Chapitre 2. « Travail des enfants » : l’OIT et la question du genre
p. 65-84
Texte intégral
Introduction
1Le travail des enfants occupe, depuis une quarantaine d’années, une place importante à l’agenda des organisations internationales. Mais celles-ci s’alignent toutes sur une seule et même politique : l’interdiction du « travail des enfants », tel que défini par l’Organisation internationale du travail (OIT), à savoir « l’ensemble des activités qui privent les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et nuisent à leur scolarité, santé, développement physique et mental1 ». Il résulte bien évidemment de cette définition que le travail des enfants doit être aboli. Mais ce faisant, on considère les enfants travailleurs comme étant avant tout des enfants, et pas des travailleurs. C’est alors le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), en tant qu’il est « chargé par l’Assemblée générale des Nations unies de défendre les droits des enfants, d’aider à répondre à leurs besoins essentiels et de favoriser leur plein épanouissement2 », qui devrait avoir priorité pour définir les programmes d’action. En revanche, l’OIT, en tant qu’elle s’est vu attribuer par l’Organisation des Nations unies (ONU) l’objectif « de promouvoir les droits au travail, d’encourager la création d’emplois décents, de développer la protection sociale et de renforcer le dialogue social dans le domaine du travail3 », devrait la porter à défendre les droits du travail des enfants travailleurs, comme catégorie particulière de travailleurs, particulièrement fragile et ayant besoin de protection spécifique.
2Cette approche abolitionniste a pour effet, de par la définition du travail qu’elle implique, d’occulter en particulier la situation des filles. Qu’elles soient employées comme domestiques, ou simplement qu’elles consacrent un nombre considérable d’heures à effectuer à leur domicile des tâches ménagères, elles sont pourtant bel et bien privées « de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité », et handicapées quant « à leur scolarité, santé, développement physique et mental ». Dans le premier cas de figure, elles relèvent certes de l’OIT, mais dans un domaine où cette organisation est largement impuissante à investiguer. Et dans le second cas, l’OIT, s’interdisant d’intervenir au sein des familles, affirme que le problème ne se pose pas. La question du genre apparaît bien centrale pour qui s’occupe du travail des enfants.
3Dans les développements qui suivent, nous verrons comment s’est construite la définition du travail des enfants, puis comment cette définition occulte la question du genre. Celle-ci s’imposant désormais dans le débat public, nous montrerons que l’OIT tente de la prendre en compte, mais sans application concrète. Nous analyserons enfin comment une économie domestique marchandisée assigne leur place particulière aux filles, domestiques ou non, avant de conclure sur les nécessaires remises en cause théoriques qui peinent à s’imposer.
I. Qu’est-ce que le « travail des enfants » ?
4Il n’existe pas, ni pour les sciences sociales ni pour les organisations internationales, de définition claire de ce l’on entend par « travail des enfants ». En première approche, la formule désigne toute tâche effectuée dans le cadre d’une activité économique par des enfants dont l’âge est estimé, par qui utilise le terme, comme étant trop jeune pour effectuer ce type de travail. Lexpression est née en Europe, à la fin du xixe siècle, au moment où les conditions de vie des enfants travaillant dans les fabriques ont été appréhendées comme un problème social, qui a abouti progressivement à l’instauration de l’obligation scolaire en deçà d’un âge fixé par la loi. Elle a resurgi près d’un siècle plus tard dans le débat public, devant la révélation des conditions de travail auxquelles étaient astreints certains enfants dans les pays dits « en développement ». Dans ce contexte, le problème est apparu avant tout comme une question morale, une nouvelle « construction de l’intolérable4 ». De fait, quand on pense au travail des enfants, l’image qui apparaît spontanément est celle que véhiculent les reportages télévisés, les articles de presse et les campagnes de boycott, montrant des enfants soumis à des conditions de travail effroyables, dans des usines, des mines, des plantations…
5Si elle n’est heureusement pas le lot de tous les enfants travailleurs, cette réalité contemporaine – intolérable, en effet – existe. Mais s’il s’agit de la transformer, il faut savoir précisément comment définir, dans le « travail des enfants », ce que l’on entend par « enfant », et quel type de travail, pour lui, doit être reconnu comme licite ou doit être interdit. Il faut ainsi déterminer quelles sont les limites d’âge à imposer, en fonction de la nature ou de la durée du travail à accomplir, et à partir de quels critères le travail accompli par un enfant cesse d’être éducatif et formateur, pour devenir intolérable.
6La question relève donc principalement de l’Organisation internationale du travail, qui dès sa création, en 1919, s’était vu attribuer, par le traité de Versailles instituant également la Société des Nations (SDN), la mission de veiller au principe de « [l]a suppression du travail des enfants et l’obligation d’apporter au travail des jeunes gens des deux sexes les limitations nécessaires pour leur permettre de continuer leur éducation et d’assurer leur développement physique5 ».
7Pour les organisations onusiennes, dont l’OIT, la définition de l’enfant est donnée par l’article 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 : « Un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable6. » Et la définition du « travail » des enfants, on l’a dit, est donnée par l’OIT. Sa première version relativement précise date de 2002, et s’appuie explicitement sur les conventions nos 138 et 182 : le travail des enfants, child labour – en opposition au child work – inclut, d’une part, « les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils sont exercés, sont susceptibles de nuire à la santé physique ou mentale ou à la moralité des enfants », et d’autre part, les travaux interdits aux mineurs, soit « par les législations nationales, conformément aux normes internationales acceptées », soit parce qu’ils « sont classés parmi les pires formes de travail des enfants – car, selon les définitions de la communauté internationale, ils relèvent de l’esclavage, de la traite, de la servitude pour dette et d’autres formes de travail forcé » (BIT, 2002, p. 9). Autrement dit, le travail des enfants (child labour) désigne toutes les formes de travail devant être abolies, à savoir celles qui ont été définies par les conventions n° 138 sur l’âge minimum d’accès à l’emploi, adoptée en 1973, et n° 182 sur « les pires formes de travail des enfants », adoptée en 19997. Leur champ d’application est résumé dans le tableau 1.
8Précisons que l’expression « les pires formes de travail des enfants » comprend, suivant l’article 3 de la convention n° 182 :
Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés ;
Lutilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ;
L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes ;
Les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.
9Par ailleurs, la convention définit les « travaux dangereux » comme des travaux : « a) susceptibles de porter préjudice à la santé ou au développement des enfants ; et b) de nature à porter préjudice à leur assiduité scolaire, à leur participation à des programmes d’orientation ou de formation professionnelles approuvés par l’autorité compétente ou à leur aptitude à bénéficier de l’instruction reçue. » Elle définit enfin les « travaux légers » comme n’étant pas des travaux dangereux.
Tableau 1. Définitions du « travail des enfants » par l’OIT

10Les « travaux ménagers » ne sont pas explicitement définis, mais l’OIT les distingue de l’activité économique en général :
[le] concept général « d’activité économique » [désigne] la plupart des activités productives assumées par des enfants, qu’elles soient ou non à finalité commerciale, rémunérées ou non, relevant d’un travail à plein-temps ou à temps partiel, régulières ou occasionnelles, légales ou illégales. De cette catégorie sont exclus les petits travaux ménagers effectués à la maison ainsi que les devoirs d’école (OIT, 2002, p. 16).
11Il semble clair que, pour l’OIT, les « travaux ménagers » correspondent aux tâches ménagères effectuées à domicile, et s’opposent ainsi aux activités domestiques, lesquelles désignent les tâches ménagères effectuées comme employé-e, chez autrui, moyennant contrepartie, monétaire ou non.
II. L’occultation du genre
12Au départ, l’OIT a considéré les enfants travailleurs comme une simple sous-catégorie particulière de salariés, et elle ne gérait alors la question qu’en termes d’interdiction à l’emploi, en instaurant des limites d’âge, sans distinction de sexe. D’où, dans un premier temps, une série de conventions sectorielles : dès 1919, la convention n° 5 prévoit ainsi un âge minimum pour travailler dans l’industrie. Elle sera suivie des conventions n° 7, 10, 33 et 112, respectivement en 1920, 1921, 1959 et 1965, fixant successivement de semblables limites d’âge dans le travail maritime, l’agriculture, les travaux non industriels, la pêche, les travaux souterrains, etc. Puis, devant l’évidence selon laquelle la question du travail des enfants n’était pas, comme on l’avait espéré jusque-là, une simple survivance des pays en développement, et que ces conventions sectorielles ne répondaient pas au contexte économique et social de ces États, l’OIT élabora la convention n° 138, adoptée en 1973, première convention générale et non plus sectorielle sur l’âge minimum d’admission à l’emploi. Les questions de genre étaient alors presque8 totalement ignorées, et les enfants travailleuses n’étaient l’objet d’aucune action spécifique, ni même d’attention particulière.
13Il faut attendre 1998 pour voir la question du genre, concernant le travail des enfants, être sérieusement prise en considération par l’OIT. Au terme d’une nouvelle étude statistique, l’organisation affirme, comme elle l’a toujours fait, que « les garçons sont plus nombreux que les filles à travailler », mais précise aussitôt :
Les études ne prennent pas toutefois en compte les travaux domestiques effectués dans le cadre de la famille de l’enfant travailleur, ni les soins dispensés aux membres malades ou infirmes. Les filles sont plus nombreuses que les garçons à effectuer ce type de travail, et un grand nombre de ces enfants ont de 8 à 12 ans. Si l’on tenait compte de ces activités, l’écart entre les sexes serait minime, voire nul, pour l’ensemble des enfants travailleurs, et le nombre de filles pourrait même dépasser celui des garçons. Ce type de travail peut être tout aussi dommageable pour l’enfant que celui qu’il effectue en dehors du foyer, puisqu’on signale qu’il est la raison principale de l’absence de scolarisation d’un tiers des enfants environ. […] Les filles effectuent en moyenne plus d’heures de travail que les garçons et sont moins bien rémunérées qu’eux, même lorsqu’elles font le même type de travail (OIT, 1998, non paginé).
14Ainsi, l’OIT doit reconnaître que la convention n° 138 elle-même montrait ses limites, la plupart des enfants travailleurs – et tout particulièrement les filles – étant employés hors du secteur formel, le seul sur lequel l’OIT a l’habitude et les moyens d’agir. D’où l’élaboration, finalement, de la convention n° 182, adoptée en 1999 qui :
Considérant que l’élimination effective des pires formes de travail des enfants exige une action d’ensemble immédiate, qui tienne compte de l’importance d’une éducation de base gratuite et de la nécessité de soustraire de toutes ces formes de travail les enfants concernés et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, tout en prenant en considération les besoins de leurs familles [vise] l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.
15L’OIT élargit ainsi de plus en plus son domaine d’intervention, bien au-delà de ses zones de compétence habituelles.
16Avec cette convention n° 182, pour la première fois, dans son article 7, une convention de l’OIT portant sur les enfants montre un intérêt pour les questions de genre :
Tout Membre doit, en tenant compte de l’importance de l’éducation en vue de l’élimination du travail des enfants, prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour […] tenir compte de la situation particulière des filles.
17Cette dernière expression renvoie à différents types de réalités bien connues : la plupart des sociétés où sévit le travail des enfants sont caractérisées par une forte division sexuée du travail, qui joue aussi sur les représentations de l’enfance et le vécu des enfants. Les recherches, quantitatives et qualitatives, ont mis en évidence trois aspects majeurs des disparités entre filles et garçons en situation de travail :
tout d’abord, au niveau de l’accès au travail, c’est-à-dire du type d’activités qu’ils et elles exercent, des modalités et des objectifs de leur mise au travail ;
ensuite, au niveau du rapport social de travail, avec des variations importantes selon le sexe et l’âge des protagonistes, mais aussi selon le cadre, familial (au sens large) ou non, où s’exercent les activités ;
enfin, au niveau des pratiques concrètes de travail et des conditions de vie des enfants travailleurs, lesquelles d’ailleurs se distinguent en fonction de leur statut d’emploi. Les différences et les inégalités entre filles et garçons ont trait au rythme et à la charge de travail, au mode et au montant de la rémunération, au traitement verbal, physique, sanitaire, etc.
18On sait par exemple que les filles sont particulièrement exposées au risque d’agression sexuelle lié aux situations de travail, et qu’elles en sont plus souvent victimes que les garçons. On sait aussi que les fillettes et les adolescentes sont, plus longtemps que ces derniers, maintenues dans des activités subordonnées à un ou une adulte employeur, qu’il est plus rare ou du moins plus tardif pour elles de vivre et/ou de travailler hors d’un cadre familial – ou pseudo familial –, quand bien même leur projet consiste par exemple, après plusieurs années d’emploi domestique, à exercer un travail indépendant dans le petit commerce informel urbain (Jacquemin, 2012). Les enfants et les jeunes travailleurs migrants en milieu urbain n’ont pas les mêmes marges de manœuvre, selon qu’ils sont filles ou garçons, pour (re)négocier leur statut d’emploi et leur position sociale au fil de leur trajectoire de travail (Cavagnoud, 2012 ; Hashim, 2006 ; Thorsen, 2006 ; Thorsen et Jacquemin, 2015). Il existe en fait quantité d’exemples pour illustrer la réalité à laquelle l’OIT fait référence, à savoir une vulnérabilité encore plus grande des filles que des garçons en situation de travail.
19Les déclarations relatives à « l’intégration d’une perspective de genre dans la lutte contre le travail des enfants », et les rapports et outils pédagogiques ont suivi un rythme de publication accéléré depuis une dizaine d’années (ILO, 2004 ; OIT, 2005 et 2009 ; IPEC, 2007 et 2013 ; Haspels et Suriyasarn, 2005). Ne citons que cette affirmation du Programme international pour l’élimination du travail des enfants (IPEC), un programme mis en œuvre par l’OIT depuis 1992 :
L’intégration des questions de genre est un des objectifs qui a constitué une des priorités stratégiques de l’OIT au cours de la décennie passée. Au sein de l’IPEC, des efforts considérables ont été déployés pour l’intégration des questions de genre dans tous les travaux de l’IPEC depuis 2000, année où le Programme a mis en place un plan d’action et entrepris le développement des compétences de tout le personnel. Au cours des dernières années, l’IPEC a profité d’une étroite collaboration avec le Bureau de l’égalité entre hommes et femmes de l’OIT dans son travail sur le sujet, aussi bien au Siège que sur terrain. En outre, la convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants recommande aux pays membres de l’OIT d’accorder une attention particulière aux besoins spécifiques des filles dans leurs plans d’action et leurs interventions visant à éliminer les pires formes de travail des enfants.
L’IPEC reconnaît que les enfants ne sont pas simplement des enfants : ce sont des filles et des garçons qui appartiennent aux familles et aux communautés. Dans de nombreuses circonstances, les différences liées au genre conditionnent l’efficacité et le caractère équitable des interventions visant les filles et les garçons dans le besoin. Dans certains types de travail des enfants, les garçons sont majoritaires, et les filles dans d’autres. Les traditions culturelles peuvent décider qui fait quoi et en quelles circonstances. Il peut exister des préjugés et des tabous qui, par exemple, influent sur les occasions qu’ont respectivement les filles et les garçons d’acquérir une éducation (IPEC, 2007, p. 23).
20L’OIT prend donc progressivement en compte la question du genre et l’intègre au cœur du problème du travail des enfants, mais elle se limite à trois aspects : premièrement, le constat inévitable selon lequel les différences de sexe et de genre existent en matière de travail des enfants9 ; deuxièmement, une évidence indéniable : le travail domestique concerne majoritairement des filles10 ; et troisièmement, le maintien d’un critère de définition entre travail et tâches domestiques, qui est lourd de conséquences, puisqu’il revient à ne pas considérer, donc à ne pas mesurer, l’ensemble de ces dernières.
21Finalement, tant la vision officielle et dominante du travail des enfants que les données statistiques dont elle oriente la production, mais aussi les représentations qu’elle sous-tend ou renforce, peuvent avoir un effet aggravant – involontaire, bien entendu – sur la vulnérabilité d’un nombre considérable de filles en situation de travail. Bien que leur « cas particulier » soit ciblé (IPEC, 2009), elles sont de facto rendues moins visibles que les garçons travailleurs, et se trouvent par conséquent moins concernées par les programmes de lutte contre le travail des enfants.
III. Discours versus réalités
22Dans la pratique, force est de constater que priorité n’est pas donnée à cette « situation particulière des filles », dans les programmes de l’IPEC. Il existe bien un rapport de l’OIT, paru en 2004 et intitulé Coup de main ou vie brisée ? Comprendre le travail domestique des enfants pour mieux intervenir, mais il ne s’est pas véritablement traduit par des plans d’action. Cependant, il illustre bien le clivage entre les réalités de ce que représente le travail domestique des enfants et sa définition par l’OIT :
Dans chaque pays du monde, les enfants donnent un coup de main à la maison. Cela peut être une expérience positive qui les aidera à acquérir les compétences de base tout en leur donnant le sentiment d’apporter leur contribution à la famille. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de travail domestique des enfants. Le travail domestique des enfants s’entend de situations dans lesquelles les enfants accomplissent des tâches domestiques au domicile d’une tierce personne ou d’un « employeur » dans des conditions relevant de l’exploitation (OIT, 2004, p. 1, souligné par nous).
23On constate que pour l’OIT, à l’époque où fut rédigé ce rapport, il n’y a pas de tâches domestiques accomplies au foyer qui puissent être considérées comme du travail, alors que celles effectuées par les enfants placés comme domestiques à l’extérieur du foyer relèvent du « travail des enfants » – et sont donc à abolir lorsque leurs conditions engendrent une situation d’exploitation. En vertu de quoi l’accomplissement d’une tâche ménagère pourrait concerner ici, mais pas là, une forme d’exploitation ? C’est la définition même de l’OIT qui empêche de prendre en considération les situations d’excès de travail réalisé au sein de la famille.
24Consciente de cette distorsion, l’OIT en est venue à donner une extension de plus en plus grande à ce qu’elle englobe dans la notion de travail, lorsqu’elle s’intéresse à celui des enfants ; dans ce même rapport, notamment, une note de bas de page consent :
On sait peu de chose sur les enfants qui « travaillent » en fait comme domestiques dans leur propre maison. Ce peut être une fille, par exemple, que l’on retire de l’école pour lui confier des tâches ménagères ou pour la charger de veiller sur ses frères et sœurs, et qui peut être amenée à accomplir des tâches associées à l’entreprise familiale, souvent à plein-temps. À cet égard, on trouve quelques indications utiles dans les travaux que l’OIT-IPEC a réalisés en Afrique du Sud […]. Cependant, eu égard à la rareté des données de recherche en la matière, le présent rapport ne peut prétendre couvrir le travail domestique auquel sont astreints des enfants dans leur propre maison familiale (ibid., p. 7, note 2).
25En réalité, tous les chercheurs de terrain ont pu observer que de telles situations ne sont pas cantonnées à « quelques indications » en Afrique du Sud, mais qu’elles représentent une condition largement partagée par les filles des classes populaires dans les pays en développement (Marcoux, 1994 ; Nieuwenhuys, 1995 ; Verlet, 1996 ; Jacquemin, 2000 ; García Nuñez, 2006). On peut regretter que l’OIT n’en tirât comme seule conclusion qu’elle ne pouvait pas en tenir compte, faute de recherches et non qu’il convenait de lancer des programmes de recherche en la matière…
26L’IPEC, en tant que programme spécifique de l’OIT dédié à la lutte contre le travail des enfants, plus concrètement engagé sur le terrain, se montre plus désireux de lancer de telles enquêtes, quand il déclare :
L’évaluation et la mesure des tâches domestiques et autres activités non économiques, telles que les petits travaux ménagers effectués par les enfants dans le cadre familial, posent un défi additionnel. Bien que ce type de travail soit souvent considéré comme une composante normale de l’éducation, il peut nuire à l’enfant et constituer une violation de ses droits spécifiques, notamment lorsque l’enfant se voit confier des tâches ménagères ou la garde d’autres membres de la fratrie et que ces activités rejaillissent sur sa scolarité ou l’obligent à abandonner l’école. Lors des dernières estimations globales et du fait d’une pénurie de données fiables, les activités ménagères effectuées par les enfants dans un cadre familial ont été exclues des formes de travail infantile. L’IPEC examine plus en détail ce type d’activités et la recherche actuelle s’emploie à trouver des techniques pour les mesurer plus efficacement (IPEC, 2004, p. 20).
27Mais, à quelques notables exceptions près11, la suite se fait encore attendre…
28Le présupposé implicite selon lequel l’accomplissement des tâches ménagères n’est pas du travail est partagé par les autres institutions internationales – l’Unicef, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), la Banque mondiale. Il en résulte que dans nombre de pays en développement, et malgré les efforts entrepris pour la scolarisation des filles, celles-ci restent largement moins scolarisées que les garçons. Que les familles aient ou non accepté que l’instruction fût autant due à celles-ci qu’à ceux-là n’est pas certain. Mais toujours est-il que nombre de filles n’ont simplement pas le temps d’accomplir tâches scolaires et ménagères. Or, si rien, dans le cadre de l’IPEC, ne discrimine ni positivement ni négativement en fonction du sexe, en revanche, les politiques scolaires prônées et les nombreux programmes d’action mis en place par les organisations internationales et les bailleurs de fonds, contiennent bien une forme de discrimination positive en faveur des filles12.
29L’OIT en est d’ailleurs consciente et, dans la publication la plus récente sur le thème, souligne cette discrimination de genre :
Les deux tiers des 776 millions de personnes illettrées dans le monde sont de sexe féminin, ce qui indique le peu de valeur accordée à l’éducation des filles dans beaucoup d’endroits. La vision courante que l’éducation des filles a peu d’importance vient de la supposition que des garçons éduqués auront de meilleures possibilités sur le marché du travail, alors que le temps des filles est mieux utilisé aux tâches ménagères, en attendant le mariage et la maternité. Les inégalités dans l’accès à l’éducation signifient qu’au moment où les filles atteignent l’âge minimum d’admission à l’emploi, beaucoup d’entre elles sont déjà désavantagées du point de vue social et économique (BIT, 2013, p. 16).
30Pour autant, dans cette même publication, l’OIT ne parvient toujours pas à élargir son champ d’action, et doit admettre que les tâches ménagères, malgré leur ampleur qui relève parfois de l’exploitation pure et simple, ne peuvent être comprises dans la catégorie du « travail des enfants » :
Dans tout le monde, des enfants travaillent dans des ménages, effectuant des tâches comme le nettoyage, le repassage, la cuisine, le jardinage, la collecte d’eau, la surveillance des enfants et les soins aux personnes âgées. Lorsqu’elles sont effectuées chez eux, dans des conditions raisonnables et sous la surveillance de proches, ces tâches peuvent faire partie intégrante de la vie de famille et du développement personnel. Même s’il y a des préoccupations au sujet de certaines situations où ces charges de travail peuvent interférer avec l’éducation des enfants ou sont excessives, ce qui par conséquent peut être considéré comme du travail des enfants, ces situations dans la propre maison de l’enfant ne font pas l’objet du présent rapport. Le rapport se concentre sur les millions d’enfants qui effectuent du travail domestique dans des foyers autres que le leur, c’est-à-dire dans une relation d’emploi (ibid., p. ix).
31Il faut noter cependant une lente mais constante évolution de l’OIT sur le sujet. C’est ainsi que la convention n° 189 – Un travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques – reconnaît de façon plus explicite et plus marquée le caractère spécifiquement féminin du travail domestique :
Considérant que le travail domestique continue d’être sous-évalué et invisible et qu’il est effectué principalement par des femmes et des jeunes filles, dont beaucoup sont des migrantes ou appartiennent aux communautés défavorisées et sont particulièrement exposées à la discrimination liée aux conditions d’emploi et de travail et aux autres violations des droits humains (OIT, 2011, p. 1).
32Surtout, reconnaissant aussi le manque dramatique de données précises sur ce point, la recommandation n° 201 qui suit la convention n° 189 engage les états à faire eux-mêmes les enquêtes nécessaires pour réunir de telles données :
Les Membres devraient, en tenant compte des dispositions de la convention (n° 182) et de la recommandation (n° 190) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, recenser les types de travail domestique qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des enfants13.
33Enfin, à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants organisée en 2014 sur le thème du travail domestique, l’OIT appelle les gouvernements à « garantir que la base de connaissances sur le travail domestique et le travail domestique des enfants [soit] améliorée, entre autres mesures en incluant ces formes de travail dans les études statistiques nationales pertinentes ».
34Il est en effet difficile à l’OIT de mener elle-même de telles enquêtes, tant elle est peu désireuse de s’immiscer dans l’espace familial, fût-ce pour voir de plus près les activités économiques auxquelles sont contraints les enfants, et dans quelles conditions ils les exercent14.
35On comprend les réticences de l’OIT : il s’agirait de traduire en termes de droit les rapports sociaux existant au sein des familles. Pourtant, il lui faut de plus en plus s’en préoccuper, car l’économie concurrentielle s’étend à tous les systèmes de production, même les plus traditionnels.
36De sorte que, sous la pression économique croissante qui contraint les familles, l’aide autrefois demandée aux enfants pour leur socialisation autant ou davantage que pour leur contribution matérielle se transforme de plus en plus en un apport nécessaire, dépendant d’une logique de rentabilité économique.
IV. Les filles au cœur d’une économie domestique marchandisée
37Plusieurs exemples peuvent aider à mieux appréhender cette insertion des filles dans le cadre d’une économie domestique marchandisée.
38Michel Bonnet, alors expert IPEC en mission en Asie du Sud, mentionne ainsi un programme ayant coûté des milliers de dollars pour retirer des enfants travailleurs de leur emploi, avec des résultats pour le moins douteux :
Depuis quelque temps, une vaste offensive se développe […] pour retirer des usines de textile les enfants au travail. Or, il s’agit pour la plupart de fillettes […], pour lesquelles le travail en usine représente un début de libération vis-à-vis du machisme dominant dans les quartiers et les villages (Bonnet, 1998, p. 144-145).
39Si on avait écouté ces enfants, précisera-t-il ensuite,
on aurait découvert qu’il s’agissait en majorité de fillettes dont le risque majeur (de leur point de vue) est l’agression sexuelle, le viol et la grossesse. Faute d’écoles procurant une protection, elles cherchent à accompagner au plus près leurs mamans et leurs grandes sœurs et profiter ainsi de la protection que représentent les entreprises où elles travaillent. La non-scolarisation, l’exploitation, la fatigue, c’est vrai, mais cela vient après. Ce que je veux souligner par ce fait tiré de l’actualité, c’est que les analyses, et par voie de conséquence les politiques et programmes d’action, qui ne reposent pas sur une participation active des enfants travailleurs ont peu de chances d’atteindre ce qui forme le cœur de la relation de ces enfants avec le travail (Bonnet, 200115).
40Autre exemple : l’anthropologue Olga Nieuwenhuys découvrit un jour, dans la presse de son pays – les Pays-Bas –, que le village de pêcheurs sur lequel elle travaillait périodiquement au Kerala (Inde) se trouvait cité comme le lieu d’origine de nombreuses fillettes parties en ville et travaillant dans des conditions décrites comme épouvantables. Cette information l’intrigua beaucoup, car elle ne correspondait pas du tout à ce qu’elle avait pu observer sur place. Lorganisation sociale du village, en effet, implique une division du travail stricte entre les hommes et les femmes, les premiers étant chargés de la pêche, et les secondes de la préparation de celle-ci en vue de sa commercialisation ainsi que de la filature des fibres de noix de coco. Les enfants, selon leur sexe, aident les parents. Dans un tel contexte, l’idée que des fillettes aient pu s’émanciper au point de partir gagner leur vie seules, en ville, semblait impensable. Sauf qu’il a suffi – c’est ce que cette anthropologue a constaté en se rendant sur place – qu’une petite entreprise de pêche se soit installée à proximité et utilise quelques canots à moteur pour créer une concurrence qui a ruiné les familles et déstructuré profondément cette organisation « traditionnelle » du travail : si les fillettes en sont venues à décider de partir en ville, c’est que la charge et le rythme de travail étaient devenus tels, à la maison, que toute autre activité leur paraissait meilleure16.
Effectué en même temps ou en alternance avec d’autres tâches domestiques, le travail des filles, de manière encore plus marquée que pour les garçons, passe inaperçu. À celles-ci on donne, comme première responsabilité, le bien-être de la famille et, idéalement tout au moins, elles sont élevées dans la croyance que gagner de quoi vivre ne les concerne pas. L’alternance entre les travaux ménagers hautement valorisés et la fabrication de fil en fibres de noix de coco, dévalorisée, rehausse la conviction des parents que le travail de leurs filles, quelque crucial qu’il puisse être en fait pour la production, n’a pas un grand intérêt économique (Nieuwenhuys, 1996, p. 427).
41Les périodes de crise, pourtant, forcent à considérer l’apport économique du travail des filles en tant que partie intégrante d’un processus de production au sein duquel, dans les familles pauvres, la responsabilité alimentaire incombe aux femmes : les ménages ne pourraient alors pas s’en sortir sans les revenus du travail des filles, et ceux des garçons. Bien qu’ils soient soumis à leurs aînés masculins, ces derniers ne se trouvent jamais, au Kerala, au niveau inférieur de la hiérarchie du travail : au plus bas de l’échelle sociale se trouvent, essentiellement, les filles, en raison de leur position absolue de dépendance vis-à-vis des autres membres de la famille, entretenue par l’incapacité qui leur est faite d’obtenir un revenu, en espèces ou en nature. Toutefois, la dérégulation des économies domestiques traditionnelles, sous les effets directs ou indirects de la globalisation – dans l’exemple cité plus haut, la simple concurrence d’une toute petite entreprise, mais mieux outillée –, a eu pour effet inattendu d’ouvrir aux filles des marges inédites de manœuvre :
Il est clair que, sans l’insertion d’enfants aux plus bas niveaux de la hiérarchie du travail, l’économie du village ne peut pas faire face. Cette insertion reçoit l’appui d’une structure familiale autoritaire, ce qui rend très ardue l’entrée des enfants sur le marché du travail. On voit que les filles ne peuvent le faire (cas des filles migrantes) que lorsque l’affaiblissement de l’autorité paternelle – ici mise en question par une carence en homme(s) à même(s) de gagner l’argent nécessaire à l’ensemble de l’unité domestique – leur donne un terrain pour négocier le mode de leur mise au travail (ibid., p. 428).
Conclusion : repenser l’enfance au travail17
42Soulignons ici les apports des recherches sur le travail des enfants et leurs migrations dans ce contexte, lesquelles s’inscrivent dans le courant théorique et méthodologique des child-centered research. En partant du point de vue des enfants, et en montrant notamment qu’il existe aussi des logiques non économiques à leur travail, ces études ont mis en lumière des dynamiques sociales, individuelles et collectives, où les enfants travailleurs cessent d’apparaître uniquement comme des victimes passives de leur situation. Ces travaux ont analysé les différentes manières dont ces filles et ces garçons sont capables d’agir, malgré les rapports de domination dont elles et ils sont l’objet et bien que ces enfants représentent une catégorie sociale au faible pouvoir social, économique et symbolique.
43Dans la ligne des recherches d’Alpa Shah (2006), menées sur les très jeunes migrants qui travaillent dans les briqueteries de l’État du Jharkhand, en Inde, d’autres études en Afrique de l’Ouest, en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est ont montré que le travail pénible et exploité hors du milieu parental d’origine peut aussi être réinterprété par les enfants et les adolescents comme un espace de liberté, en ce qu’il leur permet parfois d’échapper à des normes familiales et communautaires vécues comme oppressives. Bien entendu, on peut argumenter que c’est un type limité de liberté, exemplaire de la thin agency, au sens de Natascha Kloker (2007, p. 85)18. On ne peut toutefois ignorer les cas, non marginaux, d’enfants pour qui la mise au travail, souvent liée à une expérience migratoire hors du milieu rural d’origine, est aussi une ouverture vers de nouveaux espaces, géographiques et sociaux, un mode d’accès à d’autres types de ressources et de savoirs, et un support de construction de l’autonomie (Punch, 2010 ; Thorsen, 2010 ; Huijsmans, 2012 ; Hertrich et Lesclingand, 2013). Par exemple, les travaux de Marie Lesclingand (2011) au Mali montrent très bien comment les migrations de travail des filles quittant leur village pour travailler en ville comme « petites bonnes » relèvent davantage de stratégies individuelles d’émancipation que les migrations de travail des garçons adolescents, beaucoup plus contraints par les stratégies économiques familiales. Par leur expérience de travail en ville, ces très jeunes filles d’origine rurale ont finalement ouvert un espace inédit de changements au niveau des règles familiales et communautaires, des pratiques démographiques et matrimoniales, et des rapports de genre.
44Les politiques et les programmes s’appliquant au travail des enfants sont souvent conçus et définis en fonction de chiffres concernant la présence, le nombre et les activités des enfants qui travaillent. Cependant, comme le dit Deborah Levison, démographe et économiste à l’université du Minnesota :
Dans la plupart des cas, les décideurs seraient mieux informés s’ils lisaient quelques études qualitatives récentes, au lieu de regarder quelques tableaux chiffrés ! Car que montrent ces tableaux ? Ils présentent des statistiques qui ont été produites en utilisant des critères et des méthodes qui correspondent parfaitement aux définitions courantes de l’activité économique, mais dont on peut montrer qu’elles sont à mille lieues des données qui se basent sur un point de vue centré sur l’enfant de la question du travail des enfants. […] Mesurer le travail et les travailleurs par le moyen de définitions et de mesures qui prennent les enfants au sérieux requiert des modifications radicales des pratiques actuelles (Levison, 2007, p. 17)19.
45Car la question n’est pas tant que l’OIT refuse de considérer les tâches ménagères effectuées au domicile de l’enfant – quand bien même la réalité du terrain montre que celles-ci peuvent bien constituer des conditions de travail inhumaines et qui ne devraient pas exister ; cette position de principe s’explique par le fait que l’organisation ne veuille ou ne puisse étendre son champ d’action jusqu’au sein des foyers, et sans doute à juste titre : il s’agirait d’une atteinte probablement jugée inadmissible aux libertés fondamentales. La question est surtout qu’en prétendant légiférer sur la totalité du travail des enfants, tel qu’elle le définit – c’est-à-dire celui qui, selon elle, doit être aboli –, l’OIT est amenée à nier l’exploitation économique dont peuvent être victimes les enfants travaillant au domicile familial, les filles en particulier. Elle occulte alors tout un pan de la réalité, qui est cette forme de travail qu’aucune législation ne saurait réglementer, mais qui réclame plutôt une lutte contre un système économique fondé sur la concurrence et la maximisation du profit qui entraîne dans sa logique marchande l’ensemble des rapports sociaux, y compris ceux internes à la sphère de l’économie familiale.
46En ce sens, la perception de « la situation particulière des filles » que prône l’OIT renvoie à une vision plutôt essentialiste de la vulnérabilité féminine : celles-ci sont perçues, en soi, comme des êtres plus faibles, plus fragiles, plus vulnérables… sans se donner la possibilité de mettre en question les rapports sociaux de sexe, et l’ensemble de l’organisation sociale, économique, culturelle, c’est-à-dire les éléments structurels qui conditionnent cette situation particulière des filles.
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Notes de bas de page
1 Selon le site Internet de l’Organisation internationale du travail (OIT) : http://ilo.org/ipec/facts/lang--fr/index.htm
2 Selon le site Internet du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) : http://www.unicef.org/french/about/who/index_mission.html
3 Selon le site Internet de l’OIT : http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/lang--fr/index.htm
4 Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Didier Fassin et Patrice Bourdelais (2005). L’OIT parle de « l’intolérable » dans l’un des documents préparatoires à la convention n° 182 sur « l’élimination des pires formes du travail des enfants » (OIT, 1998).
5 Traité de Versailles, partie XIII : « Travail », section II : « Principes généraux », article 427, p. 224, en ligne : http://www.herodote.net/Textes/tVersailles1919.pdf (cité par Morin, 2012, p. 15).
6 Cette définition est certes critiquable. D’une part, la date anniversaire ne suit pas nécessairement le développement physique ou mental de l’enfant, qui peut ainsi l’atteindre sans être encore apte à tel ou tel emploi – ou l’être depuis quelque temps déjà – ; d’autre part, elle confond enfance et minorité légale. Or, dans certaines sociétés, le statut légal de majeur ne correspond nullement au statut social accordé à certains individus, éternellement cantonnés dans un statut de dépendant – en particulier pour les filles et les femmes. Lenfance ne se définirait-elle pas mieux par le degré de dépendance envers les autres pour assurer sa survie ? Cette dépendance décroît progressivement : un enfant de 17 ans est évidemment plus proche d’un adulte de 18 ans que d’un enfant de 7 ans. Reste qu’il faut bien fixer une limite, et l’âge constitue alors le critère relativement le plus objectif et le plus fiable. Rien ne serait pire qu’une définition où la limite serait subjective : ne serait-ce, par exemple, que parce que seule une définition légale, fondée sur un critère indiscutable, protège les mineurs contre les abus sexuels.
7 Les questions que soulève l’adoption de la convention n° 182 et, plus largement, les débats que suscite la position abolitionniste dominante qui consacre une approche restrictive du « travail des enfants », ont fait l’objet de réflexions approfondies : voir notamment White, 1999 ; Nieuwenhuys, 2005 ; Schlemmer, 2005 ; Bonnet et al., 2006.
8 On ne peut guère citer que l’article 7 de la convention de 1967 – dont l’article 1 précise qu’« aux fins de la présente convention […] l’expression jeune travailleur désigne tout travailleur âgé de moins de 18 ans ». Cet article 7 concerne le poids maximum des charges, et énonce : « 1. L’affectation de femmes et de jeunes travailleurs au transport manuel de charges autres que légères sera limitée. 2. Lorsque des femmes et des jeunes travailleurs sont affectés au transport manuel de charge, le poids maximum de ces charges devra être nettement inférieur à celui qui est admis pour les hommes » (cité par Morin, 2012, p. 64). Et encore, on notera que si l’on distingue ce que peuvent porter les hommes et les femmes, ces dernières servant de référence aux jeunes travailleurs, on ne distingue pas entre les jeunes travailleurs et les jeunes travailleuses…
9 « La raison pour laquelle il est nécessaire de s’intéresser aux différences entre les sexes dans le travail des enfants est parce qu’elles existent » [sic], ILO 2004, p. 20.
10 Selon les estimations du BIT de 2013, 72,99 % des enfants travailleurs domestiques sont des filles.
11 Voir notamment Anderson (2007).
12 Même lorsqu’ils n’ont pas lieu d’être : c’est ainsi que par exemple dans le sud de Madagascar – société d’élevage semi-nomade – il y a désormais davantage de filles que de garçons à l’école, ceux-ci étant pris pour garder les troupeaux. Or cela n’empêche en rien les organisations non gouvernementales (ONG) locales, en écho aux injonctions internationales, de lancer des programmes visant à développer prioritairement la scolarisation des filles… (Deleigne, 2009).
13 OIT, recommandation n° 201 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.
14 http://www.ilo.org/ipec/Campaignandadvocacy/wdacl/2013/lang--fr/index.htm
15 Il s’agit d’un texte, non publié, rendant compte du colloque Repenser l’enfance. Le défi des enfants travailleurs aux sciences sociales, organisé par l’Institut de recherche pour le développement (IRD, France), l’Amsterdam Research Institute for Global Issues and Development Studies (AGIDS, Pays-Bas) et le Children’s Rights Centre (CRC, Belgique), à Bondy, les 15, 16 et 17 novembre 2000.
16 Communication orale, lors du colloque L’enfant exploité, qui s’est tenu à Bondy en novembre 1994.
17 Pour reprendre l’intitulé du colloque de 2000 cité plus haut, et le titre de l’ouvrage éponyme (Bonnet et al., 2006).
18 Pour Natascha Kloker, selon les contextes et les structures, la capacité d’action (agency) d’une personne peut être renforcée (thickened) ou affaiblie (thinned) à travers le temps et l’espace, ou encore à travers ses différents réseaux de relations. Par thin agency, elle fait référence à des décisions et actions conduites en des contextes fortement contraignants et présentant peu d’alternatives viables. Par opposition, elle définit comme thick agency le fait de disposer d’une latitude d’action au sein d’un large éventail d’options.
19 Sur ce point, on lira avec profit le dossier dirigé par Annie Vinokur (2005).
Auteurs
Sociologue chargée de recherche à l’IRD, est membre du Laboratoire population environnement développement (LPED, UMR 151) de l’université Aix-Marseille et de l’IRD. Après des recherches doctorales sur les transformations de la domesticité juvénile à Abidjan, elle a poursuivi des travaux en post-doctorat à l’Ined sur les migrations de travail et les migrations scolaires des enfants dans le cadre du projet Suivi longitudinal au Mali (Slam) coordonné par V. Hertrich. Ses recherches actuelles portent notamment sur les activités, l’éducation et les trajectoires des enfants migrants à Dakar. Sa thèse, dont est issu l’ouvrage Petites bonnes d’Abidjan. Sociologie des filles en service domestique, L’Harmattan, 2012, a reçu en 2010 le Prix sur les études de genre décerné par la Ville de Paris.
Melanie.jacquemin@ird.fr
Est sociologue, membre du comité de rédaction des Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs. Sa carrière professionnelle s’est déroulée à l’IRD dont il est directeur de recherche émérite. En 1997, il a créé l’unité de recherche Savoirs et développement (UR 105), qu’il a dirigée jusqu’en 2005. Depuis 1993, il s’est spécialisé sur la question des enfants travailleurs et de leur rapport à l’école, tant sur un plan théorique général que sur la base d’un travail de terrain au Maroc, voir notamment « Les enfants hors l’école », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2011.
Bernard.schlemmer@free.fr
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