Chapitre 2
Les recensements permettent-ils de saisir l’environnement familial des enfants ?
p. 59-88
Texte intégral
1Depuis une quinzaine d’années, différents facteurs convergent en faveur de la promotion et de l’exploitation élargie des recensements nationaux : l’initiative internationale de la « Data revolution » (2013) pour la mise à disposition de statistiques de qualité à la population (IUSSP, 2015) ; le programme des Objectifs de développement durable (ODD) qui promeut des indicateurs aux niveaux les plus fins pour cibler les politiques d’actions (United Nations, 2015) ; les efforts des Instituts nationaux de statistiques à publier les analyses des recensements sur leurs sites web ; et enfin la mobilisation académique avec le programme IPUMS (Integrated Public Use Microdata Series), qui met à disposition des chercheuses et chercheurs des échantillons de micro-données censitaires sur un nombre croissant de pays.
2Les points forts des recensements, en particulier leur exhaustivité et leur capacité à fournir des statistiques à l’échelle désagrégée, sont aujourd’hui mis en avant. Longtemps sous-utilisés dans les recherches sur l’Afrique en raison d’une diffusion tardive et limitée des résultats, de l’accès réservé aux bases de données, et d’une certaine suspicion sur la qualité des données, les recensements nationaux pourraient donc bien connaître une montée en force dans le milieu académique ces prochaines années.
3La démographie de la famille est l’un des champs qui pourrait bénéficier de cet essor. En effet, tous les recensements s’appuient sur un « questionnaire ménage » qui enregistre la liste des membres du ménage et, pour chacun d’eux, différentes caractéristiques individuelles. Une masse considérable de données, encore largement sous-exploitée, est donc collectée. Il y a aujourd’hui un large consensus sur le fait que le « ménage statistique2 » ne fournit qu’une approche grossière des arrangements résidentiels et familiaux, en particulier dans des contextes comme l’Afrique subsaharienne où ceux-ci sont complexes (Hosegood et Timæus, 2006 ; Rabe, 2008). Toutefois, avoir la capacité d’estimer dans quelle mesure les recensements nationaux réussissent à prendre en compte la complexité des structures familiales à partir de l’unité ménage est souvent hors de portée, faute de disposer de données adéquates.
4La mobilisation de ces données censitaires sur les ménages requiert une réflexion critique et des travaux méthodologiques pour préciser leurs limites, cadrer leur exploitation et leur interprétation. Les recherches approfondies à petite échelle peuvent être des outils efficaces pour contribuer à cette réflexion. Elles permettent d’acquérir une bonne connaissance de l’organisation familiale au sein de la population étudiée, et d’évaluer dans quelle mesure celle-ci est restituée dans les statistiques des ménages. Certes, les résultats obtenus à petite échelle n’ont pas valeur de généralité, mais elles permettent d’attirer l’attention sur des questions critiques, à tester dans d’autres contextes et à prendre en compte dans les analyses nationales.
5Dans le cadre du programme Slam, grâce à un partenariat entre l’Ined et l’Institut de statistique du Mali (Instat), les données individuelles des recensements nationaux ont pu être intégrées au dispositif de collecte, et appariées à celles des recensements locaux du projet (voir chapitre 1). On dispose ainsi d’un corpus unique qui permet de superposer trois photos de la même population, chacune avec un découpage différent de l’espace familial : d’un côté les ménages des recensements nationaux, de l’autre les unités économiques familiales (zun) et les unités résidentielles saisies par les recensements locaux. Grâce à la collaboration de l’Ined et de l’Instat, nous avons été en mesure d’apparier les individus enregistrés dans les recensements locaux et dans les recensements nationaux en respectant les règles éthiques pour les sept villages de l’étude. Cette base de données inédite nous permet de comparer trois définitions des unités familiales dans une même population : le ménage des recensements nationaux, l’unité économique familiale (zun) et l’unité résidentielle (le logement) des recensements locaux.
6Notre objectif est d’examiner dans quelle mesure les ménages enregistrés dans les recensements nationaux rendent compte des arrangements familiaux observés dans cette population. Cette évaluation est menée en trois temps. D’abord, en comparant la configuration des ménages à celles des unités résidentielles et des unités économiques locales, et en identifiant les points de convergence et les écarts. Ensuite, en examinant en quoi les différences observées dans la composition des ménages du recensement, des logements et des zun affectent l’analyse et l’interprétation des espaces de vie des individus. Enfin, en évaluant si, malgré leurs limites, les données sur les ménages permettent de répondre à l’un des objectifs fondamentaux du recensement, c’est-à-dire saisir toutes les situations, même les moins conventionnelles, et enregistrer tous les individus, même ceux qui occupent une position marginale dans la famille.
7Nous ne cherchons pas à proposer de nouvelles approches des structures familiales, mais à évaluer ce qu’on peut tirer de l’existant, à savoir les données censitaires sur les ménages. Pour ce faire, ce chapitre propose une comparaison détaillée de la façon dont les arrangements familiaux sont décrits par les ménages des recensements nationaux d’une part, et par les unités familiales observées à l’échelle locale, d’autre part.
I. Le « ménage statistique » : approche critique
8Le débat méthodologique autour du ménage en Afrique est déjà ancien. Dans les années 1970 et 1980, le sujet s’inscrit dans la réflexion sur les stratégies de collecte et les unités d’observation pertinentes, développée par des collectifs pluridisciplinaires (anthropologues, économistes, démographes) comme le groupe Amira en France (Amélioration des méthodes d’investigation en milieu rural africain [Amira, 1987 ; Gastellu, 1980 ; Gruenais, 1981]). Dans les décennies 1980 à 2000, plusieurs colloques internationaux mettent explicitement la focale sur le ménage, et encouragent à la fois la réflexion théorique et les travaux empiriques sur le sujet (McC. Netting et al., 1984a ; Pilon et al., 1997 ; van de Walle, 2006). Depuis une dizaine d’années, on observe un regain de publications sur les limites du ménage, issues d’analyses ciblées sur la production et l’utilisation de statistiques de ménage (Randall et al., 2011, 2015) ou d’enquêtes testant de nouveaux protocoles sur les réseaux familiaux (Bonvalet et Lelièvre, 2012 ; Hosegood and Timæus, 2006 ; Madhavan et al., 2017).
1. Une unité d’observation avant tout
9Dans les recensements et les enquêtes statistiques, le ménage a le statut d’unité d’énumération. L’enjeu est d’enregistrer l’ensemble de la population, chaque individu étant à recenser une fois et une seule, et la façon la plus simple d’y parvenir est de passer par des structures physiques, clairement identifiables. Ainsi, il est classique que le recensement démarre par une cartographie de l’habitat, avant d’établir, logement par logement, la liste des individus qui y habitent. De ce point de vue, les ménages traduisent des regroupements résidentiels observés à un moment donné, sans que l’on puisse leur attribuer a priori une signification sociale, économique, etc. (van de Walle, 2006). Les données censitaires n’ont pas été construites en fonction de problématiques sur les familles. En particulier, le protocole censitaire – saisir les individus « exhaustivement et sans double compte » – oblige à simplifier, et finalement à négliger les situations complexes : chaque individu est situé dans un ménage unique, sans possibilité de multi-appartenance, ni prise en compte de son réseau relationnel au-delà du ménage.
2. Une unité résidentielle ?
10Il existe un consensus assez large dans la littérature sur l’équivalence ménage et habitation. Cette assimilation renvoie à la représentation d’unités familiales clairement délimitées et indiscutables : l’inscription physique permettrait d’objectiver l’arrangement familial/résidentiel, tout en servant d’unité d’énumération au recensement. Même si l’on ne présage pas de sa signification sociale ou économique, le ménage serait ainsi un proxy de l’espace de vie quotidienne : « Qu’au sein d’une société des individus, apparentés ou non, se regroupent en un même lieu pour y vivre au quotidien, n’est pas un hasard et signifie “quelque chose” qu’il convient […] de resituer par rapport aux autres niveaux structurant la société » (Pilon, 1993, p. 11). Pour van de Walle (2005, p. 56), le ménage « correspond à une situation résidentielle tellement évidente qu’elle se passe de définition ». De fait, en dépouillant les publications académiques relatives aux données sur les ménages, Sara Randall et son équipe (2011) constatent que, sauf exception (3 % des cas), aucun élément de définition n’est jamais donné sur le ménage.
11Pourtant, si on lit les questionnaires et la documentation des recensements et des enquêtes, il est clair que le ménage n’est jamais présenté comme une simple unité de résidence. Trois principaux types de critères coexistent (Gruenais, 1981 ; Locoh, 1997 ; McC. Netting et al., 1984b ; Pilon et Vignikin, 2006 ; Sala-Diakanda, 1988), avec des combinaisons variables : le « critère de résidence » (partage d’un même espace), le « critère économique » (mise en commun de ressources, partage des repas, reconnaissance d’une autorité commune…) et le « critère de parenté » (relations attendues entre les membres du groupe). Les Nations unies mettent l’accent sur les deux premières dimensions, reconnues sous les termes de housekeeping concept (prise en charge des besoins de base, notamment alimentaires) et de household-dwelling concept (Randall et al., 2015). Les relations de parenté interviennent indirectement dans la délimitation des ménages, du simple fait qu’elles sont citées dans les exemples et consignes des manuels d’enquête (on y reviendra plus loin).
3. La comparabilité statistique en question
12Citée comme l’un des points forts du « ménage statistique », la comparabilité ne va pourtant pas de soi. Le constat d’hétérogénéité se fait à différents niveaux. Tout d’abord, entre les pays, les options retenues dans la définition du ménage varient selon la tradition statistique, l’héritage colonial, la culture des pays (Garenne, 1981 ; Pilon et Vignikin, 2006 ; Randall et al., 2015). Ensuite, à l’échelle d’un même pays, les variations de définition au cours du temps et entre opérations statistiques différentes peuvent être considérables (Golaz et al., 2012 ; Randall et al., 2015). Ainsi, au Mali, les différences de définition entre trois opérations nationales réalisées en 2005-20063 font varier la taille moyenne des ménages entre 5,7 et 9,6 individus (Beaman et Dillon, 2012). Enfin, même en se limitant à un recensement ou à une enquête particulière, il s’avère que le ménage résiste à une interprétation simple et univoque.
13Les enquêtes de Randall et de son équipe auprès des personnes qui produisent et utilisent des statistiques de différents pays africains démontrent qu’une même définition du ménage donne lieu à des compréhensions, des pratiques et des interprétations variables selon le statut, la formation ou l’expérience des professionnel·les. Insister sur les limites de la comparabilité des données sur les ménages est parfois jugé tatillon tant l’idée de « l’évidence » du ménage est ancrée dans la culture des statisticien·nes et démographes (Kriel et al. 2014 ; Randall et al., 2011, 2013). Pour van de Walle, les statistiques sur les ménages seraient finalement largement indépendantes des définitions et « Les résultats n’auraient pas été très différents si, par exemple, le Mali avait repris la définition utilisée par le Sénégal, bien qu’ils n’aient en commun que le critère de “l’universalité” qui inclut les membres apparentés et non apparentés et le fait d’être sous l’autorité du responsable du ménage » (van de Walle, 2006, p. xxxi). Pourtant, on constate des choix méthodologiques et des résultats très différents entre les deux pays : au Sénégal, l’accent est mis sur le partage des ressources (un père et son fils marié seront recensés dans le même ménage s’ils mangent ensemble, même s’ils disposent d’un logement indépendant dans la même concession) ; au Mali, l’accent est mis sur le logement (on comptabilisera, dans ce même cas, deux ménages indépendants). Il en résulte des statistiques sur les ménages très contrastés, avec des tailles de ménage nettement plus élevées au Sénégal (2013) qu’au Mali (2009) [8,6 contre 6,2 individus en moyenne], et des configurations polynucléaires fréquentes dans un cas et rares dans l’autre (40 % des individus au Sénégal vivent dans un ménage avec au moins deux hommes mariés, contre 6 % au Mali [Hertrich et Doumbia, 2016]). La vision optimiste d’une bonne comparabilité des données statistiques sur les ménages est donc aujourd’hui largement démentie par les analyses critiques et les travaux empiriques.
4. La complexité d’une définition à plusieurs critères
14La juxtaposition de différents critères n’est pas seulement une entrave à la comparabilité et à l’interprétation des données sur les ménages. Elle a aussi pour effet de compliquer l’enregistrement des arrangements familiaux observés dans une société donnée. Ancrée dans la culture occidentale, la représentation du ménage comme unité sociale et fonctionnelle, conjuguant corésidence, solidarité et autonomie économique, s’avère souvent éloignée des configurations observées en Afrique subsaharienne4. La complexité et la fluidité des structures familiales et résidentielles en Afrique, mais aussi la diversité des formes d’organisation entre populations, ont souvent été soulignées (Dozon, 1986 ; Guyer, 1981 ; Guyer et Peters, 1987 ; Radcliffe-Brown et Forde, 1950). Les recherches monographiques rendent compte d’une grande variété de combinaisons entre les différents registres d’organisation économique et résidentielle. Selon la nature et la hiérarchie des critères retenus, on obtiendra bien souvent des résultats très variables. Dans les populations où l’exploitation agricole correspond à un regroupement résidentiel, le découpage secondaire par unité économique peut conduire à des différences marquées selon le critère retenu (organisation de la production, de la consommation, de la répartition des ressources [Beaman et Dillon, 2012 ; Gastellu, 1980]). À l’opposé, l’unité économique familiale peut réunir des individus ne logeant pas à proximité les uns des autres, comme chez les Bwa (Mali et Burkina Faso) étudiés dans cet ouvrage (Capron, 1973 ; Hertrich, 1996), les Dogons du Mali (Bouju, 1984) ou les Senoufo de Côte d’Ivoire (Le Roy, 1982). Présupposer qu’une même unité (le « ménage ») centralise plusieurs fonctions a finalement deux effets problématiques : d’une part, on s’interdit d’analyser les combinaisons effectives entre des groupes familiaux définis à partir de critères différents (résidentiel, économique, de parenté), d’autre part, on reporte sur les personnes qui enquêtent les arbitrages pour rapprocher les situations originales observées des catégories standardisées censitaires.
II. Les données
15Le programme Slam s’appuie sur un dispositif de collecte mixte (voir chapitre 1). Dans ce chapitre, nous utilisons les données de l’enquête renouvelée. Ce corpus présente deux atouts pour notre propos : d’une part, il intègre à la fois les recensements nationaux du Mali et les recensements locaux propres à notre projet, totalement indépendants les uns des autres, et d’autre part, il apparie les données individuelles de ces différents recensements. La base de données que nous traitons comprend huit recensements5 réalisés sur une période de vingt-deux ans, de 1987 à 2009 : trois recensements nationaux (1987, 1998, 2009) et cinq recensements locaux (1988, 1994, 1999, 2004, 2009). Elle compte environ 8 300 individus (recensés comme résident à l’un au moins des huit recensements), et un total de 27 805 observations individuelles (cf. tableau A1 en annexe).
16L’enquête renouvelée fournit des conditions quasi expérimentales pour évaluer la proximité du ménage censitaire avec les unités familiales locales. Cela à plusieurs titres :
- d’une part, grâce à la connaissance monographique acquise sur ces villages, nous avons des données de référence auxquelles les ménages des recensements nationaux peuvent être comparés. En effet, les recensements locaux fournissent une description à la fois des unités économiques familiales (zun), centrales dans l’organisation familiale et socioéconomique de cette population, et des unités résidentielles (logement). Chacune de ces unités est définie de façon élémentaire : la zun, par la communauté d’activités et de ressources (« ceux et celles qui travaillent et mangent ensemble ») ; le logement, par le partage d’un même toit (« ceux et celles qui ont dormi la nuit précédente dans le logement »). L’unité de collecte pour les recensements locaux est le logement. Dans ces villages, ces logements sont des cases d’une ou deux pièces, dédiées au repos6 ;
- d’autre part, les recensements nationaux ont eu lieu à des dates relativement proches des recensements locaux (voir figure 2, chapitre 1) : moins d’un an d’intervalle pour ceux de 1987 et 1998, et seulement trois mois pour celui de 2009. On bénéficie ainsi de conditions proches de la double collecte ;
- enfin, les données étant appariées au niveau individuel, la comparaison entre le ménage7, la zun et le logement peut être menée non seulement à l’échelle agrégée en comparant les statistiques descriptives des trois unités, mais aussi à l’échelle désagrégée en examinant dans quelle mesure un individu est rattaché à un environnement familial identique (composition de l’unité) ou non par les trois approches.
17Sur la période d’observation 1987-2009, les indicateurs de morphologie propres à chacune des trois unités familiales ont peu évolué (cf. tableau A2 en annexe). On traitera donc globalement les observations des trois recensements nationaux pour les comparer à celles des cinq recensements locaux. Pour les analyses à l’échelle individuelle, la situation du recensement national sera comparée à celle du recensement local le plus proche (soit un intervalle de trois à douze mois).
III. Logement et groupe domestique, des espaces familiaux différents
18Paysanne, la société des Bwa s’organise en exploitations agricoles ou groupes domestiques (les zun) qui fonctionnent comme des unités de production, de consommation et de commensalité (voir chapitre 1). Chaque zun est dirigée par un chef de famille, le zunso. C’est une institution familiale essentielle qui joue un rôle central dans l’organisation sociale et économique à l’échelle des villages, ainsi que dans la socialisation des enfants. Il existe un garde-fou aux relations d’autorité et aux contrôles exercés sur les individus au sein de la zun : ses membres ne cohabitent pas au même endroit. Ils se réunissent pour les repas, pour les travaux collectifs, mais ne dorment pas dans la même habitation. Le groupe domestique ne correspond pas à un espace résidentiel délimité : les membres d’une zun se répartissent généralement dans différents logements, souvent éloignés les uns des autres8. Seulement 17 % des individus appartiennent à une zun ne comptant qu’une habitation, tandis qu’elle en compte au moins quatre pour 42 % de la population. Il arrive aussi que des individus appartenant à des zun différentes cohabitent (cas de jeunes hommes célibataires, de femmes âgées, etc.), mais cette situation est plus rare (10 % des individus). La zun n’est donc pas directement visible sur le terrain et une question spécifique a été introduite dans le recensement local pour enregistrer l’ensemble de ses membres (cf. note 6).
19À la différence des rapports hiérarchisés internes à la zun, la cohabitation dans un logement est davantage fondée sur des affinités. Il y a une grande souplesse et de la fluidité dans l’occupation de l’habitat. Peu d’enjeux sont associés au logement. En effet, la maison n’est pas pensée comme une richesse ou un patrimoine. Comme dans beaucoup de populations rurales ouest-africaines, l’habitat est constitué de maisons en banco, construites par les habitants des villages eux-mêmes pendant la saison sèche. Il n’y a pas, ou peu, de coûts liés à la construction d’une maison, ni en main-d’œuvre ni en matériaux. Il n’y en a pas davantage pour l’équipement des maisons dont le confort est rudimentaire (absence d’électricité, approvisionnement en eau au puits, etc.). En outre, les individus passent peu de temps à l’intérieur de la maison, sinon pour y dormir. Les maisons s’ouvrent sur l’espace public et le quotidien ne se déroule pas dans un espace résidentiel clos mais bien souvent entre voisin·es, dans la rue (Capron, 1988). Disposer d’une maison ou en changer est finalement assez facile. Avoir sa propre maison est considéré comme un droit indiscutable pour toute femme adulte. En situation de polygamie, les coépouses ont chacune leur habitation et sont rarement voisines. Finalement, les configurations résidentielles observées sont variées et, en dehors des structures à base conjugale, on observe ainsi aussi bien des femmes âgées avec certains de leurs petits-enfants, des personnes veuves ou divorcées résidant seules, des cases de jeunes garçons…
20On a une lecture très différente des configurations familiales selon que l’on s’intéresse aux statistiques sur la zun ou sur le logement (figure 1, tableau 1). Si on porte attention aux zun, on constate que la vie familiale se réalise au sein de grandes unités, de structures complexes et dirigées par des hommes. Les relations familiales qui s’y manifestent dépassent clairement la cellule nucléaire. La moitié des individus vivent dans des zun comptant plusieurs couples (polynucléaires), et la présence de personnes âgées d’au moins 60 ans est fréquente. À l’opposé, le logement renvoie à des unités de petite taille, où la cohabitation est rare entre adultes liés par des rapports hiérarchiques. Alors que plus de la moitié (57 %) de la population vit dans une zun d’au moins dix membres, cette situation est quasi inexistante (3 % des individus) à l’échelle du logement où on vit en petit nombre (moins de cinq personnes pour 45 % des individus). Uniquement transitoire, la corésidence de plusieurs femmes mariées (y compris les coépouses) est quasiment inexistante (4 % des individus), de même et a fortiori celle de plusieurs couples (1 %). Dans ces configurations, et sachant que les hommes polygames ne sont recensés qu’une fois, la catégorie des unités dirigées par des femmes (inexistante à l’échelle de la zun) devient visible, concernant un quart de la population. S’il est fréquent que le logement ne compte pas plus d’un couple, il est également fréquent qu’un couple ne soit pas réuni au sein d’un logement, ce qui conduit à des configurations très diversifiées et parfois a-nucléaires. Ainsi, 30 % de la population vit dans un logement sans présence d’un homme marié, et 15 % sans présence d’une femme mariée, ce qui correspond à des situations marginales à l’échelle de la zun.
Figure 1. Répartition des individus selon la taille de la zun, du logement et du ménage

Source : Slam (Suivi longitudinal au Mali)/enquête renouvelée, 1988-2009.
Tableau 1. Répartition des individus selon la morphologie de la zun, du logement et du ménage (%)

IV. Le ménage : ni groupe domestique ni logement
21La représentation classique et familière du ménage (une cellule familiale autonome dont les individus partagent logement, ressources matérielles et affectives) colle donc mal à l’organisation familiale observée chez les Bwa. Comment, dès lors, cette réalité familiale est-elle restituée dans les ménages saisis par les recensements nationaux ?
22L’encadré 1 donne la définition et les consignes aux enquêteurs et enquêtrices pour délimiter les ménages lors du recensement national malien de 2009. La définition du ménage, telle que donnée dans le manuel de l’agent·e recenseur·se est restée sensiblement identique dans les différents recensements du Mali.
23Au premier abord, l’accent est clairement mis sur l’unité résidentielle (« vivant sous un même toit »), sans autre critère affiché que celui de l’autorité d’un chef de ménage. Cependant, la clarté de la définition est altérée par les exemples et les consignes particulières. Celles-ci convergent en faveur d’une représentation du ménage fondée sur un pivot conjugal et la famille nucléaire. Cette configuration est explicitement présentée comme le modèle type du ménage ordinaire, « constitué par un chef de ménage, sa ou ses épouses et leurs propres enfants non mariés, avec éventuellement d’autres personnes avec ou sans lien de parenté » (République du Mali, 2008). En outre, la règle de corésidence fait l’objet de dérogations quand cette configuration nucléaire ne s’observe pas : des coépouses ayant des logements différents (mais localisés dans la même concession) sont recensées dans le ménage de leur mari ; s’il est marié, un homme est enregistré, avec épouse(s) et enfant(s), comme un ménage indépendant même s’il réside avec son propre père. Finalement, ces consignes contribuent à gommer les situations (corésidence entre générations, non-cohabitation conjugale, etc.) qui ne s’alignent pas sur le modèle attendu.
24Dans le contexte étudié, où les arrangements familiaux et résidentiels ne répondent pas à ce modèle, on imagine bien la difficulté des agent·es recenseur·ses à concilier les situations observées avec les catégories du recensement. Quelle démarche a été alors privilégiée ? Une retranscription des arrangements résidentiels observés, au détriment des configurations attendues par le recensement ? Ou bien un ajustement des situations rencontrées aux configurations attendues en redistribuant certains individus dans un ménage distinct de leur logement ? Ou encore en enregistrant les individus dans les unités familiales auxquelles ils considèrent appartenir (zun) ? Probablement un mélange des trois, comme on va le voir.
25Très logiquement, les ménages censitaires ont peu de points communs avec la morphologie des zun : leur taille moyenne est deux fois plus faible, la polynucléarité est quasiment inexistante, et le statut de chef·fe de ménage n’y est pas exclusivement masculin (tableau 1, figure 1).
26La configuration du ménage se rapproche davantage de celle du logement, avec une taille assez petite (médiane de 5,5 contre 4,3 membres dans le logement), et la prédominance de structures mononucléaires (pour 80 % des individus, le ménage comme le logement, compte une seule femme mariée). Des différences existent cependant, avec certaines situations observées à l’échelle du logement et qui sont bien moins visibles dans les statistiques sur les ménages, comme les unités de petite taille (28 % des individus sont attachés à des ménages de moins de cinq membres contre 45 % dans les logements), ou encore les configurations sans base conjugale (14 % contre 30 %). À l’opposé, les statistiques sur les ménages font ressortir une catégorie pourtant marginale dans les logements : les ménages comptant plusieurs femmes mariées (15 % de la population concernée contre 4 % dans les logements), situation dont on sait qu’elle est artificiellement produite par la consigne de regrouper les coépouses.
V. L’entourage des enfants : que capte le ménage censitaire ?
27Adoptons à présent une autre perspective, en nous situant du côté des individus, et en examinant leur réseau relationnel selon l’unité familiale considérée. Notre objectif est à la fois de décrire et de comparer la composition des personnes présentes au sein du groupe domestique et du logement, et d’évaluer dans quelle mesure celle-ci est fidèlement traduite dans les statistiques des ménages censitaires. Nous mettons l’accent sur les enfants (0-12 ans) et sur la place de la parenté proche (parents biologiques, frères et sœurs). Nous avons vu en effet que le modèle nucléaire apparaissait comme une référence dans les recensements nationaux et nous souhaitons évaluer dans quelle mesure il conditionne l’enregistrement fait par les enquêteurs et les enquêtrices.
1. La corésidence avec les parents biologiques
28Les travaux qui traitent de la socialisation des enfants en Afrique subsaharienne rendent compte de l’évolution de l’environnement familial de l’enfant à mesure qu’il ou elle grandit, et montrent un éloignement avec la mère, souvent imposé au moment du sevrage, et un élargissement progressif de son réseau relationnel (Bonnet et al., 2012 ; Erny, 1972, 1987 ; Segalen, 2010 ; Unicef, 1989). Dans ce contexte, les enfants sont rarement élevés par leurs seuls parents biologiques et grandissent souvent auprès d’autres adultes.
29C’est le cas dans la population étudiée. Il n’est pas rare que les enfants vivent éloigné·es de leurs parents, soit du fait d’un confiage, soit parce que leurs parents sont en migration ou décédés. Parmi les enfants de 0 à 12 ans recensé·es au village, la mère ou le père sont absents dans un quart des cas, les deux parents dans un dixième des cas. Même si les parents sont au village, cela ne signifie pas que l’enfant habite avec eux en permanence. Les cadres de socialisation se jouent à deux niveaux : la zun à laquelle le rattachement des parents et des enfants est durable, et le logement qui se dissocie entre enfants et parents quand l’enfant grandit. Ainsi, avec l’avancée en âge des enfants, on observe un net décalage entre le fait d’appartenir à la même zun que ses parents (quasi-systématique jusqu’au début de l’âge adulte) et le fait de cohabiter avec eux (figure 2). La décohabitation s’impose rapidement passée la toute petite enfance. Parmi les enfants dont la mère est au village, 10 % ne dorment pas dans le même logement dès l’âge de 3 ans, 20 % à 10 ans et 50 % à 15 ans. S’agissant du père, la non-cohabitation est encore plus marquée et précoce : 20 % à la naissance, 30 % à 5 ans et 60 % à 15 ans.
30La fréquence élevée de décohabitation enfant/parents montre qu’il s’agit là d’une composante importante du système de socialisation des enfants. Cependant, ce phénomène est totalement invisible des statistiques censitaires sur le ménage. Plutôt que le critère résidentiel, donné dans la définition du ménage, les agent·es recenseur·ses ont visiblement privilégié le regroupement familial en recensant l’enfant auprès de ses parents, dès lors que ceux-ci vivaient au village9 (87 % des enfants sont dans le même ménage que leurs deux parents, 97 % avec, au moins, leur mère). Cela est quasi-systématique pour la mère jusqu’aux 13 ans de l’enfant. La non-cohabitation de l’enfant et sa mère s’apparente à un impensé du recensement.
Tableau 2. Proportion d’enfants ayant des proches (mère, père, sœurs, frères) dans leur zun (%)

Figure 2. Unité familiale des enfants et de leurs parents biologiques selon l’âge de l’enfant (moyenne mobile sur cinq ans)

Source : Slam (Suivi longitudinal au Mali)/Enquête renouvelée, 1988-2009.
2. Des adelphies10 toujours réunies ?
31Si la pratique censitaire est d’inclure dans le ménage parents et enfants, même s’ils ne logent pas sous le même toit, alors on doit s’attendre à des répercussions sur d’autres composantes de l’entourage de l’enfant, notamment sur la place qu’y occupent ses frères et sœurs.
32Pour chaque enfant recensé·e, on compte le nombre de frères et sœurs (de même père ou même mère, et de moins de 18 ans) résidant au village et, dans ce groupe, le nombre de celles et ceux recensé·es, respectivement, dans la même zun, le même logement et le même ménage que l’enfant (tableau 2). L’analyse se limite aux enfants qui ont au moins une sœur ou un frère de moins de 18 ans au village, soit 88 % des 0-12 ans.
33Le tableau 2 donne la répartition des enfants selon leur appartenance à une unité à laquelle se rattache une majorité ou une minorité des membres de leur adelphie. On avait déjà remarqué que la famille nucléaire n’était pas forcément cohabitante en examinant la proportion d’enfants ne dormant pas dans le logement de leurs parents. La mesure est plus nette encore au niveau de la cohabitation des enfants avec leurs frères et sœurs : moins de la moitié (44 %) sont dans un logement qui héberge l’ensemble de leurs frères et sœurs de moins de 18 ans. Cela ne signifie pas une absence d’activités et d’échanges avec ces frères et sœurs qui dorment dans un autre logement : presque toujours (89 %), ils et elles appartiennent à la même zun et se retrouvent pour les repas et les activités qui s’y organisent.
34Ce phénomène de dispersion de l’espace résidentiel des frères et sœurs est mal capturé par les recensements nationaux (tableau 2). Dans la majorité cas (72 % des enfants de 0-12 ans), les adelphies sont recensées dans un même ménage ; les situations où la moitié au moins des frères et sœurs d’un·e enfant est recensée dans un autre ménage du village sont rares (12 % des enfants contre 30 % à l’échelle des logements).
35Finalement, la parenté proche (parents biologiques, frères et sœurs) occupe une place écrasante aussi bien dans le ménage (87 %) que dans le logement (79 %), et bien plus réduite dans les zun (52 %) (figure 3). Mais tous les parents proches ne vivent pas dans un même logement, alors qu’ils sont fréquemment recensés dans le même ménage.
Figure 3. Répartition des enfants (0-12 ans) selon la part des parents proches (mère, père, sœurs et frères de même père ou mère), par type d’unité familiale

Source : Slam (Suivi longitudinal au Mali)/Enquête renouvelée, 1988-2009.
36Les statistiques sur les ménages comparées à celles sur les logements montrent la prégnance du modèle conjugal et des relations de filiation dans la délimitation des ménages. Tout se passe comme si les enfants étaient « rapatriés » auprès de leur mère ou du couple parental, même s’ils dorment ailleurs. Les situations de non-cohabitation entre frères et sœurs, comme celles entre enfants et parents biologiques, sont ainsi gommées. Cette mobilité des enfants est pourtant l’une des composantes clés du mode de prise en charge et d’éducation des enfants en Afrique subsaharienne, associant d’autres acteurs et actrices que les parents biologiques. Mais les recensements nationaux ne permettent ni de l’identifier ni de la mesurer et ne donnent donc pas les moyens de l’analyser.
VI. Angles morts du ménage et oubliés du recensement
37La dimension centrale du ménage dans les recensements est généralement expliquée par des raisons pratiques : c’est la manière la plus rapide et efficace pour obtenir un enregistrement exhaustif de la population. Le caractère exhaustif du recensement doit permettre non seulement un comptage général, mais aussi l’identification des situations atypiques et des individus en position marginale. Mais si, comme l’ont montré nos analyses, le ménage du recensement est une reconstruction de l’unité nucléaire plutôt qu’une photographie neutre de l’unité résidentielle, alors n’y a-t-il pas un risque de sous-enregistrer les situations « atypiques », celles qui ne se conforment pas au modèle nucléaire ? Pour en discuter, on s’intéresse d’abord à certaines formes de cohabitation juvénile, puis aux omissions d’individus sans proche parent au village.
1. Un angle mort : décohabitation parentale et cohabitation communautaire des jeunes
38Chez les Bwa, comme dans d’autres sociétés africaines (Erny, 1987), les Dogon (Bouju, 1984), les Malinkés du Mali (Holten, 2013) ou les Jola de Guinée-Bissau (Journet-Diallo, 2007), la sortie de l’enfance s’accompagne de l’insertion dans de nouveaux espaces de socialisation, d’une distance avec les parents proches et de l’accès à certaines formes d’autonomie. Il est ainsi classique que les jeunes garçons se regroupent pour dormir entre amis dans une même habitation, tout en continuant à rejoindre leurs parents pour les repas et les activités agricoles au sein de la zun. Pour les filles, le principe d’autonomie est moins bien accepté et, si elles quittent le domicile parental, c’est plus souvent pour s’installer, éventuellement avec l’une ou l’autre amie, auprès de leur grand-mère ou d’une autre femme âgée.
39Ces formes de cohabitation et d’organisation sociale de la jeunesse, qui lui permettent à la fois de faire allégeance à l’institution familiale et de ménager un espace de socialisation entre pairs plus libre, échappent presque complètement aux recensements nationaux (tableau 3). Elles sont en revanche bien capturées par l’approche qui privilégie le logement comme unité de collecte dans les recensements locaux : 61 % des garçons de 15-19 ans vivent dans des « maisons de jeunes » et 16 % des filles de 10-14 ans vivent avec une femme âgée. De son côté, le recensement national n’enregistre dans les ménages que 3 % de filles de 10-14 ans vivant avec une vieille femme. L’écart est encore plus considérable pour les garçons de 15-19 ans : d’après les statistiques du ménage, moins d’un sur dix vit dans une maison de jeunes.
Tableau 3. Proportion de jeunes vivant dans des configurations particulières, par groupe d’âges (%)

40Dès lors, dans quel ménage recense-t-on ces jeunes ? Le manuel de l’agent·e recenseur·se donne comme consigne d’enregistrer les jeunes célibataires qui cohabitent sans gestion commune des besoins alimentaires comme autant de ménages d’une personne (encadré 1). Cependant, cette consigne n’a visiblement pas été appliquée : aucun jeune homme célibataire n’est recensé dans un ménage d’une personne. Notre corpus de données apparie les données individuelles des recensements nationaux et locaux et permet ainsi d’examiner à quels ménages ont été affectés les adolescents recensés dans les maisons de jeunes lors du recensement local réalisé à quelques mois d’intervalle du recensement national.
41Sans ambiguïté et en cohérence avec nos résultats sur le sur-enregistrement de la corésidence parent/enfant, le recensement national enregistre massivement ces jeunes auprès de leurs parents biologiques si ceux-ci sont présents dans le village. Seuls 17 % des garçons qui dorment dans une maison de jeunes sont enregistrés dans un ménage de ce type. Sinon, si leur mère est au village, c’est dans le ménage de cette dernière qu’ils sont presque toujours recensés (96 %). Le même phénomène s’observe pour les filles qui dorment auprès d’une femme âgée : dans 85 % des cas, cette configuration, observée au niveau du logement, ne se retrouve pas à l’échelle du ménage et c’est auprès de la mère (92 %) et/ou du père (88 %), s’ils sont au village, que ces filles sont enregistrées.
42On constate ainsi une nouvelle fois que les pratiques et configurations familiales qui s’éloignent du modèle de la famille nucléaire et de la corésidence parents/enfants ont peu de chance d’apparaître dans les statistiques sur les ménages. Même quand ils font partie des pratiques courantes (comme les maisons de jeunes), les arrangements résidentiels « non attendus » ont tendance à être gommés, corrigés par la réaffectation des individus dans le ménage de leurs parents proches. Il devient dès lors hasardeux de s’appuyer sur les statistiques de ménages pour analyser les arrangements résidentiels.
2. Des omissions sélectives ?
43Le risque d’omission des individus dont le statut est atypique ou incertain, comme les personnes isolées, socialement ou physiquement, est bien connu. Ainsi, Gilles Pison (1982) a fait état, dans son étude des Peuls Bandé du Sénégal, du sous-enregistrement des femmes âgées remariées ne vivant pas avec leur mari, ainsi que des enfants dont l’union des parents a été rompue par décès ou divorce. Douglas Ewbank (1981) mentionne quant à lui le risque d’omission plus élevé des personnes vivant seules et de celles qui, comme les personnes non-apparentées, ont un statut particulier dans le ménage. Nous avions nous-mêmes constaté, sur les données des recensements de 1976, 1987 et 1988 de la zone étudiée, une omission plus marquée pour les enfants confié·es au village et les femmes veuves ou divorcées (Hertrich, 1991)11.
44Compte tenu de la place centrale accordée à la cellule nucléaire dans la délimitation des ménages par les recensements nationaux, on peut se demander si cela joue sur le risque d’omission de certains individus, en particulier ceux qui ne se rattachent pas à une telle configuration.
45Pour en juger, les taux d’omissions pour différentes catégories d’adultes et d’enfants sans parents proches au village sont estimés dans les recensements nationaux (questionnaire ménage) et des recensements locaux (questionnaire logement). Les omissions12 sont sans doute légèrement sous-estimées car identifiables seulement parmi les individus recensés à l’un au moins des neuf recensements du projet (1976-2009). Cette limite s’applique aussi bien aux recensements nationaux que locaux, et ne devrait donc pas entamer la comparaison.
46Les taux d’omission en population générale sont d’un niveau très acceptable : 5,6 % pour les recensements nationaux et 3,6 % pour les recensements locaux13 (tableau 4). Pour les adultes et les enfants qui ont leurs parents proches au village, les taux d’omission sont peu différents entre les types de recensements. La situation est différente pour les autres : le risque d’omission est plus élevé quel que soit le recensement, et des différences marquées apparaissent entre recensements nationaux et locaux. Ainsi, un·e adulte sans enfant au village ou une femme sans époux présent sont 12 à 14 % à ne pas être enregistré·es par un recensement national, alors que pour ces dernières, le taux n’est que de 4 % par un recensement local. L’écart est plus spectaculaire encore pour les enfants dont l’un au moins des parents n’est pas au village : 26 % ne sont pas saisis par les recensements nationaux contre 6 % par les recensements locaux. Ces catégories sont minoritaires (12 % pour les enfants de 0-12 ans sans leurs deux parents, 11 % pour les adultes sans enfant au village), et un taux d’omission, même élevé, affecte assez peu leur poids dans la population générale. En revanche, ces omissions sélectives vont peser sur la connaissance de ces groupes, et ainsi peut-être sur les programmes sociaux ciblés dont ils pourraient bénéficier. En effet, il est vraisemblable que les individus qui sont omis au sein de ces catégories minoritaires se distinguent aussi par leurs caractéristiques socioéconomiques ou leur mode de vie, par exemple une plus grande vulnérabilité ou un plus grand isolement.
Tableau 4. Taux d’omission dans les recensements selon la présence ou non de proches (parents, enfants, conjoint) au village (%)

47Le fait que les recensements nationaux aboutissent à des omissions beaucoup plus fréquentes que les recensements locaux pour ces catégories minoritaires (alors que les écarts sont faibles pour les groupes majoritaires) trouve une explication logique dans l’attention portée à la cellule nucléaire dans la délimitation du ménage : un individu sans conjoint·e ou enfant au village a moins de chance d’être cité et rapatrié dans un ménage nucléaire, et risque donc d’être omis. Bien souvent, ces personnes ne sont pas des membres « réguliers » de la famille, ce sont par exemple des écoliers et écolières et autres enfants confié·es, des enfants issu·es de grossesses préconjugales, des femmes veuves ou divorcées revenues dans leur village d’origine. Dans ces cas, le zunso ne pensera pas toujours ou ne s’autorisera pas spontanément à les citer comme « ses gens », surtout si l’accent est mis sur les relations de filiation et d’alliance. Des conditions matérielles contribuent aussi à l’omission de personnes isolées, comme parfois l’hébergement d’une personne âgée dans un logement éloigné ou délabré. On voit ici que la focale mise sur les relations entre conjoints et entre parents et enfants n’est pas seulement préjudiciable à l’analyse des arrangements résidentiels, elle a aussi comme effet de renforcer l’omission des individus en position marginale et donc, finalement, d’aller à l’encontre du principe primordial du recensement : prendre en compte tout un chacun, quel que soit son statut. C’est pourtant au nom de ce principe que le recours au « ménage résidentiel » est généralement présenté comme incontournable.
Conclusion
48La réflexion méthodologique développée dans ce chapitre n’a pas pour objectif de proposer des protocoles ou des outils de collecte nouveaux sur les structures familiales. Il est de partir de l’existant – les données sur les ménages des recensements et enquêtes nationales – et d’évaluer dans quelle mesure et avec quelles limites ces données permettent de décrire l’environnement familial des individus, bien qu’elles n’aient pas précisément été collectées dans ce but.
49Ce chapitre a mis la focale sur une zone rurale du Mali, où l’on dispose de conditions quasi expérimentales pour comparer les ménages des recensements nationaux aux unités familiales reconnues par les villageois (groupe domestique et logement). Il apparaît que les statistiques censitaires sur les ménages ne rendent compte ni des arrangements économiques familiaux, ni des arrangements résidentiels observés au sein de cette population. Nous avons cherché à identifier les mécanismes qui produisent les discordances, et à évaluer les biais qu’ils introduisent dans l’analyse de l’environnement familial des individus. Quatre résultats peuvent être soulignés.
Complexité des arrangements familiaux locaux
50En premier lieu, les incohérences entre le ménage du recensement et les unités familiales observées dans les villages sont en partie expliquées par la complexité des arrangements familiaux locaux. En effet, le groupe domestique (zun), central en termes de décision et de prise en charge économiques, ne correspond pas à une unité d’habitation ; ses membres se répartissent généralement dans plusieurs logements éloignés les uns des autres. Les deux espaces familiaux ont des morphologies extrêmement contrastées : unités englobantes, de grande taille, souvent polynucléaires pour les zun ; unités de petite taille, ne comptant jamais plus d’un couple pour les logements. La situation est donc déroutante pour un enquêteur ou une enquêtrice qui s’attendrait à une unité familiale bâtie sur des relations de parenté et qui centraliserait fonctions économiques et corésidence. La zun n’est pas ajustée à la définition du ménage telle qu’elle existe dans le recensement malien. Même si les agent·es recenseur·ses connaissent la réalité locale, leur formation les conduit à enregistrer des ménages qui correspondent à des « critères statistiques » bien spécifiques (Randall et al., 2015). Les villages bwa étudiés sont sans doute un cas d’école en termes de complexité familiale, mais on se tromperait en pensant qu’il s’agit d’une exception : les monographies ethnologiques rendent compte d’unités familiales aux arrangements résidentiels, économiques et de parenté très variables, contrastant de fait avec la perspective simplificatrice d’une unité qui les engloberait tous. Citons par exemple les Dogons du Mali (Bouju, 1984), où une même exploitation familiale peut réunir des individus localisés dans des concessions différentes, où il est classique que les femmes ne rejoignent leur mari qu’après la naissance de deux ou trois enfants, et où les maisons de jeunes sont fréquentes. À l’opposé, chez les Sereer du Sénégal, la concession englobe plusieurs unités économiques, sans que la partition ne se superpose à celles des logements qui la composent (Gastellu, 1980 ; Guigou, 1992). Chez les Watchi du Togo, l’espace familial résidentiel est organisé à trois niveaux : la case, dirigée par les femmes ; la cour qui réunit les femmes ayant un lien conjugal avec un même homme (vivant ou décédé) ; la maison, qui inclut la famille paternelle d’une ou plusieurs cours (Hamberger, 2011).
Un ménage préformaté sur le modèle nucléaire
51Une deuxième explication à l’écart entre le ménage censitaire et les structures familiales locales tient à la concurrence entre deux critères de délimitation du ménage donnés dans le manuel de l’agent·e recenseur·se : d’un côté, la définition du ménage met l’accent sur le critère résidentiel (« même toit »), de l’autre, les consignes et exemples mettent l’accent sur la configuration nucléaire (« un chef de ménage, sa ou ses épouses et leurs propres enfants non mariés, avec éventuellement d’autres personnes avec ou sans lien de parenté »). Avant même la collecte, l’agent·e recenseur·se est orienté·e vers les configurations familiales à trouver. Nos analyses montrent que le ménage ne se superpose pas à l’unité d’habitation saisie par les recensements locaux et que le modèle nucléaire est extrêmement prégnant dans la configuration du ménage. On constate un processus de reconstruction du ménage sur le modèle nucléaire : tout se passe comme si l’agent·e recenseur·se redistribuait la parenté proche non corésidente, en réunissant les époux et en rapatriant les enfants auprès de leurs parents. Ainsi, même si le ménage censitaire se rapproche à certains égards du logement (petite taille en comparaison de la zun, absence de polynucléarité), il s’en écarte dans sa composition : d’une part le logement ne réunit qu’une partie de la cellule nucléaire alors que le ménage l’absorbe plus complètement, d’autre part il comprend aussi des configurations sans aucune base nucléaire, dont la plupart échappent au ménage censitaire. Aussi, la réalité du terrain diffère de la définition utilisée pour décrire le ménage dans les recensements nationaux.
Les champs aveugles de l’observation
52Il convient donc de prendre du recul avec l’idée que le concept classique de « ménage » correspond à une unité résidentielle. En fait, et sans que cela soit propre au Mali, la délimitation du ménage tient sans doute moins à sa définition officielle, qu’aux exemples et consignes figurant dans les manuels de terrain. On ne peut pas espérer examiner la fréquence d’une configuration familiale ou d’un type de corésidence (par exemple entre parents et enfants) si celle-ci est comprise a priori comme la « structure de référence » du ménage. Ainsi, dans la population étudiée, la position centrale de la cellule nucléaire dans le ménage est en grande partie un artefact : elle relaie une représentation plutôt que la réalité des arrangements résidentiels. Par là même, elle occulte également des pratiques qui font partie de l’organisation des rapports entre sexes et entre générations. En analysant l’entourage des enfants, on constate ainsi que le regroupement familial de l’enfant avec sa mère ou ses deux parents, ainsi qu’avec ses sœurs et frères, est quasiment systématique dans le ménage censitaire, alors que l’occupation des logements atteste au contraire d’une non-cohabitation fréquente. La « dispersion » des enfants dans plusieurs logements et la non-cohabitation d’une femme avec ses enfants ressemblent ainsi à des « impensés » dans le recensement national. Non seulement l’assimilation du ménage à la cellule nucléaire produit l’effet d’un miroir déformant des configurations familiales, mais elle a aussi pour effet de « raboter » et de réduire le champ de l’observation, et finalement de négliger les situations les moins attendues. Ainsi, la cohabitation entre pairs, qui concerne six adolescents sur dix dans les villages étudiés, n’a aucune visibilité dans le recensement des ménages.
Les omissions sélectives : un enjeu qui dépasse la problématique de la famille.
53La centralité du modèle type de la famille nucléaire a aussi des répercussions indirectes en termes d’efficacité à identifier et recenser les individus qui sont en position plus marginale. Très clairement, on constate un risque d’omission nettement plus élevé pour des individus qui ne se rattachent pas directement à une cellule nucléaire, comme les enfants dont ni la mère ni le père ne sont au village, ou encore les femmes sans enfant ni conjoint présents. Les enjeux autour de la définition et de la délimitation du ménage dépassent donc les problématiques de sociologie de la famille ; ils touchent aussi aux fondamentaux du recensement, en l’occurrence sa capacité à recenser l’ensemble de la population, y compris ses éléments les moins intégrés ou « laissés-pour-compte ».
Plaidoyer pour une définition du ménage comme simple unité résidentielle
54En engageant cette recherche, nous comptions mettre en avant les limites d’une approche des configurations familiales par le ménage censitaire, mais aussi identifier des questions que ces données permettaient d’aborder avec une marge d’imprécision acceptable. Nos analyses conduisent finalement à plus de circonspection. Il s’avère en effet extrêmement difficile de départager dans les statistiques sur les ménages ce qui traduit la réalité de ce qui résulte du modèle familial présent, en sourdine, dans le protocole de collecte et les critères de définition. A minima, un examen détaillé des consignes de collecte (et non seulement des définitions) est donc indispensable à toute exploitation de données censitaires sur le ménage : celles-ci contraignent et paramètrent considérablement le champ d’observation et donc les questions qui peuvent être traitées. Cette règle vaut à plus forte raison en cas d’analyse comparative : des différences entre pays peuvent traduire la variabilité des consignes bien plus que des différences dans les arrangements résidentiels.
55Une approche fine des arrangements familiaux nécessite une réflexion sur les catégories locales ainsi que des dispositifs de collecte particuliers, par exemple qui permette d’identifier et lier les individus qui vivent dans des logements différents. C’est d’autant plus important étant donné la grande diversité des arrangements familiaux dans les populations d’Afrique subsaharienne. Les Bwa ne sont pas uniques quant à leur organisation et d’autres groupes ethniques peuvent avoir des arrangements familiaux au moins aussi complexes, comme on l’a souligné pour certains groupes dogons, serers et watchi. Mais cela semble hors de portée des recensements nationaux, qui sont réalisés dans un temps limité et dont le principal objectif est de recenser la population à partir d’un nombre limité de questions sur le logement et les caractéristiques des individus.
56Pour autant, un ajustement simple pourrait, à notre avis, contribuer à de meilleures conditions d’objectivation des ménages sans alourdir le recensement et en respectant ses priorités que sont l’enregistrement exhaustif et sans double compte. Il s’agirait de limiter la définition du ménage à un critère simple, qui ne prête ni à confusion, ni à interprétation : celui du logement, unité de base du recensement. Bien que le logement soit un proxy insatisfaisant de la famille, l’enregistrement à l’échelle de l’unité résidentielle est un moyen efficace pour compter tous les personnes résidentes. Cumuler plusieurs critères pour définir l’unité d’observation (logement, partage des ressources, relation de parenté…), comme on l’observe dans de nombreux pays, ou ajouter des consignes particulières et des dérogations à la règle de base, comme au Mali, est forcément hasardeux et facteur d’hétérogénéité dans les pratiques d’enquête de terrain. Comme Beaman et Dillon (2012) l’ont montré dans le cas du Mali, recourir à plusieurs critères pour définir le ménage, déforme sa description. Dans l’esprit des statisticien·nes et démographes, le ménage est classiquement assimilé au logement : notre proposition est de revenir à cette définition élémentaire, dont les pratiques censitaires se sont éloignées. L’avantage de cette simplification serait de capturer des situations effectives et clairement définies, sans prétendre rendre compte des fonctions qui leur sont associées et qui varient selon les contextes. Bien entendu, cette proposition n’améliorera pas la capacité des recensements à étudier ou comparer les arrangements familiaux. Le logement est une unité résidentielle, mais pas une unité pertinente pour analyser les familles. Toutefois, les analyses montrent que le recensement du logement plutôt que du ménage conjugal, est plus efficace pour répondre à l’un des premiers objectifs du recensement : enregistrer tous les individus résidents, y compris ceux qui occupent une position sociale ou familiale marginalisée. Si nous admettons que les ménages du recensement, tels qu’ils sont actuellement collectés, sont une source de données imparfaite pour étudier les arrangements familiaux dans les pays d’Afrique subsaharienne, le mieux à faire est d’améliorer le processus de collecte de données pour définir le ménage comme une unité résidentielle, et rien d’autre, en particulier si l’objectif est d’enregistrer chaque personne, en conformité avec l’un des objectifs de développement durable des Nations unies de « ne laisser personne sur le bas-côté ».
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Annexe
Annexes
Tableau A1. Effectifs des résidents (total et 0-12 ans) et des unités familiales (avec des enfants de 0-12 ans) aux différents recensements

Tableau A2. Taille et structure des unités familiales (zun, logement, ménage) selon l’année du recensement

Notes de bas de page
2 Nous reprenons ici le terme statistical household proposé par van de Walle (1986) et repris par de nombreux auteurs et autrices pour parler du ménage comme unité de collecte du recensement, limitée aux résident·es et rattachant chaque individu à un ménage et à un seul.
3 L’Enquête démographique et de santé (EDS) de 2006, l’Enquête légère intégrée auprès des ménages (Elim) de 2006 et le recensement agricole de 2005.
4 Cf. par exemple, les travaux du collectif Amira (Amira, 1987 ; Gruenais, 1981 ; Gastellu, 1980 ; Gastellu et Dubois, 1997) sur l’opposition entre les approches « par le haut » (standardisées et à vocation comparative) et « par le bas » (fidèles aux réalités locales) des unités familiales.
5 Nous nous sommes limité·es à la période pour laquelle on dispose simultanément de recensements nationaux et locaux, c’est pourquoi les données du recensement national de 1976, également disponibles, n’ont pas été traitées.
6 En revanche, les zun n’ont pas de délimitation spatiale et ne sont pas directement visibles. Lors du recensement local, une question a été posée sur l’identité du responsable familial (zunso) de chaque individu, pour reconstituer, dans un second temps, la composition des zun (individus dépendant du même zunso).
7Les recensements nationaux enregistrent également les concessions (regroupements de constructions, éventuellement clôturés). Dans les villages étudiés, la plupart des concessions recensées, qui réunissent 73 % de l’ensemble des individus, ne comprennent qu’un seul ménage, nous n’avons donc pas développé d’analyse sur cette unité.
8 On trouvera des illustrations cartographiques de l’éclatement résidentiel des zun dans Hertrich, 1996 (p. 46 et p. 350).
9 La présence du père dans le village concerne 81 % des enfants, celle de la mère 85 %, au moins le père ou la mère 90 % et les deux parents 77 % des enfants.
10 L’adelphie désigne l’ensemble des enfants d’une même famille, frères (fratrie) et sœurs (sororie).
11 Pour limiter ces distorsions, les protocoles de recensement et d’enquête fournissent généralement un ordre d’enregistrement des membres du ménage, destiné à couvrir les différentes catégories de relation possibles. Dans les recensements nationaux du Mali de 1987 et 1998, 6 catégories étaient listées, comprenant le chef de ménage (1), ses enfants sans présence de mère (2), chacune de ses épouses présentes, suivies de leurs enfants célibataires (3), des apparentés aux membres du ménage (4), des domestiques (5) et des visiteurs (6). En 2009, cette liste a été élargie à 12 catégories, avec un éclatement du groupe (4) des apparentés en 7 catégories précisant les liens de parenté. Dans les recensements locaux, les habitant·es du logement ont été enregistré·es sans ordre prédéfini, tout en posant une question finale sur l’oubli éventuel d’enfants confié·es ou de personnes dépendant d’une autre zun.
12 Pour qu’un individu soit considéré comme omis au recensement t, il faut qu’il ait été enregistré par l’un au moins des neuf recensements de notre projet (1976-2009), qu’il n’ait pas été enregistré par le recensement t mais qu’on ait des informations (fournies par l’intéressé ou sa famille) mentionnant qu’il était bien présent au village à cette date.
13 Le taux d’omission varie entre 3,9 et 8,3 % pour les recensements nationaux, et de 2,3 à 4,4 % pour les recensements locaux. Les recensements locaux ayant été réalisés dans le cadre d’un projet à petite échelle, encadré par des chercheurs et chercheuses, il est logique qu’ils aient un niveau d’omissions un peu plus faible.
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