Chapitre 2
Les ruptures d’union
p. 125-170
Texte intégral
Il semble que depuis dix ans, je ne sais quel souffle de discorde est passé sur l’Europe. Les querelles conjugales sont devenues plus fréquentes que jamais. Elles augmentaient déjà naguère presque partout, mais depuis dix ans elles se multiplient plus que jamais. La France participe à ce mouvement (malgré l’absence du divorce) absolument comme les autres nations, et plus encore que la plupart d’entre elles (Jacques Bertillon)1.
1Les analyses du chapitre précédent portaient sur la constitution du lien matrimonial. À travers un certain nombre de données statistiques, on escomptait obtenir une première information sur la nature du mariage dans notre société.
2Avant de faire le bilan de cette approche quantitative, il a paru utile, en utilisant les mêmes méthodes d’analyse démographique, de chercher à comprendre comment se défait, autrement que par la mort d’un conjoint, le lien matrimonial. L’observation des mécanismes de dissolution laisse parfois percer un secret, imperceptible à qui n’a étudié que les modalités de formation du phénomène. Ainsi peut-on espérer que l’analyse de la divortialité soit, pour notre propos, aussi utile que celle de la nuptialité.
3On objectera qu’il est d’autres ruptures que le divorce : la séparation de fait, ou encore le maintien d’une simple façade d’union interrompent souvent la réalité du lien conjugal sans le dénouer légalement. Nul ne songe à nier l’intérêt de recherches qui permettraient de mieux connaître la fréquence de ces situations et surtout les mobiles qui expliquent pourquoi les conjoints choisissent telle issue plutôt que telle autre. Mais l’exploration de ce domaine est à peine commencée et les données statistiques qui s’y rapportent sont soit imprécises soit douteuses2. On ne saurait donc attendre actuellement de leur analyse qu’elle apporte des informations analogues à celles que nous avons pu recueillir pour la nuptialité. La morphologie ne constitue, pour l’étude d’une réalité, une méthode utile que si elle permet une description suffisamment fine des « formes ». C’est donc au divorce et, accessoirement, à la séparation de corps que nous limiterons l’analyse. Elle portera d’abord, comme celle de la nuptialité, sur l’intensité et le calendrier du phénomène. On tentera aussi de comparer la population qui divorce à celle de l’ensemble des Français. Les conjoints qui ont finalement décider de se séparer, se sont-ils mariés comme le reste de la population, en particulier suivant le même calendrier ? Ont-ils eu la même fécondité, la même fréquence de conceptions prénuptiales ?
4Les données disponibles permettent aussi de caractériser les divorces suivant quelques variables judiciaires : qui a pris l’initiative de la requête, quels griefs ont été invoqués, comment se répartissent, entre divorces et séparations de corps, les ruptures légales ? Les caractéristiques administratives, pour le mariage, sont fondamentalement les mêmes ; la procédure du divorce révèle au contraire des différences ; leur analyse peut éclairer la signification que revêtait, pour les conjoints, le mariage. Il faudra donc ici compléter, sommairement, l’analyse démographique par une description des caractéristiques judiciaires.
5Sur les aspects quantitatifs des divorces, deux sources de documents existent en France : l’une est publiée par le ministère de la Justice, l’autre par l’Insee. L’objectif principal du premier est de présenter un état des différents actes judiciaires. Le « Compte général » fournit annuellement des tableaux sur les divers types de dissolution ou de séparation. On y trouve le nombre et la répartition des demandes accueillies ou rejetées. L’unité d’observation est le tribunal de grande instance3. À partir de cette source, on peut ventiler les demandes, suivant le type de rupture souhaitée et suivant la décision du tribunal. Depuis 1970, enfin un nouveau système statistique a été mis en place qui fournit, sur les parties engagées dans une procédure de divorce, des renseignements beaucoup plus circonstanciés et surtout plus homogènes que ceux qui figuraient jusqu’alors dans les minutes de jugement. Ces données seront utilisées pour décrire la cohorte des candidats au divorce de l’année 1970 (ministère de la Justice, 1973). Une analyse de 16 000 minutes de jugement, portant sur cinq années échelonnées de 1950 à 1968 apporte enfin des éléments de comparaison précis, mais limités (Jaulerry, 1971 ; Commaille et Dezalay, 1971)4.
6De son côté, l’Insee tient le compte des transcriptions de divorces portées en marge de l’acte de mariage, c’est-à-dire des divorces transcrits. L’analyse des données est faite en fonction de variables démographiques, âge des conjoints, durée du mariage, nombre d’enfants. Ces tableaux ne sont fournis que pour l’ensemble de la population française.
7Ces sources de données sont donc complémentaires ; la première, les Comptes de la Justice5, insiste sur la ventilation géographique et les caractéristiques judiciaires, la deuxième, l’analyse des transcriptions, sur les caractéristiques démographiques. Quant à la nouvelle statistique, elle est de loin la plus complète. Son seul défaut est la jeunesse. Trop récente, elle n’est pas encore entièrement rodée et elle ne porte encore que sur une seule année.
8Le problème est d’apprécier la valeur de ces données. Les remarques présentées par Sully Ledermann, sur la statistique des divorces transcrits, restent valables (Ledermann, 1948). « Irréprochables », au point de vue de l’exactitude, les données de l’Insee présentent un double inconvénient : entre le jugement de divorce et la transcription du jugement, un temps plus ou moins long s’écoule, une année en moyenne. En outre, certains divorces ne sont jamais transcrits. Leur proportion, 10 % vers 1936, est restée à peu près constante jusqu’en 1964. Depuis cette date, la situation semble s’être quelque peu modifiée.
9Le pourcentage des transcriptions effectuées au terme de la troisième année après le jugement a reculé de 91 % en 1963 à 81 % en 1965. L’année même du jugement, au lieu de 55 % des divorces transcrits en 1963, il n’y en a eu que 44 % en 1965 (Hémery et Chi, 1969). Sans doute s’agit-il d’un simple retard plus que d’une diminution du nombre final des transcriptions. Mais les deux phénomènes semblent liés et une certaine dégradation s’est probablement produite pour la fréquence finale des transcriptions.
10Sur l’exactitude des données du ministère de la Justice, Ledermann se montrait assez réservé. Le nouveau découpage des instances et d’autres réformes judiciaires, survenus depuis 1958, semblent avoir abouti à une amélioration générale et, en particulier, à celle de la statistique en matière de rupture d’union6. Pour la comptabilité des divers types de dissolutions prononcées ou rejetées, les données permettent une appréciation correcte de la réalité à condition de tenir compte des observations suivantes :
11
- les ruptures faisant l’objet d’un jugement, une année donnée, sont souvent relatives à des requêtes formulées l’année précédente ou même auparavant.
- les ruptures faisant l’objet d’un jugement, une année donnée, sont souvent relatives à des requêtes formulées l’année précédente ou même auparavant.
- les données présentées dans le Compte général n’incluent pas les jugements en appel qui ont pu modifier la décision du tribunal de grande instance. Certaines demandes de divorce, comptées comme « rejetées », ont pu être accueillies en appel ou inversement. Pour le département de la Seine, le pourcentage des appels avait été estimé, pour 1936, à environ 2,5 % de l’ensemble des affaires. Un comptage précis pour l’année 1968 donne 6,4 %7. Néanmoins, même si tous les jugements de première instance étaient cassés, ce qui n’est certainement pas le cas, leur incidence ne modifierait pas considérablement nos conclusions.
12Pour les données les plus importantes, on peut faire crédit, semble-t-il, aux statistiques du Compte général, du moins après 1958. C’est d’ailleurs la seule source de renseignements pour la répartition géographique des divorces. Quant aux données fournies par l’Insee, le retard de transcription et le pourcentage des non-transcriptions doivent rester présents à l’esprit, surtout lorsqu’il s’agit d’interpréter les données des dernières années8. Au total, on peut penser que l’on dispose de statistiques suffisantes pour apprécier, au moins pour les données de base, l’évolution depuis 1936.
I. L’intensité de la divortialité
13L’analyse de l’intensité de la divortialité est complexe. La mesure exacte consisterait à rechercher pour chaque cohorte de mariages la proportion de ceux qui ont été rompus par le divorce compte tenu des risques de veuvage. Une telle analyse, outre que nous ne disposons pas des données suffisantes pour les cohortes anciennes, présente l’inconvénient de toute étude longitudinale : elle ne permet pas de connaître l’histoire complète des promotions récentes. De plus, cette méthode n’a encore été que peu utilisée dans les pays étrangers et il serait actuellement difficile de faire une étude comparative en utilisant cet indice9.
14Néanmoins, la précision de cette mesure amènera probablement les démographes étrangers à l’utiliser très largement dans un avenir proche. Il a donc paru utile de reproduire ici les principales données disponibles pour les plus récentes promotions de mariages français.
15Elles sont extraites de l’article de Chantal Blayo (Blayo, 1973). On sait que la somme des « divorces réduits » mesure le nombre de divorces qui interviendraient pour 100 mariages si le calendrier et l’intensité de la divortialité étaient constants. Le cumul des taux de mariage dans une même promotion de mariages indique, pour une durée donnée, la proportion des mariages qui seraient alors rompus.
16L’évolution de la somme des divorces réduits (tableau 34), une fois terminé l’effet perturbateur de la Seconde Guerre mondiale, revient à une grande stabilité de cet indice du moins pour la décennie 1953-1963. C’est à partir de 1964 que l’indice se met soudain à croître. L’analyse longitudinale (tableau 35) ne nous donne que les premiers éléments de l’histoire des promotions mariées depuis 1952. Elle ne permet pas encore d’observer des différences vraiment importantes entre elles.
Tableau 34. Les désunions en France

Tableau 35. Taux de divorces(a) cumulés pour 10 000 mariages(b)

17Il nous faut donc, si nous voulons obtenir une série sur toute la période 1884-1970, recourir à des indices moins raffinés, mais disponibles. La comparaison, d’ailleurs, avec certains pays étrangers, ne sera possible qu’à ce prix10.
18Les annuaires des Nations unies utilisent une mesure très grossière de la divortialité : ils rapportent les divorces survenus une année donnée à la population moyenne cette année-là. L’effet de structure biaise considérablement un tel indice. On l’atténue lorsque l’on rapporte les divorces d’une année non pas à la population totale, mais à celle des femmes mariées. On trouvera cet indice pour la France au tableau 36 où l’on pourra le comparer avec la somme des divorces réduits et avec un autre indice qui constitue en une évaluation approximative de cette somme. La figure 10 représente l’évolution de ce taux de 1884 à nos jours.
Tableau 36. Indices d’intensité de la divortialité en France

Figure 10. Nombre de divorces annuels pour 100 000 femmes mariées

Source : Pressat, 1969, figure 49, p. 173 ; Ined, 1970 ; voir tableau 36.
1. La France et l’étranger
19Quelle que soit la série des indices retenus, si l’on excepte les périodes où la mesure est sensible à une poussée conjoncturelle des divorces, des mariages, ou des deux événements, on observe la même évolution : une montée lente, mais assez régulière du début du siècle à la seconde guerre mondiale ; une sorte de palier de 1953 à 1964, une assez brusque remontée à partir de cette date11. Considérons un instant les données telles qu’elles se présentent pour les dernières années observées. La somme des divorces réduits permet de penser que sur 100 mariages contractés, 12 à 13 sont rompus par le divorce (tableaux 34 et 35), ce qui correspond annuellement, pour 10 000 mariages subsistant, à 34 divorces. Il est indispensable de comparer cette intensité de la divortialité avec celle que l’on observe dans d’autres pays de type industriel ou non.
20Le tableau 37 permet de comparer à trois moments, vers 1937, vers 1960 et vers 1968, la valeur de ce taux dans 21 pays.
Tableau 37. Nombre de divorces annuels pour 10 000 femmes mariées et augmentation en valeurs relatives du nombre de divorces entre 1960 et 1968

21On constate que pour trois dates de référence l’indice de la France par rapport aux autres populations européennes se situe parmi les plus bas. On n’oubliera pas pourtant que dans plusieurs pays (Irlande, Espagne, Malte et tout récemment encore Italie) le divorce n’était pas autorisé. Quant à l’évolution dans les trente dernières années, l’augmentation du taux français reste parmi les plus modérés. Dans cet intervalle, les pays scandinaves ont tous rejoint même largement dépassé notre pays ; l’Angleterre dont le taux était avant la dernière guerre quatre fois plus faible que celui de la France, la devance également.
22On observera, aussi bien pour les trois pays musulmans cités que pour la Roumanie, l’importance de la législation sur le divorce ; elle explique sans doute pour une large part les disparités des niveaux de divortialité entre la Libye, l’Égypte et la Turquie. Quant à la baisse très nette de la divortialité en Roumanie12, elle a été la conséquence directe d’une réforme de la législation matrimoniale.
23Par ailleurs, si dans la plupart des pays, l’augmentation entre les deux dates extrêmes est forte, la hausse s’est accélérée dans la dernière décennie. La poussée observée en France depuis 1964 n’est donc pas le fait de ce seul pays.
24Des études récentes menées séparément par France Prioux-Marchal et Patrick Festy ainsi que le Groupe international de recherche sur le divorce (Festy et Prioux, 1975) fournissent des analyses longitudinales de la divortialité pour certaines cohortes de mariages dans quelques pays d’Europe occidentale (GIRD, 1975). Il en ressort que les cohortes 1950 et 1955 ont des histoires très proches. Au contraire les cohortes plus récentes révèlent, pour une même durée de mariage, une proportion de plus en plus forte de divorces. Les cohortes 1960, 1965 et 1968 ont encore des durées trop brèves pour que l’on puisse en tirer une conclusion sur l’intensité finale du divorce, mais sous l’hypothèse qu’une certaine corrélation existe entre précocité et intensité, elle connaîtraient une divortialité beaucoup plus forte que la cohorte 1955. L’indice du moment « divorces réduits » porte sur toutes les cohortes de mariages subsistantes ; il intègre donc encore le comportement de celles qui se sont mariées entre 1950 et 1960 et dont le poids n’est pas négligeable pour le calcul de l’indice. L’analyse longitudinale suggère, sous réserve que la précocité soit bien liée à l’intensité, que la divortialité devrait continuer à croître dans le moyen terme en Europe occidentale.
25Enfin, si l’on s’en tient aux pays de type occidental, la situation des États-Unis apparaît exceptionnelle. Les ruptures d’union par divorce concerneraient plus d’un mariage sur trois13. On peut se demander dans ces conditions si la différence avec les pays européens est seulement celle d’une fréquence plus élevée ou si au contraire la probabilité très forte de divorcer n’affecte pas la nature même du lien matrimonial, lui donnant une signification différente de celle qu’il garde dans les sociétés où le divorce reste encore, sinon exceptionnel, du moins rare.
2. L’évolution des taux français par département
26On ne saurait parler de l’intensité du divorce en France, sans présenter comme pour la nuptialité une analyse différentielle suivant la situation géographique14.
27Jusqu’en 1966, les Comptes généraux présentaient les données de ruptures d’union par cour d’appel15. Depuis cette date, ils fournissent les statistiques de chacun des 172 tribunaux de grande instance. Il a été possible de reconstituer ces séries de 1960 à 1965.
28Ledermann avait pu établir ces données, pour la période 1936-1938, mais avait groupé les résultats par département. Pour permettre la comparabilité16, le département a été retenu ici aussi comme unité élémentaire. Il serait difficile d’ailleurs d’analyser les résultats par circonscription judiciaire car le nombre parfois très faible d’affaires traitées entraîne des variations aléatoires considérables d’une année à l’autre.
29L’analyse qui suit s’appuie généralement sur les données par département relatives à trois groupes d’années, 1936-1938, 1960-1963, 1964-1967. Certains tableaux ne tiennent compte que d’une année par période17.
30La fréquence des ruptures d’union varie beaucoup d’un département à l’autre. Ledermann constatait, pour la période 1936-1938, un éventail très large, qui allait de 5 ruptures pour 1000 femmes mariées pour la Vendée, à plus de 60 pour la Seine. Le tableau 38 rapproche cette situation de celle que l’on observe depuis le début de la décennie.
Tableau 38. Répartition des 90 départements selon les taux de divortialité (pour 10 000 couples mariés)

31La relative stabilité du taux global, entre 1936 et 1962, résulte de deux variations qui se compensent approximativement : le nombre des départements à faible taux diminue très sensiblement, tandis que la valeur moyenne des taux les plus élevés baisse notablement18. Tout se passe alors comme si deux tendances se manifestaient, diffusion du divorce dans les zones jusque-là peu touchées, recul là où la fréquence avait été très forte. On pourrait penser que la stabilité globale se maintient et que l’évolution se traduit, en définitive, par une distribution plus resserrée.
32La suite du tableau, de 1962 à 1967, montre la fragilité de cette hypothèse : en trois ans, le taux global monte de 4 points, les départements de taux supérieur à 30 pour 10 000 sont multipliés par 2, tandis que le nombre de départements à faible taux baisse très fortement.
33Les cartes 7 et 7bis permettent d’observer l’évolution ou la stabilité de chaque département, en prenant pour base la situation 1936-1938. On constatera aisément le rétrécissement progressif des taches blanches correspondant aux zones de taux très bas.
Carte 7

Carte 7 bis

34À la veille de la seconde guerre, l’ensemble de la Bretagne et presque toutes les zones de montagne, au total 33 départements, faisaient partie de cette catégorie. Il n’en restait que le tiers en 1965.
35Par contre, de 1936 à 1967, on voit s’élargir vers l’est et le nord-est la plage des taux élevés, d’abord localisés à l’ouest et au nord-ouest de paris. Si cette tendance se confirmait, la zone de forte ou très forte fréquence s’étendrait, de manière continue, au nord d’une ligne Caen-Bâle.
36Dans le même temps, la Provence entière est devenue une région de forte ou de très forte fréquence, tandis que dans le Sud-Ouest, la Haute-Garonne connaissait une poussée très rapide qui la faisait passer, en quelques années, de 29 divorces pour 10 000 femmes mariées en 1936 à 57 en 1966.
37On pourrait dès maintenant tenter une interprétation de cette analyse différentielle. Il a paru préférable de ne chercher à repérer les facteurs de la divortialité qu’après avoir poursuivi l’étude des caractéristiques de la population divorcée.
II. La durée du mariage et l’âge au divorce
38La durée du mariage se définit comme l’intervalle entre la date du mariage et celle du jugement de divorce. C’est la durée légale du mariage. On comprend bien que la durée de fait de l’union soit généralement inférieure à cette durée de droit. Il n’est malheureusement pas possible pour la France de mesurer la différence moyenne entre ces deux durées. Un sociologue anglais, Roy Chester, a tenté à partir d’un échantillon de 1 000 cas de mesurer cet écart, il a trouvé une moyenne d’un peu plus de quatre ans (Chester, 1971). Cette différence est très importante. On observera toutefois qu’elle concerne des divorces prononcés par défaut et que l’échantillon est relatif à une seule ville. On ne peut pas de toutes manières, conclure pour la France à un écart moyen semblable, même approximativement. Les législations sont en effet différentes d’un pays à l’autre et, sur ce point, leur effet est sans doute déterminant.
39La seule donnée disponible en France est l’intervalle moyen entre la tentative de conciliation et le jugement de divorce. Sa durée varie suivant que les conjoints bénéficient ou non de l’assistance judiciaire. Elle est en moyenne maximale si les deux conjoints bénéficient de cette assistance (vingt mois) et minimale lorsqu’aucun des deux n’en bénéficie (douze mois). En comptant environ trois mois entre le dépôt de la requête et la tentative de conciliation on arrive à une durée moyenne de la procédure de quinze mois en l’absence d’assistance judiciaire. Il est peu vraisemblable que la première démarche légale ait été en moyenne précédée en France par une séparation de fait de plusieurs années. On peut donc, sans autre précision, indiquer que la différence entre durée légale et durée de fait de l’union est supérieure en moyenne à un an et probablement inférieure à deux ans.
40La répartition des divorces suivant la durée légale du mariage a-t-elle évolué depuis le début du siècle ? Le tableau 39 fournit quelques repères pour apprécier ces changements.
Tableau 39. Répartition des divorces suivant la durée du mariage

41Ces données, compte tenu surtout de l’hétérogénéité des sources, ne révèlent pas une transformation profonde dans la distribution des durées. Depuis le début du siècle, la durée moyenne a peu varié et plus de 60 % des divorces surviennent dans des mariages ayant duré de cinq à vingt ans. Il semblerait pourtant que les pourcentages des unions très brèves (moins de cinq ans) ou très longues (plus de vingt ans) aient augmenté. Compte tenu de la durée de la procédure, un certain nombre de divorces prononcés après moins de deux ans de mariage sont probablement des unions simplement destinées à légitimer la naissance d’un enfant.
42Que les divorces n’interviennent généralement qu’après un certain nombre d’années de mariage ne saurait surprendre : un délai assez long paraît nécessaire pour que la relation affective qui unissait les époux au moment du mariage se transforme au point que l’un des conjoints au moins soit résolu à rompre le mariage.
43Les statistiques montrent pourtant que, dans certains pays, la fréquence des divorces rapides est parfois beaucoup plus grande qu’en France.
Tableau 40. Répartition de 100 divorces vers 1965 dans quelques pays suivant la durée du mariage (en années)

44Pour des raisons évidemment très différentes, au Japon, aux États-Unis et en Égypte, le pourcentage total des divorces survenant dans les cinq premières années de mariage représente au moins 45 % de l’ensemble des divorces. La proportion tombe en dessous de 25 % pour la France (24 %) et pour la Grande-Bretagne (17 %).
45C’est qu’en réalité, ces comparaisons n’enregistrent pas seulement des écarts statistiques importants, elles renvoient à des systèmes matrimoniaux différents dont les caractéristiques sont peu comparables. Disons simplement que la proportion relativement faible de divorces dans les premières années de l’union confirme que l’intention de la majorité de la population, au moment du mariage, est de contracter un mariage définitif.
46Durée du mariage et âge au divorce sont liés dans la mesure où la dispersion n’est pas trop forte autour de l’âge moyen au mariage. Ce qui vient d’être constaté exclut donc que les taux de divortialité avant l’âge de 25 ans et après 50 ans soient élevés. Le tableau 41 emprunté à Hémery et Dinh (1972, p. 63) fournit, pour un certain nombre d’années, les séries de taux par groupes d’âges inégaux. Il faut observer que les âges sont définis à l’année de la transcription du divorce et non à celle du jugement. Comme les délais de transcriptions s’allongent sur plusieurs années, les groupes de divorcés suivant l’âge de la transcription ne correspondent pas exactement aux groupes suivant l’âge au jugement de divorce. En réalité, il faudrait « rajeunir » de deux ans en moyenne les âges limites de chaque groupe pour se rapprocher de la moyenne d’âge au moment du jugement. Ceci dit, dans la mesure où les délais de transcription sont restés sensiblement les mêmes sur une longue période, les séries sont comparables.
Tableau 41. Taux de divorce par âge (divorces transcrits). Nombre annuel de nouveaux divorces pour 100 000 mariés de chaque groupe d’âges

47On observera qu’en 1970 chez les hommes comme chez les femmes, les indices sont les plus élevés dans le groupe d’âges 25-29 ans. Le taux de divortialité baisse ensuite d’une manière assez régulière, puis paraît s’effondrer au-delà de 50 ans. On prendra garde pourtant que cette rupture est plus apparente que réelle : en rapportant des divorces qui surviennent surtout entre 50 et 60 ans à l’ensemble de la population de plus de 50 ans, on obtient nécessairement un taux très faible. Dans une population âgée, comme la population française, le mode de calcul risque de fausser l’interprétation des résultats. À partir des données fournies par Hémery et Dinh (op. cit., tableau A10, p. 63), il est d’ailleurs possible de calculer les taux pour le groupe d’âges 50-59 ans en 1970 : ils sont respectivement de 174 pour les hommes et de 188 pour les femmes (tableau 42). La divortialité dans cette tranche d’âges est donc loin d’être négligeable. Les données présentées par Hémery et Dinh ont l’avantage de permettre une certaine comparaison avec la situation de référence à 1935-193719.
Tableau 42. Évolution des taux de divorce par groupe d’âges suivant le sexe entre 1935-1937 et 1970 (1935-1937 = 100)

48Malgré l’imperfection des données utilisées, il paraît hors de conteste que les variations les plus fortes concernent les groupes les plus jeunes et les groupes les plus âgés. Entre 30 et 40 ans, les taux de divortialité pour les hommes ont augmenté moins que l’indice global. Assez nettement, le groupe 50-59 ans accuse la plus forte augmentation.
49On peut vérifier cette conclusion par un autre procédé : en indiquant comment se répartissaient 1 000 divorcés suivant leur groupe d’âges en 1936 et 1970 (tableau 43).
Tableau 43. Répartition suivant le sexe et le groupe d’âges de 1 000 divorces en 1936 et en 1970

50Sans doute la comparaison est-elle faussée par la plus grande précocité de la nuptialité en 1970. Les pourcentages relatifs aux groupes d’âges les plus jeunes sont particulièrement marqués par cette évolution. On retiendra pourtant que chez les hommes 48 % des divorces intervenaient en 1936 entre 30 et 40 ans ; on n’en retrouve que 36 % en 1970. Le changement du calendrier de la nuptialité aurait dû réduire l’importance des divorces tardifs : on constate au contraire que leur poids relatif a augmenté.
51Le rapprochement entre les données d’intensité et les indications de calendrier confirme l’hypothèse formulée plus haut : si l’on considère aussi bien les indices de différents pays que les taux français à divers moments, une corrélation semble se manifester d’une manière régulière : à une plus forte précocité correspond généralement une plus grande intensité. L’analyse différentielle suivant les catégories socioprofessionnelles et les aires géographiques devra vérifier ce qui, en raison du petit nombre des données analysées, ne peut encore être retenu qu’à titre d’hypothèse.
III. Caractéristiques judiciaires du divorce
52Théoriquement, le divorce est demandé par l’époux qui estime que la rupture de l’union doit sanctionner les fautes de son conjoint. C’est d’ailleurs la plupart du temps au bénéfice du demandeur principal que le divorce est « accueilli ». La réalité est pourtant plus complexe et certains ménages d’accord pour divorcer arrangent d’avance, avec l’aide de leur avocat, le « scénario » le plus favorable à une procédure rapide. L’épouse peut ainsi être juridiquement le demandeur principal, bien qu’en réalité ce soit l’époux qui ait pris l’initiative de la séparation.
53Les statistiques récentes montrent une tendance à la baisse du pourcentage des hommes demandeurs (tableau 44).
Tableau 44. Divorce suivant le demandeur principal (%)

54Les pourcentages varient d’une manière sensible suivant que l’épouse a ou n’a pas d’emploi. Dans la première situation, le pourcentage des épouses dépasse 70 %, dans l’autre il n’atteint pas 60 %. Parmi les femmes actives, celles qui sont cadres supérieurs ont plus souvent encore que les autres l’initiative juridique de la procédure. L’âge paraît également déterminant. C’est entre 25 ans et 35 ans, que les épouses sont demanderesses dans la plus forte proportion : elles sont alors à l’origine des deux tiers des demandes. Cette proportion ne cesse ensuite de décliner pour atteindre 40 % environ parmi les femmes de 60 ans et plus (ministère de la Justice, 1973, p. 85-90).
55Malgré le biais des arrangements entre conjoints, ces données différentielles montrent que la dépendance économique de l’épouse et la difficulté, croissante avec l’âge, d’un remariage pèsent dans la décision de la femme. Sans qualification professionnelle, ou après un certain âge, elles sont probablement assez nombreuses à se résigner à la continuation d’une vie conjugale qui leur garantit du moins une certaine sécurité. L’égalité de l’homme et de la femme en matière de divorce n’existe que juridiquement. L’homme a plus souvent et plus longtemps les moyens de « refaire sa vie », même si l’accord entre les conjoints aboutit à un jugement favorable à l’épouse.
56La fréquence de ces divorces arrangés apparaît dans l’analyse d’une autre caractéristique juridique : la nature du jugement, c’est-à-dire le fait qu’il a été ou non contradictoire, que les deux parties ont été présentes au jugement ou que l’une a décidé de ne pas intervenir. Les jugements « par défaut » représentent un peu moins de 40 % (ministère de la Justice, tableau 82, p. 102) des cas, dont une partie difficilement appréciable, où l’un des conjoints a délibérément choisi cette attitude pour laisser à l’autre un avantage juridique important ou plus simplement pour accélérer la procédure.
57L’analyse d’une troisième caractéristique confirme le caractère souvent artificiel des procès : en définissant le divorce comme la sanction d’une faute, la législation limite les motifs du divorce à ceux qui impliquent la culpabilité d’un des deux conjoints au moins. Si l’on néglige la condamnation criminelle, il faut choisir entre deux séries de mobiles seulement : l’adultère ou l’abandon du domicile conjugal et l’injure grave ou violente. Encore faut-il, bien entendu, que les faits puissent être établis par des preuves jugées juridiquement suffisantes. Il est curieux d’observer que, dans l’Ouest de la France, l’adultère et l’abandon de domicile sont beaucoup plus souvent invoqués que les « violences » comme si la résistance du milieu sociologique au divorce exigeait une justification plus grave. La répartition entre les deux mobiles principaux diffère aussi avec le sexe du demandeur (op. cit., p. 51) ; plus souvent que les femmes, les hommes avancent le motif de l’abandon du domicile ou de l’adultère.
58Quelle est, en définitive, dans cette répartition, l’importance respective de la vérité, de l’influence du milieu, du choix du demandeur, de la stratégie de l’avocat, il est difficile de le dire. Ce qui est certain, c’est que sur ce point aussi, la part d’artifice n’est pas négligeable. Elle n’est le fait ni des magistrats, ni de leurs auxiliaires, ni des justiciables, mais de l’écart entre la législation sur le divorce et la situation effective d’un nombre de plus en plus important de candidats au divorce. C’est le point que l’on voulait ici souligner.
IV. Population totale et population en instance de divorce
59L’analyse des principales données démographiques et judiciaires du divorce a permis de mieux saisir les caractéristiques de la divortialité française. On a pu constater ainsi combien elles diffèrent de celles de tel ou tel pays étranger ; on mesure aussi de cette manière leur évolution en France depuis le début du siècle. Ces démarches fournissaient avant tout le moyen de mieux définir et de plus précisément mesurer le phénomène.
60La comparaison entre la population totale et celle qui est en instance de divorce vise un autre objectif20. En se demandant s’il existe des différences entre la structure de la population totale et celle de la population en instance de divorce, on aborde implicitement le problème des facteurs de la divortialité. Si un écart important apparaît entre les deux groupes de populations, n’est-on pas autorisé à penser que cette différence signale un facteur non négligeable de la divortialité ?
61Certes, il ne saurait être question d’affirmer que la rupture est le résultat de tel ou tel facteur, ni même du concours de plusieurs d’entre eux. On ne divorce pas « à cause de » la précocité de son mariage, d’un écart d’âges trop grand entre les conjoints ou d’une disparité socioculturelle trop forte. Ce sont bien évidemment des facteurs subjectifs qui sont seuls capables de rendre compte de l’échec du lien conjugal : opposition des caractères, évolution différente, ou simplement à un rythme différent, du lien amoureux, bref déséquilibre des attentes ou tension entre les histoires affectives des conjoints. Pourtant si les variables sociodémographiques d’un couple ne peuvent rendre compte de sa décision de divorcer, il reste que certaines situations objectives peuvent multiplier les occasions de tensions entre conjoints. L’analyse morphologique de la nuptialité a révélé des comportements « moyens ». Ils sont perçus par la population comme des normes sociales plus ou moins contraignantes. On peut faire l’hypothèse qu’un écart important par rapport à ces normes entraîne avec le temps un risque plus grand de rupture d’union.
62D’autres caractéristiques, sans provoquer directement de tension entre conjoints, peuvent contribuer à les exacerber ou au contraire à les rendre plus supportables. Enfin, il est possible que le coût social du divorce ne soit pas le même dans toutes les sous-populations.
63En comparant population totale et population en instance de divorce, on ne prétend à rien d’autre qu’à révéler ce qui dans une situation objective peut être considéré comme une variable qui augmente ou diminue la probabilité d’une rupture légale de l’union.
1. L’âge au mariage
64Peut-on prouver que les mariages contractés à un âge plus jeune comportent une probabilité plus forte de divorce ? Une démonstration satisfaisante consisterait, dans une même promotion de mariages à comparer la fréquence des divorces, après dix ans de mariage par exemple, suivant l’âge ou le groupe d’âges au mariage de l’époux ou de l’épouse.
65Une telle méthode n’a pu être appliquée jusqu’à présent que pour certaines cohortes de mariages contractés à Paris. Françoise Vallot fournit pour la cohorte de mariages 1960 les données suivantes (tableau 45).
Tableau 45. Pourcentage des divorces suivant la durée de mariage et l’âge au mariage (Paris)

66La différence apparaît nettement, en particulier pour les hommes, entre les mariages les plus précoces et ceux qui interviennent un peu plus tard. Encore faut-il remarquer que l’étroitesse de l’échantillon n’a pas permis de distinguer parmi les mariages de la classe la plus jeune, ceux qui avaient été contractés avant 20 ans.
67Une autre méthode, mais celle-ci moins rigoureuse, va permettre de le faire. Elle consiste à comparer la répartition suivant l’âge au mariage d’une cohorte de divorcés avec la répartition suivant l’âge au mariage de l’ensemble d’une cohorte de mariés. L’imprécision vient ici du fait que les deux populations sont hétérogènes et que le choix de la cohorte de mariés a un caractère un peu arbitraire. Dans la mesure pourtant, où l’intensité de la nuptialité et son calendrier varient lentement, la comparaison garde un sens, surtout si elle révèle des disparités importantes. Le tableau 46 est extrait pour la France des données pour l’année 1970, pour l’Iowa d’un article de Monoham. La figure 11 présente les données françaises.
Tableau 46. Répartition suivant l’âge au mariage d’une population divorcée et de l’ensemble des mariés

68Ce tableau met en évidence des pourcentages de mariages précoces plus importants dans la population divorcée que dans l’ensemble des mariés. La disparité est d’autant plus forte que l’âge considéré est plus jeune. On notera que l’écart entre les deux séries se poursuit plus longtemps en France que dans l’Iowa, ce qui signifie probablement que les seuils de précocité ne sont pas les mêmes dans ces deux populations.
Figure 11. Nombre de célibataires subsistants à un anniversaire donné pour 1 000 célibataires à quinze ans dans une cohorte de mariage (1964) et dans une cohorte de divorcés (1970)

69Il serait intéressant de réaliser sur un échantillon représentatif de l’ensemble d’une cohorte de mariages une analyse longitudinale analogue à celle qui a été faite pour Paris. Il n’est pourtant pas trop hasardeux d’affirmer dès maintenant qu’en France, comme sans doute dans beaucoup d’autres pays, une précocité « anormale » du mariage est liée à une plus grande fragilité de l’union.
70Il est possible que cette fragilité tienne à la seule jeunesse des sujets et à une maturité insuffisante. Mais pour démontrer cette thèse, il faudrait prouver que des circonstances extérieures défavorables à la réussite du couple ne se rencontrent pas plus fréquemment dans les mariages précoces que dans les autres mariages. On peut penser, par exemple, que les mariages précoces sont plus souvent désapprouvés par les parents qui refuseraient aux jeunes ménages une aide morale et éventuellement une assistance matérielle.
71Cette circonstance peut jouer mais l’hypothèse la plus intéressante est la corrélation fréquente entre précocité du mariage et conception prénuptiale. Sans doute faut-il être ici encore très prudent dans l’interprétation des données. Toutes les unions avec conception prénuptiale ne sont pas nécessairement des mariages « forcés ». Le risque de conception a pu être accepté délibérément et considéré comme la ratification définitive de la décision de mariage. Par ailleurs, comme l’a très bien montré Christensen, la corrélation entre la probabilité de divorce et la conception prénuptiale varie considérablement d’une population à l’autre (Christensen, 1963). Le facteur déterminant n’est pas tant le fait même de la conception prénuptiale que l’attitude du groupe social à cet égard. Plus le groupe est rigoriste, plus serait forte la corrélation avec le risque de divorcer. Dans un pays « permissif » comme le Danemark, la différence dans la fréquence du divorce ne varie pas d’une manière significative suivant qu’une conception prénuptiale est intervenue ou non.
72En ce qui concerne la France, nous utiliserons une fois de plus les données de 1970 relatives aux tentatives de conciliation et nous comparerons ce groupe avec la cohorte de mariages 1964 : globalement on trouve 33 % de conceptions prénuptiales dans les divorcés de 1970 pour 20 % seulement dans la cohorte de mariages 1964. Mais la corrélation entre la probabilité de rupture et conception prénuptiale est encore beaucoup plus nette lorsque l’on étudie le phénomène suivant la durée du mariage.
73On constate que c’est parmi les divorces intervenant très rapidement après le mariage que le pourcentage des conceptions prénuptiales et des naissances prénuptiales est le plus élevé. Ces deux catégories représentent plus de 85 % des premières naissances lorsque la tentative de conciliation intervient moins de deux ans après le mariage et 60 % encore si elle a lieu moins de cinq ans après le mariage (tableau 47). Dans la mesure où les conceptions prénuptiales entraînent une certaine proportion de mariages « forcés », il fallait s’attendre à y trouver aussi une part plus grande d’unions particulièrement fragiles. Il est certain qu’il existe également parmi les unions de très brève durée, mais dans une proportion sans doute assez faible, des mariages de pure forme contractés seulement pour légitimer l’enfant21.
Tableau 47. Naissances prenuptiales et conceptions prénuptiales suivant la durée du mariage (en % par rapport aux premieres naissances des ménages en instance de divorce en 1970)

74Si logiques que paraissent ces explications, on pourrait objecter que la corrélation tient peut-être tout simplement à ce que la population la plus exposée au risque de conception prénuptiale est aussi celle qui envisage le plus facilement le divorce. Il y aurait identité de population sans causalité d’un événement sur un autre. Cette hypothèse n’est pas à exclure absolument. Mais la fréquence des conceptions prénuptiales dans les divorces survenant avant deux ans de mariage invite à penser qu’il s’agit d’une corrélation plus étroite que celle qui résulterait d’une simple corrélation entre deux attitudes.
75En résumé, la précocité du mariage est peut-être moins en cause directement que les circonstances qui l’accompagnent parfois : opposition des parents, naissance prénuptiale ou conception prénuptiale. On ne peut statistiquement neutraliser le facteur « attitude des parents ». Théoriquement au contraire, il devrait être possible de comparer deux populations précocement mariées, différenciées seulement par l’existence ou l’absence de conceptions prénuptiales.
76L’écart devrait s’amenuiser entre la population mariée précocement mais sans conception prénuptiale et celle qui s’est mariée à des âges proches de la moyenne nationale. Les données ne sont malheureusement pas disponibles pour une telle analyse, si bien qu’il est difficile d’affirmer sans réserve que la « pure » précocité est vraiment un facteur de divortialité.
77Ce qui a été dit plus haut sur la force et la permanence des règles d’homogamie conduit à l’hypothèse qu’un écart d’âges important entre les conjoints entraîne un risque plus fort qu’un âge précoce au mariage. La comparaison entre la population divorcée et l’ensemble des mariés présente toujours la même difficulté : à quelle promotion de mariages comparer une cohorte de divorces. L’analyse des minutes de jugement a permis à Jaulerry de formuler sur ce point quelques hypothèses intéressantes.
78L’examen de la figure 12 qui résume l’analyse révèle en effet des distributions assez proches des écarts d’âges entre conjoints dans la population divorcée et dans l’ensemble des mariés. On notera toutefois que les pourcentages s’éloignent sensiblement dans les situations extrêmes, c’est-à-dire dans les cas où l’homme est beaucoup plus âgé que la femme et dans ceux où la femme a quatre ans de plus que son mari ou davantage.
Figure 12. Écart d’âges de l’époux et de l’épouse

Source : Jaulerry, 1971, p. 152.
79Une autre statistique sur l’écart d’âges est fournie pour les tentatives de conciliation de 1970 (Jaulerry, 1971, p. 60). Elle indique d’abord que, dans 21,8 % des cas, l’homme est plus âgé que la femme de cinq à neuf ans. Le pourcentage correspondant pour l’ensemble des mariages de la cohorte de mariages 1964 est de 22,3 %. La différence ne paraît guère significative. Par contre si l’on regarde les cas où l’homme a dix ans de plus que son épouse, ou davantage, on trouve à la tentative de conciliation de 1970, un pourcentage de 7,2 % alors que dans l’ensemble des mariés de 1964 la proportion atteint à peine 1 % (Insee, 1963-1964, p. 147). La différence dans ce cas paraît nette. L’hétérogénéité suivant l’âge intervient donc probablement comme un facteur de divortialité, mais seulement lorsque l’écart d’âges est par trop différent des normes sociales qui, dans ce domaine, présentent une assez grande souplesse.
2. La fécondité
80La comparaison entre la fécondité de l’ensemble des couples mariés et celle des couples en instance de divorce exige une certaine prudence. Il va de soi qu’un rapprochement global n’a aucune signification puisque la durée moyenne du mariage dans les couples en instance de divorce est beaucoup plus courte que celle de l’ensemble des ménages. C’est donc à durée égale de mariage que la comparaison est utile. La figure 13 indique qu’à toutes les durées de mariage entre un an et vingt ans le nombre moyen d’enfants est plus faible pour les époux en instance de divorce.
Figure 13. Nombres moyens cumulés d’enfants pour 100 femmes mariées suivant la durée de mariage dans une cohorte de divorcés (1970) et dans les promotions de mariage 1943-1963

81Encore faut-il observer que la cohabitation des époux ne dure pas nécessairement jusqu’à l’engagement de la procédure et, a fortiori, jusqu’au jugement. La séparation de fait ou la décision de divorcer peut précéder la tentative de conciliation d’une ou plusieurs années. La comparaison ne serait précise que si l’on pouvait tenir compte de la seule durée qui précède la décision de divorcer. L’écart entre les deux courbes surestime donc la disparité des comportements. Faut-il dès lors vraiment parler de comportements différents ?
82On observe que pour la durée de vingt ans, les deux courbes se rejoignent. Manifestement la décision de divorcer est intervenue ici, dans la grande majorité des cas, une fois terminée la période de fécondité du couple : elle n’a donc pas modifié la descendance finale. Cette constatation permet d’exclure l’hypothèse générale que les couples où le risque de divorce serait plus élevé seraient aussi ceux qui auraient la plus faible fécondité. Le refus d’avoir plus de deux enfants ne se rencontre pas nécessairement dans les ménages dont l’attitude à l’égard du lien conjugal entraîne une plus forte probabilité de divorce.
83À la durée d’un an, le nombre moyen d’enfants est égal dans les deux groupes : ce qui a été dit plus haut sur la fréquence des conceptions prénuptiales explique probablement cette égalité.
84Enfin, pour l’ensemble de la courbe, de la durée d’un an à la durée de vingt ans l’écart est sensible, même si l’on tient compte de l’intervalle entre la décision de divorcer et la tentative de conciliation. Ne s’explique-t-il pas simplement par le fait que la décision de divorcer est parfois précédée par une période de tensions, de conflits et d’hésitations ? La simple éventualité de divorcer suffit sans doute dans ce cas à interrompre la fécondité.
85Le divorce semble donc bien indépendant de l’attitude à l’égard de la fécondité. Les époux qui ont finalement divorcé n’étaient probablement pas, en moyenne, plus malthusiens, au départ, que l’ensemble des couples mariés. À tout le moins, les données disponibles ne permettent pas d’en administrer la preuve péremptoir22.
3. L’appartenance sociale
86Les conditions juridiques du divorce dans une société donnée sont réglées par une législation unique qui s’applique aux citoyens quel que soit leur milieu social. Mais les difficultés de la rupture légale, ses conséquences pratiques pour les conjoints et les enfants, les résistances du milieu, varient d’un groupe à l’autre.
87Les études sur la corrélation entre profession et probabilité de divorce sont rares. Il est difficile en effet de trouver des données statistiques qui fournissent la profession des divorcés. Une synthèse des résultats disponibles en 1962 a été fournie par Goode, qui donne pour quelques pays des renseignements, très disparates d’ailleurs, sur la fréquence du divorce suivant la profession. L’auteur déplore la rareté et l’imprécision des données disponibles. Elles lui paraissent pourtant suffisantes pour formuler, à titre d’hypothèse, une « théorie générale » sur le divorce (Goode, 1962).
88Dans une société idéologiquement opposée au divorce, il existe pourtant presque toujours un moyen de rompre une union qui compromet dangereusement des intérêts patrimoniaux très importants. À ce stade, la rupture d’union reste exceptionnelle et rigoureusement contrôlée par les plus hautes instances de la société religieuse ou civile. Suit une autre phase où le divorce devient une institution légale, difficile encore certes, mais théoriquement ouverte, sous certaines conditions, à tous les citoyens. Les difficultés de la procédure font pourtant que le divorce reste une sorte de privilège des classes supérieures, les autres groupes règlant leurs conflits conjugaux sans faire sanctionner par la loi les solutions de fait choisies ou subies.
89Progressivement, la législation sur le divorce deviendrait plus facile et la libéralisation de l’institution finirait par rendre la procédure accessible à toutes les classes sociales. Resteraient alors comme freins, les conséquences économiques et patrimoniales du divorce. Elles sont généralement assez légères dans les groupes les plus pauvres ; elles peuvent au contraire être graves pour les notables. Dès lors, les groupes économiquement les plus pauvres deviennent ceux qui rencontrent le moins d’obstacles, et pour qui le « coût » social est devenu le moins élevé. C’est dans ces groupes que la fréquence du divorce serait alors la plus élevée.
90Nous reviendrons sur cette théorie, mais auparavant examinons la situation en France. Ce n’est que tout récemment, grâce aux nouvelles statistiques du ministère de la Justice, que des données différentielles par catégories socioprofessionnelles23 ont été élaborées.
91Une première indication peut être tirée de la comparaison entre la structure socioprofessionnelle de la population divorcée (tentative de conciliation 1970) et celle de l’ensemble de la population (tableau 48).
Tableau 48. Comparaison de la structure socioprofessionnelle des époux ayant engagé une procédure de divorce avec celle de l’ensemble des mariés, France entière, 1970 (%)

92Des différences importantes existent dans la structure socioprofessionnelle de ces deux populations. Les pourcentages des cadres moyens et employés (hommes et femmes) sont beaucoup plus élevés dans la population qui est en instance de divorce que dans l’ensemble de la population. Il en va ainsi également dans le personnel de service féminin. Il faut néanmoins tenir compte d’un facteur qui rend difficile des conclusions trop affirmatives : la structure socioprofessionnelle n’est pas indépendante de la structure par âge. La proportion d’inactifs par exemple dans l’ensemble de la population est massivement plus importante que celle des personnes en instance de divorce, simplement parce que la moyenne d’âge y est plus élevée.
93La neutralisation de l’effet de structure n’est pas possible par la méthode de la population-type. On peut simplement améliorer la comparaison pour les hommes en ne tenant pas compte des inactifs. Le pourcentage des employés devient alors 8,9 % pour la population mariée et 15,8 % pour les époux en instance de divorce. On ne peut faire la même opération pour les femmes, puisque l’inactivité ne dépend pas chez elles du seul facteur âge. Il faut donc n’avancer qu’avec prudence des conclusions : les agriculteurs exploitants divorcent sûrement beaucoup moins que les autres catégories ; les cadres moyens et les employés probablement davantage.
94La comparaison des taux de divorce suivant les CSP permet une mesure encore sommaire, mais déjà plus satisfaisante de la divortialité différentielle. Ces taux ont été obtenus à partir des effectifs en valeurs absolues des deux populations précédentes (tableau 49). On a rapporté le nombre des tentatives de conciliation, survenues en 1970 dans une CSP à l’effectif total de cette catégorie au recensement de 1968. Cet indice est faussé par l’évolution des effectifs par CSP entre 1968 et 1970, par l’imprécision aussi des déclarations tant au recensement que sur les fiches de la Justice. L’estimation n’en garde pas moins un intérêt d’autant plus grand que les écarts des taux sont plus importants.
Tableau 49. Taux annuel de divortialité suivant la catégorie socioéprofessionnelle de l’époux et de l’épouse (pour 10 000)

95Chez les hommes, l’écart entre le taux le plus faible et le taux le plus élevé est de 1 à 10 ; chez les femmes de 1 à 20 environ24. La fréquence de rupture d’union est donc très différente suivant le groupe socioprofessionnel. Si l’on néglige la catégorie « artistes, armée, clergé, police » par trop hétérogène et d’ailleurs de faible effectif, les taux les plus forts, chez les hommes comme chez les femmes actives, se rencontrent, comme le suggérait l’analyse précédente, dans le personnel de service et parmi les employés et les cadres moyens, les plus faibles chez les agriculteurs.
96Ce classement comporte une donnée qui peut surprendre : le groupe de catégories où les taux sont les plus élevés semble bien disparate. Le personnel de service y est associé aux employés et cadres moyens. Il est probable que les taux élevés de divortialité s’expliquent, suivant la catégorie, par des raisons différentes. Pour le personnel de service, on peut formuler l’hypothèse que les conditions de vie, la mobilité de l’emploi en particulier, expliquent la fréquence des ruptures. On tentera plus loin de rendre compte des indices élevés des « employés » et des « cadres moyens ».
97Le taux des ouvriers est nettement inférieur à la moyenne des actifs, il est le plus faible parmi ceux des salariés non agricoles et, chez les hommes, à peine supérieur à celui des patrons de l’industrie et du commerce.
98La comparaison, catégorie par catégorie, de la série masculine et de la série féminine montre des taux presque toujours supérieurs chez les femmes. Il ne peut guère en être autrement puisque la proportion d’inactivité professionnelle est beaucoup plus forte chez elles que chez les hommes et que la fréquence moyenne de divorces est évidemment égale dans l’un et l’autre sexe.
99Cette remarque nous conduit à quelques réflexions sur l’attitude à l’égard du divorce des femmes non actives. On a déjà souligné que la répartition entre époux des « demandeurs » variait considérablement suivant que la femme occupait ou non un emploi ; dans le premier cas, elle prenait beaucoup plus fréquemment l’initiative de la procédure. On ne sera pas étonné de constater que la fréquence des divorces est beaucoup plus forte lorsque l’épouse est « active ». Une comparaison entre le pourcentage des femmes actives dans l’ensemble de la population mariée et celui de la population des femmes en instance de divorce n’aurait guère de sens en raison de la forte disparité des structures par âge. L’effet de structure d’âge est sinon neutralisé du moins fortement diminué si l’on compare les divorcées aux femmes mariées de moins de 55 ans. On trouve dans le premier groupe 61 % d’inactives pour 32 % dans le second. L’écart est trop fort pour être expliqué par le caractère approximatif de la comparaison25.
100Considérons maintenant un autre tableau sur lequel nous serons d’ailleurs amenés à revenir. Il indique le taux de divortialité suivant les CSP combinées des époux (tableau 50). On constate que pour toutes les CSP non agricoles du mari, le taux de divortialité est le plus faible lorsque la femme est inactive. Dans tous les cas, la différence est très importante.
101Mais l’interprétation de ces données soulève quelques difficultés. N’est-ce pas précisément parce qu’elles sont en instance de divorce qu’une plus forte proportion de ces femmes occupe un emploi ? Ce facteur joue sans aucun doute. Pourtant l’enquête sur la population divorcée (Roussel, 1975) révèle que la moitié des épouses avaient déjà un emploi avant le début de la procédure. L’objection n’en est pas levée pour autant, car certaines femmes ont peut-être recherché un emploi pour être en meilleure situation dans le cas possible ou probable où les tensions du couple aboutiraient à la décision du divorce. De toutes manières, l’autonomie économique paraît sinon une condition préalable au divorce, du moins un facteur qui en rend plus facile pour l’épouse la prise de décision ou l’acceptation.
102Faut-il aller plus loin et supposer que pour une femme l’activité professionnelle traduit une volonté d’autonomie qui serait corrélée avec un risque plus fort de divorce. C’est là une hypothèse qu’aucune donnée ne permet d’étayer : l’activité féminine n’est pas nécessairement motivée par la volonté d’autonomie de la femme et rien ne prouve d’ailleurs qu’une telle attitude entraîne un risque de divorce particulier. Contentons-nous donc, du moins pour l’instant, de conclure que l’inactivité professionnelle de la femme est liée à des taux de divortialité beaucoup plus faibles que ceux que l’on trouve dans les ménages où l’épouse a un emploi.
Tableau 50. Tentative de conciliation. Taux de divortialité suivant les CSP combinées de l’époux et de l’épouse, France entière (%)

103Il est sans doute temps maintenant de rassembler par CSP quelques caractéristiques qui peuvent présenter un rapport avec la divortialité. Pour faciliter la comparaison, les données seront présentées par rang suivant la CSP (tableau 51).
Tableau 51. Classement par rang de CSP de l’époux suivant quelques indices

104Ce tableau suggère plusieurs observations :
- Entre la durée du mariage en cas de divorce et la probabilité du divorce [colonnes (1) et (3)], il existe une assez bonne corrélation : là où la fréquence est la plus élevée, la durée est généralement la plus faible. Cette constatation confirme l’hypothèse présentée par Jaulerry à partir de son analyse des minutes de jugement de divorce (Jaulerry, 1971).
- Les rangs des taux de divortialité sont généralement proches de ceux des taux de séparation de fait [colonnes (1) et (2)]. Les deux conceptions méritent pourtant de retenir l’attention : chez les salariés agricoles, rareté du divorce et fréquence des séparations de fait ; chez les cadres moyens, relations inverses mais moins nettes, fréquence du divorce et rareté de la séparation de fait.
- La précocité du mariage et la fréquence d’une conception prénuptiale sont liées entre elles comme il a été dit plus haut [colonnes (5) et (7)] mais, peu corrélées avec la fréquence des naissances prénuptiales.
- Le taux d’activité féminine paraît la caractéristique la plus étroitement liée avec le taux de divortialité [colonnes (4) et (1)]. On a noté plus haut la difficulté d’interprétation de cette corrélation, mais il paraît difficile de ne pas accorder à ce facteur une place importante dans l’analyse différentielle.
- Pour la divortialité comme pour la séparation de fait, le rang 1 est occupé par le personnel de service. On ne reviendra pas sur l’hypothèse formulée : dans ce cas, le mode de vie imposé par la profession explique, davantage que des circonstances plus ou moins extérieures, le risque élevé de divorce.
- Parmi les autres CSP, les « classes moyennes » sont celles où la fréquence du divorce est la plus élevée. Ainsi les dernières places sont prises à la fois par les groupes dont le statut est plus élevé et ceux dont le statut est plus modeste.
105Ce classement est-il compatible avec la thèse de Goode sur l’évolution du divorce ? D’une législation et d’une pratique judiciaire très restrictive, on aboutirait finalement, selon lui, à une procédure plus facile ; la possibilité de rupture réservée à la classe dirigeante s’étendrait progressivement aux autres groupes sociaux, de telle sorte que, dans la phase ultime, la plus forte fréquence de divorce se rencontrerait dans les classes sociales les plus pauvres : à égale facilité d’accès à la justice, elles auraient moins de motifs que les autres pour maintenir un mariage perçu comme un échec.
106Les données françaises ne correspondent pas à cette phase ultime de la théorie de Goode, ce qui peut simplement signifier que l’évolution du divorce dans notre pays n’a pas atteint sa phase finale et que le coût social demeure élevé pour les ouvriers.
107Comme par ailleurs les contraintes sociales et la stratégie patrimoniale continuent à freiner la divortialité des classes supérieures, on s’expliquerait assez bien que ce soient les cadres et les employés qui présentent les indices les plus élevés. Si cette interprétation est exacte, on devrait voir en France dans les prochaines décennies, le taux de divortialité des ouvriers atteindre, puis dépasser celui des « classes moyennes ». Cela se traduirait par une augmentation globale du nombre des divorces.
108Comme on l’a fait pour l’âge au mariage, il faudrait ici se demander si le risque de rupture n’est pas attaché à l’hétérogamie socioprofessionnelle entre les conjoints plutôt qu’à l’appartenance de l’époux ou de l’épouse à telle ou telle catégorie.
109Il faut revenir au tableau 46, celui qui présente les taux suivant la combinaison des CSP des conjoints. Une diagonale de ce tableau correspond aux cas d’homogamie professionnelle. Elle présente, d’une manière générale des taux plus faibles que ceux des situations hétérogamiques. Il est pourtant difficile d’aboutir à une conclusion véritablement fondée en raison de l’inégale probabilité de divorce suivant les professions, et par suite de la difficulté d’attribuer la plus ou moins forte fréquence à l’hétérogamie des catégories ou à la plus ou moins grande propension qu’on trouve pour le divorce dans une catégorie donnée. Concluons prudemment comme pour les âges au mariage qu’une distance très importante entre le statut de l’époux et celui de l’épouse entraîne un risque supplémentaire de rupture, mais que pour les autres écarts, il est impossible de décider.
4. Le facteur religieux
110Dès le début de l’exposé sur les facteurs de la divortialité, on a tenu à en limiter la portée « explicative » en rappelant que la décision de rupture était l’issue de l’histoire très complexe des relations entre deux conjoints. Les variables démographiques ou socioéconomiques n’interviennent que comme occasions de tensions supplémentaires ou comme cadres extérieurs rendant plus ou moins malaisée la réalisation d’une rupture légale. Dans l’analyse différentielle suivant les CSP, on a surtout mis l’accent sur les aspects économiques des disparités. Il est probable pourtant que d’un groupe à l’autre, on observe des variations culturelles importantes et qu’elles contribuent à modifier les attitudes matrimoniales, en particulier la propension au divorce. On aimerait savoir si le niveau d’instruction, l’appartenance à telle ou telle famille politique se traduisent par des fréquences différentes de rupture. Plus décisive encore devrait être l’appartenance effective à une religion surtout si cette religion prescrit à ses fidèles une morale matrimoniale et en particulier interdit le divorce. On dira qu’en France, où 80 % de la population se déclare catholique, l’analyse suivant la variable religieuse a une portée bien limitée26. L’objection ne serait recevable que si l’on prenait en compte la simple appartenance de principe à telle ou telle confession. En réalité, le facteur discriminant dont il faut tenter de mesurer l’incidence est le niveau de la pratique religieuse. Il n’est pas possible, dans cette partie de la recherche, de croiser directement pratique religieuse et risque de divorce. On ne peut procéder qu’à une approche indirecte en comparant deux cartes de France, celle de la divortialité et celle de la pratique religieuse.
111Une telle comparaison soulève elle-même bien des difficultés. La carte religieuse de la France reste imprécise surtout en ce qui concerne les populations urbaines. La définition même de la pratique religieuse reste floue, sans doute en raison de son objet : le fait d’être « messalisant » ou « pascalisant » ne rend que très partiellement compte de l’attitude religieuse profonde.
112On renvoie le lecteur sur ces points à l’ouvrage déjà ancien, mais toujours classique de Fernand Boulard, Premiers itinéraires en sociologie religieuse (Boulard, 1966).
Carte 8

113La carte des adultes pascalisants, fournie en annexe de son ouvrage, reste un des documents les plus précis en matière de pratique religieuse. Si on le compare avec la carte des taux de divortialité, on observe une bonne correspondance globale. Comme l’a montré la carte 8, l’Ouest catholique est aussi une des régions où l’on divorce le moins ; de même le Massif central et les Pyrénées occidentales. D’une manière générale, les départements à forte tradition catholique sont aussi ceux où les divorces sont les plus rares. Mais pour démontrer l’influence déterminante du facteur religieux, il faudrait constater que là où la pratique est faible la fréquence du divorce est élevée. Or, les exceptions à une telle correspondance sont nombreuses. Des départements déchristianisés comme la Creuse, la Haute-Vienne, la Haute-Saône ont des taux très faibles de divortialité. De telles anomalies sont assez nombreuses pour interdire de conclure à une corrélation satisfaisante.
114Il faut donc se contenter prudemment de conclure que la pratique religieuse constitue un obstacle au divorce et qu’elle tend, toutes choses égales par ailleurs, à freiner la fréquence de rupture. Mais la propension au divorce relève d’autres facteurs. On peut renoncer au divorce parce que l’on est catholique ; on n’est pas incité au divorce parce que l’on ne l’est pas.
115Si l’on veut trouver une corrélation plus satisfaisante entre le facteur religieux et une donnée relative à la stabilité matrimoniale, c’est la distribution géographique des séparations de corps qu’il faut considérer. La carte 9 permet de classer les départements suivant le nombre de séparations de corps pour 100 ruptures d’union. Ici la correspondance est plus rigoureuse avec la carte de la pratique religieuse, mettant en lumière un autre effet de la pratique religieuse : lorsque la rupture devient pour un ménage la seule issue considérée comme possible, les catholiques pratiquants ont tendance, plus souvent que les autres, à adopter la solution « séparation de corps », plutôt que le divorce.
Carte 9

116La figure 14 permet de croiser pour un même département le taux de divortialité avec le nombre de séparations de corps pour 100 divorces. On constate que les départements à tradition catholique présentent à la fois de faibles taux de divortialité et de fortes proportions de séparations de corps. On ne trouve pas de département présentant à la fois un indice élevé pour l’un et l’autre mode de rupture. Le cas, un peu aberrant de la Lozère s’explique probablement par le caractère hétérogène de la population : rurale et catholique dans sa majorité, industrielle et déchristianisée dans un secteur démographiquement dense, elle a de ce fait en même temps des indices moyens pour le divorce et la séparation de corps ; d’où sa position centrale, un peu surprenante.
Figure 14. Intensité de la divortialité et fréquence des séparations de corps

117Les données utilisées pour le calcul de tous ces indices se rapportent à la période 1964-1968. On est donc tenté de les considérer comme encore valables aujourd’hui. On ne peut pourtant pas se défendre d’un soupçon : ne sont-elles pas en train de vieillir rapidement ? L’intransigeance des catholiques vis-à-vis du divorce reste-t-elle aussi nette et l’influence du facteur religieux sur les probabilités de rupture aussi sensible ?
118Il semble bien qu’une certaine évolution soit déjà survenue dans l’appréciation du divorce chez les catholiques. Si la condamnation doctrinale reste inchangée, elle se nuance de plus en plus souvent d’une compréhension de fait (Leclerq, 1970). Cette évolution contribue à atténuer la réprobation sociale qui faisait du divorcé, dans une partie de la société, une sorte d’exclu. Elle devrait enlever de son efficacité à l’interdiction canonique de divorcer et se traduire finalement par une plus grande fréquence du divorce dans les milieux de tradition catholique.
119Bien plus, cette évolution semble le résultat d’un changement de mentalité qui affecte l’ensemble de la société. Le relatif laxisme des catholiques exprime en réalité, en l’atténuant, une attitude assez générale de compréhension à l’égard du divorce. La deuxième partie de ce travail, en traitant des opinions, permettra de préciser ces points.
V. Le remariage des divorcés
120Si le divorce rompt le lien conjugal entre deux conjoints, il rend possible en même temps la formation d’une nouvelle union. L’analyse de la fréquence des remariages devrait permettre de répondre en partie à une question essentielle : la divortialité est-elle motivée par un refus de plus en plus répandu des statuts d’époux et d’épouse, ou bien par la seule volonté de rompre une union singulière avec ou sans l’intention d’en contracter une nouvelle. Si la fréquence du remariage se révélait faible, il faudrait convenir que la divortialité met en cause l’état même de marié et que son intensité croissante signifie une contestation de plus en plus fréquente de l’institution matrimoniale elle-même.
121Les données statistiques montrent qu’il n’en est rien et l’intensité des remariages confirme ce qu’avait indiqué l’intensité de la nuptialité : le mariage demeure actuellement dans notre société l’« état » recherché par l’ensemble de la population et cela même dans le cas où une première expérience en a montré les difficultés et les risques.
122Prenons une première mesure approximative de la fréquence du remariage. En 1971, on a observé 22 581 remariages d’hommes divorcés et 20 185 de femmes divorcées. Si l’on rapporte ces mariages à la moyenne des divorces des années 1966, 1967, 196827, on trouve un pourcentage de 62 remariages pour les hommes et de 55 pour les femmes.
123En fait, il n’existe de mesure rigoureuse de l’intensité du remariage que pour une cohorte donnée de divorcés. Le tableau suivant fournit pour quelques cohortes les pourcentages cumulés de remariages, suivant le sexe et l’intervalle, en différence de millésimes, entre le divorce et le remariage.
124La figure 15 représente les pourcentages cumulés de remariages dans les cohortes 1950, 1960, 1965, 1967 (tableau 52). Les différences entre le comportement des hommes et celui des femmes apparaissent clairement. D’une part l’intensité du remariage est un peu plus faible chez les femmes que chez les hommes, d’autre part le pourcentage de remariages dans l’année même du divorce est nettement moins élevé chez les femmes divorcées. Mais ce décalage initial s’explique en partie au moins par le délai légal de viduité.
Figure 15. Pourcentages cumulés des mariages par sexe suivant la cohorte de divorces et intervalle entre le divorce et le remariage (en différence de millésime)

Source : Insee (sauf estimation après 30 ans).
Tableau 52. Pourcentages cumulés de remariages suivant le nombre d’années écoulées après le divorce dans quelques cohortes de divorces

125On notera également une certaine diminution des pourcentages cumulés entre 1950 et 1965 : à l’année 6 par exemple, la proportion des remariages tombe de 54,6 à 48,1 % chez les hommes et de 45,3 % à 41,6 % chez les femmes. Mais cette variation n’est pas assez nette pour que l’on puisse décider s’il s’agit d’une modification conjoncturelle ou d’un changement durable soit dans l’intensité des remariages soit dans leur calendrier.
126Des données précédentes, on retiendra surtout, malgré les différences observées suivant le sexe ou les cohortes, que la grande majorité des personnes divorcées se remarient. Les remariages effectifs ne traduisent d’ailleurs qu’incomplètement la propension des divorcés à se remarier : il est probable qu’un certain nombre d’hommes, et surtout de femmes divorcées désireraient contracter une nouvelle union et ne le font pas, faute de trouver un nouveau conjoint ou par crainte des réactions de leurs enfants.
127On comprend aisément que cette probabilité de remariage est fonction de l’âge au moment du divorce. Ici aussi l’analyse longitudinale permet seule une appréciation exacte. On a choisi pour faire cette analyse les divorcés de la cohorte 1962. On y a distingué 8 groupes d’âges et l’on a suivi l’histoire des remariages de ces 8 groupes (tableau 53). À titre d’exemple, la figure 16 présente les résultats pour le groupe des moins de 25 ans, des 35-39 ans, des 45-49 ans et des 55 ans et plus28.
Tableau 53. Remariages suivant le sexe, le groupe d’âges au moment du divorce et l’année de remariage des personnes divorcées en 1962 (% cumulés)

Figure 16. Remariages suivant le sexe et l’intervalle entre le divorce et le remariage (% cumulés)

128On y vérifie l’importance, pour un éventuel remariage, de l’âge au moment du divorce : 85 % environ des femmes qui divorcent avant 25 ans se remarient pour 23 % seulement de celles qui le font à 55 ans ou plus. Dans le groupe le plus jeune, trois ans après leur divorce, 70 % des hommes et 60 % des femmes sont remariés pour seulement 35 % et 18 % dans le groupe le plus âgé, pour le même intervalle de temps.
129On constate aussi que la probabilité d’un remariage reste longtemps élevé dans les divorces précoces, alors qu’à partir d’un délai de cinq ans la pente de la courbe est très faible pour les divorcés âgés.
130Enfin s’il existe une différence suivant le sexe dans la probabilité de remariage elle n’est pas constante. La figure 17 montre qu’elle croît avec l’âge au divorce.
Figure 17. Remariages dans les dix années qui suivent le divorce par sexe et le groupe d’âges au moment du divorce (%)

131Pour mieux comprendre les données relatives aux remariages, il faudrait pouvoir distinguer entre ceux qui étaient projetés dès avant le divorce et les autres. Les premiers ont été à l’origine du divorce et, sinon sa cause, du moins son occasion. Leur probabilité, une fois le divorce prononcé, est très forte, quel que soit l’âge au divorce. Les autres au contraire sont beaucoup plus liés à l’histoire personnelle après le divorce, et aux conditions, l’âge en particulier dans lesquelles est abordée cette nouvelle phase de l’existence.
132On ne possède évidemment pas de statistiques administratives sur cette répartition, mais l’enquête sur une population de 898 divorcés fournit une indication utile. La question du tableau 54 s’adressait à ceux qui étaient remariés.
133Un peu moins de la moitié des remariés connaissaient donc leur futur conjoint dès avant le jugement du divorce, et parmi eux une très forte majorité avait déjà l’intention de l’épouser. Ceci confirmerait, s’il en était besoin, ce qui a été dit plus haut sur la signification du divorce dans la société contemporaine : la plupart de ceux qui se séparent légalement ne mettent pas en cause l’institution matrimoniale. Ils désirent seulement rompre leur propre union. Divorcés jeunes, ils se remarient dans une très grande proportion et dans des délais généralement courts. Pour une partie d’entre eux, et non négligeable, le nouveau mariage est décidé avant même que se soit rompu légalement le premier. Le remariage devient certes plus difficile avec l’âge, mais sa probabilité demeure élevée jusqu’à 40 ans. La disparité suivant le sexe s’accuse à partir de cette limite : à partir de 55 ans l’homme garde deux fois plus de chances que la femme de se remarier.
Tableau 54. Conditions du remariage

Notes de bas de page
1Bertillon, 1882, p. 313.
2 Ce n’est pas à dire que les études déjà faites n’aient apporté aucune information intéressante. On consultera en particulier sur ce sujet, Boigeol et Commaille, 1972.
3 Jusqu’en 1966, on ne disposait que des données par tribunal d’appel. Depuis cette date les données essentielles sont fournies par le tribunal de grande instance.
4 Cette analyse a été réalisée à l’Ined en 1970.
5 Comptes généraux de l’administration civile et commerciale, ministère de la Justice [NdE].
6 Une analyse des minutes de jugements de divorces a révélé également une très nette amélioration de la statistique depuis 1958-1960. En particulier, le nombre d’informations contenues dans les minutes est plus important.
7 Ledermann précisait qu’il s’agissait d’une estimation très grossière. Il est donc possible qu’en réalité le pourcentage des appels n’ait pas varié autant que l’indiquerait l’écart entre les deux pourcentages.
8 Si l’on veut étudier une caractéristique quelconque des nouveaux divorcés, on peut craindre en effet qu’il y ait une certaine corrélation entre cette caractéristique et la non-transcription. On comprend en effet que le remariage d’un conjoint exige la transcription. Comme la probabilité de remariage varie avec l’âge, on conçoit que la répartition selon l’âge des divorces transcrits puisse s’en trouver biaisée.
9 Cette étude est néanmoins possible aujourd’hui pour un certain nombre de pays d’Europe de l’Ouest.
10 Dans l’article précité, Chantal Blayo fournit cependant des taux par promotion pour les États-Unis et la Tchécoslovaquie (Blayo, 1973).
11 La baisse du taux en 1968 s’explique probablement par le fait que la durée effective des sessions judiciaires a été écourtée. Des tribunaux de grande instance aussi importants que celui de Paris n’ont pu, en raison de la saturation des rôles, combler le retard pris en mai et juin.
12 Cette baisse s’est encore accentuée dans les années qui ont suivi 1968. Mais elle a en même temps abouti à une prolifération des séparations de fait et des unions de fait.
13 Voir sur l’évolution récente de la divortialité aux États-Unis, les annuaires démographiques des Nations unies. En valeur absolue, le nombre des divorces est passé de 393 000 en 1960 à 768 000 en 1971, soit approximativement un doublement en 11 ans. Le nombre annuel de divorces pour 100 000 femmes mariées doit approcher 200 en 1973. Si l’on rapporte les divorces d’une année à l’effectif des mariages intervenus cinq ans plus tôt (la durée moyenne du mariage est de cinq ans), on trouve comme indice 44,5 % pour l’année 1971. On a également observé entre 1965 et 1970 un doublement du nombre des divorces en URSS, mais cette évolution est en partie imputable à une modification de la législation intervenue en 1966.
14 Le texte qui suit reprend largement des passages de l’article de Roussel, 1970.
15 Il s’agit du tableau VI du Compte général, 2e partie, Justice civile et commerciale, Nombre et résultat, par le tribunal de grande instance, des demandes en divorce et en séparation de corps.
16 Vingt-neuf départements ont un seul tribunal de grande instance. Le nombre le plus fréquent est deux. Il s’élève à 7 pour le département du Nord.
17 Il aurait été intéressant d’étudier un groupe d’années intermédiaires, 1955-1958 par exemple, mais il n’a pas été possible de retrouver les documents de base antérieurs à 1960.
18 Le cas le plus typique est celui de la Seine, dont le taux entre les deux dates de référence a baissé de 61 à 56 : l’évolution de la structure par âges de la population mariée explique d’ailleurs en partie au moins cette évolution.
19 1935-1937, les taux du groupe d’âges 50-59 ans étaient de 101 pour les hommes et 71 pour les femmes.
20 L’expression « population divorcée » renvoie à un statut matrimonial. On étudie ici la population au moment où elle divorce, au moment du jugement ou de la tentative de conciliation. C’est pour lever toute ambiguité que l’expression « en instance de divorce » a été préférée à celle de « population divorcée ».
21 On trouvera d’autres informations sur ce sujet dans Jaulerry, 1971.
22 Dans l’article précité, Jaulerry aboutit à la même conclusion (Jaulerry, 1971, p. 155 et p. 156).
23 Par la suite nous écrivons CSP communément admis [NdE].
24 On n’oubliera pas que ces valeurs sont calculées sur le nombre des tentatives de conciliation et qu’en moyenne, les divorces seront inférieurs de 20 % à ces chiffres. On ne sait pas encore si les désistements et les demandes répétées se répartissent entre les CSP suivant les poids respectifs de ces catégories.
25 Source : ministère de la Justice, service de coordination de la recherche, données inédites.
26 La faiblesse de l’échantillon ne permettait d’ailleurs pas de comparer la fréquence du divorce des catholiques avec celle que l’on observe dans les autres confessions religieuses.
27 La durée moyenne entre le divorce et le remariage est d’environ quatre ans. En rapportant les remariages d’une année aux divorces survenus au cours des années a-3, a-4, a-5, on obtient donc une première indication sur l’intensité des remariages.
28 On a travaillé sur les divorces transcrits. En rapportant les remariages aux divorces transcrits dans les huit années qui ont suivi le divorce, on surestimait l’importance relative des remariages. On voulait montrer l’importance du facteur âge au divorce et non mesurer exactement son incidence. Une étude plus précise est actuellement en cours à l’INED qui donnera lieu à un article dans Population[« Les divorces en France. Évolution récente et perspectives », C. Blayo et P. Festy, Population, 1976, 31(1), p. 617-648 ; L. Roussel, Le divorce et les Français, tome 2, Ined Editions, 1975, NdE].
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