Présentation
p. 179-188
Texte intégral
1Les formes matérielles de la société agissent sur elles, non point en vertu d’une contrainte physique, comme un corps agirait sur un autre corps, mais par la conscience que nous en prenons, en tant que membres d’un groupe qui perçoivent son volume, sa structure physique, ses mouvements dans l’espace. Maurice Halbwachs
2La première partie de ce travail tentait une analyse morphologique de la nuptialité française. Son objet était une description aussi précise que possible des comportements. La matière en était constituée par les principales données statistiques fournies par l’administration. On s’efforçait d’en tirer des moyennes et des distributions à la fois pour l’ensemble de la population française et pour des sous-populations définies suivant leur position dans l’espace géographique comme dans l’espace social.
3Cette priorité accordée aux données morphologiques ne s’expliquait pas seulement par le degré de confiance qu’elles méritent, mais elle correspondait à une hypothèse précise : les faits dont les statistiques donnent la mesure et dessinent la configuration constituent en quelque sorte le « corps » de la réalité et nous ne pouvons guère prétendre avancer dans la connaissance d’un phénomène sociologique quelconque sans avoir au préalable exploré, autant qu’il est possible, le niveau fondamental de cette réalité, c’est-à-dire sa morphologie au sens où Durkheim et Halbwachs entendaient ce terme.
I. La « physiologie sociale des représentations collectives »
4L’auteur des Règles de la méthode sociologique ne limitait pourtant pas l’investigation du chercheur à ce niveau d’analyse. La « physiologie sociale » devait prolonger la « morphologie ». Durkheim envisageait une physiologie des « pratiques » et une physiologie des « représentations collectives ». Nous ne nous attacherons ici qu’à ces « représentations » (Durkheim, 1895).
5À qui ne serait pas familiarisé avec ce concept, le mot peut faire illusion. Ces représentations, Halbwachs les considère comme « les données immédiates de la conscience sociale ». Comme les « données immédiates » de Bergson, elles sont présentes, sans pour autant apparaître d’emblée à la conscience claire. Mais laissons parler Halbwachs :
« La psychologie individuelle n’a pas porté tout de suite son attention sur le sentiment interne qu’a chacun de nous de son propre corps, parce que ce n’était ni une idée, ni une perception claire fondée sur la distinction du sujet de l’objet. Au reste, tant qu’on a cru que la représentation collective n’était qu’une somme de pensées individuelles, comment aurait-on attribué à la société la faculté de percevoir son corps, puisque chaque individu paraissait ne percevoir que son corps à lui, et ceux qui l’entouraient immédiatement ? Une vue d’ensemble n’est pas une juxtaposition de vues fragmentaires. Il fallait reconnaître que l’individu peut percevoir davantage, dans la mesure où il participe à une pensée sociale plus large que la sienne, et non moins réelle. Enfin, comme chacun perçoit très nettement, par la vue et le toucher, son propre corps et ceux qui en sont proches, il oppose la netteté de cette perception au sentiment confus qu’il éprouve quand il pense et agit comme partie ou élément d’une population. En effet, toutes nos démarches à cet égard sont très peu sensibles et presque inconscientes, à l’intérieur de ces vastes ensembles dont nous ne sommes qu’une toute petite unité. C’est pourquoi, qu’il s’agisse des forces qui nous retiennent dans une nation, dans une ville, qui nous portent à n’avoir que peu d’enfants, à prolonger notre vie, à émigrer, nous les apercevons à peine en leur forme sociale, et nous préférons nous expliquer notre conduite par nos motifs individuels, qui nous paraissent clairs. Pourtant ces forces existent, puisqu’elles déterminent des effets sociaux que l’individu comme tel n’a ni prévus, ni voulus. Il faut bien, cependant, qu’il les ait perçus de quelque manière » (Halbwachs, 1970[1938]).
6Ces « représentations très peu sensibles et comme inconscientes », mais pourtant efficaces, il est peut-être préférable de les appeler attitudes collectives. Le terme « attitudes », mieux que celui de représentations souligne d’une part l’inobservabilité directe de ces phénomènes et d’autre part leur caractère directif, puisqu’ils constituent une « préparation spécifique à l’action » (Stoetzel et Lazarfeld, p. 189 et sv.).
7Regardons d’un peu plus près ces deux caractéristiques. Si l’attitude est en soi inobservable, elle doit être induite à partir de données susceptibles, elles, d’être saisies avec précision et objectivement interprétées. Ces données, celles en tout cas que nous utiliserons, ce sont les résultats des enquêtes d’opinion.
8Les opinions exprimées joueront donc le même rôle que les statistiques dans la première partie. Mais la matière brute est ici plus délicate à traiter. Les critiques dont peuvent faire l’objet les statistiques ne portent que sur la validité des concepts utilisés et la valeur significative de l’échantillon. La comptabilité du mariage ne présente guère d’ambiguité : voici l’intensité de la nuptialité, son calendrier, la fréquence des ruptures légales. Il n’en va pas de même pour l’opinion : la formulation de la question, l’attitude partisane de l’enquêteur ou simplement le souci de l’enquête ; de dissimuler sa pensée constituent autant d’occasions de biaiser les résultats.
9Il n’est pas possible de faire à propos des enquêtes relatives au mariage une théorie générale des opinions1. On se contentera ici de présenter quelques remarques simples pour préciser la signification que l’on entend donner à l’analyse des opinions exprimées.
10Les résultats d’une enquête sur le mariage offrent à la critique des positions qui peuvent paraître plus difficiles encore à défendre que ceux d’autres études d’opinion. On accordera plus ou moins volontiers que le public répond sincèrement à des questions de caractère commercial ou même à un sondage politique. Mais la difficulté croît avec l’implication du sujet dans l’objet de l’enquête. Or, qui peut prétendre en matière de nuptialité être en situation de neutralité. Toute question posée sur le mariage s’adresse à un être pour qui le problème du mariage est toujours d’une certaine manière celui de son mariage. Toute question sur la nuptialité est indiscrète. « Les attitudes sont les corrélats subjectifs des valeurs ». Cette phrase de Jean Stoetzel et Paul Lazarsfeld a une portée générale (Stoetzel et Lazarfeld, 1965, p. 191), mais la charge subjective varie sans doute suivant le champ intentionnel et l’histoire du sujet. Il apparaît bien que la nuptialité figure parmi les thèmes les plus sensibles à cette charge affective.
11On est donc justifié de soupçonner que la personne enquêtée, pour se débarrasser d’un opportun, ait répondu « n’importe quoi ». Mais qui craint vraiment l’indiscrétion ne refusera-t-il pas de se soumettre à l’enquête plutôt que de subir la série des questions ? Cette probabilité ne suffira évidemment pas à prouver le caractère « sérieux » des réponses. C’est l’analyse même des résultats qui montrera, et à l’évidence, que les réponses n’ont pas été délibérément fantaisistes. Il faudra montrer la cohérence des résultats, croiser les réponses à des questions logiquement liées entre elles, montrer en somme que les mêmes se réfèrent, tout au long du questionnaire, à un même système de valeurs. Le lecteur jugera, à la fin de l’analyse, si cette cohérence a été suffisamment démontrée.
12Fera-t-on l’hypothèse d’enquêtés malicieux et logiques qui répondraient contre leur propre opinion avec une rigueur sans faille ? Rien logiquement ne peut abattre cette objection. Elle ne tient pas devant l’expérience : il est difficile de rester en accord avec son propos durant une demi-heure ou davantage lorsque la cohérence n’est pas l’expression spontanée de l’opinion effective du sujet. Il faut donc admettre que les personnes enquêtées ne peuvent systématiquement réussir à falsifier leur pensée tout au long d’un questionnaire de plusieurs pages. Si l’on peut démontrer la cohérence des réponses, il ne sera guère possible, pour contester la sincérité des réponses de se réfugier dans l’hypothèse d’une « diabolique habileté » à dissimuler.
13Problème plus redoutable, qu’exprime donc la « sincérité » de la personne enquêtée ? On a dit plus haut qu’il y aurait une certaine naïveté à penser que l’opinion exprimée traduit purement et simplement l’attitude profonde du sujet. On se demandera d’abord si, spontanément, le sujet ne répond pas suivant les stéréotypes qui ont cours dans son milieu social plutôt qu’en fonction d’une réflexion personnelle. Mais serait-ce là pour le sociologue une situation défavorable ? Ce qui l’intéresse, n’est-ce pas, plus que les pensées intimes des individus, le sens et la force de ces stéréotypes ? S’il s’agit de saisir les « représentations collectives » est-il une approche plus directe que celle qui consiste à répertorier ces stéréotypes et à mesurer leurs importances relatives ?
14Pourtant les convictions personnelles de l’individu, celles qui sont le résultat de son éducation, de sa réflexion ou de son expérience divergent parfois de l’opinion générale et si elles sont assez fortes, la réponse de l’enquêté se réfère à son propre système de valeurs, faisant fi des clichés et des idées reçus. Il est probable dans ce cas que l’opinion exprimée comme le système de valeur auquel il se réfère ne soit pas le fait d’un individu isolé, mais d’une sous-population dotée d’une sous-culture spécifique.
15Reflet des stéréotypes ou conviction personnelle, l’opinion exprimée renvoie donc d’une manière ou d’une autre à la dimension sociologique. La fréquence du modèle n’est pourtant pas la même dans les deux cas, ni peut-être la cohérence entre l’idée et le comportement. Mais ceci conduit à un autre problème : entre l’opinion exprimée et ce que font et feront effectivement ceux qui l’expriment n’existe-t-il pas une faille qui rend bien aléatoire de préjuger du comportement de quelqu’un à partir de sa position théorique ? Le libéralisme de principe en matière de sexualité ne va pas nécessairement avec un relâchement des mœurs et tel qui préconise une grande liberté sexuelle contrôlera rigoureusement les sorties de ses enfants2.
16Le problème prend sa véritable dimension lorsqu’on passe de l’individu à la société. Est-il possible de trouver une véritable distorsion dans une population entre les valeurs admises, c’est-à-dire le modèle idéal et les normes effectives de comportement ?3. Ira Reiss pense que cet écart est parfois considérable pendant de longues périodes. Il pense que le comportement sexuel des Américains en 1970, et spécialement leur comportement prénuptial, n’est guère différent aujourd’hui de ce qu’il était il y a un demi-siècle.
17Il ne se serait pas produit aux États-Unis de « révolution sexuelle ». Par contre, le modèle idéal se serait transformé en s’ajustant plus ou moins au comportement effectif de la majorité de la population. Les mœurs en somme seraient restées les mêmes tandis que les critères moraux d’appréciation seraient devenus moins exigeants. La plus grande permissivité du « code sexuel » n’exprimerait ni ne provoquerait un quelconque « relâchement » des mœurs. Il y aurait en somme une indépendance de la conduite par rapport au modèle idéal. L’un pourrait donc évoluer sans que l’autre en soit affecté (Reiss, 1968).
18Cette position ne nous paraît pas très réaliste. Il semble que les modèles sociaux et les normes affectives de comportement ne puissent entretenir qu’une relative et provisoire autonomie. Il ne paraît guère possible d’imaginer d’une manière durable la simultanéité, dans une population, d’une affectation de pudibonderie et d’un relâchement total des mœurs. Le corps social s’efforcera de réduire cette tension soit par un abaissement de l’idéal soit par une évolution des mœurs dans un sens plus rigoriste. Si, en définitive c’est l’idéologie qui devient plus permissive, il ne semble pas raisonnable d’escompter que cette évolution ne retentisse pas sur les mœurs. La dévaluation des prescriptions idéales établira un nouvel équilibre entre modèle et comportement et elle permettra, pour un écart constant entre ces deux termes, une plus grande « licence » des mœurs.
19On accordera volontiers à Reiss que la tension est parfois importante entre pôle idéal et conduite réelle. Mais cette relative autonomie dissimule à terme une solidarité profonde. Les valeurs qui ont cours dans une société nous éclairent donc d’une manière oblique, mais utile sur ce que les mœurs sont ou risquent de devenir.
20Telle est en somme la thèse de Mauss lorsqu’il renonce à l’expression « psychologie collective » parce que la formule « suggère que tout se traduit en termes de conscience ». Il lui préfère celle de « physiologie collective » qui marque mieux « la transformation des idées et sentiments en actes et mouvements des individus » (Mauss, 1969, t. 3, p. 209).
21Ainsi, essayant d’atteindre la réalité sociologique à travers une série d’enquêtes, on ne saurait prétendre que les opinions nous fourniront directement une image fidèle du comportement de nos contemporains. Du moins est-on assuré de rejoindre la réalité. L’analyse des enquêtes ne peut ni nous révéler les secrets des consciences ni nous fournir une photographie exacte des mœurs. On est par contre en droit d’en attendre un reflet de cette « conscience collective » qui pour peu qu’elle demeure stable, finit par régler les opinions comme les mœurs.
II. Les principales sources
22Comme on l’a fait remarquer dans l’introduction, les études sur la famille ont connu en France, depuis 1965, un renouveau très sensible. Une des manifestations de ce regain d’intérêt a été la multiplication des enquêtes d’opinion. Un certain nombre de ces enquêtes portaient sur des thèmes assez éloignés de l’objet de cette étude, par exemple la prévention des naissances, les motivations de la limitation des naissances4.
23D’autres enquêtes visaient des objectifs qui intéressaient d’une manière plus directe les problèmes de nuptialité. Leur pertinence par rapport à ce sujet explique qu’elles seront largement utilisées dans cette deuxième partie. Il était donc indispensable de les présenter rapidement.
1. L’attitude de diverses générations à l’égard du mariage, de la famille et du divorce en France
24Cette enquête a été réalisée en 1969 par l’Ined5. Elle se proposait de repérer sur un certain nombre de points des différences d’attitudes entre cohortes de mariage récentes et cohortes plus anciennes. L’enquête a porté sur 2 500 personnes mariées, hommes et femmes, choisis suivant la méthode de l’échantillonnage proportionnel. La représentativité est atteinte au niveau des trois groupes de cohortes : mariages antérieurs à 1951, mariages conclus entre 1951 et 1961, mariages postérieurs à 1961. L’exploitation, pour certaines questions, a permis de distinguer dans la dernière classe deux sous-groupes de cohortes, celles de 1961-1964 et celles postérieures à 1964. Un échantillon de 600 célibataires, hommes et femmes, âgés de 18 ans à 25 ans a été également interrogé. Le questionnaire portait sur des données d’opinion et des données de fait. On n’utilisera ici que les données d’opinion. Elles concernent les caractéristiques « idéales » du mariage (âge, homogamie, indissolubilité, répartition des rôles), la vie prénuptiale, et enfin, quelques indications sur les relations parents-enfants. Un article de la revue Population rend compte des résultats de cette enquête (Roussel, 1971). Dans la suite de cette étude, elle sera désignée par l’expression enquête Nuptialité.
2. Les besoins et les aspirations des familles et des jeunes
25Cette enquête dont le maître d’œuvre était la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), a été réalisée en 1971 par le Centre de recherches et de documentation sur la consommation (Credoc) sous la direction de Nicole Tabard. L’objectif premier de ce travail était l’analyse des besoins des familles. Les résultats de l’enquête devaient éclairer les responsables de la Cnaf sur l’attitude des allocataires à l’égard de la politique familiale actuelle et sur une évolution possible des attentes et des besoins de la population concernée. « Le problème qui est au centre de cette recherche est celui de la répartition des rôles entre la famille et la collectivité6 ».
26Mais l’intérêt de ce travail dépasse largement cette perspective pratique. Les réalisateurs de cette enquête avaient en effet estimé que les réponses aux questions relatives à la politique familiale ne prendraient tout leur sens que si elles s’inscrivaient dans une recherche plus large.
27Aucune autre enquête française n’a permis à ce jour de collecter sur la famille une somme plus considérable d’informations. Le questionnaire comportait au total environ 500 questions et son administration exigeait trois visites. Les enquêteurs s’adressaient à la mère de famille. Un sous-ensemble de ces questions, la partie consacrée aux opinions et attitudes, était également posé à l’époux. Les données enregistrées constituent sans aucun doute un matériel extrêmement riche dont l’exploitation est loin d’être achevée. Un rapport a déjà été publié, « Enquête 1971 sur les besoins et les aspirations des familles et des jeunes ». Il ne fournit qu’une petite partie des résultats espérés.
28L’étude porte sur 2 156 ménages dont 1 771 familles allocataires. L’ensemble des données qui seront ici présentées concernent ces familles allocataires. Il s’agit donc d’une population de ménages dont le nombre d’enfants égale ou dépasse 2. Cette caractéristique est évidemment liée à d’autres, en particulier à l’âge de la mère. Elle ne devra pas être perdue de vue lorsqu’on comparera les résultats de cette étude avec celles qui ont été faites sur un échantillon moins spécifique.
29Comme l’enquête sur l’attitude des générations, celle-ci comportait à la fois des questions relatives au comportement et d’autres aux attitudes. On ne retiendra ici que les résultats des secondes. Pour la commodité des citations, cette enquête sera désignée sous le titre d’enquête Famille.
3. Rapport sur le comportement sexuel des Français
30Le but de cette enquête menée en 1970 était de fournir, sur la sexualité des Français, une information aussi large et objective que possible. Les résultats de ce travail, entrepris sous la direction du docteur Pierre Simon, ont donné lieu à la publication du Rapport sur le comportement sexuel des FrançaisSimon, Gondonneau et al., 1972). Le sujet traité déborde largement l’aspect comportement : toute une batterie de questions porte sur les attitudes. C’est à elles, bien entendu, que l’on fera référence. On utilisera les résultats de ce rapport, en particulier pour l’étude des opinions relatives à la vie sexuelle prénuptiale. C’est un domaine qui n’avait guère été jusque-là exploré en France : l’apport de cette enquête en est d’autant plus précieux.
31L’échantillon de 2 600 personnes est représentatif de l’ensemble de la population de 20 ans et plus. Pierre Simon explique d’ailleurs pourquoi l’enquête a été limitée aux plus de 20 ans. « Il avait été initialement envisagé d’étudier aussi la population de 15-19 ans, mais en raison des difficultés que n’aurait pas manqué de soulever une telle enquête auprès des mineurs, on a finalement dû renoncer à inclure les jeunes de moins de 20 ans dans le champ de l’enquête ». La nécessité d’obtenir l’autorisation préalable des parents constituait en fait un obstacle dirimant.
32Cette source d information sera désignée ici par l’expression rapport Sexualité.
4. L’enquête d’opinion sur le divorce
33Le maître d’œuvre de cette enquête était le ministère de la Justice. Le but de l’enquête était de connaître les attitudes de la population française à l’égard du divorce. L’enquête était donc centrée sur le divorce, mais un certain nombre de questions portaient sur l’image du mariage. Pour mener l’entreprise à bonne fin, la complexité du sujet appelait la collaboration d’organismes aux vocations et aux techniques complémentaires. Ont conçu et réalisé cette enquête, le Service de coordination de la recherche du ministère de la Justice, le Laboratoire de sociologie juridique de l’Université Paris II et enfin le département de psychosociologie de l’Ined. Juristes, sociologues, spécialistes des sondages ont ensemble rédigé le questionnaire et exploité les résultats.
34La méthode utilisée a été l’échantillonnage proportionnel. Les critères retenus pour la constitution du plan d’enquête étaient l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle (CSP), la taille de la commune de résidence et la localisation géographique. Au total, au cours des mois d’avril et mai 1972, 2 142 personnes ont été interrogées.
35Un cahier de l’Ined, Le divorce et les Français, enquête d’opinion, analyse les résultats de cette enquête qui sera désignée sous le titre enquête Divorce (Boigeol et Commaille, 1974).
5. L’enquête Choix du conjoint
36L’enquête d’Alain Girard est fondamentale. Réalisée en 1959, elle a porté sur 1 646 couples. Comme pour l’enquête Sexualité, le questionnaire s’intéressait au comportement effectif (les circonstances du mariage) et aux attitudes (le modèle collectif du mariage). En rendant manifeste le « réseau de déterminations sociales qui enserrent de toutes parts les jeunes gens et les jeunes filles », cette enquête montrait à quel point les normes collectives étaient déterminantes pour la nuptialité. On utilisera les résultats de cette enquête dans le court chapitre où il sera traité de ce moment du mariage, mais les conclusions de l’analyse de Girard, bien au-delà de leur thème précis, ont guidé la présente contribution à la sociologie de la nuptialité.
37On ne se propose évidemment pas dans cette partie consacrée à l’opinion de rendre compte systématiquement de ces enquêtes. On présentera seulement, parmi les nombreux résultats obtenus, ceux qui se rapportent le plus directement à l’objet de ce travail. L’importance plus ou moins grande des emprunts qui leur seront faits s’explique uniquement par les besoins de l’utilisateur.
Liste des enquêtes citées et analysées dans l’ouvrage*

Notes de bas de page
1 On se reportera pour cela aux ouvrages de Jean Stoetzel et en particulier à sa Théorie des opinions, 1943.
2 Un certain nombre d’entretiens non directifs auprès des femmes révèlent explicitement cette apparente contradiction : leur père avait les « idées larges » pour les autres et se montrait très rigoristes à leur endroit.
3 Les sociologues anglo-saxons distinguent ideal value et action norm.
4 Bastide et Girard, 1966 ; Girad et Zucker, 1967, 1968 ; Roussel, 1969, 1971 ; Vallot et Roussel, 1969.
5Enquête Attitude des diverses générations à l’égard du mariage, de la famille et du divorce en France (Ined, 1969) ; https://data.ined.fr/index.php/catalog/159/study-description [NdE].
6 Enquête 1971 sur les besoins et les aspirations des familles et des jeunes, Cnaf-Credoc (Tabard, 1974).
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