Chapitre liminaire
Mariages et familles d’autrefois
p. 29-42
Texte intégral
1Toute la conscience que nous pouvons avoir de la signification du mariage dans notre société, c’est par différence que nous la prenons. Différence d’abord avec les systèmes matrimoniaux que les ethnologues recensent et décrivent1. Ainsi sommes-nous avertis par eux de la relativité de nos propres institutions. Avertis, mais non inquiétés. Arapesh, Balinais ou Dogons sont trop souvent perçus comme relevant d’univers étranges, sans relations avec notre propre culture. Leur exotisme les neutralise pour ainsi dire et leurs différences avec nous sont ressenties comme une simple curiosité.
2La connaissance de notre propre passé nous importerait davantage, puisque c’est elle qui nous ferait le mieux comprendre notre véritable situation actuelle. La référence à cet « autrefois » nous permettrait seule de décider si les changements intervenus depuis deux ou trois siècles ont transformé radicalement le sens du mariage, ou n’ont pas affecté, pour l’essentiel, ce qui était et demeure la signification du lien matrimonial.
3Nombreux furent au xixe siècle les théoriciens sociaux qui s’intéressèrent à la famille. Ceux qui étaient partisans d’une « restauration » des mœurs ne manquaient point d’illustrer leurs plaidoyers de descriptions idylliques de la famille d’autrefois, celle « des hameaux et des chaumières2 ». Famille étendue, disaient-ils, qui regroupait plusieurs générations, famille où le respect des enfants répondait au pouvoir du père, où la tendresse de l’épouse équilibrait l’autorité du mari, où la « simplicité patriarcale » trouvait sa récompense dans un bonheur naturel et stable. Cette représentation de la famille est entrée dans l’imagerie populaire3.
4Bien plus, elle a pris force de mythe et chacun, nostalgique de la tradition ou fervent partisan du changement, dispose dans l’arsenal de ses arguments cette petite image bien sage de ce qu’aurait été la famille sous l’Ancien Régime. Les jugements portés sur elle peuvent s’opposer, les descriptions ne divergent guère.
5Mais voici qu’historiens et démographes s’intéressent à cette famille passée et découvrent quelques-uns de ses traits véritables. De leurs travaux, une conclusion au moins s’impose : « la » famille traditionnelle n’a jamais existé. La multiplicité des modèles est irrécusable : elle traduit leur évolution dans le temps comme leurs variétés régionales. Si nous nous tournons vers les spécialistes du droit, par exemple, ils nous avertissent d’emblée de l’origine composite des institutions matrimoniales françaises : « Dans le haut Moyen Âge écrit Gaudemet, trois institutions étaient en présence : le consensualisme romain, le dualisme germanique, le courant judéo-patristique », et d’insister sur les différences entre pays de coutume et pays de droit écrit, sur l’influence aussi d’une législation royale qui infléchit peu à peu la conception canonique du mariage (Gaudemet, 1970, p. 85).
6La lecture des historiens de la famille ne laisse finalement aucun doute sur un point : l’existence en France de modèles matrimoniaux aussi différents que ceux que les ethnologues peuvent repérer dans les aires de civilisations très éloignées : communautés taisibles par exemple où la famille élargie gère solidairement un patrimoine indivisible et incessible ; famille-souche, beaucoup plus étroite où le droit d’aînesse assure l’intégrité de ce patrimoine ; famille restreinte aussi qui ne date pas de l’industrialisation et que l’on devait déjà trouver dans bien des « chaumières ». Bref, l’irréductible multiplicité décourage toute tentative sérieuse de réduire ces modèles à un schéma unique.
7Et pourtant, si l’on veut apprécier la « nouveauté » de la situation contemporaine, force est de prendre quelques vues sur ces modèles de l’Ancien Régime. Nous tenterons de le faire en suivant, même dans cette exploration très superficielle, la méthode d’Halbwachs : à la démographie historique nous demanderons des indications statistiques sur ce qu’était alors la nuptialité ; auprès d’un historien de la famille, Philippe Ariès, nous rechercherons quelques éclaircissements sur les attitudes et les sentiments qui sous-tendaient les comportements observés.
8La démographie historique a apporté récemment une contribution très précieuse à l’étude du mariage sous l’Ancien Régime. Les monographies de villages ou de bourgs ont, depuis vingt ans, permis de se faire une idée plus précise de ce qu’était la nuptialité en France au xviie et au xviiie siècles.
9Les informations sont ponctuelles, dispersées, mais elles se recoupent aisément et fournissent les premiers matériaux statistiques sérieux sur l’âge moyen au mariage, sur l’intensité de la nuptialité, sur la durée du mariage. Le problème de l’intensité de la nuptialité a été longtemps débattu. Duplessis-Le Guelinel, dans un ouvrage de synthèse très utile, soutenait qu’il y avait sous l’Ancien Régime « beaucoup plus de célibataires qu’aujourd’hui » (Duplessis-Le Guelinel, 1954, p. 19). Cette thèse a été critiquée, en particulier par Sauvy et Bourgeois-Pichat (1955, p. 52). Les estimations de Mathorez, reprises par Duplessis, se fondaient sur le dépouillement des « livres de raison » (Mathorez, 1919). Mais les familles qui ont tenu ces livres ne représentaient qu’une catégorie bien particulière de la population française. Prenons donc appui sur les données recueillies dans quelques monographies de démographie historique. Il semble qu’une certaine convergence se réalise dans les conclusions de ces études.
Tableau 1. Fréquence (%) du célibat definitif(a)

10La convergence des études faites à ce jour conduit Lachiver à penser que « la croyance au célibat fréquent sous l’Ancien Régime, en particulier chez les femmes, doit bien être mise au rang des légendes » (Lachiver, 1969a, p. 230). Tous les travaux de démographie historique confirment ce jugement. On observera toutefois qu’ils concernent presque toujours la population rurale4. Certes, elle représentait alors plus de 80 % de la population française (Reinhard et al., 1968, p. 267). Il est pourtant très intéressant d’observer que dans certains groupes urbains la fréquence du célibat définitif devait être beaucoup plus forte que dans les populations villageoises.
11On rappellera simplement pour mémoire le célibat du clergé qui devait concerner au total 200 000 personnes environ (Duplessis-Le Guelinel, 1954, p. 8). Les cadets de la noblesse, grande ou petite, entraient le plus souvent dans la carrière militaire, et c’était un état où l’on ne se mariait guère. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, les domestiques venus la plupart du temps des campagnes, restaient eux aussi célibataires. Sans exagérer leur nombre, il est certain qu’ils représentaient, surtout au xviiie siècle, une fraction importante de la population urbaine. L’idée de service, qu’il fût domestique ou militaire, semblait donc exclure le mariage. Il est vrai que l’on ne demeurait pas domestique toute sa vie, et que l’épargne d’un petit pécule permettait de s’établir à son compte et de se marier.
12Dans les grandes villes, un pourcentage important des ouvriers restait célibataire. Maurice Garden estime à 25 % la proportion des femmes célibataires après 30 ans dans les soieries lyonnaises au xviiie siècle (Garden, 1970). Autre catégorie vouée au célibat, celle des « logistes », groupes composites de personnes sans domicile fixe : charbonniers et mendiants, vivant hors des villages, échappant aux contrôles du fisc et aux dénombrements. Quant à la bourgeoisie, sa situation est intermédiaire entre celle des paysans et de ces groupes voués au célibat. L’opinion de Moheau est sans doute fondée, qui pense que le célibat y était plus fréquent que chez les paysans (Moheau, 1778).
13Il semble bien en somme que la fréquence définitive du célibat ait été très différente suivant les groupes sociaux. En milieu rural, pour les hommes en particulier, le mariage était de règle. Peu de place au village pour les hommes célibataires. Qui devenait veuf, se remariait rapidement. À la campagne, la probabilité de mariage des cadets était pourtant faible. Il leur fallait d’ailleurs fréquemment gagner la ville. Citadins, ils devenaient souvent serviteurs, état peu compatible avec le mariage. Demeuraient-ils au village, ils risquaient alors d’y être les domestiques de l’aîné et finalement de rester célibataires dans la maison familiale5. Le Play définit avec candeur leur situation en disant qu’« elle donne la quiétude du célibat avec les joies de la famille » ; Bourdieu qui cite cette phrase y oppose sa propre conclusion : le cadet est la victime « structurale » du système (Bourdieu, 1972). Ce célibat des cadets n’était pas réservé aux ruraux. La même procédure jouait en particulier dans la noblesse : les cadets entraient dans le clergé ou l’armée, ou encore s’exilaient dans quelque « Nouvelle France » lointaine. Aussi souvent que dans les familles paysannes sans doute, ils renonçaient à fonder une famille.
14Au total, si la thèse de Duplessis ne peut manifestement pas s’appliquer au milieu rural, nous ne disposons pas de données suffisantes pour affirmer qu’elle est fausse pour la population urbaine. À Paris, à la fin du xviiie siècle, pour 20 000 naissances légitimes annuelles, on comptait environ 6 000 enfants trouvés (Reinhard, et al., 1968, p. 268)6. Une telle proportion suggère pour le moins une situation très perturbée dans le domaine matrimonial, même en admettant qu’une partie des enfants trouvés n’étaient pas nécessairement illégitimes. De toute manière, dans la plupart des groupes sociaux, il est certain que le rang de naissance déterminait largement la probabilité de se marier.
15Sur l’âge au mariage, les données les plus sûres proviennent également des monographies villageoises. On trouvera au tableau 2 quelques résultats sur l’âge moyen au mariage.
Tableau 2. Quelques données sur l’âge moyen au mariage sous l’Ancien Régime

16De ces données on peut conclure avec prudence que, dans les populations étudiées, l’âge moyen au mariage était le plus souvent compris entre 26 et 29 ans pour les hommes, entre 24 et 27 ans pour les femmes, que l’écart d’âge moyen entre les conjoints, était donc de deux à trois ans environ, enfin qu’une évolution s’est produite entre le xviie et le xviiie siècle, dans le sens d’un recul de l’âge au mariage. Là encore, contrairement à ce que l’on est tenté de penser, l’évolution ne s’est pas faite toujours dans le même sens, celui d’un rajeunissement progressif. Ce recul de l’âge moyen au mariage à la fin du xviiie s’explique peut-être par la croissance de l’espérance de vie : le mariage du fils aîné survenait en effet assez souvent peu après le décès du père. La plus grande longévité de celui-ci peut s’être traduite par un plus long célibat de celui-là7.
17Quoi qu’il en soit, ces données sur l’âge au mariage ne concernent que le milieu rural. On ne possède guère de statistiques sur la situation urbaine8. Il est probable que dans les villes, la dispersion de l’âge au mariage a été plus grande qu’en milieu paysan. Les mariages d’enfants existaient sans aucun doute parmi les nobles, et il est vraisemblable que les filles se mariaient généralement très jeunes dans cet « état ». On ne peut pas être aussi affirmatif pour les garçons.
18Sur la bourgeoisie, nous avons peu de renseignements précis. L’étude de Louis Henry sur les anciennes familles genevoises (Henry, 1956) fournit pourtant des données très intéressantes. Le tableau ci-dessous les résume :
Tableau 3. Anciennes familles genevoises. Âge moyen au premier mariage par période en annees et dixièmes d’année

19Il est difficile de généraliser une telle série. Les informations très ponctuelles d’historiens comme Babeau (1886) suggéraient un mariage plutôt tardif pour les hommes, plutôt précoce pour les femmes. La différence d’âges entre les conjoints aurait été ainsi plus importante qu’en milieu rural, de l’ordre de 6 à 7 ans comme à Genève. En réalité, il est probable que le comportement a varié très sensiblement suivant les milieux sociaux.
20Sur l’homogamie socioprofessionnelle, les monographies villageoises ne nous donnent que de rares indications. Celle de Henri Charbonneau sur Tourouvre-au-Perche est parmi les plus riches (Charbonneau, 1970, p. 84 et sv)9. La forte homogamie de cette agglomération n’a sans doute pas été exceptionnelle. Dans la société médiévale, répartie en « ordres », « estats » très hiérarchisés et cloisonnés, l’homogamie matrimoniale devait être très forte.
21Plus tard, une certaine capillarité sociale s’est manifestée. Le fils du riche laboureur pouvait devenir marchand ; celui du riche commerçant, « robin », celui du grand bourgeois, gentilhomme. Mais la mobilité verticale était lente et l’on craignait, si l’écart des situations était trop grand, aussi bien les mariages de « haut en bas » qui constituaient des mésalliances que les mariages de « bas en haut » où le conjoint « bas » était annexé par la famille « haute ». Malgré l’absence de statistiques, il apparaît bien que, dans les familles disposant d’un patrimoine, le choix du conjoint relevait des parents et que la fantaisie n’y avait guère de place non plus que l’inclination. Quant aux artisans, manœuvriers, « errants », ils eussent été bien en peine de trouver épouse au-dessus de leur condition.
22Une autre caractéristique importante de la famille est la durée moyenne de l’union. Des monographies déjà citées nous pouvons tirer un certain nombre d’exemples convergents.
Tableau 4. Pourcentages des unions ayant duré moins de quinze ans et durée moyenne des unions(a)

23La durée moyenne du mariage est donc brève, une vingtaine d’années, et la probabilité de contracter un deuxième mariage, assez élevée malgré la faible espérance de vie10, il était donc fréquent que le père meure avant que son fils aîné ait atteint sa vingtième année, et rare que le père fût encore vivant quand ce fils avait atteint son quarantième anniversaire. Dans ces conditions, on peut dire qu’en moyenne les générations se succédaient sans se chevaucher ; l’une disparaissait lorsque l’autre atteignait sa maturité. Certes, les exceptions étaient nombreuses d’enfants devenus orphelins très jeunes, et de fils ou de filles de 40 ans qui avaient encore leurs parents. Mais dans la majorité des cas, un homme succédait à son père avant d’avoir atteint trente ans. On élevait ses enfants, du moins les aînés, et l’on mourait assez rapidement ensuite. L’espoir raisonnable était de vivre assez longtemps pour les voir « établis » à leur tour.
24Avant d’en finir avec les aspects morphologiques de la famille « traditionnelle », il faut en venir à un point peu abordé dans les monographies villageoises : la composition du ménage. Les nouveaux conjoints formaient-ils une unité nouvelle et indépendante ou au contraire s’intégraient-ils dans une « maison » plus vaste ? Voilà qui pèse singulièrement sur les conditions de la vie conjugale et qui peut modifier la signification du mariage.
25À la suite des philosophes du xixe siècle, de Durkheim en particulier, nous sommes tentés d’avoir une conception linéaire de l’évolution des structures familiales. L’étendue de la famille aurait progressivement diminué des « communautés taisibles » du Moyen Âge à la famille « nucléaire » actuelle qui serait le « moment » ultime d’une histoire irréversible. Moment ultime, qui dans l’idéologie du progrès coïncide avec la structure idéale.
26Cette théorie suscite aujourd’hui des réserves très nombreuses. Il est certes établi que la France a connu, aussi bien dans la solidarité lignagère de la noblesse que dans les « communautés taisibles » paysannes, des situations où la famille était « étendue ». Il est beaucoup moins sûr que ces structures aient été le fait de l’ensemble de la population, encore moins que le processus ait été aussi simple qu’on l’avait admis.
27Georges Duby soutient que la solidarité lignagère était relativement faible dans la France du xe et du xie siècles et que c’est la défaillance de l’État, la faiblesse du pouvoir royal qui a rendu nécessaire le renforcement de liens familiaux, qui étaient restés assez lâches pendant tout le haut Moyen Âge. « La famille du xe siècle est suivant toute apparence une communauté réduite à sa plus simple expression, la cellule conjugale, dont la cohésion se prolongeait parfois un moment après la mort des parents, dans la frérêche. Les liens sont lâches. C’est qu’ils sont inutiles : les organes de paix du vieil État franc sont encore assez vigoureux pour permettre à l’homme libre de vivre indépendant et de préférer, s’il le veut, la compagnie de ses voisins et de ses amis à celle de ses parents » (Duby, 1953, p. 137).
28L’élargissement et le renforcement à partir du xie siècle du réseau de solidarité familiale n’auraient été qu’un moyen pour assurer la sécurité du groupe. La famille étendue aurait eu en somme une fonction vicariante. Loin d’être première, la solidarité élargie de la famille n’aurait sa raison d’être que dans les dégradations d’instances plus larges.
29« L’histoire du lignage, écrit encore Duby, est une succession de contractions et de détentes dont le rythme subit les modifications de l’ordre politique » (ibid., p. 136).
30Ariès reprend la même idée lorsqu’il écrit « La solidarité lignagère et l’indivision du patrimoine se développent à la faveur de la dissolution de l’État » (Ariès, 1960, p. 394). König se rallie également à la thèse d’oscillations plus ou moins accusées entre le modèle de famille étendue et celui de famille conjugale (König, 1970). L’histoire de la famille occidentale reste à écrire, mais il paraît déjà acquis qu’elle révèlera une évolution plus complexe que celle que présentaient les théoriciens au siècle dernier.
31Il est certain aussi qu’elle mettra en lumière la variété des schémas suivant les groupes sociaux. La « petite » famille a toujours existé11. Elle était sans doute, comme le pense Goode, la forme la plus fréquente dans les classes sociales pauvres du milieu urbain. Ce que nous savons des ouvriers lyonnais du xviiie siècle, que décrit Maurice Garden, suggère une famille très étroite, incapable d’élever elle-même ses enfants (Garden, 1970). Tous ces « forains » arrivant de la campagne, même s’ils se marient, demeurent isolés, à moins d’entrer comme domestiques, dans une famille aisée. Les bourgeois lyonnais eux-mêmes ne vivent guère en familles étendues. Les ascendants et collatéraux y sont peu nombreux. C’est la domesticité qui fait le nombre et point la parentèle.
32Il est temps maintenant de faire un premier bilan. Des seules données morphologiques, on peut déjà tirer deux conclusions :
- La famille « traditionnelle » française n’est pas un archétype immuable depuis des siècles. Si son aspect institutionnel a effectivement peu varié, ses modalités, elles, se sont beaucoup modifiées. Qui plus est, elles ne se sont pas transformées d’une manière régulière, s’inclinant progressivement vers la situation actuelle. La famille n’a pas évolué d’une solidarité plus large à une solidarité moins large, d’une autorité paternelle plus rigoureuse à une tutelle plus libérale, d’un âge moyen au mariage plus élevé à une nuptialité plus jeune. Le peu de données que nous connaissons nous interdit ces simplifications tentantes. Nous pouvons seulement dire que des changements sont intervenus qui demanderaient chacun une étude et une analyse particulières.
- À l’évolution dans le temps, il faut ajouter une dispersion dans l’espace social. L’unité institutionnelle masque des différences très importantes suivant les groupes sociaux, suivant les « états ». Celles-ci ne portent pas seulement sur l’âge moyen au mariage ou l’intensité de la nuptialité. L’étendue du réseau de solidarité, les modalités du choix des conjoints, leurs statuts présentaient, d’un groupe social à l’autre, des caractéristiques spécifiques.
33À ce point, écoutons une fois encore Halbwachs : « Dirons-nous que la morphologie sociale s’en tient aux familles dans l’espace et que le reste relève d’autres parties de la sociologie ? Mais aucun de ces deux aspects ne se suffit, n’a de réalité, s’il n’est lié à l’autre. Quelle vie proprement sociale attribuer à un groupe, si, derrière les unités rassemblées, telles qu’elles tombent sous le sens, nous n’atteignons pas des pensées, des sentiments, surtout l’idée de l’organisation qui les unit ? » (Halbwachs, 1938).
34L’« idée de l’organisation » du mariage, disons sa finalité, est incontestablement, sous l’Ancien Régime, de nature sociale. Par le mariage, un homme ou une femme entre dans un « état » nouveau, acquiert un statut qui a été défini par la société et, en priorité, pour la société. Celle-ci tend, comme les êtres vivants, à « persévérer dans son être » et le mariage est un des instruments, sinon l’instrument privilégié de cette stabilité.
35C’est ce que souligne en particulier Farber lorsqu’il recherche, au-delà des formes particulières des familles « traditionnelles », un dénominateur commun à leurs caractéristiques. Il pense le trouver dans un orderly replacement, une reproduction de l’ordre social (Farber, 1964). Tout aurait été subordonné, quelle que fût la forme singulière de chaque institution matrimoniale, à cette finalité prioritaire12.
36En conséquence, le système de valeurs était unique. La famille et la société étaient étroitement imbriquées ; elles se confortaient mutuellement parce qu’elles étaient l’une et l’autre fondées sur une même idée de l’ordre. Cette correspondance était d’ailleurs parfois solennellement proclamée : ainsi dans le préambule de la déclaration royale du 26 novembre 1639, cité par Pierre Petot : « Les mariages sont les séminaires des États, la source et l’origine de la société civile, et le fondement des familles qui composent les républiques, qui servent de principes à former leur police, et dans lesquelles, la naturelle révérence des enfants envers leurs parents est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leur souverain » (Petot, 1955, p. 14). Comment dire plus clairement que la famille est avant tout la cellule élémentaire de la société et que le mariage qui la fonde se justifie d’abord par une finalité sociale ? La continuité culturelle était donc très forte : les mêmes valeurs circulaient dans l’intimité des ménages et dans les conseils de l’État.
37Statut des conjoints, définition de leurs droits et devoirs réciproques, lois et coutumes sur la légitimité des enfants, les conditions de l’héritage, tout en définitive se trouvait déterminé par cette primauté du social.
38Cette priorité ne signifiait pas que l’individu ne tirait aucun avantage de l’institution. En réalité il n’avait d’existence juridique que par son appartenance à la famille, qui lui donnait son identité et son statut. Concrètement, le ménage constituait l’unité économique élémentaire. Point d’autarcie individuelle. Pour vivre, et même pour survivre, jeune adulte ou vieillard, il fallait être intégré à une famille et à travers cette fonction économique, c’est encore la société qui intervenait, puisqu’elle définissait les principales règles d’appropriation et de distribution des biens. Le mariage était l’acte par excellence d’inscription sociale : lui seul fondait la légitimité des enfants, lui seul établissait les alliances et déterminait, pour chaque individu, l’espace social où il devait vivre et travailler.
39On comprend dès lors que les caractéristiques sociales d’une unité familiale étaient largement déterminées par sa situation dans la société. Autant d’« états sociaux », de modes spécifiques d’appartenance au groupe, d’organisations économiques, autant de types de familles différents. C’est d’abord la multiplicité des « états » dans une société qui rend compte de la variété des modèles familiaux qu’observe la démographie historique.
40S’il fallait dans cette multiplicité, distinguer deux schémas principaux, on le ferait volontiers sur le critère de l’existence ou de la non-existence d’un patrimoine. Dans les groupes sociaux détenteurs d’un bien immobilier, le souci de maintenir l’intégrité du patrimoine commandait pour une part les attitudes et les comportements familiaux. Cette préoccupation était en particulier déterminante dans la stratégie matrimoniale. Dans ce type de famille, le mariage constituait le meilleur moyen de consolider ou d’augmenter le bien de la famille. La succession laissait généralement peu de place aux décisions et aux arrangements. Le mariage et l’alliance au contraire, par le jeu de la dotation, étaient les instruments par excellence de la politique patrimoniale.
41Dès lors, comment juger scandaleux que le choix des conjoints fût l’affaire du chef de famille. La logique du système ne pouvait confier une décision aussi grave qu’à celui qui était le gérant du patrimoine. Et comment trouver injuste le droit d’aînesse qui traduisait simplement l’impératif d’indivision de ce patrimoine13. Quant au célibat probable d’une partie des cadets, c’était le prix payé pour assurer l’intégrité et la continuité de la « maison ».
42Dans un tel système, l’homogamie des conjoints était logiquement, la règle. Mais le dessein primordial, celui de la transmission, imposait des exceptions. La mésalliance pouvait être le seul « jeu » possible. Tels ces mariages de nobles désargentés avec des filles de riches bourgeois, ou encore ceux des filles uniques de paysans nantis épousant un « travailleur » qui ne serait jamais le « maître » mais qui assurerait la continuité de la famille.
43Plus l’importance et l’urgence d’une alliance s’imposaient, plus les normes souffraient d’exceptions. Les mariages d’enfants, dans les familles nobles, étaient rares, mais en cas d’opportunité, on mariait des enfants de moins de 10 ans. L’épouse dans ce cas, restait quelques années encore au couvent avant de retrouver son mari (voir à ce sujet, Duplessis-Le Guelinel, 1954, p. 23).
44Ainsi, ce qui paraît exception devient intelligible dans la mesure où l’anomalie n’était qu’un moyen un peu particulier pour assurer la seule fin impérative, la transmission du patrimoine.
45Cette famille, toute mobilisée pour la survie collective, n’allons pas pourtant l’imaginer comme un groupe fermé sur lui-même. Si les alliances matrimoniales constituaient les moments décisifs dans la stratégie de la continuité, les relations sociales quotidiennes gardaient aussi toute leur importance. Les alliés ne suffisaient pas ; la survie ou la croissance du groupe exigeait l’intervention de « protecteurs ». Il fallait être vassal ou client. Le repli sur l’intimité aurait été la condamnation de la famille, sans recours. Visites, démarches, conversations étaient, plus que des mondanités, les instruments nécessaires de toute réussite, c’est-à-dire de la permanence du patrimoine.
46L’impératif de « transmettre » renforçait, là où il existait, la solidarité culturelle entre la famille et la société globale. Vouloir perpétuer le patrimoine n’allait pas sans souhaiter en même temps la stabilité d’une organisation et d’une culture, qui donnait au nom propre de la « maison » son sens et sa dignité. La famille ne pouvait défendre son patrimoine qu’en se solidarisant, en principe au moins, avec le système politico-économique qui permettait sa stabilité, sa « reproduction » et sa croissance. Affirmer l’autorité du père supposait l’acceptation de la hiérarchie sociale qui, en cas de besoin, garantissait le respect des décisions du chef de famille14.
47Nobles, agriculteurs ou bourgeois, chacun à leur mesure et à leur manière disposaient d’un patrimoine. Patrimoine matériel sans doute, immobilier ou mobilier, patrimoine symbolique aussi qui était l’honneur du nom ou la réputation de la famille. Patrimoine matériel et patrimoine moral, ce n’étaient pas là deux valeurs distinctes, mais comme le corps et l’âme d’une réalité unique : déshonorée ou ruinée, la famille cesse d’exister. Comme le souligne Boudru, le patrimoine matériel est « le support de l’identification » de la famille (Boudru, 1970).
48Bourdieu, dans Les stratégies matrimoniales dans le système de reproduction, développe cette idée et illustre, par l’exemple du paysan béarnais, l’importance déterminante du patrimoine dans les règles des héritages comme dans les normes du mariage (Bourdieu, 1972).
49Mais toutes les familles ne disposaient pas d’un patrimoine. Tous les paysans n’étaient pas propriétaires de leurs terres et ceux qui l’étaient ne pouvaient y établir tous leurs fils. Pour les pauvres qu’ils fussent de la ville ou de la campagne, l’idée de transmission n’avait guère de sens. C’était la volonté de survivre qui règlait la conduite des pauvres, les mécanismes de vicinité et de l’homogamie qui présidaient au choix de leurs conjoints, les contraintes de leur profession qui pesaient sur la répartition des tâches à l’intérieur du ménage. Il y avait probablement dans la constitution de ces ménages, comme dans leur mode de vie, une plus grande liberté, un plus grand « jeu » que dans les familles disposant d’un patrimoine. En particulier, le choix du conjoint n’obéissait pas à une stratégie familiale : l’attirance réciproque y jouait son rôle.
50D’une façon générale, on caricaturerait probablement la réalité, du moins la simplifierait-on, en prétendant que le sentiment n’avait pas sa place dans les familles munies d’un patrimoine. Comment imaginer en effet que le mariage fût sans retentissement affectif profond et stable sur les conjoints. Le sentiment était donc présent, et parfois vif et durable. Mais il était en quelque sorte contrôlé par l’évidence que le lien matrimonial trouvait sa signification bien au-delà des satisfactions subjectives. Tout se passait en somme comme si les normes collectives étaient reconnues comme régulateurs des « affects » individuels. On serait tenté de dire que l’on s’aimait parce que l’on était marié plutôt qu’on se mariait parce que l’on s’aimait. Encore faudrait-il mettre entre guillemets le mot amour qui recouvrait probablement des sentiments assez différents de ce que nous entendons aujourd’hui par ce terme.
51Ce qui paraît certain de toutes manières c’est la grande méfiance de la société dans ce domaine. Les relations entre hommes et femmes étaient l’objet d’un contrôle sérieux et se traduisaient dans la vie de tous les jours par une ségrégation systématique entre les sexes. De cette attitude ancienne, Bourdieu, dans sa description d’un village du Béarn, retrouve encore des traits. « La ségrégation des sexes est brutale, dès l’enfance, garçons et filles sont séparés sur les bancs de l’école, au catéchisme. De même, à l’église, les hommes se groupent à la tribune ou dans le fond de la travée centrale, tandis que les femmes se disposent sur les bas-côtés ou dans la nef. Le café est le lieu réservé aux hommes […]. Tout l’apprentissage culturel et l’ensemble du système des valeurs tendent à développer chez les membres des attitudes d’exclusion réciproque et à créer une distance qui ne peut être franchie sans gêne » (Bourdieu, 1962, p. 56). Cette étonnante ségrégation des sexes apparaît comme une indispensable précaution pour que le caprice ou la passion ne viennent pas perturber un ordre qu’aucun sentiment, si intense fût-il, ne devrait troubler.
52Cette « coupure » ne vise pas seulement les célibataires. Elle vaut aussi pour les ménages. Elle entraîne une grande réserve des conjoints et leur interdit toute expression extérieure de tendresse. Époux et épouse sont séparés dans toutes les manifestations publiques, culte religieux ou fête profane. Ariès rapporte qu’à la fin du xviiie siècle, les villageois intentèrent un procès à leur seigneur devant la cour de Toulouse, parce que celui-ci avait présidé une procession aux côtés de sa femme15.
53L’apport capital de Philippe Ariès porte sur les relations entre parents et enfants. Il nous montre la famille du Moyen Âge évoluant lentement à partir du xve siècle. Le changement principal, c’est l’émergence progressive de l’enfant : petit être anonyme, il gagne au fil des siècles une valeur personnelle. Il commence à exister comme objet privilégié de la tendresse. À travers l’iconographie, la littérature, les correspondances, Ariès nous fait suivre les étapes de cette transformation essentielle. D’abord mignoté par les seules femmes, l’enfant devient lentement, pour le père comme pour la mère, une véritable personne envers qui les parents se sentent des devoirs, celui par exemple de l’instruire et de l’éduquer. Avec le xviie siècle commencent à se développer les « petites écoles » et à se multiplier les collèges. Plus remarquable encore que ce souci de la formation, est la disparition ou du moins l’atténuation du privilège de l’aîné. Désormais les moralistes insistent sur l’égalité des enfants, sur le devoir de les entourer d’une même tendresse. Comme l’écrit encore Ariès, « ce respect de l’égalité entre les enfants témoigne du glissement de la famille-maison vers la famille sentimentale moderne. L’enfant existe désormais pour lui-même et dans une certaine mesure, il devient le centre de la famille ».
54Certains auteurs croyaient pouvoir affirmer que l’Ancien Régime avait connu un seul type de famille, naturel pour ainsi dire. Le manque d’information précise et le souci polémique sont probablement à l’origine de cette idée de la famille traditionnelle. Les données que nous avons voulu présenter ici, si superficielles soient-elles, suffisent à montrer le caractère mythique de cette unicité. Ce qui apparaît manifestement, c’est au contraire la pluralité des modèles, leurs variations dans le temps et dans l’espace, la simultanéité à une même époque des schémas très différents d’un groupe social à l’autre.
55Pourtant entre tous ces modèles, un dénominateur commun existe, de caractère formel et donc compatible avec la variété effective des schémas : ces modèles familiaux d’anciens régimes subordonnaient la gratification affective des individus au respect des statuts et aux intérêts d’instances plus larges que la famille conjugale. Le sentiment n’était pas absent du lien matrimonial, mais il était contrôlé par des régulateurs sociaux rigoureux. À l’intérieur du ménage, comme dans la vie publique, une certaine distance demeurait entre les époux : celle que leur imposait précisément leur statut matrimonial. Ni le mariage ni la vie conjugale n’étaient donc vécus comme affaires privées : la prégnance de l’institution ne cessait d’informer les attitudes et les sentiments des époux.
56L’accent que met Ariès sur la progressive mais radicale transformation des relations parents-enfants est lié à l’irruption plus globale du sentiment dans les relations familiales. Lorsque Rousseau parle de la famille comme de la « plus douce des sociétés », il n’invente pas la forme moderne de la vie conjugale : il décrit un modèle qui est déjà largement diffusé dans une partie de la société française : innocence, bonheur16, nature, tout devrait désormais se retrouver dans le petit paradis familial. Mais c’est alors la fin de l’Ancien Régime, de ses structures politiques et, pour une part, de son système matrimonial.
Notes de bas de page
1 Dans Types of Family and Types of Economy (1960), Nimkoff et Middleton fondent leurs recherches sur la comparaison de 549 cultures différentes.
2 Lettre pastorale de l’évêque de Mende, 1820. Citée dans L’Ami du Clergé, du 16 février 1820. Voir à ce sujet, Deniel, 1965.
3 Le titre d’un hebdomadaire très répandu avant la Première Guerre mondiale est très suggestif : La veillée des chaumières.
4 Il est probable d’ailleurs que la situation variait suivant les régions et que dans les zones pauvres la fréquence du célibat, pour les hommes au moins, était plus élevée qu’ailleurs. Sans donner d’estimation chiffrée, Rambaud et Vincenne (1964) le suggèrent.
5 Placide Rambaud écrit « Longtemps le célibat a eu pour rôle économique de fournir une main-d’œuvre courageuse et non salariée » (Rambaud et Vincienne, 1964, p. 61).
6 Pour l’ensemble de la France, les abandons d’enfants s’élèvent à 63 000 en 1801. Ils atteindront 130 000 en 1830.
7 Ce retard au mariage s’explique probablement aussi comme un moyen pour limiter les naissances.
8 On trouvera pourtant des indications très intéressantes dans Garden, 1970.
9 On trouvera, mais pour le début du xixe siècle, des indications précises chez Segalen, 1970.
10 Cette espérance de vie était d’environ 25 ans au début du xviiie siècle et de 35 ans au début du xixe siècle. La combinaison du calendrier de la mortalité et de celui de la nuptialité a permis à Jean Fourastié de présenter dans un article, bref mais très suggestif, la vie d’un Français moyen sous l’Ancien Régime (Fourastié, 1959).
11 En ce qui concerne le Royaume-uni, Laslett est formel « un groupement familial n’était jamais composé de plus d’un couple marié » (Laslett, 1969, p. 101).
12 Conception très voisine de celle que développe Margaret Mead dans Le fossé des générations (Mead, 1971[1970]). Ce qu’elle appelle culture « post-figurative » correspond bien à une société où la famille, comme les autres institutions, est avant tout centrée sur la continuité culturelle. Certes le patrimoine transmis d’une génération à l’autre n’est pas strictement identique, certes la reconnaissance par les jeunes des valeurs transmises ne va pas sans heurt, mais tant que dure ce type de société, la signification de la famille est d’être l’instrument privilégié de cette continuité.
13 Dans les successions roturières, le partage à égalité était de règle : l’absence de patrimoine enlevait toute signification à un droit exclusif de l’aîné, sur ce que pouvait laisser les parents.
14 En cas de conflit entre père et fils, l’État soutient le pouvoir paternel au besoin par les lettres de cachet. Si rare que soit l’application de cette procédure, elle symbolisait très efficacement la solidarité des instances.
15 Cette ségrégation entre les sexes, cette méfiance à l’égard de tout sentiment passionné n’est pas particulière à notre culture. On peut au contraire affirmer qu’elle constitue une sorte de trait commun à la plupart des sociétés « archaïques ». La partition de l’univers entre le monde masculin et le monde féminin semble générale : la communauté des femmes et celle des hommes se cotoient, mais ne se mêlent que rarement. Il y a des danses pour les hommes et d’autres pour les femmes ; les systèmes d’initiation sont différents. C’est à l’intérieur des lignages ou de groupe d’âges que l’investissement affectif est le plus fort. L’épouse est souvent moins proche que la sœur ou la mère. Voir sur ce point, Thore, 1965.
16 Voir à ce sujet, Mausy, 1969.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Être fille ou garçon
Regards croisés sur l’enfance et le genre
Mélanie Jacquemin, Doris Bonnet, Christine Deprez et al. (dir.)
2016
La famille à distance
Mobilités, territoires et liens familiaux
Christophe Imbert, Éva Lelièvre et David Lessault (dir.)
2018
Précarités en eau
Un état des lieux en Europe
Lucie Bony, Claire Lévy-Vroelant et Marie Tsanga Tabi (dir.)
2021
Procréation et imaginaires collectifs
Fictions, mythes et représentations de la PMA
Doris Bonnet, Fabrice Cahen et Virginie Rozée (dir.)
2021
Le monde privé des femmes
Genre et habitat dans la société française
Anne Lambert, Pascale Dietrich-Ragon et Catherine Bonvalet (dir.)
2018
Le mariage dans la société française contemporaine
Faits de population, données d’opinion
Louis Roussel
2025