’état civil varie-t-elle selon la famille au sein de laquelle on vit ? Selon sa configuration relationnelle ? Selon ses caractéristiques sociales ? Y a-t-il une convergence entre, d’une part, les indicateurs d’investissement sur les enfants biologiques et la cellule nucléaire, et d’autre part, la pratique de déclaration ? Ces schémas s’appliquent-ils aux enfants indépendamment de leur sexe, ou bien observe-t-on des logiques de déclaration différentes dès la naissance pour les filles et les garçons ?
I. L’enregistrement des naissances en Afrique subsaharienne
4L’état civil est à la fois un outil statistique et démographique et un élément de l’identité personnelle. Le premier aspect est connu depuis longtemps puisqu’il permet en dénombrant les naissances, les mariages et les décès de mesurer les tendances de la natalité, de la nuptialité et de la mortalité, et de planifier le développement économique et social. Le second aspect est lui aussi très ancien car il fallait, dans les populations de culture écrite, pouvoir prouver que telle personne était bien née de tels parents, qu’elle était majeure puisqu’elle était née à telle date, que telle personne était morte pour pouvoir en hériter, etc. Depuis l’origine des registres paroissiaux, cet aspect administratif et juridique est bien présent dans les pays européens par exemple. Et il a connu depuis quelques années un regain d’intérêt dans le cadre de la notion des droits de l’enfant.
1. Des principes à l’application
5À la suite de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui spécifie que chaque enfant doit être pourvu « aussitôt sa naissance » d’un nom et d’une nationalité (article 7), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme a mis l’accent dans sa 35e session en 1989 sur la nécessité d’enregistrer toutes les naissances le plus tôt possible et notamment celles des enfants nés hors mariage, ceci afin de lutter contre toutes les formes de maltraitance et d’exploitation, y compris les cas extrêmes d’enlèvement et de traite des enfants. En 1990, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant reprend à l’article 6 les dispositions de la CIDE.
6Lenregistrement des naissances est donc devenu un enjeu international, réaffirmé avec le mot d’ordre du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) : « un droit pour commencer » (Unicef, 2002 et 2005). Or, dans certaines parties du monde, on est loin de l’objectif affiché, tant en ce qui concerne la fréquence de la déclaration qu’en ce qui a trait au moment de l’enregistrement. Dans son bilan publié vingt ans après la signature de la CIDE et réalisé à partir des enquêtes Multiple Indicators Cluster Surveys (MICS) et Enquêtes démographiques et de santé/Demographic and Health Surveys (EDS/DHS), l’Unicef estime que dans les pays du Sud, la moitié des enfants de moins de 5 ans n’étaient pas enregistrés en 2007, ce taux dépassant 60 % en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est (Unicef, 2009). Ce sont donc des pans entiers de la population mondiale qui n’ont pas de documents attestant de leur identité et susceptibles d’être produits pour faire valoir leurs droits. Invisibles aux yeux de l’administration, ils risquent d’accéder plus difficilement à l’éducation, à la santé, à la protection contre les abus et l’exploitation, à la justice des mineurs et aux divers avantages sociaux prévus jusqu’à l’âge adulte (Unicef, 2002 et 2013). Par ailleurs, le principe d’un enregistrement précoce, défendu par la CIDE, est appliqué avec une certaine souplesse, les législations nationales accordant parfois aux parents un délai relativement important pour déclarer une naissance, variable selon les pays : dix jours au Bénin, quinze jours en Guinée, un mois au Sénégal, au Mali, au Cameroun et au Congo, quarante-cinq jours au Niger, deux mois au Burkina Faso et au Tchad, trois mois en Côte d’Ivoire (Leuvrey, 2003).
2. Différences de déclaration selon le sexe, la résidence et le milieu socioéconomique
7Si les obstacles à l’enregistrement – qu’ils soient financiers, géographiques, organisationnels ou encore culturels – sont connus (François, 1988 ; Lohlé-Tart et Clairin, 1988 ; Lohlé-Tart et François, 1999 ; Unicef, 2002 ; Mahapatra et al., 2007 ; Setel et al., 2007 ; AIMF, 2002-2008), rares sont en revanche les études permettant de déterminer précisément les catégories d’enfants qui ne sont pas enregistrées : leurs caractéristiques sociodémographiques ne sont guère connues, pas plus que les variables explicatives de leur exclusion. Or, ces données permettraient de renforcer les politiques visant à améliorer la pratique de déclaration des naissances en ciblant les populations exclues et en confortant celles déjà bien couvertes.
8Les études réalisées par l’Unicef en 2002 et 2005 font figure d’exception en proposant, à partir des enquêtes MICS et EDS, une première ébauche de typologie des enfants exclus de l’enregistrement des naissances et une analyse multivariée des facteurs influant l’enregistrement. Ces résultats fournissent des éléments contradictoires : le sexe et la résidence, urbaine ou rurale, ne jouent pas toujours dans un seul sens. Certains pays connaissent ainsi un sur-enregistrement des filles (Maldives), d’autres des garçons (Guinée équatoriale, Lesotho). Le même phénomène s’observe pour la résidence, ce qui s’expliquerait par les efforts de certains pays pour assurer une bonne couverture en milieu rural (Lesotho, Rwanda). Mais, dans l’ensemble, les déclarations de naissances sont plus fréquentes en ville. En revanche, la situation socioéconomique de la famille et l’instruction des mères jouent généralement dans le même sens : le taux de déclaration augmente avec le niveau de ressources et d’éducation. Cependant, certaines caractéristiques restent peu abordées, notamment celles qui portent sur l’environnement familial de l’enfant, qu’il s’agisse de la taille et de la configuration de la structure familiale – restreinte ou étendue, nombre d’adultes, coexistence de générations, etc. – ou de la place qu’y occupe l’enfant – rang, corésidence d’enfants, scolarisation des aînés, etc.
3. La situation au Mali et dans les pays voisins
9Les enquêtes EDS réalisées depuis 2006 permettent de préciser la situation actuelle en Afrique subsaharienne, grâce à une question sur l’existence d’un acte de naissance posée pour les enfants âgés de moins de 5 ans. Le tableau 1 fournit des indicateurs pour le Mali et une sélection de pays proches. Selon les enquêtes les plus récentes, le recours à l’état civil concerne désormais au moins deux tiers des naissances dans ces pays, et généralement plus des trois quarts. Au Mali, la proportion d’enfants dont la naissance a été déclarée est de 84 % d’après l’enquête de 2012.
Tableau 1. Déclaration des naissances à l’état civil dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest (%)

10Dans l’ensemble des pays, on constate en règle générale des écarts entre milieux urbain et rural (de 13 et 46 points), et entre le groupe le plus pauvre et le groupe le plus riche (de 28 à 47 points).
11En revanche, la différence entre les sexes est partout très faible (de 1 à 4 points à l’avantage des garçons), que le recours à l’état civil soit rare – à peine un tiers des naissances en 2006 au Niger – ou répandu – plus de trois quarts en 2010-2012 au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal. Sur la période récente, et à l’échelle nationale, il n’y a visiblement pas d’inégalité de déclaration entre les filles et les garçons.
12Cependant de telles différences ont pu exister dans le passé, comme le suggèrent les résultats du recensement malien de 2009 (figure 1). Ce recensement est le premier au Mali à avoir demandé à toute personne recensée si elle disposait d’un acte de naissance ou d’un jugement supplétif3. Exception faite des premiers groupes d’âges (jusqu’à 15 ans environ), des écarts entre femmes et hommes apparaissent à tous les âges.
13À 30-39 ans, la proportion d’hommes ayant un tel document dépasse de 23 % celle des femmes (54 % contre 44 %).
Figure 1. Proportion (%) d’individus ayant un acte de naissance ou un jugement supplétif, selon le milieu de résidence, le sexe et l’âge, en 2009

Champ : proportion (%) d’individus ayant un acte de naissance ou un jugement supplétif au dernier recensement général de la population et de l’habitat du Mali (2009). Source : Recensement général de la population et de l’habitat du Mali, 2009 (Instat, 2011, tableau 3).
14L’écart d’enregistrement4 concerne principalement le milieu rural mais il est également perceptible, sous forme très atténuée, en milieu urbain, malgré des taux d’enregistrement élevés à tous les âges. Les données maliennes confortent ainsi l’hypothèse d’un écart d’enregistrement des naissances selon le sexe dans les décennies passées, écart qui disparaît dans les années 2000, conjointement à l’essor de l’état civil et à sa promotion.
II. Contexte
15Notre recherche s’appuie sur un suivi de population mis en place au Mali à la fin des années 1980 (projet Slam : Suivi longitudinal au Mali, de l’Ined). Conjointement aux données longitudinales recueillies tous les cinq ans, ce projet intègre les données individuelles des recensements nationaux maliens.
1. Une population rurale au sud-est du Mali
16La population étudiée est située dans l’aire ethnique des Bwa dans le Sud-Est du Mali, proche du Burkina Faso, à 450 kilomètres environ de Bamako. Léconomie y est dominée par l’agriculture vivrière, réalisée dans le cadre d’un mode de production familial. Du point de vue démographique, la région connaît une forte croissance naturelle (supérieure à 3 % par an) liée à la persistance d’une fécondité élevée (8 enfants par femme). Cette croissance est cependant absorbée en partie par les migrations, principalement orientées vers l’espace intérieur ou les pays voisins.
17Comme la plupart des populations de la région, celle des Bwa s’organise en patrilignages, avec des règles de résidence et de filiation structurées autour des hommes. À chaque lignage se rattachent des zû, groupes domestiques ou exploitations agricoles, souvent de taille importante et de structure complexe. Plus de la moitié de la population appartient à des unités polynucléaires et près de 6 individus sur 10 sont dans des zû d’au moins 10 personnes (Hertrich, 2009). Les zû ne correspondent pas à des espaces résidentiels : leurs membres se répartissent généralement dans plusieurs cases éloignées les unes des autres. La communauté villageoise est très valorisée chez les Bwa – organisation de l’habitat, manifestations festives, activités collectives – (Capron, 1988), et l’homogénéité socioéconomique intravillageoise y est importante.
18Les villages bwa sont longtemps restés à l’écart des structures d’intégration nationale (Diarra, 2007). On peut citer leur opposition à la colonisation française, la résistance à l’islam5, mais également le faible niveau d’investissement dans l’école et dans les programmes de développement socioéconomique. Les années 1990 marquent un tournant. Au niveau national, elles correspondent aux débuts du processus de démocratisation (1991) et à l’adoption d’une politique de décentralisation multisectorielle (1993), qui a progressivement pris forme avec la création des communes et les élections municipales en 1999. Au niveau local, ces années sont celles d’un engagement nouveau des villages dans des projets de développement, en particulier en matière de scolarisation avec la mise en place d’écoles communautaires gérées par les villageois.
19À partir des générations nées dans les années 1990, plus de la moitié des enfants, filles comme garçons, sont envoyés à l’école, alors que la démarche restait rare dans les décennies précédentes, concernant à peine un garçon sur cinq et moins d’une fille sur dix parmi les enfants nés avant 19806. Cette période d’ouverture se caractérise aussi par un essor de la migration adolescente qui, pratiquée par les jeunes hommes depuis une quinzaine d’années, s’étend désormais aux jeunes filles partant travailler en ville comme aide domestique avant de se marier (Lesclingand, 2004 ; Hertrich et Lesclingand, 2012).
20À bien des égards, la conjoncture des années 1990 est donc favorable à une évolution du recours à l’état civil : le développement de la scolarisation, la mobilité des personnes, la fréquentation des bureaux de vote, l’ouverture sur l’espace public concourent à donner du sens aux « papiers » et à les rendre nécessaires aussi bien pour les filles que pour les garçons.
2. Une base de données intégrant plusieurs sources
21Pour évaluer l’influence de l’environnement familial sur la déclaration d’une naissance, nous avons construit une base de données à partir de trois sources :
le 4e recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) du Mali, réalisé en avril 2009, qui a enregistré, pour tout individu recensé, le fait de disposer ou non d’un acte de naissance ou d’un jugement supplétif7 ;
l’enquête renouvelée (ER) que nous poursuivons depuis 1988 dans sept villages (4 300 habitants. en 2009) ;
une réenquête de contrôle, en 2011, dans trois villages, sur l’existence effective des actes de naissance déclarés lors du RGPH.
22Selon notre protocole initial, une fois appariées, les données du RGPH et celles de l’ER devaient suffire à mesurer l’influence de l’environnement familial sur l’existence d’un acte de naissance. En effet le RGPH donne l’information sur l’acte de naissance pour chaque individu recensé tandis que l’ER permet de rattacher ce dernier à son groupe domestique (zû) et de s’émanciper de la catégorie du « ménage », particulièrement restrictive pour saisir le contexte familial dans cette population (Hertrich, 1996 et 2009). L’examen des séries par village a cependant révélé des distorsions dans trois d’entre eux, affichant un taux de déclarations beaucoup plus élevé et une représentation disproportionnée des ménages dont tous les membres ont été déclarés comme possédant un acte de naissance. En 2011, une réenquête systématique a été réalisée dans ces villages auprès des ménages recensés avec 100 % d’actes de naissance pour évaluer la fiabilité des informations recueillies et préciser le profil de ces ménages atypiques. Cette enquête a mis en évidence un effet d’enquêteur : l’agent recenseur avait assimilé les carnets de famille – utilisés pour l’imposition – présentés par le chef de ménage à des actes d’état civil. Elle a aussi permis de corriger les informations sur la disponibilité des actes d’état civil dans ces familles et de parvenir, dans deux des trois villages, à des séries cohérentes. C’est à partir de cette base de données corrigée, excluant un village et intégrant les données de la réenquête de 2011, que nous travaillerons ici8.
23Ces données portent ainsi sur six villages, soit une population d’environ 4000 individus recensés en 2009. Dans un premier temps, on utilisera intégralement la base de données pour décrire l’évolution de l’état civil par sexe sur le long terme. Dans un deuxième temps, on se focalisera sur les enfants nés en 2000-2009, c’est-à-dire dans les dix années précédant le recensement. En effet, les caractéristiques de l’environnement familial sont mesurées en 2009, au moment du RGPH, et sont donc d’autant moins pertinentes pour rendre compte de la configuration familiale au moment de la déclaration de naissance que celle-ci est éloignée dans le temps. En outre, les jugements supplétifs étant rares aux jeunes âges, on peut considérer que le taux de réponses positives à la question du recensement approche la fréquence effective des actes de naissance pour ces jeunes générations. Une cohorte de dix générations (2000-2009) correspond déjà à une distance importante par rapport au recensement ; nous avons cependant conservé ce regroupement pour disposer d’effectifs suffisants, et considéré que si l’environnement familial conditionne les déclarations, son influence ressortira par-delà cette approximation. La cohorte 2000-2009 traitée comprend 1328 enregistrements, 641 filles et 687 garçons.
III. Organisation de l’état civil et tendances longues de l’enregistrement des naissances
24Les tendances longues de l’état civil, telles qu’elles ressortent de nos données, se structurent en deux temps : une évolution lente et chaotique pendant des décennies, suivie d’un décollage significatif à partir des années 1990 (figure 2a). On y retrouve en partie l’influence des dispositifs institutionnels, mais en partie seulement car les conditions d’application locales et les facteurs de motivation des populations ont bien souvent modéré les ambitions de ces programmes.
1. La déclaration des naissances : une pratique marginale pendant des décennies
25Sous la colonisation française, l’obligation d’enregistrement des naissances, d’abord limitée à certaines catégories de « sujets français » (arrêté du 9 mai 1933) est étendue en 1950 (arrêté du 16 août 1950) aux personnes résidant dans un rayon de 10 kilomètres autour des bureaux d’état civil, disposition accompagnée de la création de centres de déclaration ruraux. L’indépendance du Mali en 1960 est suivie de nouvelles mesures en faveur de l’enregistrement : circulaire sur l’état civil en 1961, Code du mariage et de la tutelle en 1962 et loi portant organisation de l’état civil en 1968.
Figure 2. Tendances longues de l’état civil et de la scolarisation, selon le sexe

Champ : proportion d’individus (%), par sexe et générations, disposant d’un acte de naissance ou d’un jugement supplétif et proportion d’individus (%) ayant été à l’école ; six villages. Lecture : pour une cohorte donnée, la proportion d’actes de naissance et de jugements supplétifs est associée à l’année de naissance (centre d’intervalle) tandis que la proportion d’enfants ayant fréquenté l’école est représentée 8 ans plus tard (centre d’intervalle + 8). Source : RGPH 2009 et réenquête 2011.
26Cependant ces dispositifs n’ont pas eu d’effet significatif sur les pratiques, et ce probablement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, leur mise en œuvre a été freinée par la conjoncture politique : désorganisation après l’indépendance en 1960 et après le coup d’État de 1968, priorité politique donnée à d’autres dossiers. Ensuite, ils ont pu, paradoxalement, compliquer les démarches déclaratives : c’est le cas de la centralisation des bureaux d’enregistrement au chef-lieu d’arrondissement en 1968. Enfin, la motivation des familles restait faible dans un contexte où les documents administratifs étaient rares et d’un intérêt limité, sinon pour certaines catégories particulières de population – les anciens combattants notamment.
27Jusqu’en 1970, la couverture de l’état civil est inférieure à 10 % et la progression au cours des vingt années suivantes profite principalement aux hommes (figure 2c). À la fin des années 1980, l’enregistrement reste globalement faible et bien inférieur à la moyenne nationale : il est de 17 % contre 40 % sur l’ensemble du Mali rural selon les estimations censitaires (figure 1). Cependant l’écart entre les sexes s’est creusé : parmi les générations nées à la fin des années 1980, les hommes sont deux fois plus nombreux que les femmes – 22 % contre 10 % (figure 2a) – à disposer d’un certificat de naissance. Ces données censitaires, qui surestiment le poids de l’état civil du fait de la comptabilisation des jugements supplétifs, prouvent amplement le caractère extrêmement limité de la déclaration des naissances dans les villages étudiés.
2. Le décollage des années 1990 et la réduction des différences entre les sexes
28La situation change complètement dans les années 1990 : le taux d’enregistrement des naissances monte en flèche et frôle les 60 % à la fin des années 2000, soit un triplement en vingt ans (figure 2a). Les femmes rattrapent les hommes et la différence entre les sexes devient négligeable chez les générations 2005-2009 – 54 % pour les garçons, 52 % pour les filles. Le retard est également comblé par rapport à la moyenne nationale : 52 % pour les garçons, 49 % pour les filles des mêmes générations, en milieu rural (figure 1).
29Cette évolution fait suite à la loi régissant l’état civil adoptée en 1987 – et complétée en 1988 – (ministère de la Justice du Mali, 2005), toujours en place aujourd’hui. La réforme est fondée sur une politique de décentralisation, notamment à travers la création de centres de déclaration ruraux, la délégation de certaines responsabilités aux autorités locales et l’organisation de campagnes de sensibilisation. Les débuts sont chaotiques avec des ralentissements et des désorganisations suite au coup d’État de 1991, mais la législation s’enracine progressivement dans les villages, adossée aux différentes étapes de la décentralisation : ouverture en 1993 du centre de déclaration secondaire dans le bourg de Yaso (futur chef-lieu de commune) qui accueille le marché hebdomadaire de la zone, création de la commune en 1994, élections municipales en 1999, ouverture du centre d’enregistrement principal installé dans les locaux de la mairie en 2000, création de centres de déclaration secondaires dans les villages à partir de 2008 (en 2011, seuls deux des six villages n’en sont pas équipés)9.
30Cependant la mise en place de ce dispositif institutionnel n’explique pas tout. C’est aussi, et avant tout, à une motivation nouvelle des populations, alimentée par le désenclavement et l’investissement dans des projets de développement, qu’il faut attribuer la montée en puissance de l’état civil à partir des années 1990. Avec l’augmentation de la scolarisation et des déplacements, le besoin de « papiers » devient pressant et stimule la démarche de déclaration. Offre et demande d’enregistrement convergent ainsi.
31La comparaison des tendances de la scolarisation avec celles de l’état civil rend bien compte de leur articulation. La courbe de l’état civil fait écho avec un décalage de l’ordre de huit ans à celle de la scolarisation (figure 2a) : la proportion de naissances que l’on déclare à l’état civil une année donnée correspond, grosso modo, à la proportion d’enfants allant en primaire cette même année.
32En d’autres termes, l’enregistrement de l’enfant à l’état civil serait une forme d’anticipation de son inscription à l’école, réalisé au prorata de la scolarisation observée au moment de la naissance. Cette association, également vérifiée si l’on distingue les tendances pour chacun des sexes, est certainement une explication des disparités d’enregistrement à l’état civil entre les sexes jusqu’au milieu des années 1990.
33La tendance à scolariser les garçons a débuté plus tôt10, et avec elle celle de déclarer leur naissance (figure 2c). Quand la scolarisation des filles connaît son essor, elle s’accompagne d’une motivation conjointe des familles à déclarer leur naissance, afin de disposer de l’acte demandé pour l’inscription à l’école (figure 2b). Quand les filles rattrapent les garçons au début des années 2000, c’est donc à la fois en matière de scolarisation et d’enregistrement à l’état civil (figure 2a).
IV. Évaluer l’influence de l’environnement familial sur la déclaration des naissances
34Lors de notre enquête, la progression de l’état civil se situe à mi-chemin : une naissance sur deux environ, féminine comme masculine, est déclarée dans les années 2000. La pratique a acquis une visibilité et elle est devenue accessible ; elle se banalise. Dans ce contexte, par ailleurs très homogène du point de vue socioéconomique et culturel, quels sont les facteurs qui vont orienter la démarche déclarative ? Les caractéristiques de la famille dans laquelle l’enfant naît jouent-elles un rôle significatif ? Nous examinerons la question autour de trois lignes directrices.
1. L’investissement dans le capital humain et la référence à la « modernité »
35Dans la société rurale et de culture orale étudiée, un acte de naissance est longtemps resté un objet exotique. Il ne fonde en rien le statut d’une personne et n’a pas de signification en termes de reconnaissance sociale de l’enfant. S’il a désormais de la valeur, c’est en raison des exigences administratives qui s’affirment dès lors que l’on s’éloigne de la vie et de l’espace villageois : pour s’inscrire à l’école, faire des démarches juridiques, obtenir un passeport et migrer, etc., il faut fournir un extrait de naissance, ou à défaut un jugement supplétif. À cet égard, enregistrer un enfant c’est le doter d’un document qui lui servira plus tard pour évoluer en dehors de l’espace communautaire. En d’autres termes, une telle démarche traduit une forme d’investissement sur l’individu qui vient de naître, une sorte de pari et d’anticipation sur son avenir. Elle exprime probablement aussi une certaine ouverture à des référents « modernes » et une projection au-delà de l’identité et des normes communautaires.
36Si cette interprétation est exacte, alors la disponibilité d’un acte de naissance est une sorte de proxy d’un ensemble plus large de comportements d’investissement sur l’enfant et dans des espaces de relations et de ressources dépassant le cadre local.
37Pour tester cette hypothèse, nous avons caractérisé les groupes domestiques en fonction de différentes pratiques :
l’investissement scolaire, saisi par deux indicateurs : le premier porte sur les jeunes générations et distingue les zû en deux catégories selon que la moitié au moins des enfants de 7 à 19 ans ont fréquenté l’école ou non ; le second porte sur la présence d’adulte scolarisés dans la zû ;
la religion majoritaire dans la zû : chrétienne (catholique ou protestante) ou traditionnelle ;
l’existence d’une pratique ancienne de recours à l’état civil : nombre d’adultes (20 ans et plus) ayant un acte de naissance ou un jugement supplétif.
2. La structuration de l’espace familial et la privatisation du rapport à l’enfant
38Si le recours à l’état civil témoigne d’une évolution des rapports à l’enfant, alors on s’attend à constater un enregistrement des naissances plus fréquent dans les familles qui affichent les signes d’une certaine privatisation des relations familiales, par exemple dans les groupes domestiques centrés sur une cellule nucléaire, avec un chef de famille relativement jeune. Réciproquement, on peut penser que les groupes domestiques de structure complexe, de taille importante, dirigés par un homme âgé, seront moins favorables à une démarche systématique de déclaration. Plusieurs raisons peuvent être avancées : les responsabilités à l’égard des enfants y sont diluées dans un réseau plus large, la probabilité est plus grande d’y enregistrer des enfants de statut particulier – enfants confiés notamment –, et ces groupes adhèrent peut-être davantage aux normes « traditionnelles » qu’aux orientations portées par les structures de la société civile nationale.
39Pour tester cette hypothèse, nous avons produit plusieurs indicateurs sur la structure et la composition de la zû :
sa taille (nombre d’individus résidents de tous âges) ;
le nombre d’enfants présents (âgés de moins de 10 ans) ;
sa structure mono ou polynucléaire (nombre d’hommes mariés) ;
la présence de la polygamie (au moins un homme polygame) ;
l’âge du responsable du groupe domestique (zûso).
3. L’étendue du réseau familial comme facteur de diffusion
40Un troisième élément d’interprétation relève de la dynamique relationnelle interne au groupe domestique. La densité du réseau relationnel est souvent considérée comme un frein à l’adoption de nouveaux comportements en Afrique rurale, notamment en matière de fécondité et de contraception. Cependant, pour une démarche comme la déclaration de naissance, qui n’est pas directement porteuse d’enjeux en termes de rapports entre sexes et entre générations, on peut envisager que la relation puisse jouer en sens inverse, l’étendue du réseau relationnel encourageant alors l’enregistrement. Plusieurs facteurs pourraient intervenir ici : le mimétisme – l’exemple d’une démarche de déclaration parmi ses proches est plus fréquent quand le nombre de ceux-ci est élevé –, l’effet d’entraînement et la mutualisation – dans les grandes familles, il n’est pas rare que plusieurs naissances soient proches dans le temps et puissent être enregistrées au même moment –, la facilitation des démarches – la probabilité qu’un proche se déplace dans la localité où se trouve l’état civil augmente avec la taille du réseau relationnel.
41Cette hypothèse est transversale aux deux précédentes. Elle renforce la première sur l’idée qu’une expérience passée de recours à l’état civil augmente la probabilité de déclarations futures. En revanche, elle a un effet contraire à la deuxième hypothèse : ici les membres de la zû sont considérés comme un capital social ; plus celle-ci est de taille importante et de structure étendue, plus on s’attend à une fréquence élevée d’actes de naissance.
42Lexamen de cette hypothèse reprend des indicateurs déjà cités pour les deux précédentes, à savoir les indicateurs sur la taille et la morphologie des groupes domestiques et ceux portant sur le recours passé à l’état civil.
V. Une pratique de déclaration contrastée selon les familles, peu contrastée selon le sexe
43Le tableau 2 indique la proportion d’enfants ayant un acte de naissance parmi les générations 2000-2009 – individus âgés de moins de 10 ans au moment du recensement –, en fonction des caractéristiques de leur groupe domestique.
Tableau 2. Proportion (%) d’enfants ayant un acte de naissance selon les caractéristiques de leur groupe domestique (zû), générations 2000-2009


44La première de nos hypothèses, celle du recours à l’état civil comme à une ressource participant à la construction de l’avenir de l’enfant, est clairement confortée par les résultats. En effet toutes les variables qui rendent compte d’un investissement en capital humain au sein de la zû et de l’intégration de références dépassant le cadre culturel local sont très significatives et convergentes.
45Naître dans un groupe domestique où les enfants sont envoyés à l’école augmente considérablement la chance d’avoir un acte de naissance. La probabilité passe du simple au double quand on appartient à une famille où au moins la moitié des enfants ont été inscrits à l’école par rapport à celles où la scolarisation est plus rare. La référence à l’école joue aussi quand on la mesure auprès de la population adulte : plus le nombre d’individus âgés de plus de 20 ans et scolarisés est élevé dans la zû, plus la probabilité d’enregistrer les naissances est élevée.
46Le recours à l’état civil pour les générations passées est un autre facteur qui pèse sur les déclarations, plus fortement encore que la scolarisation : dans une zû qui compte au moins deux adultes possédant un acte de naissance ou un jugement supplétif, huit enfants sur dix sont enregistrés, contre deux tiers quand un seul adulte dispose d’un acte, et à peine plus du tiers quand aucun adulte n’est concerné.
47Enfin, naître dans une famille majoritairement chrétienne plutôt qu’animiste double la probabilité d’être déclaré à l’état civil. Les religions chrétiennes, catholique et protestante, ont été importées au milieu du xxe siècle dans cette zone et défendent des valeurs occidentales, distinctes de celles de la culture locale, sur la famille – refus de la polygamie et du divorce, partenariat conjugal, etc. – et la prise en charge des enfants – responsabilité des parents biologiques, etc. Elles ont également joué un rôle important, dès la période coloniale, dans la promotion de l’école, de l’alphabétisation et, aujourd’hui encore, dans la formation secondaire et supérieure. Il n’est donc pas surprenant que leur influence sur la déclaration à l’état civil joue dans le même sens que les variables de scolarisation, en référence, dans les deux cas, à des valeurs et des projets dépassant le cadre local.
48École et religion chrétienne ont aussi en commun d’inciter aux démarches administratives et à l’accès aux documents écrits : l’école demande des papiers pour l’inscription ; les paroisses exigent un mariage légal préalable au mariage religieux et tiennent des registres paroissiaux et des livrets familiaux. Enfin, l’une et l’autre contribuent à la fréquentation des services publics et à la socialisation aux démarches administratives : le fait d’avoir passé une partie de son enfance hors de son village et souvent au chef-lieu d’arrondissement pour aller à l’école, de même que les manifestations religieuses (fêtes, stages, etc.), contribuent au déploiement d’un réseau relationnel extravillageois et à des échanges sociaux diversifiés qui finalement vont faciliter, en les banalisant, les démarches auprès des autorités, dont le bureau de l’état civil. Notons cependant que l’enregistrement des naissances est loin d’être systématique même au sein des catégories sociales où la pratique est la plus développée : dans les familles chrétiennes ou celles qui investissent dans la scolarisation, plus d’un tiers des naissances ne sont ainsi pas déclarées.
49Notre troisième hypothèse, sur l’effet favorable aux déclarations des naissances d’un réseau familial étendu, est également soutenue par les résultats bivariés. En effet la proportion d’actes augmente avec la taille de la zû et avec le nombre d’unités nucléaires qui la composent. Ce résultat peut être considéré comme une déclinaison à l’échelle intrafamiliale du mécanisme de diffusion précédemment suggéré à l’échelle des réseaux extrafamiliaux chrétiens ou associés à l’école : plus on a autour de soi d’interlocuteurs susceptibles de servir de relais soit pour suggérer ou encourager la déclaration, soit pour la réaliser – l’enregistrement pouvant être fait par une personne autre que le père ou la mère de l’enfant –, plus la probabilité de déclaration est élevée.
50Notre deuxième hypothèse est celle qui s’avère en revanche la moins convaincante. Les unités familiales de petite taille, avec une morphologie centrée sur la cellule nucléaire, dont on avait pensé qu’elles pourraient témoigner d’une privatisation des relations autour de l’enfant, n’ont pas de pratique déclarative plus fréquente, mais au contraire plus faible.
51Cette absence de relation est sans doute à mettre en rapport avec l’hétérogénéité probable des catégories définies par la taille et la structure. En effet si les zû mononucléaires ou de petite taille comptent probablement des couples ayant fait le choix d’une vie familiale centrée sur la cellule nucléaire, elles englobent aussi des familles dont la taille restreinte est associée à un manque de ressources et donc de potentiel d’investissement. Réciproquement les zû de grande taille et de structure complexe traduisent pour certaines une adhésion au modèle patriarcal et traditionnel, mais aussi, bien souvent, des situations matérielles plus satisfaisantes et plus sécurisantes, le nombre permettant de faire face plus efficacement aux aléas climatiques et sanitaires. Or, nos catégories ne permettent pas de départager ces cas de figure, pas plus que de discuter de l’émergence éventuelle de familles centrées sur un projet conjugal.
52Tout au plus peut-on dire que si de telles structures apparaissent, elles n’ont pas atteint un poids suffisant pour remettre en cause les structurations anciennes qui situent les petites familles parmi les plus vulnérables. À l’autre extrémité du spectre, on peut noter certains indices qui suggèrent une association entre structuration familiale traditionnelle et pratique plus rare de l’état civil : la présence d’un grand nombre d’enfants (quinze et plus), la polygamie et l’animisme sont des facteurs associés à une probabilité plus faible d’avoir un acte de naissance. En revanche, l’âge du responsable économique n’a pas ici d’effet significatif.
53Les différences entre les sexes sont mineures : on retrouve à peu près les mêmes associations quand on examine la pratique de l’état civil séparément pour les filles et pour les garçons. Rappelons qu’au sein de ces générations 2000-2009, la déclaration est sensiblement identique – 46 % pour les premières et 47 % pour les seconds. S’agissant des variables relatives à l’investissement scolaire, à la pratique passée de l’état civil et à la religion, les variations sont similaires. Concernant les indicateurs sur la morphologie du groupe domestique, les différences sont moins marquées – et parfois non significatives – pour les filles que pour les garçons, suggérant que l’influence de la structuration familiale sur la déclaration joue surtout pour le sexe masculin, les hommes étant amenés, en vertu des règles patrilocales et patriarcales, à rester dans la famille et à y défendre leur statut, alors que les femmes, qui rejoignent le domicile de leur époux, ont peu de droits à faire valoir dans leur famille d’origine.
VI. L’investissement dans le capital humain et « la modernité » : un élément clé de la déclaration des naissances
54Les analyses bivariées menées jusqu’ici correspondent à des résultats bruts, décrivant la déclaration des naissances selon différentes variables considérées indépendamment l’une de l’autre. Qu’en est-il lorsque l’on prend en compte simultanément ces caractéristiques : retrouve-t-on « toutes choses égales par ailleurs » des effets propres à l’environnement familial et à l’investissement en capital humain ? Les résultats d’une régression logistique menée pour les deux sexes, ensemble et séparément (tableau 3), apportent des réponses nuancées à ces questions.
Tableau 3. Régression logistique sur l’existence d’un acte de naissance. Rapport des chances (odds ratio), générations 2000-2009

55Ces résultats confirment l’association très forte entre le recours à l’état civil et les valeurs et projets dépassant le cadre communautaire traditionnel. En effet les variables qui mesurent l’investissement des groupes domestiques dans le capital humain et une adhésion à des références modernes ont une influence massive sur la pratique de déclaration des naissances, en des termes proches pour les filles et les garçons. Le fait d’appartenir à une zû qui scolarise ses enfants, qui compte des adultes ayant un acte de naissance ou un jugement supplétif, ou qui est majoritairement chrétienne multiplie par 2,5 au moins la probabilité d’être enregistré à l’état civil. Mais ici la présence d’adultes scolarisés n’a plus d’effet : c’est la pratique actuelle en matière de scolarisation qui compte dans la motivation à déclarer les naissances.
56En revanche, l’influence de la configuration du groupe domestique sur le recours à l’état civil n’est pas confirmée. Seuls deux indicateurs sont significatifs. D’une part, l’appartenance à une zû polynucléaire plutôt que mononucléaire augmente la probabilité de déclaration, pour les filles comme pour les garçons. D’autre part, l’âge du responsable familial, non significatif dans les statistiques bivariées, apparaît dans la régression logistique comme un facteur significatif et qui joue dans le sens attendu, celui d’une déclaration plus fréquente des naissances quand le responsable familial est jeune. Ce différentiel est observé pour les filles comme pour les garçons, mais n’est significatif que si l’on traite les deux sexes ensemble. L’effet de toutes les autres variables en revanche disparaît, ce qui signifie que les différences notées précédemment sont absorbées par celles des autres variables.
57En définitive, ces résultats invitent à considérer le recours à l’état civil dans le cadre d’une dynamique de développement social et de désenclavement local. Ce sont en effet très clairement les pratiques qui témoignent d’une mobilisation en faveur de l’école et celles qui jouent sur l’accessibilité et la banalisation de la démarche administrative qui expliquent, pour les filles comme pour les garçons, la pratique de l’enregistrement des naissances.
Conclusion
58Après des décennies de progression lente et incertaine, ce n’est que dans les années 1990 que l’enregistrement des naissances à l’état civil commence véritablement à décoller dans les villages maliens étudiés. Effet d’une « offre » de services mieux adaptée ? Effet d’une « demande » accrue des familles ? Nos résultats suggèrent plutôt une convergence entre des évolutions touchant d’un côté la sphère familiale, de l’autre la vie publique.
59L’essor de l’état civil s’inscrit en effet dans une période d’effervescence et de changements sociopolitiques rapides inédite. En dépit de ses limites, la politique de décentralisation lancée dans les années 1990 a contribué à reformater l’espace public local et le rapport des populations, jusque là très réticentes, aux instances étatiques. Le développement des déclarations de naissances n’a pas coïncidé avec une politique nouvelle sur l’état civil ; mais il a profité d’un mouvement général de confiance et d’investissement dans le développement local et s’est nourri d’adaptations concrètes – notamment la création de centres de déclaration secondaires dans les villages – pendant les deux décennies suivantes.
60Dans le même temps, avec l’essor de la scolarisation, avec la sécurisation des déplacements des personnes et avec la pratique des votes, l’intérêt à disposer de documents d’identité a pris une dimension concrète et s’est traduit par une motivation à engager les démarches. Alors qu’il a longtemps été considéré comme un document administratif sans valeur propre pour l’intéressé, l’acte d’état civil apparaît progressivement comme une « ressource », un élément qui pourra être utile et mobilisable pour la réalisation de projets futurs, en premier lieu la scolarisation de l’enfant.
61Cette grille de lecture, considérant le recours à l’état civil comme une forme d’investissement, est confortée par nos résultats. En effet, dans un contexte où l’enregistrement ne touche encore que la moitié des naissances, ce sont clairement les familles qui expriment une ouverture vers des systèmes de valeurs et des projets dépassant le cadre local (école, religion chrétienne) qui recourent le plus à l’état civil. En comparaison, les caractéristiques formelles de l’environnement familial jouent peu sur la pratique déclarative. Certes il y a un effet d’entraînement et de mimétisme qui augmente la fréquence des déclarations dans les familles de grande taille et de structure complexe mais cet effet est absorbé par les variables mesurant l’investissement dans le capital humain.
62La fréquence des déclarations est sensiblement identique aujourd’hui pour les deux sexes, alors qu’elle avantageait nettement les garçons il y a vingt ans. Ce rapprochement s’est réalisé simultanément en matière de scolarisation et d’enregistrement à l’état civil : quand les familles ont commencé à envoyer leurs filles à l’école, elles ont aussi commencé à déclarer leurs naissances ; quand la scolarisation des filles a rattrapé celle des garçons, le même phénomène s’est produit pour l’enregistrement des naissances. Il est donc possible que les campagnes en faveur de la scolarisation des filles aient également encouragé, indirectement, leur enregistrement à l’état civil et, plus généralement, contribué à la diffusion de démarches en faveur des enfants indépendamment de leur sexe. Nos résultats suggèrent que les parents forment désormais des projets d’avenir pour leurs filles comme pour leurs garçons. Lenregistrement de l’enfant dès sa naissance en est un tout premier jalon, qui facilitera sa progression dans la vie et hors du village, en matière de formation, de mobilité et d’activité professionnelle.
63À travers les déclarations à l’état civil, on voit finalement se dessiner un espace de redéfinition des rapports à l’enfant, avec la rencontre de trois acteurs institutionnels mobilisés autour de l’identité et de la propriété de ce dernier : la communauté villageoise et lignagère, garante des droits de l’enfant dans le contexte traditionnel, les parents et enfin l’État qui, avec l’acte de naissance et les conventions sur les droits de l’enfant, entre en jeu comme un nouvel interlocuteur. La question de la privatisation des rapports à l’enfant et de ses droits resurgit ainsi comme l’un des enjeux contemporains (Rollet, 1993 ; Segalen, 2010 ; Bonnet et al., 2012). À cet égard, les statistiques sur les actes de naissance peuvent être un outil précieux, non seulement pour aborder les tendances de l’état civil, mais aussi pour comprendre les axes de restructuration et de privatisation au sein de l’espace familial, par rapport à l’enfant et entre enfants. Les dernières générations des recensements et des enquêtes démographiques et de santé, qui comprennent des questions sur la disponibilité des actes de naissance, ouvrent en ce sens des perspectives de recherche prometteuses.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Références bibliographiques
AIMF, 2002 à 2008, Rapport général lors de la session annuelle de l’Observatoire international de l’état civil, Paris, Association internationale des maires francophones, http://www.aimf.asso.fr/
Bonnet D., Rollet C., Suremain (de) C.-E. (dir), 2012, Modèles d’enfances : successions, transformations, croisements, Paris, Éditions des archives contemporaines.
Capron J., 1973, Communautés villageoises bwa. Mali-Haute-Volta., Paris, Museum national d’histoire naturelle, mémoire de l’Institut d’ethnologie, IX, tome I, fasc. 1.
Capron J., 1988, Introduction à l’étude d’une société villageoise. 1955-1968, Tours, université François-Rabelais de Tours, mémoire du Laboratoire d’anthropologie et de sociologie, 2.
Comité de pilotage Ravec, 2008, Recensement administratif à vocation d’état civil. Méthodologie générale, Bamako, ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales.
Diarra J. T., 2007, États, Églises et sociétés. Les Buwa, les mécanismes oubliés d’une marginalisation, Bamako, Edim-SA.
François M., 1988, « L’état civil en Afrique », Stateco, 52-53, p. 5-39.
Ghana Statistical Service, 2009, “Household population and housing characteristics”, in Ghana Demographic and Health Survey 2008, Accra, Ghana Statistical Service, Ghana Health Service, ICF Macro, p. 10-30.
Hertrich V., 1992, « Apport des sources existantes à la datation des événements. Une enquête en pays bwa au Mali », Population, (47)5, p. 1263-1292.
Hertrich V., 1996, Permanences et changements de l’Afrique rurale : dynamiques familiales chez les Bwa du Mali, Paris, Ceped, coll. « Les Études du Ceped », 14.
Hertrich V., 2009, « Stabilité ou changement ? La dynamique des groupes domestiques chez les Bwa du Mali » in J. Vallin (dir.), Du genre et de l’Afrique. Hommage à Thérèse Locoh, Paris, Éditions de l’Ined, p. 227-246.
10.1080/00324728.2012.669489 :Hertrich V., Lesclingand M., 2012, “Adolescent migration and the 1990s nuptiality transition in Mali”, Population Studies. A Journal of Demography, 66 (2), p. 147-166.
Hertrich V., Rollet C., 2012, État civil et reconnaissance de l’enfant : Qui déclare-t-on ? Une étude de cas au Mali, communication au colloque de l’Association internationale des démographes de langue française (Aidelf), Démographie et politiques sociales, Ouagadougou, 12-16 novembre 2012.
Instat, 2011, Quatrième recensement général de la population et de l’habitat du Mali. Résultats définitifs, tome 1 : série démographique, Bamako, Institut national de la statistique.
Instat, 2014, Enquête démographique et de santé au Mali 2012-2013, Rockville, cellule de planification et de statistiques (CPS), Institut national de la statistique (Instat), Centre d’études et d’information statistiques (Info-Stat) et ICF International.
Lesclingand M., 2004, « Nouvelles stratégies migratoires des jeunes femmes rurales au Mali : de la valorisation individuelle à une reconnaissance sociale », Sociétés contemporaines, 55, p. 21-42.
Leuvrey B., 2003, Législation comparée d’état civil, Paris, Association internationale des maires francophones.
Lohlé-Tart L., Clairin R., 1988, De l’homme au chiffre : réflexions sur l’observation démographique en Afrique, Paris, Centre population et développement (Ceped), Union internationale pour l’étude scientifique de la population (UIESP), Institut de formation et de recherche démographiques (Iford).
Lohlé-Tart L., François M., 1999, État civil et recensements en Afrique francophone : pour une collecte administrative de données démographiques, Paris, Centre population et développement (Ceped).
10.1016/S0140-6736(07)61308-7 :Mahapatra P., Shibuya K., Lopez D.A., Coullare F., Notzon F.C., Rao C., Szreter S., 2007, “Civil registration systems and vital statistics : successes and missed opportunities”, The Lancet, 370 (9599), p. 1653-1663.
Mariko S., 2012, « Situation des enfants » in Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) et ICF International, Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples du Burkina Faso 2010, Calverton, INSD, p. 317-321.
Mariko S., Chaïbou I., 2007, « Situation des enfants » in Institut national de la statistique (INS) et Macro International, Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples du Niger 2006, Calverton, INS et Macro International, p. 273-277.
Mariko S., Togola A., 2007, « Situation des enfants, des orphelins et des enfants en situation difficile » in S. Samaké et al., Enquête démographique et de santé au Mali 2006 (EDSM-IV), Calverton, Direction nationale de la statistique et de l’informatique, cellule de planification et de statistiques et Macro International, p. 263-271.
10.1016/S0140-6736(15)60171-4 :Mikkelsen L., Phillips D.E., Abouzahr C., Setel P. W., Savigny D. (de), Lozano R., Lopez A., 2015, “A global assessment of civil registration and vital statistics systems : monitoring data quality and progress”, The Lancet, 386 (1001), p. 1385-1406.
Ministère de la Justice du Mali, 2005, « De l’état civil » in Codes et textes usuels de la République du Mali, Bamako, ministère de la Justice du Mali.
Oumarou S., Fall S., 2013, « Situation des enfants » in Institut national de la statistique (INS) et ICF International, Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples du Niger 2012, Calverton, INS et ICF International, p. 255-263.
Rollet C., 1993, « De l’intérêt de l’État aux droits de l’enfant », Le groupe familial. Droits et enfances. Paradoxes et avenir d’une Convention, 138, p. 4-11.
10.3917/talla.segal.2010.01 :Segalen M., 2010, À qui appartiennent les enfants ?, Paris, Tallandier.
Sene P. I. S., Pigois R., 2012, « Situation des enfants » in Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal, Enquête démographique et de santé à indicateurs multiples (EDS-MICS) 2010-2011, Calverton, ICF Macro, p. 303-312.
Setel P.W., Macfarlane S.B, Szreter S., Mikkelsen L., Jha P., Stout S., Abouzahr C., 2007, “A scandal of invisibility : making everyone count by counting ever yone”, The Lancet, 370 (9598), p. 1569-1577.
Traore S. M., Doumbia A.G., Traore V., Tolno D.F., 2011, Quatrième recensement général de la population et de l’habitat du Mali (RGPH-2009). Analyse des résultats définitifs. Thème 2. État et structure de la population, Bamako, Institut national de la statistique.
Unicef, 2002, Lenregistrement à la naissance. Un droit pour commencer, Florence, Fonds des Nations unies pour l’enfance/Digest Innocenti.
Unicef, 2005, The “Rights” Start to Life. A Statistical Analysis of Birth Registration, New York, Fonds des Nations unies pour l’enfance.
Unicef, 2009, Progrès pour les enfants. Un bilan de la protection de l’enfant, New York, Fonds des Nations unies pour l’enfance.
Unicef, 2013, Every Child’s Birth Right : Inequities and Trends in Birth Registration, New York, Fonds des Nations unies pour l’enfance.
Notes de bas de page
1 Cette recherche a bénéficié de l’appui financier de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du projet Dynamique de la parentalité et de l’enfance en milieu rural africain (DyPE) (ANR-12-BSH1-0005-01). Elle exploite les données du projet Suivi longitudinal au Mali (Slam) de l’Institut national d’études démographiques (Ined), réalisé sous la responsabilité scientifique de Véronique Hertrich (http://slam.site.ined.fr).
2 Nous remercions chaleureusement l’Institut de la statistique du Mali (Instat) pour nous avoir permis d’utiliser les données du recensement de la population de 2009, nos collègues du projet DyPE pour leurs retours constructifs, et, sur le terrain, nos assistants-interprètes et la population des villages étudiés pour leur accueil et leur investissement de longue durée dans le projet de recherche. Une mention particulière à Abednego Kamaté, notre assistant malien qui a assuré la réenquête de 2011, ainsi qu’à Amandine Stephan qui a traité ces données, et à Arnaud Bringé pour son appui statistique.
3 Le jugement supplétif remplace l’acte de naissance si le délai de déclaration (un mois après la naissance) a été dépassé. Il est délivré par le juge, sur requête payante et en présence de deux témoins. La démarche est généralement entreprise dans des situations particulières où l’acte de naissance est exigé : inscription scolaire, confection de passeport, mariage légal, etc.
4 Notons que ces données ne correspondent pas exactement à une mesure de la couverture de l’état civil, d’une part parce qu’elles prennent en compte les jugements supplétifs (d’où le point de césure pendant l’enfance, aux âges d’inscription scolaire), et d’autre part parce qu’il est possible que d’autres documents, comme les carnets de famille, aient été pris en considération, comme on a pu le constater dans les villages enquêtés dans notre projet (Hertrich et Rollet, 2012). Cependant il est peu probable que ces biais soient à l’origine des différentiels entre sexes.
5 Les villages sont partiellement christianisés mais les cultes traditionnels restent largement pratiqués. À quelques exceptions individuelles près, l’islam n’est pas représenté (Hertrich, 1996).
6 Voir le chapitre 8 du présent ouvrage.
7 Voici la question posée : « (nom) possède-il/elle un acte de naissance ou jugement supplétif ? Inscrivez le code correspondant 1 = Oui ; 2 = Non ; 3 = NSP ».
8 Pour une présentation de la démarche et des résultats de la réenquête 2011, voir Hertrich et Rollet (2012).
9 Conjointement au renforcement des structures de base de l’état civil, le Mali a réalisé en 2009 un recensement à vocation d’état civil (Ravec) destiné à doter les habitants d’une pièce d’identité, sans avoir à recourir à un jugement supplétif (Comité de pilotage Ravec, 2008).
10 La pointe de l’indicateur de scolarisation au début des années 1960 (figure 2c) correspond à l’installation de la première école primaire dans le bourg de Yaso, proche des villages. Les responsables villageois ont alors eu l’obligation d’y envoyer un certain nombre d’enfants. Cette « scolarisation forcée » a été conjoncturelle ; l’augmentation de la scolarisation, choisie par les familles, ne démarrera que vingt ans plus tard.
Auteurs
Directrice de recherche à l’Ined, s’intéresse principalement aux dynamiques démographiques et familiales en Afrique subsaharienne, dans une perspective de genre. Ses recherches portent notamment sur la transition de la nuptialité, l’évolution des formes de conjugalité et de rapports à l’enfant, et sur l’influence des migrations juvéniles dans le changement social en milieu rural. Les questions méthodologiques (qualité et comparabilité des données) et éthiques (restitution aux enquêtés) font également partie de ses recherches. Elle pilote un suivi de population au sud-est du Mali dans le cadre du projet Suivi longitudinal au Mali (Slam) depuis 25 ans. Elle a récemment publié avec S. Lardoux « Âge à l’entrée en union des femmes en Afrique. Les données des enquêtes et des recensements sont-elles comparables ? » dans la revue Population, 2014.
Hertrich@ined.fr
Professeure émérite à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, laboratoire Professions, institutions, temporalités (Printemps) du CNRS, démographe et historienne, est spécialiste de l’enfance. Ses recherches récentes ont porté sur la construction d’une culture internationale autour de l’enfant et sur la comparaison des politiques mises en œuvre dans différents pays industrialisés. Elle est engagée dans l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) au sein du laboratoire Printemps pour développer l’étude de la construction des identités de genre à partir de – et même avant – la naissance. Elle participe au volet du projet Suivi longitudinal au Mali (Slam) concernant l’accès à l’état civil. Elle a récemment publié « La Révolution française aurait-elle contribué à avancer l’âge à la puberté des filles ? » dans la revue Ethnologie française, 2015.
Crollet@club-internet.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Être fille ou garçon
Regards croisés sur l’enfance et le genre
Mélanie Jacquemin, Doris Bonnet, Christine Deprez et al. (dir.)
2016
La famille à distance
Mobilités, territoires et liens familiaux
Christophe Imbert, Éva Lelièvre et David Lessault (dir.)
2018
Précarités en eau
Un état des lieux en Europe
Lucie Bony, Claire Lévy-Vroelant et Marie Tsanga Tabi (dir.)
2021
Procréation et imaginaires collectifs
Fictions, mythes et représentations de la PMA
Doris Bonnet, Fabrice Cahen et Virginie Rozée (dir.)
2021
Le monde privé des femmes
Genre et habitat dans la société française
Anne Lambert, Pascale Dietrich-Ragon et Catherine Bonvalet (dir.)
2018
Le mariage dans la société française contemporaine
Faits de population, données d’opinion
Louis Roussel
2025