Deuxième partie
Premiers travaux sur la mortalité
p. 129-132
Texte intégral
Présentation
1Les travaux que Louis-Adolphe Bertillon consacre à la mortalité peuvent se répartir en deux catégories, ceux qui sont focalisés sur une cause de décès et ceux qui embrassent un plus vaste ensemble de causes.
2Parmi les premiers, on reproduit ici quatre articles portant respectivement sur la variole et la vaccination antivariolique, la phtisie, les empoisonnements par les champignons et la mortalité par accidents. La variole était probablement la principale cause de décès au xviiie siècle, la phtisie l’était certainement au xixe ; la première touchait avant tout des enfants, la deuxième, de jeunes adultes ; les empoisonnements et les accidents concernaient aussi les jeunes adultes. Bertillon s’intéressait bien davantage à ces causes de décès précoce qu’à la mortalité aux grands âges, qui lui paraissait largement inévitable. On note qu’il n’a pas étudié le choléra, alors même que sa mère en est morte ; peut-être considérait-il que le plus sage, sur un tel sujet, était de se taire : en dépit de l’ampleur de la littérature suscitée par ce fléau, les connaissances réellement acquises étaient maigres et les moyens d’action manquaient face à cette maladie (voir Bourdelais et Raulot, 1978). En revanche la variole, centrale dans ses publications des années 1850 et 1860, constitue un terrain particulièrement favorable à la démonstration de l’efficacité de la médecine de son temps. Le cas de la variole est presque trop beau : la mortalité infantile a commencé de diminuer avant que ne s’étende le recours à la vaccine, d’autres facteurs favorables entrant en jeu ; il semble notamment que l’amélioration de la qualité de l’alimentation des mères et des enfants ait accru la résistance à toutes les infections (Bideau, Dupâquier et Biraben, 1988, p. 288-292). Face à la phtisie, la médecine de l’époque est largement impuissante, mais Bertillon identifie, de manière assez convaincante, la surmortalité qui frappe, en temps de paix, les jeunes soldats confinés dans leurs casernements.
3Le choix d’étudier les empoisonnements par amanites, dont la contribution à la mortalité générale est minime, est plus circonstanciel : Bertillon a été médecin des pauvres à Montmorency, où sa patientèle venait le questionner sur les champignons cueillis dans la forêt domaniale voisine ; cette expérience le rend sensible à l’inadéquation des consignes que l’Armée adresse aux soldats en campagne, consignes responsables, estime-t-il, du décès de cinq militaires lors d’exercices en Corse.
4On retrouve dans l’article sur les accidents mortels la même inspiration pragmatique, associant étroitement diagnostic et recommandations. Il existe plusieurs versions publiées par Bertillon que l’on peut mettre en parallèle ; une première, en 1869 dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, entachée d’erreurs statistiques assez lourdes, et deux autres, corrigées, dès 1869 dans l’Encyclopédie générale, et en 1875 dans le DESM.
5Les trois chapitres suivants portent sur des évolutions de la mortalité générale. Ils comparent la mortalité des enfants placés en nourrice à celle des autres enfants, celle des Parisiens d’avant l’haussmannisation à celle d’après, et celle des personnes instruites à celle des moins instruites ; dans chaque cas, Bertillon s’engage dans une cause : il entend agir contre le recours aux « nourrices mercenaires », il jette un doute sur les effets prétendument positifs de la politique urbaine menée à Paris sous le Second Empire, il proclame les bienfaits sanitaires de l’instruction.
6La partie se conclut avec quatre articles d’orientation plus méthodologique, l’un sur la statistique mortuaire comparée du médecin genevois Marc d’Espine, le suivant sur la classification et l’enregistrement des causes de décès, les deux derniers sur la mesure de la durée de la vie humaine et la mortalité dans des institutions fermées.
7Ces travaux sont publiés durant la première moitié de la carrière intellectuelle de Bertillon, en une quinzaine d’années environ. La seconde moitié est marquée non par une évolution thématique, mais par le recours à de nouveaux moyens d’expression – des cartes, des courbes, et des diagrammes – ainsi qu’à de nouveaux supports éditoriaux, les revues spécialisées en statistique et en démographie. Les œuvres de cette seconde phase font l’objet des deux dernières parties de cet ouvrage.
8A. C.
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