CHAPITRE VI
Géographie économique et population
p. 149-178
Texte intégral
1Les grands groupes humains se différencient beaucoup plus par leurs conditions d’existence que par leurs caractères physiques ou que par les nécessités d’adaptation à des milieux naturels divers. On a appliqué à l’étude de ces conditions d’existence une méthode strictement descriptive, celle des genres de vie, qui s’interdit à juste titre le recours à une explication déterministe simpliste, mais aussi l’évocation des rapports économiques. Elle permet de faire un inventaire des caractères essentiels définissant globalement une collectivité attardée, vivant en symbiose étroite avec le milieu naturel et n’ayant pas atteint le stade des différenciations professionnelles ou sociales. Étendue à des sociétés complexes, cette même méthode ne peut plus être utilisée que pour décrire le comportement de petits groupes dominés par les exigences d’un métier et cantonnés dans un horizon social limité : pêcheurs, dockers, travailleurs des chantiers de travaux publics, etc. Elle est impuissante à évoquer une structure sociale et économique complexe, et ceci surtout parce qu’elle procède exclusivement d’un échantillonnage, d’un inventaire purement descriptif, en un mot parce qu’elle est seulement qualitative, alors que la connaissance de l’état économique et social d’un groupe appelle un certain nombre de mesures.
I. Population et niveaux de vie
2L’étude quantitative des conditions d’existence des groupes humains est encore très imparfaite. Elle se heurte à une première difficulté fondamentale : la disparité entre l’organisation de la vie des sociétés qui demeurent en économie naturelle et celle des sociétés qui ont atteint à des degrés divers le stade de l’économie monétaire.
Essai de mesure des ressources
3La mesure des disponibilités vitales d’une population vivant en dehors des circuits de marché, ne commercialisant qu’une fraction de sa production, ne peut s’effectuer qu’à partir de l’évaluation de quantité de denrées, converties éventuellement en calories alimentaires, pour disposer d’un facteur commun à plusieurs ressources différentes. Mais l’on sait l’imperfection d’une pareille évaluation. Elle confond d’autre part ce qui est effectivement consommé et ce qui est cédé pour obtenir des outils ou des vêtements, ou à titre de fermages et d’impôts. Elle a du moins le mérite de permettre de mesurer l’écart entre les disponibilités et le besoin minimum de la subsistance de la population.
Disponibilités en calories
4Cette mesure ne peut généralement pas être entreprise à partir des statistiques générales publiées par les États et les administrations locales, car une partie importante de la production absorbée par le circuit d’autoconsommation échappe à l’évaluation statistique. On ne saurait donc actuellement dresser des cartes mondiales des disponibilités individuelles alimentaires pour les sociétés vivant en majeure partie en économie naturelle, mais des enquêtes locales ou régionales peuvent définir des ordres de grandeur. Les multiples travaux de la FAO1 sur ce point assurent la disposition d’un réseau assez serré d’informations qui peut permettre, jusqu’à un certain point, de faire à titre purement indicatif quelques généralisations. Ces informations ont à juste titre provoqué la stupeur lorsqu’elles ont été publiées pour la première fois ou regroupées dans des ouvrages d’ensemble comme l’Économie alimentaire du globe de MM. Cepede et Lengelle2. En Amérique latine, on trouve « trois pays alimentés à peu près convenablement (Argentine, Paraguay et Uruguay), cependant que tout le reste du continent, ou à peu près, connaît une véritable famine (Argentine : plus de 3 000 calories ; Mexique, Brésil, Colombie et Pérou : de 1 800 à 2 2003) ». L’Asie a le triste privilège, selon les termes des auteurs de cette synthèse, de détenir les records de disette chronique : 2 280 calories végétales par jour et par individu à Java, 1 kg de sucre par individu et par an en Chine et en Corée, 8 kg de viande par individu et par an aux Indes et à Java… Les conséquences : « avitaminoses multiples, carences en sels minéraux, mortalité élevée et poids moyen de l’individu ne dépassant pas quelque 35 kg4 ». La situation est généralement meilleure en Afrique, mais une forte poussée démographique risque fort de ramener les normes au niveau de l’Asie.
5Or, cette pénurie de production alimentaire a une double série de conséquences :
61o elle engendre diverses carences quantitatives et qualitatives qui facilitent l’invasion du « terrain » par les infections d’origine microbienne, provoquant des maladies spécifiques (béribéri, scorbut) ;
72o elle tend tout l’effort vers l’acquisition de la nourriture et réduit la part de la satisfaction des autres besoins vitaux à des taux dérisoires. De ce fait, l’homme est mal outillé, mal protégé contre les intempéries, et, par cela même, plus fragile encore.
8Cette situation de grande détresse est celle de près d’un milliard d’hommes vivant en Asie méridionale, en Afrique, en Amérique latine. Elle risque de s’aggraver sans cesse par suite de l’accroissement naturel de population.
Transcription en signes monétaires
9Non sans danger, on peut tenter d’évaluer ces maigres disponibilités en unités monétaires, encore que les comparaisons faites sur cette base soient illusoires. Depuis longtemps déjà, un essai de synthèse de cet ordre a été fait pour l’Extrême-Orient par M. P. Gourou, qui a évalué le montant des dépenses annuelles en argent et en produits consommés d’une famille tonkinoise, en 1930, à 3 francs par jour (au taux monétaire de l’époque — soit l’équivalent de 300 francs d’aujourd’hui), et il a été possible de montrer que, pour des revenus aussi bas, la nourriture représentait les trois-quarts ou plus des trois-quarts de la consommation matérielle de la famille. La misère chinoise de la période 1920-1930 a été également définie par M. Gourou en termes monétaires :
« Alors que, dans la Chine du Nord, les dépenses moyennes d’une famille paysanne s’élevaient en 1925 à 190 dollars chinois, elles atteignaient aux États-Unis 2 958 et, pour une famille moins nombreuse que la famille chinoise, 2 391 dollars au Danemark. Tandis que la dépense moyenne annuelle d’un paysan chinois était de 32 dollars, celle d’un cultivateur américain atteignait 616 dollars chinois, soit près de vingt fois plus5… » (Gourou, 1940, p. 130).
10En bref, toujours d’après la même source, en 1930, un paysan chinois vivait une année avec 160 francs français de l’époque, un Coréen avec moins de 150 francs, un Tonkinois avec 160 à 180 francs — soit, en équivalents monétaires actuels, avec moins de 20 000 francs en 1958.
Enquêtes sur les niveaux de vie
11Des calculs plus sûrs peuvent être tentés dans les économies où, bien qu’il subsiste un important secteur d’autoconsommation paysanne, une certaine fraction de la population est employée à titre de salariés permanents ou épisodiques. Le fait que des ruraux déracinés endurent des souffrances inouïes dans les campements suburbains (bidonvilles) pour accéder à cette misérable condition de salarié permet d’évaluer par extrapolation la condition matérielle d’une partie importante de la société paysanne. Les enquêtes menées par M. P. Sebag et ses collaborateurs sur les salariés de la région de Tunis6 montrent qu’en milieu urbain d’économie non industrielle, il n’est pas rare de rencontrer des familles vivant avec un quotient individuel de ressources de 2 000 francs par mois et ne disposant que de 20 % de leurs misérables ressources pour se vêtir, se meubler, se nettoyer, se soigner, se distraire, 80 % du gain total étant consacrés à l’alimentation et au logement. Encore les auteurs de cette enquête observent-ils qu’aux taux des produits comestibles au lieu et au moment de l’enquête, il fallait 3 500 à 4 000 francs par mois au moins pour assurer à un individu adulte effectuant un travail léger le minimum alimentaire indispensable en quantité et en variété : 2 350 francs permettent d’absorber 2 400 calories, mais sans matières azotées ni fruits. Ils concluent :
« Compte tenu des prix pratiqués à Tunis au mois de juillet 1955,
1o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle, par unité de consommation, dépasse 4 000 francs, une alimentation normale — quantitativement et qualitativement — est théoriquement possible ;
2o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle, par unité de consommation, s’abaisse au-dessous de 4 000 francs, l’alimentation peut encore être suffisante, du point de vue quantitatif, mais non du point de vue qualitatif (malnutrition) ;
3o Toutes les fois que la dépense alimentaire mensuelle, par unité de consommation, s’abaisse au-dessous de 2 500 francs, l’alimentation ne peut même pas apporter la quantité d’énergie indispensable (dénutrition) » (Sebag et al., 1956, p. 46).
12L’habillement est acheté chez le fripier, le logement est un taudis ou une cabane dans un bidonville. La collecte de déchets et la mendicité peuvent fournir des appoints.
13Ici, il s’agit d’une situation sociale qui n’est pas celle de toute une population, mais d’une fraction d’une population. Dans la mesure où cette situation est enviée par des paysans pauvres et des paysans sans terre, on peut déduire que les niveaux de vie de ces catégories ne sont pas plus élevés. La notion de niveau de vie moyen n’a pas de sens concret à partir du moment où des différenciations tranchées sont observées entre les diverses fractions de la population. Elle ne peut servir qu’à des comparaisons entre pays. Encore doit-on lui préférer celle de répartition quantitative des effectifs de la population le long d’une échelle de valeurs s’étendant au-dessous et au-dessus de ce niveau de vie moyen. Si l’on prend comme point de départ un « minimum vital » tel que, dans son milieu habituel d’existence, la famille puisse se nourrir convenablement et suffisamment, se vêtir décemment, se loger proprement et dépasser la simple couverture des besoins matériels, ce qui importe, c’est de connaître le pourcentage de ceux qui dépassent ce minimum et celui de ceux qui ne l’atteignent pas. Or, le propre des sociétés sous-développées est de comporter une séparation radicalement tranchée entre une petite minorité qui se situe très loin au-dessus du niveau de vie moyen et une masse qui est au-dessous de la moyenne.
14Dans l’Inde, en 1956, plus de 90 % de la population ouvrière gagnaient moins de 200 roupies par mois, soit moins de 16 000 francs. Le quotient moyen de disponibilités individuelles est de l’ordre de 3 000 à 4 000 francs de 1958. Ici encore, compte tenu des prix des denrées et objets, on tombe au-dessous du minimum nécessaire, et l’ouvrier qui doit entretenir une famille avec un tel salaire — mal garanti contre le chômage chronique — doit consacrer les trois-quarts de son budget à l’alimentation, loge dans un bustee (bidonville), se couvre de haillons, ne peut faire aucune dépense d’hygiène ou de culture. Une enquête menée dans les taudis de Calcutta a révélé que 1,04 % des familles n’y avaient aucun revenu, 19,14 % 50 roupies par mois, 39,23 % entre 50 et 100 roupies par mois, 41,63 % plus de 100 roupies. Les revenus au-dessous du minimum vital sont largement le lot du plus grand nombre.
Quotients individuels du revenu national
15Mais seule l’enquête peut définir des ordres de grandeur. L’évaluation des ressources de la famille rurale ne peut reposer sur aucune donnée statistique valable. Si misérable que soit l’Union indienne, un revenu national publié de 8 000 milliards de francs, représentant un quotient individuel de l’ordre de 20 000 francs par an, ne tient compte que d’une partie de la production du pays et escamote la majeure partie de la production absorbée par les circuits de consommation domestique. Il n’en reste pas moins vrai que la majeure partie de la population ne mange pas à sa faim, supporte des carences alimentaires graves et ne dispose que de ressources infimes pour satisfaire ses autres besoins matériels. Mais est-il possible d’en conclure que la population est trop nombreuse pour l’assiette géographique qui la supporte ?
16Le calcul des revenus nationaux, pour imparfait qu’il soit, montre pour les pays industriels des disponibilités (réparties en équipement, en crédits de gestion et en produits de consommation et d’usage) d’un tout autre ordre que celles que l’on peut apprécier sans pouvoir les chiffrer dans les pays économiquement attardés. En 1956-1957, le quotient individuel du revenu national est de 800 000 francs aux États-Unis, de 320 000 francs en Angleterre et en France, de 100 000 francs en Italie, ce qui évoque une gamme déjà assez étendue de pays inégalement riches. Ces pays sont, d’autre part, ceux où les salaires journaliers moyens sont compris entre 1 200 et 5 000 francs (Italie-États-Unis) contre 150 à 600 francs dans les pays sous-développés (Inde-Mexique).
17Le problème majeur apparaît donc être plus un problème d’inégal développement technique et économique qu’un problème de surpeuplement posé a priori et sans distinction des bases économiques du peuplement.
II. Population et inégal développement technique et économique
18Les pays attardés techniquement et économiquement ne pouvant être convenablement définis par des critères numériques relatifs à leurs revenus, aux disponibilités individuelles d’existence, en raison de l’impossibilité des conversions de facteurs matériels d’existence en données chiffrées, il paraît sage de les caractériser par des quotients directement expressifs de leur sous-développement technique et économique, tels que quotients de consommation d’énergie mécanique, quotients de production d’acier ou de ciment. Par extrapolation, on admettra que les pays à quotients faibles dans ces domaines sont aussi des pays à niveaux de vie bas où le seuil de saturation du peuplement est rapidement atteint. L’expérience confirme d’ailleurs cette hypothèse de travail.
Quotients de consommation d’énergie mécanique
19La carte représentant la répartition géographique des quotients de consommation d’énergie mécanique (figure 19) fait apparaître une opposition radicale entre des pays consommant plus de 2 000 kWh par habitant et par an et des pays consommant moins de 1 000 kWh par habitant et par an. Dans la première catégorie, les taux les plus fréquemment représentés sont supérieurs à 5 000. Ils intéressent 185 millions d’hommes en Amérique du Nord, plus de 200 millions en Europe occidentale, 200 millions en Union soviétique, 14 millions en Union sud-africaine, soit plus de 600 millions. Avec des quotients légèrement inférieurs à ceux des pays précédemment cités, le Japon, l’Italie, l’Autriche, la Roumanie, l’Australie représentent un appoint de près de 200 millions : au total plus d’un quart de la population du globe.
Figure 19. Consommation moyenne d’énergie mécanique par habitant (en kWh par habitant et par an)

20Plus des deux tiers des habitants du monde disposent de moins de 2 000 kWh par habitant et par an, plus généralement de moins de 1 000 kWh. Il est possible de séparer deux ensembles. Le premier groupe des pays qui sont partiellement industrialisés ou qui ont entrepris leur industrialisation, en Amérique latine le Mexique, l’Argentine, le Pérou, le Chili, le Venezuela, la Colombie, en Europe l’Espagne, le Portugal, la Yougoslavie, la Bulgarie (150 millions d’individus intéressés). Les quotients pour ces pays sont compris entre 500 et 2 000 kWh. Un sort spécial doit être fait à la Chine dont le quotient est passé en dix ans de moins de 200 kWh par habitant et par an à près de 700 pour l’année 1957. L’ensemble de ces pays possède deux secteurs de vie encore nettement tranchés : un secteur rural intéressant la grosse majorité de la population et sous-développé, un secteur industriel et urbain, un système de transports qui absorbent la totalité de l’énergie mécanique consommée. L’image serait à rectifier pour la Chine en raison du caractère très décentralisé des processus d’industrialisation. Ensemble, les pays de cette catégorie ont environ 800 millions d’habitants, un peu plus d’un second quart de la population mondiale. Les conditions d’existence de la population peuvent être très différentes dans le secteur rural et dans le secteur urbain et industriel. Mais, même dans le secteur le plus favorisé, elles n’atteignent pas pour le plus grand nombre le niveau d’existence des pays totalement industrialisés. Des distinctions sont naturellement à faire, comme dans le cas des pays industriels, entre les États qui s’industrialisent en économie libérale et ceux qui construisent une économie socialiste.
21Le second ensemble, en Amérique latine environ 90 millions d’hommes, en Afrique 200 millions, en Asie méridionale environ 800 millions, n’est encore touché par les formes de travail industriel que dans quelques ports et dans quelques villes. Le quotient moyen est inférieur à 500 kWh par habitant et par an et, pour une grande partie de l’Afrique, inférieur à 100 kWh par habitant et par an. La présence de centres de production de pétrole, qui jouent un rôle fondamental dans l’économie du monde, n’influe que fort peu sur l’économie et le niveau de vie des populations, la quasi-totalité de la production étant exportée et les bénéfices financiers de l’opération n’ayant pas, jusqu’à présent, sensiblement modifié les conditions économiques générales. De même, les consommations du centre de l’Afrique et de la Rhodésie, liées exclusivement à l’exploitation des minerais métalliques, n’ont pas de signification pour le niveau de vie des populations, à l’exception de celles qui sont directement attachées à cette exploitation minière et industrielle.
Quotients de production du ciment et de l’acier
22La carte de répartition de la production du ciment est presque identique (figure 20). La production du ciment, expression du taux d’activité de la construction et des travaux publics, est un indice sûr de l’état de développement d’une économie et d’une société industrielles et des efforts d’équipement et de transformation. Il n’est donc nullement étonnant qu’elle coïncide spatialement avec la consommation de l’énergie mécanique. Du moins cette coïncidence est-elle une confirmation utile. Un premier groupe se définit numériquement par une production supérieure à 100 kg par habitant et par an. Il est, à peu de chose près, le même que celui de la consommation de plus de 2 000 kWh d’énergie mécanique. Un second correspond aux pays en cours d’industrialisation : plus de 10 kg par habitant et par an. Il diffère du groupe des consommateurs de plus de 500 kWh en englobant l’Inde et le Moyen-Orient. Les pays les plus déshérités au point de vue de la construction sont l’Asie du Sud-Est et l’Afrique intertropicale.
Figure 20. Production moyenne de ciment par habitant (en kg par habitant et par an)

23Contrastes du même ordre sur la carte de la production de l’acier (figure 21). Mais celle-ci présente des oppositions plus radicales entre le bloc des pays qui disposent de quotients supérieurs à 100 kg par habitant et par an, 800 millions d’individus, et celui de ceux dont le quotient est inférieur à 50 kg : le reste du monde, à quelques exceptions concernant moins de 50 millions d’hommes près. Deux groupes à l’intérieur de ce bloc des très petits producteurs : le premier est représenté par le Brésil et surtout par la Chine où s’édifie une sidérurgie originale à un rythme rapide. Le second rassemble la majeure partie de l’Amérique latine, la totalité de l’Afrique, sauf l’Union sud-africaine, l’Asie occidentale et méridionale tout entière.
Figure 21. Production moyenne d’acier par habitant (en kg par habitant et par an)

24En résumé, 800 millions d’hommes vivent dans des pays techniquement et économiquement développés, 800 autres millions dans des pays qui ont entrepris leur révolution industrielle et peuvent être désignés par le vocable de pays en cours de développement. Plus d’un milliard se trouvent encore en marge du grand mouvement d’industrialisation qui commence seulement à les effleurer, dans l’Asie du Sud-Est, dans l’Inde, en Afrique et en Amérique tropicale.
25La capacité d’entretien humain des divers types d’économie est évidemment très différente. Une même densité de population peut correspondre à un degré assez élevé d’aisance aux Pays-Bas, en Belgique, en Rhénanie, en Angleterre, et à une profonde détresse dans les plaines indiennes. Le nord-est du Brésil est menacé chroniquement par la famine avec 20 habitants au km2 ; les Pays-Bas supportent une densité de 336 habitants au km2 avec un niveau de vie de type européen. Les différences climatiques ne saurait suffire à expliquer une semblable opposition. Les notions de surpeuplement, de sous-peuplement, d’optimum de peuplement ne s’y appliquent pas aux mêmes ordres de grandeur. Suivant les conditions mêmes du devenir industriel, les philosophies et les politiques de la population diffèrent aussi, et souvent d’une manière très circonstancielle.
III. Appréciation des rapports circonstanciels
Impossibilité du calcul d’une densité économique
26Chaque pays, chaque région sont caractérisés à un moment donné par un rapport déterminé entre nombre d’habitants et support économique. Ce rapport, que l’on a désigné sous le nom de densité économique, est difficile à chiffrer, car les deux termes ne peuvent être objectivement exprimés numériquement. Remplacer une expression de surface par une valeur productive qu’on n’insère dans la surface considérée qu’au prix d’artifices discutables, présente des difficultés insurmontables dès que l’on quitte le domaine d’économies purement rurales et agricoles. Calculer le revenu local à l’échelle d’un canton ou même d’un arrondissement français est une abstraction et même un non-sens en raison des modalités de circulation des capitaux, de l’imbrication d’intérêts d’origines géographiques différentes et de la concentration des entreprises qui a pour résultat la migration des capitaux hors des lieux où ils ont été produits. Prétendre que seuls les habitants du même canton ou du même arrondissement vivent des produits des activités qui y sont domiciliées conduit à une autre abstraction, à la négation des caractères des systèmes économiques complexes. Comment, par ailleurs, tenir compte dans le calcul des revenus capitalisés et des investissements à long terme ? Le risque est grave d’aboutir à des formulations absurdes par définition, même dans des cas simples : la densité brute de population de la principauté de Koweït apparaîtra dérisoire par rapport à la masse des revenus fournis par le pétrole, mais il serait sans aucune signification de calculer une densité économique théorique. Les deux données que l’on compare, population et revenus, ne se situent absolument pas sur le même plan, en particulier parce que la population locale est en majeure partie inutile et étrangère à l’exploitation du pétrole. Pour la même raison, les conditions de vie et de peuplement dans les campagnes vénézuéliennes n’ont pas été modifiées sensiblement par l’accroissement prodigieux du revenu national.
Le problème de l’évaluation des besoins d’une population
27D’autre part, toute comparaison à l’échelle universelle est également impossible. En langage économique, en effet, un effectif de population doit pouvoir être converti en quantité de besoins. L’interprétation d’un rapport entre nombre d’habitants et somme de ressources n’est possible que si on attribue un coefficient de besoins ou de consommation au nombre d’habitants. Or, cette attribution est une opération toujours arbitraire. On ne peut déterminer que par une évaluation conventionnelle le taux de consommation et de besoins de chaque individu. La ration alimentaire équilibrée seule peut être scientifiquement établie, ce qui risque de faire limiter l’évaluation des besoins minimum à celle des seuls besoins alimentaires dans une économie non monétaire où elle ne pourra se faire qu’en termes également non monétaires tels que calories alimentaires et ventilation des vitamines et des éléments nutritifs entre les catégories d’aliments. En outre, dans les faits, dès qu’une société est tant soit peu différenciée, les habitudes et les obligations sociales conduisent à une hiérarchisation des besoins. Une moyenne, même correctement pondérée, devient plus une interprétation de la structure sociale qu’une véritable évaluation des besoins. Le problème est sans issue. À plus forte raison devient-il inextricable dans ses données mêmes, quand il s’agit de sociétés évoluées et très différenciées. La détermination d’un minimum vital procède d’un jugement de valeur toujours contesté. Et ce n’est qu’au prix d’un long travail d’analyse de la structure socio-professionnelle et de la composition sociale de la population que l’on peut déterminer les proportions d’ayant droit au minimum vital ou au minimum vital majoré de divers coefficients. Des essais peuvent et doivent être tentés. Ils n’ont qu’une valeur de travail d’approche. Et le travail nécessaire pour les généraliser de façon à pouvoir faire une cartographie mondiale de la densité économique est hors de proportion avec l’intérêt de résultats qui seront fortement contestables et qui ne peuvent avoir qu’une signification circonstancielle vite périmée.
Inégale efficacité productive des populations
28La limitation de la considération du problème des rapports entre population et ressources au seul aspect offre de produits d’usage et de consommation contre besoins est, de plus, fort restrictive, abusivement restrictive. Une population est non seulement une masse de consommateurs, mais c’est aussi et même avant tout une force de production variable suivant l’efficacité (ou l’efficience) individuelle propre à chaque catégorie de la population. Son potentiel productif dépend de son état sanitaire, de la régularité et de la qualité de son alimentation, de son niveau culturel, de sa formation professionnelle et technique, de son armature scientifique, de l’instrumentation dont elle dispose, des formes d’organisation qui lui sont propres. Ici apparaît un nouveau type de rapports entre population et ressources, fondé sur la capacité de la population à mobiliser le potentiel productif local. Avec une densité de deux personnes actives par kilomètre carré cultivable dans une économie agricole sous-développée, on enregistre une sous-exploitation de l’espace qui peut aller jusqu’à l’impossibilité pour une collectivité humaine trop peu nombreuse d’assurer sa subsistance et sa conservation. Avec la même densité, on obtient les revenus les plus élevés en Beauce par une occupation continue du sol dans le cadre d’exploitations rationnelles et solidement équipées en moyens mécaniques de travail. Dans le premier cas, on parlera de sous-peuplement, dans le second d’une manière d’optimum, avec le même effectif. M. R. Dumont7 a montré comment, dans les conditions actuelles de travail, le « farmer américain valait 50 naqhés8 tonkinois… » (Dumont, 1949, p. 327).
29L’estimation du degré de peuplement d’un pays repose donc sur la connaissance et l’appréciation d’une multitude de données que l’on ne saurait mettre en formules. Du moins certains critères externes permettent-ils de déceler des seuils quantitatifs : la famine, le chômage chronique, la présence des friches…
Caractères subjectifs et objectifs du surpeuplement
30La considération des diverses formes de la grande misère collective de foules humaines conduit à la conclusion élémentaire que les hommes sont trop nombreux : surpeuplement. Inversement, de vastes espaces dont les ressources reconnues restent inexploitées dans l’intervalle de rares points habités imposent l’opinion que la population n’est pas assez nombreuse : sous-peuplement. Ces notions simples s’appuient, d’autre part, sur des impressions subjectives de nombre : surabondance visible de population, entassement rural et urbain apparaissent comme l’image concrète du surpeuplement, tandis qu’un semi-désert suggère l’hypothèse du sous-peuplement avant même que l’on ait examiné s’il pouvait supporter ou non une population plus nombreuse.
31Positivement, on peut parler de surpeuplement quand le maximum de peuplement d’une région est dépassé, et, inversement, de sous-peuplement quand l’effectif de la population passe au-dessous du minimum. Mais cette formulation revient à déplacer la difficulté qui se trouve reportée sur la définition du maximum et du minimum. On entendra par maximum l’effectif qui ne peut être dépassé sans que les conditions d’existence antérieurement existantes soient mises en cause. Pour une collectivité vivant en économie naturelle et près du seuil d’entretien, le critère objectif, dont l’apparition signale que le maximum est dépassé, est la répétition annuelle des disettes de soudure et l’extension des famines au moindre accident réduisant d’un faible pourcentage les disponibilités alimentaires. C’est le cas actuel des provinces du nord-est du Brésil avec une densité moyenne faible ; ce fut, jusqu’à un passé très récent, celui de l’Inde et de la Chine avec, au contraire, des densités brutes élevées. C’est encore, périodiquement, celui de certaines provinces de l’Iran, de l’Indonésie.
32Un autre critère objectif dans une société rurale d’économie naturelle est l’accroissement du nombre des paysans sans terre, mendiants, vagabonds, solliciteurs de menues besognes dans les villes, faméliques populations des bidonvilles suburbains. Pour une collectivité d’économie différenciée à plus ou moins fort contingent de salariés, le critère objectif principal du surpeuplement est la présence permanente de chômeurs totaux ou partiels : situation réalisée dans l’Italie méridionale où l’administration distingue subtilement, en dehors des salariés à emploi permanent, des travailleurs habituels, des travailleurs occasionnels, des travailleurs exceptionnels et des travailleurs spéciaux. Les conséquences ne sont, ni apparemment ni immédiatement aussi dramatiques dans le cas d’un surpeuplement en économie naturelle et dans celui d’un surpeuplement en économie monétaire. Mais la misère constante des disoccupati de l’Italie du Sud engendre les mêmes carences que la disette africaine et, dans les deux cas, un déséquilibre économique est révélé. L’Afrique du Nord fournit un exemple mixte de dépassement du maximum en économie semi-naturelle, semi-monétaire. Deux critères objectifs apparaissent indiscutablement : l’accroissement du nombre des paysans déracinés et la permanence du chômage partiel ou total dans les villes. Le Brésil, qui a une économie plus complexe encore, présente les trois critères : disettes et famines à l’échelle régionale, présence d’une population flottante de paysans déracinés, chômage urbain.
Aspects du surpeuplement dans les pays industrialisés
33Dans les pays très industrialisés, le problème se pose autrement. Certes, la surcharge de population de certains États s’exprime par la difficulté chronique à résorber un chômage qui dépasse par ses proportions le chômage dit technique (correspondant à l’interruption de travail entre deux emplois, au retard à l’entrée des jeunes dans la profession, etc.). Ce cas est celui de l’Allemagne, particulièrement chargée par les reflux de populations allemandes originaires de l’Europe centrale et orientale. L’Italie tout entière souffre d’un chômage qui n’est pas seulement celui des populations rurales du Sud, mais aussi celui d’une partie des travailleurs industriels du Nord. Ce qui tient lieu ici de phénomène d’alarme à la place des famines des pays d’économie naturelle, c’est la crise périodique liée aux déphasages entre production et capacité de vente à laquelle les économistes de l’Europe occidentale et d’Amérique du Nord donnent le nom de crise cyclique ou, plus généralement aujourd’hui, de récession. Le phénomène a été étudié par A. Demangeon lors de la grande crise mondiale de 19309. Il ne fait pas de doute que la présence de 14 millions de chômeurs aux États-Unis, de plusieurs millions dans chacun des États industriels de l’Europe de l’Ouest ait souligné un déséquilibre grave entre le système économique et les besoins d’emploi et de salaires de la population. Il s’agit donc bien d’un fait de surpeuplement, mais typiquement circonstanciel. On sait qu’à cette époque la crise contraignait à la destruction de denrées vitales telles que blé, café, sucre, etc. parce que leur marché s’était brusquement rétréci. Le rapport entre les données est donc radicalement différent de celui qui caractérise le surpeuplement dans les pays d’économie naturelle. La disproportion n’est pas entre disponibilités de produits indispensables et besoins des populations, mais entre la capacité d’emploi et de vente de l’appareil économique d’une part, les besoins constants ou minimum des populations d’autre part. Dans le premier cas, il s’agit d’une crise de quantités, dans le second d’une crise de mécanismes économiques, qui s’accompagne au contraire de gaspillage de marchandises de première nécessité, parce que le système de répartition et de circulation monétaire est déréglé.
34L’objet de la présente étude n’est pas de discuter de la théorie d’inévitabilité des crises. Il apparaît cependant que, ni dans le cas d’un surpeuplement en économie naturelle, ni dans celui de crises en économie monétaire et industrielle, il n’est possible d’affirmer que l’on se trouve en présence de données inéluctables présentant un caractère de fatalité. Les famines sont normales dans une économie à faible pouvoir de production dès que le peuplement dépasse un certain taux. Seulement, la production des pays sous-développés peut être augmentée, et l’exploitation de richesses spécifiques permet, par amorçage d’un dispositif d’échanges, de faire entrer, dans les pays les moins doués pour assurer leur subsistance, des denrées venues de l’extérieur. Les crises sont liées à une certaine forme de mécanismes économiques et, soit par la transformation radicale de ces mécanismes, soit par des expédients de portée temporaire, on parvient à les supprimer ou à en réduire l’ampleur et la durée, quitte à engendrer de nouveaux processus économiques porteurs à leur tour de facteurs d’irrégularité. À l’échelle mondiale ou même à l’échelle d’un continent, il est impossible de concevoir un maximum absolu de population, tel que le surpeuplement apparaisse n’avoir d’autre issue que la disparition d’une fraction de la population.
Maximum absolu et maximum relatif
35Un maximum absolu se définit en effet comme un chiffre de population qui ne peut être dépassé sans que la situation d’une partie de la population soit marquée par de tels faits de carence que la dégénérescence et la surmortalité s’installent dans le groupe, sans qu’aucun remède ne puisse être apporté dans le délai d’une décennie ou d’une génération. Semblable situation est pratiquement inconcevable dans une économie d’échanges. On peut cependant en approcher dans certains cas d’isolement politique et économique plaçant une collectivité humaine en marge des systèmes d’échanges de marchandises ou de services qui pourraient lui permettre d’accroître ses disponibilités en regard de ses besoins. Le Japon, coupé de ses partenaires économiques traditionnels du continent asiatique, dont l’économie est reliée par un cordon ombilical d’une longueur démesurée à l’économie nord-américaine, soumise aux variations de la conjoncture internationale dans le Pacifique, largement tributaire des spéculations stratégiques américaines, est, bon gré mal gré, le meilleur exemple de cette situation dans le monde actuel.
36Dans la majeure partie des cas, le surpeuplement apparaît en fonction d’un maximum relatif qui est dépassé sans que les facteurs économiques intervenant dans la définition de ce maximum relatif aient changé. Suivant les formes de développement et d’organisation économique, le maximum relatif se définit par rapport à diverses données :
37a) Par rapport à l’étendue de l’espace agricole utilisable par les techniques et les modes de production en usage, alors que des réserves de terre exploitable demeurent inutilisées, ou sous-exploitées. Le surpeuplement peut, dans ce cas, procéder de deux séries différentes de données : ou bien la responsabilité de la situation incombe à une insuffisance du développement technique, à une incapacité de l’organisation économique et sociale, ce qui fut longtemps le cas en Chine et l’est encore pour une large part dans l’Inde ; ou bien la surcharge de régions stériles en lisière de terres fécondes délaissées est l’héritage de périodes révolues et, présentement, la conséquence d’une répartition disharmonieuse de la population : le déséquilibre du peuplement des montagnes dinariques et des plaines de la Save en Yougoslavie ; à une échelle plus réduite, l’accumulation de population sur des terroirs villageois aux terres usées, à côté des latifundia sous-exploités : situation des pays de structure foncière féodale avant la réforme agraire, dont il subsiste des séquelles en Afrique du Nord (biens Habous notamment) en Sicile, en Amérique latine, etc.
38b) Par rapport à l’étendue de l’espace agricole utilisable au prix d’une révolution technique, et de la réalisation de grands travaux. La pratique des amendements, de l’emploi d’engrais, la révolution fourragère, en un mot tous les éléments de la « révolution agricole » telle qu’elle a été définie en Europe occidentale sur la base des transformations réalisées depuis l’élan donné par les physiocrates au xviiie siècle, sont capables de relever considérablement le seuil du maximum. Tant que l’effort n’a pas été fait, on ne peut parler que de maximum relatif. Il appartient aux techniciens de définir les éléments de la révolution agricole en chaque domaine biogéographique du globe.
39L’ouverture de grands travaux, qui peuvent être le fait d’une technique hautement mécanisée ou être conduits par des foules de manœuvres faiblement outillés, déplace également le seuil du maximum. L’exemple chinois est suggestif à cet égard. L’Italie du Sud est aussi le lieu d’une modification profonde des conditions et des superficies de l’agriculture qui a sensiblement relevé le maximum régional de peuplement, sans résoudre totalement le problème du surpeuplement, les solutions exclusivement agricoles ne pouvant suffire.
40c) Par rapport aux ressources industrielles mobilisables : ressources minérales et énergétiques, potentiel de main-d’œuvre représenté précisément par les excédents de population de l’agriculture, y compris la valeur productive que représente la formation professionnelle et le développement culturel d’une population.
Rôle des échanges et des prélèvements de ressources
41Les données définies par rapport aux conditions intrinsèques d’une région au sens très large du terme peuvent être modifiées par la nature des échanges ou des prélèvements opérés de région à région : le seuil du maximum de population est élevé dans les pays qui ajoutent à leurs ressources propres celles qu’ils prélèvent dans d’autres pays ; inversement, il est abaissé dans les pays qui subissent ces prélèvements. La suppression de ces prélèvements crée de nouveaux rapports quantitatifs dans l’un et l’autre cas. La vente de services, l’exportation d’une valeur-travail, comme elles sont pratiquées par des pays comme la Grande-Bretagne, la Norvège et, de plus en plus, par l’Italie, peuvent, dans les faits, apporter les mêmes avantages que des prélèvements de ressources sur l’économie d’un autre pays. C’est en ce sens par exemple que l’aide technique aux pays en cours de développement entre dans la liste des conditions d’élévation du seuil de surpeuplement dans les pays industriels, aux lieux et places de l’exploitation coloniale du xixe siècle. Un Japon jouant le rôle de fournisseur de produits techniques, d’études et de brevets, de prototypes pour l’équipement de l’Asie continentale, verrait son seuil de surpeuplement sensiblement haussé par rapport à la situation actuelle.
Aspects sociaux du surpeuplement
42Le surpeuplement prend généralement les formes d’un phénomène social. En effet, quand le seuil du maximum des populations est dépassé, la réduction des disponibilités vitales n’atteint pas également tous les membres d’un même groupe humain, nation ou population d’un continent. Elle peut être spécifique d’un secteur de la production : une crise industrielle abaisse le revenu national, donc le quotient théorique individuel. Mais, en fait, le chômage et la misère sont le lot des travailleurs du secteur industriel ou d’une fraction de ce secteur industriel. Dans le même temps, la population rurale peut continuer à vivre aisément, même en face d’une crise de marché, si elle peut se refermer sur un système d’autoproduction qui la replace dans les conditions d’une économie naturelle de suffisance, voire d’abondance (avec les avantages qu’elle peut tirer de l’exploitation d’une situation de pénurie plus ou moins provoquée). Dans une économie et une société attardées, la différenciation sociale est toujours assez grande pour que le poids d’une disette ou d’une famine repose sur les catégories les plus déshéritées des paysans. C’est d’ailleurs dans ce fait d’expérience que repose la revendication agraire dans quelque pays que ce soit, la révolte contre les fermages et les impôts en période de pénurie. Cette observation devra être reprise en considération quand il sera question de l’inventaire des offres d’émigrants — provoquées par le surpeuplement régional — dans l’étude des migrations humaines.
Aspects du sous-peuplement
43Le sous-peuplement absolu est encore plus exceptionnel que le surpeuplement absolu. Il suppose la réduction de l’effectif d’une population isolée au-dessous du nombre permettant, soit le renouvellement normal des générations (minimum biologique ou isolat), soit la production de denrées indispensables à l’existence du groupe. La notion d’effectif n’est d’ailleurs pas seule en cause, mais aussi la composition par sexes et par âges de la population.
44Mais des minima relatifs peuvent être définis par rapport aux besoins de population pour mettre en exploitation rationnelle, dans le contexte de techniques et d’aptitudes productive du milieu, l’espace disponible. Le sous-peuplement absolu met en cause l’existence du groupe, le sous-peuplement relatif n’a pour conséquence qu’une insuffisance d’utilisation des ressources locales. Le premier cas est exceptionnellement celui d’archipels ou d’îles isolées (îles Andaman par exemple) de groupes arctiques, encore que ceux-ci soient de moins en moins exposés à l’isolement du fait de la pénétration du grand Nord par les techniques modernes, et sous la forme de chute de l’effectif au-dessous des chiffres correspondant à un entretien de la productivité du milieu naturel, dans certaines régions de haute montagne ou de domaines considérés à un moment donné comme pauvres et, de ce fait, désertés. Le cas des régions de dépeuplement excessif en France même a été particulièrement étudié10. Le sous-peuplement relatif est beaucoup plus délicat à définir. On sait que diverses thèses ont été avancées à propos du peuplement rationnel de la France, allant de 25 millions à 75 millions… Plus certainement, le continent africain est, sauf quelques domaines de forte concentration du peuplement en Nigéria, dans le nord du Cameroun et du Togo et en Afrique orientale, et naturellement dans l’ensemble de l’Afrique du Nord, fortement sous-peuplé. Toute entreprise d’industrialisation rencontre des difficultés de recrutement de main-d’œuvre, doit s’accompagner d’une politique systématique d’attraction, de fixation et d’accroissement de la population. Mais l’évaluation du degré de sous-peuplement relatif est, par définition, en relation directe avec les hypothèses de création de ressources et d’emploi de force de travail appliquées à chaque région. Elle sort donc du domaine des notions générales pour entrer dans celui de la planification régionale.
Optimum de population
45Rechercher l’optimum de population d’une région, c’est essayer de « déterminer, pour une humanité grandissante, le point à partir duquel les inconvénients qui résultent de la densité l’emporteront sur les avantages qui résultent de l’état de croissance… » (E. Dupréel, cité par M. L. Buquet11). Malgré l’intention de définir l’optimum de population par rapport à une dynamique de la population et de l’économie, les chiffres ne peuvent s’appliquer qu’à des rapports circonstanciels. M. A. Sauvy a écrit12 que définir l’optimum de population d’un pays ne signifiait pas que l’on prononçait une condamnation sans rémission à l’égard des excédents dépassant le chiffre de cet optimum. Du moins cette définition implique-t-elle une prise de position sur le volume des besoins de chaque habitant. Il s’agit de déterminer, par rapport au niveau de vie moyen actuel ou par rapport au niveau de vie des diverses catégories sociales, un niveau de vie de référence qui, rapporté aux ressources du pays, donne la mesure de sa capacité d’entretien de population. Le choix de ce niveau de référence est un acte politique, beaucoup plus que la conclusion d’un raisonnement scientifique strict, encore que cet acte politique puisse avoir de solides fondements scientifiques. Ceci signifie qu’il ne saurait être question, dans une étude comme celle-ci, de dresser une carte des populations optima des divers pays du globe. L’optimum peut être relatif ou perspectif, mais il est toujours régional ou national. Il est relatif quand il est calculé par rapport à des conditions déterminées de production et de distribution de ressources actuellement réalisées. Il est perspectif quand il fait état de planification de l’économie, ou d’une politique de la population. Il se définit alors par des chiffres successifs correspondant chacun à une étape du développement économique ou de l’évolution provoquée des effectifs de population.
46Il n’est pas inutile de remarquer que le calcul d’un optimum de population suppose au préalable le choix de certaines hypothèses, qui ont, comme l’ensemble du calcul, un caractère politique. La première de ces hypothèses admet la conservation stricte de la structure sociale existante : les besoins de chaque catégorie sociale seront alors définis en fonction du niveau moyen de consommation et des effectifs de la catégorie. Mais on peut concevoir l’application du calcul dans un contexte de révolution ou d’évolution économique et sociale comportant une modification des rapports numériques des classes sociales, de la répartition des biens d’usage et de consommation entre elles. Enfin, selon la position prise à l’égard du devenir économique, les besoins de main-d’œuvre seront évalués différemment : une population trop nombreuse pour les ressources dont elle dispose peut être insuffisamment nombreuse pour en dégager de nouvelles… On est conduit ainsi irrésistiblement à passer du statique au perspectif, à envisager les diverses formes de prévision et, dans la mesure où un choix est nécessaire, au seuil des problèmes d’action, c’est-à-dire de politique.
IV. Prévision démographique et prévision économique
Mise en phase des rythmes démographiques et des rythmes économiques
47Il est impossible de séparer l’étude des rapports statiques entre économie et population de celle des perspectives pour la raison fondamentale qu’il ne s’agit pas de décider si l’on transformera ou non un état en mouvement, mais il faut appliquer le raisonnement à l’action, à des données qui sont les unes et les autres en mouvement.
48La pression démographique résultant de l’accroissement naturel a été étudiée dans un autre chapitre. On rappellera seulement qu’il a été signalé que tous les pays économiquement attardés pour lesquels le problème du dégagement rapide de ressources nouvelles est difficile à résoudre, ont des accroissements naturels compris entre 1,5 % et 2 % ou même 2,5 % par an. Ces pays rassemblent, d’autre part, beaucoup plus de la moitié de la population du monde : 220 millions d’Africains, 200 millions d’Américains, du Mexique à la Terre de Feu, 1,5 milliard d’Asiatiques, sans exclure quelques dizaines de millions d’Européens, méditerranéens surtout.
49Mais certains pays avancés ne voient pas sans inquiétude leur population croître, sans avoir la certitude de pouvoir assurer le parallélisme des rythmes d’expansion économique et de développement démographique. À brève échéance, quelques-uns d’entre eux ont même la certitude que l’accroissement démographique signifie recul du niveau de vie : Japon. D’autres, au contraire, estiment que la conquête de nouvelles sources de production, la mise en œuvre de techniques nouvelles, une meilleure utilisation de l’espace national requièrent des générations plus nombreuses dans le proche avenir : URSS. Le cas de la Chine a été diversement interprété, et la politique chinoise de la population est multiforme.
50Les deux éléments de tout raisonnement valable en la matière sont la connaissance de la prévision démographique et celle de la prévision économique. Les études de démographie quantitative permettent de déterminer avec une précision suffisante les effectifs d’une population et, à l’intérieur de ceux-ci, le nombre d’actifs et d’inactifs à échéance de 5, 10, 20 ou 30 ans, dans l’hypothèse d’une certaine constance du comportement démographique. D’autre part, il est possible de prévoir, en considération de la structure économique et professionnelle d’un pays, de l’application des techniques nouvelles et des méthodes d’accroissement de la productivité, le nombre d’emploi aux diverses échéances du proche avenir. Le revenu national peut lui aussi être calculé à titre prévisionnel, sous réserve des surprises que peuvent apporter les variations de la conjoncture, les incidences des rapports internationaux, les découvertes scientifiques et leurs applications techniques. On peut donc parfaitement, en possession des deux séries de données, savoir si en 1965 ou en 1970 le rapport entre besoins d’une population et capacité d’offre de l’économie correspondante sera le même qu’aujourd’hui, plus favorable ou moins favorable.
51Si l’évolution telle qu’elle est dessinée aboutit à un recul social, on peut être conduit à choisir entre deux solutions : exercer une action restrictive de l’accroissement démographique, ou accélérer l’expansion économique. En fait, le plus souvent, il convient de recourir aux deux solutions au moins à court terme, quelle que soit la position philosophique qui soit retenue à l’égard de l’action d’une collectivité sur ses propres rythmes de développement quantitatif : en effet, l’action économique ne peut engendrer de résultats qu’à moyen terme quand la pression démographique est présente et apporte chaque année un contingent accru de consommateurs dont le nombre, en période d’expansion démographique, croît plus vite que celui des producteurs. Pour la commodité de l’analyse, il est préférable de séparer les deux problèmes.
52Celui de la réduction du nombre des naissances est un problème de propagande, d’éducation et de diffusion de matériel contraceptif s’insérant dans un contexte législatif et juridique qui s’étend jusqu’à la définition des conditions légitimes de l’avortement. Sur le plan pratique, il interfère avec celui du développement social et culturel des diverses couches de la population, puisque le succès des mesures appliquées dépend de la réceptivité des masses les plus nombreuses à leur égard. Il est plus facile d’appliquer une politique de réduction de l’accroissement de la population dans un pays comme le Japon, à civilisation matérielle et culturelle avancée, à fort développement urbain, que dans l’Union indienne. À plus forte raison, dans les pays qui ont réalisé depuis longtemps leur révolution industrielle, la réduction des naissances n’est plus une question de gouvernement ; elle est devenue une question de morale sociale, et, au contraire, les politiques collectives peuvent être engagées en sens inverse si les coutumes sociales ont pour effet un ralentissement trop marqué des rythmes de renouvellement des générations. Dans les deux cas, il s’agit d’intervenir pour corriger les effets économiques de l’augmentation du nombre de personnes sur la famille. Dans le premier, on aide la famille à alléger ses charges en réduisant le nombre de ses enfants et l’on diminue en même temps les obligations de la collectivité et les tâches du développement économique. Dans le second, on lui accorde des subventions et des dégrèvements de charges en fonction de l’accroissement du nombre des enfants, pour provoquer une reprise de la natalité (France depuis 1937).
Le coût de l’accroissement démographique
53Quand la prévision économique doit s’inspirer directement des nécessités d’assurer le maintien du plein-emploi et du niveau de vie, ou, qui plus est, l’amélioration des conditions d’existence de populations déjà altérées par le surpeuplement, une des considérations fondamentales est celle du coût d’accroissement démographique. Les différents calculs effectués à cet objet ont été rassemblés par M. L. Buquet13 et par M. L. Tabah14. M. L. Buquet a regroupé des évaluations allemandes, anglaises et américaines. En Allemagne, pour deux époques légèrement différentes en regard du degré de développement de l’économie allemande et de la conjoncture, les estimations de Wagemann (1913) et de Burgdörfer (1930) varient de 1 à un peu plus de 1,5. En 1913, Wagemann considère qu’un accroissement de 1 % par an de la population ne peut être toléré sans incidence sur le niveau de vie moyen que si 6,5 % à 8 % du revenu national annuel sont consacrés à la préparation de l’incorporation dans l’effectif national de la population supplémentaire. En 1930, dans un pays plus puissamment équipé, malgré les crises de l’après-guerre, Burgdörfer pense pouvoir abaisser ce taux à 5 %. Les calculs anglais pour la fin du xixe siècle coïncident avec ceux de Wagemann (6 % à 8,5 %). Par contre, aux États-Unis, où le suréquipement atteint après la Première Guerre mondiale assure l’existence d’infrastructures capables de supporter une population plus nombreuse, et où le revenu national est exceptionnellement élevé en raison de la situation de banquier du monde tenue par l’Amérique du Nord, le prélèvement destiné à assurer la stabilité du revenu moyen en considération d’un accroissement démographique annuel de 1 % est de 2 % à 3 % seulement. M. L. Buquet reproduit une échelle établie par Lopin, mettant en parallèle les courbes d’accroissement de population et des investissements :

54Les chiffres établis par M. Tabah, dans Le tiers-monde, pour les pays sous-développés, sont du même ordre de grandeur. Le niveau de vie moyen à maintenir est très bas, mais le revenu national est lui aussi fort maigre. Il est donc normal que les pourcentages soient de même valeur numérique : 12 % à 22 % pour un accroissement annuel de 2 % à 2,5 % (Amérique du Sud, Amérique centrale, Afrique du Nord, Asie du Sud-Ouest…). Mais le maximum de population étant souvent déjà dépassé dans ces pays, en considération de leur capacité actuelle de production et de distribution, il apparaît nécessaire non seulement d’augmenter l’efficacité de l’économie selon le rythme de l’accroissement naturel, mais d’accélérer l’évolution de l’économie à un rythme plus rapide que celui de l’augmentation de population. On arrive alors à des chiffres qui appellent des considérations très importantes. En effet, M. Tabah montre qu’un accroissement annuel de 2 % de la consommation par tête, dans un pays où le revenu annuel par tête est inférieur à 100 dollars (35 000 frs), correspond à un doublement de la consommation individuelle en trente-cinq ans et, dans la conjoncture démographique des pays à haute fécondité, atteint plus de 30 % du revenu national pendant les vingt-cinq premières années.
Problème du financement extérieur
55Or, l’expérience, tant dans les pays d’économie libérale que dans les pays d’économie socialiste, a montré que prélever 30 % du revenu national pour les investissements est une opération périlleuse, impliquant dans l’immédiat une restriction sévère de la distribution et un abaissement du niveau de vie. Cette compression peut être masquée momentanément par l’imposition exceptionnelle des revenus d’une classe sociale privilégiée, de telle sorte que l’abaissement du revenu moyen annuel individuel ne se répercute pas sur le revenu moyen annuel de l’immense majorité de la population. Semblable opération implique une révolution sociale. En fait, il s’agit plutôt d’une récupération de revenus antérieurement accumulés que d’une ressource permanente, du fait même des conséquences de son caractère révolutionnaire. C’est pourquoi elle ne peut présenter qu’un aspect de coup de fouet, d’expédient circonstanciel et de procédure de démarrage d’une nouvelle phase de développement économique. La mobilisation de ressources jusque-là inexploitées, vente de produits bruts, minerais métalliques ou pétrole, peut jouer en pays sous-développé le rôle dévolu à la valorisation des qualités créatrices d’une main-d’œuvre spécialisée et de la technicité d’une production en pays développé, en attirant dans le circuit financier national des capitaux étrangers. Mais il est difficile d’éluder le problème des crédits extérieurs et de l’aide technique, encore qu’il se pose très différemment selon l’étendue, les richesses naturelles, l’épargne mobilisable du pays intéressé, de même qu’il est appelé à être résolu différemment suivant les conjonctures et les structures politiques et économiques.
Il faudrait 700 milliards d’investissements démographiques annuels en France
56Un pays comme la France doit déjà tenir le plus grand compte des besoins d’investissement imposés par son accroissement démographique : constructions scolaires et universitaires, construction de dispensaires, de crèches et d’hôpitaux, construction de logements, création de nouvelles entreprises, développement des activités productives et, à titre de corollaire, des activités de service offrant un nombre de nouveaux emplois équivalent à celui des demandes de travail des nouvelles classes arrivant à l’âge adulte. Il lui faudrait depuis plusieurs années déjà y consacrer un vingtième du revenu national, environ 700 milliards par an. Sinon, l’accroissement de population résultant de la reprise des naissances depuis 1945 aura pour effet, à partir de 1965, un engorgement du marché du travail et un abaissement du niveau de vie moyen.
Un pool de l’investissement démographique pour les pays sous-développés ?
57Dans les pays sous-développés à taux de fécondité élevé, le problème appelle un examen particulièrement attentif. Trois solutions économiques apparaissent possibles : la création de ressources nouvelles destinées en partie à l’exportation et permettant d’acquérir des services, du matériel de production, ou même des produits d’usage et de consommation de la part d’économies plus avancées ; l’organisation de vastes fédérations de pays sous-développés, mettant en commun des ressources complémentaires susceptibles de faciliter la « révolution économique » dans chacun d’eux ; le recours à des crédits à long terme et à des fournitures de matériel de production, à l’octroi de services techniques de la part des pays industrialisés. Si l’on ajoute que le développement de ces pays industriels, ne serait-ce que pour répondre à l’appel de l’accroissement de leur population, ont besoin de recourir à certaines matières premières dont les pays sous-développés sont les détenteurs, on voit la complexité du problème. Les pays sous-développés peuvent trouver le moyen de transformer leur économie et d’échapper au drame dont les menace l’accroissement de leur population dans une économie stagnante en cédant une partie de leurs ressources brutes : minerais, combustibles liquides, énergie hydraulique ou solaire… Si de semblables accords de cession ne s’effectuaient pas, les économies industrielles seraient menacées d’asphyxie et ne pourraient plus à leur tour supporter leurs accroissements démographiques, si minimes soient-ils. Mais l’exemple des pays du Moyen-Orient montre que la vente de richesses fabuleuses et l’accumulation de capitaux ne suffit pas à résoudre le problème. Celui-ci n’est pas seulement économique en effet : il est aussi social et politique et, de ce fait, sort du domaine de cette étude.
Notes de bas de page
1 FAO désigne communément l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization).
2 M. Cepede et M. Lengelle, Économie alimentaire du globe, Paris, Ėditions de Médicis, 1953, 654 p.
3 Loc. cit., p. 192.
4 Ibid., p. 195.
5 P. Gourou, La terre et l’homme en Extrême-Orient, Paris, Armand Colin, 1940.
6 P. Sebag et al., Enquête sur les salariés de la région de Tunis, Tunis, Institut des Hautes études, Paris, Presses universitaires de France, 1956, 80 p.
7 R. Dumont, Les leçons de l’Agriculture américaine, Paris, Flammarion, 1949.
8 Paysans.
9 A. Demangeon, « La question du surpeuplement », Annales de Géographie, 47(266), 1938, p. 113-127 et A. Demangeon, Problèmes de géographie humaine, Paris, Armand Colin, 1952, p. 35-51.
10 A. Sauvy et al., Dépeuplement rural et peuplement rationnel, Paris, Ined, coll. « Travaux et documents », cahier no 8, 1949, 108 p.
11 L. Buquet, L’optimum de peuplement, Paris, Presses universitaires de France, 1956, 308 p.
12 A. Sauvy, Théorie générale de la population, Paris, Presses universitaires de France, 1952.
13 L. Buquet, L’optimum de peuplement, Paris, Presses universitaires de France, 1956, p. 235 et suivantes.
14 L. Tabah, Le tiers-monde, Paris, Ined, coll. « Travaux et documents », cahier no 27, 1956, 393 p., sp., p. 227 et suivantes.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Essai sur le principe de population suivi de Une vue sommaire du principe de population
Nouvelle édition critique enrichie
Thomas Robert Malthus Jean-Marc Rohrbasser et Jacques Véron (éd.) Éric Vilquin (trad.)
2017
Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine
Addition à l'Essai (1760)
Antoine Deparcieux Cem Behar (éd.)
2003
Naissance des sciences de la population
Pehr Wargentin Nathalie Le Bouteillec et Jean-Marc Rohrbasser (éd.)
2017
Éléments de statistique humaine ou démographie comparée (1855)
Achille Guillard Jacques Véron et Jean-Marc Rohrbasser (éd.)
2013