Présentation
p. 45-46
Texte intégral
1La morphologie sociale part de l’extérieur. Mais ce n’est pour elle, en effet, qu’un point de départ. Par ce chemin étroit, c’est au cœur même de la réalité sociale que nous entrons. Maurice Halbwachs
2L’analyse des faits de nuptialité ressort en premier lieu de la méthode démographique. Comment définir le calendrier des mariages dans une population, comment mesurer la proportion de ceux qui demeurent finalement célibataires, comment repérer l’évolution dans le temps des indices de précocité et d’intensité, voilà en matière de nuptialité, l’objet premier des calculs du démographe. Peut-il aller plus loin, et à partir des seules données de population, tenter d’expliquer les indices qu’il observe ? Incontestablement, il le doit : le rapport entre les effectifs de mariables dans les deux sexes constitue une variable qui suffit parfois à rendre compte d’une inflexion de la courbe ou d’un brusque accident dans son profil. Inutile d’aller chercher d’autre explication tant que l’on n’a pas montré que ce facteur quantitatif ne permet pas à lui seul de rendre compte de l’évolution ou de l’anomalie observée. C’est donc au démographe à parler le premier et lui seul peut assurer qu’une modification des indices relève d’un facteur étranger à sa discipline.
3Les résultats de ces analyses laissent pourtant au sociologue un vaste champ de réflexion. Il lui revient, lorsque le démographe renonce, d’avancer à son tour des hypothèses explicatives car il faut bien se demander pourquoi l’on se marie ici plus tôt et davantage que là, pourquoi l’intensité de la nuptialité augmente ou diminue dans une même population. On comprend aisément qu’une telle recherche est difficile, qu’elle exige une grande prudence et qu’elle ne peut venir que comme le couronnement fragile de travaux préalables minutieux.
4Une autre démarche s’offre au sociologue, plus modeste et plus sûre. À partir des observations faites par le démographe, le rajeunissement progressif de l’âge au mariage par exemple, il peut se demander ce qu’elles impliquent pour la réalité matrimoniale telle qu’elle est effectivement vécue dans une population.
5Cette double orientation de la recherche ne trouve son véritable instrument que dans une analyse comparative des faits de nuptialité. Le « pourquoi » et le « comment » ne peuvent obtenir un commencement de réponse que si l’on travaille sur des séries de données assez nombreuses et suffisamment contrastées, ce qui explique que l’on sera conduit à faire référence à des statistiques portant sur des populations étrangères, contemporaines ou non.
6Dans les faits de population relatifs à la nuptialité, on a inclus, comme il a été annoncé dans l’introduction, les statistiques du divorce ; et là aussi, on s’efforcera de distinguer des sous-populations aussi nombreuses que possible.
7Les statistiques que l’on utilisera, résultats de recensement ou données d’état civil, répondent davantage aux exigences de l’administration qu’aux besoins des sociologues. On peut certes souhaiter des données plus différenciées et croisées avec des variables plus nombreuses ; mais, si raffinées que soient les statistiques, il serait vain d’attendre qu’elles nous révèlent d’emblée la signification des faits qu’elles mesurent. Elles nous donnent le dessin général des « substructures de toute la vie sociale », pour reprendre une expression d’Halbwachs (Halbwachs, 1938, p. 175) : elles ne dispensent pas d’étudier les strates supérieures ; elles constituent la « couche géologique des terrains primaires », qu’il faut d’abord prospecter.
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