Chapitre 21
À propos de tables
Une correspondance inédite entre Quetelet et Bertillon (1856-1873)
p. 609-642
Texte intégral
1Entre Adolphe Quetelet et Louis-Adolphe Bertillon se noue une relation de Maître à élève fortement dissymétrique, que l’on peut analyser sur la base de deux types de traces écrites, des publications et des correspondances. Dans ses travaux, Bertillon cite Quetelet plus souvent que Quetelet ne cite Bertillon, et dans les lettres que nous avons retrouvées, il écrit à Quetelet plus souvent que Quetelet ne lui écrit (dix lettres contre sept, les premières en moyenne plus longues). Les lettres conservées témoignent du développement d’une relation qui passe par trois stades.
2Dans une phase de prise de contact, de 1856 jusqu’au début des années 1860, Bertillon, se définissant comme un « jeune amant de la statistique », envoie ses œuvres à Quetelet en lui faisant part de son admiration pour le « premier statisticien de l’Europe ». Les deux hommes ne se sont probablement jamais rencontrés : Bertillon n’a pas participé au Congrès international de statistique de Bruxelles en 1853 ; en 1855, Quetelet, qui vient de subir la crise d’apoplexie (ou accident vasculaire cérébral) qui le laissera diminué, n’est pas venu à Paris pour le second de ces congrès1 ; et il semble que Bertillon n’ait participé à aucun des congrès de statistique ultérieurs. Mais, en 1860, Bertillon est nommé membre correspondant de la Commission centrale de statistique auprès du ministère de l’Intérieur de Belgique, présidée par Quetelet.
3Vient ensuite, à partir de 1862, le temps de discussions techniques assez amicales à propos des tables de mortalité. Bertillon fait part à Quetelet d’interrogations qui portent principalement sur la distinction entre ce qu’il appelle « coefficient de mortalité » et « dîme mortuaire » – soit respectivement « taux de mortalité » et « quotients de mortalité » selon la terminologie qui prévaudra ensuite2. Il relève aussi, dans sa lettre de février 1863, des « négligences typographiques » qui ont « défiguré » l’article de Quetelet « Sur les tables de mortalité et de population » (Quetelet, 1853). Quetelet répond en acceptant d’entrer en détail dans des analyses statistiques. Il fait part à son correspondant des « sentiments affectueux » qu’il éprouve dorénavant pour lui.
4Enfin, de 1870 à 1873, la collaboration entre les deux hommes s’approfondit, et devient d’autant plus difficile. Quetelet formule une demande auprès de Bertillon à propos, cette fois, de l’élaboration d’une table de mortalité française détaillée qu’il souhaite publier dans une étude comparative. Lors du Congrès international de statistique de La Haye en 1869, il s’est engagé à couvrir la partie « Tables de mortalité » du « programme d’une statistique internationale » adopté par les congressistes, et sollicite les statisticiens de sept pays européens3, dont Bertillon pour la France. En mai 1870, ce dernier lui envoie la première table de mortalité de pas annuel jamais élaborée pour la France sur la base de l’état civil et des recensements de population. Quetelet intègre la table en question dans le rapport « Sur les tables de mortalité et de population » qu’il présente au congrès suivant, tenu à Saint-Pétersbourg en 1872 (Quetelet, 1872). Bertillon est remercié à deux reprises dans ce texte, mais ses lettres à Quetelet et les annotations qu’il porte sur son exemplaire personnel sont empreintes d’amertume : il estime que les brèves mentions de son nom dans le rapport ne sont pas à la hauteur de l’effort qu’il a fourni. Dans l’exposé de ses travaux scientifiques qu’il fait imprimer en 1875 en vue de sa nouvelle candidature (encore une fois infructueuse) à l’Académie de médecine, il mentionne sous le n° 49 des « Tables de survie ou de mortalité, dressées pour la France (période 1840-1859) et par sexes, sur la demande du regretté Quetelet […] Ces tables ont été insérées par lui dans le Bulletin de la Commission centrale de statistique belge, 1872 [Quetelet, 1872]. C’est un long travail sous un bien petit volume » (1875a, p. 23).
5Bertillon regrette que Quetelet ait ignoré plusieurs de ses suggestions.
6Premièrement, il préfère l’expression « table de survie », introduite par Achille Guillard, à celle de « table de mortalité », cette dernière prêtant à confusion avec « table mortuaire », simple distribution selon l’âge au décès. Quetelet maintient « table de mortalité ».
7Deuxièmement, Bertillon accorde de l’importance à la distinction qui, selon une terminologie qui ne se stabilisera que bien des années plus tard, oppose taux et quotients de mortalité ; Quetelet n’ignore pas cette distinction, mais la trouve trop ésotérique pour qu’il en fasse grand cas dans sa publication.
8Et enfin, Bertillon sait que la distinction entre vrais et faux mort-nés (enfants nés vivants mais déclarés morts à l’état civil) n’est mise en œuvre qu’en Suède et ne l’a été que temporairement en Belgique ; dans la table française communiquée à Quetelet, il a ajouté au total des naissances vivantes déclarées une estimation de l’effectif des faux mort-nés, calculée en supposant que leur proportion soit la même qu’en Belgique. Les morts des premiers jours sont nombreuses et ce sont les naissances vivantes qui constituent la racine des tables, donc le correctif apporté par Bertillon rend toute la mortalité française significativement plus rapide. Quetelet a la légèreté de publier les chiffres de Bertillon en glissant sur le fait que la comparaison avec les autres pays (Suède et Belgique exceptées) s’en trouve biaisée4.
9La mort de Quetelet, début 1874, vient mettre un terme à des échanges qui avaient viré à l’aigre-doux. « Jeune amant de la statistique », Bertillon avait voué à Quetelet une grande admiration ; en collaborant avec son « maître », il était passé à des sentiments plus mitigés. Pour Jean-Jacques Droesbeke et Gilbert Saporta, le secret de Quetelet « tient en grande partie aux qualités de sa personne et de sa méthode qui privilégient la synthèse sur l’analyse, le sens pédagogique à la rigueur de la formule » (Droesbeke et Saporta, 2013, p. 6). En tentant d’entraîner Quetelet sur le terrain d’échanges détaillés à propos de questions d’analyse démographique, Bertillon a constaté que son Maître était moins attaché que lui à « la rigueur de la formule ». Il en a éprouvé une très vive déception.
10La correspondance transcrite ici provient principalement du fonds Quetelet de l’Académie royale de Belgique, dont Liliane Wellens de Donder a établi l’inventaire (Wellens de Donder, 1966). 5. Les cinq lettres de Quetelet sont des « minutes », c’est-à-dire des brouillons conservés par lui ; on ne sait pas si les courriers effectifs, qui ont probablement disparu, s’en écartaient ou non. À ce corpus bruxellois, nous ajoutons deux lettres de Quetelet retrouvées dans les archives familiales des Bertillon. Bien que le non-recouvrement entre le fonds de l’Académie royale et les deux lettres conservées par les Bertillon indique que ces deux ensembles sont, l’un comme l’autre, incomplets, la série publiée ici ne présente pas de lacune évidente.
11L’écriture de Quetelet n’étant pas facile à déchiffrer, quelques mots sont restés illisibles (signalés entre crochets). Les dix lettres de Bertillon conservées par Quetelet ne présentent pas de difficultés de lecture, mais comportent des fautes d’orthographe que nous avons corrigées sans juger utile de les relever. Toutes les lettres de Bertillon sont postées de Paris, celles de Quetelet de Bruxelles.
12A. C.
***
Bertillon à Quetelet, le 3 février 18566
13Monsieur,
14Permettez à un jeune amant de la statistique qui a puisé dans vos livres l’idée du grand avenir de cette science de vous remercier de l’initiation à cette science qu’il espère avoir trouvée dans vos ouvrages malheureusement fort rares dans les bibliothèques françaises.
15Vous verrez, si vous daignez jeter les yeux sur ma thèse, que j’ai reproché cette lacune à la bibliothèque de la Faculté de médecine, reproche vain hélas7 !
16Monsieur Marc d’Espine me fait espérer que la Belgique se propose de mettre de suite à exécution les vœux du congrès touchant la statistique des causes de décès.
17C’est là, Monsieur, une entreprise qui fera le plus grand honneur à la Belgique et surtout à l’illustre savant qui la fait marcher la première par ses si remarquables publications statistiques.
18Si la Belgique organise la statistique des causes de décès, la France sans doute ne voudra pas rester en arrière. Mais sans votre initiative je doute que les efforts des quelques et rares médecins qui ici comprennent l’importance de la statistique dans les sciences médicales suffisent pour vaincre l’inertie administrative.
19Agréez, Monsieur, l’expression de ma haute considération pour le premier statisticien de l’Europe.
20[P.S.] Je joins à mes divers envois un n° de journal de médecine pour vous prouver que votre admirateur cherche à répandre dans le public médical votre science de prédilection8.
Bertillon à Quetelet, le 24 novembre 1857
21À Monsieur Quetelet, président de la commission centrale de la statistique belge, Bruxelles
22Monsieur et savant Maître,
23Vous êtes un des plus illustres pères de la statistique moderne, c’est dans vos ouvrages, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous l’écrire, que j’ai puisé l’amour de cette science et compris ses hautes destinées ; il est donc naturel que je vous prie d’agréer les résultats de mes premiers essais ; s’ils ont quelque valeur ils la doivent à la source dont ils se sont inspirés et ma plus désirable récompense serait qu’ils vous paraissent mériter un moment votre attention et votre appréciation, mais juste, sévère, comme un élève qui veut s’instruire la sollicite d’un Maître dans le haut savoir duquel il a toute confiance.
24Agréez, Monsieur, les témoignages de ma plus parfaite considération. C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai appris votre présence au congrès de Vienne, puisque cela m’a annoncé que votre santé avait recouvré sa solidité.
25Bertillon
26Demeurant l’hiver à Paris, rue Blanche, 91.
Bertillon à Quetelet, le 7 février 1862
27Le Dr Bertillon, membre correspondant de la comm[ission centrale de] statistique [de Belgique], à son Président Mr Quetelet.
28Monsieur et très honoré Maître,
29Quelques discussions se sont élevées au sein de la Société de statistique de Paris sur la valeur et l’utilité, dans la statistique humaine, des différents rapports que l’on a eu la fâcheuse idée (selon moi) d’assimiler à la vie moyenne ; tels les rapports ou
ou, comme Charles Dupin9 ,
, ou encore l’âge moyen des décédés calculé sur une mortuaire ordinaire, telle que nous la fournit l’état civil. Le désir que j’ai d’éclaircir ces questions pour moi et pour les autres (car il me paraît que beaucoup de statisticiens, fort peu mathématiciens, embrouillent et confondent toutes ces valeurs) et aussi mes travaux entrepris sur la population française, m’obligent nécessairement à parfaitement comprendre votre savant mémoire inséré dans le t. V du Bulletin de la com. statis. que vous présidez10. Je crois bien comprendre votre travail dans son ensemble, et il me paraît irréfragable ; mais dans le détail, il y a quelques valeurs sur la signification précise desquelles j’hésite et cette incertitude m’arrête dans mes travaux d’application et de vulgarisation. Dans cet embarras, j’ose m’adresser à vous, honoré Maître, … la faute en est à vos livres… habitué à les consulter et à les méditer souvent… il n’y a qu’un pas pour passer du livre à l’auteur, et mon embarras m’enhardit à le franchir. Sans plus de préambule je vous expose donc ce qui m’arrête.
30Il s’agit du développement de la méthode pour dresser une table de mortalité (ou de survie, j’avoue que j’aime mieux cette dénomination qui prête moins à la confusion) dans l’hypothèse d’une population quelconque. Ainsi, le premier terme de la série exprimant le rapport des naissances aux décès qui ont cours dans la première année, ne peut être rapproché des rapports suivants entre la population de 1 à 2 ans ; de 2 à 3 ans, etc., et les décès que fournit cette population… et pourtant votre démonstration roule tout entière sur cette série ;
;
, etc. ?
31Je vois bien que vous dites p. 18 de votre mémoire que ces rapports « expriment les probabilités de mourir dans l’année après la naissance, après 1 an, après 2 ans », mais alors les termes N0 , N1 , N2 , etc. seraient le nombre de ceux auxquels il est donné, dans la population
321° de survivre à l’accouchement et de toucher, d’atteindre à la vie = N0
332° de survivre à la 1re année et d’atteindre à la 2e, N1
343° de survivre à la 2e et d’atteindre à la 3e = N2.
35…
36Alors je comprends tout le mémoire deux points exceptés ;
371° Comment le recensement qui ne donne que les individus compris entre 0 et 1 an ; entre 1 an et 2 ans ; etc., peut-il permettre de déterminer le nombre de ceux qui atteignent leur seconde, leur troisième… année. Est-ce par une formule comme la suivante (Pn- exprimant la population comprise entre l’âge n et l’âge n+1 ; et Pn+1 – le nombre de ceux dont l’âge est compris entre l’âge n+1 et l’âge n+2 ; et ces valeurs Pn ; Pn+1 ; etc. ; étant données par le recensement) Nn+1 = 2Pn – Nn déduite de cette autre si connue formule que vous avez jugée trop élémentaire pour être rapportée ?? Cependant on pourrait encore objecter que cette formule a rapport à la population théorique résultant d’une table de survie, et non d’une population de fait, résultat complexe des événements d’un siècle.
38Enfin dans le cas où cela serait le sens de vos formules, je me permettrai, avec tout le respect que l’on doit à un Maître tel que vous, d’observer que si le rapport est bien ce que l’on appelle mortalité en français comme en mathématique ;
doit aussi être la mortalité (de l’âge n à l’âge n+1) et que dès lors ce serait une petite négligence de langage d’appeler aussi mortalité le rapport
qui diffère un peu du précédent.
39Je suis bien persuadé, honoré Maître, que c’est moi qui m’égare… mais il y a quelques lacunes dans mon cerveau… car, avant de me décider à vous écrire, j’ai tourné et retourné cent fois les points qui m’embarrassent sans les pouvoir résoudre ; … et, excité par mes persévérants efforts et enhardi par cette excitation, je laisse là toute timidité et m’adresse au Maître… à notre Maître à tous, persuadé que si sa santé, ébranlée par de rudes épreuves qui nous ont vivement affligés, est un peu remise, il voudra bien m’aider un peu ; s’il doit en résulter pour vous quelques fatigues ou quelqu’ennui, n’en faites rien et agréez les témoignages de ma respectueuse gratitude et admiration pour les services que vous avez rendus à la science et à ceux qui l’aiment.
40Vous dites :
41« Soit N0 le nombre des naissances d’une année
42N1— des enfants de 1 an
43N2— des enfants de 2 ans11. »
44Comme N0 , le premier terme de la série, est constitué par le nombre des naissances, c’est-à-dire par les enfants qui ont tous zéro âge, il est naturel de penser que le 2e terme N1, le 3e N2, etc., sont les enfants qui arrivent à avoir 1 an juste… 2 ans juste, autrement dit ceux qui survivent après leur première année, –– après leur seconde année ; enfin que la série N0, N1, N2, etc. sont les termes successifs d’une table de mortalité (ou survie).
45Mais voilà que vous dites que N1, N2 etc. sont donnés par le recensement !
46Mais alors N1, N2 ne sont pas les survivants à un 1 an révolu, à 2 ans, etc. ; mais la population de 0 à 1 an ; de 1 an à 2 ans ; etc. ; et alors N0 et N1, N2, etc., n’appartiennent pas à la même série ?
47D’autre part je comprends bien que la population de 0 à 1 an, divisée par les décès qu’elle a fournis, d0, âgés aussi de 0 à 1 an, donne la mortalité de sorte que si je représente la population de 0 à 1 an (donnée par le recensement) par P0 j’aurai = la mortalité dans la première année de la vie, ce qu’on pourrait appeler coefficient de mortalité, ou le danger de mort à chaque âge.
48De même
.
49Entendriez-vous autre chose par mortalité ? Comme par exemple le quotient des naissances par les décédés de la première année ? Telle paraît être votre valeur ; cela est pourtant peu probable, et, il me semble, blesserait la langue ; puis ce premier terme admis, ne pourrait être comparé au suivant
, car N1 étant, dites-vous, fourni par le recensement, ne peut être que la population de 1 à 2 ans (ce que j’ai désigné par P1).
50Bertillon
51Paris, rue de Bruxelles 14
Quetelet à Bertillon, le 10 février 1862
52(M. Bertillon, Paris, rue de Bruxelles 14)
53Mon cher collègue,
54J’ai reçu avec reconnaissance la lettre obligeante que vous venez de m’adresser. J’ai toujours mis les relations bienveillantes et12 de courtoisie avant les relations de science et rien que de science. Peut-être ai-je plus que jamais des raisons à parler ainsi : je deviens vieux ; et, après les pertes douloureuses que j’ai faites, je suis moins porté à me jeter au milieu des contestations scientifiques. Je n’y ai déjà que trop paru sans le vouloir. et dernièrement encore, dans les lignes que le bon M. Guillard a bien voulu me consacrer page 184 de votre Journal de la société statistique de Paris13. Vous pourriez voir par Cependant le petit mémoire que je vous envoie montre que jusqu’en 1846, année où notre gouvernement exécuta son 1er recensement, je n’ai jamais regardé la méthode des listes mortuaires que comme défectueuse, page 2. On aurait donc tort de mettre en premier l’essai fait pour exciter notre ministère, à côté des renseignements plus complets publiés depuis.
55Vous voulez bien me demander quelques renseignements sur quelque mémoire de 184614. Je les donnerai avec d’autant plus de plaisir que quelques fautes se sont glissées dans les feuilles pendant l’impression.
56Si je n’ai pas indiqué qu’il faut prendre la moyenne du nombre des enfants de 0 à 1, puis de 1 à 2 ans, de 2 à 3 ans, c’est que j’ai cru que la figure, p. 3 du mémoire de 1846, l’indiquait suffisamment, comme on peut le voir page 5, 1re ligne, et page 12, 9e ligne en remontant. J’ai même eu soin, page 13, ligne 8 et suivantes, de répéter que le fractionnement pour les premières années est nécessaire.
57En passant ensuite à la page 16, j’avoue que j’aurais pu m’exprimer mieux, et ne pas laisser supposer que les mêmes lettres exprimaient exactement les mêmes choses que dans les deux parties précédentes du mémoire. J’aurais dû mettre page 16 :
58« Supposons que
59N0 soit le nombre des enfants de 0 à 1 an,
60N1 ˝ ˝ 1 à 2 ans,
61N2 ˝ ˝ 2 à 3 ans
62N3 ˝ ˝ 3 à 4 ans
63…………………………………………
64Nn ˝ ˝ n à n+1 an
65Soient de plus
66d0 soit le nombre des décès de 0 à 1 an,
67d1 ˝ ˝ 1 à 2 ans,
68d2 ˝ ˝ 2 à 3 ans
69d3 ˝ ˝ 3 à 4 ans
70…………………………………………
71dn ˝ ˝ n à n+1 an
72Le nombre N des naissances, et celui des décès d0, d1, d2, d3, etc., sont donnés par les registres de l’état civil ; et N0, N1, N2, N3, etc., ne peuvent être connus que par le recensement. Cela posé, la mortalité de chaque groupe sera respectivement
73 mortalité de 0 à 1 an,
74 ˝ 1 à 2 ans,
75 ˝ 2 à 3 ans
76…………………………………………
77Maintenant, connaissant la mortalité de chaque âge, il sera facile de calculer ce que deviendra, d’année en année, le nombre N d’individus nés en même temps… »
78Je ne sais si, lors de l’impression, les épreuves ont été corrigées par moi ou par un de mes aides, mais il y a évidemment eu préoccupation pendant l’impression : quelques indications ont été changées.
79Plus loin, vous avez raison de dire que et
ne doivent point être confondus, comme si Nn provenait directement de N. Mais je crois qu’il n’y a pas de crainte à avoir de ce côté, j’ai eu soin de prévenir que les quantités N0, N1, N2, N3, etc., n’ont pas de relations directes entre elles. On voit d’ailleurs (page 17, lignes 11 et suivantes) que j’emploie d’autres lettres N0, N1, N2, N3, etc., pour indiquer les quantités qui sont déduites de N et qui diffèrent de N0, N1, N2, N3, etc.
80J’ai quelque espoir, Monsieur, que ces renseignements pourront vous suffire. J’avoue que depuis l’impression je n’ai plus revu ce travail et que je n’y supposais pas les défectuosités d’impression que vous voulez bien m’indiquer. Je vous prierais de ne pas publier cette lettre ; je vous saurais gré cependant d’indiquer les fautes d’impression à ceux qui pourraient être arrêtés par elles ; je ne vois même aucune difficulté à ce que vous disiez que ces corrections vous ont été indiquées par moi. Je voudrais seulement, comme étranger à la France, rester entièrement en dehors de ce qui occupe maintenant la Société de statistique.
81M. Heuschling, qui m’a souvent parlé de vous, mon cher collègue, aura pu vous dire quelques mots du projet de faire une statistique sommaire entre toutes les nations civilisées. C’est un premier pas que nous allons tenter. Les commencements sont toujours les plus difficiles, j’espère cependant que nous réussirons. M. Legoyt a bien voulu se charger du travail français. M. Heuschling et moi nous avons pris l’obligation de veiller à l’impression du tout15.
82Je suis très charmé des relations que cette petite difficulté scientifique a établies entre nous et je vous prie de recevoir l’expression de mes sentiments les plus distingués et les plus affectueux.
83Rappelez-moi je vous prie au souvenir de mon excellent ami M. Villermé16.
Quetelet à Bertillon, le 21 mars 1862
84Mon cher collègue,
85Votre lettre, et j’en éprouve bien du regret, est restée sans réponse jusqu’à présent. Mon désir cependant était de chercher à satisfaire à votre demande. Mais jusqu’ici je me suis trouvé absolument dans l’impossibilité de le faire. Outre mes occupations à l’Observatoire, à notre académie et à l’école militaire où j’ai dû reprendre mon cours de géodésie pour nos sous-officiers, je me suis tout à coup trouvé engagé dans les occupations les plus tristes et les plus pénibles pour un astronome. Je suis dans la nécessité de lutter avec toute l’énergie possible contre notre régence et contre notre ministère qui [deux mots illisibles] une partie du jardin de l’Observatoire. Je ne voulais pas vous parler de détails aussi affligeants mais je crois devoir cependant le faire pour expliquer mon silence.
86Je n’ai plus sous les yeux les anciens papiers sur lesquels j’avais basé mes premiers calculs, en sorte qu’il me serait nécessaire de les rechercher pour satisfaire à votre demande ; et comment les retrouver en supposant qu’ils existent encore. Je ne puis que vous prier, Monsieur, d’avoir égard au surcroît de travaux qui m’accable en ce moment Je voudrais par tous les moyens satisfaire à votre demande mais la chose m’est impossible. Je crains même de m’être trompé déjà dans ma lettre précédente, en vous laissant supposer que je n’avais pas fait usage du nombre des naissances dans mes calculs. Le désir de vous répondre m’a peut-être exposé à des inexactitudes que je vous prierais de me passer.
87J’ai vu dans le dernier numéro du Journal de statistique de Paris que vous vous étiez exprimé avec obligeance sur ce qui me concerne17 : je ne puis que vous en remercier, car je n’avais pas mérité cette obligeance par ma réponse incomplète, et néanmoins je me trouve dans la nécessité de [illisible]. Croyez donc, je vous prie, que si je ne réponds pas comme je le désire, mon silence tient à une cause malheureuse que je ne puis écarter.
88Veuillez, en m’excusant, agréer les affectueuses…
Quetelet à Bertillon, s.d. [fin mars 1862]
89Monsieur,
90Le désir de répondre promptement à la lettre obligeante que vous avez bien voulu m’adresser m’a peut-être engagé à vous écrire plus tôt que je n’aurais dû le faire18. Je n’avais sous les yeux ni les feuilles de mes calculs primitifs, ni les documents dont j’avais fait usage en 185319. Je me suis peut-être un peu trop pressé de changer toutes les données et de regarder comme fautives plusieurs des valeurs dont j’avais fait usage alors.
91Si je me suis mal expliqué, je dois vous en demander pardon ; je vois en effet que, dans le calcul que vous [illisible], le nombre des naissances n’est point pris en considération [illisible]. Le dénominateur de votre première fraction est le nombre des enfants de 0 à 1 an, ou la population telle que la donne le recensement par âge.
92La reprise des calculs effectués par moi pour former une table, il y a dix ans environ, serait sans doute un travail plus long et plus pénible que la construction d’une table nouvelle. J’ai fait d’inutiles efforts pour retrouver les feuilles de calculs et les chiffres dont je me suis servi. J’ai perdu de vue les corrections qu’exigeaient les chiffres du dépouillement des registres de l’état civil, et ceux provenant du recensement.
93Dans l’état où je me trouve, je dois, malgré le désir de répondre à votre demande, vous prier de m’excuser : je sens les exigences de l’âge et le besoin de tranquillité dans lequel je [6 mots illisibles] surtout en cet instant. À mes travaux [mot illisible] pour l’Académie et pour l’Observatoire, j’ai dû joindre depuis le commencement de ce mois le cours de géodésie que je donne aux officiers de notre armée et tous ces travaux me fatiguent cruellement. J’ai peut-être eu tort de ne pas vous le dire d’abord et d’avoir écrit sans avoir examiné suffisamment la chose. Mais j’ose espérer que vous ne m’accuserez pas d’avoir été trop empressé à vous répondre.
Bertillon à Quetelet, le 18 février 1863
94Mon cher Maître,
95Je vous remercie bien vivement de votre prompte et aimable réponse. Je suis on ne peut plus sensible à votre gracieuse bonté. Je vous avouerais que voilà plusieurs années que ces difficultés m’avaient rebuté et arrêté, mais je n’avais point osé vous occuper de mes misères. Je ne me sens pas de joie de les voir enfin levées par votre aide bienveillante… et pourtant, il y a encore un point qui m’embarrasse et sur lequel je voudrais vous consulter… pour m’enhardir à abuser ainsi de votre complaisance, je me dis que, puisque vous m’avez autorisé à dire les corrections à effectuer à votre mémoire sur la construction des tables, me voilà tenu d’honneur à le parfaitement posséder, et, à cette obligation qui me vient de vous, se joint le désir que j’ai d’appliquer votre méthode à mes documents, et surtout de la vulgariser chez nous où nous avons le chagrin de voir le chef de la statistique française20 oser (entre autres) une table de survie fondée uniquement sur la liste mortuaire d’une ville comme Paris ! et publier cela dans la statistique officielle, et aux frais de l’État !
96Donc, honoré Maître, excité par tous ces motifs, rassuré d’ailleurs par votre grande bienveillance pour ceux qui, comme moi, étrangers aux hautes mathématiques, comprennent toutefois qu’ils ne peuvent toucher qu’avec hésitation et circonspection à pareille matière. Je vais donc vous expliquer ce qui m’embarrasse encore.
97D’abord, ayant suivi pas à pas le développement de vos formules, avec les déterminations précises que vous m’avez fournies, je crois que les confusions typographiques que vous m’avez signalées au début de votre mémoire entre N0 représentant les naissances (c’est donc N qu’il faut lire) et N0, N1, N2, etc., représentant les populations recensées à chaque âge, de 0 à 1 an ; 1 an à 2 ans, etc. ; je crois dis-je que ces confusions se continuent et même s’aggravent dans tout le courant de cette partie de votre mémoire, en sorte qu’il arrive que, dans la même équation, N0 est pris une fois pour les naissances et une fois pour la population de 0 à 1 an.
98Permettez-moi donc, honoré Maître, pour que je sois sûr de ne point trébucher dans ces embûches, de rapporter ici toute la série des équations, telles que je les entends, et de changer tout à fait quelques-uns de vos signes représentatifs qui, par leur similitude, ont dérouté la typographie, et un peu l’œil aussi (c’est pourquoi je bannis la lettre N signe de confusion).
99Soit P0..1 ; P1..2 ; P2..3 ou pour abréger P0.. ; P1.. ; P2.. ; Pn.. la population telle que la donne un recensement par âge (supposé exact) de 0 à 1 an ; de 1 à 2 ans ; de 2 à 3 ans ; … de n à n+1 an que fournit annuellement cette même population.
100Soit enfin
101S0 les survivants à l’accouchement, c’est-à-dire les naissances, sans les mort-nés ;
102S1 les survivants de la 1re année, c’est-à-dire le nombre de ces nouveau-nés S0 qui arrivent à avoir un an juste ;
103S2 les survivants, à la fin de la 2e année ;
104S3 le nombre de ceux qui arrivent au moins à la fin de leur 3e année ;
105Sn le nombre de ceux qui arrivent au moins à la fin de leur 4e année ;
106……………………………..
107Sn le nombre des survivants à la fin de la nème année.
108Avec ces valeurs je reprends et transcris votre mémoire où vous l’avez laissé p. 17 (intercalant entre parenthèses mes rares observations).
109« mortalité de 0 à 1 an ;
110 mortalité de 1 à 2 ans ;
111 mortalité de 2 à 3 ans ;
112 mortalité de n à n+1 an.
113Maintenant connaissant la mortalité de chaque âge, il sera facile de calculer ce que deviendra, d’année en année, le nombre d’individus S0 nés en même temps en supposant, bien entendu, que la mortalité continue à rester la même. Nous nommerons S1, S2, S3, etc., Sn les valeurs de S0 après 1 an, après 2 ans, etc., et nous aurons
114[A]
115S0–S1 = d0.. après la 1re année, d’où S1 = S0 – d0..
116 après la 2e, d’où
117 – ˝– , d’où
118……………..
119 – ˝– , d’où
120Or le nombre S0 des naissances doit répondre aux pertes successives qui seront faites annuellement jusqu’à extinction ; et ces pertes annuelles, S0–S1 ; S1–S2 ; S2–S3 ; etc. ; seront données par nos équations précédentes, on aura donc :
121[B]
122 etc.
123Dans le cas particulier où l’on a
124 ;
;
; etc.
125la population est croissante ou décroissante en progression géométrique, et il vient :
126 .
127Quand on a = etc. = 1
128la population est stationnaire et l’on trouve
129 etc. »
130(Je ne comprends pas du tout comment, dans les équations précédentes [A], [B], il peut être permis de comparer les termes des deux séries Sn et Pn.. ; car ces termes ne sont pas homologues ; Sn est le nombre de ceux qui arrivent à l’âge précis n, tandis que Pn.. est le nombre des vivants dont l’âge est compris entre n et n+1 ; ce second groupe Pn.. est plus âgé et par suite moins fort que le 1er Sn.
131Ce point important, qui constitue toute mon objection et sur lequel je reviendrai, va apparaître encore plus vivement et pour ainsi dire sauter aux yeux dans les formes suivantes que vous posez vous-même, mais dans lesquelles les confusions typographiques des N ont peut-être masqué l’irrégularité du premier terme des séries successives.) Je continue.
132« S0 = le nombre des enfants à la naissance (âge 0)
133S1 = S0 – d0 ˝ ˝ à l’âge de 1 an (précis)
134 à l’âge de 2 ans


135ou bien encore :
136(remarquez combien dans l’impression l’on vous a gâté les formules qui suivent. Dans chacune des équations, la première valeur N0 exprime les naissances, c’est S0 ; la 2e N0 est la population de 0 à 1 an ; c’est P0.. !)

137 21

138etc.
139Mais ;
;
;
etc. exprime les probabilités de mourir dans l’année après la naissance ; après 1 an ; après 2 ans ; après 3 ans, etc. ; nommons α0.., α1.., α2.., α3.., α4..ces probabilités. Nous aurons :
140S1 = S0 (1 – α0..)
141S2 = S0 (1 – α0..)(1 – α1..)
142S3 = S0 (1 – α0..)(1 – α1..)(1 – α2..)
143En conservation la même notation la formule [B]
144 etc.
145peut s’écrire
146S0 = S0α0.. + S1α1.. + S2α2.. + S3α3 + etc.
147Je crois donc maintenant, honoré Maître, avoir réparé selon vos vues les négligences typographiques qui se sont glissées dans ce travail et qui l’ont vraiment défiguré. Est-ce ainsi qu’il le faut entendre ? Je l’espère. J’ai voulu le transcrire en entier parce que, ayant une objection ou une addition qui me semble sérieuse à vous faire, j’ai craint que les amphibologies qui viennent de la mauvaise impression n’altèrent la netteté de l’addition que je vais vous soumettre.
148Vous tirez la valeur αn.. de la comparaison des décédés de l’âge n à l’âge n+1 (soit dn..) avec la population de l’âge n à l’âge n+1 qui a fourni ces décès (soit Pn..) ; la valeur résultant de ce rapport ou αn.. est donc nécessairement la mortalité de l’âge n à l’âge n+1 ; et il me semble d’abord que cette mortalité ne peut s’appliquer bien exactement au groupe Sn.. dont l’âge précis est n ; elle ne s’appliquerait ni mieux ni plus mal au groupe Sn+1 dont l’âge précis est n+1 ; mais ce coefficient ne s’applique rigoureusement qu’à l’âge
(l’intervalle n à n+1 étant supposé assez étroit pour que la mortalité moyenne soit au milieu de l’âge, etc.)
149Mais en même temps que la question de l’âge auquel s’applique le coefficient αn.., il y a encore celle de la force du groupe sur lequel il s’applique. Puisque c’est la mortalité αn.. qui, agissant pendant l’intervalle n … n+1, fait passer, en l’affaiblissant peu à peu, la valeur Sn (limite supérieure) jusqu’à la valeur Sn+1 (limite inférieure) ; il est clair que le résultat de cette action ne peut s’exprimer ni par Snαn.., ni par Sn+1αn.. ; mais par . Il me semble donc que le coefficient αn.. ne peut s’appliquer à chacun des termes pris isolément de la survie S0, S1, S2, S3… mais seulement à la moyenne arithmétique de deux termes successifs.
150Ainsi au lieu d’écrire comme vous [C]
151S0 = S0α0.. + S1α1.. + S2α2.. + S3α3 + … + Snαn..
152Je mettrai (sauf réduction)

153expression qui correspond parfaitement à celle-ci qui est vôtre (qui résulte de votre convention .= α0.. ;
= α1.. ;
= α2..)
154d0.. + d1..+ d2.. + … + dn.. = P0..α0.. + P1..α1.. + P2..α2. + P3..α3. + … + Pn..αn..
155C’est donc bien qui donnera le nombre des décès que fourniront les survivants en passant de l’âge du groupe Sn au groupe Sn+1 et non pas Snαn.. qui donnerait un nombre trop fort.
156Appliquant maintenant ces considérations, supposées exactes, à l’une de vos formules primitives [A]
157 , elle deviendra

158et résolvant cette équation il viendra
1592Sn+1 + Sn+1 αn... = 2Sn – Snαn..
160puis

161formule certainement beaucoup moins commode pour effectuer les calculs que la vôtre Sn+1 = Sn(1 – αn..) mais qui me paraît plus rigoureuse. Ne pourrait-on pas trouver une expression plus commode pour le calcul… je ne sais, et suis trop peu familier de l’algèbre pour en décider.
162J’ai voulu essayer d’appliquer l’une et l’autre formule. Je fais
163Sn = 1 000 000
164αn = 0,1
165La formule Sn+1 = Sn(1 – αn..) que je crois vôtre si je vous ai bien compris donne Sn+1 = 900 000
166et la formule que j’ai tirée de votre travail donne Sn+1 = 904 762.
167Vous voyez, honoré Maître, que la différence est très notable ; elle l’est d’autant plus que, dans la construction de ces sortes de tables, on s’appuie nécessairement sur les termes trouvés, pour les termes à trouver, de sorte que les erreurs s’ajoutent et vont sans cesse grossissant.
168Voilà, très honoré Maître, l’observation que je voulais vous soumettre ; si j’ai commis quelques sottises, quelques lourdeurs de calcul, veuillez m’en excuser ; la plupart des médecins sont malheureusement peu familiers avec les mathématiques… Je serai surtout désolé si, croyant comprendre votre mémoire et osant le corriger, je l’avais à mon tour estropié……
169Si la variante que je propose est exacte, elle est vôtre plus que mienne, car elle est calquée sur votre formule, elle est entée sur votre travail, mon meilleur espoir serait qu’elle vous en parût une déduction vraie et quelquefois utile ; il me faudrait bien ce résultat pour me rendre excusable de vous envoyer et vous oser consulter sur un si long dossier.
170Agréez, bien honoré Maître, mes vifs et affectueux remerciements pour tant d’obligeance et l’assurance de mon entier dévouement à vous et à la science.
171Bertillon
17214 rue de Bruxelles
Bertillon à Quetelet, le 26 janvier 1870
173Monsieur le Dr Bertillon, de Paris, rue Blanche, 91
174à Monsieur Quetelet, directeur de l’Observatoire de Bruxelles
175Monsieur et très vénéré Maître,
176J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre nouvelle Physique sociale, vraie Bible de ceux qui s’occupent de la statistique humaine ; pour moi, c’est dans vos ouvrages que j’ai puisé la méthode à laquelle je dois, je crois, la faveur dont jouissent ici mes travaux statistiques ; je n’en perds pas la mémoire, non plus que l’occasion de le dire [et] ou de l’écrire ; aussi je vous avouerai que j’ai été un peu désappointé et bien dépité de ne pas trouver dans ce bel ouvrage les Tables de mortalité de la France que j’ai calculées avec un soin extrême et en appliquant, à très peu près, votre dernière méthode. Ces tables reposent sur la période de vingt années 1840-1859 et résultent de la comparaison à chaque âge des décès aux vivants qui les ont fournis dans le cours de l’année moyenne. Il est vrai que nos dénombrements français par âge ne sont pas irréprochables ; mais j’ai eu soin de prendre la moyenne de quatre recensements ; j’ai eu soin aussi et d’après votre méthode, de corriger les premiers âges de la vie d’après le nombre des naissances et des décès des premières années ; vers la 20e année, au moins pour la population mâle, les conscrits m’ont permis aussi de me rapprocher le plus possible de la vérité ; au-delà de 21 ans, j’ai encore pu mettre à profit le nombre des électeurs inscrits, indiquant au moins une population mâle minimum. Je crois, par cette critique des nombres, être arrivé à avoir une distribution des vivants par âge s’approchant fort de la vérité et qui, comparée âge par âge aux décès qu’ils ont fournis dans l’année moyenne, m’a permis d’obtenir une succession de coefficients mortuaires. En appliquant ensuite cette mortalité propre à chaque âge, à un nombre déterminé de naissances, et selon la méthode que vous nous avez enseignée, j’ai obtenu une table de survie ou de mortalité pour la France qui est, je crois, jusqu’à ce jour, celle qui représente avec le plus de précision la mortalité française, au moins dans cette période.
177D’ailleurs, honoré Maître, je crois bien avoir envoyé et à vous-même et à M. X. Heuschling et à votre précieuse bibliothèque, les diverses publications où ont paru ces travaux.
178Mais cette réclamation est si intéressée de ma part que je suis confus de m’y être arrêté si longtemps, et de ne pas vous avoir encore remercié des deux citations que vous avez bien voulu faire de mon nom22.
179Je quitte ce sujet, trop personnel, pour vous signaler un desideratum qui a au moins le mérite d’être désintéressé. Pourquoi, honoré Maître, ne vous êtes-vous pas occupé de déterminer la consommation et la production (journalière ou annuelle) de l’homme moyen ; il me semble qu’au point de vue économique, social et physiologique cette détermination aurait beaucoup d’intérêt ; et il me semble que les documents de quelques pays sont déjà suffisants pour que cette question puisse être abordée.
180Pour moi c’est une lacune que je me reproche de faire dans mes articles sur la démographie de chaque nation. J’espérais que votre livre m’aiderait à la combler. Désormais tel est mon desideratum.
181Je vous envoie, honoré Maître, une série de cartes de France ombrées et donnant la distribution de la mortalité par département et par âge ; cependant, mes cartes ne sont faites encore que jusqu’à 15 ans23 ; je vous enverrai les suivantes au fur et à mesure de leur publication. Le journal de médecine joint à l’envoi contient une lecture que je viens de faire à l’Académie de médecine sur ce sujet24 : c’est comme la légende des cartes ; j’adresse un autre exemplaire à votre bibliothèque ; j’espère que vous ou M. Heuschling voudrez bien présenter ce travail à la Commission centrale.
182Agréez, très honoré Maître, mes témoignages de ma respectueuse sympathie et admiration pour vos travaux.
183Bertillon
Quetelet à Bertillon, le 27 janvier 1870
184Mon cher collègue, M. Bertillon
185J’ai lu avec infiniment de plaisir la lettre que vous venez de m’adresser. Je vous prie de recevoir mes remerciements pour les sentiments que vous voulez bien m’exprimer : j’y ai été très sensible. Je me plaignais depuis longtemps d’être privé de vos nouvelles, mais j’aime à croire que je m’exagérais les plaintes sur votre silence à mon égard. Je deviens vieux, et il me semblait que vous m’aviez un peu oublié au milieu de tous les chagrins que j’éprouve ici depuis quelque temps. Je ne puis cependant pas me plaindre des savants étrangers : jamais je n’ai reçu [mot illisible] autant de témoignages d’amitié et votre lettre, à laquelle je réponds, est bien placée parmi celles qui m’ont été les plus agréables. J’ai également reçu de vous quelques brochures dans ces derniers temps. Je les ai lues avec plaisir et je vous en témoigne encore mes remerciements.
186Je ne sais si vous êtes au courant des travaux de notre commission de statistique internationale des différents pays. On a adopté à la dernière réunion de La Haye le projet d’une statistique générale de l’Europe ; l’on s’est partagé la besogne ; et l’on m’a donné pour ma part l’article sur les nouvelles tables de mortalité de l’Europe. C’est une besogne bien difficile et bien vaste, quoiqu’il ne soit même question que des tables générales pour les pays entiers et non pour les professions ou les cas particuliers de la population générale. Je serais très désireux d’avoir votre dernière table générale avec la distinction des sexes. En connaissiez-vous d’autres pour la France, récentes, j’espère, par les autorités compétentes pour la France, je vous serais obligé de me les indiquer.
187Oserai-je vous prier aussi de m’adresser directement ce que vous voulez bien me destiner. Pour la première fois je dois faire cette prière qui vous fera soupçonner peut-être que j’ai des précautions à prendre et je trouve effectivement que [mot illisible]. J’ai reçu avec plaisir les cinq cartes qui accompagnaient votre lettre. Mais n’y a-t-il pas de texte [?] Il serait assez difficile de devoir suppléer soi-même au texte explicatif, et de se rendre compte des différentes teintes. Je suppose que le texte n’est pas imprimé et qu’il forme la légende dont vous voulez bien me parler en indiquant le journal de médecine que je n’ai pas reçu.
188Notre réunion internationale pour la statistique prend de plus en plus de consistance, elle ose aborder enfin la partie mathématique, mais dans une des divisions seulement ; cela suffira du reste pour marcher d’un pas plus sûr.
189Je m’occupe en ce moment avec une vive ardeur des proportions de l’homme et de ses principales lois. J’ai cru [mot illisible] de revoir tout ce qui a été fait sur ce point intéressant depuis les temps les plus reculés, au Moyen Âge et dans les temps modernes. J’ai été aidé par trois de nos physiologistes les plus distingués, et par quelques-uns de nos meilleurs peintres : voilà environ quarante ans que je m’occupe de ce sujet. Il existe des lois relatives à l’homme qui sont vraiment merveilleuses. Je mets tout en ordre, avec l’espoir de pouvoir terminer avant la dernière étape, car mon temps est venu je crois.
Bertillon à Quetelet, le 23 février 1870
190Le docteur Bertillon à Monsieur Quetelet, directeur de l’Observatoire de Bruxelles.
191Paris 91 rue Blanche
192Mon cher Maître,
193J’ai été très touché de votre bonne et longue lettre. Sachez bien, cher Maître, que si je vous écris rarement, c’est par retenue, et dans la crainte d’abuser de votre bienveillance ; j’imagine qu’un homme aussi justement célèbre doit avoir une nombreuse correspondance et si chaque statisticien qui s’est instruit dans vos livres se croyait en droit de vous occuper de sa correspondance, votre temps serait émietté aux exigences de cette onéreuse reconnaissance. Telles sont au moins les réflexions qui m’ont bien souvent arrêté dans l’envie de vous soumettre une vue, une méthode, etc.
194À propos de mes cartes de France, j’ai eu la mauvaise idée de les enrouler dans le journal même qui renfermait ma lecture académique sur ces cartes, de sorte que vous aurez déchiré et jeté cette enveloppe. Je vous retourne donc un autre numéro du journal.
195J’y joins un exemplaire de mes tables de France, calculées selon votre méthode par la détermination préalable de la mortalité à chaque âge, par la comparaison des décès aux vivants qui les ont fournis ; la seule modification que je me sois permise est celle-ci : dans votre méthode, après avoir déterminé, par exemple, la mortalité de 20 à 25 ans par la formule décès de 20 à 25 ans/population de 20 à 25 ans, vous appliquez ce coefficient à un groupe de vivants ayant tous 20 ans précis – ou comme nous les appelons ici aux survivants à 20 ans, tandis que ce coefficient ne s’applique légitimement qu’à la population de 20 à 25 ans ; il est vrai que la différence entre ces deux rapports est presque insensible dans le cours de la vie, si on considère les décès et les vivants à chaque année d’âge, mais il n’en est plus ainsi si, s’en tenant aux documents originaux, on ne considère que les périodes quinquennales ; il n’en est plus ainsi non plus pour la première année de la vie : c’est ainsi que les statisticiens confondent souvent sous le nom de mortalité de la première enfance les décès moyens annuels de 0 à 1 an, divisés : soit par la population enfantine de 0 à 1 an, vraie expression de la mortalité pour tous les autres âges ; soit par les naissances – ainsi en France vous verrez dans ma carte I que les décès 0 à 1 an/population de 0 à 1 an donnent pour rapport ou mortalité 0,205, c’est-à-dire n’est-ce pas que pour 1 000 enfants de 0 à 1 an il y a 205 décès annuels ; mais dans ma IVe carte, s’appliquant à la même période (1857-1864) et au même âge, j’ai obtenu les coefficients mortuaires en divisant les décès de 0 à 1 an par les naissances vivantes, et obtenu le rapport 0,179, c’est-à-dire 179 décès annuels de 0 à 1 an par 1 000 naissances vivantes, ce qui diffère assez de 205 décès par 1 000 enfants de 0 à 1 an d’âge, aussi comme ce dernier rapport détient légitimement la dénomination de mortalité, j’ai désigné le précédent par l’expression de dîme mortuaire.
196Je joins encore à mon envoi une brochure de la détermination de la mortalité dans les différents milieux, de peur que l’exemplaire que je vous ai déjà adressé, je crois bien, ne vous soit pas parvenu ; du reste je ne suis pas content de la rédaction de ce travail, je le crois juste au fond mais diffus et malaisé à suivre dans la forme.
197Je vois que vous préparez un volume d’anthropologie ; c’est une branche de connaissance qui m’occupe aussi beaucoup – notamment les mesures crâniennes, j’en ai réuni un grand nombre de différents peuples. Par exemple je vous envoie une courte notice sur les Lapons – mais j’ai sur les Cafres, sur les Néo-Calédoniens, sur les Français un nombre très considérable de mesures que j’ai souvent mises en série selon le module de vos circonférences thoraciques des soldats écossais25 – si je savais que quelques-uns de ces travaux vous plaisent, je serais bien heureux de les mettre à votre disposition.
198Agréez, cher Maître, mes meilleurs souhaits et vœux.
199Bertillon
200Je ne connais pas26, et je crois qu’il n’existe pas, d’autres tables de mortalité pour la France actuelle que celle-ci-jointe ; mais le bureau de la statistique de France en a calculé une encore inédite pour la période 1855-1865 je crois en appliquant mes formules, mais non mes corrections pour l’enfance.
Bertillon à Quetelet, le dimanche 13 mars 1870
201Mon cher Maître,
202Je vous ai envoyé en effet dernièrement diverses brochures et entre autres, une fort mince ayant pour titre « Mesure de la vie humaine » extraite du compte rendu du Congrès médical de Bordeaux, imprimé à Bordeaux, 1866. C’est dans cette brochure, pages 28 et 29 ; 30 et 31, que sont mes tables de mortalité pour la France entière : pour les deux sexes réunis p. 28 et 29, et pour chaque sexe pages 30 et 31. Cette petite brochure de 36 pages, format in-8°, a une couverture bleuâtre clair. Ce même travail a été reproduit (mais, selon moi, moins bien rédigé et moins complet) dans le Journal de la Soc. de statistique de Paris en mars 1866. C’est le seul tirage dont il me reste encore deux exemplaires, je m’empresse, cher Maître, de vous en adresser un ; vous trouverez pages 17 et 18 les tables de mortalité pour la France ci-dessus indiquées. J’aimerais mieux vous envoyer l’extrait imprimé à Bordeaux dont je vous ai parlé en premier lieu, mais je n’en ai plus à ma disposition. D’ailleurs j’espère que vous retrouverez l’exemplaire que je vous ai envoyé directement, il y a un mois. À la page 27 de cette édition, je donne une formule nouvelle pour calculer les survivants à chaque âge, cette formule logarithmique en fonction du logarithme népérien – me paraît très précise et assez commode. Je n’en donne pas la démonstration dans ladite brochure, mais je vous la donnerais si elle vous intéressait.
203Je joins à cet envoi un n° de L’Union médicale dans lequel je viens de publier une petite note sur la mortalité des enfants de 0 à 1 an pour rectifier certaines assertions qui me paraissent erronées.
204Vous trouverez aussi dans l’introduction du vol. que vient de vous envoyer M. Legoyt sur le mouvement en France une table de mortalité de de la France dressée sur mes formules, seulement la statistique officielle n’a pas cru devoir introduire les corrections que j’ai proposées (à votre exemple) dans mon écrit pour les premiers âges ; corrections de deux ordres : l’une pour réparer les omissions commises par les recensements et très faciles à faire sûrement, en se basant sur les chiffres des naissances et des décès des nouveau-nés ; l’autre correction est nécessitée par la mortalité très inégalement répartie dans le cours de la première année de la vie tandis que les formules supposent cette régularité ; c’est parce que la statistique officielle a négligé ces deux corrections que ces nombres diffèrent un peu des miens.
205Vous me demandez aussi, cher Maître, de vous dire ce qui concerne « la forme de mes calculs ». Je crois que vous serez suffisamment renseigné par le texte de la brochure in-8° dont je vous ai parlé ci-dessus, p. 17 et suivantes, et que je vous ai envoyé il y a un mois ; soit à son défaut par celui de la brochure que je vous adresse en même temps que cette lettre et notamment p. 11 et suivante.
206J’espère, cher et honoré Maître, que ces explications vous suffiront, mais, je vous en prie, ne craignez pas de me demander tout ce qui pourra vous paraître utile – c’est un grand plaisir et un grand honneur pour moi, que de contribuer en quelque chose à votre grande œuvre, et j’irai volontiers à Bruxelles si des explications verbales, toujours plus topiques, vous agréaient.
207Agréez le témoignage de mon dévouement et mes meilleurs vœux.
208Bertillon
209Encore pour 15 jours 91 rue Blanche, après rue Gay-Lussac, 24.
Quetelet à Bertillon, le 15 mars 1870
210À Monsieur le Dr Bertillon27
211Mon cher Monsieur,
212Je ne saurais trop vous remercier pour votre obligeance à mon égard, et pour l’extrême bienveillance que vous voulez bien me témoigner dans toutes vos lettres. Je suis peut-être indiscret ; mais ce n’est pas tout à fait par ma faute. Je vous demandais la table de mortalité dont je croyais n’avoir qu’une partie, que j’avais certainement sous les yeux : Mesure de la vie humaine ; mais je croyais ne tenir qu’un extrait d’une table générale relative à tous les âges.
213Vous donnez, il est vrai, la mortalité pour les âges les plus importants, pour, 1, 2, 3, 4, 5 ans ; mais vous passez ensuite à 10, à 15, à 20 : et je croyais que vous ne donniez ces nombres que comme extraits d’une table plus [mot illisible] que je désirais avoir pour mon travail sur les différentes tables d’Europe – je voudrais avoir votre table complète pour la ranger parmi celles que je donnerai. Vous me direz que les différences sont faibles et que je pourrais les calculer ; je ne suis pas tout à fait de cet avis, et c’est l’auteur même qu’il fallait consulter.
214J’avais écrit à Mr Le Goit [Legoyt] à cet égard, il m’a cité, et avec raison votre table : c’est bien celle que je compte employer en effet ; mais ne serait-il pas possible de l’avoir complète. Vous me répondrez peut-être que c’est peu de chose, et que je puis la compléter moi-même ; permettez-moi, mon cher collègue, de n’être pas de cet avis : je préfère de beaucoup vos chiffres à ceux que je puis calculer moi-même.
215Je ne vous importunerai pas plus sur cet objet, et je mets tout mon espoir dans votre esprit de courtoisie et, j’ose dire, dans votre bonne amitié.
216Tout à vous,
217Quetelet
Bertillon à Quetelet, 17 mars 1870
218Mon cher Maître,
219Je vais vous envoyer la table que vous me demandez. Seulement si vous voulez bien me donner quelques jours (jusqu’à la fin du mois je suppose) je vais vous en calculer une nouvelle, pour la période la plus récente 1857-1866, et je vous la donnerai par année. Pour moi qui travaille plutôt pour rechercher les conditions biologiques de chaque âge, et au point de vue des investigations et applications de l’hygiène, je ne m’intéresse pas beaucoup à établir la mortalité et la survie par année d’âge puisque les documents ne me fournissent pas cette donnée ; plus tard, quand les documents seront très exactement recueillis, que l’on pourra établir la succession année par année d’après des faits certains, je comprends l’importance de ce faire. Mais aujourd’hui qu’on n’y arrive que par des interpolations, en fait contestables, l’utilité de ce luxe (toujours au point de vue biologique) ne me frappe pas ; mais sans doute qu’il en est autrement au point de vue des applications financières qui est peut-être le vôtre ; je vais donc me soumettre à votre cadre, et vous envoyer les tables année par année.
220Si vous étiez plus pressé veuillez cher Maître m’en informer. Je suis en déménagement et j’ai tant et tant de livres que c’est pour moi une terrible affaire.
221Agréez mes politesses affectueuses et mes meilleurs souhaits
222Bertillon
22391 rue Blanche jusqu’au 30 mars et après 24 rue Gay-Lussac.


Original de la lettre de Quetelet à Bertillon datée du 15 mars 1870 (collection particulière).
Bertillon à Quetelet, le 17 mai 1870
224Mon cher Maître,
225Les soucis que m’ont donnés deux de mes enfants gravement malades (mais allant un peu mieux maintenant) ont bien retardé ce travail que je vous envoie aujourd’hui par une occasion – une erreur du copiste exigerait qu’il soit recopié, mais il y a déjà si longtemps que je suis appliqué à ces tables, que le courage me manque, excusez-moi je vous prie, je crois que la transposition qui a été faite dans la note explicative sera facilement rétablie au moyen du signe indiqué.
226Maintenant si vous le désirez, je vous enverrai le détail des calculs que j’ai gardés avec soin.
227Enfin, si cette table devait avoir l’honneur d’être reproduite dans les Bulletins de la Commission belge, je vous demanderais la permission d’y joindre 3 ou 4 pages de texte dans lesquels je discuterais mes formules, et surtout une formule assez élégante et je crois nouvelle, que j’ai seulement indiquée p. 27 de ma Mesure de la vie humaine (p. 27 formule [11] 28) dans le mémoire lu au Congrès médical de Bordeaux.
228Agréez, honoré Maître, avec mes bons souhaits les témoignages de mon affectueuse sympathie.
229Bertillon
230Dr Bertillon, Paris, rue Gay Lussac 24
231[La lettre est accompagnée du tableau et de la note ci-après]
Table de mortalité et de survie


Pour chaque sexe, calculée pour la France entière, d’après la comparaison des vivants et des décès survenus à chaque âge dans la période 1857-1866 (période prospère et sans épidémie notable) [Annotation de la main d’A. Quetelet : remis le 19 mai 1870]
Observations sur les Tables ci-contre
232Il y a lieu d’observer que les Tables ci-contre sont calculées d’après la méthode que j’ai exposée dans mon Mémoire sur la Mesure de la Vie humaine29, c’est-à-dire qu’elles ont pour base les coefficients de mortalité ou danger de mourir à chaque âge, que je donne dans ma première colonne pour chaque sexe : ce danger (α) est calculé directement en prenant le rapport entre la population à chaque âge (soit Pn…n+1 cette population de l’âge n à l’âge n+1) et les décès qu’ils ont fournis dans l’année moyenne (soit dn…n+1 ces décès). Ainsi la mortalité de l’âge n à l’âge n+1 est
233 .30
234Cependant nous avons fait subir aux chiffres officiels des vivants et des décès à chaque âge toutes les corrections que légitiment la critique et la méthode. 1° Les décès de 0 à 1 an sont affaiblis en France par un certain nombre d’enfants nés vivants mais morts avant la déclaration de la naissance. La Belgique étant soumise à la même loi que la France pour l’inscription de ses mort-nés et présentant un nombre de mort-nés à peu près identique aux nôtres, nous permet de faire cette correction. La distinction faite par la statistique belge montre que près du tiers des prétendus mort-nés de l’enregistrement sont nés vivants (v. mon article « Belgique, démographie » dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, p. 20-21 [1868c]). Nous avons donc grossi dans cette proportion le rapport des naissances vivantes et celui des décès de la première année de la vie : c’est la seule correction, en ce qui touche les décès, que nous nous soyons permise ; elle a pour résultat d’augmenter notablement la mortalité de cette première année. En effet, cette mortalité pour les hommes ne s’élèverait qu’à 0,223, si l’on ne tenait pas compte des morts qui ont eu lieu dans les premiers jours de la vie, et qui ont été portées sur les registres comme mort-nés ; tandis qu’en restituant ces décès des premiers jours, la mortalité de cette première année [est] à 0,2345. Même observation pour les femmes qui voient ainsi leur mortalité s’élever de 0,187 à 0,1995. Il faut encore remarquer que l’aggravation de mortalité due à cette correction diminue notablement la vie moyenne et la vie probable prise à la naissance et que, par exemple, la vie probable des hommes qui, sans cette correction est environ de 45 ans et 7 mois, n’est avec la correction que de 44 ans et 7 mois. De même, la vie probable des femmes de 47,5 ans n’est vraiment, en tenant compte de ces faux mort-nés, que de 46,5 ans, et leur vie moyenne qui est de 41,15 ans, s’élèverait à 41,5 ans si l’on omettait cette correction.
235Les corrections que nous avons fait subir aux vivants à chaque âge sont plus nombreuses et plus compliquées. Disons d’abord que ce n’est pas un dénombrement qui nous a servi de base : c’est la moyenne des 3 dénombrements 1856, 1861, 1866 ; mais comme tous ces dénombrements ont omis une portion considérable de l’armée qui se trouvait à l’heure du dénombrement hors du territoire français, nous avons dû ajouter ces militaires aux âges respectifs qu’il convient d’attribuer à l’armée française d’après le dénombrement par âge qui en a été fait en 1866, car leurs décès ont contribué à grossir les listes mortuaires.
236En outre, si la moyenne de ces trois dénombrements (cette correction faite) a servi de base principale à notre travail, il a fallu cependant que cette base fût encore modifiée de manière à satisfaire aux autres connaissances plus précises que nous avons de la population de certains âges et de certain sexe. 1° Ainsi la population enfantine a dû être corrigée d’après le chiffre des naissances et des décès de la première année de la vie, et d’après la formule que j’en ai donnée, soit dans ma Mesure de la vie humaine, soit dans mes Cartes de la mortalité en France, de 0 à 1 an ;
2372° La population mâle de 20 ans doit être en rapport avec les conscrits, plus un nombre très notable de jeunes hommes qui, tout en fournissant des décès, doivent à leur nationalité étrangère d’échapper à l’inscription militaire ;
2383° Enfin, la somme des hommes majeurs doit dépasser très sensiblement les 10 millions d’électeurs inscrits, car les étrangers, les omissions, et ceux frappés d’incapacité civique fournissent des décès aux registres civils et manquent sur les listes électorales. Il a donc fallu que la Table de Population, par une critique attentive définitivement adoptée, satisfît à ces diverses exigences, et c’est cette liste qui, comparée aux décès par âge fournis par les registres de l’état civil, donne les coefficients de mortalité servant de base au présent travail.
239Terminons en ajoutant que la période 1857-1866 est une période prospère qui n’a eu qu’une faible épidémie cholérique en 1866, et la guerre d’Italie, relativement peu meurtrière.
Quetelet à Bertillon, le 25 mai 1870
240Mon cher collègue,
241J’ai reçu avec infiniment de reconnaissance la lettre que vous avez bien voulu m’écrire le 17 du mois, en me faisant parvenir vos tables de mortalité pour la France avec les développements qui y sont joints et qui tendent à rectifier quelques résultats. Cet envoi m’a fait un grand plaisir et me sera extrêmement utile pour mon travail sur la mortalité. Malheureusement vos collègues ne sont pas aussi actifs que vous : quelques-uns d’entre eux m’ont fourni les renseignements promis ; d’autres ne me donnent pas même de réponse. C’est un inconvénient que je devais prévoir et qui ne m’étonne pas. Je ne pourrai donner que les chiffres principaux[,] et ce sera beaucoup si je puis obtenir les documents des pays les plus importants, la France, l’Angleterre, l’Italie, la Suède, la Norvège, la Prusse, l’Autriche. Il est quelques petits pays ensuite tels que le Danemark, la Hollande, la Belgique, la Bavière qui certainement ne feront pas défaut31.
242Quand on prend une nation entière sans considérer les divisions particulières, les différences sont bien moins grandes qu’on ne pense. Quelques-uns de vos collègues sont très éloignés de cette idée, ils pensent que les tables générales devraient présenter pour eux les mêmes discordances que les tables particulières. Bien des préjugés tomberont si nous avons des tables bien faites ; aussi je ne suis point désireux que chacun présente ses nombres bons ou mauvais.
243Je vous remercie encore, mon cher Monsieur, pour la bonté que vous m’avez témoignée : M. Legoyt avait bien raison de me parler de votre extrême obligeance, et je ne puis trop vous en témoigner ma reconnaissance. Ayez en même temps…
Bertillon à Quetelet, le jeudi 10 janvier 1873
244Monsieur et honoré Maître,
245On m’annonce que vous avez publié (depuis nos malheurs) plusieurs ouvrages ayant l’homme pour sujet et que dans l’un d’eux, dont malheureusement je ne sais pas le titre, je suis souvent cité à propos de la vie humaine32. Je pense donc, honoré Maître, que vous avez bien voulu vous servir des tables de mortalité que vous m’aviez fait l’honneur de me demander avant la guerre, que j’ai dressées après un assez long travail, et que je vous ai envoyées peu de temps avant la guerre ; et comme, dans cette fatale guerre, j’ai eu le malheur de perdre et une partie de ma petite fortune, et une partie de mes manuscrits, rien ne m’est resté de ce que j’ai pu vous envoyer. Si donc, honoré Maître, vous étiez assez obligeant pour m’envoyer au moins un exemplaire de l’ouvrage dans lequel vous m’avez fait l’honneur de me citer, je vous en serais bien reconnaissant.
246La statistique belge ne publie donc plus rien ? Plus de Bulletin de sa savante commission centrale ?! dont j’ai l’honneur d’être correspondant. Au moins je ne reçois plus rien ! Je vous rappelle, honoré Maître, qu’à mon passage à Bruxelles, j’ai eu l’honneur de vous être présenté par le Dr Jeanssen [pour Janssens] et de vous offrir ce que j’avais alors publié de ma Démographie figurée de la France et une monographie sur le mariage et quelques autres bibelots de votre dévoué disciple.
247Bertillon
24824 rue Gay-Lussac
249[Ajout de la main d’AQ : « répondu le 11 janvier, mém. sur la mortalité et brochures. »]
Quetelet à Bertillon, le 10 janvier 187333
250Mon cher Docteur,
251Si je ne vous ai point écrit plus tôt, c’est uniquement parce que je ne connaissais pas votre adresse. J’avais besoin de me rappeler à votre souvenir, mais comment faire, si je ne savais où adresser ma lettre.
252Je dois avouer cependant que, depuis mon voyage en Russie, je n’ai pas eu un moment de tranquillité. Vers le milieu de l’année, nous avons eu d’abord une grande fête pour célébrer le centième anniversaire de la fondation de notre Académie ; puis, aussitôt après, j’ai dû partir pour aller assister à la huitième réunion de notre congrès de statistique34. J’avais l’espoir de vous y voir ; mais mes espérances ont été trompées. La réunion était très belle et très nombreuse. Le frère de l’Empereur était le président d’honneur du congrès ; et il a fait les choses de la meilleure grâce du monde. On nous a promenés ensuite dans toute la région et toujours avec les plus grands égards des autorités et toujours en nous donnant des convois choisis et tout particuliers depuis l’instant de notre entrée en Russie, jusqu’au moment de notre sortie. Nous avons vu suffisamment Saint-Petersbourg, Moscou, Smolensk, Varsovie, Cracovie ; puis nous sommes rentrés en Prusse — j’ai effectivement présenté un travail à Saint-Pétersbourg sur les tables de mortalité ; on l’a distribué, je crois ; et je vous en envoie un exemplaire. Comme j’ai jugé la chose nécessaire, je n’en ai pas dit un mot : je crois cependant, je l’avoue, que le résultat est très curieux. Je vous l’envoie, vous pourrez en juger. Je vous envoie aussi quelques autres opuscules. Il paraît du reste que les Russes ont très bien accueilli les recherches sur l’unité de l’homme : le grand-duc Constantin, qui paraît un homme très entendu dans les sciences politiques, m’en a parlé beaucoup : les Russes en général connaissent très bien mes ouvrages. J’avoue que j’en ai été un peu étonné, mais cela ne m’a pas fait de peine. J’ose vous en parler parce que je cite effectivement votre table de mortalité ; elle cadre fort bien avec les autres. Je n’ai pas besoin de vous parler davantage de ces objets : que vous pouvez juger mieux que personne. Seulement vous devez m’excuser de vous en parler si tard, il m’était impossible de vous écrire directement au milieu des tristes événements qui nous ont assaillis.
253Je vous envoie en même temps quelques autres brochures, en vous priant de m’excuser de ne l’avoir pu faire plus tôt. J’ai regretté beaucoup de ne pas vous voir ; mais je conçois que la distance et les malheureux événements par lesquels vous avez passé, ont dû vous retenir en France.
254Je vous renouvelle l’assurance de mes sentiments toujours dévoués et très affectueux.
255Quetelet
256On a complètement reformé notre commission de statistique : j’en suis encore président. Les choses iront-elles mieux ? Les anciens associés ont conservé leur position : ainsi, nous reviendrons vers vous pour les futures publications.
Notes de bas de page
1 « Après cette date fatale, Quetelet publia encore un grand nombre d’ouvrages considérables ; mais ces écrits ne sont souvent que la compilation de travaux antérieurs » (Lottin, 1912, p. 85). « Quetelet assista à tous les autres congrès de statistique » (ibid., p. 87). Inversement, il semble que Bertillon n’ait participé qu’au congrès de 1855 à Paris.
2 Rappelons qu’un taux de mortalité rapporte le nombre des décès à l’effectif moyen de la période et qu’un quotient de mortalité rapporte ce nombre à l’effectif en début de période.
3 « Ces tables ont été construites :
– pour la Norvège, par M. A.-N. Kiaer, directeur des travaux statistiques à Christiania.
– la Suède, par F. Th. Berg, directeur des travaux statistiques à Stockholm.
– l’Angleterre, par M. Farr, membre de la Société royale à Londres et superintendant du département de statistique.
– la Belgique, par M. Quetelet, directeur de l’Observatoire royal de Bruxelles et président de la Commission centrale de statistique du royaume.
– les Pays-Bas, par M. von Baumhauer, directeur de la statistique à La Haye.
– la Suisse, par M. le Dr Wilhelm Gisi, archiviste général à Berne.
– la France, par M. Bertillon, docteur en médecine à Paris.
– la Bavière, par M. V. Herrmann, ancien directeur de la statistique à Munich. » (Quetelet, 1872, p. 20-21n).
4 « M. Bertillon a ajouté au chiffre des naissances vivantes le nombre probable des faux mort-nés, enfants nés vivants, mais enregistrés comme mort-nés parce qu’ils sont morts avant d’avoir été enregistrés sur le registre des naissances. Cette addition rectifie heureusement les chiffres concernant les autres âges, et les rend comparables à ceux de Suède par exemple où les vrais mort-nés sont seuls comptés comme tels » (Bertillon J. et al., 1883, p. 97).
5 Nous remercions vivement Jean-Jacques Droesbeke d’avoir eu l’obligeance de nous communiquer des copies de cette correspondance, (Archives royales de Belgique, cote 17986/372). Sur les méthodes de construction des tables de mortalité ou de survie chez Quetelet, Bertillon et leurs prédécesseurs, voir Rohrbasser, 2022.
6 [Annotation de la main de Quetelet : « reçu le 6 fév. 1856 ».]
7 [Dans sa thèse, Bertillon déplore que la Physique sociale et « autres traités » de Quetelet manquent à la bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris (1852a, p. 9).]
8 [Bertillon fait référence au compte rendu de la partie médicale du Congrès international de statistique de 1855 qu’il a publié dans la GHMC (1855e ; cf. le chapitre 10 du présent ouvrage). Il y écrit (1855e, p. 5) : « Les principes de la statistique, solidement étudiés et établis dans la première moitié de ce siècle, ont été exposés dans quelques ouvrages remarquables, entre autres la Physique sociale et les Lettres sur les probabilités, de A. Quetelet, les Principes généraux de statistique médicale, par Gavarret, et les Éléments de statistique humaine du docteur Ach. Guillard » (Quetelet, 1835 ; Quetelet, 1846 ; Gavarret, 1840 ; Guillard, 1855).]
9 [Dupin, 1828a ; Dupin, 1828b]
10 [Quetelet, 1853]
11 [Quetelet, 1853, p. 10.]
12 [Les passages rayés témoignant des premières intentions de Quetelet ont été conservés.]
13 [Voir Guillard, 1861, p. 284 – et non p. 184 comme l’écrit Quetelet – : « Dans l’état actuel de la jeune science, la construction des tables de survie est encore trop controversée, donne prise à trop d’arbitraire, pour qu’on puisse asseoir sur elles un calcul de vitalité digne de toute confiance. L’éminent démographie belge M. Quetelot [sic] a construit, pour son pays, en vingt ans, six tables de survie (sous le titre amphibologique de Tables de mortalité), présentant des expressions de Vie probable qui varieraient de 22 à 41 ans (à partir de la naissance). L’auteur trouve que ses tables diffèrent peu entre elles (Journal des écon., 2e série, t. IV, p. 162 et 166)… tant est large la limite de l’erreur en cette matière ardue ! Quoique les dernières soient certainement les meilleures, on peut leur reprocher à toutes qu’aux imperfections des Mortuaires elles ajoutent les imperfections des recensements. » On voit que « le bon M. Guillard » s’était montré bien persifleur à l’égard de Quetelet – et pas forcément convaincant : qu’aux « imperfections des mortuaires » s’ajoutent « les imperfections des recensements » n’invalide en rien la démarche de Quetelet, qui va devenir commune à toute la démographie moderne.]
14 [En 1846, Quetelet a publié les Lettres sur la théorie des probabilités (Quetelet, 1846), mais il renvoie ici à son mémoire de 1853 « Sur les tables de mortalité et de population », qui s’appuie sur le recensement belge de 1846 (Quetelet, 1853).]
15 [Ce projet aboutit en 1866 à la publication de l’article « Statistique internationale (population), publiée avec la collaboration des statisticiens officiels des différents États de l’Europe et des États-Unis d’Amérique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. X.]
16 [Le mémoire sur les tables de mortalité que Quetelet avait publié en 1853 avait fait l’objet d’une présentation élogieuse par Louis René Villermé à l’Académie des sciences morales et politiques (Villermé, 1853).] ?
17 [Lors de la séance de la SSP du 8 janvier 1862, Bertillon cite le nom de Quetelet à propos du calcul de la durée de la vie moyenne (JSSP, 3, 1862, p. 35).]
18 [Quetelet fait référence ici à sa lettre du 21 mars 1862.]
19 [Quetelet fait référence à son mémoire « Sur les tables de mortalité et de population », Bulletin de la commission centrale de statistique de Belgique, tome V, 1853, p. 1-24.]
20 [C’est Alfred Legoyt qui est visé ici.]
21 [Bertillon a écrit S0 et S1 mais il s’agit de S1 et S2.]
22 [Dans l’édition de 1869 de la Physique sociale, le nom de Bertillon apparaît une première fois dans une note où Quetelet énumère les participants aux séances que l’Académie impériale de médecine a consacrées à la mortalité infantile en 1866-1867 (« MM. Boudet, Husson, Monot, Brochard, Robinet, Blot, Bertillon, Devilliers, Devergie, Broca, Guérin, Piorry, etc. ») (Quetelet, 1869, I, p. 385). Dans une seconde mention, en note également, Quetelet exprime son désaccord avec Bertillon à propos des tables de mortalité ; il n’explicite pas la nature des divergences en question : « Les tables de mortalité et de population, sous leur forme actuelle, ont fait naître des observations critiques ; on a demandé même de modifier leur rédaction. Nous citerons en particulier les remarques présentées par des écrivains de mérite et surtout par M. Achille Guillard, auteur des Éléments de statistique humaine et de Démographie comparée, 1 vol. in 8°, Paris, 1855 ; et par M. le docteur Bertillon, à qui l’on doit différents ouvrages et spécialement les articles statistiques du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, auxquels il apporte un soin tout particulier. Nous ne nous exprimerons pas sur la forme des tables, puisque nos pensées, sous ce rapport, ne s’accordent pas avec celles qu’énoncent ces honorables écrivains. » (Quetelet, 1869, I, p. 443).]
23 [Le 15 janvier 1870, Bertillon a présenté et commenté la même série de cartes devant l’Académie de médecine ; voir le chapitre 14 ci-dessus.]
24 [1870h.]
25 [Voir Quetelet, 1846, p. 136s.]
26 [Ce dernier paragraphe est écrit en long en marge de la première page.]
27 [Cette lettre, reproduite en fac-similé dans les pages suivantes, est à l’en-tête de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts. Archives Bertillon, LAB 1870-6.
28 [1866a]
29 [1866b.]
30 J’ai établi dans le mémoire précité que si on désigne par Sn ; Sn+1 le nombre des survivants à l’âge n, à l’âge n+1, on aura
ou encore, αn…n+1 étant la mortalité de l’âge n à l’âge n+1 ;
, le premier terme de la série S0 ; S1 ; S2 ; etc. étant connu et égal aux naissances vivantes.[Note de la main de L.-A. B.]
31 [Dans l’article paru deux ans plus tard, Quetelet publie les tables de quatre « grands pays » (Norvège, Suède, Angleterre, France) et de quatre « petits » (Belgique, Pays-Bas, Bavière, Suisse). Ont finalement fait défaut, parmi les grands pays l’Italie, la Prusse et l’Autriche, et parmi les petits le Danemark, tandis que la Suisse figure de manière inattendue (Quetelet, 1872, p. 18s).]
32 [Il s’agit clairement des « Tables de mortalité et leur développement » (Quetelet, 1872).]
33 [Cette lettre – qui date très probablement du 11 et non du 10 janvier – est reliée dans le recueil des travaux de Louis-Adolphe Bertillon offert à son fils Jacques, tome « Dernières œuvres démographiques. 1878-1883 », entre la p. 34 et la p. 35 (Archives Bertillon, LAB 1873-3) À la suite, p. 35-78, figure l’article de Quetelet Tables de mortalité et leur développement, Bruxelles, Hayez, 1872 (Extrait du tome XIII du Bulletin de la Commission centrale de statistique de Belgique), avec différentes annotations de la main de Louis-Adolphe Bertillon :
– Bertillon, en commençant par le titre même de l’article, raye « table de mortalité », qu’il remplace par « table de survie ».
– Il indique, en marge de plusieurs tableaux, de quelles colonnes de chiffres il est l’auteur, et ajoute des colonnes de chiffres corrigés de ses estimations des faux mort-nés.]
34 [Le huitième Congrès international de statistique s’est tenu à Saint-Pétersbourg en août 1872.]
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