Chapitre 13
La mortalité dans les « populations internées »
p. 323-350
Texte intégral
1En 1829, le premier numéro des Annales d’hygiène publique et de médecine légale s’ouvrait sur un « Mémoire sur la mortalité dans les prisons » dû à Louis-René Villermé1. La mortalité au sein d’institutions fermées ou semi-fermées était en train de prendre la dimension d’un problème public. La question présente une dimension morale – puisque les prisonniers sont privés de liberté, ce sont les directions d’établissements qui risquent d’avoir à endosser la responsabilité d’une surmortalité éventuelle – et un aspect statistique : comment mesurer cette surmortalité ? Elle est rendue complexe par la fréquence des mouvements d’entrée et de sortie ainsi que par la variabilité des durées de séjour. Villermé n’entrait guère dans l’examen des méthodes de mesure, mais d’autres statisticiens allaient bientôt se risquer sur ce terrain, William Farr avec ses travaux sur la mortalité dans les « institutions publiques » (Farr, 1885 [1848], p. 417-438), et Louis-Adolphe Bertillon avec un important article du JSSP sur ce qu’il appelait des « populations cloîtrées » ou des « populations internées »2 (1869h, p. 37). Près d’un siècle plus tard, la sociologie des institutions fermées ou semi-fermées sera renouvelée en profondeur par Erwin Goffman qui, dans Asiles, développera le concept d’« institution totale »3.
2Le contexte dans lequel Bertillon va traiter de la mortalité des populations internées est marqué par la publication, en 1865, d’un rapport du docteur Maximilien Parchappe4 sur la Statistique médicale des établissements pénitentiaires (Parchappe, 1865). Parchappe avait participé, en 1855, au Congrès international de statistique de Paris, et l’intérêt de sa contribution à propos de l’élaboration d’une nomenclature internationale des causes de décès avait été souligné par Bertillon (1855e, p. 11). En 1865 également paraissait, dans le JSSP, un article de Toussaint Loua sur la mortalité dans les hôpitaux de Paris, prolongé l’année suivante par un texte du même auteur sur « l’influence de la mortalité dans les prisons » (Loua, 1865b ; Loua, 1866).
3Comme toutes les sociétés savantes existant sous le Second Empire, la Société française de statistique est dotée de statuts lui interdisant toute critique de la politique gouvernementale (Kang, 1993). Les responsables de la Statistique de la France, Alfred Legoyt puis Toussaint Loua y jouent, aux côtés des économistes libéraux qui assurent la présidence de la société, un rôle central, publiant dans le JSSP de nombreux articles présentant un caractère de littérature semi-officielle5. Bertillon,totalement extérieur à ces réseaux, intervient, en 1869, sur « la mortalité dans les différents milieux » ; le mot-clé de « milieu » renvoie à ses travaux sur la « mésologie » (1860b ; 1865h ; 1873c). Une fois de plus, c’est par réaction qu’il se porte sur un sujet : son article est en grande part une critique des deux textes de Loua. Il relève sans ménagements les erreurs commises par le « zélé statisticien » dans l’observation des mouvements des personnes en institution :
« Comment M. Loua ne s’aperçoit-il pas que si une prison, logeant 67 prisonniers le 1er janvier, ne les conservait que les deux tiers d’une année, ce n’est pas 33 entrées qu’il lui faudrait pour compenser les sorties, mais au moins 100 entrées ? Et il ne s’aperçoit pas davantage que, s’il était vrai que ces 67 prisonniers ne faisaient dans la maison qu’un séjour de moins d’une année, ils seraient nécessairement tous partis avant la fin de l’année, tandis qu’il nous apprend qu’il n’y a eu que 33 départs ! On peut dire qu’il y a là une erreur manifeste et que c’est par distraction qu’elle a échappé au zélé statisticien. Mais comme cette distraction a porté sur la méthode et non sur un calcul, on retrouve partout cette erreur… » (1869g, p. 44).
4En une réplique de trois pages, publiée à la suite de l’article de Bertillon, Loua défend ses textes et prend note, dans une conclusion conciliante, de « la difficulté de calculer la mortalité des établissements à population variable » (JSSP, 1869, p. 65-67).
5Bertillon distingue un « rapport de mortalité » (rapport des décès à l’effectif moyen de la période) et ce qu’il appelle une « dîme mortuaire » (rapport des décès à l’effectif en début de période), qui sera ultérieurement désignée comme un « quotient de mortalité »6. Plus la période d’observation est longue, plus l’écart entre ces deux rapports risque d’être important. Mais l’un et l’autre de ces taux, rapportant des flux de décès, au long par exemple d’une année, à des stocks de vivants (effectifs moyens ou instantanés d’une prison ou d’un hôpital), peuvent, dans des institutions où les durées de séjour sont plus courtes que la période d’observation, dépasser l’unité, ce qui paraît contraire à toute logique – on ne meurt qu’une fois. La solution correcte qu’entrevoient Loua puis Bertillon implique de raccourcir les périodes d’observation et de raisonner en termes de « danger de mort quotidien » à partir d’une date d’entrée – mais ils manquent l’un et l’autre à la fois de bons modèles d’analyse et de bonnes données sur les durées de présence. Jacques Bertillon sera l’un des premiers à calculer des probabilités quotidiennes de décès, à propos de la mortalité des enfants placés en nourrice, après que le Conseil d’État ait établi, le 29 décembre 1897, un règlement d’application de la loi Roussel de 1874 sur la protection de la petite enfance (Bertillon J., 1902, p. 291s). La généralisation de la méthode ne viendra que bien plus tard avec le développement des modèles de durée et de l’analyse des parcours de vie, ou event history analysis qui s’appuie sur des observations individuelles longitudinales 7.
6Dans sa notice « Mortalité » du DESM, Bertillon père reviendra sur son article de 1869 en en soulignant l’originalité mais, aussi, en révisant sa conception des significations respectives du « rapport de mortalité » et de la « probabilité de mort » :
« Je crois être le premier, au moins en France, qui ait montré la différence de ces deux rapports et ait insisté sur l’importance de leur distinction ; de là le nom de dîme mortuaire que j’ai donné au rapport
, etc. Mais je dois convenir que je me suis mépris sur leur signification respective, et que longtemps j’ai cru que les expressions
et
n’étaient l’une et l’autre que des valeurs approchées de la probabilité mathématique de mort [1869g]. C’était une appréciation inexacte, et, pour s’en convaincre, il suffit de compléter le raisonnement que je laissais inachevé dans le mémoire cité… » (1875c, p. 735).
7Dans la suite du texte de 1875, il est précisé que le « rapport de mortalité » n’est pas une probabilité de mort, tandis que
en est bien une, les probabilités de survie étant calculables par multiplication au long de périodes successives selon les principes de calcul des intérêts composés.
8Bertillon et Loua, malgré leurs erreurs, auront eu le mérite d’apporter des contributions significatives à une tradition de recherche qui, vers 1870, n’en était qu’à ses balbutiements. Les rapports entre les deux hommes sont restés suffisamment cordiaux pour qu’en 1882, un article de Bertillon sur « Les ménages irréguliers à Paris » paraisse dans le JSSP, précédé d’une présentation plutôt flatteuse de Toussaint Loua.
9Bertillon s’est intéressé ailleurs à la mortalité dans les armées, en rendant compte des ouvrages du médecin Jean-Charles Chenu sur les campagnes de Crimée et d’Italie (1866d ; 1869o), ainsi qu’à celle dans les zones d’habitation contiguës des hôpitaux (1880g)), mais ces textes laissent de côté les épineuses questions de méthode soulevées dans l’article du JSSP.
10A. C.
***
Page de titre du tiré à part du Journal de la Société de statistique de Paris, numéros de février et mars 1869 (1869h)

Détermination de la mortalité dans les différents milieux
11Méthode pour calculer la mortalité d’une collectivité pendant son passage dans un milieu déterminé, que ce milieu soit la société elle-même, ou une prison, un asile, une école, un hospice, un hôpital
I. : [La mortalité des divers groupes humains…]
12/29/ La mortalité des divers groupes humains est le mètre le plus certain (en l’absence de la morbidité) qui puisse mesurer dans leur résultante les conditions si multiples, si complexes, qui font la salubrité des milieux. Il importe donc d’avoir une méthode, non seulement précise, mais encore uniforme et commode pour déterminer cette mortalité. Jusqu’à présent il est bien loin d’en être ainsi ; et la plus grande divergence règne entre les auteurs, suivant l’idée que chacun se fait de cette valeur. Je vais montrer un auteur fort recommandable, dont la statistique est la spécialité exclusive, et qui, se proposant de déterminer la mortalité qui a pesé sur des prisonniers, trouve que cette mortalité est de 22 ‰ prisonniers pendant la durée de leur incarcération, tandis que je soutiens, et je prouverai qu’elle est de 78 ! Il importe donc extrêmement de sortir de cette anarchie, mais je dis qu’il n’est possible de le faire qu’en trouvant la vraie définition de la mortalité, définition qui doit, non seulement convenir au sens que le langage vulgaire attache à cette expression, mais de plus déterminer ce sens avec la rigueur qu’exige le langage scientifique ; alors on pourra sans doute saisir les rapports précis, mais inconscients, qui ont fait naître cette idée et en déduire les formules mathématiques qui la déterminent d’une manière générale.
13Quelques-uns pensent, au contraire, que, pour sortir de la confusion, il suffirait d’une convention entre les statisticiens arrêtant que, parmi les différents rapports entre les décédés et les vivants déjà en usage, l’un d’eux serait décrété devoir être désormais la mortalité. Il n’en est pas ainsi ; une seule chose s’impose dans la science, c’est la vérité. Or, il est évident que, pour un même milieu et un même instant, il ne saurait y avoir deux mortalités, il n’y en a qu’une ; la question n’est donc pas de choisir entre plusieurs, mais de trouver quelle est cette vraie mortalité ; c’est pourquoi nous croyons indispensable de remonter d’abord aux sources pures de la théorie, je veux dire débarrasser le problème des complexités qui, dans la pratique, troublent l’entendement et lui dérobent les rapports fondamentaux. Ensuite nous ajouterons une à une les conditions secondaires du problème et nous nous efforcerons de déterminer leur influence et comment elles doivent modifier la formule première.
II. Définition de la mortalité
14/30/ Quelle est donc l’idée simple, générale, cachée sous cette expression : mortalité d’un groupe de vivants ? Ce n’est point, à coup sûr, le nombre isolé des vivants qui pourra être l’indice de cette mortalité, ce ne sera pas davantage le nombre absolu et isolé de décès, mais évidemment le résultat d’une comparaison, intuitive ou formulée, entre les deux termes : le groupe de vivants d’une part, et de l’autre le groupe des décédés issus de ces vivants et dont ils faisaient partie avant d’en avoir été séparés. La chance de mort pesait sur tous, et avec le temps, les eût tous atteints ; mais, dans une durée convenablement limitée, un certain nombre seulement que, vu notre ignorance, nous pouvons dire choisis au hasard, ont été retranchés. Cette considération ramène la mortalité, prise dans un temps limité, à n’être qu’un cas particulier de la probabilité mathématique.
III. La probabilité de mourir
15Comme cette assimilation est très importante, puisqu’elle nous permettra d’appliquer à notre problème les solutions du calcul des probabilités, je vais citer la définition de ce calcul d’après un des derniers et des meilleurs auteurs :
« Lorsqu’il s’agit de la production d’un ou de plusieurs événements (dans notre cas, le décès d’un certain nombre d’individus) élus parmi un grand nombre qui « nous paraissent également possibles (tous les vivants sont également aptes à la mort), ce qu’il nous importe de savoir, ce n’est ni le nombre total des chances (les vivants : P), ni le nombre absolu des cas favorables à la production de l’événement (les décès : D), mais seulement le rapport du nombre des chances qui favorisent l’événement (D) au nombre total des chances (P), rapport
qui reste le même quand les deux termes varient proportionnellement. Il faut donc donner à ce rapport un nom qui dispense d’en reproduire sans cesse la définition : on l’appelle la probabilité mathématique, ou simplement la probabilité de l’événement » (Cournot, Théorie des chances, p. 24.8.)
16Ainsi, la mortalité passée, présente ou à venir d’un groupe humain, c’est précisément la probabilité de mourir (passée, présente ou à venir) présentée par ce groupe. Mais remarquons expressément que, pour pouvoir faire cette assimilation de la mortalité, il faut qu’elle s’exerce dans un temps bien déterminé et brièvement limité ; car, puisque la chance de mourir dans un temps quelconque est absolue, elle devient une certitude et ne saurait constituer un problème ; et de plus, comme la chance de mourir augmente d’âge en âge, et par suite change à chaque instant, il devient nécessaire de considérer des périodes assez courtes de l’existence pour que l’on puisse, sans erreur notable, supposer la probabilité de mourir également, répartie pendant toute la durée de cette courte période.
17Cela posé, rappelons seulement que l’on estime la probabilité de la production d’un événement en divisant le nombre des chances favorables à sa production par le nombre total des chances favorables et adverses : ainsi, étant donné qu’il y a douze figures dans un jeu de 32 cartes, la probabilité de tirer une figure dans le jeu est de , puisqu’il y a 12 chances favorables pour 32 chances totales; mais si, ayant tiré une première figure et l’ayant retranchée du jeu, je voulais faire un second tirage dans ce jeu incomplet, évidemment la probabilité de la venue d’une seconde figure ne serait plus la même, mais, d’après la règle formulée, elle ne serait plus que de
, enfin si, par hypothèse, les deux premiers tirages avaient donné des figures, /31/ et que l’on essayât un troisième tirage, la probabilité de la venue d’une figure pour ce troisième tirage pris isolément, ne serait plus que de
.
IV. Mortalité d’un groupe théorique
18Mais quittons l’image et revenons à l’homme. Si dans un groupe initial de 1 000 vivants, observé pendant la durée de l’unité de temps adoptée, soit l’année, il se produit un à un, dans le cours de cette durée, un total de 200 décès, dira-t-on que la probabilité de mourir a été de ?
19Je ne le crois pas, car cela ferait présumer que, au moment de leur production, chacun des 200 événements avait la même chance de production, et c’est ce qui n’était pas. En effet, dès le commencement de la durée, lors de la production du premier décès, celui de Paul, par exemple, ce décès particulier n’avait qu’une chance de se produire sur 1 000 chances totales, et la mesure de la probabilité de ce premier événement en ce premier instant est bien de ; mais il ne reste plus alors que 999 vivants, et lorsque, dans un second instant9, un autre décès s’est produit, celui de Pierre, par exemple, sa probabilité était évidemment de
; de même le décès suivant du troisième instant avait une probabilité de
; ainsi de suite jusqu’à
,
, et lors de ce dernier décès, la probabilité de mourir l’instant suivant sera de
.
20Mais le problème que pose la démographie n’est pas de savoir la probabilité de mort de chacun de ces instants de la durée qu’il faut pour produire un décès, car ces probabilités à dénominateurs inégaux et survenues dans des temps sans doute inégaux se prêteraient malaisément à la comparaison ; en outre, leur trop grand nombre éparpillerait l’attention. Il faut la concentrer en réunissant les instants dont les durées et les probabilités respectives sont assez voisines et assez près de l’identité pour que l’on puisse, sans trop d’efforts, considérer leur somme et leur moyenne comme applicables à tous les instants de ce groupe. C’est précisément ce que l’on fait en prolongeant l’observation d’un même groupe pendant une succession d’instants dont la somme est appelée unité de temps, ordinairement l’année, comme dans l’exemple ci-dessus, pendant laquelle les chances de mort ont été successivement : ,
,
, …
,
, et ont fini par produire 200 décès dans l’année. Quelle sera alors la probabilité de mort pour toute l’année ? La théorie mathématique l’enseigne : ainsi dans notre exemple, où se rencontrent 200 cas favorables, mais dont les chances sont inégales pour chacun, la probabilité générale sera égale à la somme de la possibilité de chaque cas ; or, ces possibilités forment la succession suivante :
,
,
, …
,
dont il faudrait additionner tous les termes. Mais dans la pratique, il importe extrêmement d’éviter de pareils calculs ; il /32/ faut absolument, par un moyen facile, obtenir une approximation suffisante de cette somme ; il est évident que cette somme sera plus grande que 200 fois
, qu’elle sera moindre que 200 fois
, mais qu’elle sera donc à très peu près égale à 200 fois la fraction qui occupe le milieu de la succession précédente commençant par
et finissant par
, c’est-à-dire
.
21L’erreur commise par cette approximation, dans laquelle on assimile la succession ,
,
à une progression arithmétique, sera, en effet, très petite et tout à fait négligeable en ces matières10 ;
peut donc être regardé comme la somme des probabilités successives de mourir dans la somme des instants successifs, c’est-à-dire dans l’année. Toutefois, pour ne pas confondre cette valeur approchée de la probabilité mathématique de mort, on est convenu de l’appeler mortalité. Voilà déjà un premier point d’acquis, et résolu contrairement à la pratique de ceux qui, dans ce cas, disent que la mortalité est de
.
22Formulons en une expression générale cette approximation de la probabilité : soit A, une collectivité vivante au début de l’observation ; à la fin de l’unité de temps elle aura fourni D décès ; il ne restera plus alors que A – D, soit Z, encore vivants et au moment où ils sortent du champ de l’observation. D’après ce que nous venons de voir plus haut, la mortalité moyenne pendant l’unité de temps sera donc [1] . Je ne prétends point qu’il faille repousser toujours le rapport
, le seul souvent qu’on puisse fournir sans hypothèse ; mais je dis qu’il ne faut pas lui donner le même nom qu’au rapport
, et comme celui-ci, qui ne diffère que fort peu de la probabilité mathématique, s’appelle légitimement mortalité, j’ai proposé ailleurs de nommer dîme mortuaire11 cet autre rapport
.
23/33/ Cependant, cette formule de la mortalité peut se mettre sous une autre forme dont nous nous servirons plus tard ; en effet, Z = A – D ; substituant à Z sa valeur, il vient [2]
.
24Il est vrai que l’hypothèse où nous sommes placé se réalise peu dans la pratique ; il est rare que l’on puisse suivre un même groupe pendant l’unité de temps, sans que beaucoup n’échappent à l’observation avant la fin de sa durée, tandis que des nouveaux venus viennent incessamment se mêler au groupe observé. C’est ce qui arrive dans une population, quand on étudie soit ses groupes d’âge, soit ses groupes professionnels, etc. ; c’est ce qui arrive encore dans les prisons et dans les hôpitaux, etc. Il faut donc étudier l’influence que peut avoir sur notre formule cet écoulement incessant des vivants.
V. Mortalité de la population ordinaire
25Supposons d’abord que nous voulions observer et déterminer les conditions de la mortalité chez un groupe de la population ordinaire, par exemple, pour le groupe compris entre la 20e et la 21e année de la vie de nos jeunes hommes. Je suppose que nous étendions notre enquête pendant 365 jours, depuis le 1er janvier jusqu’au 31 décembre de la même année. Il est clair qu’au 1er janvier le groupe que nous étudions, tel que le census ou le contingent militaire nous permettent de le connaître, ne nous offre pas que des jeunes gens de 20 ans précis ; ils sont échelonnés de 20 à 21 ans. Considérons d’abord le premier sous-groupe qui a justement 20 ans accomplis le 1er janvier, et dont la 21e année d’âge commence avec l’année d’observation, soit a leur nombre ; nous les suivrons pendant les 365 jours de l’année en enregistrant leurs décès, soit d ces décès, pendant tout le cours de l’année jusqu’à la fin du 31 décembre ; le nombre de ce sous-groupe qui arrivera à la fin de leur 21e année sera nécessairement a – d, soit z ce nombre. En vertu de la formule précédemment posée sera la mortalité moyenne de cette première couche.
26De même, et dès le début de l’observation, un autre sous-groupe (je dirai mieux, une seconde couche) sera composé de ceux qui ont précisément 20 ans et 1 jour ; une troisième couche, de ceux qui ont 20 ans et 2 jours ; une quatrième, 20 ans et 3 jours ; ainsi de suite ; et enfin une dernière comprendra ceux qui ont 20 ans 364 jours. Je dois admettre, qu’en moyenne, ces couches, qui composent la population de 20 à 21 ans, eussent été égales entre elles (et chacune égale a), si on eût considéré chacune au début de leur entrée dans la 21e année d’âge ; mais, en fait, et parce que l’observation ne commence pas au début de cet âge, mais au début de l’année, la seconde couche, ayant 20 ans et 1 jour, a déjà dû être atténuée des décès de la première journée, soit de , de sorte que le nombre de ses vivants, /34/ au début de l’année d’observation, se trouve donc réduit à
; de même la troisième couche, âgée de 20 ans et 2 jours, entrera dans l’année d’observation en un nombre
; la quatrième couche, âgée de 20 ans et 3 jours, sera au nombre de
; ainsi de suite jusqu’à la dernière, qui sera au nombre de
.
27Cela posé, suivons une quelconque de ces couches pendant l’année d’observation, soit, par exemple, la seconde couche, dont les individus sont au nombre de au début de l’année. Il ne nous sera donné de poursuivre l’enquête sur cette seconde couche que pendant 364 jours et jusqu’au 30 décembre, car, à cette date, elle aura 21 ans révolus et sera réduite à
sortants. Nous n’aurons donc les décès de cette seconde couche que durant 364 jours, les décès du premier jour de leur 21e année qui nous manquent, ayant eu lieu avant la mise en observation, appartiennent à l’année précédente, tandis que ceux du dernier jour de l’année observée, s’appliquant à des sujets de plus de 21 ans, seront portés dans le groupe de décès de 21 à 22 ans ; mais, à cause de la régulière succession des vivants, précisément en ce jour (30 décembre) où cette seconde couche aura terminé sa 21e année, un nombre a de nouveaux venus la commenceront et passeront le premier jour de leur 21e année dans le dernier jour de l’année observée ; ils y fourniront
décès, c’est-à-dire, précisément ces décès du premier jour de la 21e année dont la deuxième couche, entrée en observation à 20 ans et 1 jour, avait frustré l’enquête. C’est ainsi que la deuxième couche sera aussi complète que la première. Il en sera de même de toutes les autres entrées en nombre a, sorties en nombre z et ayant fourni d décès. Ainsi la dernière qui, au début de l’observation, est âgée de 20 ans et 364 jours, et dont le nombre est réduit à
, ne sera observée qu’un seul jour et ne fournira que les décès du dernier jour de sa 20e année ; dès le 2 janvier, ce sous-groupe, âgé de 21 ans révolus, échappe à l’enquête en nombre
, mais ce même jour, un nombre a de nouveaux venus ayant accompli leur 20e année entrent dans l’observation, et leurs décès vont être enregistrés pendant les 364 jours qui restent à courir de l’année d’observation ; ainsi cette dernière couche aura fourni son contingent de décès aussi complet que la première, que la seconde, que toutes les autres, de sorte que, en définitive, le total des décès D enregistrés dans tout le cours de l’année est la somme complète des d partiels que nous avons considérés, de même aussi la somme des entrées a + a + a +…… = A et celle des sorties z + z +…… = Z, comme si chaque couche était entrée complète en nombre a et sortie en nombre z, puisque, en effet, chaque couche âgée de plus de 20 ans a été précisément complétée le jour même où, ces 21 ans étant accomplis, elle sortait du champ de l’observation, par ceux qui le même jour, dépassant leur 20e année, y entraient. Nous savons donc, avec une entière exactitude, ce que représentent les D de chaque année livrés par les registres de l’état civil ; nous savons que ce nombre de décès est précisément ce qu’il serait si on eût suivi une même collectivité complète depuis le premier instant de la 20e année en nombre A jusqu’à 21 ans révolus en nombre Z. Or, d’après nos solutions précédentes, /35/ la mortalité de cette collectivité sera donnée par la formule [1]
ou son autre forme
[2].
28Donnons à ce raisonnement une forme un peu plus mathématique ; nous dirons : les documents statistiques, soit les census, soit les contingents militaires, ne donnent jamais précisément ni A ni Z, c’est-à-dire le nombre de ceux qui, dans le cours d’une année, arrivent successivement à avoir 20 ans révolus (A), ou 21 ans révolus (Z) ; ils donnent le nombre des vivants existant un jour quelconque et compris entre un âge et un autre, par exemple, la somme de ceux qui sont échelonnés depuis 20 ans révolus jusqu’à 21 ans. Or, nous avons vu que cette somme des vivants constituant la population recensée se compose :
- 1° De a, ceux qui ont précisément 20 ans le jour du dénombrement ;
- 2° De
, ceux qui ont 20 ans 1 jour le jour du dénombrement ;
- 3° De
ceux qui ont 20 ans 2 jours le jour du dénombrement ;
- 4° De
ceux qui ont 20 ans 3 jours le jour du dénombrement ;
- …
- Enfin, de
, ceux qui ont 20 ans 364 jours le jour du dénombrement ;
- Et de
ou a – d, qui commence l’âge suivant.
29Or, cette série est une progression arithmétique régressive ; donc rien de plus facile par l’application des règles de l’arithmétique que d’en trouver la somme égale à ; mais 365 , c’est justement tous ceux qui ont commencé leur 21e année dans l’année observée ou A ; de même 365 d, c’est le total des décès dans tout le cours de l’année ou D ; ainsi la population recensée P en un jour quelconque de l’année peut être représentée par la formule A – ½D. Or, cette valeur est précisément le dénominateur de l’expression [2] qui donne la mortalité
.
30Il résulte de là que l’on obtiendra aussi précisément la mortalité de tout groupe de l’âge (n) à l’âge (n+1) en divisant les décès annuels compris dans ce groupe Dn··n+1 par la population du même âge P n··n+1 et telle que la donne le dénombrement effectué un jour quelconque de l’année. On aura ainsi la troisième formule fondamentale [3] dont l’usage est en pratique le plus fréquent et l’un des plus connus. Cependant beaucoup s’en servent sans avoir déterminé au préalable, comme nous l’avons fait ici, les conditions rigoureuses qui font son exactitude, c’est pourquoi, l’appliquant à tort et à travers dans des circonstances où elle ne saurait l’être, ils en tirent les résultats les plus erronés, et comme c’est justement contre ces interprétations vicieuses qu’est rédigé ce travail, nous croyons devoir discuter les conditions fondamentales de cette formule.
31On vient de voir que cette formule est née de l’égalité P = (A – ½D), ou, plus précisément en notant l’âge : [4] ; c’est cette égalité qui a permis de substituer le terme P à la valeur A – ½D ; cette égalité est donc la condition de la formule fondamentale [3] si usitée. Voyons quelles sont les principales /36/ circonstances qui, dans la pratique, sont destructives de cette égalité [4] et par suite dans lesquelles la formule [3] n’est pas applicable.
VI. Les conditions nécessaires à l’égalité fondamentale [4] P = A – ½D
321. La première condition, et la seule qui puisse manquer quand on considère une population libre, c’est celle qui suppose les décès également répartis dans tous les instants du temps (n) au temps (n+1), ou durée que les individus du groupe étudié mettent à traverser le milieu assigné (soit à passer d’un âge à un autre, soit à séjourner dans un lieu déterminé), c’est, en effet, cette hypothèse de l’égalité journalière du nombre des décès qui a permis que les successions décroissantes des vivants et croissantes des décès qui s’y constituent forment à très peu près des progressions arithmétiques et, par suite, a rendu possible de poser la formule P = A – ½D12.
33C’est encore cette supposition qui permet (la mortalité pendant le temps (n··+1) étant déterminée) de dire la mortalité d’une fraction quelconque de ce temps. (Voyez la note 13.) Il est évident, cependant, qu’en toute rigueur cette égalité des décès dans des temps égaux n’existe pas ; puisque la mortalité varie si profondément de 0 à 13 ans, et de 13 à 100 ans, elle ne peut être rigoureusement égale à elle-même deux instants de suite. Mais ces différences de chaque instant, de chaque jour, et même, au milieu de la vie, de chaque année, sont trop petites pour qu’il y ait aucune utilité à essayer d’en tenir compte. Il s’agit donc seulement de choisir des unités de temps embrassant une durée assez resserrée pour que, pendant son cours, on puisse, sans erreur notable, supposer cette égalité des décès quotidiens. Il ne faut ici ni minutie, ni trop de facilité. C’est le degré de précision des documents eux-mêmes qui doit déterminer celui qu’il convient d’apporter dans les calculs auxquels on les soumet. Il est évident qu’il serait puéril de compliquer les calculs pour arriver à une précision que les données numériques elles-mêmes ne comportent pas. Or, dans la pratique, on peut le plus souvent prendre l’unité de temps assez courte pour que cette égalité de mortalité pendant sa durée puisse être admise13.
34/37/ La première année de la vie fait seule exception à cause des mouvements si rapidement décroissants de sa mortalité ; il faudrait ici avoir les éléments par jour pour la première quinzaine, par semaine pour le mois suivant, et par mois jusqu’à la fin de la première année. Nous dirons une autre fois par quelle correction on peut, jusqu’à un certain point, remplacer ces données qui manquent le plus souvent.
352. La seconde condition de l’égalité [4], , c’est que l’unité de temps pendant laquelle on veut déterminer le danger de mort soit précisément égale à la durée du séjour des entrées A dans le milieu étudié, ou (s’il s’agit de groupes d’âges) cette unité doit être l’intervalle compris entre (n) et (n+1). Ainsi, si l’on veut déterminer le danger de mort qui menace les jeunes hommes de 20 à 25 ans, on doit déterminer ce danger pour la période quinquennale entière. On peut, il est vrai, et d’après la note (p. 36), c’est-à-dire, si l’on suppose la mortalité également répartie, dans le cours de l’unité de temps, en déduire par simple division le danger annuel, mensuel ou quotidien.
36Cette deuxième condition résulte de la simultanéité des progressions des vivants et des décédés, bases de nos formules : a, ,
,
, etc., dont A, D sont les sommes ; les décès de chaque jour sont issus des entrées suivies jour par jour jusqu’à leur sortie du groupe inclusivement ; vivants et décès que fournissent ces vivants, sont donc deux successions nécessairement liées l’une à l’autre, l’une ne saurait se continuer sans l’autre. L’oubli de cette considération dans les populations cloîtrées a donné lieu à de si fréquentes et si grosses erreurs, qu’il convient d’en éclairer l’importance par quelques exemples.
37Fournissons d’abord un exemple où l’erreur soit si manifeste qu’elle révolte le bon sens. Supposons une maison d’enfants trouvés où les nouveau-nés ne font en moyenne qu’un séjour d’un mois. La maison est toujours pleine et renferme 1 000 enfants ; or, il arrive communément qu’une telle population fournit 100 décès par mois, soit par an 1 200 décès ; mais la population constante étant de 1 000 enfants, la mortalité annuelle serait donc , ce qui est absurde.
38La vérité est que, la durée moyenne du séjour étant un mois, la mortalité est de pour le premier mois d’observation, et on n’a pas le droit d’en tirer la mortalité pour douze mois, car ce n’est pas la même succession des vivants qui fournit la succession de 1 200 décès enregistrés dans l’année ; tandis que la constitution de la formule [3] suppose cette continuité des uns et des autres. Il en serait de même si, relevant pendant 50 ans les décès des groupes successifs de 1 000 jeunes gens de 20 à 25 ans de la population libre, et ayant relevé 1 100 décès, on en concluait que la mortalité semi-séculaire de 20 à 25 ans est de
, cela n’aurait pas de sens. Dans tel asile provisoire de vieillards et de malingreux, qui renferme journellement 100 individus, il peut également arriver 2, 5, 10 décès par mois, c’est-à-dire 24, 60, ou 120 décès par année. Dira-t-on que la mortalité annuelle dans /38/ cet asile est de 24, de 60 et de 120 % ? Ce dernier rapport montre par son absurdité que les autres ne sont pas moins erronés, et tous pèchent par l’oubli du même principe, celui précisé par la deuxième condition, savoir : que l’unité de temps pendant laquelle on calcule la mortalité, ne doit pas dépasser le temps que la collectivité vivante séjourne dans le milieu étudié. Cependant il ne faut pas confondre la durée de cette unité de temps avec celle de l’enquête elle-même, car celle-ci doit, au contraire, se prolonger pendant plusieurs unités de temps pour obtenir une valeur moyenne. Mais alors on divise les décès relevés par le nombre d’unités de temps pendant lesquelles on a observé; ou bien encore, conservant le nombre entier des décès relevés, on prend la population autant de fois qu’il y a eu d’unités de temps, puisque, pendant chaque unité de temps, la population a traversé à nouveau le milieu observé, et on obtient la mortalité pendant l’unité de temps ou pendant le séjour; c’est précisément ce que l’on fait quand, pour apprécier la mortalité d’un hôpital, on divise les décès relevés dans l’année par la somme des entrées (E) dans tout le cours de l’année, et nous prouverons que, pour ce cas, la formule
est suffisamment exacte, ou laisse très-peu à désirer, et que les critiques que l’on en a faites sont malheureuses14. Les deux conditions suivantes feront pénétrer dans la raison intime qui rend obligatoire cette seconde condition.
393. Troisième condition. — Malgré la condition précédente, nous avons vu (p. 33), en étudiant comment, dans la population libre, les vivants se succèdent et s’écoulent en traversant un groupe d’âges (de 20 à 21 ans dans l’exemple donné), nous avons vu, dis-je, que ce n’est pas toujours le même individu qui séjourne dans le groupe pendant toute la durée de l’unité de temps; que, par exemple, celui qui, au 1er janvier, a 20 ans et 7 mois ne séjourne que cinq mois dans le groupe de ceux âgés de 20 à 21 ans dont on relève les décès annuels, mais le jour même de sa sortie il se trouve remplacé, à cause de l’écoulement naturel des vivants, par un autre qui vient d’accomplir ses 20 ans, et qui, restant jusqu’au 31 décembre, c’est-à-dire sept mois dans le groupe étudié, complète rigoureusement ce qui manquait à celui qui en est sorti. Cette condition que celui qui sort avant la fin soit remplacé immédiatement par une entrée qui le continue, le complète, en offrant normalement (ou en moyenne) les mêmes chances que le sortant, cette condition, dis-je, est indispensable ; sans elle, nos formules établies avec l’hypothèse de cette succession, deviennent fausses, et ce point de théorie a échappé à beaucoup d’auteurs. Cependant deux cas peuvent se présenter :
401° L’individu quittant le groupe n’est pas remplacé… ou ne l’est que tardivement ;
412° Ou il est remplacé par un individu dissemblable et qui, n’offrant plus les mêmes conditions, ne peut être regardé comme le continuant.
42Examinons ces deux cas :
431° L’individu qui quitte le groupe n’est pas remplacé. Je dis que ce remplacement /39/ est une condition de l’exactitude de notre formule fondamentale [4], P = A – ½D ; si, en effet, des individus qui au début ont compté parmi les vivants du groupe étudié et, par conséquent, sont compris dans A, en sortent vivants dans le cours de l’année sans laisser de trace ni parmi les vivants ni parmi les décédés, il est clair que le census, fait à un jour quelconque de l’année, ne les retrouvera pas; ils ne seront pas compris dans P, tandis que l’expression A – ½D les contient ; ainsi, au lieu de l’égalité fondamentale [4], le census donnera l’inégalité P < A – ½D. D’ailleurs on comprend de reste que ces entrées, qui n’ont fait dans le milieu qu’une fraction de séjour, n’auront épuisé qu’une fraction de chance de mort et ne peuvent légitimement être assimilées à ceux qui les ont épuisées toutes. Cependant, si on connaît le nombre de ces sorties, supposées régulièrement distribuées (comme on suppose les D), il sera facile d’introduire une correction qui rétablisse l’égalité [4]. En effet, soit σ
44le nombre de ces sorties non remplacées, on peut, par leur influence décroissante sur la population P, les assimiler rigoureusement à des décès survenus pendant le cours de l’unité de temps, et alors on aura évidemment P = A – ½(D + σ), et par suite la mortalité aurait pour formule .
452° Le second cas est celui où l’individu sortant a pour successeur un nouveau qui se trouve normalement dans des conditions différentes, alors il est clair que le sortant n’est pas continué, mais recommencé ; c’est une nouvelle entrée à enregistrer. C’est le cas que présentent notamment les hôpitaux ; le sortant, ayant d’ordinaire subi les chances les plus mauvaises de sa maladie, ne quitte l’hospice que dans sa convalescence, il ne saurait donc être regardé comme continué par un nouveau venu qui a ces chances à courir. Celui-ci doit être considéré comme une entrée nouvelle et le sortant comme ayant accompli son séjour dans le milieu. Nous verrons plus loin comment on fait droit à ces conditions dans le calcul de la mortalité dans les hôpitaux ; examinons maintenant la dernière exigence de la formule fondamentale [4].
464. La quatrième condition. — Elle est, pour ainsi dire, le corollaire de la condition précédente et consiste en ce qu’une sortie par décès du groupe étudié ne saurait être remplacée par un vivant, car il est clair que celui-ci recommence les chances épuisées par celui-là.
47On comprend, en effet, que, si on admettait qu’un vivant peut remplacer et continuer un mort, ce nouveau venu pouvant mourir lui-même pendant le temps de l’observation (et mourant nécessairement de temps à autre), on aurait alors, pour une entrée, deux décédés, ce qui est absurde, et, en réfléchissant, on se convaincra que c’est cette absurdité qui s’est manifestée dans les exemples que nous avons donnés à l’appui de la deuxième condition qui pourrait être déduite de celle-ci. D’ailleurs, toute l’économie de nos formules s’appuie sur cette atténuation incessante des vivants par leurs décès successifs, atténuation qui fait que la population libre va en s’épuisant du premier âge au dernier ; c’est cette atténuation qui est représentée par la succession : ,
,
, …
…, base de nos formules. Or, ce cas du remplacement immédiat d’un décès par un vivant est précisément celui qui se présente presque constamment dans les collectivités internées15hôpitaux, hospices, maisons d’arrêt, où les vides laissés par les décédés sont de suite comblés par les nouveaux arrivants ; c’est la différence la plus radicale qui sépare /40/ ces agglomérations artificielles de la population libre, et c’est pourquoi les mêmes formules pour déterminer la mortalité ne peuvent être appliquées. — Mais il n’est pas bien difficile d’introduire des corrections qui rendent de nouveau nos formules applicables. En effet, A représentant toujours le nombre de ceux existant dans l’asile au début de l’enquête, on conçoit que dans le cas maintenant supposé, où les décès successifs, immédiatement remplacés, n’affaiblissent plus les rangs des vivants, le nombre de ceux-ci (P) sera supérieur à l’expression A – ½D qui suppose cette atténuation à chaque décès. Si on sait combien de décès ont été immédiatement remplacés par un vivant, soit δ ce nombre, comme ces décès n’ont pas contribué à affaiblir le nombre des vivants, ils sont à ce point de vue comme s’ils ne se fussent pas produits ; l’expression de la population ci-dessus deviendra donc A – ½(D – δ), et par suite la mortalité de ce groupe sera
.
48Mais si, comme il arrive le plus souvent, tous les décès sont immédiatement remplacés, alors δ = D et la valeur évaluatrice de la population deviendra simplement A, c’est-à-dire que l’on aura P = A ; la mortalité aura donc pour formule [5].
49Cette formule [5] sera donc celle qui sera applicable à toutes ces populations cloîtrées (hospices, maisons d’arrêt, etc.) toutes les fois que ces maisons resteront à peu près constamment pleines ; mais alors il y aura lieu de ne pas perdre de vue la deuxième condition, c’est-à-dire que la mortalité ne doit être calculée que pour la durée moyenne du séjour dans le milieu. C’est cette durée, ce séjour qui constitue la seule unité toujours légitime du coefficient de mortalité16 ; et que j'appelerai pour abréger unité de mortalité . Ce ne sera pas sans risque de s’égarer qu’on la changera contre telle ou telle autre, par exemple, contre le danger annuel ou quotidien. Selon les cas, on peut le faire quelquefois, mais non pas toujours, et c’est dans cette transformation, et dans la détermination qu’elle nécessite de la durée moyenne du séjour, que se sont commises les plus grosses erreurs dont je vais m’occuper ; puis je donnerai dans mes conclusions les formules diverses qui, dans la pratique, doivent servir à déterminer la mortalité, soit dans le milieu social (groupe d’âges, groupe professionnel, etc.), soit dans les hôpitaux, les hospices, les prisons, etc.
VII. Cas dans lesquels le danger de mort journalier peut être pris comme une partie aliquote de temps et comme élément de comparaison et de mesure de l’état sanitaire
50/57/ Nous venons de voir que la durée moyenne du séjour était la seule unité de mortalité toujours légitime, c’est-à-dire la seule durée pendant laquelle on pouvait toujours déterminer sûrement le danger de mort. Mais il y a lieu de constater que cette mortalité, durant ce séjour des individus dans le milieu étudié, ne permettra que rarement la comparaison des diverses maisons de détention, vu l’inégalité de ce séjour dans chacune. En effet, ici, ce sont des asiles de passage, où les gens ne restent que quelques semaines ; ailleurs, des prisons où on reste plusieurs mois, et d’autres où le prisonnier séjourne plusieurs années. Il est donc évident que, si la mortalité est seulement calculée en bloc pour toute la durée du séjour, les résultats ne seront nullement comparables. Dans ces circonstances c’est donc une bonne idée que celle de M. Loua, de prendre dans tous ces cas la journée de 24 heures comme une aliquote de l’unité, et de calculer le danger de mort journalier de chacun de ces milieux. Dans ce système on n’a plus, pour ainsi dire, à s’occuper des individus. En effet, l’administration, en même temps qu’elle relève les décès annuels, enregistre avec non moins de soin, pour ses besoins de comptabilité, ce qu’elle appelle les journées de présence (J) de l’année, somme du nombre d’individus qu’elle a dû entretenir chaque jour de l’année. Ici la personne est prise autant de fois qu’elle a été entretenue de jours ; on peut, si on veut, faire abstraction de l’individu et le supposer faisant autant de personnes qu’il est resté de fois 24 heures ; la somme J de toutes ces journées de présence pourra donc être assimilée à un même nombre de personnes ayant été exposées chacune durant 24 heures aux chances de mort du milieu et ayant fourni ensemble dans ce temps D décès : alors le rapport [7] donnera le danger /58/ journalier de mort. La comparaison de ce danger dans les différents asiles et maisons pénitentiaires sera dès lors facile et légitime et en fera connaître la mortalité respective ; enfin, en multipliant ce danger par le nombre moyen de jours de la détention, on aura la mortalité durant cette détention, mais il importe de ne pas perdre de vue que c’est seulement dans le cas où cette durée moyenne a été de près d’une année ou davantage que l’on pourra légitimement [voir le § VI ci-dessus], en multipliant cette mortalité par 365 jours, avoir la mortalité annuelle.
51Cependant, n’oublions pas que ce procédé, qui considère le danger journalier, suppose nécessairement que le danger de mort de ces asiles est proportionnel au nombre de jours que l’on y passe, puisqu’on partage également entre eux les décès survenus.
VIII. Cas dans lequel le danger de mort quotidien ne peut pas être pris comme élément de comparaison de l’état sanitaire des milieux
52L’hypothèse précédente de l’égalité du danger de chaque jour est sans doute suffisamment exacte pour les prisons, les maisons de détention, mais nous avons vu qu’elle ne l’est pas du tout pour les hôpitaux. Je dis même que, dans les hôpitaux, la mortalité est plutôt indépendante de la longueur du séjour qu’elle ne lui est proportionnelle, de sorte que l’appréciation de la mortalité journalière est tout à fait fallacieuse et propre à induire en erreur sur les qualités sanitaires de tel ou tel hôpital. En effet, que dans tel service, tel hôpital, ou en telle saison, les malades du dehors soient peu nombreux, les chefs de service seront moins pressés de renvoyer leurs convalescents, ils les garderont 4 à 5 jours de plus ; c’est le contraire qui arrivera en temps d’épidémie et toutes les fois que de nombreuses demandes d’admission seront faites, les convalescents seront promptement renvoyés et remplacés par des malades nouveaux; or il est clair que, dans ce dernier cas, le danger journalier, et non celui des personnes, sera bien aggravé, puisque le service hospitalier gardera moins longtemps ses convalescents dont le danger de mort était devenu très petit et les troquera contre de nouveaux malades. C’est que dans les hôpitaux qui ont pour objet le traitement des maladies aiguës, c’est le malade, et mieux la maladie, qui détermine l’unité de mortalité, l’élément constitutif du danger de mort, bien plus que le temps plus ou moins long du séjour à l’hôpital ; et c’est pourquoi le danger journalier, fort significatif pour les prisons, est fallacieux pour les hôpitaux : il sera faible si on garde longtemps les convalescents, et inversement ; c’est ce que M. Loua, qui applique sa méthode aux hôpitaux, ne paraît pas avoir soupçonné, ou il ne s’en est pas préoccupé, pensant échapper à l’erreur en reconstituant au moyen du danger journalier le danger personnel ou par malade ; il suffit en effet, pour cela, de connaître le nombre de jours moyen que les malades passent dans l’hospice (soit j ce nombre) ; en multipliant ce nombre de jours par le danger d’un jour , on obtient évidemment le danger par malade. Constatons d’abord, par un exemple, que pour les hôpitaux cette transformation est indispensable, que c’est le danger par malade, qui seul mesure les chances de mort ou de guérison de l’individu et qu’il n’est pas toujours d’accord avec le danger journalier. En effet, à Paris (1855-1862), l’hôpital Necker est celui qui garde le moins longtemps ses malades (17,4 jours) ; aussi le danger journalier de mort est-il un des plus forts, et en chiffre rond de 0,007 ; la Charité est l’hôpital qui les garde le plus (23,6) ; aussi le danger journalier n’est que de 0,0055, et pourtant, malgré une différence si notable en faveur de la Charité, /59/ on y perd vraiment plus de malades qu’à Necker; car, si on prend le danger par malade, on trouve que la Charité a au moins 145 (145,23) décès sur 1 000 entrées, et Necker seulement 121. Ainsi se trouve vérifiée notre critique par l’apparence trompeuse de la mortalité journalière dans les hôpitaux où l’on traite les maladies aiguës. Si, en effet, on en croyait cette mortalité, la Charité offrirait de meilleures conditions que Necker, tandis qu’en fait, si l’on considère le danger personnel, ou par malade, c’est le contraire qui est vrai.
IX. Durée du séjour, utilité de le déterminer et méthode pour y parvenir ; erreurs commises
53Ainsi il est avéré que dans les hôpitaux la mortalité n’est pas proportionnelle à la durée du séjour, et que ce n’est pas le danger de la journée qui en mesure les conditions sanitaires, mais bien le danger évalué pour la durée de séjour ou par malade, tandis que dans les maisons de détention, où l’on peut admettre que le danger croît avec la durée du séjour, la comparaison des dangers par jour est sans doute le meilleur élément d’appréciation. Cependant, même pour les maisons de détention, il importe beaucoup d’apprécier la durée du séjour, car, au fond, il est probable que le danger de mort y croît plus vite que les jours de détention, de sorte qu’il y a lieu de mettre toujours en regard la durée du séjour. Ainsi, dans tous les cas, il importe de connaître cette durée :
541° Dans les hôpitaux, puisque c’est l’unité selon laquelle doit être appréciée la mortalité ; et le danger journalier, si on veut le déterminer, n’est ici qu’un élément, une étape du calcul nullement indispensable et, en tout cas, à laquelle il n’y a pas lieu de s’arrêter, car c’est une valeur qui n’a pas d’existence effective ;
552° Dans les prisons, les asiles, les maisons de détention, pour être mise en regard de la mortalité journalière et en compléter la signification. M. Loua l’a bien senti, et partout il a cherché avec raison à déterminer cette durée, mais il l’a fait sans succès, et pour que le lecteur apprécie de suite l’écart qui le sépare de la vérité, je dirai que dans son article : Influence de la détention sur la mortalité, inséré dans le Journal de la Société de statistique (année 1865, p. 288, et 1866, p. 2117), il résulte de ces calculs sur la durée de la détention dans les maisons centrales, que cette durée moyenne serait de 246 jours [Loua, 1866, p. 21], tandis qu’elle est de 762 jours !! et ce n’est pas le résultat d’une faute d’impression ou de calcul, mais de méthode ; il s’ensuit que la mortalité de 1 000 prisonniers pendant la durée de leur emprisonnement ne serait que de 40,5 d’après M. Loua [Loua, 1866, p. 21], tandis qu’elle est en réalité de 124. On voit que ce n’est pas une mince différence qui nous sépare. Il ne me reste plus guère, pour finir ce travail, qu’à montrer la légitimité de mon calcul et l’erreur de celui de M. Loua, et à présenter les conclusions de ce travail.
56Formulons d’abord les conditions théoriques d’un établissement pénitentiaire qui, ayant 100 prisonniers (A) le 1er janvier a, dans le cours de l’année, autant d’entrées (E) que de sorties (Σ) (par décès ou autrement) ; si ces entrées et ces sorties sont en même nombre, il y aura nécessairement encore 100 prisonniers (Z) le 31 décembre, et en supposant les mouvements régulièrement départis dans tout le cours de l’année, la population moyenne de cette prison sera précisément de 100 habitants. Supposons maintenant que l’on y ait noté dans le cours de l’année 100 entrées, et par suite 100 sorties (par décès ou autrement), il est évident que la population entière aura été renouvelée dans le cours de l’année ; et si ce mouvement est le même dans les années successives, il est clair que la durée du séjour moyen des individus est justement l’année ; car si l’éviction a lieu à tour de rôle, /60/ comme il convient de le supposer en moyenne, celui qui est entré le 1er janvier, sortira le 31 décembre suivant18, ainsi de suite, de sorte que chacun aura fait un séjour d’une année dans le milieu étudié ; mais supposons, au contraire (la population intérieure restant toujours 100), que le renouvellement n’ait lieu que par 50 entrées et 50 sorties dans l’année, il est clair et nécessaire, en moyenne, que celui qui est entré le 1er janvier 1860, devra attendre la fin de la deuxième année, décembre 1861, pour que son tour de sortie soit venu ; ainsi, en moyenne, chacun restera deux ans. Si, la population intérieure restant toujours 100, le mouvement des entrées et des sorties est de 25 chaque année, le prisonnier entré le 1er janvier 1860 devra, en moyenne, attendre la fin de la quatrième année, en décembre 1863, et le séjour moyen de chaque prisonnier sera de 4 ans. Mais si le renouvellement est plus accéléré, et si, toujours pour entretenir en même nombre nos 100 prisonniers, il y a chaque année 200 entrées et 200 sorties, il est clair que le tour régulier de sortie du prisonnier entré le 1er janvier sera le 30 juin, et la sortie de celui qui, pour le remplacer, entrera le 30 juin, sera le 31 décembre, ainsi le séjour moyen sera d’une demi-année ; il ne peut y avoir aucun doute sur des raisonnements si simples et ils nous conduisent à formuler la règle suivante : Étant donnée la population constante d’une prison (P) (celle du 1er janvier peut souvent être prise pour telle), soit alors (A) cette population, et les entrées (E) durant le cours de cette même année, donnera le temps nécessaire au renouvellement de la population incluse et en même temps la durée du séjour moyen de chacun. Il n’arrive pas, il est vrai, que, dans le cours de l’année, la population reste invariablement celle du 1er janvier ; et si on avait plusieurs dénombrements dans le cours de l’année, on prendrait la population moyenne (P). Ainsi comme on a ordinairement la population au 1er janvier (A) et celle du 31 décembre, soit (Z), on peut donc, pour avoir (P) avec plus d’exactitude, prendre (A + Z)½ ; de même, et par suite, comme en pratique, les entrées (E) et les sorties (Σ) (décédés compris) ne sont jamais parfaitement identiques, au lieu de (E) on prendra aussi (E + Σ)½, et on aura alors le rapport
ou simplement
[8] pour valeur de la durée du séjour moyen (j)19, si on suppose la population à peu près constante dans le cours de l'année.
57On peut encore appuyer cette formule sur la remarque suivante, c’est qu’il est clair que la population (P) d’un asile est évidemment égale au nombre des individus qui y entrent (E) multiplié par le temps qu’ils y restent j, d’où P = E x j et par suite . Nous remarquerons que cette formule est fort connue des statisticiens, car c’est justement celle qui, dans une population supposée stationnaire (et c’est à bien peu près le cas général des maisons de détention), donne la vie moyenne, c’est-à-dire, la durée moyenne du séjour de chacun de nous en ce monde. Cette formule
ou
est justement identique à la nôtre ; en effet (A + Z)½ c’est justement la population moyenne des maisons pénitentiaires ; N ou les naissances /61/ sont les entrées E ; D, les décès, représente les sorties Σ, et, dans le cas où il n’y a pas égalité entre ces deux termes, Price [Price, 1779] et ensuite M. Ch. Dupin20 ont proposé, comme nous, de prendre une moyenne arithmétique entre ces deux termes (N + D)½ ; ainsi notre méthode pour calculer la durée du séjour moyen présente toutes les garanties ; d’une part, nous en avons donné la démonstration, et de l’autre, elle n’est au fond que l’application à un autre milieu d’une formule fort connue des mathématiciens. Faisons-en maintenant l’application aux maisons centrales, au sujet desquelles une différence si exorbitante existe entre M. Loua et moi ; je prendrai les chiffres relatifs et ronds. M. Loua nous apprend que ces maisons ont, par 67 individus présents le 31 janvier, 33 entrées dans le cours de l’année, et que, à quelques centièmes près, ces nombres sont précisément égaux aux sorties (décès compris) et aux présents le 31 décembre suivant. Voilà donc le problème qui est posé dans sa simplicité théorique ; notre formule [6]
devient
et donne un séjour (en année et fraction d’année) de 2,06 qui, convertis en jours, devient 752 journées comme séjour moyen des prisonniers, tandis que M. Loua calcule ce séjour de 246 journées, ou environ les deux tiers d’une année ! Comment M. Loua ne s’aperçoit-il pas que si une prison, logeant 67 prisonniers le 1er janvier, ne les conservait que les deux tiers d’une année, ce n’est pas 33 entrées qu’il lui faudrait pour compenser les sorties, mais au moins 100 entrées ? Et il ne s’aperçoit pas davantage que, s’il était vrai que ces 67 prisonniers ne faisaient dans la maison qu’un séjour de moins d’une année, ils seraient nécessairement tous partis avant la fin de l’année, tandis qu’il nous apprend qu’il n’y a eu que 33 départs ! On peut dire qu’il y a là une erreur manifeste et que c’est par distraction qu’elle a échappé au zélé statisticien. Mais comme cette distraction a porté sur la méthode et non sur un calcul, on retrouve partout cette erreur ; ainsi, dans le même article, il calcule que, dans les établissements d’éducation correctionnelle, la durée du séjour serait de 257 jours, et elle est de 904 jours ! que la mortalité pendant le séjour y serait de 22,1 ‰, et elle est de 77,74 ! Pour les prisons du département de la Seine, il croit le séjour moyen de 52 jours, et il est de 61 jours, et par suite, il dit que la mortalité est de 14,1 par 1 000 prisonniers, et elle est de 16,5 ! Ces erreurs se retrouvent aussi dans le beau volume publié par le ministère sur l’assistance publique ; ainsi, page lxxvii, ce livre annonce la durée du séjour dans les hôpitaux de 34 jours et elle est de près de 36 (35,85) ; il dit la mortalité de 83,5 par 1 000, elle s’élève à 87,58, et plus loin (p. lxxxi), répétant la même erreur pour les hospices, il croit la durée du séjour de 256 jours pour les adultes, elle est de 880, il la dit de 169 pour les enfants, et elle est de 323 ! Il trouve que la mortalité de l’ensemble est de 114 par 1 000, et elle est de 357 ! Je pourrais multiplier beaucoup, on le conçoit, les exemples de ces erreurs, puisqu’elles tiennent à une méthode qu’on retrouve à toutes les pages ; ainsi, page lxxxi, on voit que la population moyenne des hospices (nombre rond) est à peu près constamment de 20 000 infirmes et vieillards, etc., se renouvelant par un mouvement annuel et régulier de 11 000 entrées et autant de sorties. N’est-il pas évident qu’en moyenne il faut que chacun reste tout près de 2 ans dans l’asile pour que ce mouvement de 11 000 par an entretienne ces asiles toujours pleins ? Et l’auteur y calcule un séjour moyen de 246 jours ! Qui ne voit que, si ces infirmes ne restaient en moyenne que 246 jours, les 20 000 présents le 1er janvier seraient tous partis avant la fin de septembre, et pourtant il n’en sort que 11 000 dans toute l’année. Comment donc ce statisticien laborieux et habile a-t-il cette fois été si peu /62/ heureux ? C’est la considération d’un nombre mal formé qui l’a conduit à cette erreur. C’est ce nombre que, dans les maisons de détention, il appelle la somme des existences, et dans les hospices et hôpitaux, le nombre total des traités ; or, pour former le total, il additionne ceux qui sont présents le 1er janvier (A) et tous ceux qui sont entrés dans l’année (E) ; il ne s’aperçoit que, au point de vue de la durée du séjour que cette somme va lui servir à déterminer, ces unités ne sont pas comparables, ne sont pas de la même espèce et ne peuvent être additionnées; que le nombre de ceux qu’il appelle des existences peut se décomposer sous ce point de vue en trois parts : 1° A ceux qui étaient dans la maison au 1er janvier et qui, en moyenne, ont évidemment déjà fait un demi-séjour ; 2° ceux Z qui y seront encore le 31 décembre et qui auront fait aussi en moyenne un demi-séjour ; 3° un troisième groupe M qui, entré et sorti dans la même année, y a fait un séjour complet (le groupe M peut ne pas exister si le séjour minimum est de plus d’une année). Or, par cette méthode, M. Loua assimile la somme entière de ces existences à ce troisième groupe M : il décrète que tous ceux qui y sont compris y ont fait un séjour complet, et, en conséquence, il partage également entre eux les journées de présence ; c’est ainsi qu’il arrive à ces résultats inattendus pour les établissements d’éducation correctionnelle, d’attribuer à ceux qui y résident un séjour moyen de 257 jours, au lieu de 904 jours ou 2 ans et 174 jours. Pour les hôpitaux, la circulation est beaucoup plus rapide, c’est pourquoi le nombre de ceux qui s’y rencontrent, soit le 1er janvier (A), soit le 31 décembre (Z), est très petit en comparaison du nombre de ceux (M) qui entrent et sortent dans le cours de l’année et font ainsi un séjour complet ; il en résulte que l’erreur à laquelle aboutit M. Loua est beaucoup moins considérable. Le nombre qu’il appelle le total des traités est toujours entaché du même vice, il comprend comme ayant fait un séjour complet des demi-traités ou malades présents le 1er janvier et le 31 décembre et ayant fait seulement un demi-séjour (A et Z), et d’autres (M) qui ont subi les chances d’un séjour entier ; mais ceux-ci étant bien plus nombreux que ceux-là, l’erreur qui résulte de ce vice de méthode paraît peser moins sur le résultat ; ainsi, nous avons vu qu’à la Charité, d’après les éléments fournis par M. Loua lui-même, la durée du séjour est de 23,58 jours, M. Loua trouve 22,16, ce qui élève la mortalité de 122,7 à 130,5 par 1 000 malades. Pour tous les services de médecine réunis, la durée du séjour serait, d’après M. Loua, de près de vingt jours (19,93) et elle est vraiment de 21 (20,96), ce qui élève la mortalité par malade de 127 à 133,6, ainsi de suite.
X. Conclusion
58Il ressort de cette longue discussion que si, dans tous les cas, la comparaison des décès à la population qui les a fournis dans l’unité de temps constitue la base de toute mortalité21, il convient, vu les conditions particulières des groupes de vivants que l’on étudie et des données dont on dispose, de diviser cette recherche en diverses catégories et d’y appliquer les règles et formules suivantes :
59I. En ce qui concerne les populations libres, il convient, autant que possible, de diviser les vivants et les décès qu’ils fournissent en divers groupes d’âges, soit, par exemple, Pn··n+1 groupe de vivants de l’âge n à l’âge n+1 et Dn··n+1 les décédés qu’ils fournissent dans l’unité de temps, temps qui, d’après ce qui a été dit, ne saurait dépasser l’intervalle n··n+1 ; on a alors [3] pour expression de la mortalité dans l’unité de temps.
60/63/ II. Dîme mortuaire. — Cependant nous avons vu qu’à la naissance, parce que l’on connaissait plus certainement le nombre des naissances vivantes (S0) que celui de la population de 0 à 1 an (P0··1) on pouvait encore apprécier approximativement la mortalité du premier âge par la formule suivante , rapport toujours différent de la mortalité
et que j’appelle dîme mortuaire.
61III. En ce qui concerne les populations internées, nous avons vu qu’il y avait lieu de distinguer entre les hôpitaux où on admet les malades pour un temps très court : quelques semaines, quelques mois, ou, dans tous les cas, pour un temps toujours moindre que l’année, et pour des maladies aiguës, milieu dans lequel le danger n’est pas proportionnel à la durée du séjour ; dans ce cas, la question de temps ou de durée du séjour est tout à fait secondaire, et c’est par maladie ou par séjour, quelle qu’en soit la durée, qu’il convient d’apprécier la mortalité ; il faut donc prendre le rapport entre les décès (D) et les malades qui les ont fournis ; mais pour avoir la somme de ces malades, il importe de ne pas ajouter ceux qui, se trouvant à l’hospice le 1er janvier (A), et ceux qui, y restant le 31 décembre (Z), n’ont fait qu’un demi-séjour avec ceux (M) qui, étant entrés et sortis dans la même année, ont supporté les chances d’un séjour entier : appelons A le nombre de ceux qui étaient présents le 1er janvier, Z ceux qui y étaient le 31 décembre, et désignons par E le nombre, généralement donné, de ceux qui sont entrés dans le cours de l’année ; remarquons que, dans les hôpitaux où les malades restent toujours moins d’une année, ces entrées E se composent : 1° de ceux, en nombre M, qui sont entrés et sortis dans le cours de la même année ; 2° de ceux Z, généralement connus, qui, entrés aussi dans le cours de l’année, sont encore à l’hôpital le 31 décembre. On aura donc M = E – Z. On connaît dès lors le nombre (M) des malades qui ont subi les chances d’un séjour entier ; on a, de plus, le nombre de ceux (A + Z) qui ont subi celles d’un demi-séjour ; il en résulte la formule M + ½(A + Z) ou, en substituant à M sa valeur E – Z, la formule E + ½(A – Z) qui donneront, l’une comme l’autre, la somme totale de ceux qui ont passé un séjour entier dans l’hôpital, et par suite on aura pour mesure de la mortalité [6] /47/ ou encore :
[6 bis]. Mais comme il arrive le plus souvent que A = Z, ou à très peu près, on aura M + Z, ou simplement E pour le nombre de ces séjours entiers (et non E + A, comme dit M. Loua) ; on pourra donc poser le plus souvent avec une approximation suffisante
[6 ter] pour la mortalité par malade ; c’est la méthode de l’Assistance publique de la ville de Paris ; il nous semble que sur ce point elle laisse peu à désirer, si ce n’est la possibilité d’analyse par maladie, par âge, sexe et profession, desiderata auquel va satisfaire de plus en plus la belle statistique des hôpitaux de Paris entreprise par M. Husson22.
62/64/ Pour ces hôpitaux, la recherche du danger de mort par journée de séjour est inutile et fallacieuse, puisque le danger ne croît pas comme la durée du séjour23.
63Cependant il importera toujours, sous plusieurs points de vue, de faire suivre cette mortalité par malade de la durée du séjour qui sera donnée, en années ou fraction d’année, par la formule [8], dans laquelle A est le nombre de ceux présents le 1er janvier, Z ceux présents le 31 décembre suivant, E le nombre des entrées et Σ le nombre des sorties dans l’année (par décès ou autrement) ; ou beaucoup mieux, évaluée en journées, quand la somme des journées de présence (J) est connue, par la formule :
[8 bis], ou plus simplement, si E = Σ, par la formule
[8 ter].
64IV. Le quatrième cas est celui qui concerne les populations longuement internées, soit bien portantes, soit atteintes de maladies chroniques de très-longue durée : maisons de détention, de correction, prisons, asiles, et jusqu’à un certain point hospices. Pour ces populations internées, le danger quotidien, d’abord stationnaire, finit très vraisemblablement, à cause de l’altération graduelle de santé, par croître de jour en jour, ce qui est le contraire de la population des hôpitaux. Pour ces populations, le plus sûr est sans doute de déterminer le danger journalier en divisant les décès D par la somme des journées de présence J ; on a [7]. Comme il importe aussi beaucoup de connaître la durée moyenne du séjour, la formule [8] ou mieux [8 bis] ou [8 ter] ci-dessus donnera cette durée moyenne, et en multipliant le danger quotidien par le nombre de jours moyen de l’incarcération, on aura la mortalité pour toute la durée du séjour. Mais c’est seulement dans le cas où cette durée se rapproche de l’année ou la dépasse que l’on peut, multipliant le danger quotidien par 365 jours, se flatter d’avoir le danger annuel (voy. p. 37, § 2).
65V. Enfin, il y a des hôpitaux mixtes qui ont en même temps une population de vieillards et d’infirmes, et un service pour les maladies aiguës du dehors ; il y a aussi des asiles, des prisons avec des hôpitaux recevant des malades étrangers.
66Il est clair que toutes les fois que des éléments aussi disparates sont mêlés, le problème devient de moins en moins déterminable ; il faut tâcher d’obtenir de l’administration qu’elle sépare les éléments de ces populations hétérogènes. En attendant, peut-on se former une idée sommaire en recherchant la mortalité d’après les formules [5] et [6], ou mieux [7] et [8] combinées ? Cela est possible, sans doute, mais il ne faut pas perdre de vue que de tels compromis ne peuvent prétendre qu’à des à-peu-près fort vagues, s’opposent à toute affirmation, et c’est aussi un savoir précieux, qui témoigne d’un esprit sain, que de savoir ignorer ce que la méthode scientifique ne permet pas encore de connaître.
67Dr Bertillon
Notes de bas de page
1 Villermé, 1829. Sur Villermé (1782-1863), voir Valentin, 1993.
2 « Détermination de la mortalité dans les différents milieux, ou méthode pour calculer la mortalité d’une collectivité pendant son passage dans un milieu déterminé, que ce milieu soit la société elle-même, ou une prison, un asile, une école, un hospice, un hôpital », JSSP, 10(2), 1869, p. 29-40, et (3), p. 57-65 (1869h). Nous reproduisons ici le texte du tiré à part (Strasbourg, Berger-Levrault, 1869) qui comporte, outre des corrections de forme, quelques améliorations de fond que nous signalerons au passage.
3 « On peut définir une institution totale comme un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées. » (Goffman, 1961 (1968), p. 41.)
4 Le psychiatre Jean-Baptiste-Maximilien Parchappe de Vinay (1800-1866) avait été nommé, en 1848, inspecteur général des prisons de santé et asiles pour aliénés.
5 « La chute du Second Empire provoqua le départ de Legoyt (révoqué dès le 4 septembre), et la perte d’autonomie de la SGF qui, de division, redevint simple Bureau rattaché au secrétariat général. Le chef du Bureau est alors un administrateur sans envergure, P. [Prosper] Challot. Quelques années plus tard, il cède la place à l’ancien sous-chef, Toussaint Loua, statisticien de premier ordre. » (Dupâquier J., 1988, p. 38.)
6 Pressat, dir., 1985. L’apparition des termes « mortality quotient » et « quotient de mortalité » date de la première décennie du xxe siècle.
7 Mayer et Tuma, 1990 ; Courgeau et Lelièvre, 1989. Sur la mortalité dans les prisons, voir notamment Désesquelles, Kensey et Meslé, 2018.
8 [La citation, que nous avons pu situer dans l’Exposition de la théorie des chances et des probabilités, se trouve bien à la page 24 mais elle diffère de celle de Bertillon, notamment en ce qu’elle ne comporte aucune notation algébrique : « Concluons donc que, lorsqu’il s’agit d’un événement aléatoire, ce qu’on a intérêt à connaître, ce n’est point le nombre total des chances, ni le nombre absolu des chances favorables ou contraires à l’apparition de l’événement, mais seulement le rapport du nombre des chances favorables à l’événement, au nombre total des chances, rapport qui reste le même quand ses deux termes varient proportionnellement. Il faut donner à ce rapport un nom qui dispense d’en reproduire sans cesse la définition : on l’appelle la probabilité mathématique, ou simplement la probabilité de l’événement. » (Cournot, 1843, p. 24.)]
9 Ces instants mesurés, non par le temps écoulé, mais par celui nécessaire à la production d’un décès, seront très probablement inégaux entre eux ; ils le seront très certainement s’il s’agit de la première année de la vie, puisque les rapports successifs qui expriment la mortalité de chaque enfant ,
,
, etc., vont toujours en augmentant, tandis que la mortalité dans le même temps va en diminuant.
10 Signalons, à ce sujet, une confusion qui se fait trop souvent en démographie entre les conditions de la théorie et de la pratique : en théorie la signification rigoureuse, la détermination précise et mathématique des rapports, des termes et des formules employés est fondamentale, et ne saurait admettre aucun à peu près, sous peine d’entraîner aux conséquences les plus erronées. Mais une fois la théorie solidement établie, les conditions dans lesquelles les formules s’appliquent fixées, il n’importe guère moins, dans la pratique des calculs, d’écarter presque absolument les chiffrages trop laborieux et surtout d’éviter une vaine minutie que le peu de précision des données rendrait tout à fait illusoire. En démographie, les nombres ronds sont les meilleurs, parce que les données dont on part peuvent rarement prétendre à plus de précision.
11 M. W. Farr a, comme nous, soigneusement distingué ces deux rapports, expressions approchées de la probabilité mathématique ; comme nous il appelle le premier mortalité, mais il appelle le second probabilité de mourir. Ce serait, en effet, la probabilité mathématique, si l’on fait abstraction de la durée de l’unité de temps durant laquelle s’échelonnent les décès, et par suite, pendant laquelle la probabilité de mourir change à chaque instant (surtout aux âges extrêmes de la vie, et particulièrement dans la première année d’âge). Si donc, renonçant à avoir la probabilité moyenne approchée de ce temps (mortalité), on prenait pour mesure la probabilité du premier décès (on pourrait aussi bien prendre celle du dernier) multipliée par le nombre des décès survenus dans l’année (unité de temps beaucoup trop longue, mais le plus souvent imposée par les données), on aurait, en effet, le rapport
; mais alors l’identité de cette valeur avec la probabilité mathématique ne saurait être admise un instant (même à titre d’approximation) pour la première année de la vie, et pourtant c’est surtout à cet âge que, le chiffre des naissances (= A dans notre formule) étant le seul parfaitement connu, ce rapport
se présente de lui-même ; c’est pourquoi, comme ce rapport ne peut prétendre à être la probabilité, qu’il n’est pas davantage la mortalité, nous avons proposé la dénomination spéciale de dîme mortuaire. Par cette dénomination toute confusion dans les termes est évitée, la mortalité et la dîme mortuaire restent deux degrés différents, mais chacun parfaitement déterminé, d’approximation de la probabilité mathématique, probabilité que les conditions des problèmes donnés aux statisticiens leur permettent rarement de déterminer.
12 On pourrait remarquer ici (et ce n’est pas sans application pour les hôpitaux) que les formules [1], [2], [3] et [4] n’exigent pas que la mortalité soit d’égale intensité dans toute la durée de la période, prise comme unité de temps, elle pourrait croître jusqu’au milieu de cette période, puis décroître et redevenir au dernier instant ce qu’elle était au premier ; tel est le cas de ceux atteints d’une maladie aiguë, dont le danger de mort croît et décroît très vite. Nous pensons que le lecteur comprendra aisément, et par une simple indication, que nos formules ne seraient pas atteintes par ce mouvement intérieur ; en effet, si, pour les établir, nous avons supposé une progression, cette hypothèse n’a été employée que pour pouvoir faire la somme de la progression, d’après son premier terme, le dernier et le nombre des termes ; or si ce premier et dernier terme et le nombre des termes ne sont pas modifiés par ces mouvements ou déplacements intérieurs des unités, la somme ou la formule ne le sera pas non plus, et comme la mortalité ainsi calculée s’applique à toute la durée du séjour, sans une hypothèses d’égale distribution dans tous les instants de ce séjour, elle restera rigoureusement vraie malgré l’augmentation et le déclin constatés. Mais je ferai de suite expressément remarquer qu’il n’en serait pas de même si, d’après cette même mortalité d’ensemble et portant sur le séjour entier, on voulait calculer, par simple division des chances, la mortalité d’une fraction quelconque de séjour, d’une journée par exemple ; il est clair que cette division suppose que la mortalité agisse également pendant chacune des fractions de cette durée, et c’est le contraire qui se rencontre dans les hôpitaux.
13 Remarquons d’ailleurs que l’approximation qu’il convient d’employer ici, et dont on s’est saisi pour arguer contre la statistique, n’a rien qui lui soit propre ; cette approximation est commune à toutes les sciences appliquées. C’est pour en diminuer le vague que l’on a si heureusement substitué le nombre au mot, et ce nombre lui-même est le résultat d’une approximation ; car dans la nature il n’y a jamais deux choses égales, et la moindre addition qui les suppose telles, ne peut fournir qu’une somme approchée. L’important est de savoir l’étendue de l’erreur possible et de trouver la méthode qui, sans beaucoup surcharger l’exécution, arrive à resserrer le plus possible l’approximation ; c’est précisément l’objet de la statistique qui substitue ses déterminations méthodiques et uniformes aux appréciations arbitraires et inégales de chacun.
14 Nous verrons que cette critique est fondée sur la prétendue nécessité d’ajouter à ces entrées le nombre A de ceux qui occupent l’hôpital au début de l’observation, assertion erronée à plusieurs titres et notamment parce que, dans un hôpital toujours à très peu près plein, si, au commencement de l’année, un nombre d’individus A, à demi traités, occupant l’hôpital, ajoutent leur influence, un même nombre, compris implicitement dans les entrées de l’année (E), échappent à demi guéris à l’observation le 31 décembre, de sorte qu’il y a rigoureusement compensation avec ceux que l’on a trouvés le 1er janvier.
15 [Dans l’édition courante, Bertillon écrit : « dans les collectivités cloîtrées »].
16 [Le menbre de phrase : « et que j’appellerai pour abréger : unité de mortalité » ne figure que dans le tiré à part.]
17 [Bertillon amalgame ici les deux articles que Toussaint Loua a publiés dans le JSSP sur la mortalité dans les hôpitaux (Loua, 1865b) et dans les prisons (Loua, 1866).]
18 [Un séjour d’un an commencé le 1er janvier se termine en fait le 1er janvier de l’année suivante, un séjour d’un semestre, le 1er juillet et non le 30 juin, etc.]
19 [Le membre de phrase : « , si on suppose la population à peu près constante dans le cours de l’année » ne figure pas dans l’édition courante.]
20 [Dupin, 1828a ; Dupin, 1828b.]
21 [Dans le tiré à part de l’article, la phrase était complétée par : « dans l’unité de temps constitue la base de toute mortalité » est remplacé par « pendant la durée moyenne du séjour constitue la base de toute mortalité ou l’unité de mortalité ».]
22 Ce serait évidemment sortir de la condition expresse dans laquelle nous posons la formule M = E – Z, que d’objecter qu’elle n’est pas exacte dans les cas où quelques individus font un séjour de plus d’une année dans le milieu étudié, d’abord parce que jamais ce cas ne se présente dans les hôpitaux où, comme à Paris, l’on ne traite guère que des maladies aiguës, sans jamais garder ni les infirmes, ni les longues ou incurables affections chroniques. Mais veut-on appliquer la formule précédente à ces hôpitaux mixtes, rien de plus facile : il suffira de prendre pour unité de temps de l’enquête, au lieu de l’année, une durée quelconque, mais égale ou supérieure au plus long séjour dans le milieu étudié, de manière qu’à la fin de cette durée, tous les individus Z, qui restent dans l’asile, soient entrés pendant le cours de cette unité de temps, car alors on aura toujours ces restants Z, nécessairement égaux aux entrées E, diminués de ceux M, qui sont entrés et sortis dans le cours de cette même durée, c’est-à-dire Z = E – M et par suite M = E – Z. Il est clair alors que, dans la formule subséquente , D est le nombre des décès survenus pendant cette unité de temps de l’enquête, tandis que la mortalité (unité de mortalité) donnée par cette formule est la mortalité propre à une individualité moyenne pendant le temps moyen de son séjour, temps moyen qui ici, il importe qu’on le remarque, est nécessairement moindre que l’unité de temps pendant laquelle se poursuit l’enquête, puisque, par hypothèse, cette unité de temps a été choisie au moins égale à la durée du plus long séjour dans le milieu étudié; ainsi cette mortalité, qui s’applique à l’individu moyen, aura pesé dans ce milieu, sur plusieurs individus successifs, pendant tout le cours de l’unité de temps de l’observation. [Armand Husson (1809-1874) dirige l’Assistance publique à partir de 1859 et crée la revue Statistique médicale des hôpitaux de Paris (1867-1870). En 1863 il est nommé membre de l’Académie des sciences morales et politiques et de l’Académie de médecine.]
23 On remarquera que ce danger croit plus vite que la durée du séjour jusqu’à l’heure où la maladie aiguë a atteint son apogée, et ensuite que le danger journalier rétrograde et décroit avec le séjour ; et comme c’est presque exclusivement sur les derniers jours de convalescence que porte le plus ou moins de durée de séjour dans les hôpitaux, on peut avancer cette singulière proposition : que, dans ces hôpitaux, le danger quotidien décroit en raison inverse de la durée du séjour ce qui sépare nettement cette catégorie de la suivante 4.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Essai sur le principe de population suivi de Une vue sommaire du principe de population
Nouvelle édition critique enrichie
Thomas Robert Malthus Jean-Marc Rohrbasser et Jacques Véron (éd.) Éric Vilquin (trad.)
2017
Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine
Addition à l'Essai (1760)
Antoine Deparcieux Cem Behar (éd.)
2003
Naissance des sciences de la population
Pehr Wargentin Nathalie Le Bouteillec et Jean-Marc Rohrbasser (éd.)
2017
Éléments de statistique humaine ou démographie comparée (1855)
Achille Guillard Jacques Véron et Jean-Marc Rohrbasser (éd.)
2013